Ne pas oublier, pour toutes les victimes de la Shoah, leurs enfants et leurs petits-enfants. Ne pas oublier qu'en France, les spoliations n'ont pas seulement été le fait de nazis mais aussi de Français, responsables du régime de Vichy ou anonymes, qui ont acquis des œuvres au moyen de procédures de vol légal. Ne pas oublier que la France a participé à la privation des Juifs de leur héritage patrimonial mais surtout culturel, dans une volonté de priver un peuple de son histoire et de son humanité. Ne pas oublier que derrière la spoliation culturelle des Juifs se cache la volonté d'annihilation de chaque individu, de leur culture particulière, de leur histoire, de leur héritage, par le régime nazi mais aussi par l'extrême droite française, au service du gouvernement de Vichy.
Il est de notre devoir de ne pas oublier la pente fasciste que la France a délibérément empruntée, cette pente réactionnaire engagée avant la défaite de 1940 par une défaite morale, qui s'est exprimée dans la stigmatisation des réfugiés et dans la vindicte des discours publics à l'encontre de la démocratie parlementaire et des étrangers, désignés comme responsables du déclin de la France. Ce terme désignait alors les Juifs français mais aussi européens, pour ceux d'entre eux qui fuyaient les pays annexés par Hitler. N'oublions pas que cette pente a commencé dès 1938 par la superposition de décrets-lois contre l'immigration, pour finir par les lois racistes et antisémites de Vichy, ces lois scélérates, tristement célèbres.
Nous avons un devoir de mémoire et un devoir d'histoire, nécessaires pour se souvenir, pour réparer et surtout pour comprendre les mécanismes qui entraînent de tels faits dans un contexte précis, afin que jamais la barbarie ne revienne.
Le refoulement des crimes passés est le terreau des malheurs à venir. Nous ne pouvons pas effacer notre passé mais nous pouvons travailler à le réparer. Ce devoir de réparation nous incombe de manière imprescriptible, comme le sont les crimes contre l'humanité perpétrés pendant la seconde guerre mondiale. Chaque restitution est un acte de justice. Réparer le mal au service des descendants des victimes spoliées, c'est ainsi bâtir l'avenir de toutes les générations futures sur des bases meilleures.
Rappelons-nous que c'est grâce à l'héroïque action d'inventaire de Rose Valland, cette résistante attachée de conservation au musée du Jeu de Paume, que furent identifiées plus de 60 000 des 100 000 œuvres pillées : en gardant la trace de chacun de leurs mouvements, de leur provenance et de leur destination pendant quatre ans, elle a permis que 45 000 œuvres soient restituées à la Libération.
Aussi longtemps que nécessaire, le Parlement prendra les actes permettant de restituer les biens spoliés par les actes antisémites. Mais force est de constater que la dynamique de restitution de l'après-guerre s'est essoufflée. La tentative de relance des restitutions par les principes de Washington, établis en 1998, s'est heurtée à l'inertie de la législation. Si les restitutions annoncées en grande pompe n'ont jamais cessé, elles n'en sont pas moins demeurées exceptionnelles. Les travaux des sénatrices et sénateurs Catherine Morin-Desailly, Corinne Bouchoux, Pierre Ouzoulias et tant d'autres ont permis de mettre en lumière la négligence des pouvoirs publics à propos de certaines œuvres au passé flou et de relancer le débat sur la nécessité d'une véritable loi-cadre, permettant une politique volontariste de restitution des œuvres spoliées pendant la seconde guerre mondiale, mais aussi, car il faut en parler, traitant du passé colonial français, à propos duquel cette dynamique doit se poursuivre.
Dans les collections publiques, au-delà des musées nationaux, un immense travail d'inventaire et de récupération s'impose pour comprendre le parcours juridique d'appropriation de ces œuvres. Votre action, madame la ministre, qui vise à faciliter la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites, est donc à saluer. Le présent projet de loi s'intègre dans cette démarche que vous menez, et nous vous en remercions. Il instaure une procédure de sortie d'un bien culturel spolié, qui lève le frein de l'inaliénabilité – à laquelle nous sommes attachés, bien sûr, en tant que principe – s'agissant de la restitution des œuvres publiques, tout en élargissant la période historique de recherche et en l'ouvrant aux collections privées. Je salue les multiples apports du Sénat, qui a notamment inscrit dans le code du patrimoine la reconnaissance de la responsabilité de la spoliation par le régime de l'État français à Vichy, et donné un caractère public et transparent aux avis de la commission compétente en matière de réparation des préjudices.
Au-delà du sujet précis du texte, qui a trait au problème des restitutions, d'autres lois, je l'espère, viendront. Nous savons que nos musées regorgent d'œuvres issues de faits historiques qui nécessitent réparation ; je pense bien sûr aux massacres et aux pillages liés aux guerres et à la colonisation. Nous devrons mettre à l'étude une loi-cadre applicable à tous ces biens culturels spoliés, permettant d'inscrire ces restitutions dans une démarche scientifique et transparente, dans un travail de fond plutôt que dans des décisions dictées par l'urgence ou par des considérations diplomatiques.
Le 12/08/2023 à 09:49, Aristide a dit :
"Nous ne pouvons pas effacer notre passé mais nous pouvons travailler à le réparer"
Vous avez le "nous" facile. Nous la Résistance, c'est inconnu en revanche.
Le 12/08/2023 à 09:51, Aristide a dit :
Quand est-ce que le manifeste de Brazzaville va être donné à étudier aux écoliers français, afin qu'ils comprennent l'illégitimité du régime de Vichy à représenter la France ?
Le 18/08/2023 à 09:18, Aristide a dit :
Ainsi que l'ordonnance du 9 août 1944.
Le 12/08/2023 à 09:47, Aristide a dit :
"Nous avons un devoir de mémoire et un devoir d'histoire, nécessaires pour se souvenir, "
Allez lire le manifeste de Brazzaville de 1940, puisque vous avez un devoir de mémoire.
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