France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Madame la Première ministre, dimanche dernier, des centaines de Français au visage hagard et sidéré, aux yeux embués, émus, ont marché en silence dans les rues de Dozulé, dans le Calvados, département dont vous avez été, comme je le suis, l'élue. Nous avons marché en silence pour rendre hommage à Laure Feuillet, une femme lumineuse et rayonnante, une maman de 28 ans, bibliothécaire passionnée par son métier. Laure Feuillet aimait la vie. Elle lui a été arrachée par son compagnon qui, selon toute vraisemblance, l'a assassinée à l'arme blanche le 14 février dernier. Il y a un an, Laure Feuillet avait brisé le silence et porté plainte pour violences conjugales. Cela n'aura pas suffi.
Laure Feuillet est le visage de toutes ces femmes tombées sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint. Les chiffres font froid dans le dos : 28 femmes sont mortes assassinées depuis janvier – encore deux le week-end dernier –, c'est une femme tous les deux jours et demi. Jour après jour, le décompte macabre se poursuit et le même bilan glaçant se répète qui décrit des vies et des familles brisées. À ce chiffre épouvantable, nous pourrions ajouter les centaines de milliers de femmes victimes de violences conjugales.
Madame la Première ministre, la République doit protéger l'ensemble de ses filles et mettre fin à ce fléau qui pourrit notre société et traverse tous les milieux sociaux. Si, depuis plusieurs années, des mesures ont été prises dans le prolongement notamment du Grenelle des violences conjugales, force est de constater que des failles et des dysfonctionnements majeurs persistent.
Je connais votre engagement et votre détermination à lutter contre les féminicides. Il y a urgence à agir. Nous le devons à Laure Feuillet et à toutes ces femmes assassinées. Ma question est simple : quel plan national d'urgence pouvez-vous mettre en place pour enrayer ce fléau et dire aux femmes qui nous écoutent en cette veille de la Journée internationale des droits des femmes, qu'en France, la République les protégera toujours des coups de leur conjoint, de la folie de leurs prédateurs.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem et sur plusieurs bancs des groupes RN, LR, Écolo – NUPES, GDR – NUPES et LIOT.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.
Vous m'interpellez sur le drame survenu à Lisieux le 14 février. Permettez-moi tout d'abord d'avoir une pensée pour Laure, la victime.
Vous le savez, le Président de la République a fait de l'égalité entre les femmes et les hommes la grande cause du quinquennat – comme ce fut le cas du quinquennat précédent. Le combat contre les violences intrafamiliales est un combat de chaque instant et qui doit être mené sans relâche – tant qu'il y aura des coups et des féminicides, il ne cessera pas.
Demain, je présenterai, aux côtés de la Première ministre, le plan Égalité 2027 qui comportera des mesures ambitieuses pour la protection de ces femmes. La Première ministre en a déjà annoncé quelques-unes hier, dont une ordonnance de protection immédiate, qui permettra une mise en sécurité très rapide de la victime. De même, pour aider les victimes à s'extraire des griffes de leur bourreau – parce que ce n'est pas facile de quitter son conjoint quand il est violent –, la Première ministre a annoncé un nouveau dispositif, le pacte Nouveau départ, que j'ai lancé la semaine dernière dans le Val-d'Oise, premier territoire d'expérimentation. Grâce à ce dispositif, les victimes pourront bénéficier d'une aide avec un seul référent par l'intermédiaire des caisses d'allocations familiales (CAF) et sur différents aspects, qu'il s'agisse d'allocations, d'accompagnement à l'emploi ou à la formation, d'un accompagnement psychologique, d'une aide à la garde d'enfant ou encore d'un hébergement d'urgence. Ce pacte s'appliquera aussi bien aux femmes qui quittent le domicile qu'à celles qui y restent et dont le conjoint a été évincé.
Nous devons rester humbles dans ce combat, ne jamais donner dans le triomphalisme. Nous devons au contraire œuvrer au quotidien. Vous pouvez compter sur nous.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
Madame la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, le Président de la République est rentré dimanche à Paris après une tournée de quatre jours en Afrique centrale et c'est l'heure du bilan.
Au Gabon, sous prétexte d'un sommet sur la forêt boycotté par la société civile et les ONG, le Président n'a fait que renforcer Ali Bongo, cœur battant de la Françafrique, à la veille d'une élection présidentielle. Au Congo-Brazzaville, il s'est affiché tout sourire avec Denis Sassou-Nguesso, président-militaire responsable d'une guerre civile ayant entraîné le massacre de milliers d'opposants. Il est passé ensuite en Angola sans dire un mot de l'immonde projet EACOP, l'oléoduc de pétrole brut d'Afrique de l'Est de TotalEnergies, qui a déjà conduit à l'expropriation de plus de 100 000 paysans. Puis, pour clore cette magnifique tournée, il s'est rendu samedi en République démocratique du Congo et là, ce fut le clou du spectacle : incapable de dénoncer le financement de la milice du M23 par le Rwanda, le Président a cru bon d'insulter Félix Tshisekedi, puis s'est embourbé dans un discours aux relents colonialistes, qui a profondément choqué son homologue et l'ensemble du plus grand pays francophone au monde.
Finalement, madame la ministre, cette tournée d'Emmanuel Macron, c'est un peu un mélange de Tintin au Congo et d'OSS 117 en Afrique.
Murmures sur plusieurs bancs du groupe RE.
Comment, dès lors, s'étonner que l'influence russe s'étende depuis des années sur le continent africain où le sentiment anti-Français, lui, ne fait que croître, que beaucoup de ces États refusent de s'engager à nos côtés dans le soutien à l'Ukraine, qu'après notre échec en Libye puis au Sahel, de grands pays comme le Mali ou le Burkina Faso nous demandent de fermer nos casernes militaires ? Chers collègues, croyez-vous vraiment que ces États sont aveugles à la différence de traitement, dans notre accueil, entre les réfugiés venus d'Ukraine et ceux venus d'Afrique ou du Moyen-Orient ? Ou encore, ainsi que l'acteur Omar Sy nous l'a rappelé récemment, qu'ils ne voient pas notre indifférence face aux conflits qui ravagent leur continent ? La guerre oubliée du Tigré, qui s'achève à peine, a fait 600 000 morts en Éthiopie et Emmanuel Macron a pourtant reçu Abiy Ahmed, responsable de ces massacres, en grande pompe à l'Élysée le mois dernier.
Il est temps d'en finir avec ce double standard en matière de droits humains et de démocratie en Afrique. L'Empire français, c'est terminé. C'est maintenant, avec les diasporas, la société civile et surtout la jeunesse, que de nouvelles coopérations doivent se construire à égalité. Alors, madame la ministre, vous qui êtes une diplomate aguerrie, ma question est simple : qu'avez-vous pensé de cette tournée du professeur Macron en Afrique ?
La parole est à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Le 27 février dernier, vous vous en souvenez, le Président de la République a fixé le cap de notre politique à l'égard de l'Afrique, un continent qui présente d'immenses potentialités pour les décennies à venir. En un mot, nous voulons y créer des partenariats équilibrés, dans le respect réciproque, sans arrogance mais sans complexes, comme il l'a précisé lui-même.
Sans arrogance parce que nous n'imposons ni solutions ni notre vision du monde. Nous avons des atouts à faire valoir – nos liens humains, nos diasporas, vous y avez fait allusion, l'engagement de notre jeunesse, nos entreprises, nos universités…
Sans complexes, ensuite, car nous devons entretenir une proximité sans connivences ni ingérence. Nous ne soutenons aucun candidat, vous le savez bien, et nous parlons avec tout le monde, y compris avec les oppositions, comme toujours. Il s'agit d'encourager notre présence économique dans un esprit gagnant-gagnant, mais aussi de bâtir de nouveaux partenariats – préservation des forêts, lutte contre le changement climatique, lutte contre les pandémies, défense du multilatéralisme, énumération que je pourrais poursuivre.
Sans relâche, nous devons continuer de lutter contre les fractures et contre les incompréhensions. La réponse ne saurait donc être dans la prise de distance ; elle est au contraire dans l'approfondissement du dialogue auquel, monsieur le député, je vous invite à contribuer.
Applaudissements sur quelques les bancs du groupe RE.
Madame la Première ministre, ce mardi 7 mars fera date dans l'histoire de France. À l'heure où je vous parle, plusieurs millions de personnes défilent dans les rues, des plus petites communes aux grandes métropoles. C'est le pays tout entier qui se lève. Nous vivons la plus grande journée de grève et de manifestations depuis cinquante ans.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Applaudissements ironiques sur plusieurs bancs du groupe RE.
À l'heure où je vous parle, l'essentiel des trains, des métros et des bus ne circulent plus.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
Aucune goutte de carburant ne sort des raffineries. Les chaînes de l'industrie sont à l'arrêt. Les centrales électriques réduisent leur production et, déjà, des assemblées générales ont décidé de poursuivre la grève demain.
Il est bien dommage que vous ne fassiez pas grève au lieu de nous infliger vos bobards !
Brouhaha.
Vous ignorez, vous méprisez, vous mentez, vous misez sur le découragement, vous montrez du doigt ceux à qui vous n'avez pas laissé d'autre choix que la grève,…
Vous faites du mal à un pays qui souffre déjà beaucoup. Vous êtes irresponsables.
Mais vous n'y arriverez pas : chaque jour qui passe, l'opposition à votre réforme s'amplifie ; l'ensemble des syndicats ont appelé au blocage du pays et deux tiers des Français les soutiennent dans cette démarche ;
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
les caisses de grève se remplissent ; le peuple est solidaire de ceux qui sacrifient des journées de salaire pour défendre l'intérêt général. Nous leur apportons notre soutien total.
Madame la Première ministre, vous ne pouvez pas gouverner seule contre tout le monde. Il n'y a pas de 49.3 contre l'union populaire. Il n'y a pas de honte à reculer. D'autres l'ont fait avant vous. En 1995, il aura fallu trois semaines de grève pour l'abandon du plan Juppé.
Mêmes mouvements.
En 2006, un mois de manifestations aura permis la fin du contrat première embauche. Madame la Première ministre, combien de temps allez-vous faire payer au pays le prix de votre entêtement ? Quand allez-vous enfin retirer votre texte ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Votre question, par son ton comme par son fond, est symptomatique de votre positionnement politique. Symptomatique parce que vous appelez au blocage, parce que vous appelez, pour reprendre l'expression d'un responsable syndical, à mettre l'économie à genoux. Mais mettre l'économie à genoux, c'est mettre les travailleurs à genoux, c'est mettre les classes modestes à genoux ,
« Eh oui ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE
c'est mettre en difficulté les petites entreprises, c'est mettre en difficulté les plus fragiles.
Votre question est également symptomatique parce que vous décrivez la Première ministre comme seule.
Or elle n'est pas seule : elle est soutenue par toute la majorité
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE
et, par-delà la majorité, par tous ceux qui, responsables, savent que ce que nous faisons permet la pérennité du système par répartition et permet de garantir la solidarité intergénérationnelle.
Enfin, votre question est symptomatique parce que vous faites le choix de l'outrance, le choix des grandes déclarations, le choix du blocage. En réalité, vous persistez dans votre choix de l'obstruction quand nous avons fait celui du débat et de la discussion.
Oui, vous avez fait le choix de l'obstruction.
Vous avez fait le choix de l'irresponsabilité. En fin de compte, vous avez fait le choix d'esquiver la responsabilité en ne faisant pas face aux enjeux, à l'avenir. La majorité est donc responsable pour vous.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Ma question s'adresse à Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Huit mars, Journée internationale des droits des femmes, 19 novembre, Journée mondiale pour la prévention des abus envers les enfants, 20 novembre, Journée internationale des droits de l'enfant, 25 novembre, Journée internationale contre les violences faites aux femmes – quatre dates dans notre calendrier qui sont autant d'occasions supplémentaires de rappeler les violences commises au sein des familles. Ces violences, elles brisent des familles mais surtout des vies car, au-delà des chiffres – 208 000 femmes victimes de violences conjugales en 2021, 159 femmes, hommes et enfants décédés, la même année, dans un contexte de violence au sein de la famille –, ce sont des gens qui meurent.
Depuis le 28 septembre, avec la sénatrice Dominique Vérien, nous travaillons dans le cadre de la mission que nous a confiée la Première ministre, visant à améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales. Nous avons déjà fait certaines recommandations. Ce que nous demandent les victimes, ce que nous demandent les associations, ce que nous demandent les Français a commencé avec le lancement du pacte Nouveau départ par la Première ministre et par Isabelle Rome.
Parmi ces recommandations, deux ont déjà été annoncées : la création de pôles spécialisés dans les violences intrafamiliales dans les tribunaux et l'instauration d'une ordonnance de protection immédiate. En ce qui concerne ces pôles, j'ai pu constater que la circulation de l'information entre les différents acteurs de la chaîne judiciaire est un élément essentiel pour lutter contre la violence au sein de la famille. Presque toutes les juridictions ont développé leur modèle pour répondre à la masse grandissante du contentieux. Il est important d'aider nos concitoyens à mieux s'y retrouver.
Quant à l'ordonnance de protection immédiate que nous vous avions proposée comme une ordonnance d'éviction ou de mise à l'abri, l'annonce faite par Mme la Première ministre semble emporter de nombreuses interrogations, notamment de la part des avocats, quant à son utilité et à sa temporalité.
Pourriez-vous donc nous apporter des précisions sur les modalités d'application de ces deux mesures ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je sais combien, depuis le 28 septembre, avec votre collègue sénatrice Mme Vérien, vous vous êtes investie pour encore améliorer notre réponse à ces terrifiants féminicides. Vous le savez, nous avons déjà fait beaucoup : téléphone grave danger, bracelet antirapprochement, ordonnance de protection, déferrements, condamnations beaucoup plus fermes. Mais force est de constater que ce n'est pas suffisant.
Hier, vous avez présenté plusieurs propositions. Elles ont été reprises avec enthousiasme par Mme la Première ministre et je les reprendrai à mon compte de la même manière. De quoi s'agit-il ?
Il s'agit d'abord de la constitution de pôles spécialisés – et non de juridictions spécialisées –, mesure pour laquelle vous avez auditionné une centaine de personnes. De tels pôles ont commencé à voir le jour après le féminicide de Mérignac. Ils sont déjà au nombre de 123 et il convient de les généraliser dans l'ensemble des 164 tribunaux judiciaires et des cours d'appel.
Quant à la deuxième mesure, qui est également importante, il s'agit de l'ordonnance de protection. Celle-ci était prise dans un délai de quarante jours : nous l'avons ramené à six jours, mais il faut impérativement le réduire encore, à vingt-quatre heures, comme l'a annoncé hier Mme la Première ministre. Il ne fait nul doute que nous trouverons toutes les solutions pour présenter le plus rapidement possible un texte en ce sens. La raison est simple : c'est une mesure de bon sens.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Madame la Première ministre, une hausse des prix de l'alimentation de 25 % en seulement dix-huit mois : voilà la terrible réalité que doivent affronter les Français quand les salaires, eux, n'ont augmenté que de 4 à 6 % sur la même période.
De mois en mois, entre mensonges grossiers et incompétence crasse, vous avez promis que l'inflation était sous contrôle : on voit le résultat !
Protestations sur quelques bancs du groupe RE.
Vous aviez promis des mesures inédites, des mesures fortes : on voit le résultat ! Un pauvre logo et un énième slogan pour faire la publicité de la grande distribution, aux frais du contribuable.
Vous aviez promis un prix du carburant proche de 1,50 euro le litre : il s'élève à près de 2 euros, seuil que TotalEnergies accorde dans sa grande mansuétude après que vous l'avez supplié de partager ses 18 à 35 milliards d'euros de bénéfices que vous avez sciemment protégés.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Mais comment pourriez-vous combattre une inflation dont vous chérissez en réalité les causes ?
Protestations sur plusieurs bancs du groupe RE.
La Banque centrale européenne a rendu son verdict. Ce ne sont pas les hausses de salaire qui nourrissent l'inflation : elles sont faméliques. Ce n'est pas non plus l'emballement de l'économie réelle : elle est au bord de l'effondrement. Non, ce qui nourrit l'inflation, ce sont les surprofits indécents que réalisent les multinationales – surprofits que vous avez protégés !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
« Ah ! » sur les bancs du groupe RE
avait eu le courage de le dire « Eh oui ! » sur les bancs du groupe RN) et de proposer des mesures qui permettaient de combattre les causes de l'inflation.
Voilà votre bilan : le travail ne paie plus en France, mais c'est bien le travail des Français qui paie la cupidité des multinationales ! Vous avez inventé le ruissellement à l'envers : l'argent de nos compatriotes, dans tous les territoires, vient arroser les multinationales.
Ma question est donc simple : quand allez-vous rendre leur argent aux Français ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
La justice fiscale, c'est nous ; l'incompétence fiscale, c'est vous !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations et sourires sur les bancs du groupe RN.
La justice fiscale, c'est de taxer l'ensemble des énergéticiens pour récupérer la rente dont ils ont bénéficié sur l'électricité ou sur le gaz, afin d'apporter 46 milliards d'euros au Trésor public – mesure que vous n'avez pas votée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La justice fiscale, c'est d'avoir instauré une imposition minimale de 15 % sur les bénéfices des sociétés, mesure poussée par cette majorité et ce gouvernement, défendue et obtenue par le Président de la République. L'Assemblée nationale l'a obtenue, mais vous ne l'avez pas votée.
Mêmes mouvements.
La justice fiscale, c'est de taxer les géants du numérique, les Google, Amazon, ou Facebook : ces entreprises qui, jusqu'à présent, n'étaient pas taxées, et qui, grâce à cette majorité, le seront sur leurs 700 millions d'euros de revenu fiscal en 2023.
Cette mesure non plus, mesdames et messieurs les députés du Rassemblement national, vous ne l'avez pas votée, contrairement à cette majorité
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Vous ne défendez pas la justice fiscale ; par contre, vous défendez toujours les mêmes idées. Vous n'avez qu'un seul mot à la bouche : la TVA, la TVA, la TVA !
Prenons vos solutions. Si nous baissions la TVA sur les produits alimentaires, cela coûterait 7 milliards d'euros. Si nous baissions la TVA sur l'essence, cela coûterait 10 milliards d'euros. Or 17 milliards d'euros, en supposant que cette somme n'aille pas dans la poche des distributeurs ou des industriels, ce serait toujours trois fois moins que les 46 milliards que nous avons dégagés pour protéger les Français contre l'augmentation des prix de l'électricité et du gaz.
L'incompétence c'est vous ; la décision et la justice, c'est nous !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Comment pourriez-vous taxer les surprofits d'EDF alors que vous avez tellement ruiné cette entreprise qu'elle accuse 18 milliards de pertes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Ma question s'adresse à Mme la Première ministre.
Nouvelle illustration du « en même temps » cher au Président de la République, notre pays a réussi la performance diplomatique d'être en froid et avec l'Algérie et avec le Maroc.
Le Maroc a rappelé son ambassadeur à Paris le 19 janvier dernier et dénoncé ces derniers jours des relations avec la France qui ne sont, selon les mots du royaume, « ni bonnes ni amicales ». Quel terrible constat de la part de ce pays traditionnellement ami du nôtre !
Le 8 février, c'était au tour de l'Algérie de rappeler son ambassadeur pour consultations, afin de protester contre l'exfiltration de la militante algérienne Amira Bouraoui.
Dans la foulée, le pays annonçait qu'il cesserait de délivrer les indispensables laissez-passer consulaires. Très concrètement, cela signifie que l'Algérie ne reprend désormais plus aucun de ses ressortissants expulsés par la France.
Au-delà des conséquences diplomatiques, qui contribuent à affaiblir toujours plus notre pays déjà à la peine sur le continent africain, cette crise avec deux pays majeurs du Maghreb révèle une fois de plus l'échec de votre politique d'expulsion des étrangers en situation irrégulière sur notre territoire.
Seules 0,2 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF) vers l'Algérie sont exécutées et 2,4 % vers le Maroc.
Dans ces conditions diplomatiques particulièrement défavorables, comment comptez-vous réaliser la promesse de votre ministre de l'intérieur de mener à bien 100 % des OQTF – engagement qui apparaît au mieux comme un vœu pieux, au pire comme une promesse à laquelle personne de sérieux ne peut accorder le moindre crédit ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
La France est liée au Maroc et à l'Algérie par des liens d'une nature exceptionnelle ; des liens qui dépassent les personnes et les contingences, car ils prennent racine dans une histoire partagée d'une richesse, mais aussi d'une complexité hors du commun – vous l'avez dit.
Ces liens hors du commun, nous pouvons les voir à l'œuvre avant tout dans les échanges humains.
Nos trois pays sont indéfectiblement liés par leurs jeunesses, par leurs étudiants, par leurs langues, par leurs histoires, et par les histoires familiales imbriquées dans la grande histoire.
Cela étant, dans ce genre de relation étroite, on ne peut parfois éviter – nous le savons – que ne surviennent des périodes de doute, ou quelques accrocs.
Ce qui compte, c'est ce que nous voulons pour l'avenir, par-delà ses vicissitudes. C'est le sens de la visite d'amitié du Président de la République en Algérie fin août dernier, et de celle de Mme la Première ministre en octobre, visites qui ont l'une et l'autre tracé des perspectives pour le temps long entre nos deux pays, y compris sur le plan mémoriel.
J'ajouterai d'ailleurs qu'il est de la responsabilité de tous de contribuer au développement de notre relation avec l'Algérie.
Ce que nous voulons pour l'avenir, c'est aussi ce que j'ai présenté au Maroc en décembre, lors d'une visite qui a posé un jalon important et qui, comme vous le savez, était nécessaire.
Ainsi, avec le Maroc comme avec l'Algérie, nous regardons vers l'avenir, car nous avons une ambition forte et car nous entendons poursuivre le travail au bénéfice de nos peuples, et particulièrement de nos jeunesses.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Ce double fiasco diplomatique et migratoire ne vous est sans doute pas directement imputable, néanmoins les conséquences sont là. Je regarde M. le ministre de l'intérieur : plus aucune OQTF ne peut être satisfaite, notamment avec l'Algérie. Comment répondrez-vous à ce problème majeur pour notre pays ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Madame la Première ministre, alors que certains parlent de mettre la France à genoux, je souhaitais vous parler de ces personnes qui, quelles que soient les crises ou les pandémies, sont aux côtés de nos concitoyens, notamment les plus fragiles. Les infirmières et infirmiers libéraux n'ont bénéficié ni de la prime covid ni de celle issue du Ségur de la santé. Ils constituent néanmoins des maillons essentiels de notre société pour assurer la continuité des soins dans un contexte où le Gouvernement affiche une politique ambitieuse du « bien vieillir » à domicile. Ils sont toujours en première ligne, exercent un métier éprouvant, dont la pénibilité n'est d'ailleurs pas prise en compte dans leur retraite, et pallient le manque de soins dans nos territoires sous-dotés.
La valorisation financière de leurs actes est inchangée depuis plus de dix ans, et alors que la France connaît un contexte inflationniste préjudiciable à tous. Leurs indemnités forfaitaires de déplacement sont fixées à 2,50 euros, ce qui est en soi plus que minime et qui devient insignifiant au vu de l'augmentation du prix de l'essence. Ce montant apparaît d'autant plus indécent que depuis le 31 décembre dernier, l'aide exceptionnelle au déplacement pour ces professionnels, qui bénéficiaient depuis avril 2022 d'une maigre revalorisation de 4 centimes, a été supprimée.
Précisons que les indemnités forfaitaires de déplacement sont complétées par une indemnité kilométrique de 50 centimes par kilomètre, dès lors que le patient n'habite pas dans la commune du professionnel, ce qui crée une fois de plus un préjudice pour nos territoires ruraux. Je prends l'exemple de cette infirmière bressaude qui s'est vu refuser ce remboursement au seul motif qu'elle exerce dans une commune vaste de 57 kilomètres carrés.
Qu'entend donc faire le Gouvernement pour que, d'une part, les conditions que j'ai évoquées et qui ne tiennent pas compte de la réalité de tous les territoires soient assouplies, d'autre part, pour envoyer un signal fort à toutes ces femmes et ces hommes qui, tous les jours, assurent une présence et un service indispensables ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LR. – Mme Christine Pires Beaune applaudit aussi.
Vous avez raison, les infirmières et infirmiers libéraux sont essentiels pour l'accès aux soins et pour la santé de nos concitoyens. Dans la France rurale, dans les zones de montagne, dans les petites communes, ou dans les villes moyennes, ces professionnels sont bien souvent les visages accessibles du soin. En semaine comme le week-end, ils parcourent des dizaines de kilomètres par jour au contact des Françaises et des Français qui en ont besoin. Au nom du Gouvernement, je veux leur dire toute ma reconnaissance :
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem
avec le ministre de la santé François Braun, nous sommes mobilisés à leurs côtés.
Concernant les indemnités kilométriques, nous sommes bien conscients des difficultés, notamment dans ces périodes de prix élevés des carburants. Dès 2019, leur mode de calcul a été révisé afin de mieux tenir compte de la réalité des déplacements. Il n'y a désormais plus de règles uniques pour l'ensemble du pays, celles-ci pouvant être négociées à l'échelle de chaque département, en tenant compte des réalités locales. En écho à votre alerte, le ministre de la santé demandera à l'assurance maladie de veiller à la bonne prise en compte de ces réalités. J'ajoute que, l'an dernier, l'assurance maladie a revalorisé les indemnités kilométriques pour les infirmières et infirmiers libéraux, qui ont évidemment bénéficié des différentes aides instaurées par le Gouvernement, lesquelles ont été doublées par l'assurance maladie.
S'agissant de la rémunération, en 2020, nous avons établi le bilan de soins infirmiers, qui a rénové le mode de facturation des actes infirmiers, avec une rémunération forfaitaire journalière adaptée aux patients. Depuis le 1er janvier 2022, cet outil a été étendu à l'ensemble des patients dépendants. Le bilan de soins infirmiers connaît un succès important et nous allons, d'ici à 2024, pratiquement doubler les financements, avec 217 millions.
Cependant, je sais que des interrogations, des doutes et des difficultés persistent. Nous travaillons donc avec les soignants pour faire évoluer le métier d'infirmier libéral. Nous voulons notamment permettre une adaptation des formations, des référentiels d'activité et des compétences. Une mission commune de l'inspection du ministère de la santé et de la prévention et de celle de l'enseignement supérieur et de la recherche travaille sur ce sujet. Par ailleurs, le Gouvernement se mobilise pour enrichir ce métier d'infirmières et d'infirmiers libéraux : élargissement des compétences vaccinales ou encore expérimentation de l'établissement de certificats de décès, très attendue dans les territoires, notamment par les maires. Cette évolution du métier va de pair avec le renforcement de son attractivité, qui est l'une des conditions pour assurer une meilleure offre de soins dans tout notre territoire. Je sais que cette préoccupation est très largement partagée sur ces bancs, comme en témoigne l'adoption à l'unanimité, il y a quelques semaines, de la proposition de loi de la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, Mme Stéphanie Rist.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, je souhaite vous interpeller à propos de la situation sanitaire compte tenu de l'influenza aviaire hautement pathogène qui frappe durement nos éleveurs et, au-delà, toute la filière avicole.
