Madame la Première ministre, c'est le moment, c'est maintenant ; peut-être pas tout de suite, mais dans quelques heures – quoique l'Assemblée nationale serait un lieu bien choisi pour une telle annonce.
En ce grand jour de grève, des femmes et des hommes manifestent à nouveau massivement dans tout le pays contre la réforme des retraites. N'allez pas croire qu'il s'agit d'une sorte de folklore. Celles et ceux qui refusent votre projet sont déterminés. Ils et elles ont bien compris les enjeux ; ils et elles veulent être respectés. Durant toutes ces semaines, vous n'avez convaincu personne. Finalement, les partisans de cette réforme sont presque tous dans cet hémicycle. On en compte également quelques dizaines au Sénat, en plus du Président de la République, qui regarde défiler les pancartes depuis le palais de l'Élysée, et – peut-être – des membres du bureau exécutif du Medef, qui n'osent trop se manifester.
Ces derniers jours vous avez fait les fonds de tiroir des arguments du sauve-qui-peut, de la dernière chance : la réforme serait prétendument de gauche et le mouvement social nuirait au climat. Vous avez perdu la bataille des retraites. Il apparaît clairement que votre réforme est inutile, injuste, et fondamentalement régressive : c'est deux ans de plus ou des pensions en berne.
Vous avez perdu la bataille des retraites. Par respect pour l'esprit de la démocratie et de la République, vous devez l'admettre. Il n'y a pas d'autre issue raisonnable que le retrait du texte. Renoncez à tenter le coup, arrêtez le passage en force. Le Président de la République et vous-même semblez en faire une question d'autorité. Si vous voulez avoir une chance de restaurer quelque autorité, quelque possibilité d'action et de renouer le lien avec le pays, il faut montrer que vous savez écouter. Comment envisagez-vous la suite et comment pouvons-nous vous aider à annoncer au plus vite le retrait de la réforme ?