Dans le lot des malheurs que charrie toute guerre, les atteintes portées aux biens culturels et aux œuvres d'art sont, hélas, une réalité sous toutes les latitudes et presque de tout temps, qu'il s'agisse de pillages de lieux de culture, de spoliations de biens privés ou de destructions pures et simples par fanatisme. Les spoliations de biens culturels commises dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945 s'inscrivent dans cette sombre lignée. La nécessité de permettre la restitution de ces biens est une évidence que nul ne peut contester. Ce texte a été adopté à l'unanimité en commission et le sera de nouveau, j'en suis persuadée, à l'issue de cette séance.
Le génocide des Juifs européens par les nazis, « secondé » dans notre pays par l'État français – pour reprendre le terme employé par Jacques Chirac dans son discours de commémoration de la rafle du Vél d'Hiv –, demeure une blessure infligée à l'humanité tout entière. La spoliation de leurs biens a participé de l'effacement d'un peuple qui entretenait un lien particulier avec l'art, la création, la beauté tout simplement, comme l'atteste l'ampleur, en nombre et en qualité, des œuvres dérobées.
La cupidité n'explique pas tout. L'émotion exprimée par l'une de nos collègues lors de nos débats en commission a parfaitement résumé le sens que les nazis donnaient à ces vols : au-delà de la seule valeur matérielle de ces biens, certes souvent remarquables, ils voulaient s'approprier l'âme de ceux dont ils avaient résolu l'effacement, jusqu'à leur environnement le plus intime.
Cette loi fait donc œuvre de justice. Je veux rendre hommage à tous ceux dont le travail patient et minutieux de recherche sur la provenance des œuvres a permis leur juste restitution. Si le secteur privé s'est organisé et si je salue la création d'un master recherche de provenance au sein de l'École du Louvre, il conviendrait que l'État soutienne pleinement la recherche publique par l'attribution d'allocations de recherche doctorale.
Si la restitution des œuvres dans le contexte des persécutions antisémites occupe une place singulière, dont chacun mesure la portée, on ne peut ignorer un mouvement plus général qui voit la contestation faite à plusieurs pays européens de conserver et d'exposer des œuvres d'origine étrangère appartenant parfois à des ensembles architecturaux de ce fait lacunaires. On pense évidemment à l'exemple fameux des frises du Parthénon, dont le Royaume-Uni et la France possèdent des fragments. Dans ce débat légitime, le groupe les Républicains soutient pleinement la participation du législateur à la définition d'une doctrine française sur les restitutions, éclairée par les études historiques et scientifiques. Nous souhaitons toutefois rappeler notre profond attachement au principe protecteur des collections muséales françaises. Les restitutions constitueront toujours une dérogation au principe d'inaliénabilité. Nous veillerons à ce que les critères de « restituabilité » – je cite le mot de Jean-Luc Martinez – soient clairement déterminés et respectés, ainsi que, comme le préconise son rapport, les décisions de restitution ne soient jamais ni le fait du prince, ni un acte de repentance, mais un geste constructif.
Même si la restitution des biens culturels appartenant aux Juifs ne relève pas de ce débat, c'est l'occasion de l'aborder ; vous-même, madame la ministre, l'avez fait. Je veux dire à Mme la rapporteure, qui n'a cité que des députés de la majorité,…