Pour faire face aux différentes vagues d'épizootie, depuis 2017, le Gouvernement a toujours été aux côtés des acteurs de la filière palmipède, grâce à des indemnisations massives. En tant que parlementaire landais, je souhaitais saluer cet effort constant.
Au printemps 2017, le ministre de l'agriculture de l'époque avait signé avec la filière palmipèdes à foie gras un pacte de biosécurité, contenant des mesures préventives et réglementaires pour réduire les risques de diffusion et de transmission. Dans le Sud-Ouest, entre le 15 décembre 2022 et le 15 janvier 2023, afin de créer un vide sanitaire, le Gouvernement a lancé le plan Adour, qui a permis de limiter considérablement le nombre de foyers d'épizootie et de relancer ainsi le repeuplement des volailles.
Malgré les avancées de la biosécurité, l'épizootie se répète et se généralise, en France et en Europe, mais, fort heureusement, nous entrevoyons désormais un espoir avec l'arrivée prochaine du vaccin. Sans en faire un substitut à la biosécurité, nous devons envisager de recourir à la vaccination massive, mais celle-ci ne peut se mettre en place sans le soutien de l'État à la filière avicole. Le vaccin, dont le coût unitaire est très élevé, doit en effet être appliqué volaille par volaille. La vaccination devra en outre être suivie d'un programme de monitoring particulièrement lourd et onéreux afin de garantir la crédibilité et l'efficacité de la stratégie vaccinale retenue.
Compte tenu de ces conditions, envisagez-vous un plan de soutien financier à nos éleveurs lors du déploiement de la vaccination ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Je vous remercie pour votre question, qui me permet de faire un point sur l'influenza aviaire.
Je commencerai par la progression de l'épidémie. L'épisode épidémique de l'année dernière avait touché plus de 1 400 foyers ; nous en sommes aujourd'hui à 310. Je pense bien sûr à tous les éleveurs touchés qui, pour certains, font face à leur deuxième ou même troisième épisode épidémique, mais la situation est meilleure que l'année dernière, marquée par des inquiétudes face à l'état endémique de l'influenza.
Pour l'accompagnement des éleveurs, je pense que nous avons été à la hauteur, notamment pour les indemnisations : plus de 1 milliard d'euros ont été prévus pour l'indemnisation au titre de la période 2021-2022 et ce même dispositif a été reconduit.
Que faut-il faire pour faire face à la situation actuelle ? Vous avez raison de saluer l'action du Gouvernement, mais je rappelle que le plan Adour a été voulu et monté par les éleveurs. Il a permis de ne pas repeupler les élevages en décembre et en janvier, période où le risque de contamination est le plus élevé. Ces mesures de dédensification ont fonctionné : dans la grande zone Sud-Ouest, où 300 foyers en moyenne étaient touchés lors des précédents épisodes épidémiques, nous en dénombrons aujourd'hui vingt. L'épisode actuel n'est pas terminé, mais l'évolution va dans le bon sens.
Le premier objectif est de prolonger ces mesures et les compléter par un accompagnement financier, qui nous a paru important. Le deuxième objectif est de réfléchir à des mesures similaires pour d'autres zones afin notamment de préserver le patrimoine génétique. Celui des canards en Pays de Loire est en effet menacé par les récents épisodes épidémiques. Le troisième objectif est de vacciner. Les résultats de la campagne de vaccination seront disponibles dans le courant du mois de mars. Nous allons déployer un plan comportant des mesures de logistique et de prévisibilité. J'ai par ailleurs annoncé que l'État prendrait en charge une partie des coûts de vaccination. Il faut en outre travailler sur les normes de commerce, car certains échanges internationaux sont soumis à des règles de vaccination et il faut donc prendre garde à ne pas obérer nos capacités d'exportation. Voilà les sujets sur lesquels nous travaillons.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Madame la Première ministre, de très nombreux Français sont dans la rue, comme dans ma circonscription sur le rond-point d'Amblans-et-Velotte, pour vous signifier dans le calme leur opposition à votre réforme des retraites. Les syndicats nous annoncent le blocage de la France. Ce blocage est en fait une coproduction : vous en êtes la première responsable. C'est vous qui avez choisi de faire passer votre néfaste, inutile et injuste réforme des retraites par un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale et de limiter ainsi la durée du débat – nous ne l'avons d'ailleurs même pas eu dans cet hémicycle à cause de l'obstruction de l'extrême gauche NUPES, mais c'est bien vous la responsable de ce choix !
Je parlais de coproduction, car je n'oublie pas que l'extrême gauche NUPES a, en avril dernier, appelé à voter pour Emmanuel Macron, dont le seul programme était justement le recul de l'âge de départ à la retraite.
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.
Lors de la récente discussion d'une motion référendaire, les députés de l'extrême gauche NUPES, parce qu'ils avaient perdu un pile ou face, ont préféré déserter que voter cette motion.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Collègues de l'extrême gauche NUPES, vous êtes coresponsables de la casse sociale qui s'annonce !
Aujourd'hui, pour ne pas entraîner la France dans un blocage qui pourrait s'avérer dramatique pour notre économie, déjà bien malmenée par votre politique, vous avez une solution qui vous permettrait de sortir par le haut : organiser un référendum. Ma question est simple : quand allez-vous proposer au Président de la République, comme vous le permet l'article 11 de la Constitution, de demander aux Français de trancher par référendum si, oui ou non, ils souhaitent l'application de votre projet de loi ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.
Il n'y a pas lieu d'envisager, et encore moins dans cet hémicycle, qu'il puisse exister un conflit de légitimité entre celle de la rue et celle de la représentation nationale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Monsieur le député, vous avez été, comme l'ensemble des parlementaires, désigné par le peuple pour faire la loi, pour l'amender et pour la voter, pour proposer ou pour vous opposer. Je tiens ce discours face à ceux qui tendent à compter et à comparer les légitimités. Le fonctionnement démocratique de notre république repose sur le respect de ses institutions.
Vous avez eu l'occasion de défendre dans cet hémicycle une motion proposant un référendum. Vous avez été battu : les parlementaires ont fait le choix de se rassembler pour examiner ce projet important pour l'avenir de notre modèle social.
Vous déplorez que les débats n'aient pas pu aller à leur terme. Je le déplore également, mais pas pour les mêmes raisons que vous : vous insinuez que la durée accordée aux débats a été rabougrie ,
« Oui ! » sur plusieurs bancs des groupes RN et LR
alors que le temps de débat accordé à l'Assemblée et au Sénat pour discuter d'une réforme des retraites n'a jamais été aussi long sous la V
Je note que les sénateurs, qui disposent de cent heures de temps de débat, se réunissent jour et nuit – ils ont siégé hier jusqu'à trois heures du matin – et ont ainsi pu adopter les six premiers articles. Je souhaite qu'ils puissent entamer aujourd'hui la discussion du fameux article 7 et permettre ainsi au débat démocratique de se poursuivre.
Nous respectons la contestation sociale sous toutes ses formes, manifestations ou grèves, mais nous rappelons notre ambition, qui est celle de réformer le pays et d'éviter qu'il ne soit paralysé et bloqué afin que nous puissions avancer collectivement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Votre entêtement est un message clair pour les Français : s'ils souhaitent un retour en arrière sur ce projet de loi, ils n'ont qu'un seul moyen : voter Marine Le Pen en 2027 !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Madame la Première ministre, vous avez affirmé hier dans une interview que la volonté du Gouvernement était d'atteindre l'égalité salariale et qu'il fallait se battre pour l'obtenir. La réforme des retraites pénalise les femmes et méprise leur travail, même M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement le concède ! De l'aveu même de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion – je le cite – « le débat sur la retraite des femmes est extrêmement compliqué ».
À la veille de la Journée internationale des droits des femmes, et quarante ans après la loi Roudy, le salaire des femmes est toujours inférieur en moyenne d'un quart à celui des hommes. Contrairement à ce que vous avez dit hier, elles sont toujours contraintes au temps partiel et aux carrières hachées. Selon vous, les femmes peuvent aujourd'hui concilier vie professionnelle et vie familiale. Ah bon ? Dans ce cas, pourquoi les jeunes mères sont-elles si souvent contraintes de passer au temps partiel ? Pourquoi les femmes s'appauvrissent lorsqu'elles deviennent mères ? Et surtout : pourquoi votre gouvernement ne fait rien pour améliorer l'accès à l'emploi des mères ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Où sont les places en crèche et le vrai service public de la petite enfance dont nous avons besoin ? De ce fait, le report de l'âge de départ à la retraite touchera plus fortement les femmes que les hommes et rien n'est clair sur les dispositifs pouvant atténuer ces effets.
Alors que la droite sénatoriale semble bien décidée à intégrer dans cette réforme des politiques natalistes rétrogrades et sexistes …
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR
…le Gouvernement remet ce débat au prochain budget de la sécurité sociale. J'ai évoqué plusieurs exemples, notamment celui de Pascaline, 52 ans, au chômage et désespérée par le refus d'embauche des employeurs. D'autres femmes m'ont dit qu'elles vivaient la même situation et qu'elles ne comprenaient pas votre acharnement.
Mensonge après mensonge, les femmes sont dans la rue parce qu'elles n'en peuvent plus. Et les hommes sont avec elles car eux aussi n'en peuvent plus.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Aujourd'hui, vous bloquez le pays ! Les femmes « vont moins perdre que ce qui était prévu, mais moins perdre, c'est perdre quand même », déclare M. Philippe Martinez. Pouvons-nous compter sur votre engagement pour qu'enfin les femmes puissent vivre dignement de leur travail, puis de leur retraite ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Nous pouvons tomber d'accord sur un point : l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes reste un défi et un objectif. Beaucoup a été fait, par ce gouvernement et ceux qui l'ont précédé.
Beaucoup a été fait pour l'accès des femmes à l'emploi, et c'est une bonne nouvelle. Beaucoup a été fait pour l'accès des femmes à l'éducation, et c'est évidemment une bonne nouvelle. Il faut poursuivre et accélérer cette marche de l'histoire. Les majorités qui se sont succédé, lors du précédent quinquennat et ceux d'avant, ont adopté des textes qui ont apporté leur pierre à la construction de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Je vous ai écoutée.
Chacune de ces politiques a visé le même objectif : faire en sorte que l'égalité soit au rendez-vous.
Vous avez évoqué la question des retraites, ce qui me permet d'apporter deux précisions. Notre système de retraite, aussi complexe soit-il, n'est pas injuste avec les femmes. Aucune de ses règles ne discrimine les femmes ou les hommes.
Dans notre système de retraite, le calcul de la pension d'une assurée tient compte des inégalités accumulées tout au long de la vie. Pour réduire ces inégalités, le véritable chantier est donc celui de l'égalité professionnelle.
La deuxième précision, qui va à rebours de votre question, concerne l'effort que nous demandons, par cette réforme, aux Françaises et aux Français. Il consiste à travailler un peu plus…
…pour garantir le système par répartition. L'étude d'impact et les projections montrent que cet effort est réparti à égalité entre les femmes et les hommes. Nous y avons veillé avec Mme la Première ministre.
Si vous êtes aussi attachée à l'égalité professionnelle que vous le dites, pourquoi votre famille politique n'a-t-elle jamais soutenu les propositions et les projets de loi défendus par cette majorité ? C'est cette majorité qui travaille pour l'égalité entre les femmes et les hommes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Madame la Première ministre, le Président de la République a annoncé, à la surprise générale, qu'il présidera demain un hommage à la mémoire de Gisèle Halimi, à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Cette initiative a suscité beaucoup de réactions d'incompréhension et même, parfois, de colère. Si Gisèle Halimi était encore des nôtres, elle serait en ce moment aux côtés de celles et ceux qui battent le pavé pour dénoncer une réforme dont les premières victimes seront les femmes.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
Nombre de ses proches dénoncent une instrumentalisation politique et une opération de communication grossière.
« Il a raison ! » sur les bancs du groupe SOC.
Gisèle Halimi a mené tant de combats que nul ne peut l'enfermer dans une cause unique, mais chacun sait qu'elle a surtout défendu avec acharnement la dignité des femmes et des peuples. Chacun sait combien son engagement force le respect et l'admiration de millions de Françaises et de Français. Chacun sait aussi que les batailles qui furent les siennes ont contribué à faire grandir les idéaux de la République.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
Dans ces conditions, Gisèle Halimi mérite mieux qu'un hommage en forme de provocation. La seule reconnaissance à la hauteur de son engagement serait de décider, enfin, de son entrée au Panthéon.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Le Président de la République doit mettre fin à des atermoiements qui sont vécus comme du mépris par ceux qui ont la conviction que la place de cette femme au parcours de vie exceptionnel se trouve légitimement aux côtés de celles et ceux qui sont l'honneur de la France. Les tergiversations du Président de la République ne sont pas recevables. Pas une femme, pas un homme qui se soit tout entier consacré à tant de grandes causes ne peut prétendre au consensus. C'est dans ce temple de tous les dieux qu'il convient désormais de faire entrer cette grande femme. C'est donc avec solennité que je vous demande, madame la Première ministre, si vous allez enfin œuvrer pour favoriser l'entrée au Panthéon de Gisèle Halimi ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.
Je vous remercie pour votre question. Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, est une occasion, chaque année, de constater que le combat pour l'égalité entre les femmes et les hommes reste d'actualité. Face à la montée de la pensée conservatrice, nous devons protéger les droits les plus fondamentaux de nos concitoyennes. En rendant un hommage national à Gisèle Halimi, le Président a choisi d'honorer une femme de combat,…
…une pionnière du féminisme, une avocate courageuse dont la plaidoirie au procès de Bobigny restera gravée dans le marbre de nos mémoires.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
L'avancée sociétale fondamentale pour les droits des femmes que constitue l'accès à l'interruption volontaire de grossesse mérite, elle aussi, d'être gravée dans le marbre du plus puissant texte républicain.
M. Thomas Rudigoz applaudit.
Nous protégerons ainsi nos filles de toutes les idées rétrogrades qui pourraient un jour avoir droit de cité dans la République.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Le plan en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes (2023-2027) que je présenterai demain aux côtés de la Première ministre a été élaboré dans cet esprit autour de quatre axes – la lutte contre les violences, l'égalité économique, la santé des femmes et la culture de l'égalité.
Je pense que Gisèle Halimi aurait apprécié ce plan.
Applaudissement sur quelques bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, les travaux sur le projet de réforme des retraites, qui se poursuivent au Sénat, permettront, je l'espère, de démontrer que cette réforme comporte des mesures favorables aux femmes même si nous n'avons malheureusement pas pu les aborder à cause de la regrettable obstruction menée par le groupe La France Insoumise. Je veux parler de la revalorisation des petites retraites, qui bénéficiera très majoritairement aux femmes. Je veux parler de la prise en compte des congés parentaux, qui bénéficiera très majoritairement aux femmes.
Je veux parler de la prise en compte des congés de proches aidants, qui bénéficiera très majoritairement aux femmes. De plus, la majorité, à travers plusieurs amendements défendus notamment par Véronique Riotton et Marie-Pierre Rixain, ainsi que par les groupes MODEM et Horizons, souhaite enrichir le texte…
…et nous espérons que les débats au Sénat permettront de concrétiser ces avancées.
De nouvelles pistes sont également à l'étude, notamment celle d'une surcote pour les femmes ayant eu au moins un enfant et atteint un nombre suffisant de trimestres avant l'âge de départ à la retraite. Pouvez-vous nous donner l'avis du Gouvernement sur ce point ?
Nous le savons, le montant des retraites des femmes est moins élevé tout simplement parce qu'il reflète des carrières moins bien rémunérées…
…et souvent affectées par leur vie familiale. Quelles mesures envisagez-vous pour poursuivre le combat contre les inégalités salariales entre les hommes et les femmes et permettre aux femmes d'accéder aux mêmes carrières que les hommes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Vous m'interrogez sur la situation des femmes au moment du départ à la retraite et notre action en faveur de l'égalité professionnelle et de la réduction des inégalités de pension. Le texte que nous vous présentons, tel que nous l'avons élaboré avec Mme la Première ministre, prévoit plusieurs mesures en la matière, que vous avez évoquées. Je regrette moi aussi que votre assemblée n'ait pu les examiner.
Quelle forme ! Ce n'était pas un tartare, mais du lion qu'il a mangé ce matin !
Mentionnons l'intégration de trimestres cotisés au titre de l'assurance vieillesse du parent au foyer, donc du congé parental, à la fois dans le calcul de l'éligibilité à la pension minimum et dans celui de l'éligibilité à un départ anticipé au titre du dispositif dit des carrières longues ;…
…le projet de création d'une assurance vieillesse pour les aidants – car nous savons que ce sont souvent des aidantes et que c'est une manière forte d'aider les femmes ; les amendements défendus par les députés, notamment ceux de la majorité…
Et les nôtres ? C'est sûr qu'en neuf jours de débats… Il en aurait fallu le triple !
…– je pense notamment à celui déposé par M. Philippe Vigier, au nom du groupe MODEM, sur l'intégration des indemnités journalières touchées avant 2012 dans le calcul des pensions de retraite, afin de revaloriser celles-ci, ou aux amendements du groupe Horizons et du groupe communiste visant à mieux tenir compte des difficultés liées à la perte et au deuil d'un enfant en bas âge lors de la décision d'octroyer ou de maintenir la majoration de pension de 10 % pour le troisième enfant. J'espère la concrétisation de ces avancées par le Sénat et leur confirmation par votre assemblée.
La majorité sénatoriale a en outre proposé un dispositif que nous étudions avec beaucoup de bienveillance.
Lors de leur départ à la retraite, les femmes font valoir des trimestres au titre de leur carrière professionnelle, mais aussi au titre de leur maternité. Or, avec la réforme, lorsque leur carrière professionnelle sera complète, ces trimestres pourront sembler moins utiles. La majorité sénatoriale propose donc que, d'une part, les femmes ayant eu une carrière hachée – nous savons qu'elles sont plus nombreuses que les hommes – puissent continuer à bénéficier des majorations de durée en vigueur pour éviter la décote lors de la reconstitution de leur carrière, d'autre part que les femmes qui auraient atteint la durée de cotisation requise grâce aux trimestres de maternité puissent bénéficier d'une surcote à partir de 63 ans. Ce qui est perdu en matière d'âge de départ à la retraite pourra ainsi être gagné en surcote de la pension. Nous sommes favorables à un tel principe et continuerons à travailler avec la majorité sénatoriale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, le 1er janvier 2023, la zone à faibles émissions (ZFE) du Grand Lyon est entrée en vigueur pour les voitures des particuliers, après une période pédagogique de quatre mois. La légitimité de la cause affichée est indiscutable, cependant le combat contre les particules fines ne peut être mené au détriment des plus modestes, des travailleurs qui se lèvent tôt.
Le report de l'âge de départ à la retraite à 64 ans par contre, c'est pour leur bien !
Ce sont les grands oubliés de cette politique écologique punitive, car les classes populaires ne polluent pas volontairement ; elles ne peuvent faire autrement. On ne pollue pas volontairement quand on habite en banlieue. On ne pollue pas volontairement quand la métropole de Lyon ajourne l'extension des lignes de métro !
Quelle hypocrisie de la part des dirigeants verts de sanctionner les plus modestes qui ne peuvent s'acheter une voiture neuve ou une voiture électrique, en leur interdisant l'entrée dans les grandes villes, y compris pour travailler, au risque de les reléguer dans les banlieues !
Face à la mobilisation d'une grande partie de la population et des élus locaux, la métropole de Lyon a annoncé ralentir la cadence initialement prévue – ce qui ne fait que reporter le problème, vous en conviendrez.
Que comptez-vous faire pour mettre fin à la colère qui gronde face cette écologie punitive qui creuse les inégalités sociales entre d'une part les centres urbains et d'autre part les quartiers populaires et des centaines de villes moyennes comme Dreux, à la périphérie de Paris, ou Villefranche-sur-Saône, à la périphérie de Lyon ? Il ne faut pas que les ZFE deviennent un outil de ségrégation et d'assignation à résidence !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Je vous remercie d'avoir expliqué en préambule de votre question que le combat contre les particules fines et les morts liées au dioxyde d'azote n'avait pas de frontière et que nous le partagions. Je vous rappelle que les ZFE, une mesure de santé publique, ne sont pas une invention française et existent dans 270 villes européennes.
Vous l'avez dit, elles peuvent poser des difficultés pour les plus modestes, tout comme la pollution. On sait en effet que les premières victimes de la pollution atmosphérique sont les personnes âgées, les enfants et ceux qui sont le plus mal logés.
Toutefois, votre question porte moins sur le dispositif lui-même que sur son application dans la métropole de Lyon.
Vous me donnez l'occasion de revenir sur un épisode de communication qui a eu lieu il y a quelques semaines : le président de cette métropole a expliqué qu'il était obligé de renoncer à l'ambition d'étendre la ZFE à cause de l'État.
Pour présenter la métropole de Lyon comme la plus pure, la plus radicale de France, il avait initialement annoncé une date d'exclusion non seulement pour les véhicules classés Crit'Air 5, 4 et 3, mais aussi pour ceux classés Crit'Air 2, alors que la loi ne prévoit rien pour ce type de véhicules.
MM. Cyrille Isaac-Sibille et Thomas Rudigoz applaudissent.
Allons plus loin : la loi n'oblige nullement à interdire l'accès de certains véhicules aux centres-villes, mais prévoit simplement la fixation d'un calendrier progressif, et uniquement si les seuils de pollution de l'air fixés au niveau européen sont dépassés,…
…ce qui explique à la fois les exonérations prévues et la politique constante du Gouvernement.
Pour être clair, que ceux qui ont décidé de faire de l'écologie un prétexte électoral ne viennent pas se plaindre d'être rattrapés par la réalité de la situation de leurs concitoyens !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Le fait que certaines métropoles appliquent le dispositif de manière plus stricte que ce que prévoit la loi – ainsi de celle de Lyon, qui prévoit l'interdiction de circulation de véhicules classés Crit'Air 2 – est une véritable bombe sociale. Cela empêchera demain des milliers de personnes précaires de travailler dans les métropoles, aggravant la fracture entre les territoires de manière inacceptable. Nous devons travailler sur ce point, pour les plus précaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Madame la Première ministre, c'est le moment, c'est maintenant ; peut-être pas tout de suite, mais dans quelques heures – quoique l'Assemblée nationale serait un lieu bien choisi pour une telle annonce.
En ce grand jour de grève, des femmes et des hommes manifestent à nouveau massivement dans tout le pays contre la réforme des retraites. N'allez pas croire qu'il s'agit d'une sorte de folklore. Celles et ceux qui refusent votre projet sont déterminés. Ils et elles ont bien compris les enjeux ; ils et elles veulent être respectés. Durant toutes ces semaines, vous n'avez convaincu personne. Finalement, les partisans de cette réforme sont presque tous dans cet hémicycle. On en compte également quelques dizaines au Sénat, en plus du Président de la République, qui regarde défiler les pancartes depuis le palais de l'Élysée, et – peut-être – des membres du bureau exécutif du Medef, qui n'osent trop se manifester.
Ces derniers jours vous avez fait les fonds de tiroir des arguments du sauve-qui-peut, de la dernière chance : la réforme serait prétendument de gauche et le mouvement social nuirait au climat. Vous avez perdu la bataille des retraites. Il apparaît clairement que votre réforme est inutile, injuste, et fondamentalement régressive : c'est deux ans de plus ou des pensions en berne.
Vous avez perdu la bataille des retraites. Par respect pour l'esprit de la démocratie et de la République, vous devez l'admettre. Il n'y a pas d'autre issue raisonnable que le retrait du texte. Renoncez à tenter le coup, arrêtez le passage en force. Le Président de la République et vous-même semblez en faire une question d'autorité. Si vous voulez avoir une chance de restaurer quelque autorité, quelque possibilité d'action et de renouer le lien avec le pays, il faut montrer que vous savez écouter. Comment envisagez-vous la suite et comment pouvons-nous vous aider à annoncer au plus vite le retrait de la réforme ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et SOC ainsi que sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
J'ai bien compris que vous appeliez au retrait de la réforme des retraites et je crains que ma réponse vous déçoive.
Bien que nous sachions qu'elle est difficile, nous menons cette réforme car elle est…
…nécessaire.
En effet, le système de retraite est lourdement, structurellement déficitaire ; le déficit annuel s'élèvera à 12,5 milliards d'euros dès 2027, à 13,5 milliards en 2030 et à 20 milliards à partir de 2035.
Cette réforme est ainsi nécessaire pour préserver notre système de retraite par répartition, pour préserver la solidarité intergénérationnelle.
Certes, cette réforme est difficile, parce qu'elle demande des efforts aux Français. Progressivement, bien sûr, certains – pas tous – devront travailler deux années supplémentaires. Nous prendrons en compte la pénibilité de certains métiers, la longueur des carrières et les inégalités de carrière qui traversent la société. La réforme est ainsi juste, car Mme la Première ministre et moi-même faisons en sorte que l'effort soit justement réparti.
En outre, cette réforme crée des droits…
…en matière de relèvement des plus petites pensions,…
…de meilleure protection face aux carrières hachées et d'amélioration de la situation des femmes et des hommes.
Nos arguments ne sortent pas de nulle part, contrairement à ce que vous affirmez. En réalité, nous avons regardé autour de nous et avons constaté que tous les pays qui nous entourent, qu'ils soient libéraux ou sociaux-démocrates, ont relevé l'âge de départ en retraite à 65, 66, voire 67 ans.
Si j'étais malicieux…
…je vous répondrais qu'en Espagne, c'est une ministre du travail communiste qui met en œuvre cette réforme, certes votée il y a longtemps. Depuis le 1er janvier, l'âge officiel d'ouverture des droits y est fixé à 66 ans. Vous le constatez, monsieur le député, nous ne sommes pas une île, nous ne sommes pas isolés.
Mme Christine Arrighi s'exclame.
Nos déficits, démographique et financier, rendent nécessaire une telle réforme. Au cours des prochaines heures, le Sénat va continuer à l'examiner, avant que l'Assemblée nationale ne soit à nouveau saisie. Notre objectif n'a pas changé : la nécessité et la justice.
Monsieur le ministre, vous n'êtes pas raisonnable ! Il va falloir changer de réponse et en fournir une à la hauteur du mouvement social !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Réforme des retraites
Ma question s'adresse à Mme la Première ministre. Ouvriers, employés, fonctionnaires, étudiants, les Français sont dans la rue – j'en reviens et je peux vous dire qu'ils sont des milliers, dans la dignité. Ils sont dans la rue contre votre réforme, mais pas seulement. Ils sont surtout excédés par vos choix, excédés par votre manque de considération et de respect, excédés par vos politiques, plus injustes les unes que les autres, excédés de vous entendre ressasser que, malgré tout, tout va bien.
