La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 534 à l'article 7.
Le présent amendement vise à limiter l'expérimentation dans le temps en fixant une limite au 1er janvier 2025. Venant du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, je suis malheureusement habitué à ce que des expérimentations soient généralisées sans évaluation systématique ni annonce préalable. C'est pourquoi nous préférons qu'une limite soit inscrite de manière ferme dans le texte.
Au cours du débat d'hier soir, on nous a répété à plusieurs reprises, en particulier sur les bancs de la minorité présidentielle, avec ce petit ton condescendant habituel, que nous étions les seuls à nous opposer à l'expérimentation et que, de ce fait, nous étions isolés. Il se trouve que nous sommes soutenus dans ce combat par trente-sept organisations internationales ; si vous ne nous écoutez pas, écoutez-les et fixez une limite au 1er janvier 2025 à cette expérimentation mortifère.
M. Benjamin Lucas applaudit.
La parole est à M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
Nous avons aussi dit, hier soir, que l'expérimentation prendrait fin au 31 décembre 2024. L'amendement est satisfait. C'est la raison pour laquelle je réitère ma demande de retrait ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
La parole est à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer, pour donner l'avis du Gouvernement.
Vous dites que l'expérimentation aura cours jusqu'au 31 décembre, mais vous ne dites pas qu'elle ne se poursuivra pas après le 1er janvier.
Autrement dit, nous vous suspectons de vouloir pérenniser l'expérimentation après le 1er janvier 2025, en disant : « Regardez, c'est vachement bien ; en tout cas, ça n'a fait de tort à personne », avec cette phrase clé : « Sur le terrain, tout le monde dit que ça marche » – quelle que soit l'étude, d'ailleurs. Nous avons eu ce débat, hier, sur les caméras-piétons.
Sur le terrain, tout le monde dit que ça marche…
On nous avait promis un rapport d'évaluation ; finalement, on nous a remis un petit document d'une dizaine de pages qui était très intéressant, puisqu'il ne disait rien ; sur la base de ces remontées du terrain, vous avez dit qu'il fallait généraliser l'expérimentation, puisque ça marche.
M. Philippe Latombe applaudit.
C'était pareil pour les boîtes noires – vous savez, la surveillance des nœuds de connexion pour la lutte contre le terrorisme. En 2016, nous avions prévu une date de reconduction en disant : « On expérimente et, si cela ne marche pas, on arrête. »
Sur le terrain, on dit que ça marche…
Quand les bilans ont indiqué que l'expérimentation n'avait permis d'atteindre aucun objectif opérationnel, on nous a dit : « Si cela n'a pas marché, c'est parce que ce n'était pas assez intrusif. Il nous faut les URL, d'autres types de données de connexion, etc. » On a compris le truc !
Par le biais de cet amendement, nous souhaitons donc que l'expérimentation ne puisse pas être prolongée. Nous savons déjà qu'elle ne servira à rien, dans le meilleur des cas, et qu'elle sera néfaste pour les libertés individuelles.
Je trouve surprenante cette absence totale de confiance dans les pouvoirs d'évaluation du Parlement et dans sa capacité à délibérer de manière souveraine. Si j'osais, je dirais, comme M. le ministre, que vous n'aimez pas le Parlement.
Par ailleurs, vous avez expliqué hier que des règlements européens allaient interdire ces pratiques de traitement algorithmique des vidéos, après leur adoption par la Commission européenne, par le Parlement européen et, in fine, par le Conseil de l'Union européenne. Si cette législation européenne voit le jour, votre demande sera satisfaite sans même que nous ayons à passer par la loi.
L'amendement n° 534 n'est pas adopté.
Nous souhaitons qu'il ne puisse pas être fait usage de drones pour pulvériser du produit stérilisant sur les œufs de goélands. Vous savez qu'une bataille fait rage entre les drones et les goélands depuis plusieurs années, notamment à Paris, et que cela pose des problèmes à la préfecture de police, laquelle a eu l'idée de stériliser les œufs de goélands.
Dans la bataille qui oppose les drones aux goélands, j'ai choisi mon camp, c'est celui des goélands. Eux, au moins, ils sont jolis, ils sont sympas et, même s'ils nous regardent, on ne se dit pas qu'ils nous surveillent. Il n'y a pas d'algorithmes ; c'est la nature, quoi ! Alors que le drone, lui, est beaucoup moins agréable – et puis, la biodiversité des drones, cela ne parle pas à grand monde.
Plus sérieusement, j'aimerais savoir comment M. le ministre prévoit de faire face aux attaques de drones par les goélands. Présentent-elles un risque pour la population ? Les drones dotés d'une autonomie suffisante pour voler en transportant une technologie de bonne qualité pèsent un certain poids : que se passe-t-il s'ils tombent sur quelqu'un ? A-t-on déjà recensé des cas ? Quels ont été les dommages ? Quel est le bilan ? Combien de drones ont été attaqués par des goélands ? Combien cela a-t-il coûté à la préfecture de police – à Paris, mais pas seulement, car des goélands, il y en a dans tout le pays ?
