Séance en hémicycle du jeudi 29 juin 2023 à 9h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance est ouverte à neuf heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du grand-duché de Luxembourg au protocole d'accord du 20 mars 2018 relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers et à la convention du 23 octobre 2020 relative au financement d'aménagements visant à renforcer la desserte ferroviaire et favoriser les mobilités durables (1183, 1354).

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La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux.

Debut de section - Permalien
Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux

Si je suis devant vous aujourd'hui, c'est pour vous présenter le projet de loi visant à autoriser la ratification de l'avenant aux accords du 20 mars 2018 et du 23 octobre 2020. Cet avenant permet de renforcer notre coopération en matière de transports transfrontaliers. La coopération transfrontalière entre la France et le Luxembourg est un volet essentiel et structurant de nos relations bilatérales, afin de soutenir le dynamisme économique de la région et de faciliter le quotidien des travailleurs frontaliers.

Nous avions signé un premier accord dès 2018, alors que 90 000 travailleurs frontaliers traversaient chaque jour la frontière par la route ou le rail. Afin d'augmenter la capacité des lignes ferroviaires et de promouvoir une mobilité plus durable entre les deux pays, nous nous étions accordés sur le cofinancement d'infrastructures de transports collectifs. Nous avons ainsi choisi, avec notre voisin luxembourgeois, d'inscrire nos actions dans une logique de codéveloppement et de cofinancement.

Depuis, la situation a évolué. Désormais, 120 000 Français traversent la frontière chaque jour et ce nombre, en constante augmentation, pourrait doubler à l'horizon 2050. En dépit des projets déjà engagés sur la base du protocole de 2018, la région transfrontalière est confrontée à l'intensification des flux et à la saturation régulière des axes routiers et ferroviaires. Cette situation est difficile à vivre pour les travailleurs frontaliers et augmente l'impact environnemental du transport routier, directement responsable d'une part importante des émissions de particules fines et d'oxyde d'azote. Dans ce contexte, il est essentiel de poursuivre le renforcement de la coopération franco-luxembourgeoise.

C'est pourquoi, lors de la réunion de la Commission intergouvernementale en 2021, nous nous sommes engagés, de concert avec les autorités luxembourgeoises, à augmenter à hauteur de 110 millions d'euros nos contributions respectives à l'enveloppe globale dédiée à la mobilité. Très concrètement, ces nouveaux investissements permettront d'étendre les travaux ferroviaires déjà engagés sur la voie entre Metz et Luxembourg dans le cadre de l'accord de 2018. Cela se fera notamment en construisant près de Metz un centre de maintenance destiné aux nouvelles rames de TER – transport express régional – commandées par la région Grand Est et nécessaires pour renforcer l'offre de transport collectif aux heures de pointe.

Les travaux prévus par le protocole de 2018 et son avenant de 2021 permettront de passer, sur la voie reliant Metz à Luxembourg, de 8 000 places assises par jour et par sens lors des périodes de pointe, à 22 000 places assises à l'horizon 2028-2030. Les mesures prises conjointement avec le Luxembourg permettront d'améliorer la qualité de vie de nos concitoyens frontaliers, en offrant d'autres solutions de mobilité que l'usage encore trop répandu de la voiture individuelle. Les travaux ainsi financés permettront en effet d'accroître les capacités des infrastructures de transport collectif et de réduire la saturation des voies d'accès routier vers le Luxembourg.

Enfin, ces projets sont cohérents avec nos engagements environnementaux, qui sont également au cœur des préoccupations de nos concitoyens où qu'ils se trouvent. En effet, en mettant l'accent sur le développement des transports collectifs, cet avenant permettra de promouvoir une mobilité plus durable entre nos deux pays, qui soit à la hauteur des enjeux climatiques.

Telles sont, mesdames et messieurs les députés, les principales observations qu'appelle cet avenant.

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La parole est à M. Philippe Guillemard, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

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L'Assemblée est saisie du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant entre les gouvernements français et luxembourgeois au protocole d'accord du 20 mars 2018 relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers, et à la convention du 23 octobre 2020 relative au financement d'aménagements visant à renforcer la desserte ferroviaire et favoriser les mobilités durables.

Lors de la signature du protocole d'accord initial en 2018, plus de 90 000 travailleurs frontaliers empruntaient chaque jour la liaison Metz-Thionville-Luxembourg par voie routière ou ferroviaire. Ce chiffre est désormais proche de 120 000 et pourrait doubler d'ici à 2050. En raison de l'importance de ces flux, les axes routiers transfrontaliers sont fortement sollicités et souffrent régulièrement de congestion aux heures de pointe. La situation est particulièrement critique au nord de Metz, où 105 000 véhicules passent chaque jour. Cette forte affluence est notamment due à l'engorgement initial de l'axe reliant Metz à Nancy, qui constitue un point de convergence des axes routiers traversant les villes de Saint-Dizier, Épinal et Lunéville. Cette situation contribue à accentuer l'impact environnemental de l'axe routier, responsable d'émissions importantes de particules fines et d'oxyde d'azote.

En ce qui concerne le trafic ferroviaire, l'axe reliant Nancy, Metz, Thionville et le Luxembourg est actuellement proche de la saturation alors qu'en 2019, les tramways et les trains roulant sur la section Thionville-Luxembourg n'étaient remplis qu'entre 50 et 70 % aux heures de pointe.

Dans ce contexte, il paraît essentiel de poursuivre le renforcement de la coopération franco-luxembourgeoise en la matière afin de réduire les fortes nuisances qu'engendre cette situation pour nos concitoyens. C'est l'objectif de l'avenant soumis à notre examen. Signé le 19 octobre 2021, il prolonge les ambitions du protocole d'accord initial, à savoir la réduction de la congestion, la préparation à l'augmentation des déplacements des travailleurs transfrontaliers et le développement de mobilités plus durables. Cet avenant, composé de trois articles, vise principalement à intensifier les efforts des parties en augmentant leurs contributions respectives en faveur d'investissements dans le domaine ferroviaire.

Avant d'en analyser les implications, il convient d'examiner en premier lieu la genèse, les objectifs et les modalités de financement du protocole d'accord initial.

Afin de tenir compte des enjeux liés à la fluidité des déplacements de personnes et de marchandises entre la France et le Luxembourg, les deux États ont signé, le 20 mars 2018, un protocole d'accord visant à mettre en œuvre une politique de transport commune pour les déplacements transfrontaliers entre la région Grand Est et le grand-duché de Luxembourg. Ce texte se concentre principalement sur la réalisation d'aménagements visant à accroître la capacité de l'axe ferroviaire entre la Lorraine et le Luxembourg. Il repose aussi sur une approche multimodale en incluant notamment la création de parcs relais et de plateformes de covoiturage.

En ce qui concerne les aménagements ferroviaires, le protocole d'accord de 2018 fixe deux horizons temporels comprenant un premier palier, pour la période 2022-2024, qui prévoit une augmentation capacitaire du matériel roulant. À ce jour, les quais de la moitié des huit gares concernées ont été allongés et les derniers travaux sont prévus pour la fin de l'année 2023. Le second palier, pour la période 2028-2030, prévoit une augmentation significative du nombre de trains circulant sur la ligne.

S'agissant du financement de l'ensemble de ces aménagements, les contributions respectives de la partie française et de la partie luxembourgeoise étaient initialement définies selon le principe de la parité. Chacune des parties s'engageait à hauteur de 120 millions d'euros, dont 10 millions d'euros pour promouvoir une politique de mobilité durable incluant le covoiturage et les services routiers de transport en commun.

Le protocole d'accord initial de 2018 prévoyait donc une enveloppe financière franco-luxembourgeoise maximale de 240 millions d'euros, principalement dédiée au volet ferroviaire. Par ailleurs, le couloir de transport reliant Nancy, Metz, Thionville et le Luxembourg faisant partie du réseau central du Réseau transeuropéen de transport (RTE-T), des subventions européennes au titre du mécanisme d'interconnexion pour l'Europe pourraient réduire le montant des investissements des deux parties dans les liaisons ferroviaires transfrontalières.

Ensuite, l'avenant qui nous est soumis s'inscrit dans la continuité de l'objectif initial d'amélioration des conditions de mobilité telles qu'énoncées dans le protocole d'accord de 2018, en réduisant la congestion routière, en améliorant la régularité et en augmentant l'offre de services ferroviaires.

À l'issue de la rencontre, du 1er juin 2021, entre le Premier ministre français et le premier ministre luxembourgeois, ce dernier a annoncé une nouvelle contribution financière maximale de 110 millions d'euros du grand-duché pour les infrastructures ferroviaires d'intérêt commun à la France et au Luxembourg. Cette contribution supplémentaire luxembourgeoise s'accompagne d'une contribution française équivalente. Ainsi, l'engagement financier de nos deux pays dans le domaine ferroviaire passe de 110 millions d'euros à un montant maximal de 220 millions chacun. La part consacrée au domaine routier reste inchangée et s'élève à 10 millions d'euros pour chaque partie.

L'avenant vise donc à modifier le protocole d'accord initial ainsi que sa convention d'application pour ce qui concerne le seul réseau ferroviaire. Il complète utilement le programme d'investissements de départ par des aménagements supplémentaires à la suite des études de faisabilité pour l'horizon 2028-2030. Ces aménagements, qui visent à améliorer la liaison ferroviaire entre Metz-Thionville et le Luxembourg, consistent notamment à construire un centre de maintenance dans la métropole de Metz et à le raccorder au réseau afin de remédier à la saturation du centre existant et d'assurer la maintenance du nouveau matériel récemment acquis par la région. Parmi les autres aménagements figurent l'automatisation ou la semi-automatisation de la conduite des trains et la mise en place d'un système de communication associé. L'objectif est d'améliorer la liaison ferroviaire en fluidifiant les circulations. Soulignons toutefois que la mise en œuvre de ces derniers aménagements dépendra de la confirmation de leur intérêt par des études d'opportunité.

Les crédits supplémentaires prévus par cet avenant, qui doublent les engagements pris en 2018 dans le domaine ferroviaire, ne sont pas entièrement alloués à des projets spécifiques, mais ils représentent plutôt une « réserve » ou un « champ des possibles », comme l'ont expliqué les personnes auditionnées. Ces crédits seront progressivement mobilisés d'ici à 2030 en fonction des résultats des études menées par les différents groupes de travail.

En conclusion, je tiens à saluer l'engagement de la France et du Luxembourg, qui font l'un et l'autre partie de l'Alliance pour la décarbonation des transports et qui ont choisi d'œuvrer de concert pour améliorer concrètement le quotidien des usagers des différents axes transfrontaliers et, ainsi, relever les défis environnementaux et résoudre les problèmes de qualité de vie liés à la situation actuelle.

L'avenant du 19 octobre 2021 consolide la coopération bilatérale franco-luxembourgeoise en la matière, en augmentant significativement les contributions des deux pays en faveur d'investissements dans le domaine ferroviaire. Le 14 juin dernier, ces avancées ont été approuvées par la commission des affaires étrangères à une très large majorité. Par conséquent, une ratification rapide de la France devrait constituer un signal particulièrement positif en direction de nos concitoyens qui empruntent quotidiennement ces différents axes de communication entre la France et le Luxembourg. C'est pourquoi je vous invite à voter sans réserve en faveur de la ratification de cet avenant.

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L'avenant dont nous sommes saisis part du constat suivant : les liaisons terrestres entre la région Grand Est et le Luxembourg connaissent une forte croissance. En 2022, plus de 114 000 résidents français se rendaient chaque jour au Luxembourg pour y travailler en empruntant la liaison routière ou ferroviaire Metz-Luxembourg. En 2030, leur nombre pourrait être proche de 135 000. La situation est devenue particulièrement critique au nord de Metz, où passent 105 000 véhicules par jour, ce qui congestionne fortement l'axe Metz-Nancy.

À l'heure actuelle, tout semble être fait pour détourner les usagers des transports ferroviaires. Comme les parkings, en plus d'être payants, sont trop chers, les usagers n'ont pas d'autre possibilité que de prendre la voiture et de subir deux heures de bouchon le matin et le soir. À Hayange, en Moselle, à 20 kilomètres de la frontière luxembourgeoise, seulement trois trains circulent chaque jour vers le Luxembourg, qui plus est à des horaires déconnectés des réalités vécues par les frontaliers. Les trains n'arrivent pas à l'heure et parfois pas du tout. Enfin, de plus en plus de lignes ferment. Voilà où nous mène le désinvestissement de l'État sur le réseau ferré : nous en payons tous les jours les conséquences dans le Grand Est. De l'autre côté de la frontière, le Luxembourg améliore le réseau autoroutier et finance de nombreux investissements, notamment pour mettre en place des parkings gratuits aux abords des gares. Il a même rendu les transports en commun totalement gratuits.

Nous le savons, les projets liés aux transports transfrontaliers sont de véritables serpents de mer. Le Rassemblement national le constate depuis des années au conseil régional du Grand Est. Nous en avons une parfaite illustration avec le projet de construction de l'autoroute A31 bis, autoroute à péage nécessitant un investissement de près de 1 milliard d'euros à la charge unique de la France et des futurs usagers. On voit mal comment cette autoroute pourrait résoudre les problèmes sur les principaux axes alors qu'elle entamera le pouvoir d'achat de ceux qui l'emprunteront, à raison de 4 euros l'aller et 4 euros le retour, et qu'elle provoquera des encombrements, voire des congestions, sur les routes secondaires car on peut penser que nombreux seront ceux qui refuseront de débourser une telle somme pour gagner seulement quatre minutes sur leur trajet.

Aucune des solutions proposées n'est vraiment viable alors que l'on prévoit une augmentation du trafic des salariés français. Cela fait des années que le Rassemblement national, notamment par la voix de mon collègue Laurent Jacobelli, alerte le conseil régional du Grand Est sur les conséquences dramatiques du déficit de politique ferroviaire dans nos territoires qui se vident et se dévitalisent un peu plus chaque année. Cela fait des années que les habitants du Grand Est paient le désengagement de l'État et de la région. Faute de financement, de nouvelles dessertes restent ainsi en suspens, comme la ligne Sarrebruck-Luxembourg qui permettrait pourtant de revitaliser certains de nos territoires en irriguant l'est de la Moselle en passant par Bouzonville.

Cela fait des années aussi que le Rassemblement national propose des solutions viables pour désengorger ces axes routiers et améliorer le quotidien des Français : modernisation des installations ferroviaires ; fiabilité accrue des trains et confort renforcé pour les passagers ; augmentation du cadencement des trains ; réouverture des lignes essentielles ; installation de parkings relais gratuits aux abords des gares. Il insiste sur la nécessité de traiter le problème à la racine : réindustrialiser la France et revaloriser les salaires pour éviter que nos compatriotes ne partent travailler au Luxembourg.

Malgré toutes ces observations, le Rassemblement national soutiendra la ratification de cet avenant, partant du principe que c'est mieux que rien.

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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Cet avenant relatif à l'accord entre la France et le Luxembourg sur les transports transfrontaliers est le bienvenu : il permettra de développer des transports plus propres et plus efficaces et d'améliorer les mobilités des quelque 117 000 travailleurs français se rendant chaque jour au Luxembourg, dans des conditions dont l'impact massif sur le plan de l'écologie, de la santé et de la qualité de vie a été bien trop longtemps pris à la légère. Chaque jour, les usagers des TER subissent pannes et annulations de train à répétition et doivent passer l'intégralité de leur voyage debout, tassés les uns contre les autres, tandis que les automobilistes, eux, sont bloqués pendant des heures sur des voies de circulation inadaptées et congestionnées.

Alors, oui, nous nous réjouissons de l'existence de tels protocoles, mais encore faudrait-il que ces accords soient fondés sur des bases équitables. Or, vous vous en doutez, chers collègues, avec un paradis fiscal comme le Luxembourg, n'en déplaise à M. le rapporteur, l'équité est loin, même très loin, d'être au rendez-vous.

Les travailleurs français exerçant au Luxembourg – au nombre de 117 000 aujourd'hui, de 300 000 en 2040 – paient leurs impôts dans le grand-duché mais celui-ci ne reverse rien à la France. Il continue donc de s'enrichir grâce à cette force de travail, tandis que les communes frontalières françaises n'ont plus les moyens de financer leurs services publics. Elles deviennent des cités-dortoirs, où se côtoient la précarité et l'aisance financière et cette situation ne fera qu'empirer, compte tenu de la complaisance que manifeste notre gouvernement à l'égard du grand-duché.

Du fait du modèle de codéveloppement, les collectivités, déjà pauvres, dépendent du bon vouloir du Luxembourg si elles veulent espérer bénéficier des cofinancements de projets d'utilité partagée, qu'elles seront, malgré tout, contraintes de financer à moitié. La France supporte l'intégralité des coûts liés au logement, à la formation et à l'indemnisation du chômage, alors même que les frontaliers versent tous les mois 9 % de leurs impôts à la caisse de chômage luxembourgeoise.

Un exemple parmi tant d'autres : alors que le grand-duché prélève tous les mois une cotisation de 1,4 % sur le salaire des travailleurs frontaliers pour alimenter la caisse chargée de la gestion de l'assurance dépendance, il refuse de participer aux coûts financiers de l'indemnisation en cas de perte d'autonomie. C'est la France qui passe à la caisse !

Je regrette que M. Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, ne soit pas présent ce matin, lui qui nous sermonne chaque jour sur les économies qu'il convient de réaliser et sur la dette qui s'accumule. Nous pourrions lui indiquer la solution : réclamez donc l'impôt qui nous est dû au lieu d'imposer au peuple de travailler deux ans de plus pour faire des économies ! Exigez une répartition équitable de l'impôt ! C'est légalement possible. Chaque année, le Luxembourg rétrocède ainsi une partie de ses recettes fiscales à la Belgique, en compensation du travail frontalier et, depuis 2018, le canton de Genève a versé plus de 1,5 milliard d'euros aux collectivités frontalières. Pourquoi, en 2023, le Luxembourg refuse-t-il toujours d'investir 1,2 % de son budget pour aider à entretenir 25 % de sa force de travail ? Pourquoi le Gouvernement refuse-t-il toujours d'exiger une rétrocession fiscale au profit de l'État français ?

Vous prônez un modèle de codéveloppement totalement inéquitable. Ce consensus est une erreur qui coûte de plus en plus cher aux frontaliers en matière de qualité de vie, de croissance, d'accès aux services publics et aux biens communs, de bonheur collectif, de droit aux loisirs ou de coût du logement.

Nous nous abstiendrons donc sur ce texte. Nous n'acceptons pas que le Luxembourg ne paie que la moitié d'un projet de développement des transports alors qu'il sera le premier à en tirer profit, puisqu'il alimentera son enrichissement par la force de travail des frontaliers. Comme de nombreux élus locaux et associations, nous demandons que le Luxembourg verse une compensation fiscale à la France. Vous ne pouvez plus traiter les conséquences d'un problème sans en traiter les causes. Si vous souhaitez financer les mobilités, allez chercher les sommes qui nous sont dues là où elles sont et cessez de faire preuve d'une complaisance absurde et onéreuse qui renforce notre dépendance et ruine nos collectivités.

M. Alain David applaudit.

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Nous sommes de nouveau réunis pour examiner en séance publique un projet de loi portant sur un accord, après qu'un groupe, en l'occurrence La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, s'est opposé à la procédure d'examen simplifiée. Je sais que ces demandes sont de droit mais je m'interroge sur le nombre important de conventions examinées en dehors de la procédure simplifiée depuis le début de la législature. Les débats de la commission des affaires étrangères sont ouverts à la presse, retransmis et disponibles sur le portail vidéo de l'Assemblée nationale. Nous travaillons en toute transparence et, de toute façon, nous ne pouvons pas modifier une virgule des projets de loi portant sur des accords et des conventions.

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J'ajoute que M. le président de la commission laisse largement la place au débat et aux questions.

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Toutefois, il y a des mots qui ont le pouvoir de déclencher des réactions chez certains de nos collègues, selon un réflexe presque pavlovien. « Luxembourg » en fait indéniablement partie, tant il est lié à d'autres mots bien plus sulfureux : « paradis fiscal », « optimisation fiscale », « LuxLeaks », « tax ruling ». J'espère que ce n'est pas ce mécanisme qui nous vaut d'avoir ce débat ce matin dans l'hémicycle. Espérons que nos collègues Insoumis feront preuve du même zèle quand il sera question de Cuba ou du Venezuela.

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Et ce n'est pas un paradis fiscal, contrairement au Luxembourg !

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Le grand-duché est un pays voisin et ami, membre fondateur de l'Union européenne. C'est même à Luxembourg que les travaux instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) furent menés et que ses institutions provisoires furent installées. Ce pays est pour nous un partenaire commercial stratégique du fait de sa proximité géographique et de son dynamisme économique. La France est le deuxième client et le troisième fournisseur du grand-duché. Sur son territoire, on compte plus de 900 implantations françaises, essentiellement dans les secteurs de la banque et de l'assurance, tandis que plus de 2 300 entreprises luxembourgeoises sont installées en France. Enfin, les travailleurs transfrontaliers empruntant la liaison Metz-Thionville-Luxembourg par voie routière ou ferroviaire sont plus de 100 000 à se rendre chaque jour au Luxembourg, qui compte seulement 600 000 habitants. Leur nombre pourrait doubler d'ici à 2050 alors qu'en 2018, année où a été signé le protocole d'accord dont nous examinons l'avenant, il n'était que de 90 000. Ces quelques chiffres suffisent à mesurer l'enjeu soulevé par ce projet de loi !

Nos collègues élus de cette région ont rappelé, lors de l'examen en commission, combien cet axe pouvait être congestionné et à quel point les conditions de transports des passagers étaient difficiles. Notre collègue du groupe LFI – NUPES a même évoqué la « galère » des usagers du train, reprenant un terme que l'on associe plus communément à la région parisienne.

Le texte qui nous est soumis modifie le protocole d'accord initial ainsi que sa convention d'application pour ce qui concerne le réseau ferroviaire. Dans le prolongement des études de faisabilité, il complète le programme d'investissement de l'accord initial à l'horizon 2028-2030 et augmente les financements du grand-duché associés à sa mise en œuvre. Avec 110 millions supplémentaires, la contribution luxembourgeoise sur le volet ferroviaire est portée à 220 millions d'euros sur une contribution totale de 230 millions d'euros. Sont concernés la construction d'un centre de maintenance dans la métropole de Metz et son raccordement au réseau, l'automatisation ou la semi-automatisation de la conduite des trains et le système de communication associé.

Cet avenant participe ainsi à la réalisation des objectifs du protocole du 20 mars 2018 de mise en œuvre d'une politique de transports multimodale concertée et durable correspondant aux besoins de déplacements identifiés entre la France et le Luxembourg. Il répond également aux problèmes environnementaux et de qualité de vie liés à la saturation des voies d'accès routières vers le Luxembourg et la France. Le groupe Les Républicains votera évidemment en faveur de ce projet de loi.

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Je tiens tout d'abord à remercier Philippe Guillemard pour la qualité de son rapport et à saluer au nom du groupe Renaissance cet avenant et la méthode de travail qu'a suivi le gouvernement français.

Le Luxembourg est une chance pour notre pays. La coopération transfrontalière s'est considérablement intensifiée depuis la création de la commission intergouvernementale (CIG) en 2010. Le développement d'échanges dans de nombreux domaines a grandement contribué à l'intégration de nos territoires frontaliers au bénéfice de leurs habitants. Nous avons eu l'occasion d'évoquer tous ces sujets sans tabou avec le grand-duc que nous avons accueilli à Metz pour l'inauguration de la maison du Luxembourg le 12 mai.

