La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 239 portant article additionnel après l'article 4.
Dans la droite ligne des derniers échanges de l'après-midi, je commencerai par rappeler le caractère inégalitaire des primes de participation : 10 % des salariés percevant des salaires élevés touchent 34 % des primes et les 10 % des salariés percevant les primes les plus significatives reçoivent 57 % du montant total de ces primes. La répartition des primes de participation a donc pour effet de reproduire et d'amplifier les écarts de salaire.
Compte tenu de cela, on peut se demander dans quel but vous souhaitez ajouter un critère de présence au calcul des primes. Par exemple, un salarié ayant été absent pour cause d'arrêt maladie verra sa prime réduite. C'est également le cas d'un salarié exerçant son droit de grève, dont je rappelle le caractère constitutionnel. Enfin, ce critère est particulièrement discriminatoire envers les travailleurs à temps partiel.
Par ailleurs, ce débat révèle la divergence de fond qui existe entre nous au sujet de la production de valeur : s'agit-il d'une opération individuelle ou collective ? Nous considérons que tous les salariés, quel que soit leur poste, leur catégorie professionnelle ou leur quotité de travail, participent à la création de valeur. Imposer un critère de temps de présence, comme le font les macronistes, revient à postuler que la production de valeur n'est pas un processus collectif, mais une somme de productivités individuelles. Pourtant, il ne saurait y avoir de profit sans les agents administratifs, sans les employés de ménage, sans les agents de sécurité et sans toutes ces petites mains invisibles, mal payées, travaillant souvent à temps partiel.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Par ces amendements, nous proposons donc de supprimer l'indexation des primes de participation sur le temps de présence.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Louis Margueritte, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission.
Défavorable. Ces amendements nous renvoient effectivement au débat de l'après-midi. Le critère que vous évoquez s'applique au calcul tant de l'intéressement que de la participation ; je ne prétends pas qu'il soit parfaitement juste, mais il ne s'agit pas d'une disposition nouvelle. Par ailleurs, les trois outils de partage de la valeur permettent une redistribution, même légère, au sein de l'entreprise, à défaut d'une redistribution entre les entreprises.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, pour donner l'avis du Gouvernement.
Au-delà des arguments exposés par M. le rapporteur, je rappelle que certains types d'absence sont automatiquement assimilés à du temps de présence. C'est le cas du congé maternité, du congé paternité ou encore de l'absence résultant de la suspension du contrat de travail à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. En outre, l'article 14 de l'accord national interprofessionnel (ANI) prévoit la possibilité pour les partenaires sociaux de conclure des accords de branche permettant d'assimiler à du temps de présence les absences pour congé parental ou encore les mi-temps thérapeutiques. Des modulations sont donc déjà possibles.
Enfin, ces critères sont facteurs d'équité. Avis défavorable aux deux amendements.
Nous peinons à comprendre vos avis défavorables, car la proratisation de la répartition individuelle de la participation en fonction de certaines absences constitue un procédé particulièrement malhonnête, voire immoral. Par l'amendement n° 300 , nous proposons de supprimer cette possibilité si l'absence est due à un motif légitime.
Par exemple, comment justifier la double peine frappant un salarié qui, ayant subi un accident du travail qui le contraint à s'absenter, se voit privé d'une partie de la participation individuelle ? Il serait tout aussi illégitime de réduire la participation en raison d'un congé lié à la formation, étant donné que ces congés sont accordés par l'employeur et servent ses intérêts. De même, les absences liées à des activités de représentation du personnel peuvent donner lieu à une proratisation ; chers collègues macronistes, vous qui adorez les partenaires sociaux et chantez les louanges du dialogue social, voudriez-vous pénaliser les personnes s'engageant dans leur entreprise pour l'intérêt commun ? De là à considérer cela comme une mesure visant à décourager l'activité syndicale, il n'y a qu'un pas que je n'hésite pas à franchir.
Les congés au titre de la santé et de la vie familiale peuvent, eux aussi, occasionner la proratisation de la participation. Ainsi, une absence due à une naissance ou à un décès dans la famille permet à l'employeur de diminuer d'autant la prime individuelle de participation. Toutes ces dispositions déraisonnables et malhonnêtes ménagent la possibilité de faire les poches aux salariés. Nous vous proposons donc de modifier le code du travail pour traiter plus honnêtement et plus moralement ces diverses absences qui ne sauraient légitimement donner lieu à une proratisation.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 69
Nombre de suffrages exprimés 68
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 20
Contre 48
L'amendement n° 239 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 71
Nombre de suffrages exprimés 69
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 27
Contre 42
L'amendement n° 300 n'est pas adopté.
L'article 5 oblige les entreprises d'au moins cinquante salariés pourvues d'un délégué syndical à ouvrir des négociations relatives aux conséquences d'un bénéfice exceptionnel réalisé par l'entreprise. La définition d'une « augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal » est laissée à l'entreprise, ainsi que les modalités d'un versement supplémentaire de participation ou d'intéressement prévu par l'accord et celles de l'ouverture d'une nouvelle négociation relative à un dispositif de partage de la valeur.
Le problème réside dans l'absence de critères fixés par le législateur – qui aurait pu, par exemple, se fonder sur la taille de l'entreprise ou sur les résultats des années antérieures – pour encadrer la négociation ou encore pour définir une augmentation exceptionnelle du bénéfice. Pour cette raison, l'article est entaché d'incompétence négative, selon le Conseil d'État.
Par ailleurs, le terme retenu d'« augmentation exceptionnelle du bénéfice » nous semble problématique. Supposons par exemple que le bénéfice net d'une entreprise, s'élevant habituellement à 100 millions d'euros, connaisse une année une augmentation exceptionnelle le portant à 150 millions, ce qui déclenchera une négociation et un versement supplémentaire. Si son bénéfice net s'élève à 140 millions l'année suivante, elle sera dispensée de versement supplémentaire.
Nous estimons donc nécessaire de remplacer le terme « augmentation exceptionnelle du bénéfice net » par le terme « bénéfice net exceptionnel », et surtout de fixer des critères permettant de définir un tel bénéfice.
L'article 5 transpose l'article 9 de l'ANI, ce qui nous ramène à une question récurrente de notre législature : qu'est-ce donc qu'un superprofit ? Certes, Bruno Le Maire, le ministre de l'économie, n'en a aucune idée, mais le Conseil d'État nous avise que la définition de ce terme relève du domaine de la loi, conformément à l'article 34 de la Constitution.
Nous avons également évoqué la question suivante : que se passe-t-il quand les organisations représentatives ne parviennent pas à un accord ? Comme l'a dit Eva Sas, c'est le meilleur moyen pour que le bénéfice exceptionnel ne soit pas redistribué.
Heureusement, il existe des gens brillants qui peuvent nous expliquer ce qu'est un superprofit, comme ma consœur et amie Anne-Laure Delatte, qui siège au conseil général de la Banque de France. Elle définit les superprofits en ces termes : il s'agit des profits « liés à un facteur extérieur à l'entreprise, dégagés sans qu'il y ait eu d'investissement réalisé ou de stratégie adoptée pour accroître ses bénéfices ». En voici quelques exemples : Carrefour, qui vient de décider de supprimer 1 000 postes en France, a augmenté ses ventes de 16 % et ses bénéfices de 26 % en 2022 ; quant à l'armateur CMA CGM, il a réalisé un bénéfice net de 23,4 milliards d'euros en 2022 et a versé une prime exceptionnelle pour se dispenser de toute négociation avec les organisations syndicales représentatives.
L'article 5 révèle donc des enjeux fondamentaux, à commencer par la nécessité de définir les superprofits, ce à quoi vous vous êtes toujours refusés pour l'instant.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Depuis plusieurs mois, la commission des finances s'est intéressée à la question des superprofits. Nous n'avons jamais réussi à nous entendre sur une définition. Nous pourrions par exemple nous rabattre sur la position de l'Union européenne, qui considère que tout bénéfice dépassant de 20 % la moyenne olympique, quinquennale, des bénéfices de l'entreprise relève du surprofit.
Monsieur le ministre, nous ne saurions nous contenter d'un article ainsi rédigé. Il serait souhaitable que vous nous indiquiez ce que vous considérez comme une « augmentation exceptionnelle du bénéfice ». Doit-elle être calculée sur plusieurs années ? Faut-il qu'elle soit durable ? Je crains fort que l'article dans sa rédaction actuelle ne soit censuré sur le fondement de l'article 34 de la Constitution. Avant que nous commencions l'examen des amendements, pourriez-vous nous éclairer quant à la constitutionnalité de l'alinéa 4 et quant à sa coordination avec l'alinéa 8, qui ne mentionne plus l'« augmentation exceptionnelle du bénéfice » mais les « bénéfices exceptionnels » ?
Je suis saisie de trois amendements, n° 15 , 124 et 156 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur l'amendement n° 124 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Sur l'amendement n° 156 , je suis saisie par le groupe Écologiste – NUPES d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement n° 15 .
L'article impose aux entreprises d'au moins cinquante salariés pourvues d'un délégué syndical de négocier obligatoirement sur les conséquences d'un bénéfice exceptionnel. Par cet amendement, nous proposons de remplacer la notion d'« augmentation exceptionnelle du bénéfice », trop vague, par celle de « résultats exceptionnels », bien plus claire car fondée sur des données comptables. Cette mesure a également l'avantage de reprendre les termes de l'accord national interprofessionnel.
L'article 5 a une importance majeure. Votre éveil tardif à la notion de superprofit nous autorise à vous interroger à ce sujet. En mars dernier, le Président de la République se déclarait finalement favorable à une contribution exceptionnelle pour les entreprises qui réalisent d'importants profits, afin que les travailleurs, à peine après avoir été, Dieu soit loué, condamnés à renoncer à leurs deux meilleures années de retraite, profitent de cette manne. Quelques jours plus tard, le ministre de l'économie, lui-même converti à l'idée de superprofit, déclarait devant le Sénat que le Gouvernement envisageait d'« obliger [les entreprises] à distribuer plus d'intéressement, plus de participation, plus de primes défiscalisées ».
La rédaction de l'article 5 nous oblige à constater que nous sommes assez loin de ces engagements. Cet article n'oblige pas les entreprises qui feraient des profits exceptionnels à les partager avec leurs salariés en leur accordant une contribution elle-même exceptionnelle. Il prévoit seulement que dans une entreprise soumise à l'obligation d'instaurer la participation, les négociations devront désormais porter sur la définition d'une « augmentation exceptionnelle de son bénéfice » et sur « les modalités de [son] partage ».
C'est certes, étant donné le dispositif retenu, un peu mieux. Néanmoins, vous envisagiez que seul l'employeur…
…déciderait ce qu'est une « augmentation exceptionnelle ».
Bref, si l'on parle d'augmentation exceptionnelle du bénéfice et non de bénéfices exceptionnels, beaucoup d'entreprises qui font des profits très importants auront encore le moyen d'éviter le partage de cette manne. C'est pour l'éviter que nous proposons le présent amendement.
Il s'agit effectivement d'un amendement important. En transposant l'ANI, vous avez opéré un glissement sémantique. L'article 9 de l'ANI prévoit des négociations pour « fixer les modalités de prise en compte des résultats, au sens des dispositions relatives à la participation, réalisés en France et présentant un caractère exceptionnel ». Vous avez remplacé « résultats exceptionnels », dans l'article 5, par « augmentation exceptionnelle [du] bénéfice ». En quoi ces deux formulations sont-elles différentes et pourquoi est-il important de revenir à la lettre de l'ANI ? Si une entreprise réalise 100 millions d'euros de bénéfices au cours d'une année, 150 millions l'année suivante et 150 millions la troisième année, entre ces deux dernières années, il n'y a pas d'augmentation exceptionnelle de son bénéfice ; il n'y a pas d'augmentation du tout ; et pourtant le résultat reste exceptionnel.
Dans la rédaction retenue, la situation de la troisième année n'ouvrirait pas de droits aux salariés à la participation prévue par un éventuel accord.
Ce glissement sémantique, qui n'est pas conforme à la lettre de l'ANI, ne peut être que préjudiciable aux salariés. Depuis le début, vous nous dites : tout l'ANI, rien que l'ANI. Nous vous demandons donc, par cet amendement, de revenir à l'accord négocié et signé entre les partenaires sociaux.
Chacun a compris que cette série d'amendements porte sur un article central du projet de loi. Ces dispositions de l'ANI ont fait l'objet de nombreuses discussions entre les organisations syndicales et patronales – on ne va pas se raconter d'histoires, ces discussions n'étaient pas simples. Je rappelle, pour que chacun l'ait en tête, car c'est important pour comprendre la rédaction de l'article, qu'il y a eu un débat pour savoir s'il fallait réserver la qualification de bénéfices exceptionnels aux grandes ou aux très grandes entreprises, en tout cas aux entreprises excédant une certaine taille. Nous n'étions pas partie de cette discussion, aussi dois-je me contenter de conjectures : on aurait peut-être pu imaginer une formule plus précise, comme l'a suggéré M. de Courson. En tout cas, nous savons que cette question a fait l'objet de débats. Les organisations syndicales ont obtenu que ces dispositions ne concernent pas uniquement les salariés des grandes entreprises. C'est pourquoi, dans l'ANI, elles s'appliquent aux entreprises d'au moins cinquante salariés – c'est l'objet de l'article 5 –, dans la continuité des dispositions prévues pour les entreprises de moins de cinquante salariés, transposées à l'article 3.
Vous pouvez certes contester ce point d'équilibre ; je ne doute pas, en effet, que nous aurons des désaccords sur le point d'atterrissage, mais je vous prie de vous souvenir que ce n'est pas nous qui l'avons fixé, mais les partenaires sociaux dans l'ANI. Le point d'équilibre consiste à accepter que, si on étend à tous ce dispositif de participation, on laisse la négociation s'opérer au sein de chaque entreprise.