Si l'argumentation rationnelle ne suffit pas à vous convaincre que surveiller la population n'est pas une solution, nous préférons encore nous en remettre aux goélands.
Une fois n'est pas coutume, je vais lire ma fiche de banc
Sourires
– ce qui ne m'arrive jamais, M. le président de la commission des lois en est témoin. Je tiens à en saluer le rédacteur, obscur mais spirituel, et dont je préserverai l'anonymat, par peur de représailles de votre part.
Le 8 mars, en commission des lois, vous vous préoccupiez, à juste raison, du fait que les drones se faisaient régulièrement attaquer par des goélands à Paris et vous demandiez comment renforcer leur sécurité – chacun se souvient de ce moment mémorable qui illustre combien M. le député Bernalicis se mobilise sur les vrais sujets qui intéressent les Français. Vous repreniez ainsi le constat fait dans cette même assemblée, le 24 juin dernier, par votre idole, l'ancien préfet de police de Paris Didier Lallement, dans le cadre d'une audition de la commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire. Désormais, vous renversez l'accusation et vous attaquez le principe même du recours aux drones ;…
…votre accord aura donc été de brève durée.
Sourires.
Je me contenterai d'un simple constat : c'est que, pour une fois, vous privilégiez la défense des goélands aux noms d'oiseaux.
Rires et applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Avis défavorable.
Je ne sais pas si vos équipes savent aussi combien de drones ont été attaqués par des goélands et quels sont les risques pour la population. S'il tombe, est-ce que le drone a un parachute de secours ?
Sourires sur les bancs des groupes RE et Dem.
Faites une commission d'enquête !
Vous riez, mais le sujet est là. Ce qui a mis le principal coup d'arrêt à l'usage des drones à Paris, ce n'est pas la décision du Conseil d'État, mais les goélands ; ils sont donc plus efficaces que le Conseil d'État pour faire respecter la décision de non-usage des drones.
Hier soir, monsieur le ministre, vous avez dit que les drones n'étaient pas utilisés lors des manifestations car vous attendiez que les arrêtés soient validés par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Or j'ai eu des retours du terrain, comme on dit, lesquels indiquent que des drones survolent les manifestations depuis plusieurs jours. Alors, les drones sont-ils utilisés lors des manifestations ? Est-ce qu'un décret est en cours de validation par la Cnil ou est-ce que, comme d'habitude, on s'en fiche, auquel cas le seul recours viable que nous ayons, en tant qu'ardents défenseurs des libertés individuelles, serait de s'en remettre à mère Nature ?
Avec tout le respect que je dois à l'Assemblée nationale, pourrait-on parler du texte, monsieur Bernalicis ? Il nous reste quelque 120 amendements à examiner sur l'article 7. Personnellement, je ne manifesterai pas cet après-midi. J'ai pu voir quelques internautes dire, hier soir, que le groupe La France insoumise voulait examiner le texte plus rapidement ; personnellement, je pense que l'article 7 traite d'un sujet très important, et j'aimerais que l'on revienne aux Jeux olympiques, plutôt que de partir dans les longueurs. Tout le monde n'a pas le talent de Baudelaire pour parler des goélands.
Sourires sur les bancs du groupe Dem.
L'amendement n° 615 n'est pas adopté.
Ces amendements traitent de l'utilisation du droit d'opposition. Le règlement général sur la protection des données (RGPD) prévoit la possibilité de déroger au droit d'opposition par des « mesures législatives » – ce sont les termes utilisés par le droit communautaire. La question est de savoir si, en France, ces mesures législatives correspondent uniquement à la loi ou si elles englobent aussi des mesures dites législatives incluses dans le corpus du droit administratif. La position du Conseil d'État, formulée par la section de l'intérieur, est qu'il est possible de déroger au droit d'opposition par des mesures administratives, des décrets, voire des arrêtés de collectivités territoriales.
La question qui se pose à nous est de savoir si c'est au législateur de fixer le cadre général de l'usage du droit d'opposition, ou si cette décision doit être prise par chaque arrêté préfectoral. Dans un certain nombre de cas, il pourrait être utile de préserver un droit d'opposition ; dans d'autres, il serait utile que l'on puisse y renoncer. Par cet amendement d'appel, le groupe Démocrate souhaite que cet arbitrage soit renvoyé à chaque acte administratif.
Afin d'éviter tout problème constitutionnel, il serait bon, conformément à l'article 34 de la Constitution, que nous dressions un acte positif de discussion en décidant ici que le législateur renonce à inscrire dans la loi la possibilité de renoncer au droit d'opposition et qu'il renvoie cette décision à chaque arrêté, pour que les arrêtés puissent être jugés en proportionnalité sur ce plan-là.
En tant que député des Côtes-d'Armor, je ne vous parlerai pas davantage des goélands, bien que certaines théories complotistes prétendent que l'on a créé la grippe aviaire pour supprimer les goélands et protéger les drones…
Rires et applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Mais je ne veux pas laisser prospérer ici ce genre d'idées.