Pourtant, les étudiants font la queue aux Restos du cœur. Pourtant, l'inflation rend la vie de chacun impossible. Pourtant, le réseau des banques alimentaires compte un tiers de bénéficiaires en plus, dont 18 % d'actifs.
Oui, madame la Première ministre, je vous parle bien de notre jeunesse, des gens qui bossent et des petits retraités. Comprenez-le, le monde du travail est excédé de vous entendre dire que tout va bien mais qu'il va encore falloir faire des efforts. Votre réforme des retraites, c'est l'injustice de trop.
Pourquoi faire payer aux seuls travailleurs le prix de cette réforme ? Et pour qui ? Pour une petite minorité de privilégiés ! C'est non ! Votre dogmatisme et vos certitudes, ça suffit ! Un peuple qui a bâti son histoire sur un idéal de justice s'est levé. Il vous dit non et il dit non à cette réforme.
Vous n'avez pas le droit de lui opposer un débat bafoué, des procédures législatives tronquées, des 49.3 à répétition. Vous n'avez pas le droit de paralyser la France en témoignant à notre peuple mépris et suffisance.
La France qu'on aime, ce n'est pas la France qui réussit pour une poignée de privilégiés. La France qu'on aime est dans la rue aujourd'hui et c'est la France du respect et la considération. Cette France-là, je m'en fais modestement le porte-parole. Quand allez-vous retirer votre réforme ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et SOC.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Il n'y a jamais de bon moment pour faire une réforme des retraites.
Nous l'avons entendu des dizaines de fois. En fait, s'il n'y a jamais de bon moment pour une telle réforme, c'est que personne n'a jamais le courage de la faire.
Je l'ai dit à l'instant à M. Dharréville, il est nécessaire d'avancer en raison de la situation démographique : dans les années 1970, on comptait trois cotisants pour un retraité ; aujourd'hui, c'est 1,7.
Face à cette perspective de déficit structurel durable, devrions-nous attendre ?
Si nous attendons, le déficit continuera de se creuser. Ce n'est pas l'absence de réforme qui freinera le creusement du déficit !
Si nous attendons deux, trois ou quatre ans de plus, les marches à franchir pour retourner à l'équilibre seront encore plus hautes et la difficulté toujours plus importante. En conséquence, nous agissons, de manière responsable et dans la droite ligne des engagements pris par le Président de la République devant les Français à l'occasion de la dernière campagne présidentielle. Nous faisons en sorte que l'effort soit réparti le plus justement possible.
Nous ne le faisons pas en étant sourds. La concertation a duré des mois et des mois.
La réforme que nous présentons a évolué afin de mieux protéger les plus fragiles et de mieux prendre en compte les carrières les plus hachées ainsi que l'usure professionnelle – et surtout de mieux prévenir cette dernière –, dans la concertation.
Certes, nous n'avons pas réussi à surmonter tous les désaccords, mais la concertation a eu lieu, et nous continuons à avancer. Monsieur le député, vous affirmez que ce n'est pas le moment, parce qu'il y a d'autres difficultés liées au pouvoir d'achat et à l'inflation.
Mais, dans ce cas, pourquoi n'avez-vous pas voté pour le chèque carburant ? Où étiez-vous ? Pourquoi n'avez-vous pas soutenu les mesures du Gouvernement visant à faire en sorte que le pouvoir d'achat des Français soit mieux défendu ?
C'est en allant sur tous les terrains qu'on est efficace.
Nous agissons pour les Français, nous protégeons leur pouvoir d'achat et nous garantissons l'avenir du système de retraite.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Désolé, monsieur le ministre, mais je n'appelle pas cela du courage ! Vous sacrifiez le régime social de nos ouvriers en leur imposant deux ans de travail supplémentaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Retirez votre réforme des retraites, ce n'est pas le bon moment et vous n'êtes pas dans le bon tempo.
Mêmes mouvements. – M. Pascal Lavergne proteste.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention. De nombreux rapports, dont celui du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEFH), et diverses communications ont attiré l'attention sur la nécessité de prendre en compte le genre dans nos politiques publiques de santé.
Certaines sont en effet marquées par des préjugés et des stéréotypes liés au genre, qui influencent la prise en compte des signes cliniques et retardent les diagnostics nécessaires, pourtant indispensables en matière de prévention et de traitement.
Certaines maladies sont considérées comme masculines ou féminines. Pourtant, il faut nuancer. Je donnerai trois exemples. Ainsi, les maladies cardiovasculaires seraient des maladies masculines ; pourtant, les femmes en sont les premières victimes. L'ostéoporose, maladie prétendument féminine, touche aussi les hommes. Enfin, le papillomavirus est, à tort, réputé atteindre exclusivement les femmes. Il faut dénoncer ces stéréotypes et prendre également en compte les conditions de vie sociale et économique, ainsi que les facteurs environnementaux, qui touchent différemment les hommes et les femmes – ces dernières sont ainsi plus affectées par la précarité.
Monsieur le ministre, comment mieux prendre en compte le genre et le sexe dans l'élaboration de nos politiques publiques de santé et de prévention ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La santé des femmes est un enjeu primordial pour ce gouvernement.
Ma collègue Isabelle Rome l'a rappelé. C'est également, je le sais, une préoccupation constante des députés de la majorité, comme d'autres députés. Permettez-moi d'abord de rappeler certaines mesures prises récemment concernant la santé des femmes. Ainsi, dans le cadre du droit reproductif, rappelons la prise en charge à 100 % de la contraception d'urgence pour toutes les femmes, ainsi que du dépistage sans ordonnance des infections sexuellement transmissibles (IST) pour les garçons et les filles de moins de 26 ans, ces infections étant l'une des causes majeures d'infertilité chez la femme.
S'agissant du papillomavirus, le 28 février dernier, avec le Président de la République, nous avons lancé une campagne de vaccination pour les garçons et les filles en classe de cinquième. Ce virus est responsable de cancers chez les hommes comme chez les femmes. Il est surtout responsable de 100 % des cancers du col de l'utérus, qui tuent encore plus de 1 000 femmes par an en France. La vaccination nous permettra de l'éradiquer.
Pour lutter contre la précarité menstruelle, la Première ministre a annoncé le remboursement à 100 % par la sécurité sociale des protections réutilisables pour les femmes de moins de 25 ans.
Comme vous l'avez dit, pour certaines pathologies, les symptômes chez la femme sont mal connus. C'est en particulier le cas des pathologies cardiovasculaires. Désormais, la recherche nous permet de mieux les connaître. Il convient de diffuser cette connaissance sur l'ensemble du territoire.
Prochainement, grâce aux dispositions de la proposition de loi de Mme Sandrine Josso, nous prendrons également mieux en charge les couples dont la femme est victime de fausse couche.
Je ne vous rappellerai pas que c'est grâce à des amendements adoptés par cette assemblée que la spécificité féminine sera prise en compte dans les rendez-vous de prévention.
Enfin, la démarche du « aller vers » est particulièrement importante dans l'appréhension des pathologies touchant les femmes, en particulier pour le cancer du sein. Nous allons y recourir en collaboration avec les médiateurs en santé. Comme vous pouvez donc le constater, beaucoup a été fait et…
Mme la présidente coupe le micro du ministre. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Madame la Première ministre, en cette journée de mobilisation, je vais vous parler de blocage. Il y a un an, vous refusiez la proposition de loi que je défendais avec Jean-Luc Mélenchon sur le blocage des prix, sur le modèle des dispositions existant dans les outre-mer.
Depuis, les prix des produits de première nécessité et de l'énergie ont explosé, bien loin des 5 % d'inflation dont vous vous targuez : + 37 % pour la farine, + 25 % pour le riz, + 33 % pour les steaks hachés surgelés ,
Mme Estelle Youssouffa applaudit
+ 13 % pour le lait. De même, les prix du gaz, du pétrole et de l'électricité sont toujours en hausse de plus de 13 %.
Face à l'inflation, vous proposez de faire confiance à la grande distribution, avec un panier anti-inflation. Cela me rappelle l'histoire avec Total, à qui vous aviez demandé poliment, de manière républicaine, de faire un effort. Résultat : 13 milliards de dividendes pour les actionnaires ! Un record !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Christine Arrighi applaudit également.
Tout va bien pour vos amis, et toujours pas de taxe sur les superprofits…
À la place de ce panier anti-inflation qui ressemble à un slogan commercial proposé par McKinsey mais ne sera qu'un coup d'épée dans l'eau – notamment pour les plus précaires –, je vous propose une solution : pour débloquer la situation, bloquez les prix !
La pauvreté s'aggrave, la fréquentation des Restos du cœur est en hausse de 22 % cet hiver, le nombre de jeunes ayant recours à l'aide alimentaire progresse de manière alarmante, la France compte 330 000 SDF – leur nombre a été multiplié par deux en dix ans –, et cela continue !
Vous ne pouvez plus refuser d'agir en arguant du fait que l'État ne pourrait rien. Il faut bloquer les prix ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
notamment celui de l'électricité, comme nous l'avons fait ici pour les TPE (très petites entreprises) et les PME (petites et moyennes entreprises). Je pense évidemment aux boulangers, dont la survie en dépend.
Alors qu'on nous annonce un mois de mars rouge pour l'inflation, sortez des formules publicitaires de la start-up nation, dont est tiré votre trimestre anti-inflation ! Agissez pendant que les gens bloquent le pays contre votre réforme des retraites ! Bloquez les prix pour ne pas ajouter une crise humanitaire à la crise sociale !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Pascal Lavergne s'exclame.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Vous apportez toujours les deux mêmes réponses à tous les problèmes économiques de la nation française : le blocage des prix ou la taxation des gens. En ce qui nous concerne, nous sommes opposés aux deux.
Nous sommes opposés à la taxation des gens parce que nos compatriotes en ont assez de payer toujours plus d'impôts, toujours plus de taxes. Nous sommes opposés au blocage des prix parce qu'il serait, pour nos concitoyens, synonyme de rationnement s'agissant des biens de première nécessité.
Nous avons pris des mesures qui nous permettent d'avoir un des taux d'inflation les plus faibles de la zone euro.
Nous avons institué un bouclier sur le prix de l'électricité. Nous avons créé un bouclier sur les prix du gaz.
Nous avons aussi mis en place une indemnité carburant. Résultat, grâce aux mesures prises par la Première ministre, par le Gouvernement et par cette majorité, alors que l'inflation touche tous les pays développés, un pays s'en sort mieux que les autres, et c'est la France. Vous devriez vous en réjouir !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Quant au trimestre anti-inflation, vous pouvez en penser ce que vous voulez. Nos compatriotes jugeront en faisant leurs courses. Pendant trois mois, ils auront droit à des prix cassés. Pendant trois mois, les distributeurs vont faire des efforts sur leurs marges, à hauteur de plusieurs centaines de millions d'euros, pour que les Français bénéficient des prix les plus bas possibles sur les produits alimentaires comme sur les produits de première nécessité. Ils pourront s'y retrouver avec un logo tricolore anti-inflation…
…et ils constateront dans leur panier que les prix baissent réellement.
Mme Estelle Youssouffa s'exclame.
Nous préférons garantir la sécurité d'approvisionnement et les prix les plus bas, plutôt que de prévoir blocage et rationnement.
Nous avons également permis aux distributeurs de renégocier avec l'industrie dans trois mois afin que les prix continuent à baisser dans les mois qui viennent.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Non mais, sérieusement, mettez les pieds dans les magasins ! Les prix n'ont jamais baissé !
Ma question s'adresse à M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le ministre, dans un récent communiqué, la section régionale mahoraise du Syndicat de la magistrature (SM) a exprimé son rejet des lois de la République qui permettent de lutter contre l'immigration clandestine.
Au mépris de la sécurité de nos compatriotes mahorais confrontés à une criminalité record et à la submersion comorienne, ce syndicat d'extrême gauche…
…a dénoncé le lien, pourtant officiel, avéré et documenté entre l'ultraviolence et l'immigration. Alors que M. Darmanin s'apprête à lancer une nouvelle opération de communication pour décaser les clandestins ,
M. Ugo Bernalicis et Mme Ségolène Amiot s'exclament
certains juges osent parler de « chasse aux sans-papiers » et de « tout répressif », allant jusqu'à affirmer que la politique pénale est décidée par le ministère de l'intérieur.
Monsieur le ministre, devant la représentation nationale, pouvez-vous condamner clairement les déclarations antirépublicaines du Syndicat de la magistrature et garantir que la loi de la République s'applique partout, et en toutes circonstances, sur l'ensemble du territoire national ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Les propos du Syndicat de la magistrature n'engagent que le Syndicat de la magistrature. M. Thani Mohamed Soilihi, élu de Mayotte, a émis de vives protestations et notamment rappelé ce qu'impliquent les valeurs de la République. En outre, les magistrats sont tenus à un devoir de réserve. Enfin, dans le système démocratique qui est le nôtre – on n'est pas en Hongrie, même si vous faites non de la tête –, le garde des sceaux ne peut dire aux magistrats comment ils doivent s'exprimer. Chacun en pense ce qu'il doit en penser.
S'agissant de Mayotte, nous y avons envoyé il y a peu un directeur des services de greffe, six nouveaux greffiers, six magistrats – nous avons inventé la brigade de l'urgence ; en 2021, neuf contractuels et trois juristes assistants.
Tout cela a été rendu possible par le budget que vous n'avez pas voté.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Une bonne fois pour toutes, allez-vous entendre les cris d'alarme du peuple français à Mayotte ? Allez-vous protéger ce département français de la submersion migratoire et de la disparition ? Allez-vous rétablir l'ordre et la paix pour nos compatriotes,…
Votez le budget !
…qui subissent les meurtres à la machette, les attaques de bus scolaires et le communautarisme sauvage ? Le cœur des Mahorais bat au rythme de La Marseillaise ; leur sang n'est pas rouge : il est bleu, blanc, rouge !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Abandonnés et trahis depuis six ans par votre gouvernement, ils font massivement confiance à Marine Le Pen pour rester français. Avec nous, Mayotte est française et le restera à jamais !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur Odoul, je ne suis pas, moi, pour laisser les migrants mourir de froid aux frontières – avec l'humanité qui vous caractérise !
« Oh ! » sur les bancs du groupe RN.
C'est ce qui nous distingue.
Deuxièmement, vous êtes comme les commentateurs de certaines chaînes d'informations continues : « y'a qu'à, faut qu'on, et bla bla bla ! » Je me suis promis de le répéter chaque fois que le groupe Rassemblement national m'interpellerait : pour aider la justice, la police et la gendarmerie, il faut des moyens supplémentaires ; pour en disposer, il faut voter les budgets ! C'est plus efficace que le blabla !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe RN.
Mmes Ségolène Amiot et Pascale Martin se lèvent et restent debout durant toute l'intervention de l'oratrice.
Elles s'appelaient Angélique, Valérie, Eva, Elena, Catherine, Manon, Mongia, Madgalena, Sihem, Marie-Camille, Laurence, Marina, Séverine, Flora, Neda, Valeria, Sophie, Laure, Marie-Antoinette, Assia, Elisa, Joëlle,…
Ces prénoms sont ceux des femmes qui ont été massacrées par leur compagnon ou ex-compagnon depuis le 1er janvier 2023 – cinq restent anonymes. À la veille du 8 mars, je leur rends hommage dans cette enceinte. Si j'arrive à les nommer une par une dans le temps qui m'est imparti, c'est parce que nous ne sommes que début mars. D'ici à la fin de l'année, cette liste funeste n'aura fait que croître.
Les trois dernières victimes sont décédées le week-end dernier, en l'espace de deux jours. Deux d'entre elles avaient pourtant déjà déposé plainte pour violences conjugales. Aucune de ces femmes n'aurait dû mourir. Seule la main de la justice et de l'action publique peut arrêter cette tuerie.
MM. Ugo Bernalicis et Paul Vannier applaudissent.
Alors qu'en 2017, la lutte contre toutes les violences sexistes et sexuelles a été présentée comme la grande cause du quinquennat – cela a été réaffirmé en 2022 –, depuis lors, pas une année ne s'est écoulée sans qu'au moins 100 femmes ne soient tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. Et encore, ce nombre ne tient pas compte des suicides forcés, qui restent un fléau invisible.
Nous ne pouvons plus nous contenter d'effets d'annonce. Il nous faut enfin adopter un plan complet de prise en charge globale de ce problème, remettre à plat notre approche des violences intrafamiliales, des féminicides et de leurs conséquences.
Madame la Première ministre, vous rencontrez prochainement le Premier ministre espagnol. Nous devons nous inspirer concrètement de ce qui se fait et qui fonctionne dans ce pays. Allez-vous enfin accéder aux demandes des associations et investir à la hauteur nécessaire ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Ne vous en déplaise, madame la députée, le premier responsable d'un féminicide est son auteur.
J'ai rencontré les Espagnols : dans leur pays, que vous prenez en exemple, le nombre de féminicides ne descend pas en dessous d'un certain seuil. Bien sûr, cela ne nous condamne pas au fatalisme – nous ne sommes d'ailleurs pas fatalistes –, mais, là encore, il est facile de critiquer avec du blabla.
En matière de violences conjugales, le nombre de jugements a doublé entre 2017 et 2021 ; le nombre de condamnations est passé de 21 951 à 43 702 sur la même période. La réponse judiciaire est plus rapide ; les procédures de défèrement ont augmenté de 182 % ; le nombre d'évictions du conjoint en cas de défèrement, de 205 %. La réponse pénale est également ferme : les condamnations ont augmenté de 100 % entre 2017 et 2022 ; le nombre de TGD – téléphones grave danger – de 45 % ; les autres ordonnances de protection de 153 %.
Il est facile, madame, après avoir égrené les noms des victimes de ces féminicides terrifiants, d'affirmer que le Gouvernement ne fait rien. Ce n'est pas vrai. Hier, la Première ministre a fait deux annonces dans ce domaine, prouvant que nous voulons aller plus loin encore. Je finis avec un dernier chiffre : en 2006, dans ce pays, le nombre des féminicides s'élevait à 179.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Demain, mercredi 8 mars, sera la Journée internationale des droits des femmes. D'Olympe de Gouges à Simone Veil en passant par Simone de Beauvoir, notre nation a toujours été à l'avant-garde de la pensée et des combats féministes.
Au mois d'avril 2022, le Président de la République a réaffirmé vouloir faire de l'égalité entre les femmes et les hommes la grande cause de son quinquennat. Notre majorité s'engage aussi dans cette voie en affirmant sa volonté d'inscrire le droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution.
En effet, l'actualité démontre que partout où le climat politique se durcit, les droits des femmes sont les premiers bafoués. C'est le cas en Afghanistan, où le régime taliban a interdit toute éducation aux femmes, en plus de les avoir exclues de la vie publique ; en Iran, où certains sont allés jusqu'à empoisonner des centaines d'écolières pour susciter la peur et tenter de faire taire le slogan émancipateur « Femme, vie, liberté » ; en Ukraine enfin, où les Nations unies attestent que les femmes sont victimes de violences sexuelles insupportables de la part de l'agresseur russe.
Fidèle à son histoire, la France peut et doit continuer à jouer un rôle dans la protection des femmes. Madame la ministre, à la veille de cette journée du 8 mars, pouvez-vous réaffirmer ici que la diplomatie française, gardienne historique de la défense des droits de l'homme dans le monde, continuera de s'attacher tout autant à protéger les droits des femmes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Maud Petit applaudit également.
La parole est à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Madame la députée, je vous remercie pour votre question : en effet, la France s'honore historiquement d'œuvrer en faveur des droits des femmes ; elle continuera résolument de le faire, en particulier alors qu'ils sont menacés dans trop de régions du monde. C'est le cas en Iran, où les femmes engagées pour la liberté ont été réprimées. J'ai remis le prix franco-allemand des droits de l'homme et de l'État de droit 2022 à Mahsa Amini, à titre posthume. C'est le cas en Afghanistan également, où les femmes et les filles sont peu à peu effacées de la vie publique. C'est le cas en Ukraine, où nous soutenons les victimes de viol et les femmes, si nombreuses, qui ont dû fuir leur foyer.
Nous continuerons de promouvoir un message public fort, comme je l'ai fait devant l'ONU à Genève il y a quelques jours ; d'apporter une aide ciblée ; d'accroître la pression. Aujourd'hui, veille du 8 mars, l'Union européenne a sanctionné des responsables de violations des droits des femmes commises en Russie, en Afghanistan, en Iran, en Birmanie, en Syrie, au Soudan du Sud. Nous sanctionnons les responsables d'atteintes aux droits des femmes en gelant leurs avoirs et en prononçant à leur encontre une interdiction de travailler. L'un d'entre eux, dont le titre laisse songeur, est le ministre afghan du vice et de la vertu.
Partout, nous luttons pour que l'égalité entre les femmes et les hommes devienne une réalité. Tel est le sens de la diplomatie féministe que nous continuerons de mener. À l'exemple de la Première ministre, je ferai, à mon tour, de nouvelles annonces demain, à l'occasion du 8 mars. Dès aujourd'hui, vous pourrez voir, affichées sur les grilles du Quai d'Orsay, des photographies des combattantes de la liberté que nous accueillons et soutenons, dans le cadre du programme Marianne, qui leur permet de passer plusieurs mois en France. Nous les honorons.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Maud Petit applaudit également.
Demain, 8 mars, nous célébrerons la Journée internationale des droits des femmes et de la lutte pour l'égalité. Partout en France et dans le monde, les acteurs institutionnels, associatifs, économiques et les citoyens se mobiliseront pour affirmer leur engagement en faveur de l'égalité, énoncer leurs exigences et montrer le chemin restant à parcourir. Les déclarations ministérielles et présidentielles ne feront sonner aucune fausse note dans le concert des bonnes intentions de ceux qui veulent agir pour renforcer les droits des femmes.
Toutefois, les grandes déclarations ne suffisent pas. Elles sont louables, mais ne résistent pas au poids des faits et des intentions.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Clémence Guetté applaudit également.
Or vos intentions, dans le cadre de la réforme des retraites, nous les connaissons : les femmes paieront un lourd tribut, le ministre Franck Riester lui-même l'a reconnu.
Il a raison. Leurs carrières sont interrompues et elles doivent travailler plus longtemps : 19 % doivent atteindre l'âge d'annulation de la décote pour liquider leurs droits, contre 10 % des hommes.
Pour 100 000 d'entre elles chaque année, le bénéfice des trimestres de maternité, qui permet à de nombreuses femmes de partir à taux plein à 62 ans, sera annulé par le report de l'âge légal à 64 ans. Le dispositif « carrières longues », avec votre désormais célèbre retraite à 1 200 euros, ne concernera que très peu de femmes.
Pour cela, il faut toucher une retraite complémentaire de 350 euros. C'est beaucoup !
En définitive, votre réforme provoquera encore plus d'inégalités pour les femmes. Et si, finalement, l'égalité salariale, qui permettrait d'augmenter les montants des cotisations, était une partie de la solution ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
Plutôt que d'augmenter la durée de cotisation, agissez en permettant aux femmes de gagner autant que les hommes et donc de cotiser davantage. Ce serait véritablement une réforme de progrès – une réforme de gauche !
Le Gouvernement rejoindra-t-il les rangs de ceux qui veulent faire de l'égalité entre les femmes et les hommes une réalité, en renonçant à cette réforme inutile et injuste, surtout pour les femmes ?
Mêmes mouvements.
Agirez-vous pour atteindre l'égalité salariale ? Aujourd'hui, plus que jamais, les deux sujets sont liés !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
J'ai eu tout à l'heure l'occasion de souligner plusieurs points en répondant à Mme Charlotte Parmentier-Lecocq. La réforme que nous présentons permettra de mieux prendre en compte le caractère malheureusement haché de la carrière de nombreuses femmes, en intégrant des trimestres cotisés au titre de l'assurance vieillesse du parent au foyer.
S'agissant de l'éligibilité à la pension minimale, comme au dispositif « carrières longues », nous apportons une première réponse en soutenant l'amendement déposé par M. Philippe Vigier. En intégrant les indemnités journalières perçues avant 2012 dans le calcul des retraites, nous aidons à améliorer et à rétablir la retraite des femmes.
Nous mettons en œuvre le dispositif de pension minimum…
…afin de protéger plus fermement celles et ceux qui ont eu des carrières hachées ; or les deux tiers des bénéficiaires, c'est-à-dire des 200 000 nouveaux retraités par an qui percevront ainsi une meilleure pension, sont des femmes.
Vous dites que la réforme pèsera davantage sur les femmes. En 2030, l'effort demandé sera parfaitement réparti entre les deux sexes : 50 % pour les hommes, 50 % pour les femmes.
M. Boris Vallaud proteste.
Nous irons plus loin. À l'initiative de la majorité sénatoriale, avec le soutien de la majorité présidentielle, nous ferons en sorte que les femmes qui atteignent la durée de cotisation requise à 63 ans puissent bénéficier d'une surcote. Cela n'enlèvera rien au dispositif qui tend à leur éviter la décote et la difficulté liée aux trimestres majorés, mais cela permettra aux femmes qui ont accompli une carrière complète de bénéficier d'une surcote. C'est important, et nous voulons travailler en ce sens.
Vous avez souligné que les femmes avaient plus souvent que les hommes besoin de travailler jusqu'à 67 ans pour éviter une décote. C'est vrai.
Pour cette raison, alors que nous relevons l'âge légal de départ, nous avons choisi, pour la première fois, de maintenir l'âge de suppression de la décote à 67 ans, afin de limiter cet effet.
Par ailleurs, assumons ensemble nos responsabilités, surtout quand elles sont partagées. Les carrières hachées, incomplètes, affectent la durée de cotisation ; or, en 2013, comme moi, vous avez voté son allongement.
Monsieur le ministre, je constate que sur les 18 milliards d'économies, 11 milliards seront supportés par les femmes et 7 milliards par les hommes !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. En 2022, 700 communes ont été concernées par des problèmes d'eau potable. Dans le Haut-Rhin, département plutôt connu pour son climat tempéré, nous avons organisé des opérations de citernage. Nous sommes le 7 mars et six départements sont d'ores et déjà en vigilance ou en alerte renforcée en raison de la sécheresse hivernale.
La semaine dernière, les premiers incendies de forêt de 2023 ont eu lieu. Cela nous rappelle l'été particulièrement douloureux que nous avons traversé en 2022 et en annonce un prochain encore plus difficile.
À côté de ça, les aberrations perdurent : 1 % seulement des eaux usées sont retraitées ; les 4 135 piscines publiques devront vidanger leurs milliers de mètres cubes d'eau cette année encore, malgré des analyses sanitaires saines ; il est toujours interdit d'utiliser de l'eau de pluie dans les sanitaires périscolaires, comme dans ceux des piscines ou des Ehpad.