Il ne vous a pas échappé que ce point a fait l'objet d'une décision du Conseil d'État. M. le ministre y reviendra : une première saisine rectificative a renvoyé à une discussion dans les entreprises où il y a un délégué syndical. Malgré cela, le Conseil d'État a demandé une disjonction. À la suite de l'avis du Conseil d'État, en commission des affaires sociales, nous avons eu des échanges avec les organisations syndicales et patronales, qui ont abouti à l'amendement n° 393 que je proposerai et aux amendements identiques déposés par d'autres membres de la majorité. Certes, vous pouvez arguer que l'article 5 ne précise pas ce qu'il faut entendre par « augmentation exceptionnelle du bénéfice », mais nous voulons justement renvoyer la définition à la négociation collective.
Je ne veux pas être excessivement long car j'imagine que nous reviendrons sur ces questions en examinant les amendements suivants. Je répondrai simplement à la question de savoir pourquoi nous n'avons pas repris les termes de l'ANI, qui fait référence aux « résultats exceptionnels » – c'est important car cela éclaire l'ensemble de ce débat.
M. Pierre Dharréville acquiesce.
Vous avez raison de dire que nous avons changé cette expression, c'est factuel.
Toutefois, depuis la conclusion de l'ANI, nous avons précisé les conditions dans lesquelles ces discussions devaient s'opérer ; c'est pourquoi l'amendement n° 393 fait référence aux « bénéfices réalisés lors des années précédentes » ou encore aux « événements exceptionnels externes à l'entreprise intervenus antérieurement à la réalisation du bénéfice ». Je ne prétends pas que ce soit exactement le texte de l'ANI, dont chacun peut comparer la rédaction avec celle du projet de loi – soyons honnêtes intellectuellement ! –, cependant on ne fera pas uniquement référence à l'année précédente mais aux années antérieures, comme l'amendement n° 393 et les amendements identiques le précisent.
Voilà l'équilibre auquel nous sommes parvenus ; chacun jugera s'il est stable ou instable.
L'article 5 est évidemment un article important. À vrai dire, c'est certainement celui pour lequel la rédaction du projet de loi a été la plus compliquée pour tenir compte de la lettre et de l'esprit de l'accord national interprofessionnel.
Peut-être faut-il rappeler les étapes qui nous ont permis d'aboutir à cette rédaction, car cela permettra d'apporter des réponses aussi bien à Mme Sas qu'à M. de Courson.
Lorsque nous avons été destinataires de l'accord adopté, Mme Sas l'a rappelé, il prévoyait que les négociations devaient « fixer les modalités de prise en compte des résultats, au sens des dispositions relatives à la participation, réalisés en France et présentant un caractère exceptionnel tel que défini par l'employeur ».
Lors de l'écriture de l'avant-projet de loi, nous avons consulté les partenaires sociaux signataires car, dans le code du travail, toutes les références à la participation et à l'intéressement ne renvoient à aucun moment à la notion de résultats mais toujours à celle de bénéfice. Nous avons inscrit cette notion de bénéfice dans l'avant-projet de loi avec l'accord des partenaires sociaux signataires. C'est la raison pour laquelle nous sommes passés de « résultats » à « bénéfice ».
Ensuite, l'ANI, tel qu'il a été signé, renvoyait la définition du caractère exceptionnel de ce résultat à la seule appréciation des chefs d'entreprise. Nous avons indiqué aux partenaires sociaux signataires que, pour les services du Gouvernement, cette rédaction souffrait d'un risque d'incompétence négative, ce qu'a souligné M. de Courson. Cela nous a amenés, après avoir saisi le Conseil d'État sur l'avant-projet dans des termes rigoureusement identiques à ceux de l'ANI, à procéder à une saisine rectificative du Conseil d'État. Les termes de la saisine rectificative, renvoyant la définition du caractère exceptionnel à un accord d'entreprise, ont été examinés et validés par les sept partenaires sociaux signataires.
Malgré la précision que nous avions apportée, consistant à renvoyer cette définition à un accord d'entreprise, le Conseil d'État en assemblée générale a considéré que ce renvoi manquait de précision. Si je puis m'exprimer ainsi, nous avons de la chance, dans la mesure où le Conseil d'État, dans son avis, a défini quels étaient les indicateurs importants pour que l'accord d'entreprise soit précis. C'est ce qui a amené M. le rapporteur et ses collègues, toujours en accord avec les partenaires sociaux signataires, à rédiger l'amendement n° 393 et les amendements identiques, qui intègrent l'avis qu'a rendu le Conseil d'État en assemblée générale, pour préciser les conditions de l'accord d'entreprise permettant lui-même de définir le caractère exceptionnel des résultats.
Quant à la traduction du terme « résultats » en « bénéfice », nous l'avons adoptée par conformité à la sémantique du code du travail en matière de participation et d'intéressement. Avec les dispositions proposées à cet article et l'amendement n° 393 et identiques, nous sommes fidèles à la lettre et à l'esprit de l'ANI, avec le soutien des sept partenaires sociaux signataires, tout en précisant les critères devant fonder l'accord d'entreprise caractérisant comme exceptionnels les résultats qui amènent à un intéressement et à une participation exceptionnels.
C'est ainsi que nous vous proposons de travailler, après vous avoir exposé, en toute transparence, les différentes séquences de l'élaboration de ce texte. C'est la raison pour laquelle je donne un avis…
Si vous n'avez pas compris, je peux répéter, mais je ne suis pas sûr que ça marche.
Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est la raison pour laquelle…
Monsieur Tavel, si vous arrêtiez d'insulter les gens, la société y gagnerait. Vous y gagneriez vous-même en sérénité et peut-être en intelligence dans vos propos.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Monsieur Tavel, si vous le souhaitez, je vous donnerai la parole ensuite, mais pour l'instant, seul M. le ministre a la parole.
Madame la présidente, à chaque fois que M. Tavel s'exprime, c'est pour m'insulter, ce qui commence à être fatigant.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Vives protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je n'oublie pas que M. Tavel appartient à un groupe qui m'a menacé de mort à deux reprises pendant les débats sur les retraites.
Le jour où vous aurez des leçons de débat parlementaire à me donner n'est pas venu.
Madame la présidente, je confirme que l'avis du Gouvernement est défavorable sur ces trois amendements, comme il sera défavorable sur tous les autres amendements, à l'exception de l'amendement n° 393 présenté par M. le rapporteur et des amendements identiques.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt et une heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures.
La séance est reprise.
La parole est à M. Matthias Tavel, pour un rappel au règlement.
Je me fonde sur l'article 70. Monsieur le ministre, il ne faut pas craquer comme ça !
Ne vous inquiétez pas pour moi !
Sourires.
Vives exclamations sur les bancs du groupe RE.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
J'y venais, madame la présidente. Si on avait bien voulu me laisser parler…
Monsieur le ministre, vous avez menti à deux reprises :…
Vives protestations sur les bancs du groupe RE
…la première fois, en m'accusant de vous avoir insulté, ce que je n'ai jamais fait, et la deuxième…
Ce n'est toujours pas un rappel au règlement, monsieur Tavel. M. le ministre a défendu sa position ; vous aurez l'occasion, si vous le souhaitez, de prendre à votre tour la parole sur cette série d'amendements, mais pour l'heure, je coupe votre micro.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.
Comme Matthias Tavel cherchait à le souligner, M. le ministre a proféré deux mensonges. Pour commencer, mon collègue ne l'a pas insulté. Ensuite, depuis le début de nos débats, vous nous dites que la philosophie du texte est de respecter l'ANI, rien que l'ANI – « la lettre et l'esprit de l'ANI », avez-vous même dit à l'instant, monsieur le ministre.
Certains ont même osé se réclamer de la démocratie sociale, après s'être assis pendant des mois sur l'avis de tous les syndicats de salariés sur la réforme des retraites : c'est dire !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Rien que l'ANI, avez-vous déclaré : nous ne demandions qu'à vous croire…
…et, pour respecter la lettre de l'ANI, nous vous avons proposé d'introduire à l'article 1er une référence aux métiers repères : vous avez refusé. À l'article 2, vous n'avez pas retranscrit le principe de non-substitution des primes aux salaires, qui figure pourtant lui aussi dans l'ANI.
Et voilà qu'à l'article 5, vous refusez d'utiliser le terme « bénéfices exceptionnels », lui préférant celui d'« augmentation exceptionnelle des bénéfices » : cela n'a rien à voir.
On finit par penser que vous faites votre marché : vous prenez dans l'ANI ce que vous voulez – ou plutôt, ce que veut le patronat –, et vous laissez tout ce dont le patronat ne veut pas.
« Absolument ! » sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Donc, pour résumer, vous dépouillez, vous détricotez, vous dépecez, vous déshabillez, vous déficelez, vous dépiautez, vous taillez en pièces l'accord national interprofessionnel :…
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
Sourires.
…bref, vous le trahissez. Je dirai même plus, pour faire référence à ce que vivent les Soulèvements de la Terre : vous êtes en train de le dissoudre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous avez raison, monsieur le rapporteur : on ne peut pas adopter le texte en l'état, sans quoi il sera entaché d'incompétence négative – le Conseil d'État vous a alertés sur ce point. La question est de savoir si l'amendement n° 393 que vous défendrez résoudra le problème : j'en doute. Pour ma part, je pense que nous devrions définir dans la loi les critères caractérisant l'augmentation exceptionnelle des bénéfices, comme nous l'avions fait pour l'intéressement et la participation, ou renvoyer tout ou partie de cette définition à un décret, comme y autorisent plusieurs décisions du Conseil constitutionnel – vous l'avez rappelé dans votre rapport. L'amendement n° 393 précise que cette caractérisation doit tenir compte de quelque quatre critères, mais pour éviter toute censure du texte, ne serait-il pas plus prudent d'inscrire la définition directement dans la loi ? Certes, nous ne sommes pas au bout du processus législatif, mais je doute que votre seul amendement résolve le problème.
Vous avez été obligés de mieux définir la notion de résultats exceptionnels pour répondre à l'injonction du Conseil d'État et éviter que le texte soit entaché d'incompétence négative – il est heureux que le Conseil d'État ait souligné ce risque. Mais il ne vous a jamais demandé de remplacer « résultats exceptionnels » par « augmentation exceptionnelle du bénéfice » : vous seuls avez décidé de cette évolution. Vous auriez tout à fait pu conserver la notion de résultats exceptionnels si vous l'aviez mieux définie, comme vous y invitait le Conseil d'État.
Par ailleurs, vous vous targuez d'avoir obtenu l'accord des partenaires sociaux sur ce texte, mais sachez que certains signataires – et non des moindres – nous ont indiqué que ce glissement sémantique posait problème.
Dans ce cas, ils n'avaient qu'à pas signer !
Il serait donc préférable d'en revenir à la lettre de l'ANI et de parler de « résultats exceptionnels ».
Le point dont nous débattons est loin d'être anecdotique : dans les négociations ayant abouti à l'ANI, il était bien question d'indexer le partage de la valeur sur les bénéfices, et non sur l'augmentation des bénéfices. Eva Sas l'a parfaitement expliqué tout à l'heure : avec la rédaction que vous proposez, si une entreprise fait pendant trois ans d'excellents bénéfices, mais qui n'augmentent pas d'une année sur l'autre, alors la valeur ne sera pas partagée avec les salariés. Nous vous demandons donc simplement de fonder la répartition sur la valeur du bénéfice.
Bien loin d'un débat sémantique et de la simple recherche du bon mot, nous débattons d'un sujet absolument fondamental. Nous avons l'impression que vous cherchez à limiter la portée du dispositif de partage de la valeur, et nos amendements, qui visent à traduire le plus fidèlement possible l'ANI – sur lequel nous avons d'ailleurs plusieurs interrogations – et à assurer un véritable partage de la valeur, sont donc essentiels.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 129
Nombre de suffrages exprimés 121
Majorité absolue 61
Pour l'adoption 44
Contre 77
L'amendement n° 15 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 129
Nombre de suffrages exprimés 122
Majorité absolue 62
Pour l'adoption 44
Contre 78
L'amendement n° 124 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 130
Nombre de suffrages exprimés 125
Majorité absolue 63
Pour l'adoption 45
Contre 80
L'amendement n° 156 n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements, n° 219 et 243 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur l'amendement n° 219 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Sur l'amendement n° 243 , je suis saisie par les groupes Renaissance et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir l'amendement n° 219 .
Il renvoie à un effort de simplification. Depuis des décennies, à chaque campagne électorale pour la présidentielle, on entend les candidats, quel que soit leur parti, vanter les mérites de la participation et de l'intéressement – en tout cas, je l'entends depuis que je suis enfant. Pourtant, malgré des améliorations, le principe général n'est toujours pas compris par nos concitoyens et le dispositif reste inaccessible à la plupart des salariés.
Nous proposons donc un dispositif simple, clair et lisible, tant pour les chefs d'entreprise que pour les salariés et nos concitoyens : en cas de bénéfices exceptionnels – notion que nous définissons dans l'amendement –, au moins 10 % des dividendes qui y sont liés sont reversés aux salariés. Il s'inspire des discussions passées, notamment sous la présidence de Nicolas Sarkozy, qui avait proposé de diviser les bénéfices en trois parts réparties entre les salariés, l'investissement et les actionnaires. Quinze ans plus tard, nous sommes pourtant bien loin de cette proposition qui avait plu à tant de Français, à la France qui travaille.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous proposons que la réalisation de superprofits par une grande entreprise donne systématiquement lieu au versement de primes salariales non exonérées de cotisations sociales et soumises au régime fiscal de droit commun.