L'amendement que je présente reflète une position différente de celle de notre collègue Latombe. Nous proposons, conformément aux recommandations de la Cnil, de traiter par décret la question de l'exercice du droit d'opposition. Il y a un battle entre le MODEM et Renaissance sur ce point : faut-il un décret, faut-il des arrêtés ? C'est ce que nous mettons en débat. Nous attendons impatiemment le verdict de la commission et celui de M. le ministre.
Comme vous l'avez dit tous les deux, le RGPD, à son article 23, et la loi de 1978, à ses articles 48 et 56, prévoient la possibilité d'aménager le droit d'opposition sans en prévoir les modalités, ce qui renvoie la décision à une disposition réglementaire, laquelle est d'ailleurs régulièrement adoptée. L'article 34 de la Constitution, lui, prévoit que la loi protège « les garanties fondamentales accordées aux citoyens » ; a priori, elle n'entre pas dans le niveau de détail consistant à préciser les modalités du droit d'opposition. C'est la raison pour laquelle, considérant que ces modalités relèvent du domaine réglementaire, je vous demande le retrait de ces amendements.
Je reprends l'argument de M. le président de la commission des lois et j'ajoute, à l'intention des députés qui ont déposé ces amendements – que je les invite à retirer –, qu'indépendamment du fait que la décision sur la protection des libertés doit, en effet, être prise par décret, ce dernier sera soumis à l'avis de la Cnil, laquelle dira si nous prenons des décisions disproportionnées ou si nous utilisons mal les dispositions prévues par le législateur. C'est le même décret que nous avons évoqué hier avec les groupes La France insoumise et Rassemblement national. Je crois que votre volonté de protéger les libertés contre le pouvoir potentiellement incontrôlé du Gouvernement est satisfaite. Je vous propose donc de retirer ces amendements ; à défaut, avis défavorable.
Je comprends parfaitement ; c'est d'ailleurs l'esprit qui nous anime. Cet amendement d'appel visait à préciser ce point au compte rendu.
Il y a deux solutions : soit l'on considère que l'inscription au compte rendu est suffisante pour un éventuel contrôle constitutionnel, auquel cas je suis prêt à retirer l'amendement, soit l'on entérine le fait que la décision doit être prise par la loi et non par un acte administratif ; dans cette hypothèse, j'appellerais à voter contre l'amendement de mon groupe. L'essentiel est qu'il y ait un acte positif pour que le Conseil constitutionnel puisse dire que, dans le cadre des débats, le législateur a bien déterminé que la décision devait être prise par décret.
Je conçois qu'il est baroque d'appeler à voter contre l'amendement que l'on a soi-même déposé. Je retire donc le mien ; si Éric Bothorel maintient le sien, nous voterons pour. L'essentiel est de marquer les choses.
L'amendement n° 397 est retiré.
Quant à moi, je donne ma langue au goéland et je retire mon amendement.
L'amendement n° 699 est retiré.
Je suis ravi de vous retrouver, monsieur le ministre ! En m'habillant ce matin, je me suis toutefois demandé si mon col roulé serait perçu par vos caméras intelligentes comme un comportement à risque de « lemairisme ». J'ai craint que cela ne me cause des difficultés. N'y voyez aucun signal particulier pour la course à Matignon !
Sourires.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 7 permet de déroger à l'obligation d'information du public sur l'emploi de la vidéosurveillance algorithmique (VSA). Comme l'a rappelé la Cnil sans toutefois être entendue, cette information est essentielle à la garantie minimale des droits fondamentaux et des libertés publiques. La dérogation à l'obligation d'information s'applique « lorsque les circonstances l'interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis ».
Cette disposition pose plusieurs problèmes, qui n'ont absolument pas été réglés par la commission. Tout d'abord, on ne voit pas très bien quelles circonstances ou quels objectifs pourraient justifier qu'on cache les caméras aux citoyens, à moins de tous les considérer comme des suspects devant être surveillés à leur insu. Ensuite, le flou de cette formulation reprise du code de la sécurité intérieure conduit à faire de l'information l'exception et du secret la règle : n'importe quel argument pourrait être avancé pour se soustraire à l'obligation.
Afin de garantir le respect des droits de nos concitoyens, le groupe Écologiste – NUPES demande, par cet amendement, la suppression de la dérogation à l'obligation d'information, et ce d'autant plus que nous parlons ici de la vidéosurveillance algorithmique, bien plus intrusive que la vidéosurveillance classique.
Ce qui est visé avec la formule « sauf lorsque les circonstances l'interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis », c'est la lutte contre le terrorisme. Avec sa suppression, vous nous proposez donc, en réalité, de prévenir les terroristes qu'ils sont filmés.
Votre amendement réduirait quelque peu l'intérêt du traitement algorithmique des vidéos, vous le comprenez bien. Cette formule est en outre nécessaire à la cohérence du droit en vigueur puisque la même exception figure dans le code de la sécurité intérieure. Enfin, elle a été validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 janvier 2022. Avis défavorable.