Depuis la dernière session de la CIG, des avancées ont été enregistrées, en matière de télétravail notamment : un avenant à la convention fiscale, signé le 7 novembre 2022, a ainsi porté le seuil de tolérance fiscale de vingt-neuf à trente-quatre jours.

Les mobilités sont l'une des principales préoccupations de nos concitoyens, comme l'illustrent les résultats de l'élection présidentielle. Elles sont en effet parfois compliquées, voire impossibles, en certains endroits. Songez qu'en certains points de ma circonscription du Sillon mosellan, aller d'une commune à l'autre est difficile en voiture ou en train, compliqué à vélo, impossible à pied. Nos concitoyens en sont exaspérés.

Entre les déplacements intérieurs et le transport de marchandises, notre territoire en reconversion et ses deux vallées se trouvent entravés dans leur développement et gênés dans leurs mobilités. C'est pourquoi je partage les objectifs du projet de désenclavement et de maillage du territoire. La cartographie électorale est très claire à cet égard : elle correspond à l'exact inverse de celle des déplacements fluides. Elle impose donc des décisions fermes, l'union des élus et que l'État joue un rôle majeur.

Les liaisons de transports terrestres entre la région Grand Est et le Luxembourg connaissent une fréquentation importante et en forte croissance. En 2023, plus de 120 000 résidents français travaillent quotidiennement au Luxembourg, contre 114 000 en 2021 et 112 000 en 2020 ; leur nombre devrait avoisiner 135 000 en 2030. Ces frontaliers empruntent chaque jour les liaisons Metz-Thionville-Luxembourg par voie routière ou ferroviaire, ce qui explique leur saturation et leur congestion régulière aux heures de pointe. L'autoroute A3 au Luxembourg et l'autoroute A31 en France supportent un trafic compris entre 65 000 et 80 000 véhicules journaliers selon les sections, entre Thionville et la frontière.

L'avenant au protocole d'accord du 20 mars 2018 relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers vise à renforcer l'engagement en faveur du transport ferroviaire transfrontalier, en augmentant de 110 millions d'euros la contribution de chacune des parties, portant à 440 millions l'investissement en faveur du transport ferroviaire. Les crédits seront notamment affectés à la construction et au raccordement d'un centre de maintenance dans la métropole de Metz et à l'automatisation ou la semi-automatisation de la conduite des trains et système de communication associé.

L'avenant contribue ainsi à faciliter les déplacements des travailleurs transfrontaliers et à promouvoir une mobilité plus durable entre les deux pays, dans un contexte de développement croissant de l'emploi frontalier. Ce résultat très concret pour nos concitoyens a été rendu possible grâce à une méthode que je veux saluer, consistant à associer notamment les élus locaux et les parlementaires à travers des groupes de travail pilotés par le préfet – soyez-en remerciée, madame la secrétaire d'État. Le faire à travers des projets concrets, partagés avec nos amis luxembourgeois et cofinancés, est une bonne méthode.

Malgré tout, les besoins sont énormes et les dépenses résidentielles, telles que les crèches ou les centres périscolaires, sont à prendre en considération. Le Pôle métropolitain frontalier (PMF) dépense chaque année 2 millions d'euros pour la prise en charge en crèche des enfants dont les deux parents travaillent au Luxembourg. Dans le même ordre d'idées, il est nécessaire de porter attention aux liaisons ferroviaires secondaires et d'assurer un maillage total du territoire, y compris à travers des bus à haut niveau de service (BHNS), et d'élargir la réflexion au-delà de la bande transfrontalière du PMF.

En tout cas, le rôle des élus, unis aux côtés d'un État fort, est non seulement d'amener l'espoir, mais également de le concrétiser. Nous en avons la preuve à travers cet avenant, que le groupe Renaissance approuvera sans aucune réserve.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.

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Permettez-moi de remercier notre collègue Philippe Guillemard pour son rapport, qui nous permet de prendre la mesure des enjeux de la coopération transfrontalière entre la France et le Luxembourg. Afin de faciliter la circulation des biens et des personnes, le Luxembourg et la France ont signé un protocole d'accord le 20 mars 2018 destiné à engager une politique de transport multimodale, répondant aux besoins identifiés et à des standards appropriés en matière de développement durable.

Le présent texte proposé à ratification constitue un avenant à ce protocole d'accord et vise à développer des projets de nature à faciliter les transports, en doublant notamment les financements prévus.

L'axe Metz-Luxembourg se situe sur l'un des grands corridors de transports européens reliant la mer du Nord et ses grands ports maritimes à l'Europe méditerranéenne. Les liaisons terrestres entre la région Grand Est et le Luxembourg connaissent un accroissement constant de leur trafic. Les frontaliers empruntent chaque jour davantage la liaison Metz-Thionville-Luxembourg par voie routière ou ferroviaire. Le trafic autoroutier est saturé : entre 65 000 et 80 000 véhicules traversent la frontière quotidiennement. Ainsi en 2021, près de 114 000 résidents français travaillaient au Luxembourg et leur nombre pourrait atteindre 135 000 en 2030. Il est nécessaire de désengorger le trafic autoroutier afin que les déplacements des usagers résidant en France et ayant besoin de rejoindre le Luxembourg pour accéder à leur lieu de travail soient facilités.

Cela a été souligné lors de l'examen du texte en commission, nous devons atteindre cet objectif tout en tenant compte des enjeux environnementaux. Cet accord y contribue en ayant pour ambition d'augmenter considérablement le nombre d'usagers quotidiens du train Metz-Luxembourg, ainsi que celui des covoitureurs et des usagers des cars transfrontaliers. Dans cette perspective, le projet de loi sert d'autant mieux l'environnement qu'il augmente la contribution financière maximale dédiée aux infrastructures ferroviaires.

Les financements n'étant cependant que partiellement engagés et dépendant des différentes études qui seront menées d'ici à 2030, le groupe Socialistes et apparentés sera attentif au décaissement, dans les années à venir, des crédits prévus et au respect de la conformité de leur utilisation à l'avenant et à l'accord dont il est question. Selon l'étude d'impact : « Les objectifs à l'horizon 2030 des projets d'aménagements multimodaux prévus par le protocole d'accord sont de multiplier par 2,5 le nombre d'usagers quotidiens du train [Metz-Luxembourg] – de 8 000 en 2017 à 20 000 en 2030 –, de doubler le nombre de covoitureurs – d'environ 4 500 en 2017 à plus de 10 000 en 2030 – et de tripler le nombre d'usagers des cars transfrontaliers – de 2 000 en 2017 à 6 000 en 2030. »

Pour toutes ces raisons, ce texte permettant une avancée indéniable, le groupe Socialistes et apparentés votera le projet de loi autorisant l'approbation de cet avenant qui favorise une politique des transports que nous espérons durables.

M. le président de la commission des affaires étrangères et M. le rapporteur applaudissent.

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Depuis le début de l'année 2023, plus de 120 000 résidents français travaillent au Luxembourg et prennent quotidiennement leur voiture ou les transports en commun pour traverser la frontière. Ce chiffre est en constante augmentation. Il représente désormais le premier flux de travailleurs résidents en France vers un pays étranger. Les projections statistiques nous enseignent que cette dynamique s'amplifiera encore pendant de nombreuses années. C'est un fait.

Il est, à mon sens, stérile de s'interroger pour savoir si cela constitue une chance ou une difficulté : la réalité est celle d'un bassin de vie et d'un bassin d'emploi qui fait fi des frontières et nécessite d'être développé harmonieusement, dans l'intérêt respectif des deux pays et de leurs populations. C'est un choix.

Il est tout aussi stérile de chercher à importer du conflit là où la coopération est nécessaire. Beaucoup de temps a été perdu à agiter la rétrocession fiscale comme un mantra, au mépris des standards de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et des dispositions de la classe politique et de l'opinion luxembourgeoises. Le refus de la procédure d'examen simplifiée, pourtant habituelle pour ce type d'accords, nous fait encore perdre du temps et vise à nous opposer.

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À chaque fois, ce sont les travailleurs frontaliers, si impatients de nous voir prendre des décisions, qui en pâtissent !

La coopération et le développement partagé doivent être nos seules boussoles. Elles nous imposent de faciliter la mobilité des travailleurs concernés, ainsi que tous les aspects de la vie quotidienne des habitants du bassin frontalier. Cela passe, en grande partie, par une amélioration de l'offre de transport. Une première avancée avait été permise par l'approbation, il y a quatre ans, du protocole d'accord sur lequel j'avais eu la chance d'être désignée rapporteure. Cette amélioration sera, sans aucun doute, prolongée grâce à l'avenant que nous examinons aujourd'hui.

Le protocole initial prévoyait des aménagements ferroviaires financés à hauteur de 110 millions d'euros par le Luxembourg, à parité avec la France, et intégralement consacrés à des opérations sur le sol français. Ce protocole visait notamment une augmentation capacitaire du matériel roulant à l'horizon de 2024 et du nombre de trains sur la ligne Metz-Thionville-Luxembourg à l'horizon de 2030. Il avait été élaboré avec un degré élevé de partenariats, impliquant les administrations d'État, la SNCF, la région, les intercommunalités et les autorités luxembourgeoises. J'en salue les réalisations, notamment dans ma circonscription, dotée de parking-relais multimodaux, l'un livré et le second en cours de réalisation.

Nous pouvons nous féliciter que l'esprit de coopération qui a présidé au protocole d'accord soit renouvelé dans cet avenant, afin de poursuivre le travail de modernisation des lignes ferroviaires. Grâce à cet avenant, nous financerons à parité avec le Luxembourg un centre de maintenance dans la métropole de Metz, ainsi que, si l'étude d'opportunité en confirme l'intérêt, une automatisation complète ou partielle de la conduite des trains. Nous portons ainsi à 440 millions les financements prévus pour renforcer l'offre de transport ferroviaire dans la région.

Mais les enjeux sous-jacents à cet avenant vont au-delà de la seule mobilité des travailleurs frontaliers. Ils sont similaires à ceux qui étaient au cœur du protocole d'accord de 2018, sur les plans à la fois économique et environnemental. Il y a, en effet, un double enjeu économique : non seulement au niveau local, car nous favorisons la mobilité transfrontalière pour les travailleurs, avec un report modal plus important concomitant à l'augmentation capacitaire de l'autoroute, mais aussi au niveau européen, car nous travaillons sur une portion centrale du corridor reliant la mer du Nord à la Méditerranée, une artère essentielle à la libre circulation des biens et des personnes au sein de notre espace économique commun.

Par ailleurs, le protocole et son avenant sont en parfaite cohérence avec les exigences de protection de l'environnement et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. En atteignant les objectifs du schéma de mobilité transfrontalière de 2009 visant à ce qu'un quart des travailleurs frontaliers privilégient le train ou le bus à l'horizon de 2030, nous diminuerons les pollutions de manière significative.

L'avenant au protocole n'est certes qu'une pierre à l'édifice de la coopération franco-luxembourgeoise. Toutefois, cette dernière, coordonnée par la commission intergouvernementale entre la France et le Luxembourg qui se réunit chaque année, est riche. La dernière réunion, en date du 17 avril dernier, a permis d'avancer sur de nombreux thèmes : la fiscalité et le télétravail, la coopération sanitaire, l'organisation et la gouvernance des services d'éducation et d'accueil. Elle est également enrichie par cette grande région européenne, réunissant le Grand Est, la Sarre, la Rhénanie-Palatinat, la Wallonie et le Luxembourg, qui bénéficie, avec le programme de coopération territoriale européenne Interreg, de financements supplémentaires dans le domaine des transports.

L'avenant n'est qu'une pierre à l'édifice, disais-je, mais il constitue une base solide pour aller au-delà d'une logique purement transfrontalière. Nous posons ainsi les fondations permettant d'améliorer durablement la qualité d'existence des habitants dans ce qui est un véritable bassin de vie. C'est pourquoi le groupe Horizons et apparentés votera en faveur du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant au protocole d'accord du 20 mars 2018.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Bruno Fuchs applaudit également.

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Les enjeux de l'avenant au protocole d'accord conclu en 2018 entre la France et le Luxembourg sont clairs : améliorer les liaisons entre nos deux pays. Ils nous donnent l'occasion de nous interroger sur l'avenir de la mobilité, en accélérant les efforts vers la transition écologique.

Cette amélioration est devenue de plus en plus pressante au fil des années, en raison de l'augmentation significative du nombre de travailleurs frontaliers qui, chaque jour, empruntent les voies de communication entre la région du Grand Est et le Luxembourg. En effet, près de 120 000 personnes utilisent quotidiennement la liaison Metz-Thionville-Luxembourg, chiffre qui a connu une hausse notable et devrait continuer de croître. En réponse à cet afflux, nous devons prendre des mesures solides afin de renforcer et d'améliorer ces liaisons. Il ne s'agit pas simplement de réduire la congestion du trafic : nous devons également mener une réflexion sur la façon de développer des modes de transport plus durables.

Nous connaissons les conséquences négatives du trafic routier sur l'environnement : il émet des particules fines et de l'oxyde d'azote, polluants qui ont des effets néfastes sur la qualité de l'air que nous respirons et qui contribuent au changement climatique – nos collègues élus de la région savent de quoi ils parlent. Le transport ferroviaire représente une solution beaucoup plus durable que les déplacements en voiture.

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Pour atteindre ces objectifs, l'avenant prévoit d'augmenter les contributions financières des deux gouvernements, ce qui permettra de financer les investissements nécessaires dans le ferroviaire, comme la construction d'un nouveau centre de maintenance à Metz, l'automatisation de la conduite des trains et l'installation de systèmes de communication modernisés.

Une préoccupation persiste néanmoins – certains collègues l'ont évoquée. Elle mérite d'être soulevée, même si elle n'empêche pas les députés du groupe Écologiste – NUPES de voter le texte : l'avenant pourrait conforter l'enrichissement du Luxembourg au détriment de la région Grand Est frontalière, exacerbant les iniquités de part et d'autre de la frontière. Dans la mesure où les travailleurs frontaliers contribuent largement à l'économie luxembourgeoise, il est essentiel d'assurer un partage équitable des coûts. Malgré son riche potentiel, la région Grand Est a connu des difficultés ces dernières décennies. Elle affronte des défis économiques et sociaux persistants, tout en faisant preuve de dynamisme et d'un fort potentiel de développement et d'innovation. Il est essentiel de veiller à ce qu'elle bénéficie pleinement de ce partenariat. Ce sera, je l'espère, l'occasion pour la représentation nationale d'examiner les conditions d'une meilleure équité entre les deux régions frontalières.

Ce projet ne doit pas se limiter à faciliter le déplacement des travailleurs frontaliers, il doit également contribuer à revitaliser le Grand Est et à soutenir son développement économique et social. La coopération doit être véritable, et non se faire au détriment de l'un ou l'autre des partenaires. Elle doit être mutuellement bénéfique, en tenant compte des spécificités et des besoins de chaque territoire. La participation financière du Luxembourg doit être proportionnelle à ses bénéfices à terme – ce sera l'objet d'un travail avec nos homologues luxembourgeois, en vue de parvenir à des accords financiers justes et équilibrés.

Pour toutes ces raisons, et pour l'avenir du transport ferroviaire entre les deux régions, les députés du groupe Écologiste – NUPES voteront l'avenant.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES et sur les bancs des commissions. – Mme Martine Etienne et M. Alain David applaudissent également.

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La coopération transfrontalière entre le Luxembourg et la France est une question pour le moins intéressante : je la développerai sous l'angle de la gratuité des transports. En 2020, le Luxembourg fut le premier pays au monde à rendre les transports publics gratuits sur l'ensemble de son territoire : il entendait ainsi transformer les habitudes de ses citoyens, trop enclins à se déplacer en voiture individuelle. Cette gratuité concerne les bus, les tramways et les trains. Elle est doublée de nombreuses politiques publiques visant à améliorer la qualité des transports en commun, leur ponctualité et leur fréquence, tout en travaillant sur les autres modes de déplacement doux. Plutôt que de gratuité des transports, il est plus pertinent de parler de fiscalisation du prix du billet : le coût de ce dernier est intégré dans les impôts, une participation étant demandée aux contribuables et aux entreprises en fonction de leurs revenus. En un mot, on passe du « chacun selon ses moyens » au « chacun selon ses besoins », pour citer un certain Karl Marx.

Après trois années de fonctionnement au Luxembourg, le bilan de la gratuité est excellent : pour un coût annuel de 41 millions d'euros, le nombre de voyageurs est passé de 110 millions en 2019 à 150 millions, la qualité de l'air s'est améliorée et les embouteillages ont diminué. La décennie qui s'ouvre constituera peut-être un tournant dans les habitudes des personnes qui se déplacent au Luxembourg. Notez que celui-ci offre la gratuité des transports y compris à ceux qui ne paient pas leurs impôts dans le pays, dont les 200 000 travailleurs transfrontaliers belges, allemands et français.

Cette initiative doit être valorisée. L'Observatoire des villes du transport gratuit, – implanté à Dunkerque, dans le Nord-Pas-de-Calais – constate en France une tendance forte visant la gratuité totale ou partielle. Parmi les villes pionnières, Aubagne – qui était, à l'époque, communiste – a instauré la gratuité totale des transports dès 2009. Avec d'autres, elle a servi de laboratoire pour améliorer ces services et en mesurer les effets sociaux et environnementaux, les avantages et les inconvénients : trente-huit territoires appliquent aujourd'hui la gratuité totale en France ; trente-neuf la proposent à la majorité des usagers ; dix la réservent aux jeunes ; et huit l'appliquent le week-end. La tendance est donc forte.

Il est regrettable que la question de la gratuité n'apparaisse pas une seule fois dans le rapport de la commission, et pas davantage dans l'avenant. Il serait tellement intéressant de vivre l'expérience de la gratuité des transports avec le Luxembourg ! Le sujet aurait pu être intégré à la coopération transfrontalière, pour élargir l'échelle de la gratuité et imaginer comment la France pourrait contribuer à cette expérimentation. Une seule expérience – qu'il faut saluer – a lieu dans la communauté de communes de Cattenom et environs : le transport en commun est désormais gratuit entre Roussy-le-Village, en France, et le Luxembourg.

Pour améliorer le transport dans la région que vous qualifiez de sillon lorrain, qui s'étend de Nancy à Luxembourg en passant par Metz, il pourrait être utile d'imaginer une coopération entre la région Grand Est et le Luxembourg visant la gratuité des transports, dans le cadre d'une politique d'amélioration des transports en commun, telle que la prévoit l'avenant. Rien ne s'y oppose. La région Occitanie, par exemple, a lancé de nombreuses initiatives d'îlots de gratuité : gratuité du transport scolaire dans la région, gratuité partielle du train régional pour les 18-26 ans, et gratuité totale du train pour les moins de 18 ans. Ces initiatives sont donc réalisables à l'échelle de la communauté de communes jusqu'à celle de la région. Je suis persuadé que nous ne pourrons pas nous passer de l'outil de la gratuité pour inciter résolument les usagers à utiliser les transports en commun. Grâce à des structures comme l'Observatoire des villes du transport gratuit, les politiques publiques de ce type sont suivies de près par des chercheurs : ils analysent et scrutent toutes les initiatives, afin de dépassionner le débat et d'accompagner les territoires qui veulent franchir le pas.

Les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES voteront le présent avenant. Nous soulignons toutefois que la France ne doit pas rater le virage du transport gratuit, et nous restons préoccupés par la prise en charge financière assurée par le Luxembourg. Le Gouvernement devrait travailler sur des compléments – voire sur un autre avenant – afin d'assurer une plus juste répartition financière.

Applaudissements sur les bancs des commissions. – M. Hubert Julien-Laferrière et M. Bruno Fuchs applaudissent également.

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Sur l'article unique, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Stéphane Lenormand.

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L'avenant dont nous débattons complète l'accord conclu en 2018 par le Luxembourg et la France. Il vise à faciliter le transport transfrontalier, ce qui contribuera à améliorer le quotidien de nos compatriotes qui travaillent de l'autre côté de la frontière, à simplifier les échanges économiques entre les deux pays, à renforcer la coopération transfrontalière européenne et à rendre effective la liberté de circulation. Il permettra également de renforcer un axe majeur de la mobilité européenne entre le nord et le sud du continent. Enfin, les efforts déployés en faveur du covoiturage et du transport ferroviaire participeront à la décarbonation de la mobilité.

Près de 120 000 résidents français travaillent quotidiennement au Luxembourg. L'avenant prévoit d'accroître la capacité des trains sur la liaison Metz-Luxembourg, pour atteindre 20 000 usagers quotidiens en 2030. La ligne Metz-Thionville-Luxembourg permet d'accueillir cinq TER et un TGV par heure, avec des trains dit UM2 – unité multiple 2. L'accord de 2018 entend résorber la saturation du trafic routier et ferroviaire en utilisant des trains dits UM3, ayant une rame supplémentaire. Cela nécessite, entre autres, d'aménager la gare de Thionville et de reprendre les plans des voies ferrées.

Le présent avenant permet à la France et au Luxembourg d'engager 220 millions d'euros supplémentaires, équitablement répartis. Ces crédits financeront notamment la construction d'un centre de maintenance à Metz et l'automatisation des trains. Nous nous réjouissons que ces charges soient équitablement réparties : néanmoins, des coûts supplémentaires pourraient survenir à moyen terme et nous regrettons que l'avenant soit quelque peu muet à ce sujet. Le couloir Metz-Luxembourg fait en effet partie du réseau transeuropéen de transport, et bénéficie à ce titre de financements européens dédiés à l'interconnexion. L'étude d'impact ne précise pas quels ouvrages les fonds européens doivent financer, ni pour quel montant, ni dans quelles conditions. Si l'Union européenne refusait de financer certains de ces investissements ferroviaires, la France et le Luxembourg devraient compléter l'enveloppe initiale. Le coût global du projet dévierait alors assez largement de la programmation de 2018. Il aurait été judicieux de préciser que les financements complémentaires imprévus seront répartis équitablement entre les deux États.

Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous confirmer la volonté du Gouvernement que les frais complémentaires seront répartis à parts égales entre la France et le Luxembourg, comme ils le sont dans le reste du projet ? Malgré la réserve que je viens d'exprimer, les députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires voteront cet avenant, dans lequel ils voient une avancée.

Applaudissements sur les bancs des commissions.

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L'intermodalité et le transport transfrontalier rythment le quotidien de centaines de milliers de nos concitoyens qui vivent près de notre frontière est et au nord. L'Alsace est elle aussi concernée, puisque des dizaines de milliers d'Alsaciens vont travailler en Suisse ou en Allemagne.

Le rapport de M. Guillemard est très éclairant concernant la situation du Grand Est et le quotidien de centaines de milliers de personnes – notez que des Luxembourgeois traversent également la frontière, certes dans une moindre proportion. Les transfrontaliers sont de plus en plus nombreux – cela a été dit. L'accord signé en 2018 produira des premières améliorations dès l'année prochaine. Les capacités de transport ferroviaire devraient augmenter de 75 % à l'horizon de 2025-2030 – c'est un élément absolument essentiel, quoi qu'on puisse penser par ailleurs. Il faut avoir à l'esprit que ces échanges ont un impact sur de nombreux aspects de la vie quotidienne des familles, notamment sur les gardes d'enfant – nous en avons parlé en commission il y a quelques jours.