Je ne vous le cache pas, je suis très inquiet. Au cours de ma carrière de sapeur-pompier, j'ai appris qu'en matière de gestion de crise, la chance n'a pas sa place et la prévention reste le meilleur atout. Dans ma circonscription, une initiative intitulée « le mois de l'eau » a été lancée en octobre dernier ; elle permet de sensibiliser nos concitoyens et concitoyennes, mais aussi les élus, les agents communaux et les gestionnaires, au rôle essentiel de l'eau.
Monsieur le ministre, je ne vous demande pas de faire tomber la pluie, mais j'aimerais savoir, en attendant que des nuages gorgés d'eau pointent à l'horizon, ce que vous comptez faire, dès aujourd'hui, face à ces nouveaux défis.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Nous avons vécu un été hors norme, avec plus de 700 communes privées d'eau potable et 1 260 rivières en rupture d'écoulement.
Dès la fin du mois de septembre, avec Agnès Firmin Le Bodo et Bérangère Couillard, nous avons posé à Marseille les premières briques du chantier de la planification écologique. Il aboutira, dans quelques jours, à un plan de plus de cinquante mesures, très complet en termes de quantité, de qualité et de gouvernance, afin de tenir compte de ce qui s'est passé – mais pas uniquement.
Il prévoit évidemment un volet relatif aux outre-mer. Dès le mois de septembre, nous avons également confié une mission de retour d'expérience à quatre inspections – des ministères de l'agriculture, de l'intérieur, de la santé et de l'écologie – pour faire le bilan de ce qui a fonctionné ou non : la transmission d'informations, le suivi, les liens avec les collectivités, etc.
Dans la continuité de ces actions, nous avons réuni le comité d'anticipation et de suivi hydrologique (Cash), dit comité sécheresse, dès le 23 février ; la semaine dernière, j'ai réuni l'ensemble des préfets de bassin et hier, tous les préfets de département. Je leur ai transmis des messages simples ; en premier lieu, ne pas hésiter à prendre dès maintenant des mesures de restriction. Nous sommes dans une situation inédite, puisque nous avons abordé cette période de recharge avec des nappes phréatiques dont le niveau est particulièrement faible et que nous accusons un déficit pluviométrique depuis le début de l'année.
À ce jour, nous nous trouvons dans une situation pire que l'année dernière à la même époque. C'est pourquoi plus de douze départements ont déjà pris des arrêtés de vigilance ou d'alerte. Cela ne s'arrêtera pas là : dans tous les départements, les comités de la ressource en eau se réuniront d'ici la fin du mois de mars et émettront des arrêtés. Vous le voyez, nous sommes pleinement engagés.
Sur le front des incendies, des mesures ont été annoncées : 50 millions débloqués pour les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), la campagne sur l'obligation légale de débroussaillement ainsi que la location d'agents aériens, afin que nous soyons capables de faire face aux incendies dès cet été.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR et Dem.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, à votre avis, quelle est la profession déconsidérée et maltraitée qui a connu à la fois un déclassement salarial sans équivalent, avec une perte de 1 % par an depuis quarante ans, et une hausse sans précédent du niveau de recrutement, du degré d'exigence professionnelle et de la diversité de ses missions ? Les enseignants et les enseignantes, bien sûr !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Ils sont parmi les plus mal payés de l'OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques – et leurs classes sont les plus chargées d'Europe. La profession porte les stigmates de la brutalité du ministre Blanquer ; vous, monsieur le ministre, vous avez été choisi pour tenter de réparer les pots cassés. Vous avez été choisi pour ce que vous incarnez, mais sans que le moindre détail du décor n'ait été changé. Ce décor est celui d'une logique néolibérale imposée à marche forcée depuis 2017, celui d'un ministère des finances qui dicte sa loi à tous les autres. Ainsi, vous décidez de supprimer un millier de postes dans le premier degré à la rentrée prochaine et des centaines dans le second degré ; vous vous asseyez sur la promesse du candidat Macron de revaloriser de 10 %, sans condition, la rémunération de tous les enseignants en janvier 2023.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le ministre, comment allez-vous ramener les syndicats autour de la table des négociations si vous n'avez à leur offrir que de fausses promesses et des polices privées envoyées pour casser du prof, comme à Clichy-sous-Bois ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Le budget du ministère de l'éducation nationale augmente de 6,5 % cette année : c'est une augmentation inédite.
Voilà pour ce qui concerne les chiffres globaux du ministère, qui vont permettre une hausse de la rémunération des enseignants. Contrairement à ce que vous semblez croire, cette hausse s'articule autour de deux volets : un volet inconditionnel, pour tous les enseignants, des néotitulaires jusqu'à ceux qui sont en fin de carrière ; un volet facultatif de missions nouvelles, pour celles et ceux qui choisiront de s'engager dans cette voie. Voilà pour ce qui concerne la hausse des rémunérations.
Vous faites allusion à une réunion technique qui a été interrompue hier par les syndicats. C'est regrettable, mais cela ne remet pas en cause les négociations que nous menons avec eux depuis le 18 janvier. Jusqu'à présent, nous avons conduit cinquante heures de négociations ; elles vont se poursuivre. Nous avons des différends sur les missions liées au pacte enseignant, mais cela relève de l'ordinaire des échanges sincères que nous avons avec les syndicats.
Madame la députée, je vous demande de considérer les faits : une baisse des effectifs scolaires, que nous ne compensons pas de manière arithmétique, puisque le taux d'encadrement s'améliorera l'année prochaine ; une augmentation de la rémunération des enseignants, mais aussi des personnels administratifs et de direction. Voilà la réalité ; voilà ce que nous faisons.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le ministre, vous n'entendez pas, ou plutôt vous n'écoutez pas ce que vous demandent légitimement les enseignants : l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, la revalorisation salariale ambitieuse et sans contrepartie de tous les personnels, et les moyens nécessaires pour instruire dignement nos enfants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous contribuez à grossir les rangs des manifestants de ce jour et du reste de la semaine, avec les enseignants et les enseignantes qui sont légitimement en colère et qui demandent bien plus que le retrait de la réforme des retraites !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Madame la députée, vous feriez mieux de vous intéresser précisément et sérieusement aux réformes entreprises pour améliorer l'attractivité du métier de professeur, plutôt que d'inciter les élèves, sur un réseau social douteux, à bloquer les établissements au mépris de la loi.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la transformation et de la fonction publique. En cette veille de 8 mars, je souhaite appeler votre attention sur la place des femmes dans la fonction publique. Premier employeur de France, celle-ci se doit d'être exemplaire en matière d'égalité professionnelle, 62 % de ses agents étant des femmes. Elles sont, majoritairement, les visages de la République. Mais malgré les statuts, les grades et les échelons qui définissent les grilles de salaires dans la fonction publique, les inégalités demeurent : nous n'y avons pas encore atteint l'égalité salariale, ni la parité dans l'accès aux postes à responsabilité ; les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes y sont encore de 12 %.
De nombreuses actions ont été menées durant la précédente législature. La loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 d'Olivier Dussopt, dont je fus rapporteur pour avis, prévoit que les employeurs publics instaurent des plans d'action pluriannuels relatifs à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Ces plans permettent de s'attaquer à plusieurs enjeux cruciaux : les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ou leur égal accès aux corps et aux emplois de la fonction publique. Ils contribuent aussi à mieux articuler les vies professionnelles et personnelles et à mieux prévenir les discriminations, ainsi que les actes de harcèlement moral ou sexuel. Votre prédécesseure, Amélie de Montchalin, a créé le programme « Talentueuses » pour accompagner les femmes dans leur parcours professionnel et les encourager à prendre des postes à responsabilité.
L'égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique est une question essentielle ; des actions ont certes été menées, mais d'autres restent à accomplir. Monsieur le ministre, je connais votre engagement en ce domaine : que comptez-vous faire pour rendre la fonction publique exemplaire en matière d'égalité professionnelle ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Monsieur le député, vous avez eu raison de rappeler tout ce qui a été fait en matière d'égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, mais le chemin reste long, nous pourrons tous en convenir. Avant de parler d'égalité salariale, je voudrais parler des conditions de travail, parce que leur amélioration est la condition première pour que tous les talents et toutes les compétences puissent s'exprimer.
C'est pourquoi nous avons placé, avec la Première ministre, la santé des femmes et la santé au travail au cœur de notre action pour les mois et les années à venir, en nous attaquant à tous les sujets, notamment à ceux qui étaient parfois tabous dans notre société.
Je pense aux 150 000 femmes qui subissent chaque année des fausses couches. Lorsqu'une femme se retrouve dans ce cas de figure et que son médecin, légitimement, lui prescrit un arrêt de travail, elle subit une pénalité financière, en plus des traumatismes physiques ou psychologiques ; il existe en effet un jour de carence dans la fonction publique pour les arrêts maladie liés aux fausses couches. Grâce à l'arbitrage immédiat d'Élisabeth Borne, nous allons supprimer ce jour de carence.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Outre les conditions de travail, nous irons plus loin en matière d'égalité salariale. Je l'annonce devant la représentation nationale : nous allons étendre à la fonction publique l'index d'égalité salariale, qui n'existait jusqu'à présent que dans le secteur privé.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Cet index sera un outil précieux pour pointer les inégalités et surtout pour faire progresser les employeurs de tous les versants de la fonction publique, puisque des pénalités s'appliqueront. Nous reparlerons de tout cela d'ici à l'été, pour modifier la loi tous ensemble.
Mêmes mouvements.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la justice et garde des sceaux. Il y a quelques années, en Dordogne, on ne fermait ni les portes des maisons ni celles des voitures ; désormais, l'inquiétude s'installe et la population se résigne. La délinquance se structure et s'organise ; comme à Marseille, les dealers affichent leurs tarifs sur les murs des immeubles. Nous ne sommes qu'à Bergerac, monsieur le ministre, dans un département rural réputé calme. Pourtant, des rues du centre-ville deviennent des zones de non-droit ; nombreuses sont les jeunes femmes qui ne sortent plus seules. Allez leur dire que l'insécurité n'est qu'un sentiment, quand les viols et les agressions sexuelles ont augmenté de 30 % en un an ! Allez leur dire que l'insécurité n'est qu'un sentiment, quand les coups et blessures volontaires ont augmenté de près de 400 % au cours des vingt dernières années !
Dans les départements ruraux, où les taux de pauvreté atteignent 20 %, nous ne pouvons laisser la délinquance s'organiser et se structurer, au risque qu'elle devienne inévitable, comme dans les métropoles. Il nous faut des mesures fortes. Monsieur le ministre, pourquoi vous êtes-vous opposé au rétablissement des peines planchers, une proposition de votre propre majorité ?
Votre laxisme régalien laisse se développer l'insécurité qui, je le répète, n'est pas qu'un sentiment. Certes, un sentiment peut blesser, mais je doute qu'il puisse laisser des marques indélébiles sur les visages.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Lorsque je vous entends, monsieur le député Muller, les oreilles m'en tombent.
« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.
D'abord, nous avons longuement débattu de la proposition de loi de nos amis du groupe Horizons et apparentés. L'Assemblée nationale a tranché, il est normal que les uns et les autres puissent s'exprimer.
Or ces murs, voyez-vous, ont des oreilles et une mémoire, retranscrite dans un compte rendu.
Deux députés de votre groupe se sont particulièrement illustrés. Le premier souhaitait instaurer des peines planchers absolument obligatoires. Ne pouvant y déroger, le juge n'aurait plus disposé de sa liberté juridictionnelle, ce qui aurait été inconstitutionnel. La seconde nous a dit que la justice était laxiste – c'est l'une de vos marottes –, car une cour d'assises avait acquitté plusieurs accusés.
Quand vous serez au pouvoir,…
…si cela devait arriver, vous condamnerez des hommes au bénéfice du doute.
Monsieur le député, ne cherchez pas à nous opposer à nos amis du groupe Horizons. Nous avons eu un débat serein et constructif. Nous avons argumenté. Vous, comme d'habitude, vous êtes dans l'excès.
Avant de me rasseoir, je voudrais vous dire que des juridictions font, à cet instant, l'objet de coupures de courant d'origine malveillante. Certains d'entre vous estiment sans doute que la justice doit s'arrêter.
La désobéissance civile, c'est une désobéissance à la loi.
Vous avez également fait du blabla. Vous n'avez pas répondu à ma question.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Il y a environ quinze jours, le Gouvernement a pris, en Conseil des ministres, une ordonnance relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols.
Comme le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique l'a rappelé en conseil des ministres, « en France, plus de la moitié des maisons individuelles sont construites sur des sols argileux susceptibles de présenter un risque moyen ou fort de dégâts, provoqués par un phénomène naturel de succession d'épisodes de sécheresse et de réhumidification des sols ». De plus, sous l'effet du réchauffement climatique, nous savons que la planète connaîtra davantage d'épisodes de chaleur extrême, notamment des épisodes de sécheresse plus sévères et récurrents, comme l'a souligné notamment la fédération professionnelle France Assureurs. Elle évalue les sinistres à 43 milliards d'euros entre 2020 et 2050, soit trois fois plus que les 13,8 milliards d'indemnisation versés sur la période 1989-2019.
Pourtant, si le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux est étudié et documenté en France depuis plusieurs années, les sinistrés et les acteurs locaux méconnaissent l'impact de la sécheresse et de ce phénomène sur le bâti, ainsi que les dispositions constructives pour s'en prémunir. Les sinistrés se sentent ainsi souvent démunis face au coût des travaux et à l'impact psychologique que peut induire la dégradation de leurs habitations.
Face à ce constat, ne serait-il pas plus judicieux de trouver des solutions durables afin de prévenir au mieux ce phénomène ? Une étude des sols est aujourd'hui obligatoire. Mais qu'en est-il de l'obligation de construction pour mettre à l'abri les futurs propriétaires ? Que prévoit le Gouvernement à ce sujet ?
Ma deuxième question concerne les victimes. Au-delà de la compensation financière, que prévoit le Gouvernement pour les accompagner dans la transformation de leur maison, afin que celle-ci s'adapte au mieux à ces mouvements de sol dus à la sécheresse ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
J'associe à ma réponse Olivier Klein, délégué chargé de la ville et du logement, puisque le dossier que vous évoquez est suivi conjointement par nos deux ministères. Vous l'avez dit, plus de la moitié des maisons individuelles sont construites sur des terrains argileux, susceptibles d'entraîner des risques de retrait-gonflement d'argile, avec un aléa moyen ou fort. Les chiffres sont éloquents : il y a quatre ou cinq ans, les sommes versées au titre de l'indemnisation s'élevaient, en moyenne, à un demi-milliard d'euros par an. Cette moyenne est passée à 1 milliard d'euros par an et le coût de l'indemnisation de la seule sécheresse de 2022 pourrait avoisiner les 3 milliards d'euros.
Le Gouvernement agit dans deux directions. En premier lieu, avec l'appui du Parlement. Ainsi, la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi Elan, prévoit une obligation à la charge du vendeur de maisons : il doit réaliser une étude géotechnique du terrain pour les constructions neuves, communiquée aux constructeurs. Celle-ci permet a priori de diminuer le risque, la prévalence ou la survenue de ce type de phénomène. En effet, pour l'essentiel, le retrait-gonflement d'argile est lié à des différentiels de terrain provoqués par la sécheresse, et à des constructions qui ne sont pas adaptées.
En second lieu se pose la question des personnes touchées. C'est l'objet de l'ordonnance que nous avons présentée le 8 février dernier en Conseil des ministres. D'abord, elle facilite l'indemnisation. En effet, auparavant, seule la sécheresse survenue au cours d'une année donnée ouvrait droit à indemnisation. Désormais, la succession de sécheresses pourra entraîner une indemnisation. Ensuite, nous donnons aux propriétaires un moyen de se prémunir contre l'expertise assurantielle, qui sera encadrée afin que l'assureur ne rechigne pas à payer, y compris les frais de relogement des personnes concernées. Ainsi, deux grands types de dispositifs sont instaurés, l'un relatif aux terrains neufs, l'autre à l'assurance.
Un nouveau volet reste à étudier. Avec le réchauffement et le dérèglement climatiques en cours, ne devons-nous pas envisager d'autres dispositifs plus pérennes qui ne reposent pas uniquement sur le régime des catastrophes naturelles ?
Cette piste fera partie des réflexions menées par les services de mon ministère, dans le cadre de la révision du plan national d'adaptation au changement climatique.
Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, avec votre projet de loi visant à reculer brutalement l'âge de départ à la retraite, l'envolée des prix alimentaires et de l'énergie sont les premiers sujets d'inquiétude des Français. Avec 15 % d'augmentation en moyenne en un an, ces deux postes occupent à eux seuls un tiers des dépenses des ménages les plus modestes. Cette situation est intenable. Un chiffre dramatique le prouve : le recours à l'aide alimentaire a triplé en dix ans.
Mais comme dans votre logiciel ultralibéral périmé on n'exige jamais rien des entreprises et des multinationales, pour répondre à la crise de l'énergie, vous avez créé un bouclier tarifaire qui s'est avéré ruineux pour les finances publiques, sans résoudre le problème pour les Français. Et vous nous ressortez la même rustine pour la crise alimentaire, en demandant gentiment à la grande distribution de faire un effort – qui, au passage, lui permettra d'étouffer un peu plus les petits commerçants et les petits producteurs. Aux riches les demandes polies et inefficaces, aux pauvres l'aide alimentaire et les réformes injustes !
Pourtant, une seule solution permettrait de sortir de l'ornière : l'augmentation des salaires, des prestations et des pensions. Depuis près de quinze ans, les politiques de modération salariale et vos réformes, qu'elles portent sur l'assurance chômage ou sur les retraites, plombent le pouvoir d'achat de l'immense majorité des Français. Beaucoup ne peuvent plus vivre décemment du fruit de leur travail. Ils ne peuvent envisager de s'offrir des produits locaux issus de circuits courts ou, simplement, de partir en vacances.
Il est donc temps d'assumer vos choix politiques. Pourquoi refusez-vous d'indexer les salaires du public et du privé sur l'inflation ? Pourquoi refusez-vous d'augmenter le Smic, les prestations et les pensions en conséquence ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Le micro de l'orateur ne fonctionne pas.
Je peux m'adresser directement à Jean-Paul Lecoq, puisqu'il est assis juste en face de moi.
Le micro de l'orateur fonctionne à nouveau.
Il sait le respect que j'ai pour lui, l'amitié locale qui nous lie, donc évitons les caricatures.
Je partage totalement ce que vous dites sur le choc de l'inflation…
Le micro de l'orateur ne fonctionne plus.
Le micro de l'orateur fonctionne à nouveau
et à quel point il pénalise nos compatriotes, en particulier les plus modestes. Les deux postes les plus lourds sont effectivement l'énergie et l'alimentation.
Sur l'énergie, aucun État européen n'a fait autant que nous. Nous avons mis en place un bouclier sur l'électricité et un bouclier sur le gaz. Alors que les factures auraient dû augmenter de 180 à 200 euros – dans certains pays européens, elles ont connu une hausse de 300 ou 350 euros –, tel n'a pas été le cas pour nos compatriotes français.
Ce dispositif nous coûte 46 milliards d'euros. Dans le cadre d'une logique qui n'est pas très libérale – vous le reconnaîtrez bien volontiers –, nous sommes allés prélever 26 milliards sur les fournisseurs d'énergie, que nous avons donc lourdement taxés, afin qu'ils financent plus de la moitié du bouclier énergétique.
Ensuite se pose la question de l'alimentation. Nous ne sommes pas non plus restés les bras croisés, en disant « les prix alimentaires augmentent, nous ne faisons rien ». Nous avons instauré le trimestre anti-inflation, lequel coûtera plusieurs centaines de millions d'euros aux distributeurs. Nous avons également veillé – vous avez parfaitement raison de le souligner – à ce qu'on ne touche pas à la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Egalim, afin que les producteurs agricoles ne soient pas pénalisés et que ce ne soient pas eux qui, au bout du compte, paient les factures, mais les distributeurs.
Je souhaite que les grands industriels paient également la facture, afin qu'ils compensent en partie les effets de l'inflation. Nous avons ainsi été amenés à demander à renégocier les contrats à la fin du mois de juin, lorsque le trimestre anti-inflation s'achèvera.
Sur les salaires,…
…je rappelle que le Smic a augmenté de plus de 8 % depuis un an, car il est indexé sur l'inflation. C'est là que réside notre véritable divergence : pour ma part, j'estime qu'indexer tous les salaires sur l'inflation fait courir le risque de l'entretenir, alors que notre objectif premier est bien de la faire disparaître. Elle devrait refluer à la mi-2023.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention. Depuis 2017, 21 000 lits fermés, démission de personnels, services d'urgence saturés. Tels sont les symptômes de la crise profonde que traversent nos hôpitaux, notamment dans nos territoires ruraux. Or le plafonnement de la rémunération des médecins intérimaires, qui entrera en vigueur dans quelques jours, risque de déstabiliser un peu plus nos hôpitaux en sous-effectif.
Ma question portera plus spécifiquement sur le manque d'investissement dont souffrent nos hôpitaux. En effet, l'investissement hospitalier a été divisé par deux en dix ans. Que ce soit à Vienne, à Pithiviers ou encore à Vichy, dans ma circonscription, l'état des bâtiments hospitaliers est indigne. À l'hôpital de Vichy, un garde-corps est même tombé du troisième étage du bâtiment de pédopsychiatrie, qui est en état de délabrement.
Mais le plus choquant, c'est que de nombreux hôpitaux souffrent d'un manque de soutien des agences régionales de santé – ARS –, tout simplement parce que leur situation financière est jugée trop saine. Lors du Ségur, l'hôpital de Vichy n'a pas pu bénéficier pleinement des aides à la reprise de dette, uniquement parce qu'il n'atteignait pas le taux d'endettement requis. En outre, à ce jour, le projet de construction du nouveau bâtiment principal est toujours en attente du soutien financier de l'ARS. Visiblement, dans le système actuel, on préfère sanctionner les bons élèves.
M. Ian Boucard acquiesce.
Plus que de plans à répétition, nos hôpitaux ont besoin d'une ressource budgétaire pérenne et dédiée à l'investissement, ainsi que l'a recommandé la commission d'enquête du Sénat relative à la situation de l'hôpital et du système de santé en France.
Ma question sera simple : comptez-vous enfin assurer un financement stable, suffisant et surtout équitable entre les différents hôpitaux de nos territoires ?
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous le savez, je suis avec une grande attention la situation de nos hôpitaux, et j'en profite d'ailleurs pour saluer l'ensemble des soignants des hôpitaux publics, qui continuent de tenir bon face à des situations parfois difficiles.
Je ne reviendrai pas sur tous les éléments que vous avez évoqués. Sur la question des fermetures de lits, qui est un grand débat, nous pourrions discuter des alternatives à l'hospitalisation.
S'agissant de l'intérim, vous semblez un peu brocarder la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, qui comporte des dispositions à son sujet. Je vous rappelle simplement qu'elle a été votée dans cet hémicycle. Nous ne faisons que l'appliquer, certes un peu tardivement.
S'agissant de l'investissement dans les hôpitaux – je ne reviens pas sur la reprise de dette intervenue en 2019, qui a permis à certains hôpitaux de remonter la pente –, le Ségur prévoit une enveloppe de 19 milliards d'euros. L'Allier a bénéficié de la première vague d'investissements en percevant à ce titre 55 millions d'euros. Nous avons d'ailleurs pu en discuter récemment avec des élus, notamment Claude Malhuret, sénateur de ce département.
Ce n'est pas tout. Cette démarche s'accompagne d'un changement de fonctionnement que je conduis à l'intérieur même des hôpitaux, afin que l'échelle du service soit beaucoup plus attractive pour l'ensemble des soignants. Nous travaillons également sur l'organisation territoriale. Cela ne vous aura pas échappé, nous souhaitons revoir le financement des hôpitaux, pour sortir du concept de « tout T2A » (tarification à l'activité), comme l'a annoncé le Président de la République en début d'année.
En ce qui concerne l'hôpital de Vichy, je vous confirme que nous comptons l'accompagner de manière très significative, toujours dans le cadre du Ségur de l'investissement. Le budget, compris entre 130 et 140 millions d'euros sur une période de cinq à dix ans, est en train d'être structuré et séquencé avec les élus. Il fait suite à un projet médical mis au point par l'ensemble de la communauté médicale locale. Bien entendu, l'État sera présent aux côtés de l'établissement pour conduire la rénovation du site de Vichy.
Le Président de la République a fait de nombreuses annonces lors de ses vœux aux acteurs de la santé. Nous attendons des actes concrets et des engagements précis. Il y va de la dignité de nos soignants et de la santé des Français.
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures quinze, sous la présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Aurore Bergé, M. Sacha Houlié et plusieurs de leurs collègues visant à étendre le champ d'application de la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité aux cas de condamnation pour des violences aggravées ayant entraîné une incapacité temporaire de huit jours ou moins (n° 759, 906).
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
La parole est à Mme Aurore Bergé, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je suis très heureuse de vous présenter la proposition de loi de mon groupe qui permet, je crois, de répondre aux attentes fortes de nos concitoyens quant à la dignité et l'exemplarité des élus.
En 2017, nous avons institué un dispositif prévoyant une peine complémentaire d'inéligibilité. Au début de nos travaux en commission, nous avions envisagé que soit exigé de tout candidat à une élection un casier judiciaire dit vierge. Devant les risques constitutionnels d'une telle disposition, nous avions choisi d'atteindre par un autre moyen l'objectif que nous nous étions fixé, en créant une peine complémentaire d'inéligibilité pour certains délits. Cela avait fait consensus parmi l'ensemble des groupes qui composaient alors notre assemblée.
Ce dispositif a été efficace. Il a d'ailleurs été évalué par votre commission, monsieur le président de la commission des lois – et le législateur est bien dans son rôle lorsqu'après avoir voté des textes, il s'assure de leur efficacité et propose des correctifs éventuels.
Or c'est bien ce qu'il nous faut faire aujourd'hui, car notre législation comporte des lacunes. En effet, pour les violences aggravées visées à l'article 222-13 du code pénal, il n'est prévu d'assortir les condamnations d'aucune peine d'inéligibilité. Ces violences ne se résument pas aux violences conjugales que la presse met souvent en exergue, mais celles-ci suffiraient à elles seules : celui ou celle qui frappe son conjoint ou son concubin ne mérite pas de devenir un jour élu de la République et ne devrait pas pouvoir se présenter pour recueillir nos suffrages.
L'article 222-13 du code pénal va au-delà et les législateurs qui nous ont précédés ont intelligemment procédé en n'établissant pas de hiérarchie entre les différents types de violences aggravées qu'il vise,…
C'est vrai !
…à savoir les violences intrafamiliales, les violences conjugales, les violences à caractère raciste ou antisémite, les violences perpétrées à raison de l'orientation sexuelle et les violences commises contre des personnes vulnérables ou en situation de handicap.