L'amendement n° 319 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à informer les habitants des communes qui mettent en place un dispositif de VSA de son emploi. Depuis le début de ce débat, nous parlons du public des Jeux olympiques et paralympiques, mais ces personnes seront également soumises à la vidéosurveillance. Or, vous en conviendrez, monsieur le président de la commission, elles ne sont pas des terroristes en puissance et doivent être informées de cette atteinte à leur liberté fondamentale.
Le droit au respect de la vie privée des habitants des communes qui utilisent la VSA doit être garanti. Ils doivent donc être informés du fait qu'ils seront filmés et que les images sur lesquelles ils apparaîtront seront exploitées par des algorithmes.
Les communes qui recourent à un dispositif de vidéoprotection déploient systématiquement des panneaux pour informer les habitants qu'ils entrent dans une zone de vidéoprotection. Les habitants de ces communes et le public en général sont donc déjà informés de l'utilisation de la vidéosurveillance. Je demande donc le retrait de l'amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement n° 577 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 187 .
Cet amendement rédactionnel vise à s'assurer que les personnes qui assisteront aux Jeux olympiques et paralympiques seront clairement informées du traitement algorithmique des images sur lesquelles elles apparaîtront.
Je propose d'ajouter les mots « et explicitement » au troisième alinéa, dont le début serait donc ainsi rédigé : « Le public est préalablement et explicitement informé par tout moyen approprié de l'emploi de traitements algorithmiques sur les images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection […]. » Vous le savez, chers collègues, ces questions sont parfois techniques – je ne parle pas des goélands ! Aussi une information préalable et claire des usagers paraît-elle nécessaire. L'ajout de l'adverbe « explicitement » ne peut pas faire de mal.
L'amendement n° 187 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est important d'être clair sur l'information donnée au public : tel est le sens de ces deux amendements.
La Cnil l'a rappelé explicitement, l'information claire et permanente du public sur l'utilisation d'un dispositif de vidéosurveillance est une garantie essentielle en matière de droits et de libertés. Vous le savez bien, monsieur le ministre, puisque vous nous avez donné lecture hier d'un avis de vingt pages de la Cnil ; je vous invite à le consulter de nouveau sur ce point. Cette garantie est également prévue par le code de la sécurité intérieure et constitue un préalable à toute contestation de l'emploi de la vidéosurveillance par nos concitoyens. La démocratie française s'est construite sur l'existence de contre-pouvoirs à même de contester des décisions injustes.
Monsieur le président de la commission, vous soutenez que cette information conduirait à prévenir les terroristes qu'ils sont filmés. Nous pensons, quant à nous, qu'elle est conforme au droit des citoyennes et des citoyens de contester le fait d'être filmés contre leur gré ou à leur insu – or comment le contester si l'on n'est pas au courant ? Par l'amendement n° 317 , nous demandons donc qu'il soit précisé, à l'alinéa 3 de l'article 7, que le public est informé « de manière claire et permanente ».
Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 seront un événement mondial. Nous l'avons maintes fois répété, le fiasco du Stade de France, commenté dans le monde entier, a révélé l'incapacité des personnels et des forces de l'ordre de communiquer dans des langues étrangères. La situation sera encore plus complexe lors des Jeux olympiques et paralympiques puisque de multiples langues seront requises en plus de l'anglais. Or rien n'a été prévu, dans la transmission de l'information, pour tenir compte de la diversité linguistique propre à l'événement ou des besoins spécifiques des personnes en situation de handicap – les personnes sourdes ou aveugles notamment, absentes du dispositif. Rappelons que les Jeux de Paris 2024 seront olympiques, mais aussi paralympiques. Nous avons le devoir d'inclure tous les publics.
Si l'ajout des mots « de manière claire et permanente » vous pose problème – ce qui serait lourd du sens –, nous proposons, avec l'amendement de repli n° 318, de mentionner uniquement dans l'alinéa 3 la nécessité de tenir compte de la diversité linguistique propre à l'événement et des besoins spécifiques des personnes en situation de handicap en matière d'information.
La parole est à M. Laurent Croizier, pour soutenir l'amendement n° 658 .
Toute information publique se doit d'être accessible, lisible et compréhensible par tous. Je suis très sensible à la question de l'accessibilité de l'information pour les personnes en situation de handicap, notamment les personnes en situation de handicap intellectuel, et je salue le travail mené par les associations qui défendent leurs droits, en particulier, dans ma circonscription, l'association Droits Devant 25.
L'alinéa 3 de l'article 7 crée l'obligation d'informer le public de l'emploi de traitements algorithmiques sur les images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection. Avec cet amendement, nous demandons que l'information soit « appropriée, adaptée et accessible à toute personne en situation de handicap » et nous défendons le droit à l'information pour tous sans aucune distinction.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?
Je salue l'attention particulière que vous portez à l'information des personnes handicapées. Toutefois, l'alinéa 3 prévoit l'information du public sur la présence de caméras de vidéoprotection par « tout moyen approprié », ce qui recouvre à la fois des messages écrits et des logos facilement identifiables par tous. D'ailleurs, les règles du RGPD s'appliquent à l'article 7 comme à toutes les dispositions du droit français et déclinent déjà les exigences que doivent respecter les modalités de l'information du public.