Si la distribution de la valeur ajoutée était identique à celle pratiquée en 2009, chaque salarié des entreprises du CAC40 aurait pu toucher un chèque de 10 000 euros en moyenne en 2022, car les entreprises du CAC40 ont distribué, cette année-là, 80 milliards d'euros de dividendes à leurs actionnaires. Pendant ce temps, l'inflation, principalement alimentée par la hausse des profits et des marges, ronge les salaires réels. Le scandale des superprofits est au cœur du partage de la valeur : il en constitue la distorsion ultime et entretient un cercle économique vicieux pour la société. Verser des primes désocialisées et défiscalisées est un pansement sur une jambe de bois : afin de rééquilibrer le partage de la valeur primaire, il faut nécessairement augmenter la part du salaire.
Nous proposons donc que toute réalisation de superprofits conduise systématiquement au versement d'une prime salariale à l'ensemble des salariés de l'entreprise, dont le montant fait l'objet d'une négociation avec ces derniers.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je profite de ces amendements pour répondre à Mme Trouvé qui regrettait que nous n'allions pas assez loin. Nous ne sommes peut-être pas d'accord – nous le sommes d'ailleurs rarement –, mais vous ne pouvez pas dire que nous n'avons rien fait pour améliorer l'ANI ou que nous cherchons systématiquement à en limiter la portée. Si c'était le cas, nous n'aurions pas avancé d'un an l'entrée en vigueur de l'accord, qui sera appliqué dès 2024, ni imposé aux entreprises de onze à quarante-neuf salariés d'instaurer un dispositif de partage de la valeur lorsqu'elles font des bénéfices exceptionnels durant trois exercices consécutifs – je ne suis d'ailleurs pas sûr que toutes les organisations patronales sont d'accord avec cette décision. Nous n'aurions pas non plus introduit un article 1er bis disposant que les branches professionnelles doivent dresser un bilan de leurs actions en faveur de la mixité des métiers.
Par ailleurs, je rappelle que le régime fiscal et social sur les dividendes versés au titre des dispositifs de participation et d'intéressement est consenti en contrepartie du blocage pendant cinq ans des sommes versées sur des plans d'épargne d'entreprise. Même si les sommes peuvent être débloquées dans certains cas de figure, ce régime est donc soumis à conditions, contrairement aux primes de partage de la valeur.
Enfin, monsieur Tanguy, ne préemptons pas les discussions, parfois compliquées, entre organisations patronales et syndicales. Il est toujours attrayant de définir une formule qui marche à tous les coups, mais si nous avons décidé de renvoyer à des négociations au sein de chaque entreprise, c'est justement parce que la situation d'une entreprise de moins de cinquante salariés est bien différente de celle d'une grande ou très grande entreprise – pour lesquelles nous aurions pu imaginer un dispositif comme celui que vous avez proposé.
Pour toutes ces raisons, j'émettrai un avis défavorable sur les deux amendements.
Même avis.
Nous n'affirmons pas que vous voulez systématiquement amoindrir l'ANI, mais que vous l'amoindrissez systématiquement dès lors qu'il s'agit d'aller dans le sens du patronat et des actionnaires, et que vous refusez de le faire au profit des salariés. Ma collègue vous l'a dit, du reste. Métiers repères, non-substitution, tout, je le répète, va dans le même sens ! L'ANI prévoit des mécanismes de partage de la valeur en cas de résultats exceptionnels : vous substituez à cette notion celle d'augmentation exceptionnelle du résultat, excluant donc du dispositif son augmentation progressive et naturelle. Voilà ce que vous faites : encore une fois, vous trahissez l'ANI !
C'est pourquoi, par cet amendement, nous proposons que ce partage des superprofits s'applique aux sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 750 millions d'euros – on ne parle pas de la PME du coin – dont le résultat imposable « est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne [du] résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019 », les trois années précédant la crise du covid-19. En matière de profits exceptionnels, ce serait, si je puis dire, le minimum syndical : même cela, vous n'en voulez pas ! Vous préférez que les grandes entreprises continuent d'accumuler les bénéfices, dont vous restreignez chaque fois les possibilités de distribution au personnel. Franchement, vous avez choisi le camp des actionnaires, pas celui des salaires !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas votre point de vue : nous sommes réunis afin d'examiner ce texte, c'est bien la preuve que nous pouvons l'améliorer. Si l'ANI était souverain, intangible, il aurait fallu recourir à la procédure de législation en commission ! La représentation nationale est donc en droit de proposer des simplifications et autres retouches.
Vous dites que la mesure ne pourrait concerner que les grandes entreprises : libre à vous de sous-amender notre amendement ou le prochain, le n° 73, qui a trait à l'ensemble des bénéfices, afin de l'expérimenter d'abord sur celles-ci ! Cela répondrait d'ailleurs à une autre objection : j'ai l'impression que l'on fait comme s'il n'existait pas dans ce pays de salariés qui, employés par des entreprises comme TotalEnergies, c'est-à-dire largement bénéficiaires chaque année sauf exception, tirent de leur travail un revenu nettement supérieur à celui de la moyenne des Français. Tant mieux pour eux ; reste que cela crée des distorsions. Par conséquent, le versement aux salariés d'au moins 10 % du montant des dividendes permettrait de limiter les écarts de rémunération, qui concernent non seulement les salaires, mais aussi les primes, intéressements et participations.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 106
Nombre de suffrages exprimés 100
Majorité absolue 51
Pour l'adoption 18
Contre 82
L'amendement n° 219 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 139
Nombre de suffrages exprimés 117
Majorité absolue 59
Pour l'adoption 32
Contre 85
L'amendement n° 243 n'est pas adopté.
La parole est à M. Frédéric Cabrolier, pour soutenir l'amendement n° 73 .
Il vise à préciser qu'est qualifiée de bénéfice exceptionnel « la fraction du bénéfice […] réalisé au titre de l'exercice en cours qui excède la moyenne des bénéfices réalisés au titre des trois exercices précédents, à condition que le chiffre d'affaires enregistré au titre de l'exercice en cours soit supérieur d'un tiers à la moyenne constatée sur les cinq exercices précédents ». Sans cette seconde condition, les gains de productivité pourraient faire qu'une entreprise réalise des bénéfices qualifiés d'exceptionnels et doive donc en reverser une partie à ses salariés alors que son chiffre d'affaires aurait baissé, ce qui ne serait pas logique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 106
Nombre de suffrages exprimés 101
Majorité absolue 51
Pour l'adoption 13
Contre 88
L'amendement n° 73 n'est pas adopté.
Cosigné par Elie Califer et les autres membres du groupe Socialistes et apparentés, il vise à préciser ce que serait le bénéfice exceptionnel donnant lieu au partage de la valeur. Nous le disons depuis tout à l'heure, l'article 5 pose problème en tant qu'il renvoie à la négociation le soin de définir cette notion. Tout en respectant à la fois l'esprit et la lettre de l'ANI, car notre proposition ne contient ni glissement sémantique ni entourloupe, nous souhaitons que le bénéfice exceptionnel soit entendu comme une augmentation d'au moins 25 % du résultat imposable par rapport à la moyenne des trois années précédentes. Nous avions d'ailleurs, en septembre, inscrit cette définition dans notre proposition de loi portant création d'une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises, qui visait à l'organisation d'un référendum d'initiative partagée (RIP).
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 136
Nombre de suffrages exprimés 119
Majorité absolue 60
Pour l'adoption 30
Contre 89
L'amendement n° 31 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Marc Tellier, pour soutenir l'amendement n° 125 .
Il vise à rendre un peu plus opérationnel l'article 5, qui tend à contraindre les entreprises à partager avec leurs salariés une augmentation exceptionnelle de leur bénéfice, à défaut d'un bénéfice exceptionnel. La négociation devra nécessairement fixer le coefficient multiplicateur correspondant au caractère exceptionnel d'une augmentation, et nous proposons qu'il soit calculé par rapport à la moyenne des bénéfices des trois dernières années, ce qui permettra d'objectiver le partage de la valeur.
Même avis.
Si nous appuyons ces amendements, c'est parce qu'ils visent à accomplir quelque chose que, depuis un an, la minorité présidentielle s'efforce d'éviter : admettre l'existence des superprofits et autres superdividendes, dont le montant explose. Quant à les taxer, je n'en parle même pas ! Voilà précisément ce qui vous pose problème. Souvenez-vous, président Mattei, de votre excellent amendement
M. Jean-Paul Mattei acquiesce
adopté le 12 octobre, retoqué par le Gouvernement après application au projet de budget de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. Gérard Leseul applaudit également.
J'imagine donc que vous irez dans notre sens.
Le président Macron nous objecte la taxe européenne, mais celle-ci ne concerne que l'industrie des énergies fossiles. Or l'armateur de porte-conteneurs CMA CGM, par exemple, a dégagé en 2022 un bénéfice de 25 milliards, record absolu pour une entreprise française ! Entre 2021 et 2022, ces superprofits ont crû de 7 % sans être plus imposés pour autant. Le pire réside dans le fait qu'ils nourrissent l'inflation, comme le signale le Fonds monétaire international (FMI) alors même que Bruno Le Maire continue de le nier, et que cette inflation s'opère aux dépens des salariés, dont le revenu, lui, n'augmente pas. Telle est la situation que vous créez dans ce pays !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous allons certainement encore tourner un bon moment en rond en tentant de définir ce que peuvent être les superprofits. Je souhaiterais seulement opposer un argument au fait de retenir comme référence la moyenne des trois dernières années, car celles-ci nous reportent à l'époque de la crise du covid-19 et de la hausse des prix de l'énergie ,
M. Hubert Wulfranc s'exclame
qui à présent baissent de nouveau : il pourrait donc y avoir un effet ciseaux. S'agissant de contraindre les entreprises au partage de la valeur, vous souhaitez aller au-delà de ce qu'elles ont pu négocier avec leurs salariés de manière constructive : parce que les profits retrouvent leur niveau normal, ils seront par comparaison qualifiés d'exceptionnels ! Vous suivre sur cette piste ne serait pas sain pour l'économie.
Nous proposons de retenir les années 2017, 2018 et 2019, antérieures au covid !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 151
Nombre de suffrages exprimés 148
Majorité absolue 75
Pour l'adoption 50
Contre 98
L'amendement n° 125 n'est pas adopté.
Brouhaha.
Mes chers collègues, je vous invite à écouter l'oratrice et à faire un tout petit peu moins de bruit !
L'amendement vise à supprimer, à l'alinéa 4 de l'article 5, les mots : « Ce partage peut être mis en œuvre : ». À la suite de ce même alinéa, il en serait inséré deux autres. Le premier est ainsi rédigé : « Pour l'application du premier alinéa du I, la définition de l'augmentation exceptionnelle du bénéfice prend en compte des critères tels que la taille de l'entreprise, le secteur d'activité, les bénéfices réalisés lors des années précédentes ou les événements exceptionnels externes à l'entreprise intervenus antérieurement à la réalisation du bénéfice. » Le second est le suivant : « Le partage de la valeur mentionné au premier alinéa du I peut être mis en ?uvre : ».
En effet, dans son avis sur ce texte, publié le 24 mai, « le Conseil d'État estime qu'en ne fixant pas de critères encadrant la négociation collective pour définir ce qu'est une augmentation exceptionnelle du bénéfice et en s'abstenant de prévoir, par exemple, que cette définition tient compte de critères tels que la taille de l'entreprise, le secteur d'activité ou les résultats des années antérieures, le projet de loi est entaché d'incompétence négative ».
MM. Nicolas Metzdorf et Jean-Pierre Pont applaudissent.
La parole est à M. François Gernigon, pour soutenir l'amendement n° 382 .
Il vise effectivement à suivre l'avis du Conseil d'État, qui préconise que dans la perspective de la négociation collective en vue de définir l'augmentation exceptionnelle du bénéfice, le texte encadre cette définition par des critères tels que la taille de l'entreprise, son secteur d'activité, et pourquoi pas la prépondérance ou non de la masse salariale. Sans cette précision, l'article 5 est entaché d'incompétence négative.
Comme les précédents, il tend à éviter, en se conformant à l'avis du Conseil d'État, que l'article 5 soit entaché d'incompétence négative, et propose, à cet effet, d'encadrer la définition d'une augmentation exceptionnelle du bénéfice que pourront retenir les partenaires sociaux dans le cadre de la négociation collective. Cette définition devra tenir compte de critères tels que la taille de l'entreprise, le secteur d'activité, les bénéfices réalisés lors des années précédentes ou encore les événements exceptionnels externes à l'entreprise intervenus antérieurement à la réalisation du bénéfice.
Je profite de cette intervention pour saluer le travail du premier signataire de l'amendement, Stéphane Viry, qui a pris part à toutes les négociations en commission.
Il vise à tirer les conséquences de la décision rendue par le Conseil d'État, le 24 mai dernier, quant à la nécessité de préciser davantage la définition d'une augmentation exceptionnelle du bénéfice. Le Conseil d'État a en effet affirmé que le présent article, parce qu'il ne fixe pas de critères encadrant la négociation collective pour définir ce qu'est une augmentation exceptionnelle du bénéfice, était entaché d'incompétence négative. Nous proposons de tenir compte de cet avis et d'encadrer la définition d'une augmentation exceptionnelle du bénéfice que pourront retenir les partenaires sociaux dans le cadre des négociations collectives. Cette définition devra prendre en compte des critères tels que la taille de l'entreprise, le secteur d'activité, les bénéfices réalisés les années précédentes ou encore les événements exceptionnels externes à l'entreprise intervenus antérieurement à la réalisation du bénéfice. Cet amendement a fait l'objet d'un accord entre les partenaires sociaux, le Gouvernement et les trois groupes de la majorité présidentielle.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.
