Cette loi-cadre revêt également une importance pratique, dans la mesure où elle prévoit une simplification. Les restitutions de biens spoliés doivent être accompagnées et facilitées par la puissance publique. Cette responsabilité doit être assumée, car c'est par cette même puissance publique que ces spoliations ont été rendues possibles. Dès le 3 octobre 1940, le régime de Vichy a engagé sa propre politique de persécution antisémite, avec la première loi portant statut des Juifs. Il a fait adopter ensuite la loi du 22 juillet 1941, dite loi d'aryanisation, destinée à « supprimer toute influence israélite dans l'économie nationale ». C'est ce cadre légal qui a permis le placement sous administration provisoire de tous les biens appartenant aux personnes considérées comme juives, à l'exception de leur résidence principale, et la mise en vente de ces biens au profit de l'État.
En outre, avec la loi du 23 juillet 1940, le régime de Vichy s'est assuré de capter les biens des Français ayant quitté la France par crainte de persécutions ou des conséquences de l'armistice signé le 22 juin 1940. Déchus de leur nationalité, ces Français ont vu leurs biens placés sous séquestre par les autorités de Vichy et spoliés. C'est aussi le régime de Vichy qui a créé les conditions dans lesquelles sont intervenus le vol, le pillage et toutes les formes de ventes contraintes par les circonstances ou par la nécessité de fuir en dégageant quelques ressources pour survivre.
Il revient donc à l'État français de faciliter les restitutions autant qu'il le peut, en créant un dispositif administratif dérogatoire permettant la sortie d'un bien culturel du domaine public, après avis de la commission compétente. Cette loi-cadre est donc un dispositif dérogatoire, mais c'est avant tout une solution juste, équilibrée, dictée par l'intérêt général.
Au-delà des déclarations d'intention et des vœux pieux, cette volonté institutionnelle de faciliter les restitutions doit, j'y insiste, trouver une réelle efficacité et s'exercer dans de réelles conditions de transparence. En premier lieu, la CIVS doit véritablement disposer des moyens nécessaires pour mener à bien ses missions. Or les moyens humains et financiers mis en œuvre par la France restent modestes : 200 000 euros seulement sont accordés à la M2RS, et le ministère de la culture n'envisage pas a priori d'augmenter cette faible dotation.
En second lieu, nous ne saurions envisager de mécanisme dérogatoire sans y apporter le contrepoids de la transparence, assurée grâce à la reddition de comptes à la représentation nationale. En ce sens, j'insiste sur ce point, le rapport présenté aux parlementaires doit être annuel, et non bisannuel, et doit aller plus loin que la loi-cadre ne le prévoit à ce stade : il doit préciser les démarches qui ont été réalisées pour rechercher les propriétaires des œuvres ou leurs ayants droit, ainsi que les diligences qui ont été accomplies pour les aviser de la présence des œuvres dans les collections.
Une double responsabilité incombe aux propriétaires publics : d'abord, faire la lumière sur la provenance de leur collection ; ensuite, donner l'exemple. En réalité, il appartient à tous les propriétaires et professionnels de l'art d'adopter cette démarche, afin que disparaisse le marché infâme des biens spoliés jamais restitués.
Le 18/08/2023 à 09:07, Aristide a dit :
L'Etat français de Vichy et celui de maintenant n'ont strictement rien à voir, c'est comme deux pays différents.
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