Je voudrais prendre quelques minutes pour répondre à celles et ceux qui ont émis des réserves sur notre proposition de loi. Je mets de côté ceux qui, parce qu'ils sont gênés par le calendrier d'examen de ce texte, cherchent tous les prétextes possibles pour expliquer qu'il ne faut pas le voter. Quand on s'est engagé toute sa vie contre les violences conjugales, contre les violences intrafamiliales, contre le racisme, contre l'antisémitisme, qu'est-ce qui peut justifier une telle position ? Je m'adresse donc à ceux qui ont des doutes sincères, à ceux qui nous ont interpellés en commission des lois, où le texte a finalement été adopté à l'unanimité.
Certains se sont interrogés sur la temporalité que nous avions retenue, mettant en cause la sincérité de notre combat. Je le dis clairement : les parlementaires que nous sommes ne sont jamais hors-sol ; nous vivons au cœur de la société française ; nous sommes traversés par les mêmes questionnements que nos concitoyens, par les mêmes craintes, par les mêmes doutes, par les mêmes violences aussi. Ce sont eux qui, par leurs interpellations régulières, nous commandent de changer la loi quand nous avons la possibilité de le faire, en toute responsabilité. Alors, oui, il y a eu un fait qui a pu déclencher le choix de cette date pour examiner ce texte. Personne ne peut le nier. Ce fait, c'est qu'un élu condamné pour violences conjugales a siégé à nouveau dans notre hémicycle.
De toute façon, nous ne légiférons pas pour le passé.
La loi pénale n'a pas d'effet rétroactif et c'est heureux dans une démocratie. Nous légiférons donc pour l'avenir. La seule question que ce texte pose est la suivante : voulons-nous, oui ou non, que des personnes condamnées pour des violences aggravées, comme les violences intrafamiliales, les violences conjugales, les violences antisémites ou racistes puissent demain devenir des élus de la République ?
C'est la seule question à laquelle vous allez devoir répondre en votant pour ou contre cette proposition de loi.
Sur ces sujets-là, nous avons tous un avis. On peut estimer que parfois la loi va trop loin. Mais en quoi est-il excessif de considérer que les personnes condamnées pour des violences aggravées ne peuvent pas devenir des élus de la République ? Quelle légitimité aurait un parlementaire condamné pour des faits de violences intrafamiliales lorsqu'il participerait aux travaux de la délégation aux droits des enfants que nous avons créée durant cette législature ? Quelle légitimité aurait un élu condamné pour violences conjugales lorsqu'il serait conduit à voter des crédits destinés au 3919, numéro dédié aux femmes victimes de violences ? Quelle légitimité aurait un maire ou un élu local condamné pour de tels faits alors qu'il est en permanence en relation avec les associations ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Quelle crédibilité aurions-nous ?
Depuis 2017, nous avons essayé avec autant de sincérité que de cohérence de retisser un lien de confiance. Ce lien renvoie à la capacité à tenir des engagements clairs, à défendre nos convictions et à porter des combats. La grande cause des deux quinquennats d'Emmanuel Macron est l'égalité entre les femmes et les hommes. Le Président de la République s'est emparé de l'enjeu des violences intrafamiliales et, je l'ai dit, nous avons créé au sein de notre assemblée une délégation aux droits de l'enfant. Nous n'avons eu de cesse de combattre les violences racistes et antisémites dans notre pays. Dans quelques semaines, nous examinerons une loi sur le grand âge et l'autonomie pour mieux protéger les personnes vulnérables.
En cohérence, nous devons dire, mes chers collègues, que celles et ceux qui auraient été condamnés pour des faits de violences aggravées ne méritent pas de se présenter aux suffrages des Français et de devenir des élus de la République. Nous n'avons pas à prendre ce risque pour notre démocratie qui a, je crois, été suffisamment abîmée. Oui, à la fin, ce sera la seule question posée par cette proposition de loi, qui sera adoptée, je l'espère, dans le plus large consensus possible.
Je répondrai ensuite à tous les orateurs des groupes. Des évolutions sont intervenues en commission de loi et nous avons travaillé entre les réunions en commission et la séance avec tous les groupes ayant bien voulu nous soumettre des propositions, en particulier le groupe Écologiste – NUPES. J'ai écrit à la présidente pour que le bureau de l'Assemblée puisse se saisir de ces sujets-là et que nous soyons en mesure de dire clairement ce qu'il en est, conformément aux recommandations de l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique.
Ce texte, que je vous présente avec humilité, est le fruit d'un engagement constant de ma part comme de mon groupe. Son adoption traduira la détermination de notre assemblée à ne rien laisser passer en matière de violences.
Monsieur le garde des sceaux, j'ajouterai un dernier mot au sujet de certaines affaires. Nous, nous ne jugeons pas avant les juges.
C'est vrai !
Et je crois que c'est un point majeur de cette proposition de loi : nous ne nous prononçons pas avant que la justice ne se prononce.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Nous disons à toutes celles et tous ceux qui pourraient demain être des victimes, de quelque forme de violence que ce soit, que la seule vérité qui peut exister en démocratie est la vérité judiciaire. Si nous devons simplifier les procédures, si nous devons accompagner et protéger les victimes, si nous devons encore augmenter les moyens de la justice, lesquels ont déjà bénéficié de hausses considérables, nous devons, en toute cohérence, voter cette proposition de loi qui envoie un signal sans ambiguïté et n'appelant aucune polémique : celles et ceux qui sont condamnés pour violences aggravées ne pourront devenir des élus de la République si les magistrats décident de faire usage, en toute liberté, de la faculté qui leur sera donnée de prononcer une peine complémentaire d'inéligibilité.
Mêmes mouvements.
Les violences, quelles qu'elles soient, sont intolérables en démocratie et il incombe à la justice – et à elle seule, vous avez raison, madame la rapporteure – de les réprimer avec fermeté, conformément à la politique pénale extrêmement claire que je conduis en matière d'atteintes aux personnes.
La justice, mesdames et messieurs les députés, est le fondement de notre contrat social. C'est d'abord, en effet, la confiscation du droit à la vengeance. Tout acte de violence doit être sanctionné avec force non seulement parce qu'il fait un mal insupportable à ceux qui en sont victimes, mais aussi parce qu'il viole le contrat social dont nous sommes les porteurs dans nos fonctions respectives. C'est la raison pour laquelle ces violences sont d'autant plus inacceptables lorsqu'elles sont commises par des élus de la République.
Il s'agit d'abord de maintenir le lien de confiance entre les Français et ceux qu'ils choisissent pour porter leur voix. Je suis, comme chacun d'entre vous, très sensible à cette préoccupation et soucieux de faire en sorte que ce lien de confiance ne soit pas rompu par la violence de ceux-là mêmes qui devraient montrer l'exemple.
Beaucoup a déjà été fait dans cet hémicycle afin de renforcer ce lien. Je ne citerai pas dans le détail les nombreuses réformes votées ces dernières années pour éviter les abus que nous avons pu connaître par le passé. Ces différentes lois ont contribué à instaurer des comportements plus vertueux dans l'exercice des mandats électifs.
Aussi, madame la rapporteure, vous remercierai-je pour votre proposition de loi qui vise à étendre aux violences aggravées le champ d'application du prononcé obligatoire de la peine d'inéligibilité. Elle s'inscrit pleinement dans la continuité de la politique engagée par le Gouvernement à travers les lois organique et ordinaire du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique défendues par ma prédécesseure, Nicole Belloubet. Ces lois ont d'ores et déjà considérablement renforcé la portée de la peine complémentaire d'inéligibilité qui peut être prononcée pour un maximum de dix ans en cas de crime ou lorsque la personne condamnée exerce une fonction de membre du Gouvernement ou un mandat électif public. Elle est également prévue pour une durée de cinq ans lorsque la condamnation est prononcée pour un délit commis par un citoyen non élu.
Depuis l'adoption de ces lois, en 2017, le prononcé de la peine complémentaire d'inéligibilité a été étendu à une large liste d'infractions incluant les crimes et les délits les plus graves, parmi lesquels les agressions sexuelles, le harcèlement moral ou sexuel et les discriminations.
Cette liste d'infractions n'a toutefois pas été conçue comme étant définitivement figée ; elle doit pouvoir évoluer afin de tenir compte de l'ensemble des comportements qui, une fois commis, révèlent une incompatibilité manifeste à exercer des fonctions électives par absence de respect des devoirs de la vie civile.
Mesdames et messieurs les députés, il n'est pas compréhensible que la commission de violences sur un mineur de 15 ans, sur une personne vulnérable, sur un conjoint, sur une personne dépositaire de l'autorité publique, ou encore avec usage d'une arme, ne figurent pas parmi cette liste, au seul prétexte que l'incapacité totale de travail (ITT) qui en résulte serait inférieure à une durée de huit jours. Pourtant, ce sont tous ces cas, visés par l'article 222-13 du code pénal, qui sont aujourd'hui, de facto, exclus du champ du prononcé obligatoire de la peine d'inéligibilité prévue par l'article 131-26-2 du même code. Cela me paraît incompréhensible, alors même que certains des délits sont punis de cinq ou de sept ans d'emprisonnement.
C'est d'autant plus étrange que cette peine d'inéligibilité obligatoire est actuellement prévue pour des délits punis d'une peine égale ou inférieure à celles encourues par les délits de violences visés à l'article 222-13. Il y a donc un manque de cohérence dans notre droit actuel.
À titre d'exemple, pour le délit d'administration de substances nuisibles ayant entraîné chez la victime une ITT inférieure à huit jours, puni de trois ans d'emprisonnement, il est prévu une peine complémentaire d'inéligibilité obligatoire. Il y a donc une même durée d'ITT que pour les violences volontaires, la peine encourue est la même, pourtant, dans un cas, une peine d'inéligibilité obligatoire est prévue alors que ce n'est pas le cas dans l'autre. Quelle est la cohérence ?
L'article unique de la proposition de loi de la présidente Aurore Bergé rectifie cette omission et apporte donc de la cohérence au code pénal. Il respecte également les exigences constitutionnelles liées au principe d'individualisation de la peine. Comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel lors de sa décision concernant la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie publique, il ne s'agit pas là d'une peine complémentaire automatique. Le juge peut toujours moduler sa durée selon les circonstances de l'infraction et la personnalité de son auteur.
Cette proposition de loi m'apparaît donc équilibrée : tout d'abord, elle vise à étendre le champ d'une peine complémentaire qui existe déjà et dont le dispositif est conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. J'ajoute que, conformément au principe de rétroactivité in mitius, cette loi ne s'appliquera que pour l'avenir et non aux faits commis avant son entrée en vigueur. Ensuite, elle est conforme à la volonté de nos concitoyens d'être représentés par des élus dignes de la fonction qu'ils leur ont confiée, à l'heure où tous les moyens sont engagés pour lutter contre les diverses formes de violence et pour renforcer la sécurité des Français, tant en matière de justice qu'en matière de police. Le Gouvernement est donc favorable à la proposition de loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Avant de nous présenter ce texte, madame Bergé, votre majorité aurait gagné à s'offrir une séance d'introspection sur le thème : « Que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre. »
Il faut dire que vous avez de quoi faire en la matière : onze condamnations au sein de la majorité, dont l'une pour des faits de violences envers une ex-compagne – le bureau de l'Assemblée nationale ayant d'ailleurs refusé de lever l'immunité parlementaire du député concerné – et une autre concernant un député condamné pour harcèlement sexuel envers une collaboratrice.
C'est vrai qu'à droite il n'y a jamais eu de condamnations ! Ce n'est plus une paille que vous avez dans l'œil, mais une poutre, voire deux poutres !
Huit mises en examen, dont celles du secrétaire général de la présidence de la République – excusez du peu ! – et de l'actuel garde des sceaux – pardonnez-moi, monsieur le ministre – accusés l'un et l'autre de prise illégale d'intérêts. Douze enquêtes en cours, dont l'une concerne le ministre du travail, visé par une accusation de favoritisme.
Treize mises en examen pour un seul homme, champion de France toutes catégories du nombre de mises en examen, accusé notamment de fraude fiscale, d'emploi fictif, de financement illicite de dépenses électorales : cet homme n'est autre que le conseiller politique du Président de la République !
En 2022, votre formation politique a même hésité à réinvestir dans la 9
Mais qu'est donc devenu ce candidat à l'élection présidentielle qui, en 2017, déclarait qu'un ministre devrait quitter le gouvernement s'il était mis en examen ? Le président Macron aura, contrairement à tous ses prédécesseurs, renoncé à cette exigence éthique.
Vous nous parlez de probité, alors même que l'un des premiers signataires de ce texte, selon l'ordre alphabétique, est accusé, aux termes de deux plaintes, de viol sous soumission chimique et de tentative de viol !
Beau bilan ! Ce texte constitue donc un énième coup de communication de la majorité, à la suite de la condamnation de l'un de nos collègues, Adrien Quatennens. Est-il souhaitable de légiférer consécutivement à un fait ayant déclenché une polémique ? En commission des lois, l'intégralité des groupes, même ceux qui appartiennent à la majorité, même la très modérée et sage Laurence Vichnievsky,…
Elle n'y était pas ! Pour le groupe Démocrate, c'est M. Balanant qui siégeait à la commission des lois !
…ont dénoncé l'opportunisme politique, condamnant le dévoiement législatif au service de l'émotion. Soyez attentifs, mes chers collègues, à légiférer pour la cause et non pas pour tenter de leurrer nos citoyens en leur faisant croire que vous seriez irréprochables. Personne ne vous croira !
Sur le fond, la présente proposition de loi vise à étendre la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité aux violences aggravées, c'est-à-dire aux violences commises, notamment, sur un mineur de 15 ans, sur une personne vulnérable ou sur le conjoint, ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à huit jours. Elle complète donc une liste de délits déjà très longue et se borne à rendre obligatoire ce qui était facultatif.
Je rappelle d'ailleurs que, dans l'affaire en question, le juge aurait pu prononcer l'inéligibilité de notre collègue et qu'en toute indépendance, il a estimé ne pas devoir le faire.
Vous qui utilisez les semaines dont l'ordre du jour est fixé par l'Assemblée nationale pour inscrire des initiatives transpartisanes, pourquoi ne pas avoir créé un groupe de travail à ce sujet qui aurait, j'en suis sûr, abouti à un texte commun ?
Pourquoi n'avez-vous pas engagé un vrai débat sur ce sujet ou sur d'autres causes, tout aussi légitimes ? Pourquoi, par exemple, ne pas avoir élargi la peine d'inéligibilité obligatoire aux délits de trafic, de cession et d'importation de stupéfiants ou au délit de consommation de stupéfiants aggravé par la qualité de l'auteur, notamment une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ?
Mais peut-être n'y aurait-il pas eu sur vos bancs, madame Bergé, le même enthousiasme à étendre l'inéligibilité obligatoire à ces délits…
Chers collègues de la majorité, il ne faut pas trop jouer avec l'actualité, sous peine de se discréditer. Nous sommes tous, au sein du groupe Les Républicains, convaincus de la nécessité de lutter contre toutes les formes de violence et de renforcer l'exigence de probité et d'exemplarité des élus qui, j'en suis sûr, est un préalable à la restauration de la confiance dans la vie politique et la vie publique en général. C'est pourquoi, même si nous regrettons l'opportunisme de ce texte, nous ne nous y opposerons pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Et la présomption d'innocence, monsieur le député, qu'est-ce que vous en faites ?
En même temps qu'il prononce ces mots, M. le garde des sceaux esquisse un bras d'honneur.
Que faites-vous de la présomption d'innocence ?
Murmures sur plusieurs bancs du groupe LR.
La présente proposition de loi a pour objet d'élargir le nombre des délits pour lesquels la peine complémentaire d'inéligibilité est obligatoirement prononcée par le juge, en cas de déclaration de culpabilité. À l'origine, cette peine complémentaire était prononcée de manière facultative pour sanctionner certains délits.
Mêmes mouvements.
La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Sapin 2, a introduit le principe d'une automaticité limitée entre la déclaration de culpabilité relative à des infractions de corruption et la peine complémentaire d'inéligibilité : celle-ci est désormais prononcée de plein droit, sauf si le juge en décide autrement.
Mêmes mouvements.
La loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique a un objectif plus ambitieux. Il ne s'agit pas seulement d'écarter celles ou ceux dont les actes dans la sphère publique sont incompatibles avec l'exercice d'un mandat électif, mais aussi d'empêcher d'être élus ceux qui auront commis, y compris dans leur vie privée, une infraction affaiblissant la confiance des citoyens dans leurs représentants.
Chers collègues, pouvez-vous écouter l'oratrice, s'il vous plaît, par respect pour chacun des intervenants ?
La justification de cette extension est que de telles infractions sont contraires aux valeurs de la République et qu'on ne peut pas élire un représentant dont les actes, même s'ils n'ont aucun rapport avec son mandat, sont indignes d'un élu. Bref, il faut rendre inéligible non seulement celui qui a détourné l'argent public, mais aussi celui qui a giflé sa femme. Je ne prends pas cet exemple au hasard, car il faut bien constater que nous débattons aujourd'hui d'une loi de circonstance. La proposition de loi a été déposée dans la semaine qui a suivi le retour à l'Assemblée nationale de l'un de nos collègues de l'opposition, au mois de janvier dernier. Elle avait été précédée, deux jours plus tôt, d'une proposition de loi très voisine tendant à rendre inéligibles les auteurs de violences conjugales et intrafamiliales.
Toutefois, ces considérations ne sont pas déterminantes et je préfère en venir au fond. Notre première réserve réside dans le fait que vous utilisez pour cette peine complémentaire le même procédé que pour les peines planchers : automaticité de la sanction, sauf si le juge en décide autrement. Les deux techniques ont ceci en commun que le législateur tente de se substituer au juge. Notre assemblée vient de rejeter une proposition de loi visant à rétablir les peines planchers. Soyons cohérents.
Notre deuxième réserve, c'est qu'il paraît étrange de cibler certaines infractions en les qualifiant de contraires aux valeurs de la République. À ma connaissance, tous les crimes et les délits sont contraires aux valeurs de la République, sans quoi ils ne seraient pas incriminés. Nous risquons alors de naviguer entre deux écueils : faire de toute condamnation correctionnelle une cause d'inéligibilité ou opérer une sélection fondée sur la morale entre les « bonnes » et les « mauvaises » infractions, ce qui n'est jamais bon signe en matière pénale.
Notre dernière réserve est que la proposition de loi couvre un très large champ infractionnel : les anciennes violences légères de nature contraventionnelle, y compris celles n'entraînant aucune ITT, rehaussées en délit à cause d'une circonstance aggravante, comme celle d'avoir été commises dans une station de métro ou sous un abribus, en feront désormais partie. Cela commence à faire beaucoup ! Limiter l'éligibilité n'est pas a priori un bon marqueur démocratique.
Pour conclure, je rejoins l'observation de mon collègue Emmanuel Mandon devant la commission des lois : « Il ne faudrait pas que, sous prétexte d'adapter le champ d'application de l'inéligibilité aux attentes de l'opinion publique, nous nous rapprochions du mandat révocatoire ». Le groupe MODEM et indépendants votera majoritairement contre la proposition de loi.
M. Jean-Paul Mattei applaudit.
Rappels au règlement
Il se fonde sur l'article 58 relatif au bon déroulement de nos travaux – qui renvoie lui-même à l'article 100. Pendant que le président de notre groupe descendait de la tribune, M. le garde des sceaux a fait un bras d'honneur. Ce geste est inqualifiable.
Nos collègues en ont été extrêmement surpris. Nous ne pouvons qu'être choqués par ce genre de pratique.
Un ministre de la République, dans l'enceinte du Parlement, a normalement un devoir d'exemplarité – mais manifestement, il n'en est rien dans le cas présent.
Je ne suis sans doute pas l'arbitre des élégances, mais je voudrais rappeler une chose : j'ai été mis en examen, je ne suis pas condamné.
Je conteste totalement les faits qui me sont reprochés. Dans ma vie d'avocat, j'ai défendu des membres de votre famille politique ; certains ont été condamnés.
Vous n'avez pas de leçons à me donner.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Il n'y a pas eu un bras d'honneur, il y en a eu deux, mais à chaque fois accompagnés par des paroles.
Vives exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.
De quoi parlez-vous, monsieur le ministre ? Êtes-vous en train de dire que vous avez fait deux bras d'honneur à l'Assemblée ?
Les exclamations se poursuivent.
Je vous demande de préciser vos propos, car si tel est le cas, c'est absolument inadmissible. Vous n'avez pas à faire des bras d'honneur dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, monsieur le ministre !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.
J'ai dit qu'on faisait un bras d'honneur à la présomption d'innocence, et je l'ai dit deux fois.
Vives protestations sur les bancs des groupes RN et LR.
C'est honteux ! Vous n'avez même pas la sincérité de reconnaître les faits !
Les bras d'honneur, qu'ils soient physiques ou verbaux, ne sont pas admissibles. Je vous demande à tous de reprendre votre calme.
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR. – Les députés du groupe LR quittent l'hémicycle.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.
Personne ne peut dire ici que, depuis plus de deux ans et demi que je suis ministre, je n'ai pas été respectueux du Parlement.
Exclamations sur les bancs des groupes RN, LFI – NUPES et LR. – Rires sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je ne suis pas au-dessus des lois ; je ne suis pas en dessous des lois non plus.
En tant que citoyen,…
…j'ai le droit de faire valoir la présomption d'innocence attachée à la mise en examen dont je fais l'objet. J'ai entendu les propos de M. le président Marleix sur ma mise en examen…
Je rappelle que non seulement je suis présumé innocent – c'est constitutionnel –,…
…mais je suis innocent ; je le dirai le moment venu.
Il est vrai, madame la présidente, que j'ai réagi avec beaucoup de vivacité.
Je tiens à dire que les gestes qui me sont reprochés étaient assortis de paroles qui ne visaient pas le président Marleix, mais le mépris qu'il manifestait pour le respect de ma présomption d'innocence – c'est ainsi que je l'ai conçu.
Protestations sur les bancs des groupes RN et LR.
Ceux qui m'entourent pourraient en témoigner : vous avez eu l'image, mais vous n'avez pas eu le son.
Je concède, madame la présidente, que ce geste n'était pas adéquat.
Mais je répète que l'intention qui était la mienne est celle que je viens d'expliquer.
Les protestations se poursuivent.
On aura beau protester, c'est exactement l'intention qui était la mienne.
« Excusez-vous ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.
Les hurlements et les vociférations n'y changeront strictement rien. Voilà ce que j'entends dire à la représentation nationale.
Vives exclamations sur divers bancs. – Un député du groupe RN siffle.
Il se fonde sur l'article 70 de notre règlement, qui concerne les comportements inacceptables en séance. Nous venons de vous entendre, monsieur le garde des sceaux. En bon avocat, vous vous êtes justifié, mais vous avez omis un point essentiel : vous n'avez pas présenté vos excuses au président Marleix.
Applaudissements nourris sur les bancs des groupes LR et RN. – Quelques députés des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES applaudissent également.
Je voudrais insister sur le fait que nous sommes ici à l'Assemblée nationale. Monsieur le garde des sceaux, le comportement auquel vous vous êtes livré est indigne de manière générale, et particulièrement inapproprié de la part d'une personne censée garantir le respect de la loi. Au nom de notre groupe parlementaire et par respect envers son président, je réitère ma demande : il serait souhaitable que vous présentiez des excuses. À défaut, nous demanderons la convocation de la conférence des présidents.
Applaudissements nourris sur les bancs du groupe LR et du groupe RN, dont plusieurs députés se lèvent, et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Monsieur Hetzel, comme vous le savez, l'article 70 de notre règlement est uniquement applicable aux membres de l'Assemblée nationale. Je tiens à souligner que la présidente de séance n'a pas le pouvoir de prononcer une peine disciplinaire à l'encontre d'une personne extérieure à l'Assemblée.
Il se fonde sur l'article 100, relatif à l'organisation des débats. Monsieur le garde des sceaux, avant de quitter l'hémicycle pour rejoindre un de vos collègues du Gouvernement dans le cadre d'une réunion de travail, je parlais, je crois, de l'exemplarité dont les responsables politiques doivent pouvoir justifier auprès des Français. Je ne sais pas si vous essayiez par là de donner l'exemple, mais adresser à un membre de la représentation nationale un bras d'honneur,…
…pardon, deux – de votre propre aveu –, me paraît très peu exemplaire pour un membre du Gouvernement.
J'ai conscience que votre carrière professionnelle vous a amené à fréquenter de nombreux voyous ,
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et RN
ce qui a pu déteindre sur votre comportement. Il reste néanmoins plus qu'inapproprié et nécessite des excuses, non envers ma personne, mais envers la représentation nationale. Je vous demande une réponse.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN et sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
La parole est à M. le garde des sceaux. J'ai pris acte d'autres demandes de rappels au règlement, mais peut-être ne seront-elles pas nécessaires ; cela dépend des propos de M. le ministre.
Monsieur le président Marleix, il est un grand principe de droit auquel nous sommes tous sensibles : la mauvaise foi ne se présume pas.
Protestations sur les bancs des groupes RN et LR.
Je vous le dis en face, mon bras d'honneur n'était pas adressé au député Marleix.
Écoutez-moi une seconde.
À l'école, que diront les professeurs à leurs élèves qui font de tels gestes ?
Lorsque j'ai fait ce geste, ce double geste – vous m'en avez reproché un, j'ai répondu « deux », car telle est la réalité –, j'ai dit : « C'est un bras d'honneur à la présomption d'innocence. »
Quelle explication foireuse ! Vous êtes complètement à côté de la plaque !
Ceux qui m'entouraient pourront vous confirmer que j'ai tenu ces propos.
En ce qui me concerne, je suis particulièrement respectueux de la présomption d'innocence.
Exclamations sur les bancs des groupes RN, LFI – NUPES, LR et SOC.
Certains d'entre vous le savent. Monsieur Marleix, pouvez-vous entendre que, présumé innocent – et innocent, je l'affirme –, je puisse être blessé
« Oh ! » sur les bancs du groupe RN
par le fait qu'on évoque une mise en examen comme s'il s'agissait d'une condamnation ?
Je le répète, ce geste…
Il y a plusieurs témoins, si ma parole ne vous suffit pas. Je le répète, ce geste n'est pas injurieux à votre égard. .
Vives exclamations sur les bancs des groupes RN, LFI – NUPES, LR, SOC et Écolo – NUPES. – Rires sur plusieurs bancs du groupe RN
C'est le geste de quelqu'un qui réagit – et qui a peut-être eu tort de réagir ainsi – à une accusation qu'il n'estime pas fondée, et ce depuis deux ans et demi.
Protestations redoublées.
Vous n'êtes pas un gamin de 15 ans, vous êtes ministre !
Qui se fonde sur l'article 100 de notre règlement, relatif à la bonne organisation des débats. Pour reprendre à mon compte la formule de M. le garde des sceaux, je ne suis pas l'arbitre des élégances, mais je considère que cette affaire serait vite finie s'il présentait ses excuses à M. Marleix en particulier et à la représentation nationale en général.