Mes collègues de la majorité ont presque tout dit, et je ne reviendrai pas sur leurs propos. Le présent amendement est le fruit d'une discussion assez longue qui, je le répète, n'a pas été simple. Les avis étaient en effet divergents entre organisations syndicales et patronales, et même entre les différentes organisations patronales : leurs points de vue présentaient des nuances, en fonction notamment de la taille des entreprises qu'elles représentent. La rédaction à laquelle nous avons abouti répond – sans doute partiellement, je veux bien l'admettre – à l'une des questions soulevées par les amendements précédents : faut-il choisir comme critère l'augmentation exceptionnelle des bénéfices ou un bénéfice exceptionnel en lui-même ? Nous proposons en effet, avec cet amendement, de faire référence aux « dernières années » sans préciser s'il s'agit d'une, de deux ou de trois années ; ce point faisait d'ailleurs l'objet d'un amendement il y a quelques instants. Cela va certes un peu de soi, mais c'est toujours mieux en le disant. Il me semble important de conserver l'équilibre que nous avons trouvé. Le présent amendement, comme les identiques, me semble susceptible – du moins je l'espère – de rassembler la majorité des membres de l'hémicycle.
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir le sous-amendement n° 431 .
Cela aura pris plus de vingt-quatre heures, mais nous avons enfin la démonstration que le Parlement sert à quelque chose. Le Conseil d'État vous a dit que votre avant-projet de loi était entaché d'incompétence négative parce que vous aviez refusé de préciser ce qu'était un résultat exceptionnel, alors que cette définition est l'un des éléments clés du texte. Vous avez détourné l'esprit de l'ANI en choisissant comme critère la hausse exceptionnelle du résultat et non le résultat exceptionnel en lui-même. Vous avez cependant été obligés de convenir qu'il fallait que le Parlement légifère ! Je le prends comme une première victoire pour nous qui défendons l'idée que nous ne sommes pas seulement là pour faire les photocopies du Medef !
Sourires sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Frédéric Mathieu applaudit.
Cela dit, vous nous expliquez que vous avez beaucoup discuté entre vous, mais l'amendement auquel vous avez abouti ne dit rien ! Vous vous demandez sur quels critères fonder une augmentation exceptionnelle du résultat. Sur le résultat ? Oui. Sur la taille de l'entreprise ? Oui. Mais vous n'apportez aucun élément d'appréciation, si bien que, d'après nous, le risque constitutionnel demeure entier ! C'est pourquoi nous nous efforçons, avec nos sous-amendements, de faire un travail sérieux de législateur pour vous éviter le camouflet d'une censure par le Conseil constitutionnel : voyez notre mansuétude ! Nous proposons notamment de préciser, avec le sous-amendement n° 431 , que sont bien visés tous les résultats exceptionnels et non pas seulement les augmentations exceptionnelles de résultats. Vous avez là en quelque sorte une corde de rappel, qui vous permettra d'aller dans le sens de l'ANI.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir le sous-amendement n° 428 .
Il vise à préciser l'amendement des collègues macronistes, qui nous semble vaseux – d'autant plus que, sur le sujet dont il est question, il y a clairement maldonne. Les derniers résultats du CAC40 confirment une tendance de long terme, l'accaparement des richesses par les actionnaires et les dirigeants. Cette tendance est exacerbée au sein d'une poignée de groupes incluant TotalEnergies, LVMH ou BNP Paribas, qui concentrent l'essentiel des profits, dividendes et rachats d'actions. En 2022, le CAC40 a engrangé 138 milliards d'euros de profits et a distribué 67 milliards d'euros de dividendes – montants en augmentation de 74 % et de 61 % respectivement par rapport à 2019 –, tout en poursuivant les rachats d'actions à hauteur de 25 milliards. Dans le même temps, 16 000 emplois ont été perdus au sein du même CAC40.
Il nous semble qu'il ne serait que justice – et encore, une justice bien modérée – que de définir ce que sont les superprofits, afin de préciser l'amendement de la majorité et de le rendre opérationnel. Cela permettrait à la société de récupérer une partie des sommes accaparées par des groupes largement et systématiquement subventionnés, qui privatisent l'argent public pour le déverser sur leurs actionnaires. L'adoption de nos sous-amendements, qui rendrait votre amendement opérationnel, serait vraiment la moindre des choses.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme Marianne Maximi, pour soutenir le sous-amendement n° 430 .
Nous nous efforçons, avec ces sous-amendements, de vous aider à avancer. Nous voyons bien en effet que depuis de longs mois, ce débat est compliqué pour vous, minorité présidentielle, et que vous avez du mal à définir et à préciser exactement ce qu'est un superprofit. Je n'étais pas députée à l'époque ,
Murmures sur quelques bancs du groupe RE
mais ce débat avait déjà occupé la législature précédente et nous l'avons aussi eu dès la rentrée législative de 2022, avec l'examen du projet de loi de finances rectificative (PLFR) puis du projet de loi de finances (PLF).
L'oratrice désigne M. Emmanuel Pellerin.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – Protestations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Ah oui ? Mme la présidente, je tiens à ce que cette remarque sexiste soit notée au compte rendu. Je vous remercie de la prendre en compte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce n'est malheureusement pas la première fois que de telles remarques sont faites, mais il y a aujourd'hui des témoins. Je vous remercie, madame la présidente, de faire ce qu'il faut pour que cela cesse !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Peut-être serait-il bon d'écouter des femmes qui parlent d'économie, car c'est intéressant. Depuis de longs mois nous mettons en avant le débat sur les superprofits, mais le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique – un homme – ne veut pas le mener. Il nous a ainsi dit à la rentrée qu'il ne savait pas ce qu'étaient les superprofits et que ceux-ci n'existaient pas. Finalement, face à notre acharnement à vouloir ce débat politique, M. Le Maire a reconnu que les superprofits pouvaient exister, mais qu'il était difficile de les définir. Ce soir, c'est peut-être l'occasion pour vous, minorité présidentielle…
…de déterminer les critères précis permettant de définir ce qu'est un superprofit.
Brouhaha sur les bancs des groupes RE et Dem.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem
Les exclamations se poursuivent.
Non ! Non ! Il n'y a pas eu d'insultes. Elle défend son sous-amendement comme elle l'entend, et elle seule a la parole.
M. Sylvain Maillard s'exclame.
Vous avez le droit de ne pas être d'accord, monsieur Maillard, mais seule Mme Maximi a la parole. Elle peut utiliser comme elle le souhaite son temps de parole de deux minutes pour défendre son sous-amendement.
Je vais finir en évoquant un autre sujet, qui semple vous poser beaucoup de problèmes aujourd'hui : le droit des parlementaires de déposer des amendements et de les défendre comme ils l'entendent !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
C'est compliqué pour vous depuis le début du mandat. Monsieur Maillard, je vous ai entendu en commission des affaires sociales nous raconter des choses totalement incroyables, mais nous avons le droit, et nous le prenons, de défendre des amendements !
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Et je vous demande, s'il vous plaît, d'avoir un minimum de respect pour l'opposition qui mène ce débat depuis des mois.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sur le fondement de l'article 70 de notre règlement, je voudrais revenir sur la remarque sexiste que nous avons entendue.
« Ah là là ! » sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Mme Prisca Thevenot s'exclame.
Depuis deux jours, vous parlez d'égalité entre les femmes et les hommes, mais la moindre des choses, ce serait de cesser vos remarques sexistes !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous avons entendu la remarque qui a été faite ! C'était « chouchou », n'est-ce pas ?
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Nous, à la NUPES, cela nous choque, voyez-vous ! J'espère que cela choque toutes les femmes et tous les hommes de tous les groupes parlementaires …
Les exclamations se poursuivent
…de voir un certain nombre de femmes subir dans cet hémicycle des remarques sexistes au sujet de leur voix ou de leur façon de s'habiller !
Les députés du groupe LFI – NUPES et Mme Christine Pires Beaune se lèvent et applaudissent vivement. – Les députés du groupe Écolo – NUPES applaudissent également.
Je rappelle qu'en vertu de l'article 70 de notre règlement, les remarques sexistes…
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous nous appelons souvent « chouchou » entre nous, ce n'est pas sexiste !
Vous n'avez peut-être pas, monsieur Millienne, la même appréciation du sexisme. Quoi qu'il en soit, les remarques sexistes n'ont pas leur place dans cet hémicycle.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet applaudit également.
La parole est à Mme Aurélie Trouvé, pour soutenir le sous-amendement n° 429 .
Brouhaha.
Mes chers collègues, seule Mme Trouvé a la parole. Si vous estimez que les remarques qu'on vient d'évoquer ne sont pas sexistes, je vous invite à faire un rappel au règlement.
Je le redis : les remarques sexistes n'ont pas leur place dans cet hémicycle, comme le dispose l'article 70 de notre règlement.
Applaudissements sur les bancs des groupes RN, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem
L'oratrice sourit. – Les exclamations se poursuivent sur les bancs des groupes RE et Dem.
Brouhaha.
Monsieur Millienne, puis-je m'exprimer et vous parler d'économie ? C'est bon ?
Monsieur Millienne, on va se calmer et peut-être pouvoir aborder la question de fond.
L'oratrice sourit. – Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Exclamations.
Après avoir fait un rappel au règlement sur une remarque sexiste, j'aimerais maintenant pouvoir développer …
Mêmes mouvements
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.
La séance est reprise.
La parole est, de nouveau, à Mme Aurélie Trouvé, sur le sous-amendement n° 429 .
Pourquoi insistons-nous autant sur la question des superprofits ? La première raison est que l'ANI prévoit la prise en compte des résultats exceptionnels, et non celle de l'augmentation exceptionnelle des résultats. La deuxième raison est que vous refusez depuis un an de les prendre en compte et de les taxer, d'une façon ou d'une autre. La troisième est que vous refusez également qu'ils bénéficient aux salariés. C'est ce qui est en train de se passer ; nous le voyons pendant ce débat.
Le résultat, c'est que les superprofits nourrissent les actionnaires. Vous refusez tout mécanisme de redistribution, soit vers l'État, par le biais de la taxation, soit vers les salariés, par le biais d'une définition des superprofits qui permette un réel partage avec les salariés.
Ce qui est très grave, c'est que ces superprofits alimentent l'augmentation des prix. Nous avons montré, avec l'Institut La Boétie, dans une note excellente – je peux le dire, ce n'est pas moi qui l'ai écrite – que plus de la moitié de la hausse des prix alimentaires était liée aux profits des grandes industries agroalimentaires. C'est tellement vrai que Bruno Le Maire lui-même a dû le reconnaître. Le FMI admet, lui aussi, que les superprofits alimentent l'inflation et qu'il y a bien une boucle prix-profits. Il est donc essentiel, tant pour les consommateurs que pour les salariés, de s'attaquer à ces superprofits qui nourrissent l'inflation.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir le sous-amendement n° 427 .
Il vise, comme les autres sous-amendements, à mettre du concret dans la rédaction que proposent nos collègues macronistes, laquelle est, de notre point de vue, bien bavarde : elle ne dit pas grand-chose et, surtout, ne fait pas grand-chose à la fin. Il est vrai qu'il y a encore un an, M. Le Maire nous disait : « Les superprofits, je ne sais pas ce que c'est », quand nous avons proposé de les taxer. Ici, vous disiez qu'ils n'existaient pas. Quand nous avons réussi à faire adopter un amendement sur les superdividendes, vous vous êtes empressés d'écraser le président du groupe Dem par un 49.3.
On peut comprendre que cela vous mette mal à l'aise. D'ailleurs, après ce qui vient de se passer, on comprend mieux pourquoi, depuis une journée, vous refusez tous les amendements sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes : manifestement, ce n'est pas un sujet qui vous préoccupe. Mais, collègues, il ne faut pas craquer comme ça !
Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
En l'espèce, le sous-amendement n° 427 était une réponse à la question de notre collègue Di Filippo – je vois qu'il s'est absenté –, qui disait : « Si vous vous référez seulement aux dernières années, avec le covid-19, le dispositif ne tiendra pas la route. » Il avait raison. C'est la raison pour laquelle nous proposons de prendre les années 2017, 2018 et 2019 comme années de référence pour la première application de la définition des superprofits, c'est-à-dire les années d'avant-covid. Vous ne l'avez pas envisagé dans vos amendements ; ce n'est pourtant pas bien compliqué.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le sous-amendement n° 415 .
Quand Pierre Dharréville a appelé l'attention de notre groupe sur ce texte, je me suis dit : « Ça y est, les Marcheurs ont pris conscience que les gens avaient beaucoup donné pendant la crise du covid-19, que l'uppercut de l'inflation avait fait mal à la France qui travaille et qu'il fallait peut-être réfléchir à mettre à contribution ceux qui font du pognon en dormant, et qui en font de plus en plus, notamment en période de crise. » Je me suis dit : « Tiens, ça vaut le coup de regarder le texte. » Puis, assez rapidement, je me suis ressaisi. Je me suis dit : « En fait, non, ce n'est pas possible. Nous n'avons pas les mêmes valeurs. » Le texte que vous proposez le confirme.
Non seulement nous n'avons pas les mêmes valeurs, mais nous ne nous référons pas aux mêmes valeurs lorsqu'il s'agit d'aller prendre le pognon.
En effet.
Le sous-amendement vise à corriger l'insuffisance soulignée par le Conseil d'État en fixant un critère objectif – la prise en compte des trois dernières années – qui nous permettra d'agir concrètement. On mesure, ce soir, à quel point vous êtes irrités, excédés, sur les nerfs, lorsqu'il s'agit de prendre le pognon là où il est pour le mettre là où il y en a besoin. Je crains que ce sous-amendement ne soit pas adopté, mais j'aurai tout de même mis de l'énergie à le défendre.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à Mme Aurélie Trouvé, pour soutenir le sous-amendement n° 426 .