Madame Regol, vous souhaitez que l'intégralité du public présent à Paris lors des Jeux soit informée. La Ville de Paris a certes pour habitude d'apposer des placards gigantesques dans les rues de la capitale pour informer les citoyens, sur le déroulement de travaux par exemple,…
… mais prévoir une information sur la vidéoprotection en 200 langues me semble assez baroque. Lorsque vous vous rendez à l'étranger, j'imagine que vous ne vous attendez pas à ce que les panneaux informant le public de la présence de caméras de vidéoprotection – elles sont fréquemment utilisées dans les villes américaines ou australiennes – soient tous traduits en français !
Enfin, madame Regol, vous vous livrez à un mélange des genres un peu cavalier en parlant du terrorisme.
Les panneaux destinés à l'information du public signalent la présence d'un système de vidéoprotection dans l'espace public. Dans les circonstances particulières qui justifient une dérogation à l'obligation d'information, les caméras utilisées sont différentes : ce sont des caméras embarquées sur des aéronefs. Veillez, je vous prie, à ne pas mélanger les dispositions. Avis défavorable.
Pour garantir le droit à l'information de tous – il s'agit même d'un devoir –, il est possible d'utiliser un nombre plus important de langues ou des pictogrammes. Si les autres pays ne respectent pas ce droit et ne favorisent pas l'inclusion des personnes en situation de handicap et l'accessibilité de l'information, ce n'est pas le problème du législateur français,…
Lorsque nous préparons notre propagande électorale, nous avons le devoir de rédiger des documents « faciles à lire et à comprendre », les Falc. Avec les mots « tout moyen approprié », le projet de loi va dans ce sens, mais il serait bon de préciser qu'une attention particulière doit être portée à l'accessibilité de l'information. Cela ne mangerait pas de pain.
Il serait sans doute compliqué de prévoir des panneaux d'information dans toutes les langues, mais des pictogrammes compréhensibles par tous existent. J'appelle donc l'Assemblée à soutenir ces amendements qui soulignent la nécessité d'apporter une attention particulière à la bonne information du public.
M. Benjamin Lucas applaudit.
Je le répète, l'alinéa 3 prévoit que le public est informé « par tout moyen approprié » : préciser ces moyens conduirait à exclure tous les autres. Il est louable de souligner que l'information doit être accessible à tous, notamment aux personnes handicapées, mais l'objectif risquerait d'être manqué à cause de l'adoption de ces amendements, laquelle conduirait de fait à exclure certaines personnes.
Madame Regol, je suis une fois de plus surpris par vos propos car vos objectifs entrent en contradiction : vous demandez une information riche et développée, mais les panneaux publicitaires, dont j'ai parlé tout à l'heure, sont anti-écologiques, ils gâchent la vue et favorisent la publicité.
On voit qui sont les dogmatiques : ceux qui ne votent jamais pour les autres !
Si la vidéosurveillance algorithmique devait effectivement être exploitée, les députés du groupe La France insoumise demandent, par cet amendement de repli, la transparence du code de l'algorithme proposé pour sa mise en œuvre.
La loi pour une République numérique et plus récemment le RGPD ont introduit de nouvelles dispositions dans le droit concernant les algorithmes publics. Ces dispositions visent à introduire une plus grande transparence et une plus grande redevabilité de l'administration dans l'usage de ces systèmes, en particulier quand ils sont utilisés pour prendre des décisions.
Concrètement, il est aujourd'hui nécessaire de signaler les moments où un algorithme est utilisé, de décrire et de préciser son fonctionnement général, de justifier les objectifs et les raisons du recours à cet algorithme, d'expliquer ses effets et de préciser ses impacts individuels et généraux.
Il faut également rendre accessible le code source en le publiant, ainsi que la documentation associée, et aussi – c'est essentiel pour garantir la transparence du dispositif – indiquer les voies de recours possibles.
Par ailleurs, puisqu'il est question de transparence et d'exercice des droits fondamentaux, j'entends revenir sur un sujet dont nous avons parlé rapidement hier soir en sortant de l'hémicycle, monsieur le ministre : la formation d'une nasse, à Strasbourg, pose problème car les forces de l'ordre n'ont pas respecté votre propre schéma de maintien de l'ordre. En effet, une ruelle était bouchée des deux côtés et des dizaines de personnes ont été gazées de manière intense ; une femme et son bébé ont ainsi dû se réfugier dans un restaurant.
Je souhaite donc savoir si vous avez eu le temps de vous pencher sur ce cas singulièrement violent qui s'est déroulé à Strasbourg,…
M. Benjamin Lucas et Mme Sandra Regol applaudissent.
« L'information des personnes » concernant l'usage des caméras augmentées est « un élément essentiel pour assurer la loyauté des traitements dans un objectif de transparence à l'égard du public » ; elle est aussi « indispensable pour permettre le déploiement [des] dispositifs [concernés] […] dans un climat de confiance à l'égard des autorités publiques ». Ce ne sont pas mes mots mais ceux de la Cnil, et nous tenons à vous rappeler que nous sommes toujours attentifs à ses avis.