M. le garde des sceaux n'a pas fait un bras d'honneur, mais deux, ce qui, du strict point de vue du droit, s'appelle une récidive.
Rires et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES, LFI – NUPES, GDR – NUPES, RN et LR.
Cela est d'autant plus condamnable. Ayant le privilège de n'être pas député, il ne sera pas convoqué par le bureau de l'Assemblée nationale pour se voir infliger une sanction. Dans notre grande indulgence et avec le souci de poursuivre un débat parlementaire apaisé, nous souhaitons qu'il présente, en toute simplicité, des excuses, que le président Marleix accepterait sans doute.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES, RN et LR.
Je me permets de rappeler les mots qu'a prononcés M. le garde des sceaux, car je les ai notés : il a dit que son geste n'était « pas adéquat », qu'il le « regrettait » et qu'il « a eu tort de réagir ainsi ».
Vives protestations sur les bancs des groupes RN et LR.
C'est ce qu'il a dit : je l'ai noté. Vous pouvez me faire confiance pour prendre des notes exactes ! Du reste, cela sera inscrit au compte rendu.
Vous venez de recevoir un texto de son collaborateur, je l'ai vu ! C'est honteux !
Il faut défendre notre institution, madame la présidente ! C'est du jamais vu !
Il se fonde sur l'article 100 de notre règlement, relatif au bon déroulement de nos débats, ainsi que sur l'article 26 de la Constitution.
Monsieur le garde des sceaux, adresser deux bras d'honneur au président d'un groupe parlementaire est indigne de votre fonction. Je dois dire que je trouve particulièrement savoureux de voir que vous refusez de faire le minimum, c'est-à-dire de présenter vos excuses à M. Marleix et à la représentation nationale. C'est la preuve que ceux qui nous donnent constamment des leçons de maintien, qui nous expliquent sans cesse qu'ils sont les arbitres des élégances, sont eux-mêmes incapables de s'excuser lorsqu'ils font de tels gestes !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Monsieur le garde des sceaux, dans n'importe quelle autre démocratie, vous auriez dû démissionner. Pourtant, vous vous maintenez dans votre poste par le fait du Président, qui s'apparente au fait du prince, car nous sommes sous la V
…mais si vous ne présentez pas vos excuses, nous serons incapables de poursuivre les débats dans la sérénité nécessaire à notre travail et dans le respect dû à la représentation nationale.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Quelques députés du groupe RN applaudissent également.
J'interviens au titre de l'article 100 de notre règlement, relatif à la bonne tenue des débats. Nous parlions d'un sujet important : « exemplarité » aurait été le premier mot de mon intervention dans le cadre de la discussion générale, si nous avions pu tenir les débats prévus au sujet de la violence des hommes en politique. Malheureusement, ils sont empêchés par un trouble à l'ordre de la séance.
Nous souhaitons poursuivre l'examen du texte. Il nous reste donc deux possibilités, puisque je suppose qu'il est impossible de modifier l'agenda d'un ministre : compter sur votre faculté à vous excuser – s'excuser lorsqu'on a fait une erreur, c'est un acte fort, c'est se montrer capable de reconnaître, droit dans ses bottes, que chacun est faillible –, ou, si les excuses représentent pour vous un obstacle insurmontable, reporter le texte. En effet, nous ne saurions poursuivre cette discussion cruciale dans de telles conditions.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR et RN.
Qui se fonde sur l'article 58, relatif aux faits personnels. Monsieur le garde des sceaux, en vous écoutant, je pense aux milliers d'enseignants confrontés à des élèves difficiles qui, dans leur dos, font des gestes susceptibles de troubler la classe. Je m'interroge : quel modèle, quel exemple, est en train de donner ce membre du gouvernement de la République française ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Quelle image donne-t-il à ces élèves ? Votre argumentation pitoyable, selon laquelle votre geste ne s'adressait pas à ma personne, mais à mon propos, n'enlève rien à sa gravité.
Je n'ai porté aucune accusation. Je me suis borné à rappeler de simples faits : votre mise en examen et votre renvoi devant une cour correctionnelle, en l'espèce, la Cour de justice de la République. Je suis désolé que vous soyez renvoyé devant cette cour, mais je n'y suis pour rien. Cela crée un précédent : vous êtes le premier garde des sceaux dans ce cas, que cela vous plaise ou non !
Mêmes mouvements.
La dignité aurait pu vous amener à démissionner de votre fonction, mais au lieu de cela, vous ajoutez à ce précédent la grossièreté du bras d'honneur.
Les excuses que je demande ne sont évidemment pas pour moi – ma personne n'a aucune importance –, mais pour notre institution.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et RN.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures vingt.
Monsieur Marleix, je le dis à toute la représentation nationale, je suis profondément affecté par ce moment. Je le répète avec beaucoup de force : je n'ai pas voulu viser le président du groupe Les Républicains. Si mon geste a été mal interprété ,
Murmures sur les bancs du groupe LFI – NUPES
je lui présente mes excuses ainsi qu'à toute la représentation nationale.
Ah ! sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Discussion générale
Brouhaha.
À cet instant, je tiens à exprimer le malaise qu'éprouve un modeste député à débattre d'exemplarité et de probité quand une séance débute par des gestes que la bienséance élémentaire réprouve dans cette enceinte. Ce geste entache notre crédibilité à toutes et tous. Monsieur le garde des sceaux, elle pose la question de votre légitimité à représenter le Gouvernement dans le débat sur une proposition de loi de cette nature.
Permettez-moi néanmoins d'exposer ce que je voulais vous dire. Je veux tout d'abord réaffirmer la détermination de mon groupe à combattre toutes les formes de violences.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
C'est dans l'ADN des socialistes de participer à cet effort collectif.
Je réaffirme également avec force que nous porterons toujours au rang de priorité la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Aucune forme de tolérance ne viendra jamais contredire cet objectif.
Je rappellerai enfin notre volonté farouche de faire progresser le droit, avec clairvoyance et avec raison. Mais défendre l'État de droit ne revient pas à réduire la justice à un processus presque mécanique, qui rendrait obligatoire des peines. Nous dénoncerons toujours ce principe qui s'impose au juge, même s'il peut s'en défaire, et qui, d'une certaine manière, porte atteinte à son pouvoir en réduisant sa marge d'appréciation.
Dans ces conditions, la seule attitude valable, c'est celle qui consiste à examiner votre proposition de loi, madame la rapporteure, en se demandant si elle fait réellement progresser le droit.
D'abord, chacun sait que vous apportez une réponse politique à une actualité récente. Pour notre part, nous pensons non seulement que ces sujets sont graves, mais aussi qu'ils sont susceptibles de susciter un large rassemblement, deux raisons pour ne pas les traiter à chaud et en solo. Songez que vous n'avez pas même consulté la délégation au droit des femmes, qui aurait pu faire valoir un éclairage pluraliste et avisé.
Mme Marie-Noëlle Battistel applaudit.
Rappelons ensuite que le juge peut d'ores et déjà prononcer une peine complémentaire d'inéligibilité s'il l'estime adaptée. Il lui appartient de la motiver. Vous décidez d'inverser ce principe : selon les termes de cette proposition de loi, une violence aggravée entraîne l'inéligibilité ; à charge pour le juge de motiver sa décision d'écarter cette peine. Autrement dit, ce même juge n'explique plus pourquoi il sanctionne, mais pourquoi il ne suit pas le code pénal. Le problème, c'est que tous les auteurs de violences aggravées ne souhaitent pas être élus, que toutes les violences aggravées n'interviennent pas dans un même contexte et n'emportent pas des sanctions identiques en toutes circonstances. C'est donc dans la quasi-totalité des cas de violence aggravée que vous obligerez les juges à expliquer pourquoi ils ne prononcent pas la peine.
À travers ce coup de com' à bon compte, vous nous faites glisser lentement mais sûrement vers des réflexes de répression rapide et presque standardisée. Nous le déclarons : cette tendance lourde que vous alimentez est aussi dangereuse qu'inefficace. Votre proposition de loi, dans son empressement, peut conduire à des sanctions disproportionnées, dès lors qu'elles n'auront pas été précédées d'un examen attentif pour analyser finement chaque situation. Curieuse précipitation quand on sait qu'il y a quelques jours seulement, vous hésitiez encore à investir dans une circonscription des Français de l'étranger un candidat condamné pour violences volontaires sur un responsable du parti socialiste.
À croire que les violences entraînent chez vous des réflexes bien différents selon le camp dont elles proviennent.
M. Arthur Delaporte applaudit.
Vous souhaitez être exemplaires ? Introduisez donc dans le droit des peines d'inéligibilité pour ceux qui profèrent des propos racistes ou antisémites.
Quel est le sens de votre proposition, quand on sait que M. Éric Zemmour n'a jamais été menacé d'inéligibilité, alors même qu'il a été condamné trois fois pour injure raciale et provocation à la haine ?
Madame la rapporteure, vous auriez pu traiter de la durée, parfois infinie, des procédures judiciaires et des voies de recours qui désespèrent les victimes. Vous auriez pu ouvrir un débat souvent demandé sur l'exigence d'un casier judiciaire vierge de certaines infractions pour se porter candidat à des élections.
Malheureusement, au lieu de traiter ces questions de fond, vous avez choisi, pour aller vite, d'étendre aveuglément la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité. Quel en sera le résultat ? Depuis les années 1970, une quarantaine de textes de loi ont été publiés pour promouvoir la probité et combattre la corruption. Les résultats sont là et ils sont incontestablement positifs dans le personnel politique. Mais quel effet ont-ils dans l'opinion ? Eh bien, ils ont un effet inverse à celui qui était recherché. Chacun le sait, la confiance des Français dans leurs représentants s'érode inexorablement. Cette réalité devrait vous obséder, car faire de la politique, c'est d'abord comprendre les réalités du monde, ses contradictions et ses paradoxes. Vous ne nous mettrez sur le chemin de l'exemplarité que lorsque vous prouverez aux Français votre intention sincère de les écouter, de les comprendre et de faire progresser l'État de droit plutôt que de l'abîmer.
Avec cette proposition de loi, vous persistez dans des mesures de diversion qui ne sont pas à la hauteur et qui vous obligeront très vite à remettre l'ouvrage sur le métier.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.
Il est vrai que, selon les moments, on est plus ou moins fier de siéger dans cet hémicycle, et je reconnais que celui que nous traversons est assez compliqué.
Notre droit positif prévoit qu'en cas de violences aggravées, c'est-à-dire commises sur son conjoint, son enfant, ou une personne exerçant une mission de service public, par exemple, le juge a la faculté de prononcer une peine complémentaire d'inéligibilité.
En effet, au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de l'auteur, il peut faire le choix de ne pas prononcer une telle peine complémentaire, conformément au principe d'individualisation des peines.
J'insiste sur cette « faculté » donnée au juge, parce que c'est bien de cela qu'il est question aujourd'hui.
La proposition de loi qui nous est soumise vise à transformer cette faculté en obligation. Le juge serait ainsi tenu de prononcer une peine complémentaire d'inéligibilité pouvant aller jusqu'à dix ans pour celui ou celle qui se rendrait coupable de violences aggravées ayant entraîné une ITT ne dépassant pas huit jours, ou aucune ITT. Le juge ne pourrait s'exonérer qu'en motivant spécialement sa décision.
Cette proposition de loi vise donc à instaurer une peine minimale pour celles et ceux qui se rendraient coupables de telles violences, et ce dès le premier acte délictuel. Je dois admettre une certaine surprise. Au nom du groupe Horizons et apparentés, j'exprime notre incompréhension au regard de certaines positions. Il y a quelques jours à peine, certains s'opposaient avec fermeté à l'instauration d'une peine minimale pourtant extrêmement ciblée et proportionnée pour les violences commises en récidive – j'y insiste – envers nos forces de l'ordre, nos enseignants, nos agents hospitaliers, etc. ; voilà qu'aujourd'hui, ils soutiennent cette proposition de loi.
Vous semblez pointer ce qu'on pourrait qualifier de laxisme de l'institution judiciaire, qui vous aurait conduits à déposer cette proposition de loi. C'est parce que les juges, comme le souligne l'exposé des motifs, ne prononcent pas suffisamment cette peine d'inéligibilité que vous souhaitez la rendre obligatoire, contraindre le juge dans son office, et faire en sorte qu'il ne puisse s'en exonérer qu'exceptionnellement, par une décision spécialement motivée.
Permettez-moi de répéter que la proposition de loi nous interroge à plusieurs titres.
Tout d'abord, elle nous interroge du point de vue de l'échelle des peines. S'il est aujourd'hui facultatif de prononcer une peine complémentaire en cas de violences n'ayant pas entraîné d'ITT, ou que celle-ci est inférieure à huit jours, c'est obligatoire dans plusieurs autres cas, en raison de la gravité du délit ou du crime commis – les violences ayant entraîné une infirmité permanente, par exemple – ou en raison du lien direct entre le délit commis et l'exercice d'un mandat – je pense ici, entre autres, au délit de favoritisme. N'était-il pas opportun de ne prévoir l'obligation de prononcer une peine complémentaire que pour les délits les plus graves et d'en laisser l'appréciation au juge pour les autres délits ?
Rappelons à cet égard que l'impunité n'est jamais de mise : dans ce deuxième cas, le juge dispose bien de la faculté d'apprécier l'opportunité de cette peine complémentaire.
Ensuite, cette proposition de loi nous interroge sur notre vision de la politique pénale de réinsertion en cas de primo-délinquance. Doit-on vraiment traiter de la même manière un primo-délinquant et un récidiviste ? L'objectif principal de la première condamnation doit être non seulement de punir, mais aussi de prononcer la peine la plus efficace possible pour dissuader son auteur de passer à nouveau à l'acte. Lorsque cette peine n'a pas empêché la récidive, son auteur, pleinement conscient des risques, doit alors être sanctionné avec la plus grande fermeté. N'aurait-il pas été pertinent de réserver ce type de peine minimale aux auteurs de violences aggravées commises en état de récidive légale ?
Enfin, comme je vous l'ai indiqué en commission, le moment choisi pour la présentation de cette proposition de loi nous pousse à nous interroger. Le groupe Horizons et apparentés estime que le rôle des députés est de légiférer pour l'avenir et de penser le temps long ; sans nous abstraire de toute réalité et des sujets sur lesquels nos concitoyens se questionnent, nous pensons que ces sujets méritent d'être abordés dans leur globalité, avec recul, et sans perdre de vue ce qui nous anime tous : l'intérêt général. Cette remarque est encore plus vraie et importante s'agissant d'un sujet aussi majeur que celui des violences faites aux femmes.
Vous l'aurez compris : le groupe Horizons et apparentés était, et demeure, extrêmement réservé sur cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe Dem.
L'exemplarité – je vous ai dit tout à l'heure qu'il s'agissait du premier mot de mon intervention, vous en avez désormais la preuve – et la probité devraient être au cœur du contrat entre la population et les élus politiques. Mais affaire après affaire, non-lieu pour prescription après non-lieu pour prescription, condamnation après condamnation, ce contrat est de plus en plus mis à mal.
Au cours de la précédente législature, par exemple, nous avons subi à l'Assemblée nationale la présence d'hommes condamnés, comme Benoît Simian, condamné à huit mois de prison avec sursis pour harcèlement et harcèlement sexuel, ou Stéphane Trompille, condamné pour harcèlement sexuel à l'égard d'une collaboratrice. Tous deux étaient issus des rangs de la majorité d'alors ; aucun n'a fait l'objet de sanctions prononcées par notre institution.
Aujourd'hui, les condamnations restent trop rares : en 2020, seuls 0,6 % des viols déclarés avaient fait l'objet d'une condamnation, alors même qu'une femme sur dix seulement porte plainte. En effet, les victimes renoncent souvent à parler car, ce faisant, elles s'exposent à la vindicte, surtout si leur agresseur est leur supérieur, une personnalité, un ministre.
Pour discréditer leurs propos, certains instrumentalisent d'ailleurs la présomption d'innocence – ce principe essentiel du droit dont nous venons de parler longuement – au détriment du droit lui-même et de la justice. L'inversion de la charge qui en découle transforme les victimes en accusées, les poussant à renoncer à leurs droits. De telles pratiques doivent cesser – à commencer dans cette enceinte. Nous devons penser aux femmes, aux victimes contraintes au silence, et leur proposer plus d'outils, mieux adaptés.
Selon une étude comparative menée par la Fondation Jean-Jaurès, l'Assemblée est la seule chambre parlementaire à ne rien faire, à ne pas assumer sa part de responsabilité, à refuser d'agir lorsqu'il faut sanctionner des élus mis en cause pour violences ou violences aggravées. Le Parlement européen a, pour sa part, instauré dès 2014 une réponse institutionnelle au harcèlement moral et sexuel, qui intègre un volet relatif à la prévention et un volet dévolu aux sanctions. Année après année, les dispositifs ont été aménagés et améliorés : s'ils restent imparfaits, ils ont le mérite de permettre à la fois de prononcer des sanctions proportionnées et de réinsérer les personnes condamnées – d'être plus justes, donc.
Nous aurions pu nous en inspirer pour réformer les règles de l'Assemblée, et lancer un grand chantier, mais nous en sommes encore loin. Pourquoi ? Parce que vous avez voulu faire un coup politique, madame la rapporteure – et c'est fort dommage. Alors que nous pourrions, et devrions, légiférer avec la volonté de faire avancer au mieux les choses, vous avez voulu faire le buzz, en répondant à l'actualité dans un esprit tacticien, qui sème le doute sur l'intégrité de la démarche.
C'est ce que dénonce l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique, ce que les différents groupes de l'Assemblée vous reprochent, et ce qui nous plonge dans le doute pour voter. Vous le savez, les écologistes ont absolument toujours assumé le combat contre les violences sexistes et sexuelles en politique, dans les médias, dans nos rangs – même, et surtout, lorsque cela a été difficile.
Je vous le dis donc franchement, madame la rapporteure : le texte n'est pas à la hauteur du grand chantier que nous avons à entreprendre, qui doit certes prévoir un volet pénal, mais également un volet social, un volet politique, un volet éducatif. Dans un monde idéal, dans un parlement digne qui se respecte – permettez-moi de douter que ce soit le cas cet après-midi – nous reprendrions ce texte à zéro…
…pour y travailler toutes et tous ensemble, pour tenir notre engagement, et qu'au terme de nos travaux les femmes et les victimes disposent enfin d'outils dignes de ce nom. C'est dans cette attente que nous avons, comme vous l'avez souligné dans votre intervention liminaire, travaillé, et déposé des amendements visant notamment à recentrer le texte sur sa raison d'être. C'est le cas du premier que nous examinerons, déposé par le groupe Socialistes et apparentés, et qui tend à clarifier le dispositif et à élaguer le texte de toutes les dispositions de nature à faire naître des inquiétudes légitimes sur les bancs de l'Assemblée.
Les amendements déposés par le groupe Écologiste – NUPES – et qui sont d'ailleurs largement repris dans l'amendement de rédaction globale proposé par le groupe Socialistes et apparentés – tendent à construire un dispositif répondant davantage aux préconisations de l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique, et à élargir son champ d'application. Ces amendements, qui vont dans le bon sens, visent donc à donner au texte un minimum de contenu, afin qu'il permette réellement des avancées.
Le vote du groupe Écologiste – NUPES dépendra tout entier des avancées permises par les débats et le sort réservé à ses amendements : nous attendons de voir si l'Assemblée nationale est véritablement capable de réformer sa manière de sanctionner les coupables de violences – en particulier les violences sexistes et sexuelles – et de les prévenir.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES, et sur quelques bancs des groupes SOC et GDR – NUPES.
Dans sa Rhétorique, Aristote écrivait : « L'intention fait la culpabilité et le délit. » Dès lors, on pourrait dire que cette proposition de loi traite de plusieurs délits.
Les premiers, ce sont les violences aggravées, auxquelles vous souhaitez, à travers ce texte, étendre le champ d'application de la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité. Ainsi, s'il était adopté, les personnes reconnues coupables de violences aggravées – violences exercées sur certaines catégories de personnes, comme les mineurs, les personnes vulnérables ou les enseignants, ou violences commises par le conjoint ou une personne dépositaire de l'autorité publique, pour ne citer que ces cas – seraient obligatoirement condamnées à une peine complémentaire d'inéligibilité, sauf décision contraire du juge, devant être spécialement motivée.
Or si cette proposition de loi ne devrait rien changer pour l'immense majorité des personnes condamnées pour violences aggravées, elle formalise en revanche l'exigence d'exemplarité des élus et des membres du Gouvernement, que le Président de la République lui-même avait promise lors de sa première élection, avant qu'elle sombre dans les bas-fonds des promesses oubliées, bas-fonds que le Gouvernement vient de toucher avec le double bras d'honneur que le garde des sceaux a adressé, il y a quelques minutes, à un député.
En cette veille de 8 mars, votre proposition de loi, tel un symbole, pourrait sonner comme un message aux victimes de violences intrafamiliales commises par le conjoint, le concubin, ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité : celui de la lutte acharnée du Gouvernement contre ce fléau, dans toutes les sphères et pour toutes les femmes.
Mais si j'emploie ici le conditionnel, c'est que la phrase d'Aristote résonne à mes oreilles : « L'intention fait la culpabilité et le délit. » Collègues du groupe Renaissance, votre délit et votre culpabilité, c'est de n'avoir pas écrit ce texte pour renouer la confiance entre les élus et les électeurs ou pour servir la cause des victimes de violences intrafamiliales, mais uniquement pour servir votre groupe politique. Le moment choisi pour l'examiner est des plus opportuns : certes, l'actualité commande ce texte, mais force est de constater, lorsque l'on remonte le fil de l'actualité depuis la première élection du président Macron, que vous auriez eu bien des occasions de le faire précédemment.
En commission, j'avais tenté de rappeler la longue litanie des membres du Gouvernement et des députés LaREM mis en examen, accusés ou condamnés depuis 2017 : le temps m'avait manqué pour en terminer la liste. Je ne citerai donc aujourd'hui qu'un exemple, celui qui éclaire le mieux vos intentions : le cas de Benoît Simian, député LaREM condamné par la justice pour avoir harcelé et menacé sa femme à plusieurs reprises. C'était il y a sept mois seulement ; pourtant, à l'époque, votre groupe n'appelait pas à l'inéligibilité.
Pire : le bureau de l'Assemblée nationale, où les députés LaREM étaient majoritaires, avait refusé de lever son immunité parlementaire.
Alors, vos convictions changeraient-elles en fonction de la couleur politique de l'élu concerné ? Certains seraient-ils coupables non seulement de leurs actes, mais aussi de ne pas appartenir à votre camp ? Si la proposition de loi est un symbole, c'est donc avant tout celui de votre opportunisme politique.
En cette veille de la Journée internationale des droits des femmes, et puisque vous avez fait de la lutte contre les violences intrafamiliales une grande cause nationale, je voudrais vous rappeler quelques chiffres.
En France, plus de 210 000 femmes sont victimes, chaque année, de violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. En 2022, pas moins de 121 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint : un épouvantable record de ces trois dernières années. En outre, plus de 50 000 enfants et adolescents sont victimes de maltraitance chaque année.
La Réunion, où je suis élue, est l'un des cinq départements les plus touchés par les violences intrafamiliales : cinq plaintes y sont déposées chaque jour pour ce motif. Ce fléau gangrène la société réunionnaise et nécessite la mobilisation urgente de moyens financiers importants pour agir et prévenir. Or ils tardent à arriver, en particulier pour la justice, qui doit faire face à l'augmentation de ces violences.
L'enjeu ici n'est pas politique, mais sociétal : pour toutes les victimes de violences intrafamiliales, pour toutes ces femmes et tous ces enfants, nous exigeons le même empressement et le même acharnement à lutter et à agir que ceux que vous mettez à tenter de déstabiliser vos adversaires politiques car, ce faisant, vous faites l'inverse de ce que vous prônez : l'exemplarité des élus. Chers collègues, pour les victimes de violences, pour les femmes et les enfants, pour le peuple qui nous a élus, soyons exemplaires, dans nos actions comme dans nos intentions.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
En cette veille de la Journée internationale des droits des femmes, le groupe LIOT tient à rappeler qu'il a toujours soutenu les textes tendant, d'une part, à renforcer le lien de confiance entre les citoyens et leurs représentants et, d'autre part, à apporter une protection effective aux femmes face au fléau que constituent les violences conjugales, sexuelles et sexistes. Depuis le début de la législature, nous tenons notre engagement en la matière, et nous entendons maintenir ce cap.
Au fond, quel est l'objet de ce texte ? Permettra-t-il réellement d'améliorer le sort des femmes ? Les débats en commission et les fortes réserves, émises à la fois par les groupes d'opposition et par les groupes minoritaires de la majorité, nous indiquent le contraire.
Nous vivons une période de défiance vis-à-vis des responsables politiques : dans ce contexte, le Parlement doit écrire le droit, pas se contenter de symboles politiques. Selon un sondage Ifop, 52 % des citoyens n'ont pas confiance en l'action des responsables politiques pour lutter efficacement contre les violences conjugales. En instrumentalisant la lutte essentielle contre les violences faites aux femmes à de simples fins politiques, ce texte risque donc d'envoyer un nouveau signal regrettable aux électeurs. Madame la rapporteure, personne n'est aveugle : même si son objet est louable, votre proposition de loi s'inscrit dans une démarche politicienne.
Nous sommes bien évidemment attachés au devoir d'exemplarité auquel sont tenus les parlementaires et les membres du Gouvernement. Nous devons tous être à la hauteur des missions que la Constitution nous assigne. Cette exigence n'est pas nouvelle, chacun le sait : la probité, la transparence et l'intégrité constituent une nécessité éthique, qui fonde notre contrat social. Et nous estimons que ces devoirs justifient de soumettre les responsables politiques à des règles strictes.
De fait, les violences intrafamiliales sont en totale contradiction avec le devoir d'exemplarité. Attendre d'un responsable politique qu'il s'engage pleinement contre ces violences relève du bon sens. La peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité constitue une mesure d'une sévérité particulière, limitée pour cette raison à certains faits graves d'atteinte à la probité, tels que la corruption, le favoritisme, le détournement de fonds publics, mais également aux agressions sexuelles ou aux violences aggravées, ayant entraîné plus de huit jours d'ITT.
Étendre ce caractère d'obligation à toutes les peines prononcées pour violences aggravées, y compris si celles-ci n'ont donné lieu à aucune incapacité de travail de la victime, c'est prendre le risque de dénaturer la sanction. Ainsi, pourquoi rendre obligatoire la peine d'inéligibilité pour des violences sans incapacité commises dans un moyen de transport collectif et pas dans la rue ?
