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Intervention de Claudia Rouaux

Séance en hémicycle du jeudi 29 juin 2023 à 9h00
Restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaudia Rouaux :

C'est avec gravité et émotion que notre assemblée commence l'examen du projet de loi, adopté par le Sénat le 23 mai dernier, relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945. La seconde guerre mondiale, entre l'occupation allemande et la collaboration, est l'une des pages les plus noires de l'histoire de notre pays. Reniant l'héritage de la Révolution française, la France, patrie des Lumières et des droits de l'homme, a accompli l'irréparable en prêtant son concours à l'occupant nazi et en contribuant à la déportation de milliers de nos compatriotes. Juifs, Tsiganes, résistants, réfractaires au STO – service du travail obligatoire –, militants politiques, homosexuels, otages, républicains espagnols… La France a déporté plus de 160 000 de nos concitoyens, dont 75 721 Juifs, partis pour les camps d'extermination.

Les déportations, assassinats et crimes contre l'humanité dirigés contre les Juifs sont le degré ultime de la monstruosité nazie. Mais le IIIe Reich et les régimes de collaboration européens ont également entrepris des spoliations et des confiscations des biens matériels des Juifs de France. Les historiens estiment qu'environ 100 000 œuvres et objets d'art ont été arrachés des mains de leurs propriétaires ou vendus sous la contrainte pour financer un exil vital. Dès la Libération, plusieurs œuvres ont été restituées ; d'autres ont connu un parcours différent, intégrant les collections nationales et devenant ainsi des biens inaliénables.

Avec le projet de loi-cadre que vous nous soumettez, madame la ministre, l'objectif est d'aller plus vite et de marquer l'engagement de la France, au-delà de la voie judiciaire existante, dans le processus de restitution et de réparation des biens spoliés. Elle est nécessaire pour répondre efficacement à la très probable multiplication des restitutions dans les années à venir. L'accélération du rythme de ces restitutions constitue une marque de respect de la République française à l'endroit des familles des victimes, avant que la mémoire de ces dernières ne s'estompe compte tenu de l'éloignement croissant de l'époque des faits et de la disparition des derniers témoins.

Si le projet de loi permet de faciliter la perspective des restitutions, un immense travail est nécessaire pour que celles-ci aient effectivement lieu. La politique de recherche, de réparation et de mémoire des spoliations de biens culturels a connu une véritable accélération au cours de la dernière décennie. Se pose désormais la question des moyens que notre pays est prêt à consacrer à cet enjeu. En comparaison de plusieurs de nos voisins européens, au premier rang desquels l'Allemagne, l'engagement de la France sur le plan humain comme financier reste encore modeste. Pour que les ambitions affichées par votre texte puissent se matérialiser, il est indispensable de renforcer les moyens.

Nous pensons qu'une augmentation des effectifs de la mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 et de la commission compétente pour se prononcer sur les spoliations serait opportune afin d'éviter que l'accroissement de leur charge de travail ne se traduise par un allongement des délais de procédure ou une réduction du temps consacré à l'instruction de chaque dossier, qui est une tâche très chronophage. À ce titre, je salue l'adoption de l'amendement de notre collègue Béatrice Descamps prévoyant que, dans le cadre de la transaction financière, « la personne publique peut solliciter le concours de l'État. » Cette mesure permettra aux collectivités territoriales de solliciter l'aide de l'État lors des transactions financières. Enfin, les établissements culturels semblent désireux de réunions périodiques leur permettant de se rassembler sur le sujet afin d'échanger entre eux autour de bonnes pratiques. La mutualisation du recrutement de chercheurs pourrait se révéler une piste intéressante pour avancer sur le travail d'identification des biens.

Mes chers collègues, nous devons nous montrer à la hauteur de l'histoire. C'est ce que nous ferons en adoptant ce projet de loi qui assure reconnaissance et justice pour les victimes des persécutions antisémites. Le groupe Socialistes et apparentés votera, bien sûr, en sa faveur.

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