Vous êtes très énervés, mais en réalité, vous devriez nous remercier : vous n'arrivez pas à respecter à la lettre l'accord national interprofessionnel et nous vous apportons des solutions pour vous y aider.
À l'article 1er , nous avons déposé un amendement proposant de mentionner les métiers repères. Voyez comme nous sommes constructifs ! M. le ministre a répondu qu'il voulait respecter l'ANI à la lettre. Ensuite, nous avons dit : « Attention, le texte ne contient pas la transcription de la non-substitution des primes aux salaires », et nous avons proposé une dizaine d'amendements en ce sens. Voyez à quel point nous sommes constructifs ! Nous voulons maintenant vous aider à prendre en compte les bénéfices exceptionnels, et non pas l'augmentation exceptionnelle des bénéfices. Nous vous proposons même, avec ces amendements, de tenir compte des remarques du Conseil d'État, qui a retoqué votre première version. Voyez comme nous sommes constructifs !
Nous sommes là pour vous aider à prendre en considération les réelles préoccupations des salariés car, manifestement, vous êtes à ce point emprisonnés dans votre idéologie néolibérale…
…et dans votre soif de plaire au grand patronat que vous n'y arrivez pas. Remerciez-nous !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je veux remercier ma collègue Trouvé pour son aide, et la rassurer. Je ne suis ni énervé ni irrité : j'attendais seulement de pouvoir répondre. Personne n'a la prétention de connaître la bonne définition, ni le bon point d'équilibre. J'ose espérer que tout le monde, dans cet hémicycle…
Vous avez surtout la prétention de chercher longtemps pour ne pas trouver !
Non, monsieur Jumel, j'essaie de répondre honnêtement en me fondant sur un travail que nous menons depuis plusieurs mois, avec ma collègue Sas. Nous avons des désaccords, mais restons-en là.
Plusieurs points ont été évoqués. Tout d'abord, il n'est pas question de taxation, puisque le projet de loi n'est pas un texte financier. Je ne doute pas que nous en reparlerons dans les textes budgétaires : il y aura, là aussi, des divergences de point de vue dont nous débattrons le plus sereinement possible. En ce qui concerne les très grandes entreprises, en particulier celles du secteur énergétique, je rappelle qu'une taxation alignée sur le droit européen a permis de lever 20 milliards d'euros. On peut considérer que ce n'est pas suffisant, mais elle existe.
C'est à l'échelle européenne, tout à fait, mais on ne peut pas dire qu'il n'y a rien.
Troisièmement, j'ai lu l'ANI de nombreuses fois – heureusement, me direz-vous – et je me suis posé la question, comme nous tous, de la nuance entre la notion d'augmentation exceptionnelle des bénéfices et celle de bénéfices exceptionnels. Sur ce point précis, l'amendement que je propose, avec d'autres membres de la majorité, fait référence aux années antérieures. S'il ne précise pas le nombre d'années – une, deux, trois –, c'est précisément parce que, si de nombreuses entreprises ont eu de meilleurs profits en 2017, 2018 et 2019, d'autres ont dégagé de meilleurs profits en 2020 et en 2021, soit parce qu'elles se trouvaient dans des secteurs qui ont bien fonctionné pendant la crise, soit parce que leur résultat a été amélioré par les aides que nous avons apportées : c'est un fait. Nous avons donc volontairement retenu une définition large qui constitue un point d'équilibre – le meilleur ou le moins mauvais, selon le point de vue qu'on adopte.
En conséquence, j'émets un avis défavorable sur les sous-amendements.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements et les sous-amendements ?
Je disais tout à l'heure que l'ANI, tel qu'il avait été conclu, renvoyait à la décision du chef d'entreprise l'appréciation du caractère exceptionnel du résultat. En accord avec les signataires, nous avons fait une saisine rectificative pour introduire un accord d'entreprise et le Conseil d'État, en assemblée générale, a apporté des critères supplémentaires pour nous aider à contrer ce risque d'incompétence négative.
Les amendements identiques de Mme Perron, de M. Gernigon, de M. Viry, de Mme Bergantz et du rapporteur Margueritte reprennent les observations du Conseil d'État. Ils nous paraissent très utiles pour sécuriser l'ANI, en concertation avec ses signataires. Le Gouvernement est donc favorable à ces amendements identiques et défavorable à tous les sous-amendements.
Il est incontestable que ces amendements identiques améliorent le texte existant, mais je ne pense pas qu'ils épuisent le débat. Pourquoi ? Parce que tels qu'ils sont rédigés, ils prennent en compte « des critères tels que… » Cela veut dire que ces critères sont non exclusifs et qu'il peut y en avoir d'autres. M. le rapporteur et M. le ministre me le confirmeront peut-être.
Une seconde observation est que la moyenne des « bénéfices réalisés les années précédentes » reprend l'approche qui avait été choisie par l'Union européenne, et le sens m'en paraît évident. En revanche, avec « les événements exceptionnels externes à l'entreprise intervenus antérieurement à la réalisation du bénéfice », on commence à entrer dans une certaine obscurité, et je veux bien que l'on m'explique ce que cela signifie.
Je voterai ces amendements identiques, monsieur le rapporteur, mais nous devons encore améliorer le texte. Il y aura une deuxième lecture, puis une commission mixte paritaire. Il serait tellement plus simple de se caler sur les travaux de la Commission européenne ! C'était ma position. Vous avez ajouté « des critères tels que la taille de l'entreprise, le secteur d'activité », mais le lien entre des revenus exceptionnels et le secteur d'activité n'est pas du tout évident.
Nous voterons contre ces amendements pour trois raisons. Tout d'abord, ils maintiennent la notion d'augmentation exceptionnelle des bénéfices, plutôt que celle de résultats exceptionnels. C'est un glissement sémantique que nous avions déjà souligné. Ensuite, les précisions par rapport à la première transcription de l'ANI ne sont qu'une mise en conformité avec l'avis du Conseil d'État : l'on n'y trouve rien de plus que ce que ce dernier a demandé. C'est vraiment le minimum de la part du Gouvernement. Enfin, et surtout, je rappelle que l'article prévoit seulement une obligation de négocier et que rien ne se passe si la négociation échoue, y compris sur la définition même de ce que sont des résultats exceptionnels. C'est la raison pour laquelle, un peu plus loin dans la discussion, nous proposerons une définition supplétive, c'est-à-dire susceptible de s'appliquer en cas d'échec des négociations.
L'article, tel qu'il est écrit, est extrêmement faible. Il ne contient qu'une obligation de négocier sur ce que sont les résultats exceptionnels, lesquels peuvent eux-mêmes donner lieu à une autre négociation. Si la négociation échoue une deuxième fois, il n'y aura pas de versement pour les salariés. Tout cela est assez factice. Je tiens à ce que les gens, dans et en dehors de l'hémicycle, se rendent compte que, lorsqu'on parle de versements exceptionnels en cas de résultats exceptionnels, ce n'est pas du tout ce qui est écrit dans l'ANI. Une négociation doit s'ouvrir, et rien de plus.
Nous sommes en train d'essayer de retranscrire l'article 9 de l'accord national interprofessionnel, lequel contient des dispositions relatives à la participation sur les bénéfices réalisés en France et présentant un caractère exceptionnel tel que défini par l'employeur. Le texte va au-delà, puisqu'il définit un cadre. Comment cela va-t-il se passer concrètement ? Nous sommes au mois de juin : de nombreux rapports de gestion de sociétés qui clôturent leur exercice au 31 décembre vont paraître, dans lesquels ces résultats exceptionnels seront mentionnés : cela imposera de réfléchir à une participation et à un intéressement plus importants pour les salariés.
Dans le texte, les critères permettant de définir la notion de bénéfice exceptionnel sont donc bien présents.
Les entreprises concernées seront quasiment dans l'obligation de réaliser ce partage !
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mais si ! C'est ce qui est écrit dans le texte, qui mentionne la « définition » des « modalités de partage ». Elles pourront se faire assister, d'ailleurs, comme l'ont dit plusieurs orateurs, soit par l'expert-comptable, qui l'aidera à définir ce bénéfice exceptionnel, soit par le commissaire aux comptes.
Je voudrais ensuite répondre s'agissant des éléments qui, dans ces amendements identiques, permettent de définir les différents critères utilisés : le résultat exceptionnel peut être dû non seulement à une augmentation du chiffre d'affaires liée à la signature de nouveaux contrats, mais aussi à une cession d'actifs de la part de l'entreprise. Il peut donc avoir différentes causes ! Je pense qu'il est utile d'autoriser une vraie négociation dans l'entreprise, qui doit reposer sur une transparence entre les dirigeants et les salariés, laquelle est nécessaire pour éviter tout jeu de dupes : il faut donc fixer des critères. La doctrine nous aidera à concrétiser dans les faits cet accord que nous sommes en train de mettre en forme.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
À mon tour, je voudrais dire combien la mesure dont nous parlons a un caractère très virtuel : c'est une possibilité. Les termes du texte sont d'ailleurs clairs : l'entreprise peut ouvrir une négociation qui pourra ensuite déboucher sur le partage de la valeur – celui-ci « peut être mis en œuvre », c'est écrit noir sur blanc. À partir de là, vous définissez plusieurs critères sur lesquels il est possible de s'appuyer pour définir ce que l'on appelle une « augmentation exceptionnelle [du] bénéfice ». Il n'est question que de cela, et pas du bénéfice lui-même ! C'est bien ce que nous avions critiqué en défendant nos sous-amendements.
Et, parmi ces critères, on trouve donc « les bénéfices réalisés lors des années précédentes ». C'est assez vague ! Je ne sais pas comment un tel critère pourra être utilisé lors des négociations en question, mais nous proposons assez modestement de préciser le texte en évoquant les « trois dernières années » plutôt que « les années précédentes » : c'est d'ailleurs une norme tacite, en général, quand on veut procéder à une évaluation en tenant compte d'aléas possibles.
Vous le voyez : notre sous-amendement est assez modeste. Il ne va même pas modifier fondamentalement la philosophie de ce que vous nous proposez, qui pourtant ne convient pas – elle ne permet pas, selon nous, de transcrire correctement l'ANI. Et, contrairement à ce que vous venez de dire, monsieur le président Mattei, une telle négociation ne va pas systématiquement déboucher sur un partage de la valeur ! Ce n'est pas ce que nous sommes en train de voter.
M. Dominique Potier applaudit. – « Il a raison ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il faut que nous sachions exactement de quoi nous parlons ; en l'occurrence, accepter notre sous-amendement ne vous coûterait pas grand-chose, et ne coûterait pas davantage aux grands actionnaires.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Pour aller dans le sens de mes collègues Dharréville, Sas et Courson, je voudrais insister sur la nécessité de prendre en compte ces sous-amendements. Je ne sais pas si vous connaissez le théâtre de l'absurde, Eugène Ionesco notamment ,
Soupirs sur les bancs du groupe RE
mais j'ai vraiment l'impression d'être dans une pièce représentative de ce courant.
Le problème, c'est que du côté gauche de l'hémicycle, les acteurs ne sont pas très bons !
Le Conseil d'État vous a signalé l'existence d'un problème : pour définir l'augmentation exceptionnelle du bénéfice, vous devez préciser les critères relatifs à la taille de l'entreprise, au secteur d'activité, aux bénéfices réalisés lors des années précédentes et aux événements exceptionnels qui seraient intervenus. Or vous, vous nous sortez des amendements qui se contentent d'énoncer que « la définition de l'augmentation exceptionnelle du bénéfice prend en compte des critères tels que la taille […], le secteur […], les bénéfices […] ou les événements exceptionnels ». Mais ce que le Conseil d'État vous demande, ce n'est pas de rajouter que la définition « prend en compte » ces critères, mais de les préciser ! C'est tout de même hallucinant et totalement absurde. Votre rédaction ne correspond pas du tout à ce qui vous est demandé : ces amendements identiques sont des amendements somnifères, qui ne servent à rien.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le groupe Socialistes et apparentés – vous le savez, nous n'en avons pas fait mystère – avait l'intention de voter l'ANI, dans le respect de la démocratie sociale. Mais faut-il encore que la lettre traduise l'esprit ! Or il nous semble que la remarque du Conseil d'État et le plaidoyer de Pierre Dharréville illustrent une vraie entrave en la matière : la lettre du texte ne traduit pas l'esprit de l'accord. Les sous-amendements en discussion me paraissent très modérés, très sensés et tout à fait justifiés et, s'ils devaient ne pas être adoptés, la position de notre groupe pourrait se trouver modifiée. Je n'en fais pas une menace et cela ne changera peut-être pas l'équilibre des votes mais, eu égard à la loyauté qui doit nous rassembler, c'est un moment important de nos débats. Nous ne faisons pas preuve, ici, d'hyper-radicalité, et nous ne sommes pas en train de trahir les syndicats : nous nous efforçons, de manière consciencieuse, d'exécuter l'esprit de ce qui a été contracté entre le patronat et les syndicats. Il nous semble que les précisions apportées par nos collègues sont précieuses : elles sont même déterminantes en vue de notre acquiescement final au texte.
Je voudrais réagir à deux de ces sous-amendements, tout d'abord au n° 431, par lequel vous proposez, madame Trouvé, que soient définis les « résultats exceptionnels » plutôt que « l'augmentation exceptionnelle du bénéfice » de l'entreprise. Or votre définition tend à restreindre le dispositif ! En effet, la définition des résultats exceptionnels repose sur des éléments comptables précis. Il existe trois types de résultats : le résultat d'exploitation, le résultat financier et le résultat exceptionnel. En restreignant la mesure aux « résultats exceptionnels »,…
…vous en retirez toute augmentation du bénéfice qui proviendrait du résultat d'exploitation ou du résultat financier.