Notre groupe rappelle fermement que, même en l'absence d'incapacité, toute forme de harcèlement, toute violence physique ou morale est inacceptable, à plus forte raison dans le cercle familial. Reste qu'en pratique, madame la rapporteure, la mesure que vous proposez n'aurait aucune portée dissuasive. Vous savez en outre fort bien que, si le code pénal prévoit une peine obligatoire, le juge aura toujours, pour des raisons constitutionnelles, la possibilité – et c'est heureux – d'y déroger, afin d'éviter des manipulations. Concrètement, le seul effet du texte serait donc de contraindre un peu plus la plume du juge, en le forçant à motiver davantage son choix. Doit-on y voir une nouvelle preuve de votre défiance envers le système judiciaire ?
Sur ce point et afin d'éclairer nos débats, mes chers collègues, permettez un peu d'histoire parlementaire. Dans un passé récent, tant le Gouvernement que la majorité ont appelé à la prudence en matière d'inéligibilité – la Constitution garantit le principe d'éligibilité, ce qui explique le petit nombre des exceptions. En 2017, la garde des sceaux s'opposait avec fermeté à l'extension de cette peine obligatoire hors du champ des manquements à la probité, c'est-à-dire en matière de violences et d'agressions sexuelles ; même l'actuelle présidente de notre assemblée, alors à la tête de la commission des lois, indiquait que notre rôle consistait à produire du droit, non des symboles, et signalait une difficulté de nature constitutionnelle.
Notre groupe regrette que ce texte, dont le contenu dissimule mal le caractère opportuniste, détourne un combat essentiel pour les femmes, au risque de détériorer encore l'image du monde politique.
Madame la rapporteure, chers collègues, le Parlement n'a pas vocation à régir des situations particulières et, lorsque la loi se réduit à une réaction politique ou qu'elle fait office de tribune, elle n'est jamais efficace. Vous comprendrez donc les réserves de notre groupe au sujet de ce texte.
La vie politique est régulièrement secouée par des affaires qui, fondées ou non, font réagir la société, témoignant de son attachement à certaines valeurs – par exemple, ces dernières années, la transparence et la moralisation de la vie publique. Cet attachement nous oblige : un mandat électif public, c'est-à-dire le fait de se faire la voix des citoyens, confère devoirs et responsabilités ; en outre, au-delà des suffrages, seule une exigence d'intégrité politique permettra de restaurer l'indispensable confiance du peuple envers ses représentants.
Sur le plan juridique, d'importantes avancées ont été opérées par les lois organique et ordinaire du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique ; la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière ; la loi du 20 avril 2016 ; la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Sapin 2 ; les lois organique et ordinaire du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, voulues par notre majorité. Cette dernière loi ordinaire a substantiellement élargi le champ de la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité, introduite dans le droit par la loi Sapin 2 : elle est désormais prévue en cas de condamnation pour crime, quel qu'il soit, ainsi que pour certains délits, dont le législateur a établi la liste – manquements à la probité tels que la fraude électorale et la fraude fiscale aggravée, agressions sexuelles, ou encore discriminations et violences graves, auxquels la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure a ajouté les violences commises à l'encontre d'agents des forces de sécurité intérieure, qu'elles aient ou non entraîné une ITT.
Ces textes ont permis de raffermir les fondements de notre contrat social, autrement dit le lien de confiance entre les citoyens et les représentants politiques. Ces textes, dont celui de 2017, adopté dès le début de la précédente législature, prévoient des mesures concrètes en vue d'accroître la transparence du monde politique et de renforcer les exigences en matière de probité et d'exemplarité des élus, proscrivent définitivement certaines pratiques, rendent possible un choc de confiance entre les citoyens et leurs représentants.
Dans la même logique, il nous faut aller plus loin : encore une fois, la plus grande probité doit être exigible des détenteurs d'un mandat électif public. Tel est l'objet de cette proposition de loi, laquelle tend à étendre la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité aux violences aggravées visées par l'article 222-13 du code pénal, c'est-à-dire aux violences ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à huit jours – ou n'ayant pas entraîné d'ITT – et commises, par exemple, sur un mineur de 15 ans, sur une personne vulnérable, sur le conjoint, avec une arme, ou encore sur une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public.
Je rappelle que ces infractions sont passibles des mêmes peines que les violences ayant entraîné plus de huit jours d'ITT ; or celles-ci entrent déjà dans le champ de la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité, disposition validée en 2017 par le Conseil constitutionnel. En revanche, la proposition de loi ne modifie ni le régime de cette peine ni les garanties qui l'entourent, notamment la faculté pour le juge, par une décision motivée, de ne pas la prononcer ou, s'il le fait, de moduler sa durée.
Je n'ignore pas, mes chers collègues, que l'exigence d'exemplarité qui a inspiré ce texte est partagée, au-delà de la majorité présidentielle et sur tous les bancs de notre assemblée, par bon nombre d'entre vous : en témoignent l'adoption de la loi de 2017, à l'Assemblée comme au Sénat, à une très large majorité, ainsi que les ajouts dont sa navette parlementaire a été l'occasion, visant à étendre la peine complémentaire obligatoire aux violences contre les personnes, et qui émanaient de différents groupes.
Parce qu'elle guidera l'action publique, parce qu'elle permettra, encore une fois, de renouer avec les citoyens, notre groupe votera pour cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE, ainsi que sur les bancs des commissions.
La proposition de loi qui nous est soumise vise à étendre le champ d'application de la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité aux violences ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à huit jours et figurant à l'article 222-13 du code pénal, c'est-à-dire essentiellement aux cas de violences conjugales ou intrafamiliales. Il s'agit d'un texte de circonstance, la présidente du groupe Renaissance de l'Assemblée nationale ayant estimé que le retour dans l'hémicycle d'un député d'opposition, condamné à une peine d'emprisonnement avec sursis pour des faits de violences conjugales, n'avait « rien de normal », et annoncé le dépôt de cette proposition de loi, qui n'a aucune autre raison d'être.
Je m'inquiète et je dénonce ce dévoiement de la production législative au service de l'instantanéité, de l'émotion, si légitime soit-elle. Dans une autre vie, à une époque où il faut reconnaître que ce combat n'était pas vraiment pris au sérieux et encore moins médiatisé, je me suis consacrée durant trente ans, au sein d'associations – notamment le Centre d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) de Nîmes, qui fait un travail remarquable –, à la défense des femmes et des enfants victimes de violences intrafamiliales. À l'instar de l'immense majorité de nos concitoyens, je condamne ces dernières avec la plus grande énergie ; ce n'est pas pour autant, je le répète, que nous devons céder à la dictature de l'émotion et renchérir sur la législation en vigueur. Le texte proposé n'apportera rien, bien au contraire !
Il nous faut aller de l'avant, combattre ouvertement les violences infligées aux personnes vulnérables, véritable cancer de notre société, dissuader les conjoints violents, notamment par de lourdes peines de prison ferme. L'inéligibilité doit toutefois rester un complément de la peine principale, une sanction à la discrétion du juge, sans que le pouvoir législatif ne le contraigne à l'appliquer automatiquement, ce qui le décharge du soin d'en apprécier systématiquement la pertinence – au contraire, par une inversion de perspective, il n'est tenu de motiver sa décision que lorsqu'il s'abstient d'appliquer cette peine !
Le droit, en l'occurrence le droit pénal, ne se confond pas avec la morale, laquelle est largement affaire de circonstances et d'appréciation. Du point de vue du droit, les peines complémentaires prolongent au besoin la peine principale et devraient, en vertu du principe constitutionnel de nécessité des peines, avoir un rapport avec l'infraction sanctionnée. C'est le cas lorsque l'inéligibilité est prononcée pour fraude électorale ou détournement de fonds ; c'est nettement moins évident s'agissant des infractions visées par la proposition de loi. En tout état de cause, il n'est pas déraisonnable de penser qu'il revient in fine aux électeurs de décider de ce qu'ils attendent, humainement et moralement, de la représentation nationale, en élisant ou non un candidat condamné pour des faits visés à l'article 222-13 du code pénal : c'est aussi cela, la démocratie représentative. Il revient également aux partis politiques d'investir ou non un tel candidat :
Applaudissements sur les bancs du groupe RN
Les violences conjugales sont un sujet trop grave pour que l'on en fasse un objet bassement politicien : à ce stade de la discussion, et tel que ce texte nous est présenté, nous ne sommes convaincus ni de sa pertinence, ni des motivations de la majorité présidentielle. En effet, souhaiter rendre obligatoire la peine complémentaire d'inéligibilité pour des faits de violences conjugales ayant entraîné une ITT inférieure à huit jours, voire aucune ITT, après avoir refusé de soutenir la proposition de loi visant à mieux lutter contre la récidive, c'est à tout le moins manquer de cette cohérence à laquelle vous tenez tant !
Je le répète, chers collègues, l'enjeu est bien trop important pour donner dans les effets de manche, pour se satisfaire d'un texte quelque peu opportuniste et cosmétique. La lutte contre ces violences ne nécessite pas des annonces dans les médias, mais des mesures de terrain !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Cette proposition de loi n'a pas été suscitée par un vide juridique, les juges ayant déjà la faculté de prononcer une peine complémentaire d'inéligibilité ; celle-ci constitue désormais une obligation lorsqu'il s'agit de sanctionner nombre d'infractions, dont les violences à l'origine d'une ITT de plus de huit jours et commises sur un mineur de 15 ans, sur le conjoint, au sein d'un établissement scolaire, par une personne en état d'ivresse, sous l'emprise de stupéfiants ou encore dissimulant son visage.
Le texte prévoit de rendre l'inéligibilité obligatoire pour ces mêmes délits, indépendamment de la durée et même de l'existence d'une ITT – mesure qui, sans améliorer la justice, va imposer aux juges une nouvelle contrainte, réduisant leur marge d'appréciation et augmentant encore leur charge de travail, déjà bien trop lourde. En effet, la formation de jugement devra motiver sa décision si elle n'applique pas la peine, ce qui se produira dans la grande majorité des cas, une telle sanction n'ayant aucun sens lorsque le condamné n'est ni un élu, ni un militant politique, associatif ou syndical. Autant dire que vous souhaitez, pour ces cas d'espèce, une loi par conséquent totalement disproportionnée !
Comme toute forme d'inflation pénale, l'extension des peines n'a aucun effet en matière de dissuasion ou de prévention de la récidive, ne contribuant qu'à dégrader le fonctionnement de la justice. Dans ce cas précis, elle fait courir le risque d'une manipulation politicienne.
Cette proposition ne répond pas non plus aux exigences des citoyens et citoyennes en matière d'exemplarité des élus. Le cas d'Adrien Quatennens, que les auteurs du texte instrumentalisent de manière éhontée pour le justifier, est l'arbre qui cache mal la forêt de turpitudes macronistes depuis cinq années : onze condamnations, dont deux pour violences conjugales ; huit mises en examen, dont celles du secrétaire général de l'Élysée et de l'actuel garde des sceaux, accusés de prise illégale d'intérêt ; douze enquêtes en cours, dont une visant l'actuel ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, soupçonné de corruption et de prise illégale d'intérêt ; une autre enfin, visant l'un des cosignataires du texte, accusé de viol et de tentative de viol.
Mme Mathilde Panot applaudit.
Votre bilan, mesdames et messieurs de la Macronie, est bien plus scandaleux qu'exemplaire !
Protestations sur quelques bancs du groupe RE.
Surtout, vous passez complètement à côté du sujet de fond. Le droit d'éligibilité est un droit civique fondamental. L'extension de la peine d'inéligibilité au-delà du cadre actuel pose une question : qui doit arbitrer lorsqu'il s'agit de désigner les qualités et conditions nécessaires pour être élu ou continuer à exercer ses fonctions ? Les législateurs et législatrices, les juges, ou les électeurs et électrices ? En démocratie, le peuple n'est pas le problème mais la solution. Notre groupe, La France insoumise, avait proposé, dans le cadre de sa niche parlementaire de janvier 2022, l'instauration d'un droit de révocation des élus : la majorité macroniste de l'époque l'avait rejeté avec dédain, le garde des sceaux la jugeant « quelque peu démagogique » – parole d'expert !
M. Pascal Lavergne s'exclame.
Nous continuons à défendre cette mesure qui traduit notre volonté de donner plus de pouvoir au peuple et de renforcer les liens entre représentants, représentantes et représentés. Elle s'inscrit par ailleurs dans un processus plus vaste d'assemblée constituante, qui serait le pivot de la démocratisation des institutions et du renouvellement du pacte politique qui fonde notre peuple. Mais, plutôt que de lancer ce projet aussi audacieux qu'urgent et nécessaire, vous préférez accentuer les traits les plus autoritaires d'une V
Enfin, et surtout, cette proposition ne répond pas aux besoins de la lutte contre les violences faites aux femmes. Un changement de culture est nécessaire dans la société et dans l'institution judiciaire, pour mieux appréhender ces violences, qui sont massives et systémiques. Dans la justice, ce changement doit passer en priorité par un ralentissement de la cadence pénale, afin de mieux enquêter et d'analyser les situations particulières des personnes en cause.
Ralentissement de la cadence pénale ? Elle est déjà assez lente comme ça !
Il faut également permettre aux victimes de faire valoir leurs droits dans les meilleures conditions. L'urgence est à la mise en place d'un plan de prévention, de formation et d'aide aux associations, ainsi qu'à des investissements financiers massifs dans les services publics, notamment dans la justice. Il faut par exemple assurer une formation spécifique et obligatoire de tous les professionnels concernés ,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES
favoriser la désistance des hommes violents avec des stages de responsabilisation systématiques et renforcer les effectifs du service pénitentiaire d'insertion et de probation.
Dans votre texte, il n'est nulle part question de tout cela. Vous avez refusé tous nos amendements en ce sens. Votre bilan depuis cinq ans, sur ce sujet censé être une grande cause nationale, mériterait pourtant bien plus d'humilité et d'ouverture d'esprit. Vous n'en faites toujours pas preuve, choisissant la fuite en avant répressive : c'est la seule réponse que vous apportez à tout propos, sans jamais vous attaquer aux causes structurelles des problèmes ni allouer les moyens financiers nécessaires pour y remédier.
Cette proposition ne répond en définitive qu'à la mode sécuritaire « un fait, une loi ». Il s'agit purement et simplement d'une grossière, cynique et dangereuse instrumentalisation de la justice et de la lutte contre les violences faites aux femmes, à des fins bassement politiciennes. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La vengeance est un plat qui se mange chaud, apparemment ! En effet, c'est évidemment la présence au sein de notre assemblée d'un député condamné pour violences conjugales qui a motivé votre précipitation à déposer cette proposition de loi. Soyons clairs, le statut d'élu ne doit s'accompagner d'aucun privilège, d'aucun passe-droit. Le devoir d'exemplarité existe et mérite d'être rappelé. Mais votre projet de loi ressemble beaucoup trop à un texte de circonstance, d'opportunité, un texte d'émotion et, pire, de règlement de comptes.
Personne ici ne cautionne les actes que vous visez, bien évidemment, et nous ne devrions même pas avoir à le rappeler. Mais les violences faites aux femmes sont un sujet trop important pour que l'on en fasse un objet bassement politicien. Je m'y refuse. Personne ne peut me suspecter de sympathie particulière à l'égard de celui que vous visez au travers de votre texte, mais j'ai déjà eu l'occasion de le dire dans cet hémicycle : je déteste les lynchages, les chasses en meute et l'injustice.
Dans le passé, certains députés ont été poursuivis et condamnés pour des faits certainement aussi graves. Vous n'avez pas jugé bon, alors, de tirer de ces faits des textes de loi. Certains ont donné des coups de casque ; d'autres ont avoué avoir dealé de la drogue ; d'autres encore, y compris très récemment, en avoir consommé. Où sont vos propositions de loi ? Je ne les réclame pas, tant je les trouve dictées par l'émotion, presque toujours contre-productives et souvent adoptées sans aucun recul. En l'occurrence, je trouve injuste de poursuivre de votre vindicte un individu qui n'a simplement pas la même couleur politique que vous.
Je m'interroge donc sur le caractère et l'intérêt symbolique de cette proposition de loi. Les Français ne sont pas dupes. Ils savent faire la différence entre la politique d'affichage, pour ne pas dire de racolage, et celle de fond, celle qui s'attache à traiter en profondeur leurs problèmes. Le sondage du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) de 2022 a confirmé cette tendance, puisque 75 % des Français se disaient déjà très méfiants à l'égard de responsables politiques trop déconnectés du réel et trop soucieux de leurs propres intérêts.
Les violences faites aux femmes ne sont ni tolérables ni acceptables. En 2022, 9 % des femmes se disaient encore victimes de violences conjugales physiques ou sexuelles, et 11 % d'injures, d'insultes ou de dénigrement de la part de leur conjoint. Ces actes et ces paroles doivent être combattus dans l'hémicycle comme à l'extérieur, mais ils doivent l'être avec efficacité – une qualité que ne revêt malheureusement pas cette proposition de loi. Celle-ci ne fait que créer une peine complémentaire obligatoire, qui n'aura en réalité aucun caractère dissuasif.
L'exigence de transparence dans la vie publique et de probité des élus est naturellement, je le redis, un enjeu majeur pour renforcer la confiance des citoyens en leurs représentants. Lorsqu'un élu manque à son devoir d'exemplarité, c'est la démocratie qui est fragilisée. Mais prenons garde, à force de mesurettes de circonstance, à ne pas fragiliser plus encore le contrat social qui lie les citoyens et l'État. Certes, en condamnant les auteurs d'actes de violence à une peine d'inéligibilité, l'État enverrait un signal fort quant à sa détermination à lutter contre les violences conjugales. Mais prenons garde à respecter un principe cardinal de notre droit, celui de la proportionnalité des peines. En l'état actuel de notre droit, seuls les délits les plus graves induisent une peine d'inéligibilité obligatoire – j'insiste sur le terme « obligatoire ». Ne serait-il pas opportun, pour continuer d'obéir au principe de proportionnalité, de laisser au juge le soin d'apprécier l'opportunité de la peine ?
Et que dire de votre incohérence à vouloir que soit prononcée une peine obligatoire d'inéligibilité – alors qu'elle est aujourd'hui facultative, je le répète – à l'encontre de l'auteur de violences aggravées, même primo-délinquant, alors que, pas plus tard que jeudi dernier, vous avez refusé – vous associant ainsi à l'extrême gauche – de voter une peine minimale en cas d'agression, en récidive, de nos forces de sécurité ou d'une personne dépositaire d'une mission de service public ? Cherchez l'erreur !
Ou plutôt : chassez le naturel, il revient au galop ! Car votre majorité n'en est pas à sa première tentative. Incapable de résister à l'air du temps, à la facilité, à une certaine veulerie même, vous cédez à l'emprise médiatique, au qu'en-dira-t-on, à de pseudo-associations féministes, et vous vous transformez en véritables chiens de garde du politiquement correct.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Beaucoup d'entre vous, chers collègues, s'interrogent sur la raison pour laquelle nous avons souhaité déposer ce texte. Je vais vous la révéler sans fard et sans difficulté : c'est parce qu'il y a, dans notre droit, une faille. Nos missions, en tant que législateur, consistent d'abord à légiférer, ensuite à contrôler, enfin à évaluer. Lorsque l'évaluation révèle une faille dans notre droit – par exemple l'absence, parmi les condamnations pouvant entraîner une inéligibilité obligatoire, de la condamnation pour violences aggravées entraînant une ITT inférieure à huit jours, dans le domaine familial notamment –, il nous faut y remédier. C'est l'objet de la présente proposition de loi.
Lorsque nous avions examiné les projets de loi rétablissant la confiance dans l'action publique, en 2017, beaucoup d'entre nous s'étaient déclarés favorables à l'exigence d'un casier judiciaire vierge pour les élus. Or nous n'avons pas pu y parvenir, précisément parce qu'une peine obligatoire d'inéligibilité prononcée pour toutes les condamnations aurait été jugée disproportionnée par le Conseil constitutionnel. Il nous a donc fallu établir une liste, dans laquelle il est probable que nous avons oublié d'inclure certains types d'infractions – par exemple les violences aggravées ayant entraîné une ITT inférieure à huit jours. Aujourd'hui, si l'ITT dont bénéficie la victime s'élève à sept jours, l'auteur des violences n'est pas concerné par la peine d'inéligibilité, ce qui soulève tout de même des questions en termes de proportionnalité des peines. Il est de notre responsabilité, à cet égard, de faire évoluer le droit.
Il est vrai que cette discussion est corrélée avec un fait reproché à un député, mais notre assemblée n'est pas exclue du pays. Elle en est même très représentative – on nous le reproche d'ailleurs souvent – dans ses excès et dans son fonctionnement. Et, puisque les élus représentent les Français d'aujourd'hui, les citoyens attendent toujours qu'ils soient exemplaires.
C'est pourquoi nous avons souhaité compléter le droit existant avec une peine complémentaire dont le dispositif – je le dis à nos collègues du Rassemblement national – n'est pas identique à celui d'une peine principale. Lorsque la peine principale est une peine plancher, minimale, elle porte sur le fond de la condamnation et s'applique automatiquement. Le dispositif dont nous parlons aujourd'hui concerne au contraire une peine complémentaire à une peine principale, comme il en existe pour les interdictions judiciaires de stade prononcées à l'encontre des auteurs de délits commis dans ce cadre. Les dispositifs ne sont donc pas identiques – raison pour laquelle on ne peut pas les comparer.
Vous avez posé d'autres questions, notamment quant à la façon dont notre assemblée traite les violences intrafamiliales. Je voudrais d'abord souligner que l'Assemblée nationale a réalisé des progrès majeurs lors de la présidence par la députée socialiste Catherine Coutelle de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes : depuis, elle prévient beaucoup plus largement les faits de harcèlement. Mais notre assemblée a certainement aussi commis certains impairs dans le cadre du bureau – dans lequel siégeaient des représentants de l'ensemble des groupes –, lorsque les questions relatives à l'immunité parlementaire ont été évoquées. C'est bien dans le cadre du bureau cependant que ces questions doivent être posées, et non dans l'hémicycle. Chacun doit nettoyer devant sa porte. Si le bureau de l'Assemblée a des travaux à mener, je souhaite qu'il puisse les engager.
Des griefs ont enfin été exprimés au sujet de procédures en cours. S'il faut être intransigeant à l'encontre des personnes ayant été condamnées définitivement, en particulier à des peines d'inéligibilité, les personnes faisant l'objet d'une procédure en cours ont droit, comme les autres, à la présomption d'innocence – y compris si elles sont ou ont été membres du groupe Les Républicains.
Je le répète : elles ont droit, comme les autres, à la présomption d'innocence. Celle-ci s'applique pour les membres de l'ensemble des groupes politiques, de l'extrême droite à l'extrême gauche, tant qu'une condamnation n'est pas prononcée par un juge. J'ajoute à ce sujet que les juges n'ont qu'une obligation de moyens : il leur appartient, comme l'ont rappelé certains collègues, de motiver leur décision et d'infliger ou non une peine complémentaire d'inéligibilité selon des critères de proportionnalité, au regard de l'infraction et, le cas échéant, de sa réitération.
Ce texte se justifie donc de mon point de vue, d'autant plus que nous avons à cœur d'enrichir une loi que nous avons votée. D'origine parlementaire, il répond à des problèmes juridiques que nous avons constatés ensemble et permettra de compléter l'édifice dont nous sommes tous ensemble les auteurs.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Comme je l'ai fait en commission, je voudrais prendre le temps de répondre, avec humilité et sincérité, aux orateurs. Je l'ai déjà dit, nous avons tous à balayer devant notre porte. Tous.
Il serait trop simple de penser que les violences conjugales, intrafamiliales, sont l'apanage d'une seule catégorie de population, d'un seul groupe politique. Il serait trop simple de penser qu'il existe des coupables tout désignés. La vérité, c'est que les violences conjugales, intrafamiliales, sont au cœur de la société. Pour les éradiquer, nous devons, toutes et tous, faire preuve de dignité et d'exemplarité dans nos attitudes, nos votes, les positions que nous adoptons.
Je le dis en tant que présidente de groupe : je considère – et je pèse mes mots – que des comportements ont déshonoré notre assemblée sous la législature précédente. Je ne peux être plus claire.
Le bureau de l'Assemblée nationale – où je ne siégeais pas –…
…avait alors, à l'unanimité de ses membres, décidé de ne pas lever l'immunité de certains députés. Le bureau de l'Assemblée nationale a eu tort.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Chers collègues, que je réponde sur ce point ne devrait pas susciter de polémique !
Il a eu tort car l'immunité ne devrait en aucun cas servir à protéger des comportements et à placer ainsi les parlementaires au-dessus des lois et des citoyens. Alors oui, si nous étions saisis d'un cas semblable – ce que personne n'espère ici –, nous devrions faire évoluer la doctrine. Je pense même qu'il faudrait aller plus loin et, comme je l'ai dit en commission, dans le cadre d'une révision constitutionnelle, revoir la question de l'immunité parlementaire.
L'immunité parlementaire ne devrait jamais protéger les parlementaires de manière exorbitante, lorsqu'ils ont commis des actes dont la nature n'est en rien liée à leur mandat et même le déshonore.
Votre intervention nous salit en faisant croire que nous pouvons faire tout ce que nous voulons !
Lors des auditions, l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles et certains députés des groupes communiste et écologiste m'ont interpellée, fort légitimement, sur la manière dont notre assemblée doit s'emparer de ces sujets.
À la suite des engagements que j'ai pris en commission des lois ,…
À ce moment, M. Damien Abad entre dans l'hémicycle. – Mouvements sur divers bancs
…j'ai saisi officiellement la présidente de l'Assemblée nationale pour que ce point soit inscrit à l'ordre du jour du bureau. Ainsi, comme le demande l'Observatoire des violences sexistes et sexuelles, nous pourrons mesurer, évaluer et prendre les mesures qui s'imposent et qui seront demain l'honneur de l'Assemblée nationale. J'espère que nous pouvons à une large majorité, du moins au sein du bureau, nous retrouver sur ces principes.
Justement, quels sont les principes démocratiques qui devraient nous réunir ? La présomption d'innocence ne se piétine pas, et nous ne devons pas juger avant les juges. Nous, parlementaires, ne devons pas juger à l'Assemblée nationale. Ce n'est pas notre rôle, ce n'est pas le mandat qui nous a été donné.
La présente proposition de loi vise à étendre un dispositif qui avait recueilli un très large consensus en 2017. Les parlementaires avaient estimé à l'époque que, face à l'impossibilité d'exiger des candidats aux élections un casier judiciaire vierge, il convenait d'établir une liste de crimes, de délits et d'infractions manifestement contraires à l'éthique républicaine et à la capacité d'exercer un mandat de parlementaire ou d'élu local.
Nous ne proposons pas de revenir sur ces dispositions. Nous ne proposons pas davantage d'imposer aux juges une obligation.
