Intervention de Martine Etienne

Séance en hémicycle du jeudi 29 juin 2023 à 9h00
Avenant au protocole d'accord france-luxembourg — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Etienne :

Cet avenant relatif à l'accord entre la France et le Luxembourg sur les transports transfrontaliers est le bienvenu : il permettra de développer des transports plus propres et plus efficaces et d'améliorer les mobilités des quelque 117 000 travailleurs français se rendant chaque jour au Luxembourg, dans des conditions dont l'impact massif sur le plan de l'écologie, de la santé et de la qualité de vie a été bien trop longtemps pris à la légère. Chaque jour, les usagers des TER subissent pannes et annulations de train à répétition et doivent passer l'intégralité de leur voyage debout, tassés les uns contre les autres, tandis que les automobilistes, eux, sont bloqués pendant des heures sur des voies de circulation inadaptées et congestionnées.

Alors, oui, nous nous réjouissons de l'existence de tels protocoles, mais encore faudrait-il que ces accords soient fondés sur des bases équitables. Or, vous vous en doutez, chers collègues, avec un paradis fiscal comme le Luxembourg, n'en déplaise à M. le rapporteur, l'équité est loin, même très loin, d'être au rendez-vous.

Les travailleurs français exerçant au Luxembourg – au nombre de 117 000 aujourd'hui, de 300 000 en 2040 – paient leurs impôts dans le grand-duché mais celui-ci ne reverse rien à la France. Il continue donc de s'enrichir grâce à cette force de travail, tandis que les communes frontalières françaises n'ont plus les moyens de financer leurs services publics. Elles deviennent des cités-dortoirs, où se côtoient la précarité et l'aisance financière et cette situation ne fera qu'empirer, compte tenu de la complaisance que manifeste notre gouvernement à l'égard du grand-duché.

Du fait du modèle de codéveloppement, les collectivités, déjà pauvres, dépendent du bon vouloir du Luxembourg si elles veulent espérer bénéficier des cofinancements de projets d'utilité partagée, qu'elles seront, malgré tout, contraintes de financer à moitié. La France supporte l'intégralité des coûts liés au logement, à la formation et à l'indemnisation du chômage, alors même que les frontaliers versent tous les mois 9 % de leurs impôts à la caisse de chômage luxembourgeoise.

Un exemple parmi tant d'autres : alors que le grand-duché prélève tous les mois une cotisation de 1,4 % sur le salaire des travailleurs frontaliers pour alimenter la caisse chargée de la gestion de l'assurance dépendance, il refuse de participer aux coûts financiers de l'indemnisation en cas de perte d'autonomie. C'est la France qui passe à la caisse !

Je regrette que M. Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, ne soit pas présent ce matin, lui qui nous sermonne chaque jour sur les économies qu'il convient de réaliser et sur la dette qui s'accumule. Nous pourrions lui indiquer la solution : réclamez donc l'impôt qui nous est dû au lieu d'imposer au peuple de travailler deux ans de plus pour faire des économies ! Exigez une répartition équitable de l'impôt ! C'est légalement possible. Chaque année, le Luxembourg rétrocède ainsi une partie de ses recettes fiscales à la Belgique, en compensation du travail frontalier et, depuis 2018, le canton de Genève a versé plus de 1,5 milliard d'euros aux collectivités frontalières. Pourquoi, en 2023, le Luxembourg refuse-t-il toujours d'investir 1,2 % de son budget pour aider à entretenir 25 % de sa force de travail ? Pourquoi le Gouvernement refuse-t-il toujours d'exiger une rétrocession fiscale au profit de l'État français ?

Vous prônez un modèle de codéveloppement totalement inéquitable. Ce consensus est une erreur qui coûte de plus en plus cher aux frontaliers en matière de qualité de vie, de croissance, d'accès aux services publics et aux biens communs, de bonheur collectif, de droit aux loisirs ou de coût du logement.

Nous nous abstiendrons donc sur ce texte. Nous n'acceptons pas que le Luxembourg ne paie que la moitié d'un projet de développement des transports alors qu'il sera le premier à en tirer profit, puisqu'il alimentera son enrichissement par la force de travail des frontaliers. Comme de nombreux élus locaux et associations, nous demandons que le Luxembourg verse une compensation fiscale à la France. Vous ne pouvez plus traiter les conséquences d'un problème sans en traiter les causes. Si vous souhaitez financer les mobilités, allez chercher les sommes qui nous sont dues là où elles sont et cessez de faire preuve d'une complaisance absurde et onéreuse qui renforce notre dépendance et ruine nos collectivités.

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