Si le projet de loi prévoit bien l'information du public, il crée toutefois des exceptions « lorsque les circonstances l'interdisent » et dans les cas où « cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis ». De telles formulations, vous nous l'accorderez, sont très imprécises et pas tout à fait à même de susciter la confiance ni de fonder une décision des législateurs.
En effet, il existerait ainsi des situations non définies, dans lesquelles il serait préférable de ne pas informer le public. Qu'est-ce qu'une situation non définie ? On ne va pas faire de sémantique, mais je vous laisse vous amuser un petit moment sur cette question. Il existerait donc des situations dans lesquelles il serait impossible de s'opposer, de faire rectifier ou de faire valoir ses droits ; c'est tout de même un peu problématique dans un État de droit. Autrement dit, nous sommes prêts, en l'état du texte, à espionner la population à son insu, sans qu'elle ait le moindre droit de recours.
Nous proposons donc que le public soit informé de manière systématique de l'usage d'outils d'analyse automatisée sur ses images, dans un objectif de transparence à son égard et de respect de ses droits. Le présent amendement vise ainsi à supprimer la dispense d'information du public concernant l'usage de caméras de vidéosurveillance algorithmique.
Il va dans le même sens que le précédent – ils sont d'ailleurs en discussion commune. M. Houlié, tout à l'heure, nous reprochait de ne pas faire confiance au Parlement. Je veux le rassurer : nous faisons toute confiance au Parlement. En revanche, nous avons du mal, en effet, à faire confiance à un gouvernement…
…qui, depuis tout à l'heure, refuse d'intégrer dans la loi les éclaircissements que nous lui demandons ; ils seraient pourtant à même, justement, d'instaurer cette confiance.
M. Bernalicis demandait si, oui ou non, des drones étaient déjà utilisés ; hier, M. Latombe – que je salue – nous a dit que la VSA était déjà testée au Hellfest depuis trois ans, si j'ai bien tout compris…
Vous m'expliquerez, monsieur Latombe ; en échange, je suis prêt à vous initier à la technique du pogo.
Il n'en a pas besoin ! Il va tous les ans au Hellfest, Latombe, c'est un fan !
C'est simplement qu'hier, apparemment, vous aviez besoin d'un spécialiste ; je vous disais juste que j'étais moi-même un habitué. Dans ce cas, nous nous retrouverons dans le pogo !
Nous aimerions donc savoir si la VSA est déjà expérimentée ou pas ; et si oui, où l'est-elle ? Enfin, toujours s'agissant des pogos, nous n'avons pas non plus eu de réponse sur ce qu'est un événement « anormal » dans un festival. Nous souhaitons obtenir des clarifications à ce sujet.
Quand les gens tombent par terre, ils se piétinent et peuvent se faire écraser !
S'agissant des exceptions, j'ai déjà répondu assez longuement. En ce qui concerne la publication de l'algorithme, ensuite, vous nous dites que c'est une technologie qui pourrait s'avérer dangereuse. Vous voulez donc la rendre accessible à tous en en publiant l'algorithme. Encore une fois, c'est assez contradictoire : si le traitement algorithmique est effectivement dangereux, au point qu'il nécessite des protections particulières – vingt-huit garanties longuement énumérées hier par le ministre de l'intérieur –, il mérite de ne pas être accessible à tout le monde, afin de ne pas pouvoir être dupliqué et déployé par n'importe qui.
Par ailleurs, il y a un non-dit dans ce que vous proposez : ce que vous cherchez en demandant la publication de l'algorithme, c'est à faire perdre son intérêt commercial pour les sociétés qui seraient susceptibles de le développer. C'est un non-dit que je dévoile et qui motive aussi probablement certains des amendements qui suivront : si l'algorithme est publié, il n'y aura plus aucun intérêt commercial à le développer et aucune entreprise ne le fera.
C'est certainement votre but, mais je donne un avis défavorable à vos amendements.
Avis défavorable également. Je tiens à répondre à M. le député Fernandes, qui m'a interpellé. Hier soir, en effet, il m'a demandé des explications ou en tout cas des informations sur ce qu'il appelle une nasse qui serait contraire au schéma de maintien de l'ordre. Or je rappelle qu'en soi, les nasses ne sont pas contraires au maintien de l'ordre ; il faut simplement qu'à chaque fois, une sortie soit aménagée par les forces de l'ordre. C'est la question que vous posiez : était-il possible de sortir de la rue concernée – la rue des Dentelles, si j'ai bien retenu ce que vous m'avez dit, monsieur le député ?
Hier, nous avons terminé nos travaux vers minuit et demi. J'ai laissé un petit mot à mon directeur de cabinet et nous en avons parlé ce matin ; il doit être en ce moment même en contact avec la préfète ou avec son directeur de cabinet. Je vous répondrai dans la matinée, si vous le souhaitez ; je n'ai pas encore connaissance de ces événements qui se sont déroulés à Strasbourg – il y a quarante-huit heures, me semble-t-il – mais j'ai bien fait écho à votre question.