L'avenant permettra en outre la construction de parkings relais, pour que les usagers puissent facilement stationner leur voiture à proximité des gares : cela devrait encourager le report modal au-delà des grandes villes. Il a été rappelé que les autoroutes A3 au Luxembourg, et A31 en France, faisaient partie d'un réseau transeuropéen de transport et du corridor multimodal européen mer du Nord-Méditerranée. Cet ensemble de voies s'étend de l'Irlande jusqu'au sud de la France, en passant par les Pays-Bas et la Belgique. Il est capital de fluidifier ce corridor, non seulement pour faciliter le quotidien des Mosellans, mais aussi pour promouvoir l'intermodalité – qui sera incontestablement un moyen supplémentaire grâce auquel la France pourra tenir sa feuille de route en matière de transition écologique et énergétique. Le couloir Metz-Thionville-Luxembourg est un axe central du réseau transeuropéen : il est essentiel qu'il ne soit pas congestionné. Nous pouvons également souhaiter que le succès du transport ferroviaire donne des idées, dans un avenir très proche, pour développer le fret et continuer à rendre nos échanges plus vertueux.

En 2019, par le traité d'Aix-la-Chapelle, la France s'était engagée de la même façon à améliorer ses liaisons ferroviaires avec l'Allemagne. De manière générale, il serait intéressant qu'elle raisonne à l'échelle des bassins de vie européens plutôt que de se limiter à ses frontières, comme elle le fait trop souvent. Ainsi, en matière d'apprentissage, de santé ou de sport, nous gagnerions à nous défaire des contraintes de notre approche instinctivement franco-française.

Le groupe Démocrate se réjouit de cet avenant et votera en sa faveur. Nous espérons qu'il sera le premier d'une longue série et qu'il nous conduira à adopter une perspective plus européenne, dépassant les frontières.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, sur plusieurs bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions.

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La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

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Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux

Madame Etienne, vous avez évoqué la rétrocession fiscale. En l'occurrence, la voie du codéveloppement des projets et, par extension, des cofinancements a été préférée à celle de la rétrocession fiscale. La commission intergouvernementale demeure le cadre privilégié de la coopération entre la France et le Luxembourg. S'agissant de la fiscalité, le système actuel de répartition entre les deux pays prévoit que le lieu d'imposition est le même que le lieu d'exercice de l'activité, à condition que la durée d'activité dans l'autre pays n'excède pas vingt-neuf jours par an. La convention fiscale conclue entre la France et le Luxembourg est en cela conforme aux principes internationaux de l'OCDE, qui prévoit l'imposition des revenus tirés d'une activité salariée sur le lieu d'exercice de cette activité. En application de cette règle, si un salarié résidant en France travaille au Luxembourg, sa rémunération sera imposée au Luxembourg.

Un mécanisme de compensation permettrait certes d'assurer un retour fiscal pérenne et corrélé au développement de l'activité des travailleurs transfrontaliers, mais risquerait de remettre en cause l'accord d'ensemble conclu dans le cadre de la commission intergouvernementale en 2018, qui a permis de réelles avancées au bénéfice des résidents français travaillant au Luxembourg et de leurs familles. La création en 2021 du comité consultatif de codéveloppement des élus, destiné à coordonner politiquement les demandes des élus locaux français vis-à-vis du Luxembourg, permet la conduite de projets de coopération. Le ministère des affaires étrangères se tient à la disposition des élus pour échanger à propos de tout projet s'inscrivant dans le cadre de cette coopération.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions. – M. Bruno Fuchs applaudit également.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 61

Nombre de suffrages exprimés 57

Majorité absolue 29

Pour l'adoption 57

Contre 0

L'article unique est adopté, ainsi que l'ensemble du projet de loi.

Mme Mireille Clapot applaudit.

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L'ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement, de deux projets de loi autorisant l'approbation de conventions et accords internationaux (n° 898, 1353 ; 999, 1317).

Ces textes n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, je vais mettre aux voix chacun d'entre eux, en application de l'article 106 du règlement.

Le projet de loi est adopté.

Le projet de loi est adopté.

Suspension et reprise de la séance

La séance, suspendue à dix heures cinq, est reprise à dix heures dix.

Suite de la discussion d'un projet de loi

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L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise (1272, 1404).

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Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 38 portant article additionnel après l'article 14.

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L'amendement n° 38 n'est pas défendu.

La parole est à M. Benjamin Lucas, pour soutenir l'amendement n° 364 .

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Je propose de faciliter le départ en vacances en finançant l'achat de chèques vacances au moyen des droits obtenus au titre de la participation aux résultats de l'entreprise et des sommes attribuées au titre de l'intéressement affectées à un plan d'épargne salariale, et en faisant bénéficier ces sommes d'exonérations déjà prévues dans le code du travail.

En effet, le travail tire aussi sa valeur de la qualité du repos, et le temps libéré permet de réparer les effets du temps contraint. Vous le savez, je milite, comme d'autres collègues, pour le droit aux vacances : quatre-vingt-sept ans après la création par Léo Lagrange du billet populaire de congés annuels, dans le cadre des congés payés, vingt-cinq ans après la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, qui consacre l'égal accès aux vacances comme un objectif national, près de quatre Français sur dix ne pourront pas partir en vacances cet été. Cette proportion s'élevait à trois sur dix en 1998. Comme vous vous en doutez, elle n'est pas la même selon les catégories socio-économiques : 80 % des Français faisant partie des 20 % les plus riches partiront en vacances.

Nous devons agir, car le droit aux vacances représente le droit au repos et à la réparation après une année de travail ou encore la possibilité de se retrouver en famille. Les vacances sont bénéfiques pour la santé psychique des salariés et pour la réussite éducative de leurs enfants, à qui elles permettent de développer leur imaginaire et leur confiance en soi. Je ne doute donc pas que l'amendement recueillera un avis très favorable, d'autant que le mois de juillet approche.

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La parole est à M. Louis Margueritte, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission.

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Défavorable. Votre combat est légitime, mais je souhaite rappeler quelques points. La loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat a permis, à titre exceptionnel, le déblocage anticipé de l'épargne salariale à hauteur de 10 000 euros maximum. Le recours à ce dispositif a été relativement limité, puisque moins de 1 % du stock a été décaissé. Par ailleurs, le texte prévoit déjà plusieurs motifs justifiant un déblocage anticipé, auxquels nous avons ajouté hier, par voie d'amendement, le projet de financer des travaux de rénovation énergétique.

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La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, pour donner l'avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion

L'accord conclu par les partenaires sociaux inclut l'ajout de trois motifs de déblocage anticipé de l'épargne salariale, mais ne mentionne pas celui que vous évoquez. À chaque fois que nous examinons un projet de loi de finances (PLF) ou un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), nous débattons longuement de l'utilisation de ces fonds, dont nous savons qu'il convient de la circonscrire à des cas définis. Les partenaires sociaux n'ayant pas ouvert la question du financement des vacances, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 364 comme il le sera à l'amendement n° 396 .

L'amendement n° 364 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Benjamin Lucas, pour soutenir l'amendement n° 396 .

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Il s'agit d'un amendement de repli. Je constate que le ministre a émis sur celui-ci un avis défavorable avant même d'avoir entendu mes arguments : il est dommage que M. Dussopt ait oublié si vite les causes qu'il a autrefois défendues au sein d'une famille politique à l'origine de la généralisation des congés payés, du développement des mouvements d'éducation populaire ou encore de la création des auberges de jeunesse. En retournant sa veste,…

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…il a aussi retourné le sens de l'histoire : depuis deux siècles, la République se bat pour le temps libéré et pour le droit au repos.

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À cause de l'inaction du Gouvernement, des millions de familles seront privées cet été des petits moments annuels de répit et de bonheur. Vous leur avez infligé une réforme des retraites injuste, brutale ; chacun de vos textes – je pense à votre projet de réforme du RSA – est un nouveau coup de matraque social. Par cet amendement de repli, économiquement indolore, nous vous demandons simplement de leur autoriser, pendant la période estivale, le répit et le bonheur dont nous profiterons nous-mêmes, puisque nous faisons partie des 20 % de Français les plus riches et que nous aurons le privilège de partir en vacances. Vous auriez pu saisir cette occasion de montrer qu'il existe une cohérence entre vos beaux discours et vos actes – il est vrai que nos efforts pour trouver en vous cette cohérence ont toujours été vains.

Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Eva Sas applaudit également.

L'amendement n° 396 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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L'article 15 promeut une meilleure gouvernance des fonds en prévoyant que dans le cas où les droits de vote liés à un fonds d'actionnariat salarié sont délégués à une société de gestion de ce fonds, celle-ci présente chaque année au conseil de surveillance sa politique d'engagement actionnarial. De plus, si la société de gestion exerce le droit de vote pour le compte de l'épargnant salarié, elle a pour obligation de rendre compte annuellement au conseil de surveillance des fonds de sa politique de vote lors des dernières assemblées générales d'actionnaires.

Tout cela va dans le bon sens, car l'actionnariat salarié repose sur certains modes de gouvernance. Son développement passe en effet par une meilleure association et une participation accrue des salariés actionnaires à la gouvernance de l'entreprise.

M. Jocelyn Dessigny applaudit.

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Sur l'article 15, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Stéphane Viry, pour soutenir l'amendement n° 78 .

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On pourrait penser qu'il s'agit d'un amendement rédactionnel, mais en réalité il est important. Il vise à clarifier la nécessité que la société de gestion justifie sa politique d'engagement devant le conseil de surveillance, conformément à l'accord national interprofessionnel (ANI). L'amendement invite donc à adopter une rédaction plus ambitieuse.

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Merci pour cette précision sémantique. Je pensais effectivement que l'amendement était rédactionnel mais, à la réflexion, je pense qu'introduire cette nuance est utile. J'émets donc un avis favorable.

L'amendement n° 78 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

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Vous le savez, pour les écologistes, il est très important que cette épargne salariale soit investie dans des fonds qui ne créent pas de dommage pour l'environnement. L'article 15 prévoit que, lorsque les droits de vote liés à un fonds d'actionnariat salarié sont délégués à une société de gestion de ce fonds, cette dernière doit présenter chaque année au conseil de surveillance sa politique d'engagement actionnarial ainsi que le compte rendu de sa réalisation pour informer les salariés épargnants. Afin d'assurer une plus grande transparence, nous proposons de renforcer la lisibilité des résultats de la politique d'engagement et de ne pas avoir seulement accès aux moyens mis en œuvre, notamment par la communication au conseil de surveillance de quelques indicateurs lui permettant d'évaluer l'efficacité de cette politique.

Cette précision est nécessaire car, actuellement, bien que l'article 29 de la loi « énergie-climat » du 8 novembre 2019 impose aux gestionnaires d'actifs de rendre compte de leur politique d'engagement, il n'existe aucune obligation sur le contenu de cette communication de données. La mesure de transparence proposée par cet amendement permettra aux salariés de mieux mesurer l'impact de la politique d'engagement et de vote de leurs gestionnaires d'actifs sur la stratégie des entreprises dans lesquelles ils investissent, notamment au regard des impératifs climatiques.

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Nous avons travaillé ensemble sur ce point. Vous soulevez avec force et conviction une question importante. Nous avons parlé de certaines obligations de compte rendu liées à la composition des fonds communs de placement d'entreprise (FCPE). Ils doivent publier dans leurs rapports annuels l'inventaire des dépôts et des entreprises dans lesquelles ils investissent – cela va de soi, d'autant plus que cette obligation figure dans plusieurs règlements européens.

Vous soutenez qu'il faut aller plus loin – je comprends les arguments sur lesquels vous vous fondez – pour que les salariés épargnants puissent savoir quelles sont les politiques de transition énergétique des entreprises dans lesquelles ces fonds investissent. Cela pourrait être une bonne idée, mais il faudrait qu'ils fassent eux-mêmes le travail de contrôle, alors qu'ils n'ont pas accès à ces données. Les éléments financiers tels que les valorisations figureront bien dans les rapports, cela va de soi. Néanmoins, la disposition que vous proposez risque d'être inopérante.

Pour éclairer l'assemblée des salariés épargnants, un certain nombre d'informations sont déjà disponibles, notamment celles qui sont établies pour répondre aux prescriptions des règlements de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et dans les rapports de gestion. L'avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion

Même avis.

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Nous soutenons l'amendement défendu par Eva Sas.

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Il s'agit d'une exigence minimale qu'il faut préciser et conforter si nous voulons que ces dispositifs soient pleinement responsables. Il arrive en effet qu'il y ait dans les investissements de ces fonds un peu de tout, ou des choses qui sont passées sous silence.

Nous entamerons prochainement l'examen d'un projet de loi relatif à l'industrie verte qui a de grandes ambitions, au moins sur le papier, en matière de labellisation verte de dispositifs pour mobiliser l'épargne privée. Si on veut que cet argent soit vraiment utile et dirigé vers des entreprises qui ne nuisent pas à l'environnement, il faut non pas se contenter des règles existantes, mais préciser leur champ d'application et les exigences de transparence et de contrôle.

C'est non seulement un devoir à l'égard de ceux qui placent leur argent, mais aussi une nécessité si on veut s'assurer que cet argent est bien utilisé à ce pour quoi il est censé servir.

Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.

L'amendement n° 182 n'est pas adopté.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 61

Nombre de suffrages exprimés 56

Majorité absolue 29

Pour l'adoption 55

Contre 1

L'article 15, amendé, est adopté.

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Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 15.

Les amendements, n° 85 , 2 , 123 et 146 peuvent être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Nicolas Dragon, pour soutenir l'amendement n° 85 .

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Par cet amendement, nous demandons un rapport relatif à l'article 11 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, la loi Pacte, lequel a instauré l'obligation de la participation des salariés établie sur la base de l'effectif annuel des salariés.

Depuis son entrée en vigueur, l'efficacité de cette loi n'a pas été évaluée. L'amendement vise à obtenir un rapport sur cet article au plus tard un an après la promulgation de la présente loi, afin de réaliser un premier bilan sur les atouts et faiblesses de ce dispositif.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.

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Il a été adopté par la commission : vous pouvez donc le reprendre.

L'amendement n° 2 , repris par M. le rapporteur, est défendu.

Les amendements n° 123 de M. Pierre Dharréville et 146 de Mme Katiana Levavasseur sont défendus.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

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Ils tendent tous à demander des rapports. L'amendement n° 2 de M. Jérôme Guedj, qui avait été adopté en commission, est le mieux rédigé : telle est la raison pour laquelle je l'ai repris. Je vous propose donc de l'adopter afin de faire un point utile pour éclairer nos travaux dans les prochaines années. L'avis de la commission est donc défavorable aux amendements n° 85 , 123 et 146 .

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion

Le Gouvernement étant traditionnellement défavorable aux demandes de rapport, il l'est également aux amendements n° 85 , 123 et 146 . Toutefois, s'agissant de l'amendement n° 2 , comme il a été repris par M. le rapporteur après avoir été adopté par la commission, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement n° 85 n'est pas adopté.

L'amendement n° 2 est adopté ; en conséquence, les amendements n° 123 et 146 tombent.

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Sur les amendements n° 65 , 59 , 70 , 71 et 72 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.

Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Frédéric Cabrolier, pour soutenir l'amendement n° 65 .

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Il tend à demander un rapport sur l'opportunité des dispositions que nous avons évoquées ces derniers jours, en particulier sur la condition, pour franchir le seuil au-delà duquel la participation est obligatoire, que l'effectif soit supérieur à cinquante salariés pendant cinq années consécutives. Cette condition pose problème, aussi proposons-nous de la remplacer par une mesure de l'effectif moyen.

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L'amendement est satisfait par l'adoption de l'amendement n° 2 . L'avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion

Même avis.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 51

Nombre de suffrages exprimés 51

Majorité absolue 26

Pour l'adoption 11

Contre 40

L'amendement n° 65 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Frédéric Cabrolier, pour soutenir l'amendement n° 59 .

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Il vise lui aussi à obtenir un rapport sur une question dont nous avons longuement débattu ces derniers jours : la règle de calcul de la réserve spéciale de participation aux bénéfices. Une modification de cette règle a souvent été demandée, non seulement par le Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié (Copiesas) – nous l'avions évoqué – mais aussi par M. Bruno Le Maire, lors de l'examen de la loi Pacte en 2019. Nous pensons qu'un rapport est nécessaire afin d'établir quelle formule est préférable.

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M. le rapporteur ne va pas refuser un rapport demandé par M. Le Maire !

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Votre demande est satisfaite par une disposition de l'article 2 que nous avons adopté. L'avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion

Même avis.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 50

Nombre de suffrages exprimés 50

Majorité absolue 26

Pour l'adoption 11

Contre 39

L'amendement n° 59 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Frédéric Cabrolier, pour soutenir l'amendement n° 70 .

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Il vise à demander un rapport pour étudier l'opportunité de développer la formation et le conseil dans les entreprises auprès des épargnants salariés. Nous pensons qu'ils devraient être dispensés par un organisme indépendant, non seulement par rapport à l'entreprise pour éviter les conflits d'intérêts, mais également par rapport aux organisations syndicales, aux sociétés de gestion et aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM).

Ce prestataire indépendant pourrait être pris en charge financièrement en faisant appel au compte personnel de formation (CPF) des salariés. L'entreprise pourrait prendre sa part dans le financement de ces formations au travers d'une contribution financière couvrant partiellement le coût qui serait assimilé à des frais de formation professionnelle.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion

Même avis.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 55

Nombre de suffrages exprimés 55

Majorité absolue 28

Pour l'adoption 12

Contre 43

L'amendement n° 70 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Frédéric Cabrolier, pour soutenir l'amendement n° 71 .

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Il est de plus en plus fréquent que les salariés non-mandataires sociaux, considérant leurs actions gratuites comme un complément de rémunération, ne les conservent pas au-delà du minimum légal de trois ans. L'amendement prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la possibilité d'exonérer d'impôt sur le revenu les gains issus de la cession des actions gratuites qui auraient été conservées pendant au moins huit ans à compter de leur acquisition définitive – sauf en cas de décès –, ce qui inciterait les salariés et anciens salariés non-mandataires sociaux à maintenir le plus longtemps possible leurs actions dans un plan d'épargne entreprise (PEE).

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion

Même avis.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 62

Nombre de suffrages exprimés 62

Majorité absolue 32

Pour l'adoption 12

Contre 50

L'amendement n° 71 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Jocelyn Dessigny, pour soutenir l'amendement n° 72 .

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Il prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'opportunité d'obliger une entreprise à offrir aux salariés non-mandataires sociaux la possibilité de souscrire chaque année à des actions dans le cadre du PEE, au même prix que les salariés mandataires sociaux. Les membres de ce cercle restreint investissent au capital et logent leurs actions ordinaires ainsi obtenues dans un plan d'épargne en actions (PEA), ce qui leur permet de bénéficier d'une exonération d'impôt sur la plus-value à la cession. Il n'est pas juste que l'avantage fiscal offert par le PEA soit réservé à une minorité de salariés de l'entreprise : offrir aux salariés qui ne peuvent prétendre au PEA la possibilité de souscrire à des actions au même prix dans le cadre d'un PEE assurerait plus d'équité entre les salariés et les chefs d'entreprise, qui bénéficient de plus d'avantages, et permettrait de renforcer la part des salariés dans le capital de leur entreprise.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion

Même avis.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 60

Nombre de suffrages exprimés 60

Majorité absolue 31

Pour l'adoption 12

Contre 48

L'amendement n° 72 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Laurence Robert-Dehault, pour soutenir l'amendement n° 135 .

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Il prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les conséquences et l'efficacité des dispositions prévues à l'article 6, afin de s'assurer de leur adéquation avec les objectifs fixés.

L'amendement n° 135 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. Serge Muller, pour soutenir l'amendement n° 142 .

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L'article 6 du projet de loi tend à proroger le régime temporaire d'exonération totale de toute charge fiscale ou sociale – plafonné à 3 000 ou 6 000 euros selon la taille de l'entreprise – institué en 2022 au bénéfice de l'ensemble des salariés percevant moins de trois fois le Smic, et qui devait expirer le 31 décembre 2023.

Ce dispositif, qui ne tient pas compte de la structure du ménage ou d'autres sources de revenus, peut induire d'importantes différences en matière d'avantages fiscaux entre deux salariés percevant pourtant la même rémunération et les mêmes primes. En outre, son bénéfice n'est déterminé que par la taille de l'entreprise : un salarié percevant une prime de partage de la valeur d'une entreprise de moins de cinquante salariés bénéficie d'une exonération de l'impôt sur le revenu, de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) – dans la limite d'un plafond pouvant aller jusqu'à 6 000 euros – alors que celui d'une entreprise de plus de cinquante salariés percevant la même prime ne bénéficie d'aucune exonération fiscale.

Le Conseil d'État estime que les dispositions de l'article 6 portent atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques. Cet amendement prévoit donc que le Gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant le degré de cette atteinte.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.

L'amendement n° 142 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir l'amendement n° 269 .

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Il s'agit également d'une demande de rapport, qui fait écho à la remarque de Mme Sas sur l'importance de l'épargne salariale dans le financement de la transition écologique. Des organisations indépendantes ont relevé des lacunes dans l'utilisation des fonds labellisés au titre du financement de la transition énergétique et écologique ou de l'investissement socialement responsable, qui alimentent parfois des activités liées aux énergies fossiles, et des insuffisances dans leur évaluation par les agences de notation. Il nous semble de bonne politique d'informer la représentation nationale sur un levier aussi important pour atteindre nos objectifs climatiques, et nous souhaitons donc que le Gouvernement remette au Parlement un rapport dressant un panorama précis de l'utilisation de ces fonds.

L'amendement n° 269 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir l'amendement n° 271 .

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Une entreprise pratiquant l'évasion fiscale prive ses salariés d'une partie de l'intéressement ou de la participation qui devrait leur revenir. Il faut donc réfléchir aux moyens d'informer les salariés du niveau de pertes que cette stratégie engendre pour eux, mais également de récupérer ces sommes.

Je ne reviens pas sur le débat que nous avons eu hier, mais voilà une occasion de vous rattraper :…

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…un rapport sur les conséquences de l'évasion fiscale sur l'efficacité des dispositifs de partage de la valeur nous permettrait d'y voir plus clair et de travailler ensuite collectivement à une évolution de la législation – vous avez vous-même reconnu qu'elle pouvait être améliorée, monsieur le rapporteur,…

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…même si l'évolution que nous vous avons proposée hier ne vous convenait pas.

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Il faudra effectivement poursuivre les travaux que nous avons lancés sur ce sujet. Nous avons déjà accepté une demande de rapport, cela me semble suffisant, d'autant qu'il s'ajoute à tous les rapports prévus par d'autres textes. Par conséquent, avis défavorable.

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Vous auriez pu vous en remettre à la sagesse de l'Assemblée, monsieur le rapporteur !

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion

Même avis.

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Comment comptez-vous avancer sur le sujet, monsieur le rapporteur ? Les conséquences de l'optimisation fiscale sur le partage de la valeur – en particulier sur la participation – préoccupent de nombreux salariés, qui attendent des réponses.

Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – M. Matthias Tavel applaudit également.

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Excellente question, qui appelle une réponse !

L'amendement n° 271 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Laurence Robert-Dehault, pour soutenir l'amendement n° 392 .

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En cas d'optimisation fiscale, le bénéfice affiché par les entreprises est, par définition, inférieur au bénéfice réel, ce qui grève le montant des participations ou de l'intéressement versé aux salariés au titre du bénéfice de l'entreprise. Cet amendement de Jean-Philippe Tanguy prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport détaillant les conséquences de l'optimisation fiscale sur les dispositifs de participation et d'intéressement.