Votre sous-amendement conduit donc à réduire le dispositif qui permettrait le partage de la valeur.
Ensuite, le sous-amendement n° 430 propose de préciser que « l'augmentation exceptionnelle du bénéfice » doit être au minimum « supérieure à 1,25 fois les bénéfices antérieurs », ce qui revient à réduire le champ de la mesure : 1,25 fois, c'est à la fois beaucoup et peu ! Si votre résultat antérieur est de 10 000 euros, le bénéfice est désormais de 12 500 euros. Un tel seuil n'a donc aucun sens pour définir un résultat exceptionnel.
Je suis donc assez surprise par vos sous-amendements. Au demeurant, il est difficile de définir un résultat exceptionnel, et nous en sommes tous bien conscients : par définition, une telle définition est différente d'une entreprise à l'autre, puisqu'elle dépend de la nature de l'activité et de la situation particulière de chacune. Il faut leur laisser un peu de latitude et faire confiance aux différents acteurs.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
S'agissant des sous-amendements, madame Louwagie a tout dit. Il est vrai que, parfois, l'enfer est pavé de bonnes intentions, mais, s'ils étaient adoptés, ils conduiraient à restreindre l'objectif visé par leurs auteurs. Je voudrais simplement dire, notamment en réaction à l'intervention de M. Potier, que si nous en restions strictement, à l'article 5, à la lettre et à l'esprit de l'ANI, en acceptant le risque juridique qui l'accompagne – le Gouvernement pourrait présenter au Parlement un projet de loi strictement conforme, sur ce point, à l'ANI –, nous confierions aux seuls chefs d'entreprise la définition du caractère exceptionnel du bénéfice.
Mme Ségolène Amiot proteste.
C'est ainsi que l'ANI a été signé par quatre syndicats sur cinq et par trois organisations patronales sur trois : or il précise bien que le caractère exceptionnel est décidé et déterminé par le chef d'entreprise.
Pour aller au bout de ma logique, je précise que nous avions transmis au Conseil d'État un avant-projet de loi reprenant strictement les termes de l'ANI et renvoyant aux seuls chefs d'entreprise la définition du caractère exceptionnel du bénéfice. Sans surprise, lors de l'examen en section, le Conseil d'État nous a dit que la mesure était entachée d'incompétence négative. Nous avons donc discuté avec les partenaires sociaux…
…pour introduire la notion d'« accord d'intéressement ou de participation ». La saisine rectificative que j'ai adressée au Conseil d'État a été validée par les sept signataires la veille à minuit : nous sommes allés au bout des discussions. Elle a donné lieu à un texte examiné en assemblée générale : à cette occasion, le Conseil d'État nous a demandé de préciser les conditions de l'accord. Mais en apportant cette précision, qui est l'objet de l'amendement de Mme Peyron et des amendements identiques, nous nous éloignons encore de l'ANI, d'une certaine manière, puisque celui-ci ne prévoyait aucun critère, sinon la seule appréciation du chef d'entreprise !
Pas à pas, nous avons donc précisé les choses, en assumant d'aller plus loin que l'ANI – ce qui peut paraître contre-intuitif – pour définir le caractère exceptionnel, puisque nous sortons de la seule définition par le chef d'entreprise. Mais j'ajouterai une nuance importante à nos yeux, qui nous permet de respecter notre engagement de transposition intégrale et fidèle : c'est avec l'accord des signataires que la saisine rectificative a été transmise au Conseil d'État et que, de la même manière, ces amendements identiques ont été déposés devant le Parlement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 178
Nombre de suffrages exprimés 177
Majorité absolue 89
Pour l'adoption 145
Contre 32
Comme cela a été souligné à plusieurs reprises depuis le début de la discussion, en particulier par le rapporteur et par le ministre, il convient de respecter l'esprit de l'accord national interprofessionnel. Mais il convient aussi de le transposer le plus honnêtement et le plus correctement possible. Or l'ANI prévoit qu'en cas de bénéfice exceptionnel, dans les entreprises de plus de cinquante salariés qui ont engagé une négociation sur l'instauration d'un accord de participation ou d'intéressement, ladite négociation concerne très clairement le versement « automatique » d'un supplément de participation ou d'intéressement.
En l'état du projet de loi, vous avez donc oublié l'automaticité du versement ! C'est, au choix, un oubli ou une entorse grave au texte de l'accord. L'amendement vise ainsi à rétablir une juste transposition de l'ANI dans la loi.
La question aurait pu en effet se poser, puisque le terme « automatique » se trouve bien dans l'ANI : il est utilisé à l'article 9, comme vous l'avez rappelé. Mais, dans certains cas, un versement automatique reviendrait à remettre en cause les règles actuelles de versement des suppléments. Certaines dispositions du code du travail, en particulier l'article L. 3324-9, pour ce qui est du calcul du supplément de RSP – réserve spéciale de participation –, et l'article L. 3314-10, relatif au supplément d'intéressement, prévoient certaines règles en cas de versement supplémentaire. Par ailleurs, ces suppléments ne peuvent être décidés que si l'accord de participation ou d'intéressement a déjà donné lieu à un versement au titre de l'exercice considéré. La réalisation d'un bénéfice exceptionnel, puisque c'est de cela qu'il s'agit au présent article, n'exemptant pas de réunir ces conditions de droit commun, il est compliqué d'introduire l'automaticité de ce versement, même si je comprends l'intention qui est la vôtre. Avis défavorable.
Même avis.
Avant de soutenir cet amendement, je remarquerai que notre débat sur le partage de la valeur est un peu désincarné. Dans notre pays, 1,2 million de travailleurs pauvres touchent moins de 918 euros par mois et plus de 2 millions vivent sous le seuil de pauvreté. Comment peut-on se loger avec si peu d'argent, avec des rémunérations aussi faibles, alors qu'en outre, 2,4 millions de ménages attendent un logement social ? La voilà, la situation sociale du pays ! Et elle n'est pas sans rapport avec le débat qui nous occupe : à l'autre bout de la chaîne, que trouve-t-on ? Vous connaissez ce chiffre, que nous vous avons donné plusieurs fois : plus de 60,5 milliards d'euros de dividendes ont été versés aux actionnaires en France, et nous sommes les champions d'Europe en matière d'augmentation des dividendes. Ce n'est pas normal ! D'un côté, certains se serrent la ceinture et ne peuvent pas se loger ; de l'autre, des gens s'enrichissent et ne savent même plus quoi faire de leur argent – ils utilisent des jets privés pour aller faire leurs courses. Voilà la situation sociale du pays, et elle est indécente.
J'avais fait un petit calcul pour vous aider à prendre conscience de cette réalité : si le patrimoine de LVMH était redistribué à l'ensemble des salariés qui ont permis qu'il existe, tous les salariés du groupe seraient millionnaires ! Voilà l'ampleur des inégalités de richesse auxquelles nous faisons face ! Alors oui, les mots sont importants.
Je conclus sur l'amendement : ce que nous voulons, c'est évidemment que le versement soit automatique. C'est la moindre des choses, tout de même, chers collègues ! C'est vraiment l'esprit de l'accord national interprofessionnel. Par conséquent, votez cet amendement !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 3 n'est pas adopté.
C'est un amendement rédactionnel visant à insérer « défini » après « participation », à l'alinéa 5.
Je regrette que l'amendement n° 95 ne soit pas défendu, car j'aurais pu lui être favorable, contrairement aux deux autres.
L'amendement n° 95 est adopté.
Sur les amendements n° 16 et 56 , ainsi que sur les amendements identiques n° 159 et 324 , je suis saisie par le groupe Renaissance de demandes de scrutin public.
Sur les amendements identiques n° 159 et 324 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement n° 16 .
Le Gouvernement a fait le choix de s'écarter de la rédaction de l'ANI qui prévoyait que la définition des résultats exceptionnels se fasse par décision unilatérale de l'employeur. La rédaction retenue, qui est celle de la négociation collective, est une meilleure option. Néanmoins, l'article demeure trop flou quant à la définition des résultats ou bénéfices exceptionnels, ce qui risque de nuire à la portée de cette disposition pourtant intéressante.
Le Conseil d'État estime lui aussi « qu'en ne fixant pas de critères encadrant la négociation collective pour définir ce qu'est une augmentation exceptionnelle du bénéfice […] le projet de loi est entaché d'incompétence négative ». Nous proposons donc qu'un décret en Conseil d'État précise les modalités d'encadrement de la négociation collective, en fixant notamment des critères relatifs à la taille de l'entreprise, au secteur d'activité et aux résultats des années antérieures. Nous poursuivons le débat ensemble.
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 142
Nombre de suffrages exprimés 136
Majorité absolue 69
Pour l'adoption 38
Contre 98
L'amendement n° 16 n'est pas adopté.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement n° 56 .
Proposé par notre collègue Colombani, il prévoit d'introduire une disposition supplétive en cas d'échec de la négociation en vue de définir notamment ce qu'est le bénéfice exceptionnel d'une entreprise. En l'absence d'accord, un décret en Conseil d'État devrait pouvoir déterminer, d'une part, la définition d'un bénéfice exceptionnel qui tienne compte de la taille de l'entreprise, du secteur d'activité et des résultats des années antérieures et, d'autre part, les modalités de partage de la valeur qui en découlent.
Même avis.
Cet amendement viendrait compléter utilement ce qui vient d'être adopté, même s'il nous semble encore très flou et insuffisant. Nous venons de renvoyer à la négociation la définition, non pas d'un résultat exceptionnel, mais d'une augmentation exceptionnelle du résultat. Or rien n'est dit sur ce qui se passe dans le cas où la négociation n'aboutit pas.
Il suffirait que, lors de la négociation de branche, le patronat bloque l'accord sur ce que sont ces résultats exceptionnels et cette hausse exceptionnelle des résultats pour que tous les dispositifs afférents ne puissent pas être appliqués. Cette faille monumentale risque de créer une situation fort décevante pour les gens qui pensent que la définition de ces hausses exceptionnelles sera obtenue par la négociation, déclenchant les mécanismes de partage de la valeur.
Selon la rédaction actuelle que vous venez d'adopter, il suffit au patronat de faire échouer la négociation sur la définition de ces résultats exceptionnels pour qu'aucun dispositif de partage de la valeur ne soit obligatoire. C'est, je le répète, une faille. L'amendement de nos collègues permet au moins de tendre un filet de sécurité, de prévoir une corde de rappel pour que les employeurs n'aient pas ce pouvoir et pour que tous les salariés d'entreprises réalisant une hausse exceptionnelle des résultats se voient bien appliquer le présent article. C'est une mesure de bon sens.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 154
Nombre de suffrages exprimés 152
Majorité absolue 77
Pour l'adoption 47
Contre 105
L'amendement n° 56 n'est pas adopté.
Sur l'amendement n° 143 , ainsi que sur l'article 5, je suis saisie par le groupe Renaissance de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 159 et 324 .
La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l'amendement n° 159 .
Il élargit le sujet à l'ensemble de la chaîne de valeur. Si TotalEnergies réalise des résultats exceptionnels et que ses salariés en bénéficient par le biais d'un versement exceptionnel, cela ne règle en rien la question de la contribution de ce groupe à ses sous-traitants.
En cas de résultats exceptionnels, nous voulons que les sous-traitants bénéficient, eux aussi, d'un versement exceptionnel parce qu'ils ont contribué, tout comme les salariés, à la production de ces résultats exceptionnels. Il ne serait pas juste d'oublier le reste de la chaîne de valeur et de ne réserver ce versement qu'aux seuls salariés des groupes qui réalisent des résultats exceptionnels.
Nous voulons créer la possibilité pour les entreprises qui réalisent des bénéfices exceptionnels d'effectuer un versement pour les salariés de leurs sous-traitants. Ces derniers participent eux aussi à la production de richesses dans l'entreprise donneuse d'ordre. Dans l'hôtellerie, par exemple, les femmes de chambre sont souvent en sous-traitance alors qu'elles exercent l'activité principale : sans elles, aucun hôtel ne peut fonctionner. Les bénéfices se font grâce au travail de tous, qu'ils soient internes ou en sous-traitance. Il nous semble donc important de rendre possible l'accès de ces salariés au partage des bénéfices. Je le répète : ils concourent eux aussi à faire fructifier les bénéfices de l'entreprise donneuse d'ordres.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Durant nos travaux, nous avons abondamment parlé de la chaîne de valeur, un sujet dont je ne nie pas l'importance. D'ailleurs, je vous remercie des efforts que vous avez faits pour proposer une rédaction où il est question d'une possibilité et non d'une obligation. Cela étant, nous sommes très au-delà de l'ANI, les négociateurs n'ayant même pas abordé le sujet – ce qui est peut-être dommage. Avis défavorable à ces amendements.
Même avis.
Ces amendements visent à compléter ce texte par une disposition de bon sens qui devrait pouvoir nous rassembler : elle n'oblige à rien mais donne la possibilité aux donneurs d'ordre d'abonder le versement de primes dans leurs entreprises sous-traitantes. La question d'un salariat à plusieurs vitesses est posée, notamment en raison d'un recours croissant à la sous-traitance. Ce système permet de concentrer la valeur ajoutée chez le donneur d'ordre, en externalisant certaines tâches pour les confier à des sous-traitants auxquels on impose des prix serrés, ce qui se répercute sur la situation des salariés de ces derniers : faibles salaires, temps partiels, aucun des avantages accordés par le donneur d'ordre.