Pour ce qui est ensuite des drones, je vais le redire, parce qu'un mensonge répété ne fait pas une vérité : M. Bernalicis – qui est parti – voit voler à la fois des goélands et des drones, mais s'il y a des drones qui volent, ce ne sont pas ceux de la préfecture de police. En effet, elle ne peut pas en utiliser tant que la Cnil n'a pas publié son avis sur les décrets…
…qui autorisent l'autorité administrative à faire voler des drones, comme l'a voulu le Conseil constitutionnel, en respectant évidemment les conditions édictées par le droit.
En revanche, ce qui est vrai, c'est que des personnes qui n'appartiennent pas à la police, à la gendarmerie ou à d'autres services de l'État font voler des drones. C'est ce qui m'a permis de dire – et je le répète – qu'en France, tout le monde peut faire voler des drones, sauf les policiers.
Je souhaite préciser plusieurs points pour remettre l'église au milieu du village. Ce que j'ai dit hier concernant le Hellfest, c'est que ce festival utilise beaucoup les nouvelles technologies : il fut l'un des premiers festivals à utiliser des bracelets à puce pour permettre notamment les entrées et le paiement des consommations, afin d'éviter que les festivaliers aient du liquide sur eux ou se fassent voler leur carte bancaire. On y a aussi expérimenté les premières antennes 5G et plusieurs laboratoires d'universités viennent y capter des images pour analyser les mouvements de foule et voir quelles conséquences ils peuvent en tirer ;…
…ils cherchent en particulier à les mathématiser afin d'être en mesure de les anticiper. Je n'ai jamais dit que c'était fait pour entraîner des algorithmes de VSA – la vidéosurveillance augmentée, comme vous l'appelez ; ce n'est absolument pas le cas. C'est d'ailleurs au Hellfest que l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) vient capter des images pour essayer d'entraîner un algorithme qui permettrait de gérer les foules – c'est son fameux GPS de gestion des foules. Et si ses chercheurs parviennent à le mettre au point, il sera d'ailleurs en open source – source ouverte.
Cela fait écho à ce qu'Éric Bothorel voulait et il a ainsi retiré son amendement : s'il y a des laboratoires qui déposent des brevets et des entreprises qui les achètent, il y a aussi de nombreux laboratoires de recherche qui veulent faire de l'open source. C'est le cas de l'Inria et nous souhaiterions d'ailleurs que cet algorithme soit retenu, s'il fonctionne, pour être utilisé dans le cadre des Jeux olympiques. Ce serait un outil complètement français et européen, conforme à l'éthique que nous appelons de nos vœux et surtout en open source : ce serait très bien et je serais très heureux que nous puissions l'utiliser. Mais je n'ai jamais dit que le Hellfest était le lieu d'expérimentation d'une VSA sauvage ; ce n'est absolument pas le cas et si ce devait l'être, la Cnil s'en saisirait immédiatement.
Enfin, en ce qui concerne la gestion des foules, il faut arrêter de dire que c'est de la biométrie : l'objectif, c'est de savoir combien il y a de personnes au mètre carré pour déterminer, le cas échéant, le moment où la pression entre elles sera telle qu'il risque d'y avoir des accidents. C'est bête, mais cela nécessite des calculs mathématiques et on sait qu'à partir de six personnes au mètre carré, le risque est grand. On cherche ensuite à savoir quels sont les comportements humains qui peuvent engendrer des mouvements de foule et donc des accidents.
Il fait partie d'une série d'amendements visant à rendre les dispositifs de surveillance algorithmique les plus transparents possible, afin que nous puissions les analyser, les décortiquer, les comprendre et, finalement, nous y opposer – évidemment – en toute rationalité. Lorsque nous avons dit vouloir que le code de l'algorithme soit transparent, on nous a fait remarquer – à juste titre – que nombre des codes utilisés dans la vidéosurveillance étaient libres de droit, en open source, et donc que le sujet fondamental n'était pas forcément le code en tant que tel, mais bien son utilisation et le paramétrage opéré par l'utilisateur, c'est-à-dire ce qui est demandé à l'algorithme, les objectifs qui lui sont assignés et la définition de comportements « normaux » ou « anormaux » – ce que vous appelez les « événements prédéterminés ».
Et en effet, la question continue de se poser : quel est l'usage que vous allez faire de ces codes ? Et allez-vous uniquement utiliser des codes qui sont en open source ? Cela permettrait au moins de lever les doutes sur la mécanique – pour ainsi dire – de l'algorithme utilisé, à défaut d'interroger l'usage qui est fait des données. Nous avons besoin de savoir dans quelle direction nous allons. Vous avez commencé une liste, monsieur le ministre, hier, de ce que pourraient être les « événements prédéterminés » ; j'aimerais qu'ensemble, nous complétions cette liste au fur et à mesure,…
On l'a déjà fait !