L'amendement n° 392 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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Avec cet amendement de M. Sébastien Peytavie, le groupe Écologiste – NUPES demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les risques de fragilisation de notre système de retraite par répartition et de substitution des primes au salaire induits par l'augmentation du nombre de mécanismes de partage de la valeur,…

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…favorisée par la loi Pacte et par le présent projet de loi. Non seulement aucun de ces deux textes ne propose d'augmentation des salaires, laquelle est pourtant le mécanisme qui devrait être instauré en premier, car il permet la plus juste redistribution des richesses de l'entreprise ,

M. Benjamin Lucas applaudit

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mais l'intention qui les fonde est en outre à peine voilée : ils visent à favoriser la retraite par capitalisation en incitant les entreprises à développer des PEE et en exonérant de cotisations sociales les sommes qui y sont versées. Or ce sont justement ces exonérations fiscales qui privent notre système de retraites des ressources nécessaires pour garantir à chacun une retraite digne.

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Face aux risques que cette logique actionnariale fait peser sur les salaires et notre système de retraite solidaire, et dans la lignée de la demande formulée dans l'ANI, le groupe Écologiste – NUPES demande un rapport sur les conséquences des dispositions de la loi Pacte et du présent projet de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.

Sourires.

L'amendement n° 357 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. Nicolas Dragon, pour soutenir l'amendement n° 87 .

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L'article 7 prévoit la création d'un plan de partage de la valorisation de l'entreprise. Ce nouveau dispositif de partage de la valeur bénéficiera à tous les salariés disposant d'une certaine ancienneté dans l'entreprise. Cet amendement de mon collègue Thierry Frappé prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport présentant le bilan de l'application du dispositif prévu à l'article 7 au plus tard un an après la promulgation du texte, afin d'en évaluer les atouts et les faiblesses.

L'amendement n° 87 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement n° 272 .

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Les débats sur ce projet de loi touchent à leur fin. Nous avons défendu des dizaines d'amendements visant à l'améliorer mais, comme d'habitude, vous les avez très majoritairement rejetés : c'est dommage. Je regrette que le sujet des salaires, non content de n'être toujours pas une priorité pour la Macronie, soit même devenu tabou.

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Ce sont pourtant eux qui valorisent le travail réalisé et assurent le pouvoir d'achat et la stabilité des salariés. Nous avons proposé que la prime d'intéressement soit la même pour tous les salariés, quelle que soit leur rémunération : je regrette que cet amendement, qui visait à assurer davantage de justice et d'équité dans le partage d'une richesse créée par tous, ait été rejeté. Nous avions l'occasion de mettre tous les salariés sur un pied d'égalité et de créer une véritable unité dans l'entreprise.

J'ai une pensée particulière pour les territoires d'outre-mer, dont le tissu économique est très différent de l'Hexagone. Le texte produira-t-il vraiment des effets dans ces territoires qui connaissent non seulement les revenus et le pouvoir d'achat les plus faibles, mais aussi les prix les plus élevés ? J'en doute. J'espère – osons rêver un peu – que le comité interministériel des outre-mer (Ciom) sera l'occasion d'aborder la question des salaires et de la vie chère, et d'adopter des mesures prenant en compte la spécificité des territoires ultramarins. Par ailleurs, tous les dispositifs prévus par le texte seront exonérés de cotisations sociales : ils assécheront donc un peu plus encore les recettes de la sécurité sociale.

Vous comprendrez que le titre actuel du projet de loi n'est pas adapté à son contenu. Nous proposons donc de l'intituler « Projet de loi visant à permettre aux employeurs d'éviter les hausses de salaire et à appauvrir la sécurité sociale ».

« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.

L'amendement n° 272 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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Dans les explications de vote, la parole est à M. François Gernigon.

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Le groupe Horizons et apparentés votera évidemment en faveur de ce projet de loi, qui permettra une transposition législative fidèle de l'accord national interprofessionnel signé le 10 février. Si, dans quelques minutes, nous l'adoptons, ce sera une vraie réussite pour la démocratie sociale comme pour la démocratie parlementaire. Nous aurons été dignes de la confiance placée en nous par les partenaires sociaux.

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Ce texte contient des mesures véritablement structurantes, visant à améliorer le partage de la valeur au sein des entreprises : participation dans celles qui comptent moins de cinquante salariés, ouverture de négociations portant sur le partage en cas de résultats exceptionnels, prorogation de la prime de partage de la valeur (PPV) sous conditions, et ainsi de suite. Il est toujours compliqué de transposer un ANI, mais nous y sommes parvenus, et je félicite le rapporteur pour son investissement et son écoute tout au long de la procédure, ainsi que M. le ministre.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR, RE et Dem.

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C'est une belle idée, un bel objectif que le partage de la valeur. L'ANI que vous avez choisi de transposer de façon minimaliste constitue un premier pas dans une bonne direction : celle qui consiste à faire bénéficier d'outils de partage de la valeur le personnel des entreprises comptant entre onze et quarante-neuf salariés. Cette démarche lutte en effet contre l'instauration d'un salariat à deux vitesses – d'une part ceux qui travaillent pour les grandes entreprises, mieux rémunérés et ayant accès à l'épargne salariale, d'autre part les autres, ceux qui sont employés par de très petites entreprises (TPE) ou petites et moyennes entreprises (PME).

La portée de cet accord, nous l'avons dit, restera faible ; il n'a rien d'historique, mais il a été signé par quatre confédérations syndicales sur cinq. Pour les écologistes, la démocratie sociale est un bien trop précieux pour qu'ils s'y opposent : le dialogue social, la démocratie sociale sont des piliers de la démocratie. La crise des gilets jaunes, plus récemment la lutte unitaire contre l'injuste réforme des retraites, nous ont fait mesurer l'importance dans notre pays des organisations syndicales et plus généralement des corps intermédiaires. Je souhaite redire ici à quel point les écologistes y sont attachés dans le cadre de leur projet démocratique : je rends hommage aux 2,5 millions de salariés et agents publics syndiqués en France, qui ont le courage de défendre les droits de leurs collègues, parfois au détriment de leur propre carrière.

Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.

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Par respect pour leur engagement, pour la signature de leurs représentants, nous ne nous opposerons donc pas à cette transposition.

Reste que le travail des parlementaires n'aura pas été à la hauteur de celui des partenaires sociaux, et qu'il est terrible de constater l'occasion manquée. Nous aurions pu profiter de ce projet de loi pour faire progresser une cause majeure : la lutte contre les conséquences de l'optimisation fiscale sur la participation des salariés. Le Gouvernement, ainsi que les groupes Renaissance et Les Républicains, s'y sont opposés. Des milliers de salariés de McDonald's, Xerox, General Electric ou Procter & Gamble voient leur participation réduite, parfois à zéro, à la suite de telles pratiques : vous avez refusé de supprimer le dispositif juridique qui les désarme et les bâillonne !

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S'agissant de protéger les employeurs malhonnêtes, notre conviction ne l'aura pas emporté sur votre manque de courage. C'est pourquoi, malgré la bonne volonté du rapporteur Louis Margueritte, dont je voudrais souligner la qualité du travail, le groupe Écologiste – NUPES s'abstiendra lors du vote de ce texte, espérant qu'au Sénat, ou plus tard, nous pourrons enfin rétablir la justice en faveur des salariés qui attendent l'abrogation de cet article inique.

Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.

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Il y a un an, en juillet, au tout début de la législature, le Gouvernement nous soumettait un projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. Ce texte ne répondait absolument pas à l'urgence exprimée par les travailleurs : une augmentation de salaire qui leur permettrait enfin d'être un peu mieux considérés. Tout au contraire, il sanctuarisait la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, dite prime Macron, indûment et insidieusement rebaptisée PPV – une prime désocialisée dont vous ne cessez de rappeler que les employeurs la plébiscitent, et pour cause : dépendant exclusivement de leur bon vouloir, aléatoire, épisodique, elle permet surtout d'éviter de revaloriser les salaires. Bien entendu, les travailleurs n'ont pas été dupes : le Gouvernement a donc engagé les partenaires sociaux à négocier un accord en vue de renforcer le partage de la valeur au sein des entreprises. Le projet de loi au sujet duquel nous devons nous prononcer constitue une retranscription non pas fidèle, mais habile, voire quelque peu machiavélique, de cet ANI. En réalité, nos débats ont fait ressortir le fait que le texte aurait très peu d'effets pour les travailleurs : il vise essentiellement à permettre au Gouvernement d'enraciner sa doctrine d'opposition aux salaires et à notre système solidaire de sécurité sociale.

Avec ce projet de loi, le salaire, premier outil de partage de la valeur, ne sera plus seulement contourné, mais relégué – mis aux abonnés absents. Les organisations syndicales avaient exigé, comme préalable indispensable à l'équilibre du texte, qu'y figure le principe de non-substitution de la PPV au salaire : vous l'avez obstinément refusé.

M. Matthias Tavel applaudit.

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L'adoption de l'amendement n° 395 du rapporteur, visant à préciser que la participation ne saurait être fiscalement ou socialement assimilée au salaire, ne répond aucunement à la demande des syndicats, que nous faisons nôtre. Nombre d'études ont à présent démontré que ces primes se substituent aux augmentations de salaire : en 2022, la PPV en aurait ainsi évité 30 % ! Vous-même avez reconnu l'ampleur du phénomène dans l'annexe 4 du PLFSS pour 2023. Il en résulte en effet, pour la sécurité sociale, des pertes colossales : près de 1,7 milliard d'euros en 2021. Cela ne vous suffisait pas : vous avez créé le plan de partage de la valorisation de l'entreprise, censé fidéliser les salariés – mais ce qui leur donne envie de rester dans une entreprise, ce sont de bonnes conditions de travail, des droits, un salaire digne, et non un chantage à la prime !

Emmanuel Macron avait promis que les entreprises qui réalisent des superprofits seraient obligées d'en faire bénéficier leur personnel : vous n'avez pas manqué de nous expliquer que ce point avait été très difficile à négocier dans le cadre de l'ANI – comprenons que le patronat n'en voulait pas. Heureusement pour lui, il pouvait compter sur votre soutien : le projet de loi lui ménage une échappatoire sur mesure. Il ne sera finalement tenu que de négocier la définition de l'augmentation exceptionnelle du bénéfice !

L'orateur s'interrompt et se tourne vers les bancs du groupe RE, où se tiennent des conversations particulières.

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Excusez-moi, madame la présidente, je ne m'entendais plus moi-même.

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C'est tellement caricatural qu'on a du mal à écouter !

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Qui plus est, si cette négociation échoue, ce qui sera indubitablement le cas, il ne se passera rien. La retranscription infidèle de l'ANI, comme la feuille de route que vous avez donnée aux partenaires sociaux, sert vos propres intérêts et non ceux des travailleurs, encore moins s'ils perçoivent de faibles salaires. Ce projet de loi concourt à la réalisation de ce qui vous obsède : faire du salaire un élément subsidiaire de la rémunération ! En hissant la prime défiscalisée et désocialisée au rang de première contrepartie du travail, vous privez celui-ci de son sens, car le salaire constitue le principal point de négociation du contrat de travail, lequel encadre la subordination du salarié à son employeur, installe sa rémunération dans la durée, lui garantit des droits, enfin fait office de fil rouge de sa carrière. Le texte exprime votre vision de la société : une vision dont nous, députés communistes et ultramarins du groupe GDR, ne voulons pas, une société toujours plus inégalitaire où régnerait la loi de la capitalisation.

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Nous défendons un partage de la valeur au sein de l'entreprise qui repose sur le salaire et surtout sur la solidarité et la justice sociale et fiscale pour l'ensemble de la société.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.

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Permettez-moi de le dire d'emblée : nous voterons en faveur du projet de loi, parce que nous voulons envoyer un signal favorable au dialogue social, quelque peu malmené ces derniers mois. De plus, ce texte prévoit des avancées concernant les outils de partage de la valeur.

Nous avons toutefois le sentiment d'être passés à côté d'une belle occasion de mieux faire en matière de gouvernance des entreprises : s'agissant de la conditionnalité des aides, nous aurions dû aller au-delà des dispositions de l'ANI. Le texte n'est pas de nature à susciter l'enthousiasme, d'autant que rien ne garantit qu'il sera suivi d'accords et de distributions automatiques de primes : nous savons d'ores et déjà que, pour un grand nombre de salariés et d'entreprises, il ne changera rien. Certains articles restent bien timides, notamment s'agissant de la prise en compte, dont nous avons beaucoup discuté, des bénéfices exceptionnels, qui atteignent désormais de tels niveaux qu'ils génèrent de l'inflation.

En outre, comme cela a été abondamment souligné sur presque tous les bancs, l'amélioration du pouvoir d'achat ne peut être obtenue que par une politique salariale – il est vrai que tel n'était pas l'objet du texte. Les primes, dont l'utilité est indiscutable, ne sauraient se substituer au salaire. Cela dit, les dispositifs d'intéressement et de participation sont justes, voire bénéfiques, qu'il s'agisse des ressources des salariés ou de leurs rapports avec leur environnement professionnel. Par conséquent, encore une fois, en dépit des réserves dont je viens de faire état, nous soutiendrons le texte.

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Notre groupe était très attaché à la transcription de l'ANI : je tiens à remercier le Gouvernement, en particulier Olivier Dussopt, pour la rapidité et le scrupule avec lesquels elle a été opérée. Nous voterons avec détermination en faveur d'un texte visant à concrétiser l'engagement pris il y a un an par le Président de la République, puis par notre majorité, de généraliser le partage des bénéfices, et à soumettre les entreprises comptant plus de onze salariés au principe de justice qui veut que lorsqu'elles gagnent davantage, il convient que ceux qu'elles emploient gagnent davantage également.

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Produit d'un dialogue constructif entre les organisations salariales et patronales, ce projet de loi apportera des avantages concrets à de très nombreux travailleurs : nous espérons donc que le dépassement des postures et des clivages auquel sont parvenus les partenaires sociaux se retrouvera dans l'hémicycle.

Applaudissements sur les bancs du groupe RE, ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.

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Nous regrettons que vous n'ayez pas décidé d'augmenter les salaires,…

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…alors que le Rassemblement national propose d'exonérer de cotisations patronales sur cette revalorisation les entreprises qui les augmenteraient de 10 % pour l'ensemble de leurs salariés gagnant jusqu'à trois fois le Smic. Il est clair, en effet, que le partage de la valeur au sein des entreprises, objet de ce texte, a un effet de substitution aux hausses de salaire. Ainsi que cela a été dit, ce mécanisme fait déjà que la PPV remplace 30 % des augmentations ; la substitution au salaire de l'intéressement, un peu moindre, est néanmoins réelle. Nous déplorons également que vous n'ayez pas formulé de définition du bénéfice exceptionnel, et que n'ait été retenue aucune disposition concernant la fraude fiscale, pourtant estimée à 40 milliards d'euros – autant de profits qui échappent à la participation des salariés. Malgré tout, nous avons soutenu et soutiendrons ce projet de loi.

« Eh ben voilà ! » sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.

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Nous sommes positifs : contrairement à la NUPES, nous pensons avant tout à l'intérêt des salariés français !

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C'est pourquoi nous nous contenterons pour l'instant de ce que vous nous donnez : la PPV, l'ex-prime Macron, prolongée jusqu'à la fin de l'année 2026 et transformée en un véritable dispositif de partage de la valeur, entraînera des gains non négligeables de pouvoir d'achat. Du reste, nous ne nous voyions pas nous opposer à l'ANI, objet d'un accord intersyndical, à l'exception de la CGT : or 90 % du texte en transposent les dispositions. Nous tenons, nous aussi, à la démocratie sociale et syndicale.

Rires sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.

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Enfin, le développement de l'attribution aux salariés d'actions gratuites favorisera la souveraineté économique, que promeut depuis des années le Rassemblement national, et l'implication des travailleurs au sein de leur entreprise. En raison de ces mesures, nous voterons, je le répète, pour le projet de loi, dans l'intérêt des salariés français !

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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Nous arrivons au terme de trois jours de débat, au cours desquels vous avez préféré trahir l'ANI plutôt que de l'améliorer.

« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.

Sourires.

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Pendant trois jours, vous avez refusé de parler d'une augmentation des salaires, qui est pourtant la seule et unique manière de partager la valeur créée par tous les salariés des entreprises. Dans un contexte d'inflation féroce, alors que le salaire réel diminue, vous avez montré, même si ce n'était malheureusement pas à prouver, de quel côté vous vous situez : celui du patronat et du capital, évidemment. C'est également le cas du Rassemblement national, qui nous a fait la démonstration qu'il était le parti de l'arnaque sociale, préférant lui aussi verser des primes plutôt que d'augmenter les salaires.

Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.

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Vous nous parlez de démocratie sociale. C'est franchement extraordinaire, après six mois de mobilisation massive au cours desquels vous avez refusé d'écouter, de négocier et même de recevoir l'ensemble des syndicats unis en intersyndicale…

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…et représentatifs des 93 % d'actifs opposés à votre réforme idéologique et inutile des retraites – qui vole, je le rappelle, deux ans de repos à tous les travailleurs et à toutes les travailleuses.

Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.

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Finalement, la démocratie sociale c'est bien quand ça vous arrange. Nous ne sommes pas une chambre d'enregistrement, encore moins quand c'est le Medef qui fixe les contours d'une proposition de loi.

Mêmes mouvements.

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Nous sommes des parlementaires, aux côtés de nos concitoyens pour améliorer leurs conditions de vie. Nous sommes élus sur un programme de progrès. Nous sommes là pour porter la voix de celles et ceux qui, dans leurs entreprises, s'organisent et se battent pour l'augmentation de leurs salaires, comme c'est le cas aujourd'hui dans la grande distribution, chez Ikea, aux thermes de Vichy, à Disneyland ou dans de nombreuses autres entreprises. Je veux rendre hommage à toutes celles et ceux qui s'organisent et se mobilisent, avec les organisations syndicales, pour l'augmentation des salaires.

Pourquoi affirmons-nous que les primes ne sont pas la solution ? Nous l'avons répété longuement : les primes remplacent les salaires – c'est l'Insee qui le dit – à hauteur de 30 %. De plus, elles sont aléatoires et reproduisent, voire accentuent, les inégalités salariales. Elles sont souvent captées majoritairement par ceux qui gagnent le plus et sont discriminantes pour les femmes, dont je rappelle qu'elles occupent 80 % des temps partiels, de manière souvent contrainte.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.

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Sans parler de leurs carrières hachées et de leurs salaires encore bien inférieurs à ceux des hommes. Pendant ce temps, le capital capte bien tranquillement une part toujours plus importante de la valeur. Enfin, les primes sont exonérées de contribution à la solidarité.

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Avec elles, vous créez les déficits de demain.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Jérôme Guedj applaudit également.

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Depuis des mois, le Gouvernement et la minorité présidentielle nous expliquent que les caisses sont vides et que nous allons au-devant d'une grande catastrophe. Vous nous faites, pour cette raison, travailler deux ans de plus, mais vous créez vous-mêmes, méthodiquement, les conditions des déficits de demain : vous privez notre solidarité nationale de cotisations et l'État, de recettes fiscales.

Durant tout l'examen du texte, monsieur le ministre, vous avez refusé de répondre à nos questions.

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Quel est le coût de ces exonérations sociales et fiscales ? Comment sera-t-il compensé ? Comment maintenir les droits sociaux des Français et des Françaises ? Dites-nous, sinon, quels droits sociaux vous allez supprimer ! Le déremboursement des soins dentaires a déjà été annoncé, de même que celui de certains médicaments.

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Merci de nous fournir la liste complète des reculs qui nous attendent !

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.

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Enfin, monsieur le ministre, vous n'avez cessé de répéter « l'ANI, rien que l'ANI » pendant tout le débat. Mais c'est faux, et vous le savez. Il n'y a pas de transcription de la non-substitution des primes aux salaires, ni de mention des métiers repères. Pas de mention non plus du versement automatique des surplus d'intéressement et de participation en cas de bénéfice exceptionnel – un terme qui d'ailleurs n'apparaît pas, au profit de celui d'augmentation exceptionnelle du bénéfice.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le texte et nous redisons : augmentez les salaires, pas les actionnaires !

Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.

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Sur l'ensemble du projet de loi, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Stéphane Viry.

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Au terme de nos débats et de la discussion que nous avons depuis lundi sur les amendements proposés, le groupe Les Républicains approuvera ce projet de loi, comme je l'avais indiqué lors de la discussion générale. Ce texte n'est certes pas parfait – j'en dirai quelques mots –, mais il est important : le partage de la valeur des résultats économiques de l'entreprise nous paraît un sujet majeur, à l'heure où la France est divisée sur de très nombreuses questions, où la fracture sociale s'aggrave et où la classe moyenne est trop souvent oubliée. Alors que nous allons avoir un débat nourri sur le plein emploi et la rémunération, il nous fallait impérativement l'anticiper en discutant du partage de la valeur. L'accord national interprofessionnel a été signé par quasiment tous les partenaires sociaux. Il nous faut être fidèles à la volonté des acteurs du monde du travail et valider l'équilibre qui a été proposé.

Tout en respectant l'ANI, on peut toutefois regretter de ne pas être allé plus loin et de ne pas avoir tracé d'autres perspectives. Il existe une dichotomie manifeste entre les entreprises qui gagnent de l'argent et celles qui n'en gagnent pas. Par définition, les salariés des entreprises en difficulté ne bénéficieront pas d'une revalorisation de leur rémunération et ne seront pas récompensés de leur travail. Il existe également une différence entre les entreprises de plus de onze salariés et les autres. Le texte oublie un certain nombre de travailleurs et de travailleuses, ce qui ne peut que nous laisser insatisfaits. Je vous ai également fait part des réserves de mon groupe quant aux rachats d'actions, sur lesquels le texte en reste à des mesures purement symboliques. J'aurais préféré, sur un sujet de société comme celui-ci, que nous puissions aller plus loin. Il y a là aussi, en effet, le risque d'une nouvelle fracture qui pourrait avoir des conséquences collatérales.

J'ai un autre regret. Il y a eu, faut-il le redire, un excellent travail préparatoire. Dans leur rapport d'information déposé il y a quelques semaines, en avril 2023, nos collègues Louis Margueritte et Eva Sas ont tracé des pistes, fait des propositions et donné une véritable ambition au sujet. Il me semble que l'on aurait pu se servir davantage de ce travail parlementaire dans le cadre d'une action législative ultérieure, tout en conservant l'esprit de l'ANI. Ce rapport est le fruit du travail de députés de sensibilités différentes, qui ont néanmoins convergé sur la question du partage de la valeur et fixé le cap vers lequel la France pouvait aller, dans l'intérêt des entreprises comme des salariés. Je crois réellement, à cet égard, que nous sommes passés à côté du sujet.

Je voudrais conclure par une observation sur la tenue des débats. Nous avons vu qu'il existait désormais, de façon structurelle – pourquoi pas, car c'est cela la démocratie parlementaire –, des visions très radicales de la société et de l'avenir de notre pays. Nous avons des collègues qui cherchent à réactiver la lutte des classes, qui remettent en cause avec force et vigueur l'économie de marché, qui ne supportent pas l'idée même du capital et qui voudraient transformer profondément la France.