Vous connaissez, monsieur le député, le principe d'individualisation de la peine et celui de non-automaticité de la peine. Ils sont essentiels, et nous ne souhaitons pas revenir dessus – relisez la proposition de loi et prenez connaissance des dispositions adoptées en 2017, que le Conseil constitutionnel aurait retoquées si elles y avaient attenté. Le magistrat aura faculté pleine et entière, et sa liberté de juger sera toujours respectée.
Brouhaha.
Certains députés n'ont pas envie d'être convaincus par ce texte, par principe ou par gêne car il y a eu, c'est vrai, un fait générateur. Je l'assume et je vais m'en expliquer.
C'est ma liberté de rapporteure que de prendre le temps de répondre. Nous débattons uniquement de ce texte cet après-midi, dans le cadre de la niche réservée à mon groupe. Si ce sujet ne vous intéresse pas, si vous pensez que j'y consacre trop de temps, vous êtes libre de partir.
Vives protestations sur les bancs des groupes RN et LR. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
De mon côté, je prendrai le temps nécessaire pour répondre sur le sujet.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Je ne me place pas sur le terrain de la morale. S'agissant de cette proposition de loi, vous ne m'avez jamais entendue parler de moralisation de la vie publique. Je parle de dignité et d'exemplarité de la vie publique !
Vives protestations sur les bancs des groupes RN et LR ; plusieurs députés désignent M. Damien Abad du doigt. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Madame la rapporteure, je vous invite à vous adresser à l'ensemble des députés.
C'est ce que j'essaye de faire, madame la présidente, mais encore faudrait-il que je ne sois pas interpellée.
Les orateurs, de façon parfois sous-jacente, m'ont interrogée sur le moment choisi pour le dépôt de cette proposition de loi et sur « l'opportunisme politique » – je reprends les termes employés – qui nous pousserait à la soumettre à votre examen.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Monsieur Pradié, respectez, pour une fois, les femmes lorsqu'elles ont la parole !
Les parlementaires que nous sommes ne sont pas en dehors de la société, mais au cœur de celle-ci.
Et de cette place, nous sommes interrogés sur notre mission, sur la façon dont nous l'assumons, sur la loi et la manière dont nous la faisons, sur la nécessité et la légitimité des dispositions que nous adoptons. Alors oui, il y a eu un fait d'actualité, qui a suscité beaucoup d'interrogations chez nos concitoyens.
En tant que parlementaires, nous devons nous demander si, à l'avenir – puisque la loi n'est pas rétroactive – nous voulons que nos concitoyens nous interpellent encore et nous demandent si nous sommes dignes d'être des élus de la République.
Brouhaha.
Je l'assume, cette proposition de loi correspond à un moment précis de la vie politique. Mais elle ne fait que répondre aux interrogations suivantes : est-ce que, oui ou non, des citoyens condamnés pour des faits de violences conjugales peuvent se soumettre aux suffrages des Français ? Est-ce que, oui ou non, des citoyens qui ont frappé leurs enfants sont dignes d'être élus ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Est-ce que, oui ou non, des citoyens condamnés pour des violences racistes ou antisémites méritent de se présenter aux élections ?
Est-ce que, oui ou non, des citoyens condamnés pour coups et blessures sur des personnes vulnérables ou en situation de handicap peuvent être candidats aux élections ?
Voilà, sous diverses formes, l'unique question que pose ce texte.
Notre assemblée a la responsabilité, parce qu'elle le peut, d'y apporter une réponse claire. Oui, chaque groupe, chaque parti politique doit balayer devant sa porte, et demain, nous devrons aller plus loin et nous interroger sur l'immunité parlementaire. Mais aujourd'hui, vous devez répondre à une seule question : est-ce que, oui ou non, tous les Français, y compris lorsqu'ils ont été condamnés pour des faits de violences aggravées, sont dignes de se présenter au suffrage de leurs concitoyens ?
Protestations sur divers bancs.
Chers collègues, s'il vous plaît, écoutez la rapporteure terminer son intervention !
Mme la rapporteure garde le silence ; les députés du groupe RE se lèvent et l'applaudissent.
Claquements de pupitres et exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.
Mme la rapporteure reste silencieuse, visiblement émue. – Les députés des groupes RE et Dem se lèvent et l'applaudissent de nouveau, en guise d'encouragement.
Je vais conclure, chers collègues du groupe LFI et, en vérité, c'est vous qui, de manière indigne, m'obligez à dire ce que je vais vous dire.
Plusieurs députés du groupe LFI – NUPES montrent leur surprise.
Je n'accepte pas, aucune députée dans cet hémicycle ne le peut, les procès en opportunisme sur la question des violences faites aux femmes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Entendre à l'extrême gauche, comme à l'extrême droite, des députés mettre en doute ma sincérité, s'agissant d'un combat que nous devrions tous mener…
Je n'instrumentalise pas ce combat, madame Obono, car je sais de quoi je parle !
Claquements de pupitres sur les bancs du groupe RN. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Laissez parler la rapporteure !
Madame Obono, ça suffit ! S'il vous plaît, cessez d'interpeller Mme la rapporteure ; si vous voulez vous exprimer, demandez la parole.
Mme Danièle Obono continue de s'exclamer.
S'il vous plaît, madame la rapporteure, ne répondez pas de façon personnelle mais adressez-vous à l'Assemblée dans son ensemble !
Bruit.
Le bruit continue.
Exclamations sur tous les bancs.
Brouhaha.
Personne ne sait, ici, ce que nous pouvons vivre ou ce que nous avons vécu dans l'intimité. Oui, je sais exactement de quoi je parle quand j'évoque les violences conjugales.
Je sais de quoi je parle et peut-être est-ce le cas de beaucoup, ici, qui n'en ont pas fait étalage, qui n'avaient pas forcément envie d'en parler. Mais entendre, intervention après intervention, remettre en cause ma sincérité dans ce combat comme vous l'avez fait, je ne peux pas le laisser passer.
Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs des groupes RN et LR. – Mme Danièle Obono s'exclame.
Je n'entendrai pas une minute de plus que je ne suis pas sincère dans ce combat.
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem, en réaction aux exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI – NUPES. – Mme Danièle Obono s'exclame de nouveau.
Mais pourquoi n'acceptez-vous pas, à un moment, de vous taire, d'entendre ce que nous avons à dire ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Brouhaha. – Exclamations sur la plupart des bancs.
Je crois qu'à la place que j'occupe j'ai entendu suffisamment de choses aujourd'hui. Donc je vous assure que je tiens mes nerfs et que je tiens un groupe parlementaire qui est attaché à la lutte contre les violences conjugales.
Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe RE, dont les députés se lèvent, ainsi que sur de nombreux bancs du groupe Dem.
Je défends une proposition de loi qui, en fin de compte, ne vous pose qu'une question, en dehors de tout opportunisme politique, en dehors de tout cynisme politique, une question claire, simple : est-ce que, oui ou non, ceux qui ont été condamnés pour des violences aggravées, ceux qui ont été condamnés pour des faits de violence conjugale méritent, demain, d'être des élus ?
Nous répondons clairement qu'ils ne méritent pas de se présenter aux suffrages des Français. C'est la seule question qui est posée, et j'aimerais que vous cessiez de systématiquement remettre en cause la sincérité de nos combats.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Exclamations sur la plupart des bancs.
Brouhaha.
Je pense pourtant que ce texte le mérite, que ce combat le mérite. Je pense qu'il mérite de n'être dévoyé par personne, qu'il ne mérite aucunement d'être taxé de cynisme, d'opportunisme politique. Et, à la fin, il y aura ceux qui voteront pour et ceux qui voteront contre.
S'il y a des réserves sur le fond, que j'entends et auxquelles j'ai essayé de répondre le plus clairement possible, le message politique est clair, parce que, oui, nous sommes là pour faire de la politique ! Nous sommes là, en tant qu'élus, pour dire que, non, les auteurs de violences aggravées ne méritent pas de devenir des élus de la République.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. De nombreux députés du groupe RE se lèvent pour applaudir.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante-cinq.
Rappels au règlement
Mon intervention se fonde sur l'article 100, relatif à la bonne tenue de nos débats.
Je tiens à revenir sur le moment que nous venons de vivre. J'aurai une première remarque à l'attention des députés du groupe Renaissance et de leur présidente. La sincérité de votre combat sur l'égalité entre les femmes et les hommes ne serait pas mise en cause si, quand une personne défend la parole des femmes, vous ne vous leviez pas pour la huer.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Deuxièmement, l'Assemblée nationale a durement sanctionné des propos racistes – c'est très bien – ,…
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES
…mais les propos misogynes ou sexistes qui peuvent être prononcés dans l'hémicycle, et qui tombent sous le coup des mêmes articles de loi que les propos racistes, sont pléthoriques et systématiques lorsque les femmes s'expriment.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Sébastien Chenu s'exclame.
À cet égard, je tiens à dire à la présidence de l'Assemblée et aux groupes politiques…
…qu'il n'est pas possible qu'en 2023 nous, les femmes politiques, nous, les femmes députées, subissions votre sexisme éhonté à l'intérieur de cet hémicycle ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, certains députés s'étant levés, ainsi que sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES
et qu'il serait temps que les mêmes sanctions s'appliquent à ces agissements que lorsque des propos LGBTphobes ou racistes sont proférés.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et GDR – NUPES. – Mme Sandra Marsaud applaudit également.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour un autre rappel au règlement. Sur quel article se fonde-t-il, s'il vous plaît ?
Il se fonde sur l'article 100, relatif à la bonne tenue des débats – étant donné qu'il nous reste encore à discuter des amendements à l'article unique et à nous prononcer sur la proposition de loi.
Je rappelle que nous nous en sommes tenus à nous exprimer sur le fond lors de nos débats en commission, y compris lorsque les auteurs et les cosignataires de la proposition de loi ont identifié un fait, une affaire personnelle comme étant le cœur de la proposition de loi – chose que la rapporteure a de nouveau fait aujourd'hui en séance. Nous nous sommes exprimés sans jamais mettre en cause la sincérité de qui que ce soit, mais en analysant l'objet du texte, tout comme l'ont fait toutes les intervenantes et tous les intervenants ayant fait part de leur opposition ou de leurs réserves lors de la discussion générale. Nous considérons en effet qu'il y a ici une forme d'instrumentalisation.
J'ajoute que les procès en féminisme sont également faits lorsque les choses sont présentées de manière aussi caricaturale, et en sous-estimant…
Chère collègue, je vous propose que nous en venions au fond en commençant l'examen de l'article unique, soit justement ce que vous demandez.
…les interventions lors de la discussion générale n'ont jamais mis en cause personnellement la rapporteure, mais le choix politique qui est ici fait.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Et comme je commençais à le dire, nous pouvons considérer que présenter les choses de manière aussi caricaturale revient à mettre en cause l'engagement des militantes féministes que nous sommes, engagées dans cette lutte contre les violences faites aux femmes au même titre que n'importe qui.
Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article unique de la proposition de loi.
Sur l'amendement n° 1 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) d'une demande de scrutin public.
Sur l'amendement n° 4 et sur l'article unique, je suis saisie par le groupe Renaissance de deux autres demandes de scrutins publics.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir l'amendement n° 1 , visant à réécrire l'article unique.
Madame la rapporteure, je tiens à vous dire que nous croyons pleinement en votre sincérité dans ce combat et que nous ne la mettrons jamais en doute. J'espère que vous croyez également en la nôtre, laquelle se traduit par cet amendement, qui vise à résoudre certaines incohérences de votre proposition de loi. Je précise à cet égard que ce n'est pas faire injure à votre combat ni à votre engagement personnel que de pointer ces incohérences, et que nous ne cherchons évidemment pas à amoindrir votre ambition, qui est de mieux sanctionner les violences sexuelles et sexistes.
Voici donc les incohérences que je souhaitais évoquer.
Si votre texte venait à être adopté, Camille deviendrait inéligible, car après avoir bu quelques verres de trop, elle s'est bagarrée à la sortie d'un bar. Mais ce ne serait pas le cas de son ex-compagnon, Stéphane, qui diffuse des vidéos d'elle à caractère sexuel sur les réseaux sociaux.
Autre exemple : François deviendrait inéligible, parce qu'il s'est montré un peu trop virulent lorsque l'enseignante de son fils l'a critiqué. Peut-être une telle sanction serait-elle souhaitable, mais Jean-Marc, qui consulte régulièrement des vidéos pédopornographiques, ne l'encourrait pas.
De la même manière, Karim deviendrait inéligible, car il s'est énervé contre son gardien d'immeuble après que celui-ci a perdu l'un de ses colis.
En revanche, Éric ne le serait pas, alors qu'il incite à la haine raciale en bas de ce même immeuble presque tous les jours.
Enfin, comble de l'ironie, Nicolas deviendrait inéligible pour avoir giflé une prostituée, mais pas Xavier, alors qu'il est le proxénète de cette dernière.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Ainsi, l'amendement que nous vous proposons et qui vise à réécrire l'article unique entend réserver la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité aux seuls délits justifiant réellement une telle sanction.
J'ajoute enfin que, ce faisant, nous nous mettrions en conformité avec les exigences énoncées par le Conseil constitutionnel, que vous avez rappelées dans l'exposé des motifs de votre proposition de loi visant à étendre cette peine à de nouvelles infractions. Le Conseil constitutionnel considère en effet que la peine complémentaire d'inéligibilité ne se justifie que dans deux cas : d'une part, pour les crimes et les délits d'une particulière gravité et, d'autre part, pour les délits révélant des manquements à l'exigence de probité ou portant atteinte à la confiance publique ou au bon fonctionnement du système électoral.
Par cet amendement, nous respecterions les exigences du Conseil constitutionnel et, je le répète, apporterions de la cohérence à votre proposition de loi. Je ne doute pas que, croyant en notre sincérité, vous émettrez un avis favorable, madame la rapporteure.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Comme je vous l'ai dit en commission des lois, monsieur le député, la difficulté que présente votre amendement visant à réécrire l'article unique est qu'il établirait de facto une hiérarchie dans les différentes violences listées à l'article 222-13 du code pénal. Si cet amendement était adopté, certaines violences aggravées seraient ainsi exclues du champ d'application de la proposition de loi.
Je précise à cet égard que nous ne parlons pas ici de simples emportements, mais bien de violences aggravées, même si celles-ci ont entraîné des ITT de moins de huit jours – mais potentiellement de six ou sept jours. Par exemple, votre amendement aurait pour effet d'exclure les violences commises à l'encontre du personnel scolaire. J'insiste, je ne fais pas ici référence à un petit emportement d'un parent d'élève mais à des violences physiques sur un enseignant au point de lui causer une ITT de sept jours.
De plus, par cet amendement, vous tendez à exclure les violences commises sur les mineurs de moins de 15 ans.
Si, c'est très clair : il suffit de relire les alinéas que vous ciblez dans votre amendement, lesquels n'incluent pas les violences commises à l'encontre du personnel scolaire ni celles commises à l'encontre des mineurs de moins de 15 ans. J'y insiste, nous parlons ici de personnes condamnées pour violences aggravées et ayant entraîné des ITT de moins de huit jours – donc possiblement de sept jours.
L'avis est donc défavorable sur cet amendement, et je vous suggère même de le retirer, car je ne crois pas que vous souhaitiez que, demain, il y ait une hiérarchie dans les violences aggravées.
L'un des mérites de la proposition de loi est d'apporter de la cohérence dans le code pénal. Or cet amendement – mais je pense également que ce n'est pas votre intention, monsieur le député – ajouterait justement de l'incohérence, ainsi que Mme la présidente Bergé l'a parfaitement expliqué. Aussi ne puis-je qu'y être défavorable.
J'apporte mon soutien à cet amendement, qui me paraît essentiel, madame la rapporteure, si nous voulons que les choses avancent grâce à ce texte. Il nous permettrait en effet de mieux cadrer le débat et d'exclure tous les types d'infraction qui ne sont pas légitimes à faire l'objet d'une peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité. Je précise que l'adoption de cet amendement ferait tomber ceux que j'ai moi-même déposés : c'est dire tout l'intérêt que je lui trouve. J'estime même que, s'il n'est pas adopté, ce serait toute la pertinence du texte et notre capacité à le voter qui seraient remises en question.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Ian Boucard applaudit également.
Je vois que plusieurs députés souhaitent prendre la parole. Je suis prête à la leur donner, mais l'heure tourne et, si vous souhaitez que nous achevions l'examen de la proposition de loi avant vingt heures, je vous engage à faire preuve de concision.
La parole est à Mme Perrine Goulet.
De manière très concise, je tiens à soutenir les propos de Mme la rapporteure. Votre amendement, monsieur Saulignac, tend effectivement à écarter les violences commises sur les mineurs de moins de 15 ans du champ d'application de la proposition de loi.
Si, relisez votre amendement. Les violences commises sur les mineurs de 15 ans figurent au 1
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
Cet amendement de notre collègue Saulignac vise à réécrire le texte et, à titre personnel, il me semble préférable à la présente rédaction – ce qui soulève d'ailleurs selon moi une grave difficulté. En effet, nous abordons ce sujet très grave par l'intermédiaire d'une proposition de loi, or je suis convaincu, monsieur le garde des sceaux, qu'une telle question devrait plutôt faire l'objet d'un projet de loi, assorti d'une étude d'impact.
Je le répète, le sujet est trop grave pour être traité par une proposition de loi et, à titre personnel, je ne pourrai la voter.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et LR.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 267
Nombre de suffrages exprimés 242
Majorité absolue 122
Pour l'adoption 60
Contre 182
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
Je ne vous cache pas ma déception à la suite du rejet de l'amendement n° 1 , qui nous aurait permis d'avancer dans le bon sens.
Respectez les femmes, monsieur Pradié ! À la veille du 8 mars, franchement !
Quoi qu'il en soit, ces quatre amendements, qui reprennent les préconisations de l'Observatoire des violences sexuelles et sexistes en politique, visent à ajouter certaines infractions, en l'occurrence la pédopornographie, les discriminations telles que les insultes raciales, le revenge porn et les violences psychologiques, dans le champ d'application de la proposition de loi, qui ne les inclut pas.
Nous avons eu l'occasion d'échanger sur ces différents sujets, madame la députée. Je serai favorable à l'amendement n° 4 , qui tend à élargir le champ de la proposition de loi à la pédopornographie. Il me semble qu'il s'agit d'un élément essentiel et parfaitement cohérent avec notre action contre les violences intrafamiliales, et eu égard à certains faits d'actualité. J'estime important d'ajouter cette infraction.
En revanche, je demanderai le retrait des trois autres amendements ou, à défaut, leur donnerai un avis défavorable. S'agissant d'abord des violences psychologiques, vous l'avez dit, la loi de 2017, que le présent texte tend à prolonger, les inclut déjà. Quant aux autres infractions, elles ne font pas l'objet du même quantum de peine, si bien que nous encourrions un risque d'inconstitutionnalité.
Il est le même que celui de Mme la rapporteure.
En appui à notre amendement n° 4 , je rappellerai qu'en novembre 2022 quarante-huit hommes soupçonnés d'avoir massivement téléchargé et consulté des images et des vidéos pédopornographiques ont été interpellés en France, et que parmi eux figuraient plusieurs élus locaux. Voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement et que nous vous invitons à le voter le plus largement possible.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 272
Nombre de suffrages exprimés 251
Majorité absolue 126
Pour l'adoption 245
Contre 6
L'amendement n° 4 est adopté.
L'amendement n° 5 n'est pas adopté.
Exclamations sur plusieurs bancs.
Plusieurs orateurs se sont inscrits. Je les invite à la concision.
MM. Ian Boucard et Hervé Saulignac renoncent à prendre la parole.
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
L'explication de vote est de droit. La mienne sera d'autant plus rapide si je peux m'exprimer dans le calme.
Des personnes condamnées pour des faits de violence aggravés peuvent-elles, ou non, représenter les Français et les Françaises ? C'est la question qui nous est posée aujourd'hui. Beaucoup ont mis en avant les arrière-pensées de la majorité sur ce texte. Madame Bergé, en commission, vous nous disiez que certains faits nous demandent d'agir et de réagir. Sur d'autres faits, à d'autres moments, nous aurions aimé vous voir agir et réagir bien avant qu'ils n'arrivent.
Mmes Sandrine Rousseau et Sabrina Sebaihi applaudissent.
Cette proposition de loi laisse en bouche le goût amer de l'instrumentalisation. Faut-il pour autant rejeter ce texte parce qu'il serait opportuniste ? Les violences contre les femmes ne sont pas le fait de quelques hommes, d'accidents ou de hasard : elles sont le produit de notre société patriarcale et de notre histoire.
Elles touchent tous les milieux sociaux, toutes les générations et, par voie de conséquence, nos partis et nos groupes politiques.
Mme Marie-Charlotte Garin se tient non loin de M. Damien Abad.
Il y a quelques jours a eu lieu le vingt-septième féminicide depuis le début de l'année. Cette femme avait pourtant déposé plainte au commissariat.
Seuls 0,6 % des viols ont fait l'objet d'une condamnation en 2021. Pour avancer sur ces cas, il faut des moyens humains et financiers et du temps pour l'enquête et l'analyse des situations personnelles. Il nous faut aussi de l'exemplarité, de la part de tous les hommes et de toutes les femmes politiques de notre pays. Ce texte n'est pas révolutionnaire. Nous regrettons que nos amendements n'aient pas été acceptés malgré la volonté de travail commun que vous aviez affichée en commission.
Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – NUPES s'abstiendra, mais nous n'en resterons pas là, et nous vous demandons, madame la rapporteure, la création d'une mission d'information transpartisane sur les violences sexistes et sexuelles en politique qui nous permettra d'aboutir à des recommandations solides et élaborées ensemble. L'exemplarité et le devoir nous obligent.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Madame la rapporteure, votre texte est porteur d'un message simpliste et populiste : il aurait la double vertu de lutter contre les violences conjugales et de renforcer la probité des élus.
La lutte contre les violences faites aux femmes est au cœur des combats de notre groupe. Tous les textes visant à lutter contre les violences intrafamiliales ont reçu notre approbation et notre soutien, d'où qu'ils viennent, sans esprit partisan. Les multiples propositions que nous avons faites lors des législatures précédentes le prouvent également, mais elles ne trouvent pas leur place dans cette proposition de loi, et pour cause : ce n'est pas son objet. Son dépôt relève d'une basse manœuvre politicienne. Personne n'est dupe. Les interventions qui se sont succédé, et notamment celle – excellente – de ma collègue Emeline K/Bidi, en ont fait la démonstration.
Concernant la probité des élus, permettez-moi de vous dire, madame Bergé, que votre soif d'exploiter un acte condamnable et de condamner un adversaire politique nous entraîne sur une voie dangereuse. En insérant une simple référence dans l'article 131 -26 -2 de notre code pénal, la peine complémentaire d'inéligibilité devient obligatoire alors qu'elle est, jusqu'à présent, simplement possible, si le juge l'estime nécessaire et adaptée. Cette peine quasi automatique limitera la liberté du juge et s'ajoutera à la peine prononcée pour des violences légères commises par un élu, mais également par n'importe quel autre citoyen.
Des violences légères qui n'ont pourtant provoqué qu'une incapacité de travail inférieure à huit jours, voire aucune incapacité ; des violences légères qui n'impliquent pas nécessairement un contact physique entre l'auteur et la victime ; des violences légères qui ont, dans notre code pénal, le statut de contraventions et qui sont ici qualifiées de délictuelles car elles s'accompagnent d'une ou plusieurs circonstances aggravantes, parmi une liste de dix-huit tenant compte de la qualité de l'auteur, de celle de sa victime, des circonstances dans lesquelles elles ont été commises ou du lieu de l'infraction…
Je dispose de cinq minutes de temps de parole. J'espère que cela ne vous dérange pas.
Vous constatez tous que même un homme peut être interrompu dans l'hémicycle.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et LR. – M. Rémy Rebeyrotte applaudit également.
Le danger de votre texte réside dans cette référence aux violences légères, qui était absente de la loi de 2017 pour la confiance dans la vie politique. Cette loi n'avait retenu que des délits relevant des manquements à l'exigence de probité, portant atteinte à la confiance publique ou au bon fonctionnement du système électoral, ou bien se traduisant par les atteintes les plus graves aux personnes.
Toutes les infractions prévues par le droit français ne témoignent pas d'une inaptitude manifeste à l'exercice de fonctions électives et ne peuvent donc toutes conduire à une inéligibilité obligatoire. Cette proposition de loi nous entraîne vers une dérive qui conduirait à un nombre excessif de cas d'inéligibilité, peu justifiés car provoqués par des fautes vénielles.
Une focale large fait courir le risque d'une instrumentalisation de la justice à des fins d'élimination d'adversaires politiques, sur le modèle de la république athénienne du V
Pour renforcer la probité et l'exemplarité des élus, pour que les électeurs nous accordent leur confiance, commençons par voter des lois utiles, des lois visant à lutter contre les violences faites aux femmes, et non des lois qui visent uniquement à se débarrasser d'adversaires politiques.
L'exemplarité, c'est avant tout ce qui peut être cité comme modèle à imiter. Dans le champ politique, l'exemplarité se mesure par l'attitude, par les actes et par les paroles des responsables politiques, mais aussi par le dévouement au bien commun et à l'intérêt général. Si l'exemplarité est indispensable pour renouer avec la confiance de nos concitoyens, elle suppose, au-delà des lois, le développement d'une éthique personnelle.
Les votes des députés de notre groupe se partageront entre l'abstention, le vote pour et le vote contre, mais, dans leur majorité, ils voteront contre ce texte.
M. Francis Dubois applaudit.
M. Paul Molac renonce à prendre la parole.
La parole est à Mme Caroline Parmentier.
Nous nous interrogeons sur l'article unique de cette proposition de loi, qui veut rendre obligatoire la peine d'inéligibilité. Cette sanction est déjà prévue dans le code pénal au titre des peines complémentaires et s'applique selon l'appréciation du juge au regard du contexte des faits. Nous ne devons pas créer de loi d'opportunité dictée par l'actualité. Le peuple est, et doit rester, le juge naturel de qui peut se présenter et de qui sera élu. Les juges sont libres d'appliquer en opportunité les peines accessoires. C'est donc un texte pour rien ! Je vous appelle à la prudence sur les textes dictés par la médiatisation, l'émotion ou la réaction immédiate. Le juge est à même d'apprécier les faits rendant obligatoire cette peine complémentaire d'inéligibilité. Nous ne devons pas limiter son pouvoir d'appréciation ni faire d'une telle peine une arme politique.
Je m'interroge au sujet des députés de la gauche et du centre, qui souhaitent créer une nouvelle peine automatique alors qu'ils ont voté, la semaine dernière, contre les peines planchers en cas de récidive.
Enfin, je vous adresse mes condoléances pour votre proposition de loi, flinguée par les deux bras d'honneur du ministre de la justice – eh oui, de la justice !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 284
Nombre de suffrages exprimés 253
Majorité absolue 127
Pour l'adoption 113
Contre 140
La proposition de loi n'est pas adoptée.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de l'examen de la proposition de loi relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures dix.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra