En restituant les biens spoliés aux descendants, nous rendons à ceux-ci leur histoire familiale. La réapparition de ces objets d'art, de ces tableaux, de ces instruments de musique ou de ces livres, bien des années plus tard, réveille la mémoire. Ces traces parfois connues, parfois oubliées ou tues, ne sont pas sans conséquence pour ces familles, car elles ont une valeur sentimentale puissante. Pour nous également, cela fait partie du travail de mémoire de la seconde guerre mondiale que nous devons à ceux qui ont été victimes de persécutions antisémites.
Après la prise de conscience progressive et collective d'une complicité du régime de Vichy dans le génocide des Juifs, voici une nouvelle étape très attendue par ces familles, à qui un quart des biens spoliés, soit environ 15 000 objets, n'ont toujours pas été restitués. Le présent projet de loi doit rendre la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations entre 1933 et 1945 plus efficace et plus facile, ce dont nous nous réjouissons.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires espère que ce projet de loi-cadre ira encore plus loin dans la lutte contre la circulation illégitime des œuvres, qui recouvre des enjeux à la fois culturels, éthiques et diplomatiques. Il est impératif de poursuivre et d'amplifier notre politique publique de réparation des spoliations antisémites.
Mais aujourd'hui, la seule question qui vaille est celle des moyens que l'État est prêt à investir pour appliquer les principes de cette loi-cadre. C'est la raison pour laquelle notre groupe a fait adopter un amendement en commission pour assurer le concours de l'État aux collectivités territoriales, lorsque celles-ci souhaitent proposer aux ayants droit une transaction financière à titre d'indemnisation. Nous espérons fortement que la rédaction retenue sera maintenue dans la loi.
Notre groupe insiste aussi sur la nécessité d'accentuer l'effort de recherche de provenance, qui est intervenu assez tardivement. Celui-ci a légitimement été perçu comme trop lent et trop faible au regard de l'enjeu. Au cours des dernières années, des efforts ont été consentis pour améliorer notre politique de recherche et de restitution, notamment grâce à la création de la CIVS et de la M2RS. Mais il faut mieux former les jeunes diplômés et professionnels à l'histoire de l'art ou au droit, à l'activité de chercheur en provenance et au soutien aux établissements culturels dans leur rôle de médiation. Il est essentiel de répondre scientifiquement et juridiquement aux quêtes des propriétaires légitimes ou de leurs héritiers.
Notre collègue Béatrice Descamps demande quant à elle d'inscrire la CIVS dans le code du patrimoine. Il s'agit de tenir compte de l'évolution de son périmètre d'intervention, actuellement limité aux spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur en France pendant la période de l'Occupation, et qui ne correspond pas à celui qu'elle devrait avoir dans le cadre des nouvelles prérogatives qui doivent lui être confiées.
Nous proposons aussi de faire siéger deux parlementaires au sein de la commission. Si l'avènement d'une loi-cadre est nécessaire afin d'éviter la multiplication de lois d'espèce, il convient toutefois de continuer à associer le Parlement à la réflexion sur cette question essentielle qu'est la restitution d'œuvres spoliées par le biais d'une dérogation au principe d'inaliénabilité. Comme l'a rappelé le Conseil d'État, qui souligne l'importance de cette commission, sa composition doit garantir « l'indépendance et l'expertise nécessaire à une instruction approfondie relative à la traçabilité de l'œuvre et aux circonstances de la dépossession ». Si notre groupe soutient ce projet de loi-cadre, nous serons vigilants quant aux garanties de sa future application.
La restitution des biens spoliés aux familles donne lieu à des retrouvailles qui se font de plus en plus rares à mesure que disparaît la mémoire vivante. Soyons à la hauteur des enjeux et offrons toutes les garanties permettant que ces objets spoliés, les vestiges d'une des plus grandes tragédies de l'histoire de l'humanité, puissent retourner à leurs propriétaires.