Si je porte au plus profond de moi cette histoire personnelle, la France tout entière est dépositaire de l'histoire de la Shoah et de la mémoire de ces femmes et hommes assassinés parce que nés Juifs. Alors que les voix des derniers rescapés s'éteignent, alors que les discours et les actes antisémites continuent de ronger notre société, alors que des torrents de racisme, de xénophobie et de haine se déversent sur les réseaux sociaux et dans certains médias, alors que les négationnistes continuer de nier la Shoah, que les falsificateurs de l'histoire prospèrent et qu'un candidat à l'élection présidentielle a pu tenir, l'an dernier, des propos révisionnistes sur la responsabilité de Pétain et de l'État français dans la déportation et l'extermination des Juifs, la France s'honore, aujourd'hui, de graver pour toujours, dans la pierre de son histoire nationale, une partie de l'histoire de la Shoah : celles des spoliations dont furent victimes les Juifs.
La mémoire, en effet, ce n'est pas un simple souvenir : c'est une vigilance permanente, transmise de génération en génération ; une vigilance intransigeante face à des résurgences qui surviennent chaque fois que nous baissons la garde. La mémoire, c'est aussi sauver les victimes d'une deuxième mort, car « oublier les victimes reviendrait à les tuer une deuxième fois », nous prévenait Elie Wiesel.
Nos débats ont été vifs en commission et je le dis à mes collègues et aux Français qui nous écoutent : nous devons regarder notre histoire avec lucidité et exigence. Quand certains Français se plaisent à flétrir le passé de notre pays, d'autres veulent réécrire une histoire glorieuse mais illusoire. Oui, la France eut pendant la seconde guerre mondiale mille visages ; la France était à Vichy mais elle était aussi à Londres. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'État français, comme Jacques Chirac l'affirmait avec force lors de son discours historique et fondateur du Vél d'Hiv en 1995. Oui, il y eut la France de Vichy, responsable de la déportation de 76 000 Juifs, mais il y eut aussi les Justes de France, ces Français ordinaires grâce auxquels les trois quarts des Juifs de notre pays ont survécu.
La restitution des biens spoliés est centrale dans cette œuvre de justice et de reconnaissance mémorielle. En effet, avant l'horreur de la « solution finale », les persécutions ont débuté par la spoliation des biens, premier degré de l'horreur nazie et témoin de la cupidité du pouvoir hitlérien et des régimes de collaboration. Aryanisation, ventes forcées, pillages, confiscations ou vols : la mémoire des spoliations est indissociable de celle des persécutions.
Si nous ne pouvons pas réparer les crimes innommables commis pendant la Shoah ni rendre les innombrables vies volées, nous pouvons du moins faciliter la restitution, aux familles des victimes et à leurs ayants droit, de leurs biens massivement spoliés, et leur apporter cette forme de reconnaissance des douleurs endurées.
Cependant, malgré les restitutions effectuées juste après la guerre, près de la moitié des 100 000 œuvres spoliées attendent encore de retrouver leurs propriétaires légitimes. En 2018, le Premier ministre Édouard Philippe nous rappelait la nécessité d'aller plus vite, de faire mieux en matière de restitution de biens culturels. Nous nous devions de concrétiser cet engagement et d'accélérer le rythme des restitutions. C'est chose faite, grâce au texte que nous allons voter, je l'espère, à l'unanimité – et je veux saluer le travail de Mme la rapporteure, chère Fabienne Colboc. Une telle loi était indispensable pour reconnaître la spécificité de la spoliation subie par les Juifs en raison des politiques antisémites menées par l'Allemagne nazie et par les autorités complices. Il fallait qu'une loi française la reconnaisse.
Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera le projet de loi en étant conscient qu'il va marquer d'une nouvelle pierre blanche le chemin de la reconnaissance et de la justice pour les victimes de la Shoah. Cette France-là s'honore en votant – je l'espère – ce texte.
Le 18/08/2023 à 09:17, Aristide a dit :
"comme Jacques Chirac l'affirmait avec force lors de son discours historique et fondateur du Vél d'Hiv en 1995. "
Le discours de Chirac n'a pas force de loi. En matière de légitimité de Vichy, seule l'ordonnance du 9 août 1944 fait loi,et cette ordonnance, qui délégitime Vichy, n'a pas été abrogée. Il faut connaître la loi en France, et ne pas accorder d'attention à des discours erronés.
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