Je vais évoquer un seul exemple, très parlant, pris dans ma circonscription. Le groupe Airbus a dégagé 4,2 milliards d'euros de bénéfices l'année dernière, ce qui est très bien pour Airbus et ses salariés. Les personnels d'entretien sont, eux, employés par un sous-traitant, le groupe Atalian. Ces femmes et ces hommes, je les ai rencontrés. Ils se lèvent de très bonne heure pour entretenir les locaux d'Airbus et leur travail permet à Airbus de dégager ces bénéfices, mais ils ne bénéficient d'aucun dispositif de partage de la valeur de cette entreprise.
Ces amendements visent à faire en sorte que des donneurs d'ordre tels qu'Airbus puissent volontairement, sans obligation, abonder un fonds afin que leurs sous-traitants puissent verser des primes à leurs salariés. Voyez que nous sommes loin de nos demandes d'augmentation de salaires et que nous sommes prêts à faire beaucoup de compromis. Il y a ici matière à envoyer un signal pour que tous les salariés du pays soient traités de la même façon.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ces deux amendements sont très bons et importants pour la justice sociale et la valeur travail dans notre pays. Nos collègues les ont très bien présentés. Ce ne sont pas des amendements idéologiques, contraignant les entreprises à faire quelque chose dont elles n'auraient pas les moyens : ils prévoient des mesures de justice sociale.
Dans une même entreprise, située sur un ou plusieurs sites, les employés concourent au même projet et font tourner l'entreprise en exerçant différents métiers essentiels. Or, à la fin de l'année, certains auront droit à plusieurs avantages mérités, tandis que d'autres, souvent ceux qui font les métiers les plus difficiles et répétitifs, et qui s'exposent à des risques, sont exclus de ces avantages parce que l'entreprise a fait le choix de la sous-traitance et non de l'internalisation. Ce n'est pas juste. Il faut donc rétablir la justice sociale en reconnaissant que tous les salariés d'un même site, quel que soit leur statut, méritent, en raison de leur travail, une reconnaissance – celle d'être associés à la réussite commune – et qu'ils doivent en percevoir une récompense. Cela me paraît un minimum.
Je m'étonne que ces deux amendements identiques ne fassent pas consensus : ils n'ont même pas donné lieu à une réponse argumentée de la part du ministre et du rapporteur, alors qu'ils posent une bonne question à laquelle ils apportent une excellente réponse.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Je suis un peu étonnée que ces amendements ne suscitent pas de réactions plus intéressées car l'ANI soulève le vrai sujet : le partage de la valeur ne profite ni aux TPE – très petites entreprises – ni aux PME – petites et moyennes entreprises –, en particulier à celles qui emploient de onze à cinquante salariés, comme nous l'avons montré dans le rapport. Prendre des mesures pour ces entreprises, c'était aller dans la bonne direction.
Malheureusement, cette disposition sur les versements exceptionnels en cas de résultats exceptionnels va encore accentuer le salariat à deux vitesses : d'un côté, les salariés des grands groupes vont percevoir ces versements en plus de l'épargne salariale, l'intéressement et la participation ; de l'autre, les salariés des TPE et PME, qui n'ont pas accès à tous ces dispositifs, seront les oubliés des résultats exceptionnels. C'est pourquoi nous souhaitons que les sous-traitants d'un grand groupe puissent profiter, eux aussi, des résultats exceptionnels qu'ils ont contribué à produire.
La sous-traitance est un sujet intéressant, mais vos amendements ne fonctionnent pas parce qu'ils se réfèrent à des personnes morales différentes. Le partage de la valeur s'effectue en interne, au sein d'une entreprise, et concerne des salariés régis par une relation contractuelle qui ne pose aucune difficulté.
En revanche, vous avez raison de souligner la nécessité de mener une réflexion sur la question de la sous-traitance dans son ensemble : nous devons nous préoccuper de toute cette chaîne de valeur. La situation actuelle est le fruit des contrats de sous-traitance, laquelle mériterait certainement d'être mieux organisée dans de nombreux secteurs d'activité. Celui du bâtiment, par exemple, fait l'objet d'une réglementation ancienne qui résout certains problèmes, mais qui n'existe pas dans d'autres secteurs. Ces amendements, en tout cas, ne fonctionnent pas et ce texte n'est pas le bon véhicule pour légiférer en la matière. Le problème posé est néanmoins intéressant.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet applaudit.
Je rappelle à notre collègue Mattei que l'argument de la séparation entre les personnes morales a longtemps fait obstacle à l'avènement du devoir de vigilance des multinationales, dont le principe a été adopté par le Parlement européen le 1er juin. Nous avons, à l'évidence, été capables de le surmonter pour créer un système de coresponsabilité et une chaîne de responsabilités liant deux personnes morales distinctes. Si nous y sommes parvenus à l'échelle internationale, nous devrions pouvoir le faire au sein d'un même site,…
…entre des entreprises qui coopèrent de façon effective et durable – le code du commerce définit parfaitement ces cas.
La question soulevée par Mme Sas et M. Tavel me semble très pertinente. Elle est d'ailleurs évoquée dans l'excellent rapport d'information sur le partage de la valeur au sein des entreprises que Graziella Melchior – alors députée de la majorité – et moi-même avions rédigé en décembre 2020 et qui avait été adopté à l'unanimité. Nous pouvons donc bien considérer qu'il s'agit là d'un thème consensuel, sur lequel nous pouvons progresser ce soir.
La question que vous posez est effectivement intéressante, dans la mesure où de plus en plus de grandes entreprises externalisent certaines tâches bien déterminées, les confiant à des personnes qui travaillent dans les mêmes lieux que les salariés et qui cohabitent avec eux. Vous proposez de créer un dispositif qui s'appliquerait de façon identique aux salariés des sous-traitants et à ceux des grandes entreprises dans lesquelles ils travaillent. N'oublions pas, toutefois, que l'externalisation crée des relations contractuelles entre l'entreprise et ses sous-traitants, c'est-à-dire entre des entités juridiques différentes. Votre volonté de créer des dispositifs qui s'appliqueraient de façon analogue à l'ensemble des salariés pourrait s'étendre à une multitude de domaines – les œuvres sociales, les forfaits mobilité, les aides diverses –, ce qui me paraît difficile.
Il me semble préférable d'aborder cet enjeu d'une autre manière, en travaillant effectivement sur la situation des sous-traitants et le recours à l'externalisation. Peut-être convient-il, par exemple, d'aménager les contrats susceptibles d'être passés entre les sous-traitants et les entreprises, qui s'établissent parfois à la faveur de rapports de force inégaux se traduisant par des rabais, des remises ou des ristournes. Je crains que l'adoption de ces amendements ne conduise à créer une véritable usine à gaz, qui ne ferait que complexifier un certain nombre de dispositifs dans les entreprises.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 157
Nombre de suffrages exprimés 154
Majorité absolue 78
Pour l'adoption 47
Contre 107
Même quand ça ne crée pas de contrainte, c'est trop compliqué pour vous !
L'amendement n° 143 est retiré.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 153
Nombre de suffrages exprimés 148
Majorité absolue 75
Pour l'adoption 125
Contre 23
L'article 5, amendé, est adopté.
Si vous le permettez, madame la présidente, je le défendrai en même temps que le sous-amendement, afin de gagner du temps.
L'amendement n° 180 , qui reprend, selon des modalités différentes, la proposition figurant dans l'amendement n° 219 précédemment défendu par mon collègue Jean-Philippe Tanguy, vise à réserver 10 % des dividendes aux salariés. L'objectif consiste à faire en sorte qu'au-delà des primes ou des résultats exceptionnels, les employés, dès lors qu'ils ont participé à la création de la richesse, en perçoivent une partie en retour.
Nous avons bien entendu les arguments de M. le rapporteur, qui expliquait, en réponse à M. Tanguy, qu'une telle disposition n'était pas forcément adaptée aux petites entreprises, même si elle aurait pu être envisagée pour les grandes entreprises. Dans un souci de coconstruction, nous proposons donc, avec le sous-amendement n° 432 , de ne l'appliquer qu'aux entreprises de plus de 5 000 salariés, et non à toutes celles de plus de 50 salariés, de sorte que le reversement de 10 % des dividendes aux travailleurs y serve d'expérimentation. La coconstruction est là : vous avez indiqué être ouvert au lancement d'un test dans les grandes entreprises…
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Pour notre part, dans un esprit d'intérêt général, nous travaillons en coconstruction, car nous pensons aux Français.
Visiblement, vous ne pensez qu'à vous-mêmes. Les Français seront heureux de constater qu'entre eux et vous, c'est vous-mêmes que vous privilégiez !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Le sous-amendement n° 432 de M. Nicolas Dragon a donc été défendu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et le sous-amendement ?
Il est défavorable, pour deux raisons. D'une part, une telle disposition ne figure pas dans l'ANI et s'en éloigne même assez fortement. D'autre part, vous introduisez ici la notion de dividende salarié, qui a d'ailleurs fait l'objet de nombreux débats dans l'opinion publique depuis un an ou deux. Or nous avons fait le choix de raccrocher les mécanismes de partage de la valeur aux notions de résultat et de bénéfice, et non à celle de dividende, cette dernière pouvant englober différents cas, peut-être minoritaires mais bien réels, comme les holdings d'acquisition créées pour racheter des entreprises, ou encore les dirigeants de PME se rémunérant en dividendes – on peut approuver ou non ces pratiques, je ne porte aucun jugement, mais, de fait, elles existent. L'ANI prévoit d'ailleurs bien que le partage de la valeur est lié au résultat de l'entreprise. Avis défavorable.
Même avis.
Le sous-amendement n° 432 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 126
Nombre de suffrages exprimés 121
Majorité absolue 61
Pour l'adoption 19
Contre 102
L'amendement n° 180 n'est pas adopté.
Il vise à rendre effectif le versement prévu en cas de résultat exceptionnel de l'entreprise.
Rumeurs sur les bancs du groupe RE.
Pour ce faire, nous proposons de prévoir une disposition supplétive qui s'appliquerait en cas d'échec des négociations sur les résultats exceptionnels. Comme je l'indiquais précédemment, l'article 5 prévoit seulement l'obligation de négocier sur la définition d'une augmentation exceptionnelle du résultat et sur le versement auquel elle pourrait donner droit : aucune disposition supplétive n'est prévue dans le projet de loi. Or nous devons absolument prévoir une telle disposition en cas d'échec des négociations, sans quoi cette mesure restera vide de sens.
Nous proposons donc une disposition supplétive prévoyant que l'augmentation exceptionnelle correspond à un résultat en hausse de 25 % par rapport à la moyenne des trois années précédentes. Il s'agirait là d'un point d'appui en vue de la négociation, dont bénéficieraient principalement les salariés – car chacun sait qu'une négociation engage une partie faible et une partie forte et que si les organisations de salariés ne disposent pas d'un tel point d'appui, il suffira à l'employeur de déclarer qu'aucun accord n'a pu être trouvé pour que tout tombe à l'eau et qu'aucun versement exceptionnel n'intervienne en cas de résultat exceptionnel. L'adoption de l'amendement permettrait de rendre opératoire l'article 5 en lui donnant un contenu qu'il ne possède malheureusement pas pour l'heure.
Nous avons déjà évoqué ce point. Aucune mesure supplétive n'est en effet prévue dans l'ANI. Je précise d'ailleurs que, si de nombreuses dispositions du code du travail prévoient des mesures supplétives, elles ne le font pas systématiquement. Je n'émets aucun jugement sur ce point, mais, de fait, il ne s'agit pas du critère pertinent pour juger de la pertinence d'une mesure. Les organisations syndicales ont effectivement indiqué qu'elles auraient aimé que des dispositions supplétives soient prévues, mais en précisant immédiatement que cette hypothèse avait été écartée. En adoptant votre amendement, nous nous éloignerions très substantiellement de l'ANI.
Par ailleurs, vous avez raison de souligner qu'une telle mesure supplétive se substituerait mécaniquement à un des niveaux de discussion que nous souhaitons encourager. Sur ce point, je vous renvoie aux débats qui viennent de se tenir sur l'article 5. Avis défavorable.
Même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 149
Nombre de suffrages exprimés 130
Majorité absolue 66
Pour l'adoption 25
Contre 105
L'amendement n° 163 n'est pas adopté.
Nous en venons à l'examen de l'article qui accompagne le déploiement de la prime de partage de la valeur (PPV) – cette terrible prime qui donne des sueurs froides à certains de nos collègues, alors qu'elle représente, pour de nombreux salariés de notre pays, le coup de pouce qui les aide à boucler leurs fins de mois. Grâce à cet article, nous renforcerons un dispositif de partage de la valeur souhaité par les organisations patronales et syndicales. Si les entreprises, notamment les plus petites, ne peuvent pas toujours augmenter les salaires, elles peuvent, grâce à cette prime, montrer à leurs salariés qu'ils comptent dans la vie de la société. Rappelons que c'est bien parce que la prime de partage de la valeur est défiscalisée et désocialisée qu'elle est particulièrement attractive pour les entreprises comme pour les salariés. Comment ceux de nos collègues qui ont déposé des amendements de suppression de l'article 6 comptent-ils expliquer demain aux bouchers,…
Ils s'en fichent, ils ne les connaissent pas ! Ils n'aiment pas la viande !
…aux boulangers et aux salariés des PME de leur circonscription que, parce qu'ils ne veulent parler que de salaires, ils ont défendu la suppression de cette prime ? Pour notre part, nous soutenons la possibilité d'attribuer la prime en deux fois chaque année, c'est-à-dire dès que la trésorerie de l'entreprise le permet ; le relèvement des plafonds totaux d'exonération ; la possibilité, pour le salarié, de placer ces sommes sur un plan d'épargne salariale. Nous savons en effet à quel point ce dispositif est essentiel pour les entreprises et pour les salariés.
