« Jamais je n'oublierai cette nuit, la première nuit de camp qui a fait de ma vie une nuit longue et sept fois verrouillée. Jamais je n'oublierai cette fumée. Jamais je n'oublierai les petits visages des enfants dont j'avais vu les corps se transformer en volutes sous un azur muet. Jamais je n'oublierai ces flammes. Jamais je n'oublierai ce silence nocturne qui m'a privé pour l'éternité du désir de vivre. »
Merci, madame la ministre, de contribuer, avec ce projet de loi, à éclairer la longue nuit que décrit ici Elie Wiesel, rescapé de la Shoah et prix Nobel de la paix. La loi que vous présentez nous offre une possibilité de réparer une partie des injustices et des souffrances endurées par les Juifs de France, Français ou étrangers, durant la Shoah. Elle est une pierre importante sur le chemin de la reconnaissance des crimes du nazisme, qui a cherché à exterminer le peuple juif de l'histoire des hommes et à effacer toute trace des crimes perpétrés.
Six millions de personnes, dont plus d'un million et demi d'enfants, furent décimées sous le coup de la barbarie nazie parce que nés juifs, payant le tribut épouvantable d'une déshumanisation savamment orchestrée. Six millions, c'est-à-dire les deux tiers des Juifs d'Europe. Parmi ces Juifs assassinés, il y avait mon arrière-grand-père, Moshe Leitus, Juif d'Europe de l'Est arrivé avant la guerre à Paris, arrêté en 1942, interné dans le camp de Beaune-la-Rolande et assassiné à Auschwitz. Il n'avait ni titre ni bien à spolier ; simplement une femme et deux enfants qui, eux, ont survécu à la guerre grâce aux Justes de France qui, en sauvant une vie, ont sauvé l'humanité tout entière. Permettez-moi de vous dire l'émotion qui me traverse aujourd'hui en prononçant son nom à la tribune de notre assemblée comme député de la nation.