Les violences, quelles qu'elles soient, sont intolérables en démocratie et il incombe à la justice – et à elle seule, vous avez raison, madame la rapporteure – de les réprimer avec fermeté, conformément à la politique pénale extrêmement claire que je conduis en matière d'atteintes aux personnes.
La justice, mesdames et messieurs les députés, est le fondement de notre contrat social. C'est d'abord, en effet, la confiscation du droit à la vengeance. Tout acte de violence doit être sanctionné avec force non seulement parce qu'il fait un mal insupportable à ceux qui en sont victimes, mais aussi parce qu'il viole le contrat social dont nous sommes les porteurs dans nos fonctions respectives. C'est la raison pour laquelle ces violences sont d'autant plus inacceptables lorsqu'elles sont commises par des élus de la République.
Il s'agit d'abord de maintenir le lien de confiance entre les Français et ceux qu'ils choisissent pour porter leur voix. Je suis, comme chacun d'entre vous, très sensible à cette préoccupation et soucieux de faire en sorte que ce lien de confiance ne soit pas rompu par la violence de ceux-là mêmes qui devraient montrer l'exemple.
Beaucoup a déjà été fait dans cet hémicycle afin de renforcer ce lien. Je ne citerai pas dans le détail les nombreuses réformes votées ces dernières années pour éviter les abus que nous avons pu connaître par le passé. Ces différentes lois ont contribué à instaurer des comportements plus vertueux dans l'exercice des mandats électifs.
Aussi, madame la rapporteure, vous remercierai-je pour votre proposition de loi qui vise à étendre aux violences aggravées le champ d'application du prononcé obligatoire de la peine d'inéligibilité. Elle s'inscrit pleinement dans la continuité de la politique engagée par le Gouvernement à travers les lois organique et ordinaire du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique défendues par ma prédécesseure, Nicole Belloubet. Ces lois ont d'ores et déjà considérablement renforcé la portée de la peine complémentaire d'inéligibilité qui peut être prononcée pour un maximum de dix ans en cas de crime ou lorsque la personne condamnée exerce une fonction de membre du Gouvernement ou un mandat électif public. Elle est également prévue pour une durée de cinq ans lorsque la condamnation est prononcée pour un délit commis par un citoyen non élu.
Depuis l'adoption de ces lois, en 2017, le prononcé de la peine complémentaire d'inéligibilité a été étendu à une large liste d'infractions incluant les crimes et les délits les plus graves, parmi lesquels les agressions sexuelles, le harcèlement moral ou sexuel et les discriminations.
Cette liste d'infractions n'a toutefois pas été conçue comme étant définitivement figée ; elle doit pouvoir évoluer afin de tenir compte de l'ensemble des comportements qui, une fois commis, révèlent une incompatibilité manifeste à exercer des fonctions électives par absence de respect des devoirs de la vie civile.
Mesdames et messieurs les députés, il n'est pas compréhensible que la commission de violences sur un mineur de 15 ans, sur une personne vulnérable, sur un conjoint, sur une personne dépositaire de l'autorité publique, ou encore avec usage d'une arme, ne figurent pas parmi cette liste, au seul prétexte que l'incapacité totale de travail (ITT) qui en résulte serait inférieure à une durée de huit jours. Pourtant, ce sont tous ces cas, visés par l'article 222-13 du code pénal, qui sont aujourd'hui, de facto, exclus du champ du prononcé obligatoire de la peine d'inéligibilité prévue par l'article 131-26-2 du même code. Cela me paraît incompréhensible, alors même que certains des délits sont punis de cinq ou de sept ans d'emprisonnement.
C'est d'autant plus étrange que cette peine d'inéligibilité obligatoire est actuellement prévue pour des délits punis d'une peine égale ou inférieure à celles encourues par les délits de violences visés à l'article 222-13. Il y a donc un manque de cohérence dans notre droit actuel.
À titre d'exemple, pour le délit d'administration de substances nuisibles ayant entraîné chez la victime une ITT inférieure à huit jours, puni de trois ans d'emprisonnement, il est prévu une peine complémentaire d'inéligibilité obligatoire. Il y a donc une même durée d'ITT que pour les violences volontaires, la peine encourue est la même, pourtant, dans un cas, une peine d'inéligibilité obligatoire est prévue alors que ce n'est pas le cas dans l'autre. Quelle est la cohérence ?
L'article unique de la proposition de loi de la présidente Aurore Bergé rectifie cette omission et apporte donc de la cohérence au code pénal. Il respecte également les exigences constitutionnelles liées au principe d'individualisation de la peine. Comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel lors de sa décision concernant la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie publique, il ne s'agit pas là d'une peine complémentaire automatique. Le juge peut toujours moduler sa durée selon les circonstances de l'infraction et la personnalité de son auteur.
Cette proposition de loi m'apparaît donc équilibrée : tout d'abord, elle vise à étendre le champ d'une peine complémentaire qui existe déjà et dont le dispositif est conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. J'ajoute que, conformément au principe de rétroactivité in mitius, cette loi ne s'appliquera que pour l'avenir et non aux faits commis avant son entrée en vigueur. Ensuite, elle est conforme à la volonté de nos concitoyens d'être représentés par des élus dignes de la fonction qu'ils leur ont confiée, à l'heure où tous les moyens sont engagés pour lutter contre les diverses formes de violence et pour renforcer la sécurité des Français, tant en matière de justice qu'en matière de police. Le Gouvernement est donc favorable à la proposition de loi.