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Le groupe Les Républicains soutient l'économie de marché parce que c'est le seul modèle économique qui, depuis des siècles, a prouvé son efficacité…

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Pour l'exploitation des travailleurs et de la planète.

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…s'agissant tant de la croissance du pays que du fonctionnement de notre modèle social.

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Je souhaitais faire cette observation au terme de nos débats car, je n'en doute pas un instant, la différence de visions que nous avons de la société ne cessera de se réaffirmer tout au long des semaines à venir. J'ai pour ma part une autre conception de notre pays, la conception gaullienne, dans laquelle on privilégie la cohésion nationale, on respecte nos institutions et on cherche toujours à sortir du conflit dans l'intérêt de chacun.

MM. Didier Martin et Bruno Studer applaudissent.

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Ce débat aura permis de mettre en évidence des divergences flagrantes de points de vue – c'est un euphémisme – sur le partage de la valeur et, plus largement, sur la réalité des entreprises, sur leur gestion et sur leur pérennisation. Il ne faut pas opposer salariés et entrepreneurs. L'ANI est un texte de consensus et, je le rappelle, ce consensus n'allait pas de soi. Il est le fruit de plus de quatre mois de négociations difficiles visant à s'entendre sur l'équilibre entre intérêts des salariés et des entrepreneurs. Par respect pour cette démarche, nous nous devions d'être fidèles à cet accord même s'il pouvait être tentant de l'amender.

Je tiens à féliciter le rapporteur Louis Margueritte et les différents groupes qui ont eu à cœur de respecter le texte d'origine, ceux qui l'ont négocié et surtout ceux qui en seront bénéficiaires. Je tiens également à rappeler que la France n'a pas toujours eu l'habitude du dialogue social. Mais rien ne demeure jamais figé, et les partenaires sociaux ont su en prouver les vertus. L'ANI est la preuve que le dialogue social est possible, et il ne représente pas une exception : pour rappel, trois textes ont été signés en cinq mois par les partenaires sociaux. Le dernier, relatif aux maladies professionnelles et aux accidents du travail, a fait l'objet d'un dernier paraphe ce mardi. Une telle unanimité est rare dans ce type d'exercice et nous espérons que cette dynamique perdurera.

Vous l'aurez compris : le groupe Démocrate, attentif au dialogue social et à la justice sociale, se félicite de cette transposition fidèle et votera bien entendu en faveur de ce texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes RE et HOR.

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S'il fallait trouver un mot pour qualifier les trois derniers jours de débats, ce serait assurément le mot « frustration ». La frustration est là dès l'origine. Elle procède – nous l'avions dit dès l'ouverture des débats – de votre choix de transposer l'ANI plutôt que d'utiliser ce texte consensuel, élaboré par les partenaires sociaux, comme un socle que les parlementaires auraient pu enrichir, ainsi que vient de le suggérer mon collègue Stéphane Viry.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.

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Nous étions tous demandeurs d'un texte remettant en cause le partage de la valeur. Mais pour y parvenir, il aurait fallu que vous admettiez dès l'origine que le document d'orientation que vous avez adressé aux partenaires sociaux cadenassait la nature même de l'accord que vous appeliez de vos vœux. Vous nous avez placés d'emblée dans un piège en invitant les partenaires sociaux à travailler sur le partage de la valeur tout en leur indiquant les sujets que vous leur proposiez d'aborder et donc, en creux, ceux que vous refusiez qu'ils abordent. Si nous n'avons pas pu parler de salaires ni de la manière de partager les richesses dans l'entreprise, pour éviter notamment la question de la substitution des primes aux salaires et aux cotisations sociales – qui, rappelons-le, sont le cœur de la rémunération et du partage de la valeur –, c'est parce que vous avez d'emblée exclu cette piste dans le document d'orientation.

Le groupe Socialistes et apparentés a essayé, au cours de ce débat, de faire avancer quelques idées. Je vais vous faire solennellement une suggestion, monsieur le ministre, que je nous fais aussi à tous. Nous avons bien vu qu'entre démocratie sociale et démocratie parlementaire, nous étions nous-mêmes totalement contraints par le processus que vous avez retenu – une transposition fidèle de l'ANI, rien d'autre –, dans lequel le Parlement se transforme en chambre d'enregistrement. Désormais, monsieur le ministre, lorsque l'exécutif propose aux partenaires sociaux de travailler sur un thème, pourquoi le document d'orientation ne pourrait-il pas procéder aussi du Parlement, plutôt que de l'exécutif seulement ? Pourquoi l'étape de la démocratie parlementaire ne pourrait-elle pas intervenir au début du processus, avec un débat dans l'hémicycle sur le contenu de ce document d'orientation ? Si cela s'était déroulé de la sorte pour ce texte, nous aurions mieux accepté les choses. Je souhaite donc que nous puissions travailler dans cette direction.

La deuxième raison de notre frustration tient au fait que vous vous en êtes tenus à une transposition que vous qualifiez de fidèle. Il est vrai que dix des quinze articles n'ont absolument pas été modifiés, alors que vous nous aviez dit que nous pouvions essayer de combler les lacunes. Vous avez refusé tous nos amendements qui étaient fidèles à l'ANI, s'agissant par exemple de la non-substitution des primes aux salaires, que mes collègues ont déjà évoquée, ou des métiers repères. Vous avez aussi refusé tous nos amendements qui auraient permis de compléter l'accord – nous avions des propositions sur les minima conventionnels, sur l'encadrement des salaires et sur la conditionnalité des exonérations sociales. Il est vrai que cela transgressait votre règle absolue : l'ANI, rien que l'ANI. Mais nous, nous avons toujours dit : l'ANI, mais pas uniquement l'ANI.

J'espère que ces débats sur le partage de la valeur pourront se prolonger parce que j'ajoute une troisième frustration : toutes les perches qui vous ont été tendues, monsieur le ministre, ont été accueillies avec une certaine désinvolture. Vous vous contentiez de dire mécaniquement : « Je ne réponds pas favorablement à votre proposition parce qu'elle ne figure pas dans l'ANI…

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion

C'est bien ça.

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…et que j'en suis ici le gardien zélé. » Refusant ainsi le débat avec l'ensemble des députés.

Il y a des frustrations parce que nous aurions aimé faire plus mais, dans le même temps, nous assumons au groupe Socialistes et apparentés de continuer à entretenir, à chérir et à valoriser le dialogue social chaque fois qu'il permet d'aboutir. C'est la raison pour laquelle nous voterons ce texte de transposition.

« Ah ! » sur les bancs des groupes RE et Dem. – Mme Marina Ferrari applaudit.

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Mais nous le voterons pour saluer le travail du dialogue social et certainement pas la manière dont le Gouvernement instrumentalise celui-ci, voire dont il l'a méprisé pendant le débat sur les retraites.

Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 147

Nombre de suffrages exprimés 139

Majorité absolue 70

Pour l'adoption 112

Contre 27

Le projet de loi est adopté.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.

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Allez expliquer aux syndicats pourquoi vous avez voté contre, chers collègues !

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Je voudrais ajouter quatre points avant que certains ne partent dans leur circonscription et avant de laisser place au débat suivant, qui sera tout aussi intéressant et important.

Tout d'abord, je remercie cette assemblée pour son vote favorable. C'est un très bon message que l'on vient d'envoyer à la démocratie sociale.

Je regrette que l'on n'ait pas pu tous se retrouver au moins sur certains articles. Je n'ai ainsi pas compris pourquoi l'unanimité ne s'est pas faite sur l'article 3, qui donne de nouveaux droits aux salariés des entreprises de onze à quarante-neuf salariés, et sur l'article 10, qui rehausse les droits des plus bas salaires en matière d'intéressement, ainsi que sur d'autres dispositions de même nature. C'est vraiment dommage.

Je remercie évidemment le ministre, son cabinet et les différentes directions générales qui se sont beaucoup mobilisées, ainsi que les services de l'Assemblée qui font un travail formidable et qui sont toujours derrière nous aux côtés de nos collaborateurs. Je remercie aussi et surtout les syndicats et les organisations patronales qui ont permis ces trois jours de riches débats. Je salue ma collègue Eva Sas pour l'excellent travail que nous avons fait ensemble dans le cadre de notre rapport d'information.

J'entends évidemment la frustration que certains éprouvent s'agissant de quelques points, mais il faut capitaliser sur ce qui marche – je pense qu'on partage tous au moins le souci de faire mieux pour nos concitoyens, dans tous les domaines. Bien sûr qu'on aurait pu aller plus loin sur tel ou tel point, mais en envoyant le signal dont je viens de parler, en adoptant le texte en première lecture à une large majorité, on montre que la démocratie sociale et la démocratie parlementaire fonctionnent, et c'est de très bon augure pour la suite.

Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.

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L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945 (1269, 1435).

Debut de section - Permalien
Rima Abdul-Malak, ministre de la culture

Je suis très émue d'être devant vous aujourd'hui pour vous présenter le premier projet de loi, depuis la Libération, qui reconnaît la spoliation spécifique subie par les Juifs, en France et dans d'autres pays, du fait de l'Allemagne nazie et des diverses autorités qui lui ont été liées. Je suis émue, alors que tant de sujets nous fracturent en ce moment, que nous puissions nous retrouver autour de ce texte de reconnaissance, de justice et de valeurs. Il a été voté à l'unanimité au Sénat, qui l'a enrichi, et j'espère qu'à votre tour, vous lui accorderez toutes et tous votre confiance, c'est-à-dire celle de la nation.

Nous vivons dans un pays dont on évoque souvent dans cette assemblée l'histoire, l'héritage, la culture, mais nous ne pouvons le faire sans toujours nous souvenir que notre solidarité, nos idéaux et une part de notre humanité collective se sont brisés pendant la période du nazisme et de la collaboration. Une partie du peuple de France, les Juifs, qu'ils soient nés ici ou ailleurs, a été persécutée dans notre pays ; leurs biens ont été pillés, leurs vies ont été prises ou leurs existences contraintes à la clandestinité ou à l'exil. Nous ne pouvons l'oublier. En 1995, le Président Jacques Chirac a reconnu pour la première fois la complicité de la France dans la déportation des Juifs de France au cours de l'occupation du pays par l'Allemagne nazie. Il a reconnu alors que nous conservons à leur égard une dette imprescriptible, c'est-à-dire éternelle. Ce discours résonne aujourd'hui fortement dans nos esprits : « La France, patrie des Lumières et des droits de l'homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable. »

Grâce au travail des chercheurs et des historiens, grâce à nos archives et aux enquêtes menées par les familles elles-mêmes, notre connaissance de cette période est de plus en plus importante et précise. Les nazis ont fait main basse sur tout ce qui avait de la valeur, des tableaux aux objets du quotidien – des livres, de la vaisselle, des photographies, autant de souvenirs dont on n'a jamais pu retrouver la trace, sans en perdre pour autant la mémoire. Mais nous savons aussi que l'État français, celui qui gouvernait depuis Vichy, tout à sa volonté de collaborer avec le régime nazi et de sa propre initiative, a procédé à l'« aryanisation », comme on disait à l'époque, de milliers de petites entreprises, de baux locatifs et de biens divers, ainsi confisqués, vendus, arrachés à leurs détenteurs. Nous savons, depuis la mission Mattéoli en 1997, que les œuvres et objets d'art ont été spécifiquement et massivement spoliés aux familles juives par les Allemands comme par l'État français. On estime à au moins 5 millions le nombre de livres arrachés à ces familles, et à 100 000 le nombre d'œuvres, d'objets d'art et d'instruments de musique spoliés pour la seule France. Toutes les recherches menées nous ont rappelé combien les spoliations participaient de l'horreur du génocide puisqu'elles procédaient de la même volonté d'anéantissement en faisant disparaître les êtres, leurs biens, leurs créations et leur mémoire. Aryaniser, piller et spolier les biens culturels des Juifs, c'était essayer d'effacer non seulement les êtres que l'on brise mais aussi leur héritage que l'on vole – leur histoire, leur individualité et leur postérité –, c'était essayer de les réduire à un numéro sans voix, sans bagage et sans droits.

L'histoire ne peut être réécrite. Rien ne saurait réparer la tragédie de la Shoah. Mais nous pouvons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que ces biens culturels soient rendus aux ayants droit de celles et de ceux qui en ont été privés. Cela implique de faire évoluer la loi. Nous le devons aux victimes d'hier et à leurs héritiers d'aujourd'hui, pour leur rendre un fragment d'histoire familiale.

Nous construisons le présent projet de loi depuis de nombreux mois, au cours desquels j'ai appris le nom de femmes et d'hommes dont les tableaux ont disparu depuis des dizaines d'années, des tableaux qu'ils chérissaient et qui leur ont été volés, des tableaux qu'ils avaient vendus, désespérés, pour essayer de fuir, des tableaux qui constituaient souvent le dernier lien possible avec leurs ayants droit et que nous ne pouvions pourtant pas, dans l'état actuel du droit, leur restituer. Nous leur devons de nous plonger dans cette histoire. Je l'ai dit : nous estimons aujourd'hui que plus de 100 000 œuvres et objets d'art ont été spoliés en France, majoritairement dans le cadre des persécutions antisémites. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les Alliés ont tenté de récupérer ces œuvres spoliées avant qu'elles ne soient dispersées dans le contexte trouble de la fin du conflit.

Une grande partie de ces œuvres ont pu être identifiées grâce à une héroïne de la Résistance, qui a risqué sa vie pour faire ce qui est juste, sans rien attendre en retour : Rose Valland, attachée de conservation bénévole au musée du Jeu de paume. L'historienne de l'art Emmanuelle Polack, que je tiens à remercier dans cette assemblée pour son travail colossal sur le sujet des spoliations d'œuvres d'art par le régime nazi, a contribué à mieux faire connaître son histoire. À l'automne 1940 s'installe au musée du Jeu de paume une organisation culturelle du parti nazi, le « service Rosenberg », dirigée par l'idéologue du Reich, Alfred Rosenberg, dont la mission consiste à confisquer systématiquement les collections privées appartenant aux Juifs. Pendant toute la période de l'Occupation, Rose Valland parvient à se maintenir à son poste et réussit à soustraire au service Rosenberg les renseignements les plus précieux sur la localisation des œuvres emportées en Allemagne ; elle consigne tout dans ses carnets – titres, artistes, propriétaires, origines et destinations –, au péril de sa vie. À l'armistice, elle intègre l'état-major de la première armée du général de Lattre de Tassigny, se rend en Allemagne et y mène des enquêtes pour identifier et ramener des biens culturels reconnus comme appartenant au patrimoine artistique français. Son action d'agent de liaison au sein de la commission de récupération artistique, conjuguée à celle des Alliés, va permettre le retour d'environ 60 000 œuvres parmi celles qui avaient été transférées en Allemagne et en Autriche. Nous devons tant à Rose Valland, à son courage, à son sens de la justice !

Sur ces 60 000 biens culturels revenus d'Allemagne, environ 2 200 ont été confiés à la garde des musées nationaux sans entrer dans leurs collections : ce sont les œuvres dites MNR, « musées nationaux récupération », qui peuvent, elles, être restituées sans passer par la loi car elles n'appartiennent pas aux collections nationales, l'État n'en étant que le détenteur provisoire.

Mais d'autres œuvres sont passées de main en main, des spoliateurs aux acheteurs peu scrupuleux, puis d'une collection à l'autre, d'un marchand à l'autre, jusqu'à se retrouver parfois dans les collections publiques. Démêler le parcours tortueux de ces œuvres, fait souvent de dissimulations et de manipulations, est extrêmement complexe. C'est un travail d'enquête de longue haleine, qui nécessite une grande détermination mais aussi une expertise très pointue. Ce que le législateur permettra aujourd'hui si votre assemblée vote ce texte, c'est l'historien qui l'a construit. En effet, ces dernières décennies, de nombreuses études conduites en Europe, surtout en France et en Allemagne, ont révélé, numérisé et mis en partage des sources d'archives qui permettent de lutter contre l'oubli. Nul ne peut désormais ignorer toutes ces ressources.

À l'occasion de la commémoration de la rafle du Vél d'Hiv en 2018, le Premier ministre s'était engagé à faire mieux en matière de recherche et de restitution des œuvres d'art spoliées aux familles juives. À cet effet, le ministère de la culture a créé en 2019 la mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 (M2RS), afin de piloter et d'animer cette politique publique de recherche, de réparation et de mémoire. Je tiens à remercier personnellement David Zivie et son équipe dont l'expertise et l'engagement, mis au service des musées, contribuent chaque jour à faire mieux.

Longtemps, les recherches se sont concentrées sur les œuvres siglées MNR qui n'ont pu, malgré bien des efforts, être restituées à des propriétaires restés inconnus, mais depuis la création de cette mission, les recherches ont été étendues à d'autres types d'œuvres, celles entrées en toute légalité dans les collections, parfois bien des années ou même des décennies après la guerre. Dans deux cas sur trois, c'est à l'initiative du ministère de la culture que les œuvres spoliées sont identifiées et restituées aux descendants. Ces travaux, ces enquêtes et ces restitutions ont tissé un lien entre les chercheurs et les experts d'hier et d'aujourd'hui car, désormais, une nouvelle génération d'historiens s'engage avec détermination dans les recherches de provenance et examine, pas à pas, l'ensemble des collections publiques pour y déceler, parmi les œuvres acquises depuis 1933, celles d'origine douteuse.

Les professionnels de l'art sont plus que jamais prêts à conduire ce chantier et le ministère de la culture ne cesse de l'encourager. Ainsi, ces préoccupations sont reprises aujourd'hui dans la formation initiale des conservateurs du patrimoine, des conservateurs des bibliothèques et des commissaires-priseurs, dans l'enseignement délivré à l'École du Louvre et à l'Institut national du patrimoine, et, depuis 2022, dans un diplôme de l'université Paris Nanterre dédié à la recherche de provenance. J'ajoute qu'à la rentrée prochaine, un nouveau master va être créé à l'École du Louvre, consacré, lui aussi, à la recherche de provenance. Ces efforts de formation sont véritablement indispensables et nous continuerons à les amplifier.

Les musées sont désormais pleinement mobilisés, parfois en créant des postes spécifiquement dédiés aux études de provenance, comme au Louvre ou à Orsay, ou en missionnant des chercheurs pour évaluer leurs collections, comme au musée des Beaux-Arts de Rouen. Les outils méthodologiques existent, les formations produisent de nouvelles générations d'experts, cette préoccupation citoyenne est devenue générale : aucun musée ne peut rester désormais à l'écart de cette quête.

C'est dans cette perspective que j'engage également mon ministère dans le soutien aux musées territoriaux qui relèvent de la compétence des collectivités, pour que des aides puissent être attribuées aux recherches de provenance qu'ils souhaitent mener. Cependant, lorsque ces longues et difficiles recherches aboutissent à repérer une œuvre spoliée dans les collections publiques et à en identifier les propriétaires, et même lorsque toutes les parties s'accordent sur le principe de la restitution, il reste impossible de la restituer sans passer par une loi spécifique permettant de déroger au principe d'inaliénabilité des collections publiques. Or une telle loi ne peut intervenir qu'après une certaine attente, au terme d'un processus législatif nécessairement long.

Plutôt que de multiplier les lois spécifiques et d'attendre encore de longues années, le présent projet de loi-cadre sur les biens spoliés dans le contexte des persécutions antisémites va nous permettre d'accélérer et de simplifier notre schéma de restitution. Il constitue le premier des trois textes-cadres sur lesquels je travaille assidûment avec l'ensemble des parlementaires. Le deuxième texte est la proposition de loi de la sénatrice Catherine Morin-Desailly, soutenue par le Gouvernement, visant à encadrer et à faciliter la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques – son engagement de longue date sur ce sujet est exceptionnel. Cette proposition de loi vient d'être adoptée au Sénat et sera prochainement examinée à l'Assemblée nationale. Le troisième texte-cadre, défendu par le Gouvernement, concernera les biens culturels mal acquis à l'étranger, en particulier en Afrique. Nous prendrons le temps nécessaire pour le préparer, en lien avec les parlementaires, en prenant appui sur les propositions qu'a formulées Jean-Luc Martinez dans son récent rapport et sur les diverses consultations que nous menons. Ces trois textes traitent de contextes très différents et spécifiques. Il m'importait de les distinguer clairement, mais tous participent à un même mouvement de reconnaissance, d'apaisement des mémoires et de justice.

En modifiant le code du patrimoine, le présent projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945 va ouvrir un nouveau chapitre du rapport que nous entretenons avec notre histoire, dans le sens de la justice et de la vérité historique. Sur la base d'un travail rigoureux mené par des experts, et sous réserve de l'avis de la CIVS – la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation –, créée en 1999, chaque bien culturel entré dans les collections publiques qui sera identifié comme ayant été spolié pourra être restitué aux ayants droit de son propriétaire, sans délai supplémentaire. Pour l'État, un décret simple de la Première ministre suffira ; pour les collectivités, une décision de l'organe délibérant.

Nous élargissons le champ de compétence de la CIVS pour qu'elle puisse traiter des dossiers de spoliations antisémites intervenues entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945, quel qu'en soit le lieu – nous ne visons pas seulement la France pendant l'Occupation – car, même volées à l'étranger, des œuvres spoliées peuvent se trouver aujourd'hui dans une collection publique française. Telle est désormais la portée de cette nouvelle ambition, qui nous engage et nous oblige.

Par ailleurs, nous souhaitons nous donner les moyens de procéder à ces restitutions. Comme l'a recommandé le Sénat en examinant le texte, le Gouvernement s'est engagé à remettre au Parlement un rapport tous les deux ans. Il y sera fait régulièrement état non seulement des restitutions opérées, mais aussi du budget consacré par chaque musée national aux recherches de provenance, et de l'aide technique ou financière que mon ministère apporterait aux autres musées qui en exprimeraient le besoin.

J'aimerais remercier sincèrement les parlementaires engagés dans la construction et l'enrichissement de ce projet de loi. D'abord au Sénat, grâce au travail de la rapporteure Béatrice Gosselin, puis à l'Assemblée, notamment grâce à vous, chère Fabienne Colboc. En effet, vous vous êtes pleinement investie pour que les mots choisis soient les plus justes possibles, de sorte que ce texte soit précis et puisse largement rassembler – je vous en remercie.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, LR, Dem, HOR, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.

Debut de section - Permalien
Rima Abdul-Malak, ministre de la culture

Je souhaite vous lire les mots que j'ai lus dans l'hémicycle du Sénat, parce qu'ils m'accompagnent depuis mon arrivée au ministère de la culture et m'ont encouragée à faire de ce texte de justice mon premier projet de loi. Voici ce qu'écrivait Patrick Modiano dans Dora Bruder, il y a un peu plus de vingt-cinq ans, alors que nous commencions à prendre la mesure de l'ampleur du drame des spoliations : « Il faut longtemps pour que ressurgisse à la lumière ce qui a été effacé. Des traces subsistent dans des registres et l'on ignore où ils sont cachés et quels gardiens veillent sur eux et si ces gardiens consentiront à vous les montrer. Ou peut-être ont-ils oublié tout simplement que ces registres existaient. […] En écrivant ce livre, je lance des appels, comme des signaux de phare dont je doute malheureusement qu'ils puissent éclairer la nuit. »

Chercheurs, historiens, associations, descendants des familles, élus : ils ont été nombreux à entendre ces appels et à nous aider à éclairer la nuit. Je voudrais ici les remercier ; c'est leur mobilisation depuis des décennies qui a rendu possible l'élaboration de ce projet de loi.

Les derniers témoins de la Shoah sont encore parmi nous, mais plus pour très longtemps. Malheureusement, l'antisémitisme n'appartient toujours pas au passé. Le combattre reste un engagement absolu et quotidien, pour qu'on ne puisse plus jamais dire que la Shoah était un « détail de l'histoire ». Dans son livre La Carte postale, Anne Berest relie sa généalogie familiale au présent : « Je suis fille et petite-fille de survivants. Je me rends compte aujourd'hui que j'avais l'âge de ma mère, le même âge que ma grand-mère au moment où elles avaient reçu les insultes et les jets de pierre, l'âge de ma fille quand, dans une cour de récréation, on lui avait dit qu'on n'aimait pas les Juifs dans sa famille. » Ces mots, ces insultes, ces agressions, nous ne voulons plus jamais les vivre.

Ce projet de loi n'est qu'une très modeste contribution à ce combat permanent, mais il n'en reste pas moins historique. Il s'inscrit dans un chemin ouvert par les résistants – dans le maquis, à Londres, en Afrique du Nord, mais aussi dans nos musées –, ouvert par Rose Valland, ouvert par toutes celles et tous ceux qui se sont battus pour la justice et l'humanité. Avec ce projet de loi, nous rendons hommage à leur engagement, à leur courage ; nous nous en montrons dignes.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, SOC, HOR et Écolo – NUPES.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme Fabienne Colboc, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai l'immense honneur de vous présenter aujourd'hui, au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, le projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945. En ce moment historique, je veux saluer le chemin parcouru en un temps relativement court pour parvenir à l'élaboration de ce projet de loi-cadre, depuis l'adoption, l'an dernier, de la loi d'espèce ayant permis la restitution de quinze œuvres spoliées ; je tiens à remercier de nouveau Mme la ministre, pour avoir défendu le présent texte dès la première année de cette législature.

Le 25 janvier 2022, je concluais mon propos dans cet hémicycle, non sans émotion, devant des ayants droit assis dans les tribunes, en soulignant que le projet de loi d'espèce permettant la restitution de certains biens culturels spoliés dans le cadre de persécutions antisémites constituait une première étape très importante, mais non un aboutissement. Si le texte que nous examinons aujourd'hui constitue bien un jalon essentiel, je veux affirmer solennellement, au risque de me répéter, qu'il ne saurait être question de célébrer un aboutissement, de considérer que notre travail est terminé et que nous serions désormais quittes de la question de la restitution des biens spoliés : c'est impossible, car rien ne viendra jamais réparer l'horreur ou l'indignité des faits commis.

Au contraire, ce projet de loi doit être l'aube d'un effort renouvelé de toutes nos institutions publiques culturelles pour faire la lumière sur la provenance des biens conservés. Le débat d'aujourd'hui doit aussi être l'occasion de rappeler que l'antisémitisme, et plus largement les discours de haine ou d'exclusion, n'ont pas disparu et doivent demeurer l'objet d'une vigilance permanente et d'une lutte constante de notre part à tous.

La persécution des Juifs a connu des formes diverses entre 1933 et 1945 et le vol de leurs biens constituait souvent le préalable aux assassinats dont ils ont été victimes en masse. Avant l'extermination méthodique, avant la Shoah, il y eut les spoliations, c'est-à-dire les vols, les pillages, les confiscations ou les ventes forcées ; elles ont joué un rôle central dans la politique d'exclusion sociale et économique des Juifs de France et d'Europe. S'en prendre aux biens, c'est toucher l'intime, c'est le début de la nuit. Ces spoliations ont été conduites par le régime nazi avec la complicité de l'État français sous l'Occupation. La dette que l'État français conserve à l'égard des victimes et de leurs familles est imprescriptible, comme le reconnaissait le président Jacques Chirac en 1995.

Le présent texte ne réparera pas l'irréparable, mais il nous aidera à restaurer un peu de justice. Les restitutions de biens spoliés n'ont pas uniquement pour objet de compenser un préjudice matériel, mais bien de rétablir un titre de propriété légitime et de contribuer à garantir le respect de la dignité des victimes de la barbarie nazie. La spoliation des biens culturels par la suppression d'une partie de l'identité des Juifs qui en ont été victimes constituait l'une des premières attaques contre leur humanité, dont la « solution finale » a représenté la suite tragique et définitive.

Le projet de loi soumis à notre discussion a été adopté en première lecture par le Sénat à l'unanimité le 23 mai dernier. Son caractère symbolique y a été amplement souligné et la simplicité et la praticité du dispositif proposé, largement reconnues. J'ai le plus grand espoir que nous puissions parvenir à un accord tout aussi unanime aujourd'hui, car ce texte constitue à mon sens une avancée réelle dans la prise en compte par la France de la nécessité absolue de restituer les biens culturels spoliés. La France a trop longtemps fait preuve d'une forme de réticence à se pencher sur son passé, alors même que l'après-guerre avait constitué une période très active dans notre pays pour la recherche des biens spoliés et leur restitution. À cela s'ajoute la spécificité juridique française du caractère inaliénable des collections publiques, qui réduisait le champ des restitutions possibles.

L'impulsion donnée à la recherche de provenance par la création de la M2RS au sein du ministère de la culture et la coordination de son action avec la CIVS pourraient donner lieu à la découverte de nombreux biens spoliés. Une loi-cadre permettra d'accélérer le rythme des restitutions. Elle constituera un signe fort d'engagement de la part de la France et accompagnera la démarche plus volontariste des établissements culturels, qui ont désormais pris toute la mesure de l'enjeu consistant à être les conservateurs de collections propres. Le marché de l'art a pris conscience de l'importance de ces enjeux, et le présent texte devrait l'inspirer à s'améliorer encore dans la recherche de provenance.

L'article 1er institue une nouvelle procédure de sortie des biens culturels du domaine public, dérogatoire au régime d'inaliénabilité : elle permettra à la personne publique, après avis de la CIVS, de prononcer la restitution à son propriétaire ou à ses ayants droit de tous types de biens culturels – œuvres d'art, livres, instruments de musique – ayant fait l'objet d'une spoliation. L'article prévoit aussi la possibilité d'autres modalités d'accord entre les personnes publiques et les ayants droit, au-delà des compensations financières, ce qui ouvre des perspectives intéressantes.

La commission prévue par le texte s'inscrira dans les pas de la CIVS, instaurée en 1999, qui a vu ses compétences renforcées et élargies en 2018. Le travail remarquable qu'accomplit la CIVS pourra ainsi être poursuivi : ses avis scientifiques et indépendants sont une garantie d'impartialité de l'action publique dans les restitutions – il faut s'en féliciter. En commission, nous sommes parvenus à l'adoption très large d'une qualification des autorités françaises durant l'Occupation, préparée par de nombreuses consultations ; il s'agit d'un point d'équilibre satisfaisant, qu'il convient de préserver.

L'article 2 permet l'application de la procédure prévue à l'article 1er aux biens des collections des musées privés portant le label « musées de France », acquis par dons et legs ou avec le concours de l'État ou d'une collectivité territoriale. Cette capacité donnée aux musées privés est susceptible de créer une impulsion nouvelle afin qu'ils prennent en compte l'enjeu des restitutions de biens spoliés.

L'article 4, ajouté en séance au Sénat, prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport pour l'informer des biens culturels spoliés ayant fait l'objet d'une restitution. Notre travail en commission a permis d'enrichir le contenu de ce rapport, qui devra mentionner les biens concernés par des modalités de réparation autres que la restitution ; il a été également décidé que le rapport sera bisannuel.

Vous l'aurez compris, le présent projet de loi apparaît cohérent et nécessaire ; il répond à un besoin de simplification pour faciliter les processus de restitution et parvenir à des solutions justes et équitables, en ligne avec les principes de la conférence de Washington applicables aux ?uvres d'art confisquées par les nazis.

L'application de la loi ne doit évidemment pas conduire à écarter le Parlement de ce sujet : il nous reviendra d'user des instruments dont nous disposons pour continuer à faire vivre la mémoire de ces évènements et à suivre l'avancée des restitutions, que ce soit par l'audition régulière de la CIVS ou par des travaux d'information et d'évaluation des résultats obtenus. Ce suivi devra notamment nous permettre d'alerter le Gouvernement, le cas échéant, sur les besoins en moyens supplémentaires.

Qu'il me soit permis, en conclusion, de rendre hommage à toutes les personnes qui se sont engagées, individuellement ou collectivement, pour la défense des familles juives dépossédées. À l'instar de Mme la ministre, je pense bien sûr à Rose Valland, qui a œuvré à ce que soient documentés un grand nombre de transferts de biens culturels. Je pense à Jean Mattéoli, dont le rapport de 1997 sur la spoliation des Juifs de France a fait date. Je pense aussi aux parlementaires qui ont remis le débat au cœur des hémicycles, Mmes Marie-Christine Blandin et Corinne Bouchoux.

Je remercie les collègues qui se sont engagés à mes côtés sur cette question, notamment Fabrice Le Vigoureux et Caroline Yadan. Je remercie Aurore Bergé pour sa confiance et Mathieu Lefèvre pour ses éclairages précieux. Je remercie aussi les députés de la majorité Estelle Folest, Sophie Mette et Jérémie Patrier-Leitus, ainsi que tous les autres députés avec qui j'ai pu échanger.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.

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Je pense également aux institutions culturelles qui se sont emparées du sujet, avec l'appui de la M2RS dirigée par M. David Zivie, dont je veux saluer la présence ,

MM. Fabrice Le Vigoureux et Jérémie Patrier-Leitus applaudissent

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et de la CIVS présidée par M. Michel Jeannoutot. Je remercie les historiens consultés au cours de notre réflexion pour leurs éclairages précieux sur une période complexe. Je souhaite enfin remercier les administratrices qui m'ont accompagnée, Julie De Clerck et Lou Ansaldi, ainsi que Camille Simon.

Mes derniers mots seront évidemment pour rendre hommage à toutes les victimes des spoliations antisémites, aux familles décimées, aux disparus. Aucune loi ne permettra de réparer l'irréparable ; aucun débat ne permettra de dire l'ineffable. Néanmoins, ce texte exprime notre unité et permettra, je l'espère, de continuer à faire vivre, face à la nuit de l'oubli, la mémoire de ceux qui ont vécu l'horreur.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, HOR et Écolo – NUPES. – M. Roger Chudeau applaudit aussi.

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La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

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Nos débats de ce jour s'inscrivent dans un mouvement de réflexion plus vaste sur la composition de nos collections publiques et sur la recherche de provenance. Mme la ministre l'a rappelé, ce mouvement donnera lieu à d'autres initiatives législatives, telles que la proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques, adoptée il y a quelques jours en première lecture par le Sénat. Le texte que nous examinons porte sur la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945. Son adoption à l'unanimité, d'abord au Sénat, puis la semaine dernière en commission des affaires culturelles, témoigne du consensus qui existe au sein de la représentation nationale sur la nécessité d'agir rapidement pour faciliter la restitution de ces biens.

Selon Albert Camus, « tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude ». Dans la mise en œuvre d'une politique systématique de spoliation des biens culturels se retrouve cette entreprise d'asservissement, prélude à une volonté d'anéantissement pur et simple. Il est de notre devoir, à notre échelle, de tout faire pour reconnaître la blessure alors infligée et le crime alors perpétré à l'encontre des communautés juives, à l'encontre de l'humanité entière, et d'y opposer un vigilant travail de mémoire, ce qui passe notamment par les restitutions.

Malgré le travail de figures exemplaires, telles que Rose Valland, et malgré les restitutions déjà opérées de biens figurant notamment à l'inventaire « musées nationaux récupération », nos musées et bibliothèques comptent encore dans leurs collections publiques des œuvres d'art, des livres et des instruments de musique qui n'auraient jamais dû s'y trouver. Face à ce constat, la responsabilité, cette « dette imprescriptible » évoquée par le président Chirac dans son discours de commémoration de la rafle du Vél d'Hiv, nous enjoint d'agir. Et nous devons agir non pour réparer l'irréparable, mais bien pour répondre de la manière la plus juste possible, en restituant aux héritiers ou aux ayants droit la part de dignité, de culture, d'histoire qui a été dérobée à leurs familles lors des spoliations.

En ce sens, ce texte s'inscrit également dans la poursuite du travail engagé, depuis la création de la mission d'étude Mattéoli, pour l'identification des œuvres spoliées et de leurs ayants droit. Je tiens à cette occasion à saluer l'engagement des équipes de la CIVS, dont les compétences en matière de recherche et de restitution des œuvres ont été étendues en 2018, ainsi que le travail réalisé par la M2RS, créée en 2019 au sein du ministère de la culture.

Cette loi-cadre devra permettre d'aller plus loin. Un an après l'adoption de la loi d'espèce ayant conduit à la restitution d'une quinzaine d'œuvres spoliées, ce nouveau texte permettra de conduire, avec plus d'efficacité et de simplicité, le processus de restitution.

La procédure ouverte par ce projet de loi doit constituer un signal clair. D'abord, elle doit être un signal à l'égard des familles et des ayants droit, en leur assurant des voies efficaces, transparentes et simplifiées lorsqu'ils souhaitent présenter une demande de restitution. Ensuite, elle doit être un signal à l'égard des institutions culturelles. En effet, la lenteur de la procédure législative nécessaire à la restitution de biens culturels ne les incitait pas à développer les recherches de provenance. Comme l'ont rappelé les travaux de la commission des affaires culturelles, que j'ai l'honneur de présider, ce projet de loi doit déclencher des efforts accrus dans ce domaine, car le chemin est encore long sur la voie de l'identification de tous les biens ayant pu faire l'objet de spoliations entre 1933 et 1945.

Enfin, ce projet de loi est un signal à l'égard de la représentation nationale. Certes, il permettra à l'avenir de ne plus soumettre au vote du Parlement la décision de restituer une œuvre identifiée comme spoliée. Néanmoins, j'en suis profondément convaincue en tant qu'élue de la Moselle, il nous revient de préserver la mémoire des victimes de ces crimes et la connaissance de ce qui est fait, aujourd'hui encore, pour y apporter une réponse. En ce sens, je ne peux que saluer l'initiative du Sénat, précisée par la commission, visant à assurer la pleine information du Parlement sur le travail qui sera mené à l'avenir par la CIVS.

Pour conclure, je souhaite remercier une fois encore Mme la rapporteure pour son engagement dans ce domaine depuis plusieurs années, ainsi que Mme la ministre, qui a pris le sujet à bras-le-corps dès le début de la législature. Je remercie aussi tous les collègues de la commission, qui se sont investis lors de l'examen du texte et ont fait en sorte que les débats soient dignes et fructueux.

Mme Caroline Parmentier applaudit.

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J'espère sincèrement que les débats au sein de notre hémicycle seront empreints de la même solennité et qu'ils aboutiront au même consensus.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem et SOC.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Carlos Martens Bilongo.

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« Transmettre la mémoire du peuple juif, des souffrances et des camps. Témoigner encore et encore. Reconnaître les fautes du passé, et les fautes commises par l'État. Ne rien occulter des heures sombres de notre histoire, c'est tout simplement défendre une idée de l'homme, de sa liberté et de sa dignité. C'est lutter contre les forces obscures, sans cesse à l'œuvre. » Jacques Chirac a prononcé ces mots il y a vingt-huit ans, reconnaissant alors pour la première fois la responsabilité de la France dans les souffrances infligées aux Juifs spoliés et assassinés.

Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.

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Soixante-quinze ans après la seconde guerre mondiale, je parle sous le regard de Léon Najchaus, qui assiste à nos débats depuis la tribune. Léon Najchaus est un enfant de Belleville. Il n'avait que six ans en 1942, quand son père a été arrêté, puis déporté à Auschwitz. Il doit son salut à une jeune femme, une Juste parmi les nations, qui l'a emmené en Normandie. Je tiens à le saluer.

Je veux m'associer à la rapporteure de ce projet de loi-cadre en ce qu'elle a souhaité « insister sur l'importance historique du texte proposé, comme sur l'humilité qui doit l'accompagner. Il ne saurait être question de véritablement "réparer" les actes qui ont été perpétrés dans le cadre des persécutions antisémites de 1933 à 1945 ».

Cette loi-cadre revêt une importance symbolique. En effet, dans le contexte des persécutions antisémites de la période nazie, la volonté d'anéantir les Juifs d'Europe s'est accompagnée de la dépossession de leurs biens. Les spoliations ont ainsi été l'accessoire d'un crime contre l'humanité. À la souffrance liée à la perte d'êtres chers, elles ont ajouté une dimension douloureuse : une dépossession s'inscrivant dans un processus de persécution méthodique et intégral.

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Cette loi-cadre revêt également une importance pratique, dans la mesure où elle prévoit une simplification. Les restitutions de biens spoliés doivent être accompagnées et facilitées par la puissance publique. Cette responsabilité doit être assumée, car c'est par cette même puissance publique que ces spoliations ont été rendues possibles. Dès le 3 octobre 1940, le régime de Vichy a engagé sa propre politique de persécution antisémite, avec la première loi portant statut des Juifs. Il a fait adopter ensuite la loi du 22 juillet 1941, dite loi d'aryanisation, destinée à « supprimer toute influence israélite dans l'économie nationale ». C'est ce cadre légal qui a permis le placement sous administration provisoire de tous les biens appartenant aux personnes considérées comme juives, à l'exception de leur résidence principale, et la mise en vente de ces biens au profit de l'État.

En outre, avec la loi du 23 juillet 1940, le régime de Vichy s'est assuré de capter les biens des Français ayant quitté la France par crainte de persécutions ou des conséquences de l'armistice signé le 22 juin 1940. Déchus de leur nationalité, ces Français ont vu leurs biens placés sous séquestre par les autorités de Vichy et spoliés. C'est aussi le régime de Vichy qui a créé les conditions dans lesquelles sont intervenus le vol, le pillage et toutes les formes de ventes contraintes par les circonstances ou par la nécessité de fuir en dégageant quelques ressources pour survivre.

Il revient donc à l'État français de faciliter les restitutions autant qu'il le peut, en créant un dispositif administratif dérogatoire permettant la sortie d'un bien culturel du domaine public, après avis de la commission compétente. Cette loi-cadre est donc un dispositif dérogatoire, mais c'est avant tout une solution juste, équilibrée, dictée par l'intérêt général.

Au-delà des déclarations d'intention et des vœux pieux, cette volonté institutionnelle de faciliter les restitutions doit, j'y insiste, trouver une réelle efficacité et s'exercer dans de réelles conditions de transparence. En premier lieu, la CIVS doit véritablement disposer des moyens nécessaires pour mener à bien ses missions. Or les moyens humains et financiers mis en œuvre par la France restent modestes : 200 000 euros seulement sont accordés à la M2RS, et le ministère de la culture n'envisage pas a priori d'augmenter cette faible dotation.

En second lieu, nous ne saurions envisager de mécanisme dérogatoire sans y apporter le contrepoids de la transparence, assurée grâce à la reddition de comptes à la représentation nationale. En ce sens, j'insiste sur ce point, le rapport présenté aux parlementaires doit être annuel, et non bisannuel, et doit aller plus loin que la loi-cadre ne le prévoit à ce stade : il doit préciser les démarches qui ont été réalisées pour rechercher les propriétaires des œuvres ou leurs ayants droit, ainsi que les diligences qui ont été accomplies pour les aviser de la présence des œuvres dans les collections.

Une double responsabilité incombe aux propriétaires publics : d'abord, faire la lumière sur la provenance de leur collection ; ensuite, donner l'exemple. En réalité, il appartient à tous les propriétaires et professionnels de l'art d'adopter cette démarche, afin que disparaisse le marché infâme des biens spoliés jamais restitués.

Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC. – Mme la rapporteure et M. Stéphane Peu applaudissent aussi.

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Dans le lot des malheurs que charrie toute guerre, les atteintes portées aux biens culturels et aux œuvres d'art sont, hélas, une réalité sous toutes les latitudes et presque de tout temps, qu'il s'agisse de pillages de lieux de culture, de spoliations de biens privés ou de destructions pures et simples par fanatisme. Les spoliations de biens culturels commises dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945 s'inscrivent dans cette sombre lignée. La nécessité de permettre la restitution de ces biens est une évidence que nul ne peut contester. Ce texte a été adopté à l'unanimité en commission et le sera de nouveau, j'en suis persuadée, à l'issue de cette séance.

Le génocide des Juifs européens par les nazis, « secondé » dans notre pays par l'État français – pour reprendre le terme employé par Jacques Chirac dans son discours de commémoration de la rafle du Vél d'Hiv –, demeure une blessure infligée à l'humanité tout entière. La spoliation de leurs biens a participé de l'effacement d'un peuple qui entretenait un lien particulier avec l'art, la création, la beauté tout simplement, comme l'atteste l'ampleur, en nombre et en qualité, des œuvres dérobées.

La cupidité n'explique pas tout. L'émotion exprimée par l'une de nos collègues lors de nos débats en commission a parfaitement résumé le sens que les nazis donnaient à ces vols : au-delà de la seule valeur matérielle de ces biens, certes souvent remarquables, ils voulaient s'approprier l'âme de ceux dont ils avaient résolu l'effacement, jusqu'à leur environnement le plus intime.

Cette loi fait donc œuvre de justice. Je veux rendre hommage à tous ceux dont le travail patient et minutieux de recherche sur la provenance des œuvres a permis leur juste restitution. Si le secteur privé s'est organisé et si je salue la création d'un master recherche de provenance au sein de l'École du Louvre, il conviendrait que l'État soutienne pleinement la recherche publique par l'attribution d'allocations de recherche doctorale.

Si la restitution des œuvres dans le contexte des persécutions antisémites occupe une place singulière, dont chacun mesure la portée, on ne peut ignorer un mouvement plus général qui voit la contestation faite à plusieurs pays européens de conserver et d'exposer des œuvres d'origine étrangère appartenant parfois à des ensembles architecturaux de ce fait lacunaires. On pense évidemment à l'exemple fameux des frises du Parthénon, dont le Royaume-Uni et la France possèdent des fragments. Dans ce débat légitime, le groupe les Républicains soutient pleinement la participation du législateur à la définition d'une doctrine française sur les restitutions, éclairée par les études historiques et scientifiques. Nous souhaitons toutefois rappeler notre profond attachement au principe protecteur des collections muséales françaises. Les restitutions constitueront toujours une dérogation au principe d'inaliénabilité. Nous veillerons à ce que les critères de « restituabilité » – je cite le mot de Jean-Luc Martinez – soient clairement déterminés et respectés, ainsi que, comme le préconise son rapport, les décisions de restitution ne soient jamais ni le fait du prince, ni un acte de repentance, mais un geste constructif.

Même si la restitution des biens culturels appartenant aux Juifs ne relève pas de ce débat, c'est l'occasion de l'aborder ; vous-même, madame la ministre, l'avez fait. Je veux dire à Mme la rapporteure, qui n'a cité que des députés de la majorité,…

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…et à Mme la ministre que les députés de tous bords intéressés par ces questions entendent participer pleinement à leur résolution et qu'elles doivent être abordées dans le sens le plus large possible. Nous serons particulièrement vigilants sur ce point.

En tout cas, s'agissant de ce texte de loi, la restitution des biens spoliés aux Juifs est une obligation morale et une œuvre de justice. Nous voterons naturellement et sans hésitation pour ce texte.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, SOC et HOR. – MM. Rodrigo Arenas et Roger Chudeau applaudissent également.

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Sous la législature précédente, grâce à l'impulsion d'Emmanuel Macron, nous rendions au Bénin et au Sénégal des œuvres d'art qui leur avaient appartenu. En l'état actuel, la sortie de ce type de bien des collections publiques sur l'initiative de l'État doit nécessairement être autorisée par la loi.

Le groupe Démocrate, que j'ai l'honneur de représenter aujourd'hui, regrettait la multiplication des textes à cet effet. Déjà, nous défendions l'idée d'une loi-cadre qui apporterait une procédure lisible aux restitutions. Celles-ci ne doivent pas simplement dépendre du bon vouloir d'un décideur, mais d'une politique claire s'appuyant sur un travail historique étayé.

Le besoin d'un dispositif général permettant de faciliter les restitutions a été exprimé à plusieurs reprises. Le Conseil d'État lui-même, dans son avis du 7 octobre 2021, recommandait l'élaboration d'une loi-cadre « afin d'éviter la multiplication de lois particulières et de permettre d'accélérer les restitutions ». Nous y sommes. Pour restituer quatorze œuvres des collections nationales et une œuvre d'une collection municipale, le Parlement avait adopté la loi du 21 février 2022. Il s'est ainsi, pour la première fois, prononcé pour la restitution de biens spoliés dans le contexte des persécutions antisémites. Devant l'unanimité de cette décision, il semblait logique de commencer la construction de lois-cadres par un texte traitant des spoliations de biens culturels sur critères antisémites survenues entre 1933 et 1945. Je dis « commencer la construction de lois-cadres », car notre assemblée a vocation à se pencher sur deux autres textes : celui sur les restes humains, récemment adopté au Sénat, et celui sur les biens pillés dans un contexte colonial. Cette division, voulue par le Gouvernement, marque la responsabilité que la France prend vis-à-vis de ces différentes époques de son histoire.

Comme j'ai pu l'exprimer en commission, l'étude de textes ayant trait à notre histoire représente toujours un moment grave, surtout lorsque nous abordons les années d'occupation de notre pays par l'Allemagne nazie et la cruelle responsabilité d'une partie de la France dans les actes commis, « irréparables », comme les qualifiait le président Chirac. Un chemin étroit et juste doit donc être le nôtre. La mission qui sera confiée à la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations est exigeante, car celle-ci devra traiter des heures les plus sombres de notre histoire. Mais la commission a déjà démontré sa capacité à mener à bien des recherches minutieuses et la confiance que l'on peut lui témoigner s'est traduite en 2018 par un décret lui donnant la possibilité de s'autosaisir cas de suspicion de spoliation. La justesse, on la retrouve également dans ce projet de loi-cadre qui permet aux ayants droit d'obtenir différentes réparations, selon leurs discussions avec les acteurs publics. Sur ce point aussi, la CIVS, qui possède déjà cette compétence, saura accompagner utilement tous les acteurs.

Le groupe Démocrate salue votre travail, madame la ministre, et le vôtre, madame la rapporteure. On ne peut que se réjouir de voir que le texte a été adopté à l'unanimité au Sénat et en commission à l'issue de débats qui se sont bien déroulés. Je forme le vœu que nous puissions continuer sur cette lancée.

Les représentants du monde culturel et des instances mémorielles auditionnées saluent, eux aussi, le projet de loi. Je les remercie pour leur participation active lors des auditions et pour le travail qu'ils ont réalisé.

Un point est apparu lors de nos discussions avec nos interlocuteurs et lors des débats en commission concernant la dénomination du gouvernement français. Si ce débat est important, il ne doit pas nous détourner de l'objet premier du texte ; il est cependant légitime que la discussion ait lieu dans l'hémicycle. Dans l'histoire comme dans la loi, les mots ont un sens. Je rappellerai donc notre attachement, dans la continuité du discours du président Chirac, à regarder notre histoire en face, sans surinterprétation ni récupération. Une fois de plus, l'équilibre trouvé semble juste et effectif dans sa qualification juridique des termes.

La responsabilité de la France se joue aussi et surtout maintenant. Nous en prenons notre part. Rendre les biens acquis lors des périodes les plus sombres est un devoir et notre honneur. Il s'inscrit dans un important devoir mémoriel qui doit perdurer. Pour toutes ces raisons, le groupe Démocrate votera, bien sûr, en faveur du projet de loi.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.

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C'est avec gravité et émotion que notre assemblée commence l'examen du projet de loi, adopté par le Sénat le 23 mai dernier, relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945. La seconde guerre mondiale, entre l'occupation allemande et la collaboration, est l'une des pages les plus noires de l'histoire de notre pays. Reniant l'héritage de la Révolution française, la France, patrie des Lumières et des droits de l'homme, a accompli l'irréparable en prêtant son concours à l'occupant nazi et en contribuant à la déportation de milliers de nos compatriotes. Juifs, Tsiganes, résistants, réfractaires au STO – service du travail obligatoire –, militants politiques, homosexuels, otages, républicains espagnols… La France a déporté plus de 160 000 de nos concitoyens, dont 75 721 Juifs, partis pour les camps d'extermination.

Les déportations, assassinats et crimes contre l'humanité dirigés contre les Juifs sont le degré ultime de la monstruosité nazie. Mais le IIIe Reich et les régimes de collaboration européens ont également entrepris des spoliations et des confiscations des biens matériels des Juifs de France. Les historiens estiment qu'environ 100 000 œuvres et objets d'art ont été arrachés des mains de leurs propriétaires ou vendus sous la contrainte pour financer un exil vital. Dès la Libération, plusieurs œuvres ont été restituées ; d'autres ont connu un parcours différent, intégrant les collections nationales et devenant ainsi des biens inaliénables.

Avec le projet de loi-cadre que vous nous soumettez, madame la ministre, l'objectif est d'aller plus vite et de marquer l'engagement de la France, au-delà de la voie judiciaire existante, dans le processus de restitution et de réparation des biens spoliés. Elle est nécessaire pour répondre efficacement à la très probable multiplication des restitutions dans les années à venir. L'accélération du rythme de ces restitutions constitue une marque de respect de la République française à l'endroit des familles des victimes, avant que la mémoire de ces dernières ne s'estompe compte tenu de l'éloignement croissant de l'époque des faits et de la disparition des derniers témoins.

Si le projet de loi permet de faciliter la perspective des restitutions, un immense travail est nécessaire pour que celles-ci aient effectivement lieu. La politique de recherche, de réparation et de mémoire des spoliations de biens culturels a connu une véritable accélération au cours de la dernière décennie. Se pose désormais la question des moyens que notre pays est prêt à consacrer à cet enjeu. En comparaison de plusieurs de nos voisins européens, au premier rang desquels l'Allemagne, l'engagement de la France sur le plan humain comme financier reste encore modeste. Pour que les ambitions affichées par votre texte puissent se matérialiser, il est indispensable de renforcer les moyens.

Nous pensons qu'une augmentation des effectifs de la mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 et de la commission compétente pour se prononcer sur les spoliations serait opportune afin d'éviter que l'accroissement de leur charge de travail ne se traduise par un allongement des délais de procédure ou une réduction du temps consacré à l'instruction de chaque dossier, qui est une tâche très chronophage. À ce titre, je salue l'adoption de l'amendement de notre collègue Béatrice Descamps prévoyant que, dans le cadre de la transaction financière, « la personne publique peut solliciter le concours de l'État. » Cette mesure permettra aux collectivités territoriales de solliciter l'aide de l'État lors des transactions financières. Enfin, les établissements culturels semblent désireux de réunions périodiques leur permettant de se rassembler sur le sujet afin d'échanger entre eux autour de bonnes pratiques. La mutualisation du recrutement de chercheurs pourrait se révéler une piste intéressante pour avancer sur le travail d'identification des biens.

Mes chers collègues, nous devons nous montrer à la hauteur de l'histoire. C'est ce que nous ferons en adoptant ce projet de loi qui assure reconnaissance et justice pour les victimes des persécutions antisémites. Le groupe Socialistes et apparentés votera, bien sûr, en sa faveur.

Applaudissements sur les bancs des commissions et sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Jérémie Patrier-Leitus applaudit également.

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« Jamais je n'oublierai cette nuit, la première nuit de camp qui a fait de ma vie une nuit longue et sept fois verrouillée. Jamais je n'oublierai cette fumée. Jamais je n'oublierai les petits visages des enfants dont j'avais vu les corps se transformer en volutes sous un azur muet. Jamais je n'oublierai ces flammes. Jamais je n'oublierai ce silence nocturne qui m'a privé pour l'éternité du désir de vivre. »

Merci, madame la ministre, de contribuer, avec ce projet de loi, à éclairer la longue nuit que décrit ici Elie Wiesel, rescapé de la Shoah et prix Nobel de la paix. La loi que vous présentez nous offre une possibilité de réparer une partie des injustices et des souffrances endurées par les Juifs de France, Français ou étrangers, durant la Shoah. Elle est une pierre importante sur le chemin de la reconnaissance des crimes du nazisme, qui a cherché à exterminer le peuple juif de l'histoire des hommes et à effacer toute trace des crimes perpétrés.

Six millions de personnes, dont plus d'un million et demi d'enfants, furent décimées sous le coup de la barbarie nazie parce que nés juifs, payant le tribut épouvantable d'une déshumanisation savamment orchestrée. Six millions, c'est-à-dire les deux tiers des Juifs d'Europe. Parmi ces Juifs assassinés, il y avait mon arrière-grand-père, Moshe Leitus, Juif d'Europe de l'Est arrivé avant la guerre à Paris, arrêté en 1942, interné dans le camp de Beaune-la-Rolande et assassiné à Auschwitz. Il n'avait ni titre ni bien à spolier ; simplement une femme et deux enfants qui, eux, ont survécu à la guerre grâce aux Justes de France qui, en sauvant une vie, ont sauvé l'humanité tout entière. Permettez-moi de vous dire l'émotion qui me traverse aujourd'hui en prononçant son nom à la tribune de notre assemblée comme député de la nation.

Applaudissements sur tous les bancs.

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Si je porte au plus profond de moi cette histoire personnelle, la France tout entière est dépositaire de l'histoire de la Shoah et de la mémoire de ces femmes et hommes assassinés parce que nés Juifs. Alors que les voix des derniers rescapés s'éteignent, alors que les discours et les actes antisémites continuent de ronger notre société, alors que des torrents de racisme, de xénophobie et de haine se déversent sur les réseaux sociaux et dans certains médias, alors que les négationnistes continuer de nier la Shoah, que les falsificateurs de l'histoire prospèrent et qu'un candidat à l'élection présidentielle a pu tenir, l'an dernier, des propos révisionnistes sur la responsabilité de Pétain et de l'État français dans la déportation et l'extermination des Juifs, la France s'honore, aujourd'hui, de graver pour toujours, dans la pierre de son histoire nationale, une partie de l'histoire de la Shoah : celles des spoliations dont furent victimes les Juifs.

La mémoire, en effet, ce n'est pas un simple souvenir : c'est une vigilance permanente, transmise de génération en génération ; une vigilance intransigeante face à des résurgences qui surviennent chaque fois que nous baissons la garde. La mémoire, c'est aussi sauver les victimes d'une deuxième mort, car « oublier les victimes reviendrait à les tuer une deuxième fois », nous prévenait Elie Wiesel.

Nos débats ont été vifs en commission et je le dis à mes collègues et aux Français qui nous écoutent : nous devons regarder notre histoire avec lucidité et exigence. Quand certains Français se plaisent à flétrir le passé de notre pays, d'autres veulent réécrire une histoire glorieuse mais illusoire. Oui, la France eut pendant la seconde guerre mondiale mille visages ; la France était à Vichy mais elle était aussi à Londres. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'État français, comme Jacques Chirac l'affirmait avec force lors de son discours historique et fondateur du Vél d'Hiv en 1995. Oui, il y eut la France de Vichy, responsable de la déportation de 76 000 Juifs, mais il y eut aussi les Justes de France, ces Français ordinaires grâce auxquels les trois quarts des Juifs de notre pays ont survécu.

La restitution des biens spoliés est centrale dans cette œuvre de justice et de reconnaissance mémorielle. En effet, avant l'horreur de la « solution finale », les persécutions ont débuté par la spoliation des biens, premier degré de l'horreur nazie et témoin de la cupidité du pouvoir hitlérien et des régimes de collaboration. Aryanisation, ventes forcées, pillages, confiscations ou vols : la mémoire des spoliations est indissociable de celle des persécutions.

Si nous ne pouvons pas réparer les crimes innommables commis pendant la Shoah ni rendre les innombrables vies volées, nous pouvons du moins faciliter la restitution, aux familles des victimes et à leurs ayants droit, de leurs biens massivement spoliés, et leur apporter cette forme de reconnaissance des douleurs endurées.

Cependant, malgré les restitutions effectuées juste après la guerre, près de la moitié des 100 000 œuvres spoliées attendent encore de retrouver leurs propriétaires légitimes. En 2018, le Premier ministre Édouard Philippe nous rappelait la nécessité d'aller plus vite, de faire mieux en matière de restitution de biens culturels. Nous nous devions de concrétiser cet engagement et d'accélérer le rythme des restitutions. C'est chose faite, grâce au texte que nous allons voter, je l'espère, à l'unanimité – et je veux saluer le travail de Mme la rapporteure, chère Fabienne Colboc. Une telle loi était indispensable pour reconnaître la spécificité de la spoliation subie par les Juifs en raison des politiques antisémites menées par l'Allemagne nazie et par les autorités complices. Il fallait qu'une loi française la reconnaisse.

Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera le projet de loi en étant conscient qu'il va marquer d'une nouvelle pierre blanche le chemin de la reconnaissance et de la justice pour les victimes de la Shoah. Cette France-là s'honore en votant – je l'espère – ce texte.

Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE, LFI – NUPES, Dem, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.

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Ne pas oublier, pour toutes les victimes de la Shoah, leurs enfants et leurs petits-enfants. Ne pas oublier qu'en France, les spoliations n'ont pas seulement été le fait de nazis mais aussi de Français, responsables du régime de Vichy ou anonymes, qui ont acquis des œuvres au moyen de procédures de vol légal. Ne pas oublier que la France a participé à la privation des Juifs de leur héritage patrimonial mais surtout culturel, dans une volonté de priver un peuple de son histoire et de son humanité. Ne pas oublier que derrière la spoliation culturelle des Juifs se cache la volonté d'annihilation de chaque individu, de leur culture particulière, de leur histoire, de leur héritage, par le régime nazi mais aussi par l'extrême droite française, au service du gouvernement de Vichy.

Il est de notre devoir de ne pas oublier la pente fasciste que la France a délibérément empruntée, cette pente réactionnaire engagée avant la défaite de 1940 par une défaite morale, qui s'est exprimée dans la stigmatisation des réfugiés et dans la vindicte des discours publics à l'encontre de la démocratie parlementaire et des étrangers, désignés comme responsables du déclin de la France. Ce terme désignait alors les Juifs français mais aussi européens, pour ceux d'entre eux qui fuyaient les pays annexés par Hitler. N'oublions pas que cette pente a commencé dès 1938 par la superposition de décrets-lois contre l'immigration, pour finir par les lois racistes et antisémites de Vichy, ces lois scélérates, tristement célèbres.

Nous avons un devoir de mémoire et un devoir d'histoire, nécessaires pour se souvenir, pour réparer et surtout pour comprendre les mécanismes qui entraînent de tels faits dans un contexte précis, afin que jamais la barbarie ne revienne.

Le refoulement des crimes passés est le terreau des malheurs à venir. Nous ne pouvons pas effacer notre passé mais nous pouvons travailler à le réparer. Ce devoir de réparation nous incombe de manière imprescriptible, comme le sont les crimes contre l'humanité perpétrés pendant la seconde guerre mondiale. Chaque restitution est un acte de justice. Réparer le mal au service des descendants des victimes spoliées, c'est ainsi bâtir l'avenir de toutes les générations futures sur des bases meilleures.

Rappelons-nous que c'est grâce à l'héroïque action d'inventaire de Rose Valland, cette résistante attachée de conservation au musée du Jeu de Paume, que furent identifiées plus de 60 000 des 100 000 œuvres pillées : en gardant la trace de chacun de leurs mouvements, de leur provenance et de leur destination pendant quatre ans, elle a permis que 45 000 œuvres soient restituées à la Libération.

Aussi longtemps que nécessaire, le Parlement prendra les actes permettant de restituer les biens spoliés par les actes antisémites. Mais force est de constater que la dynamique de restitution de l'après-guerre s'est essoufflée. La tentative de relance des restitutions par les principes de Washington, établis en 1998, s'est heurtée à l'inertie de la législation. Si les restitutions annoncées en grande pompe n'ont jamais cessé, elles n'en sont pas moins demeurées exceptionnelles. Les travaux des sénatrices et sénateurs Catherine Morin-Desailly, Corinne Bouchoux, Pierre Ouzoulias et tant d'autres ont permis de mettre en lumière la négligence des pouvoirs publics à propos de certaines œuvres au passé flou et de relancer le débat sur la nécessité d'une véritable loi-cadre, permettant une politique volontariste de restitution des œuvres spoliées pendant la seconde guerre mondiale, mais aussi, car il faut en parler, traitant du passé colonial français, à propos duquel cette dynamique doit se poursuivre.

Dans les collections publiques, au-delà des musées nationaux, un immense travail d'inventaire et de récupération s'impose pour comprendre le parcours juridique d'appropriation de ces œuvres. Votre action, madame la ministre, qui vise à faciliter la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites, est donc à saluer. Le présent projet de loi s'intègre dans cette démarche que vous menez, et nous vous en remercions. Il instaure une procédure de sortie d'un bien culturel spolié, qui lève le frein de l'inaliénabilité – à laquelle nous sommes attachés, bien sûr, en tant que principe – s'agissant de la restitution des œuvres publiques, tout en élargissant la période historique de recherche et en l'ouvrant aux collections privées. Je salue les multiples apports du Sénat, qui a notamment inscrit dans le code du patrimoine la reconnaissance de la responsabilité de la spoliation par le régime de l'État français à Vichy, et donné un caractère public et transparent aux avis de la commission compétente en matière de réparation des préjudices.

Au-delà du sujet précis du texte, qui a trait au problème des restitutions, d'autres lois, je l'espère, viendront. Nous savons que nos musées regorgent d'œuvres issues de faits historiques qui nécessitent réparation ; je pense bien sûr aux massacres et aux pillages liés aux guerres et à la colonisation. Nous devrons mettre à l'étude une loi-cadre applicable à tous ces biens culturels spoliés, permettant d'inscrire ces restitutions dans une démarche scientifique et transparente, dans un travail de fond plutôt que dans des décisions dictées par l'urgence ou par des considérations diplomatiques.

Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, RE, LFI – NUPES, Dem, HOR et GDR – NUPES.

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Le 18 juin dernier, le Président de la République annonçait l'entrée au Panthéon de Missak Manouchian, aux côtés de Mélinée, son épouse. Étrangers, lui et ses compagnons des FTP-MOI – Francs-tireurs et partisans-Main-d'œuvre immigrée – firent le choix de défendre la République et ses valeurs, qui continuaient de vivre dans les actions des résistants. Fusillés au Mont-Valérien – ou décapitée en Allemagne, pour ce qui est d'Olga Bancic –, ces femmes et ces hommes du MOI donnèrent leur vie pour leur pays, même s'ils n'en avaient pas la nationalité. Étrangers et communistes, ils défendaient une France libre pour des peuples libres, tout le contraire du gouvernement français, ou plutôt de l'État français, issu du vote du 10 juillet 1940, pour retenir la formulation du projet de loi.

Cet État français a activement collaboré à l'œuvre de destruction perpétrée par les nazis : oui, c'est bien la police française qui a arrêté Missak Manouchian. Le régime a perpétré les pires atrocités contre les Juifs étrangers et français ; il faut le rappeler, alors qu'il y a quelques mois, un candidat à l'élection présidentielle, ayant son rond de serviette sur la plupart des plateaux de télévision, affirmait le contraire. Négationniste, il déclare que Pétain aurait sauvé des Juifs français. Chacune et chacun dans l'hémicycle mesure la gravité de ces propos ouvertement pétainistes ; pourtant, certains, ici, n'hésitent pas à se compromettre avec lui au nom de la constitution d'un bloc nationaliste et d'union de l'extrême droite.

La première erreur serait de considérer que l'histoire est seulement synonyme de passé, alors qu'elle est aussi un enseignement pour notre présent, surtout dans une période où des groupes d'extrême droite défilent dans nos rues, reprenant tous les codes et les slogans fascistes et pétainistes.

Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.

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Oui, nous devons regarder l'histoire de notre pays et la regarder en face ; c'est ce que nous propose ce texte de loi, qui n'a pas vocation à réparer et encore moins à compenser. C'est tout simplement une loi de justice, visant à rendre ses biens à qui de droit ; une loi de vigilance, aussi, pour ne pas oublier comment les crimes les plus atroces ont pu être commis dans notre pays sous le sceau de la légalité.

Les députés communistes soutiennent les articles 1er et 2, qui permettent de faciliter les restitutions des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945. Le dispositif qu'ils créent fixe un cadre légal permettant d'éviter de passer par une loi spécifique pour la restitution de biens appartenant à une collection publique. De même, ils élargissent le champ temporel de la recherche afin de ne pas laisser certains biens en dehors du dispositif administratif.

On estime à 100 000 le nombre, sans doute sous-estimé, de biens culturels spoliés. Depuis les années 1990, la France a engagé un important travail en la matière ; de 1997 à 2000, la mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France, dite mission Mattéoli, a permis de nous faire progresser dans la connaissance des processus de spoliation. La création de la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations, qui est chargée d'étudier les demandes individuelles relatives aux spoliations des biens juifs durant la Shoah, mène un travail précieux.

Sa consécration au niveau législatif devra s'accompagner de moyens supplémentaires. Il en est de même pour la mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945, qui devra pouvoir instruire un nombre plus important de dossiers. Cela ne pourra se faire à moyens constants ; le cas échéant, notre texte risquerait d'être trop peu opérationnel.

Deux autres textes relatifs à des restitutions seront en débat ces prochains mois : l'un sur les restes humains et l'autre sur les biens volés, pillés pendant la colonisation. Les députés communistes espèrent une même méthode de travail, une même concorde et le même esprit de mesure que ceux qui ont prévalu sur le présent projet de loi. En attendant, nous voterons bien sûr ce texte de justice.

Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES ainsi que sur les bancs des commissions. – Mme Sophie Mette applaudit également.

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En restituant les biens spoliés aux descendants, nous rendons à ceux-ci leur histoire familiale. La réapparition de ces objets d'art, de ces tableaux, de ces instruments de musique ou de ces livres, bien des années plus tard, réveille la mémoire. Ces traces parfois connues, parfois oubliées ou tues, ne sont pas sans conséquence pour ces familles, car elles ont une valeur sentimentale puissante. Pour nous également, cela fait partie du travail de mémoire de la seconde guerre mondiale que nous devons à ceux qui ont été victimes de persécutions antisémites.

Après la prise de conscience progressive et collective d'une complicité du régime de Vichy dans le génocide des Juifs, voici une nouvelle étape très attendue par ces familles, à qui un quart des biens spoliés, soit environ 15 000 objets, n'ont toujours pas été restitués. Le présent projet de loi doit rendre la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations entre 1933 et 1945 plus efficace et plus facile, ce dont nous nous réjouissons.

Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires espère que ce projet de loi-cadre ira encore plus loin dans la lutte contre la circulation illégitime des œuvres, qui recouvre des enjeux à la fois culturels, éthiques et diplomatiques. Il est impératif de poursuivre et d'amplifier notre politique publique de réparation des spoliations antisémites.

Mais aujourd'hui, la seule question qui vaille est celle des moyens que l'État est prêt à investir pour appliquer les principes de cette loi-cadre. C'est la raison pour laquelle notre groupe a fait adopter un amendement en commission pour assurer le concours de l'État aux collectivités territoriales, lorsque celles-ci souhaitent proposer aux ayants droit une transaction financière à titre d'indemnisation. Nous espérons fortement que la rédaction retenue sera maintenue dans la loi.

Notre groupe insiste aussi sur la nécessité d'accentuer l'effort de recherche de provenance, qui est intervenu assez tardivement. Celui-ci a légitimement été perçu comme trop lent et trop faible au regard de l'enjeu. Au cours des dernières années, des efforts ont été consentis pour améliorer notre politique de recherche et de restitution, notamment grâce à la création de la CIVS et de la M2RS. Mais il faut mieux former les jeunes diplômés et professionnels à l'histoire de l'art ou au droit, à l'activité de chercheur en provenance et au soutien aux établissements culturels dans leur rôle de médiation. Il est essentiel de répondre scientifiquement et juridiquement aux quêtes des propriétaires légitimes ou de leurs héritiers.

Notre collègue Béatrice Descamps demande quant à elle d'inscrire la CIVS dans le code du patrimoine. Il s'agit de tenir compte de l'évolution de son périmètre d'intervention, actuellement limité aux spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur en France pendant la période de l'Occupation, et qui ne correspond pas à celui qu'elle devrait avoir dans le cadre des nouvelles prérogatives qui doivent lui être confiées.

Nous proposons aussi de faire siéger deux parlementaires au sein de la commission. Si l'avènement d'une loi-cadre est nécessaire afin d'éviter la multiplication de lois d'espèce, il convient toutefois de continuer à associer le Parlement à la réflexion sur cette question essentielle qu'est la restitution d'œuvres spoliées par le biais d'une dérogation au principe d'inaliénabilité. Comme l'a rappelé le Conseil d'État, qui souligne l'importance de cette commission, sa composition doit garantir « l'indépendance et l'expertise nécessaire à une instruction approfondie relative à la traçabilité de l'œuvre et aux circonstances de la dépossession ». Si notre groupe soutient ce projet de loi-cadre, nous serons vigilants quant aux garanties de sa future application.

La restitution des biens spoliés aux familles donne lieu à des retrouvailles qui se font de plus en plus rares à mesure que disparaît la mémoire vivante. Soyons à la hauteur des enjeux et offrons toutes les garanties permettant que ces objets spoliés, les vestiges d'une des plus grandes tragédies de l'histoire de l'humanité, puissent retourner à leurs propriétaires.

Applaudissements sur les bancs des commissions.

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C'est avec une grande émotion qui, nous le mesurons, est ici unanimement partagée, que nous abordons ce texte. S'il ne peut réparer l'irréparable, il permettra de rendre aux victimes des persécutions antisémites qui ont eu lieu entre 1933 et 1945 un peu de leur histoire, de leur dignité, de leur intimité et de rétablir un peu de justice. Suivant le souhait du Président de la République et le vôtre, madame la ministre, ce texte modifiera notre code du patrimoine dans l'un de ses articles les plus fondateurs, en permettant de lever le caractère inaliénable des œuvres et objets d'art, des livres et instruments de musique faisant partie des collections publiques de notre pays, afin de les restituer aux citoyens de confession juive qui ont été spoliés ou à leurs familles.

Dès 1933, des spoliations sauvages ont été réalisées, puis organisées, accompagnées, institutionnalisées, rendues possibles par les lois de l'État français du maréchal Pétain. Oui, le 10 juillet 1940, l'Assemblée nationale réunie en Congrès au sein du théâtre du casino de Vichy, a voté par 569 voix pour et 80 voix contre, les pleins pouvoirs à Philippe Pétain, président du Conseil et maréchal de France. Dans le Calvados, un seul des six députés n'a pas pris part au vote : Camille Blaisot, qui fut député de Caen de 1914 à 1941 avant d'y être arrêté le 2 mars 1943, puis envoyé en Allemagne. Camille Blaisot est mort pour la France, dans le camp de Dachau. Dans cette même ville de Caen où je suis élu, l'histoire et les drames de la seconde guerre mondiale résonnent tout particulièrement tant elle a été une martyre des affrontements dont nous ressentons encore les traumatismes dans nos familles.

Par ce vote du 10 juillet 1940, les députés ont donné tout pouvoir au maréchal Pétain pour « promulguer une nouvelle Constitution de l'État français », permettant aux gouvernements successifs d'adopter les lois et décrets relatifs au statut des Juifs et d'instituer le Commissariat général aux questions juives. Ces textes jetteront en pâture de nombreux Juifs français, les contraignant à des ventes forcées, les poussant au dénuement, les condamnant à s'exiler, à se cacher, à vivre reclus ou à changer de nom. Ces textes imposeront le port de l'étoile jaune, rendront légitimes les rafles, institueront l'aryanisation et organiseront les spoliations. Dès l'automne 1940, commence la spoliation des œuvres d'art, supervisée par l'État français. Au total, 100 000 objets d'art, sans doute beaucoup plus, et plusieurs millions de livres ont été pillés.

Les passionnantes auditions que nous avons menées pour aboutir à ce texte de loi ont montré que la question de la dénomination que nous souhaitions donner au régime qui, à travers ces lois, a rendu ces spoliations légitimes était fondamentale. Cette dénomination devait, en effet, refléter la part de responsabilité que nous devons, encore et toujours, assumer. C'est pourquoi je suis convaincu qu'en choisissant d'employer l'expression « État français », nous avons fait avec vous, madame la ministre, avec la rapporteure Fabienne Colboc, avec Caroline Yadan et bien d'autres, le bon choix.

Sans nier la force de la France qui se trouvait à Londres, sans nier les Justes, sans nier la résistance sur le territoire, ce choix s'inscrit dans la lignée de ce que Jacques Chirac avait souhaité dans son discours au Vél d'Hiv et qui a trouvé son prolongement dans la loi du 10 juillet 2000 instaurant une journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux Justes de France, loi qui reconnaissait enfin la responsabilité de l'État français comme instigateur des monstruosités commises à l'encontre des Juifs. Par ce texte et cette expression, nous avons choisi cette voie, ce dont je suis fier.

En outre, ce projet de loi nous a permis de mesurer la nécessité de donner aux universités comme aux institutions culturelles des moyens pour travailler sur la recherche de provenance. Notre pays est un phare en matière de recherche en histoire et en histoire de l'art. Puisque nous avons une responsabilité importante dans les spoliations commises, nous nous devons d'amplifier tous les efforts de la recherche en la matière. C'est la raison pour laquelle, avec ma collègue Caroline Yadan, je défendrai un amendement invitant le Gouvernement, dans son rapport, à rendre compte au Parlement de l'action et des moyens qu'il met en œuvre pour soutenir la recherche de provenance.

En tant que responsable du texte pour le groupe Renaissance, je veux vous remercier, madame la ministre, et vous confirmer que notre groupe votera favorablement pour ce texte qui sera, comme au Sénat je l'espère, adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale.

Applaudissements sur les bancs du groupe RE.

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Je veux tout d'abord saluer ce texte. L'horreur des années 1933-1945 a donné lieu aux exactions, persécutions et crimes contre l'humanité, que tous ici nous connaissons et dénonçons. Entre l'accession au pouvoir de Hitler le 30 janvier 1933 et la capitulation allemande le 8 mai 1945, le régime nazi s'est livré à des spoliations avérées de biens appartenant aux populations juives en Allemagne et dans les territoires qu'elle a annexés, occupés, dominés et influencés. Ces appropriations et ventes forcées, ces dizaines de milliers de biens spoliés constituent autant de pillages et de vols ; mais ils renvoient aussi à la destruction morale, à l'intrusion, à la volonté de déracinement, à l'arrachement, à la logique d'éradication des hommes, des femmes et des enfants ainsi visés. S'attaquer à des biens familiaux, à des héritages et à la valeur sentimentale qu'ils détiennent, c'est s'attaquer au cœur même d'une famille, à son intimité et à son histoire.

Parmi ces biens, il y a des œuvres, des tableaux et des objets d'art, mais aussi des livres. Les spoliations nazies ont conduit à la saisie de bibliothèques entières, modestes ou importantes, appartenant dans leur grande majorité à des Juifs, mais également à des opposants politiques. L'occupant allemand l'a fait sur notre territoire national, en France, avec la complicité des autorités locales. Si plusieurs œuvres ont été restituées dès la Libération, d'autres ont connu un parcours différent, intégrant parfois les collections nationales.

Il nous est possible d'ouvrir ce nouveau chapitre pour travailler à réparer ce qui peut l'être encore. Ce projet de loi marque une évolution importante en fixant un cadre général applicable plutôt que de se contenter de désigner des biens précis. La restitution de l'œuvre, ainsi facilitée, se fera de droit après enquête et reconnaissance de la spoliation par la commission compétente et le propriétaire – pour l'État par décret, pour une collectivité locale par décision de l'organe délibérant.

Ce projet marque une nouvelle étape dans la politique de réparation des spoliations antisémites et dans la réconciliation de notre mémoire nationale. Retrouver ces biens culturels et les restituer aux ayants droit des victimes n'est que justice. Mais cela donne aussi aux descendants des familles juives la possibilité de renouer avec leur histoire personnelle et leur mémoire. La restitution des biens culturels dont les Juifs furent spoliés par l'Allemagne nazie est une œuvre de justice et d'humanité dont la signification morale et politique dépasse les valeurs matérielles.

Nous proposons d'enrichir ce texte en précisant certains points, sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir lors de l'examen des amendements. Le Rassemblement national votera pour ce texte qu'il soutient et dont il partage les ambitions.

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

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La parole est à Mme Estelle Folest, inscrite sur l'article 1er .

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L'examen de ce texte constitue un moment fort pour notre assemblée. Entre 1933 et 1945, de nombreux Juifs ont été spoliés dans le contexte des persécutions antisémites, menées d'abord par l'Allemagne nazie, à partir de 1933, puis avec le concours de l'autorité collaborationniste se disant gouvernement de l'État français, à partir du 10 juillet 1940.

De nos jours encore, grâce au travail des historiens, nous découvrons parfois l'horreur qui se cache derrière l'histoire d'une photographie, d'un livre ou d'un tableau, comme ce fut le cas dans ma circonscription à Sannois. En 2015, la ville a découvert que son musée exposait un tableau spolié à son propriétaire juif sous l'Occupation. Entre cette découverte et la restitution du tableau à l'ayant droit, il aura fallu sept ans. Grâce au texte que nous examinons aujourd'hui, la procédure de restitution sera simplifiée pour tous les biens culturels qui appartiennent au domaine public. C'était une nécessité.

Madame la ministre, madame la rapporteure, chère Fabienne Colboc, je tiens à saluer ce projet de loi, qui est une véritable avancée. Je suis fière et émue de voter pour ce texte qui constituera un soulagement, je l'espère, pour tous les descendants, parfois très proches de nous, des personnes spoliées durant cette sombre histoire.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.

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Je suis saisie de deux amendements, n° 9 et 16 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement n° 9 .

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Il revient sur la formulation de l'évocation de la responsabilité de l'État français.

Tous les orateurs ont rendu hommage à Jacques Chirac dont les propos, tenus lors de la commémoration du Vél d'Hiv, ont eu un retentissement considérable. On ne peut pas douter que Jacques Chirac ait pesé chaque mot, chaque syllabe de son propos. Quand il dit que la folie nazie a été « secondée » par l'État français, le mot a toute son importance. L'emploi du terme « secondée » signifie que le fait générateur était d'abord l'Allemagne nazie et que l'État français lui a apporté son concours. En hommage à Jacques Chirac et au courage qu'il a manifesté à cette occasion, je souhaitais que nous reprenions très précisément les mots de ce discours du Vél d'Hiv.

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La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir l'amendement n° 16 .

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Il vise à compléter la rédaction de l'article 1er en reprenant les termes de l'ordonnance du 9 août 1944, dont la rédaction a associé toutes les forces ayant contribué directement ou indirectement à la Résistance et à la Libération de la République pendant l'occupation nazie. Ce texte rappelle que « l'autorité de fait, se disant gouvernement de l'État français », qui s'est rendue coupable de crimes et qui a, comme l'a très bien souligné Mme Genevard, secondé ceux de l'occupant nazi, était illégale et illégitime, pour une raison hélas simple : l'Assemblée nationale réunie en Congrès, que notre collègue Fabrice Le Vigoureux a évoquée pendant la discussion générale, n'avait pas le mandat du peuple français pour confier les pleins pouvoirs au maréchal Pétain et instaurer cet État illégitime et collaborationniste qui a secondé les pires crimes que l'humanité ait subis.

Si Jacques Chirac, dans son discours, établissait les choses précisément – je soutiendrai donc l'amendement de Mme Genevard –, rappelons aussi, dans le marbre de la loi et avec solennité, que cette autorité de fait, qui a malheureusement secondé l'occupant nazi dans ses crimes, était illégale et illégitime, car jamais le peuple français ne lui a donné le pouvoir d'exercer ses méfaits.

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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Nous avons déjà débattu de cette question en commission. J'estime, comme je l'indiquais dans mon intervention liminaire, que nous sommes parvenus à un équilibre, après avoir consulté des historiens qui, malgré leurs nuances, s'accordent sur l'emploi des mots « par l'État français entre le 10 juillet 1940 au 24 août 1944 ». En fixant ces bornes temporelles, nous n'oublions pas la France combative, la France résistante, ni tout le mouvement qui s'est formé en opposition au régime de Vichy. Comme en commission, j'émets donc un avis défavorable aux deux amendements.

Debut de section - Permalien
Rima Abdul-Malak, ministre de la culture

Je rejoins les propos de la rapporteure concernant l'amendement n° 16 . Nos débats, au Sénat puis en commission des affaires culturelles à l'Assemblée, ont permis de faire évoluer la proposition initiale du Gouvernement. J'approuve le point d'équilibre qui a été trouvé après un travail très précis associant des historiens et j'émets donc un avis défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 9 , je comprends parfaitement, madame Genevard, votre souhait de rester fidèle au discours si fondateur, important et crucial de Jacques Chirac. Seulement, le champ d'application de ce projet de loi de restitution excède la France, puisqu'il s'étend également aux œuvres spoliées dans d'autres pays, qui sont entrées, par des chemins tortueux, dans les collections françaises. C'est parce que nous élargissons ainsi le cadre géographique que nous ne mentionnons pas uniquement « l'Allemagne nazie secondée par l'État français », mais aussi « les autorités des territoires qu'elle a occupés, contrôlés ou influencés », ainsi que l'État français. Dans un souci de cohérence avec le périmètre géographique retenu pour les restitutions, je demande le retrait de l'amendement.

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Nous voterons contre ces amendements présentés par les groupes Les Républicains et Rassemblement national, car ils visent à déresponsabiliser l'État français…

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…en faisant croire qu'il n'aurait joué qu'un rôle d'adjoint dans les persécutions antisémites, voire qu'on aurait usurpé son identité. C'est absolument irresponsable ! L'historien américain Robert Paxton, décoré de l'ordre national du Mérite pour ses travaux, a en effet démontré que la France de Vichy avait excédé les demandes nazies au cours de la seconde guerre mondiale.

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Rappelons-nous : alors que la force allemande était fortement mobilisée sur le front soviétique et qu'elle était donc moins présente en France qu'on aurait pu le penser, l'État français faisait preuve d'un zèle antisémite abominable. La France de Vichy promulgua dès 1940 des lois antisémites et procéda à de multiples rafles, comme celle du Vél d'Hiv, qui donna lieu à environ 13 000 arrestations, dont celles de 4 000 enfants juifs, lesquels furent parqués, par exemple à Drancy ou à Beaune-la-Rolande, puis envoyés dans les camps de la mort en Pologne, toute l'opération ayant été menée par les gendarmes français, sans le concours des soldats allemands. Comble de cynisme, alors que les nazis n'avaient pas demandé l'arrestation des enfants de moins de 16 ans, les autorités françaises et la préfecture ont choisi de pousser plus loin l'ignominie. Il faut accepter la vérité historique pour défendre une certaine idée de la dignité humaine, même si cela heurte peut-être la nostalgie de certains à l'extrême droite de cet hémicycle.

Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.

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Lorsque je lis l'exposé sommaire de l'amendement de M. Tanguy, qui tend « à affirmer que ce n'était non pas l'État français qui était à Vichy mais bien l'autorité de fait, illégitime et illégale, se disant gouvernement de l'État français », je crois retourner trente ans en arrière, c'est-à-dire avant le discours fondateur prononcé en 1995 par Jacques Chirac,…

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…qui reconnaissait alors, pour la première fois, la responsabilité de la France dans les exactions antisémites commises durant la seconde guerre mondiale.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, HOR et Écolo – NUPES.

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Je déplore ce retour en arrière. Il s'agissait, à l'époque, de nier toute légitimité au régime de Vichy pour affirmer, à l'inverse, celle de la France libre. Mais la reconnaissance de la responsabilité de l'État français ne vaut pas légitimation : il s'agit simplement d'assumer les actes commis par la France durant la seconde guerre mondiale.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.

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Cet amendement doit donc évidemment être rejeté. C'est une question de mémoire et d'histoire.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, HOR, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.

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Sur l'amendement n° 5 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Les amendements n° 9 et 16 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à Mme Caroline Parmentier, pour soutenir l'amendement n° 5 .

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Il vise à compléter l'alinéa 7 en y mentionnant explicitement les territoires « annexés » par l'Allemagne nazie. Cette précision est importante, dans la mesure où l'annexion implique l'incorporation d'un territoire dans un autre État, même temporairement, alors que l'occupation désigne le contrôle d'un territoire sans son incorporation. Or, au cours de la deuxième guerre mondiale, l'Alsace-Moselle n'a pas été simplement occupée, mais bien incorporée au territoire allemand. Cette distinction figure d'ailleurs bien dans l'étude d'impact jointe au projet de loi, qui mentionne, dans son introduction générale, les « territoires annexés, occupés, alliés de l'Allemagne, à travers des actes commis par les autorités allemandes, par les autorités locales ou, dans ce contexte, par divers individus sous l'inspiration des unes ou des autres. »

Retenir la seule expression « persécutions antisémites perpétrées par l'Allemagne nazie » ne permet pas de traiter de façon précise la question des territoires annexés, d'autant que le texte évoque ensuite « les autorités des territoires qu'elle a occupés, contrôlés et influencés », bien que l'Allemagne nazie ait souvent commandité les persécutions, avec le soutien des autorités locales. De même, l'État français est ensuite mentionné, alors qu'il fait lui-même partie des territoires contrôlés par l'Allemagne nazie.

L'ajout du mot « annexés » semble donc nécessaire, dans un souci de précision.

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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Dans un souci de précision, je souligne que votre demande est satisfaite, les territoires annexés étant considérés comme étant incorporés dans l'Allemagne nazie : comme l'a indiqué l'historienne Claire Andrieu, précisément consultée sur ce point, l'Alsace-Moselle était, durant la seconde guerre mondiale, intégrée à l'Allemagne à la suite de son annexion. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Rima Abdul-Malak, ministre de la culture

Tout a été dit : même avis.

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Je m'étonne de votre réponse : la réalité que recouvre le terme « annexion » n'est ni contestée ni contestable. Encore une fois, l'étude d'impact du projet de loi fait bien référence aux territoires annexés. Le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre consacre d'ailleurs une section à « la qualité de patriote réfractaire à l'annexion de fait », applicable aux habitants des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. En tant que législateurs, nous devons être précis et rigoureux. La rédaction de l'alinéa 7 serait améliorée par l'ajout du mot « annexés ».

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 63

Nombre de suffrages exprimés 63

Majorité absolue 32

Pour l'adoption 14

Contre 49

L'amendement n° 5 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Meyer Habib, pour soutenir l'amendement n° 17 .

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Il vise à préciser, à l'alinéa 10, que les propriétaires de biens spoliés et leurs ayants droit pourront être indemnisés par la personne publique effectuant la restitution. Rappelons que le Conseil d'État, dans son avis sur le projet de loi, a insisté sur la nécessité de prévoir des modes de réparation du préjudice autres que la seule restitution. Cette dernière ne saurait évidemment suffire à réparer l'immonde spoliation des biens des Juifs, qui ont été mis au ban de la société, harcelés, déportés, tués, humiliés et brûlés au cours de ce qui a sans doute été la plus grande tragédie de l'histoire.

L'indemnisation est bien le minimum que nous pouvons faire pour traiter une blessure qui – je le dis alors que nous commémorerons dans quinze jours le quatre-vingt-unième anniversaire de la rafle du Vél d'Hiv – ne sera jamais guérie. L'Allemagne a, tout récemment, indemnisé 6 500 victimes supplémentaires de la Shoah, rescapées du siège de Leningrad. L'Espagne naturalise actuellement les descendants des Juifs expulsés sous l'Inquisition, alors même que le décret incriminé date de 1492. La France doit être à la hauteur de ce mouvement de réparation qui – et c'est une bonne chose – se manifeste dans toute l'Europe.

Le travail de mémoire – pour reprendre l'expression de Paul Ricœur, penseur très cher au Président de la République – passe par de justes mesures de réparation du préjudice infligé. La Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation, comme son nom l'indique, prévoit déjà cette modalité. Dans un souci de clarté et de cohérence, elle doit également figurer dans le présent projet de loi. J'espère que cette mesure fera consensus au sein de notre assemblée. Il y va du respect de la dignité de toutes les victimes de spoliations.

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Votre demande est satisfaite, l'alinéa 10 prévoyant déjà que des indemnisations sont possibles. Le Conseil d'État avait d'ailleurs recommandé d'aller en ce sens en laissant place à des modalités de compensation alternatives aux restitutions. Demande de retrait.

Debut de section - Permalien
Rima Abdul-Malak, ministre de la culture

On peut en effet considérer que le projet de loi prévoit déjà d'autres modalités de réparation que la restitution. Nous privilégions d'ailleurs la notion de transaction financière, plutôt que celle d'indemnisation, qui n'est sans doute pas la plus adaptée. Des indemnisations sont déjà possibles et recommandées depuis des années par la CIVS, mais uniquement pour les œuvres spoliées disparues, c'est-à-dire pour celles qui ne sont pas localisées et ne peuvent donc être restituées. Dans le cadre des transactions financières qui seraient le fruit d'un accord entre une personne publique et un ayant droit, il est bien prévu, à l'alinéa 10, que ladite personne publique, qui assumera prioritairement le coût de la mesure de réparation, pourra solliciter le concours de l'État. La commission des affaires culturelles a en outre adopté l'amendement n° 23 de Caroline Yadan, lequel précise, à l'alinéa 12, que le décret d'application définira également « les modalités de réparation de la spoliation autres que la restitution ». Demande de retrait.

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Même si la possibilité de verser une indemnisation est déjà prévue dans le projet de loi, autant qu'elle y figure clairement. L'expression « modalités de réparation […] autres que la restitution » est très générale. Je demande que nous nous prononcions clairement en faveur des indemnisations et que nous votions en ce sens. La formulation actuelle étant selon moi trop floue, je maintiens mon amendement.

L'amendement n° 17 n'est pas adopté.

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La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945.

La séance est levée.

La séance est levée à treize heures.

Le directeur des comptes rendus

Serge Ezdra