L'article 6 permet trois choses : d'une part, d'attribuer deux primes de partage de la valeur par année civile dans la limite des plafonds d'exonération existants ; d'autre part, d'autoriser le salarié à placer tout ou partie de la prime perçue sur un plan d'épargne entreprise (PEE) ou un plan d'épargne retraite (PER), afin d'inscrire la PPV dans le champ de l'épargne salariale, au même titre que l'intéressement ou la participation ; enfin, pour les entreprises de moins de cinquante salariés, de prolonger jusqu'au 31 décembre 2026 la désocialisation et la défiscalisation applicable à tous les salariés dont la rémunération est inférieure à trois Smic. Le critère de la taille de l'entreprise, en vertu duquel le même salarié touchant une PPV se verrait ou non exonéré de charges sociales et d'impôt sur le revenu selon qu'il travaille dans une entreprise de plus ou de moins de cinquante salariés, porte toutefois atteinte, selon le Conseil d'État, au principe d'égalité des salariés devant les charges publiques.
Même s'il a été souligné, au cours des discussions qui nous animent depuis le début de l'examen du texte, que la prime de partage de la valeur se substitue en partie – à hauteur de 15 % à 40 % – aux augmentations de salaire, nous nous réjouissons de la prolongation de ces mesures. Entre 2019 et 2022, plus de 15 millions de salariés ont en effet bénéficié d'une PPV, dont le montant moyen a été plus élevé dans les entreprises de moins de cinquante salariés que dans les autres. En revanche, pour assurer la diffusion de la prime de partage de la valeur et la rendre plus attrayante dans les petites entreprises, nous souhaitons y rendre éligibles les chefs d'entreprise dont l'effectif est inférieur à 250 salariés,…
…tout en plafonnant leur prime afin qu'elle n'excède pas le montant maximal versé à un salarié non-mandataire social. Un tel dispositif existe pour l'intéressement, pour la participation et pour l'épargne salariale. Si l'on veut que la PPV soit plus largement diffusée, ces chefs d'entreprise doivent donc également en bénéficier.
L'article 6 vise à inscrire la prime de partage de la valeur, dite prime Macron, dans le champ de l'épargne salariale.
Je vous propose une petite rétrospective de cette prime jusqu'à aujourd'hui. Elle a été annoncée et créée lors du mouvement des gilets jaunes. À l'époque, on nous avait promis qu'elle s'élèverait à 1 000 euros et serait versée à tous les salariés. Le Gouvernement en a remis une couche en 2020 et en 2021, lors de la crise du covid-19, en s'adressant plus particulièrement aux travailleurs et travailleuses de première et deuxième lignes – j'en étais et je peux vous dire qu'avec mes collègues, cette prime, nous l'attendions.
Or, comme d'habitude avec vous, la prime est versée au bon vouloir de l'employeur. Résultat : seuls 20 % des salariés en ont bénéficié. Selon l'étude d'impact réalisée par l'Assemblée nationale en 2022, son montant moyen s'élève environ à 460 euros en 2019, à 600 euros en 2020, à 570 euros en 2021 et à 490 euros en 2022. Si 20 % des salariés ont reçu cette prime, 16 % des bénéficiaires en ont touché le montant maximal. Il s'agit de ceux qui perçoivent les meilleurs salaires, qui travaillent dans les secteurs les plus rémunérateurs.
Si nous avons déposé un amendement de suppression, c'est tout simplement parce que cette prime n'est pas un dispositif de partage de la valeur au sens du code du travail, contrairement à l'intéressement et à la participation. Son montant est déterminé non pas par la négociation collective mais à la seule discrétion du patron et de l'entreprise. Elle ouvre bel et bien – nous y reviendrons au cours du débat – la possibilité d'un traitement différencié selon les salariés. Plutôt que d'augmenter les salaires socialisés afin de garantir la pérennité du système de retraites, le Gouvernement favorise, de manière insidieuse, la retraite par capitalisation – là encore, nous y reviendrons.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Emmanuel Fernandes, pour soutenir l'amendement n° 248 , tendant à supprimer l'article 6.
L'article 6 vise notamment à rendre possible le versement d'une deuxième prime de partage de la valeur, dite prime Macron, au titre d'une même année civile, dans le respect des plafonds actuels. Or ces plafonds ont déjà été triplés l'été dernier – souvenez-vous, c'était dans le cadre de la mal nommée loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat – pour atteindre, sous certaines conditions, 3 000 voire 6 000 euros.
Le résultat de ce triplement est bien maigre puisque seul un salarié sur quatre a touché en moyenne 500 euros en 2022, bien loin, donc, des plafonds en vigueur auparavant.
Quoi qu'il en soit, vous aurez beau doubler, tripler voire quadrupler les plafonds ou les échéances annuels de versement pour alimenter l'illusion, vous faites fausse route. Près d'une personne sur trois se retrouve avec moins de 100 euros le 10 du mois et une personne sur deux se prive de repas occasionnellement ou régulièrement : telle est la réalité de l'état du pays après six ans de présidence d'Emmanuel Macron.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Oui, vous faites fausse route, car la seule voie pour améliorer le pouvoir d'achat est l'augmentation des salaires. Cela suppose tout d'abord de porter le Smic à 1 600 euros net en prévoyant un système de péréquation pour que les plus grandes entreprises, celles qui en ont les moyens, soutiennent les plus petites entreprises face à cette augmentation. Il faut ensuite ouvrir des négociations salariales sur la base de ce nouveau Smic qui devra devenir également le montant de la retraite minimale pour une carrière complète.
En outre, comme cela a été dit, en faisant le choix de primes défiscalisées et désocialisées au détriment d'une hausse des salaires, vous asséchez le financement de la sécurité sociale, de l'assurance chômage et des caisses de retraites. En l'espèce, le fait que l'article 6 encourage le versement des primes dans un plan d'épargne retraite est la signature de votre choix idéologique d'aller vers la capitalisation en poursuivant la destruction de notre modèle social hérité du Conseil national de la Résistance. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Défavorable. D'abord, cette question relève évidemment de l'ANI. Ensuite, personne n'a dit que cette prime était versée à tout le monde, d'ailleurs nous avons communiqué les chiffres de manière très objective.
Je dois dire que j'imagine assez mal la plupart d'entre nous retourner dans leur circonscription et annoncer que nous avons supprimé la prime de partage de la valeur. Certes, tout le monde ne la perçoit pas mais ceux qui en bénéficient – tout de même 30 % de la population – ne seraient pas totalement ravis si nous défendions sa suppression.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Très défavorable !
Depuis hier, dans l'hémicycle – et après avoir déjà évoqué le sujet en commission des affaires sociales –, nous parlons du problème de l'augmentation des salaires. Or il se règle non pas par la loi mais branche par branche, au sein même des entreprises.
Si vous n'êtes pas capables de l'entendre lorsque nous vous le disons, entendez au moins les syndicats. La secrétaire générale de la CFDT a rappelé elle-même ce matin qu'il était important de laisser le dialogue social et les négociations salariales traiter cette question. Nous montrons ici que nous sommes attachés au dialogue social. Nous en sommes les garants malgré vous parce que nous tenons absolument à faire avancer l'ANI et à le respecter.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je ne comprends pas pourquoi vous ne voulez pas défendre le pouvoir d'achat des Français. Le seul pouvoir que vous défendiez depuis le début de cette discussion, c'est celui de nuire et de détruire. Acceptez enfin de respecter le dialogue social !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Travaillez non pas pour une seule personne mais pour l'ensemble des Français.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Demandez aux salariés qui sont ceux qui nuisent à leur pouvoir d'achat et le détruisent depuis six ans. C'est vous !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Sébastien Jumel applaudit également.
Hier après-midi encore, c'est vous qui avez refusé que la question des salaires puisse être discutée au sein des branches alors que nous le proposions. Ne prétendez pas à présent que vous défendez cette mesure !
Protestations sur plusieurs bancs du groupe RE.
J'ai entendu des propos sexistes sur vos bancs ! Ils me critiquent parce que je suis une femme !
Brouhaha persistant sur les bancs des groupes RE et Dem.
Je poursuis mon propos. C'est encore sous la présidence d'Emmanuel Macron que les salaires réels – y compris lorsqu'on tient compte de l'inflation – ont baissé l'an dernier pour la première fois dans notre pays depuis très longtemps.
Vous nous dites que vous voulez défendre l'ANI. Or nous avons fait la démonstration, depuis hier, que, chaque fois qu'il aurait été possible de modifier l'ANI au profit des salariés, s'agissant des métiers repères, de la définition des superprofits ou de la sous-traitance – une question qui est pourtant abordée dans l'article 17 de l'accord –, vous avez préféré l'amoindrir et l'affaiblir.
Enfin vous dites aujourd'hui que vous écoutez la secrétaire nationale de la CFDT. Que ne l'avez-vous fait lorsqu'elle vous demandait d'abroger votre réforme des retraites, d'y renoncer ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
J'en viens à la prime Macron. Oui, nous voulons la supprimer parce qu'il est déjà possible de verser des primes dans les entreprises, mais soumises à des cotisations sociales, sans remplacer les salaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 124
Nombre de suffrages exprimés 123
Majorité absolue 62
Pour l'adoption 25
Contre 98
L'amendement n° 248 n'est pas adopté.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
Seul M. Tavel a la parole. Il a le droit de déposer autant d'amendements qu'il le souhaite, comme le prévoit la Constitution.
« Chers » ? Vous nous coûtez cher, ça, c'est sûr !
Depuis hier, l'objet de notre débat est notamment de savoir comment empêcher la prime de partage de la valeur, dite prime Macron, de se substituer au salaire. Nous avons déjà défendu sur le sujet plusieurs amendements que vous avez repoussés. Celui-ci pourrait permettre de résoudre le problème. Vous nous dites que vous n'êtes pas en mesure d'empêcher une telle substitution – c'était d'ailleurs écrit noir sur blanc dans le dernier PLFSS, le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous proposons donc une solution : que la prime Macron soit soumise à cotisations sociales comme les salaires.
Nous éliminerons ainsi les effets d'aubaine qui pourraient exister lorsqu'un employeur verse une rémunération sous forme de prime plutôt que de salaire. Voilà une première réponse visant à lutter contre le fait que 30 % du montant de la prime auraient dû être versés sous forme de salaire. Si l'on considère le montant moyen de la prime Macron, ce ne sont pas moins de 240 euros de salaire dont ont été privés les salariés en raison de ce mécanisme de substitution.
Au passage, en soumettant la prime à cotisations sociales, nous améliorons le sort des travailleurs et des salariés parce que leurs droits à la retraite augmenteront – et ils en ont bien besoin. Il en va de même pour leurs droits à l'assurance chômage – là encore, ils pourraient en avoir bien besoin car on ne sait pas de quoi demain sera fait. Enfin, avec ce dispositif, nous soutenons la sécurité sociale : vous n'aurez alors pas besoin de dérembourser les soins dentaires – comme vous venez de le faire – ni de dérembourser les médicaments, comme vous vous apprêtez à le faire.
Ce que vous prétendez donner d'une main aux salariés, vous le reprenez de l'autre. La prime Macron, c'est : donne-moi ta montre et je te donnerai l'heure !
Nous vous demandons d'augmenter les salaires et de soumettre la prime aux cotisations sociales. Ainsi, les salariés seront mieux payés, mieux traités et mieux protégés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Évidemment défavorable. Je ne partage pas du tout les propos de M. Tavel – certes, ce n'est pas une surprise. Si l'on appliquait la mesure que vous défendez, les salariés toucheraient moins d'argent – en l'espèce, 240 euros de moins –, car les entreprises ont une certaine somme à distribuer, quelle que soit la méthode choisie. Les choses ne se passent pas comme vous le prétendez. Je suis sûr que si vous allez voir les entreprises de votre circonscription – j'espère d'ailleurs que vous l'avez déjà fait
Exclamations
…elles vous expliqueront toutes qu'elles versent dans tous les cas le même montant et que, par conséquent, les salariés toucheraient moins d'argent si l'on appliquait votre mesure.
Même avis.
La collègue Thévenot a bien fait de citer l'interview de la secrétaire générale de la CFDT, que je tiens au passage à saluer pour sa prise de fonction. Savez-vous ce qu'elle a dit ce matin ? « Pas de son, pas d'image ! » Elle parlait du président Macron qui ne l'a toujours pas contactée depuis sa prise de fonction.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cela illustre le mépris de ce président de la République pour les syndicats de salariés et pour la CFDT.
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Puisque la nouvelle secrétaire générale a déclaré qu'il fallait respecter l'ANI, nous vous demandons de respecter l'article 4 de cet accord qui porte sur les métiers repères.
Je vous parle de l'ANI, pas du projet de loi – ne confondez pas tout !
Nous vous demandons de respecter également l'article 10 de l'ANI qui porte sur la transcription du principe de non-substitution des primes aux salaires, l'article 9 sur les résultats exceptionnels – que vous ne mentionnez pas – et sur le versement automatique des primes qui leur est associé, ou encore l'article 17 sur la prise en compte des sous-traitants dans le versement des primes correspondant aux bénéfices exceptionnels.
En ne prenant pas en considération ces sujets, vous faites preuve de trahison à l'égard de tous ces articles et plus largement de l'accord national interprofessionnel.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 120
Nombre de suffrages exprimés 111
Majorité absolue 56
Pour l'adoption 23
Contre 88
L'amendement n° 255 n'est pas adopté.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne ;
Lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie ;
Discussion, en lecture définitive, de la proposition de loi visant à maintenir provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs ;
Suite de la discussion du projet de loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise.
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra