Sous la législature précédente, grâce à l'impulsion d'Emmanuel Macron, nous rendions au Bénin et au Sénégal des œuvres d'art qui leur avaient appartenu. En l'état actuel, la sortie de ce type de bien des collections publiques sur l'initiative de l'État doit nécessairement être autorisée par la loi.
Le groupe Démocrate, que j'ai l'honneur de représenter aujourd'hui, regrettait la multiplication des textes à cet effet. Déjà, nous défendions l'idée d'une loi-cadre qui apporterait une procédure lisible aux restitutions. Celles-ci ne doivent pas simplement dépendre du bon vouloir d'un décideur, mais d'une politique claire s'appuyant sur un travail historique étayé.
Le besoin d'un dispositif général permettant de faciliter les restitutions a été exprimé à plusieurs reprises. Le Conseil d'État lui-même, dans son avis du 7 octobre 2021, recommandait l'élaboration d'une loi-cadre « afin d'éviter la multiplication de lois particulières et de permettre d'accélérer les restitutions ». Nous y sommes. Pour restituer quatorze œuvres des collections nationales et une œuvre d'une collection municipale, le Parlement avait adopté la loi du 21 février 2022. Il s'est ainsi, pour la première fois, prononcé pour la restitution de biens spoliés dans le contexte des persécutions antisémites. Devant l'unanimité de cette décision, il semblait logique de commencer la construction de lois-cadres par un texte traitant des spoliations de biens culturels sur critères antisémites survenues entre 1933 et 1945. Je dis « commencer la construction de lois-cadres », car notre assemblée a vocation à se pencher sur deux autres textes : celui sur les restes humains, récemment adopté au Sénat, et celui sur les biens pillés dans un contexte colonial. Cette division, voulue par le Gouvernement, marque la responsabilité que la France prend vis-à-vis de ces différentes époques de son histoire.
Comme j'ai pu l'exprimer en commission, l'étude de textes ayant trait à notre histoire représente toujours un moment grave, surtout lorsque nous abordons les années d'occupation de notre pays par l'Allemagne nazie et la cruelle responsabilité d'une partie de la France dans les actes commis, « irréparables », comme les qualifiait le président Chirac. Un chemin étroit et juste doit donc être le nôtre. La mission qui sera confiée à la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations est exigeante, car celle-ci devra traiter des heures les plus sombres de notre histoire. Mais la commission a déjà démontré sa capacité à mener à bien des recherches minutieuses et la confiance que l'on peut lui témoigner s'est traduite en 2018 par un décret lui donnant la possibilité de s'autosaisir cas de suspicion de spoliation. La justesse, on la retrouve également dans ce projet de loi-cadre qui permet aux ayants droit d'obtenir différentes réparations, selon leurs discussions avec les acteurs publics. Sur ce point aussi, la CIVS, qui possède déjà cette compétence, saura accompagner utilement tous les acteurs.
Le groupe Démocrate salue votre travail, madame la ministre, et le vôtre, madame la rapporteure. On ne peut que se réjouir de voir que le texte a été adopté à l'unanimité au Sénat et en commission à l'issue de débats qui se sont bien déroulés. Je forme le vœu que nous puissions continuer sur cette lancée.
Les représentants du monde culturel et des instances mémorielles auditionnées saluent, eux aussi, le projet de loi. Je les remercie pour leur participation active lors des auditions et pour le travail qu'ils ont réalisé.
Un point est apparu lors de nos discussions avec nos interlocuteurs et lors des débats en commission concernant la dénomination du gouvernement français. Si ce débat est important, il ne doit pas nous détourner de l'objet premier du texte ; il est cependant légitime que la discussion ait lieu dans l'hémicycle. Dans l'histoire comme dans la loi, les mots ont un sens. Je rappellerai donc notre attachement, dans la continuité du discours du président Chirac, à regarder notre histoire en face, sans surinterprétation ni récupération. Une fois de plus, l'équilibre trouvé semble juste et effectif dans sa qualification juridique des termes.
La responsabilité de la France se joue aussi et surtout maintenant. Nous en prenons notre part. Rendre les biens acquis lors des périodes les plus sombres est un devoir et notre honneur. Il s'inscrit dans un important devoir mémoriel qui doit perdurer. Pour toutes ces raisons, le groupe Démocrate votera, bien sûr, en faveur du projet de loi.
Le 18/08/2023 à 09:10, Aristide a dit :
" Je rappellerai donc notre attachement, dans la continuité du discours du président Chirac, à regarder notre histoire en face, sans surinterprétation ni récupération."
Regardez donc le manifeste de Brazzaville et l’ordonnance du 9 août 44 en face, plutôt que de vous complaire dans la primauté de la parole de Chirac sur l'histoire et la loi.
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