…de sorte qu'elle ne fasse pas simplement l'objet d'un décret pris dans un coin, en loucedé, dans lequel pourraient être intégrés toutes sortes d'éléments. Je vous parlais hier des sweats à capuche, par exemple : sont-ils plus criminogènes que les costumes ? C'est une question qui se pose.
Tout dépend de qui les porte !
Je suis d'accord mais comment fait-on ? Est-ce que ce sera un point de détection ? Comment allez-vous utiliser ces algorithmes ?
J'ai d'abord eu un peu peur que le député Bernalicis ait mal compris la mesure. Hier, je mettais ses questions sur le compte d'une mauvaise compréhension de sa part, et peut-être même d'une mauvaise explication de la part du président de la commission des lois ou de moi-même – peut-être sans doute plus de la part du président de la commission des lois que de moi-même, il faut bien le dire !
Sourires sur quelques bancs du groupe RE.
J'avais peur que M. Bernalicis n'ait pas compris et je pensais que c'était pour cette raison qu'il nous avait fait nous répéter trois fois hier. Mais ce matin, je me dis que s'il pose tant de fois la question, c'est peut-être pour alimenter la petite capture vidéo qu'il réalise pour ses réseaux sociaux. Le but serait de poser tellement de fois la question qu'à la fin, le ministre ne répondrait plus : il pourrait alors dire que nous ne donnons pas de réponse sur la question des sweats à capuche, ce qui signifierait que le Gouvernement a quelque chose à cacher. Je vais donc me répéter, puisque, comme disent les pédagogues, la répétition fixe la notion : ce n'est pas un petit décret pris dans un coin, « en loucedé » – je vous cite, monsieur le député –, mais un décret qui est pris après avis positif – évidemment publié – de la Cnil et qui fixe le fait que pour chacun des départements de la République, le préfet justifie par arrêté – lui aussi publié, bien évidemment – l'utilisation de l'intelligence artificielle afin de détecter un événement prédéterminé, en conformité avec la loi de la République.
Il est donc validé par la Cnil – je l'ai déjà répété –, par le Conseil d'État – je l'ai déjà dit – et, espérons-le, par le Conseil constitutionnel. Je constate d'ailleurs, monsieur Bernalicis, que s'agissant des deux derniers textes que nous avons examinés ensemble – le dernier étant la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) –, vous avez à chaque fois affirmé de façon très péremptoire que le Conseil constitutionnel les censureraient – or il ne l'a pas fait.
M. Houlié dit que vous êtes un mauvais juriste ; pour ma part, je n'irai pas jusque-là, bien évidemment. Ce que je veux dire, monsieur Bernalicis, pour que l'intégralité de la séquence puisse être diffusée sur vos réseaux sociaux, c'est qu'en effet, la mesure fait l'objet d'un décret pris après avis de la Cnil, publié au Journal officiel, qui fait naître un arrêté l'autorisant pour chacun des événements, dans chacun des départements ; elle peut d'ailleurs être suspendue à tout moment. Vous pourrez reposer la question tout à l'heure, mais ça ne changera pas la réponse : je vous répondrai de la même manière.
D'ailleurs – j'ouvre une parenthèse dans la parenthèse –, je vous encourage à regarder ce qui se passe dans les manifestations de cette semaine, par exemple celles d'hier et d'avant-hier : vous trouverez sur les réseaux sociaux des images capturées par des drones. Je l'ai dit tout à l'heure à l'Assemblée en répondant à la question posée par votre collègue – vous n'étiez pas présent à ce moment-là –, mais ces drones n'appartiennent pas à la police ni à la gendarmerie et je crois savoir, si j'en juge par les réseaux sociaux, qu'ils ont une connaissance assez approfondie du programme de La France insoumise et en particulier de sa dénonciation de la police. Pour ma part, j'aimerais connaître – si je peux me permettre de poser une question, madame la présidente – votre avis sur ces drones qui filment l'espace public, diffusent en vidéo les comportements et les images physiques de personnes tout à fait reconnaissables sans leur accord, et les publient sur les réseaux sociaux pour soutenir vos thèses politiques. Votre réponse m'intéresse.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
C'est le président de la commission qui le dit !
C'est le Conseil constitutionnel qui pose problème, maintenant !
Pour ma part, j'ai tranché depuis longtemps ce débat interne avec moi-même parce que je crois qu'une VI
À part cela, monsieur le ministre, j'ai bien compris l'articulation : décret, avis conforme de la Cnil, bla bla bla. Mais vous, qu'allez-vous mettre concrètement dans le décret que vous allez envoyer à la Cnil ? Hier, vous avez commencé une énumération – les colis, les foules, les goulets d'étranglement… –, en précisant qu'il ne s'agissait que d'exemples et que la liste n'était pas complète. Alors, j'essaie de savoir si le port d'un sweat à capuche sera poursuivable.
Comme vous n'étiez pas là, monsieur le ministre, je vais reprendre un exemple que j'avais développé en commission : imaginons qu'une analyse criminologique révèle que 95 % des cambriolages sont faits au moyen de camionnettes blanches.
Allez-vous considérer la présence de camionnette blanche comme événement prédéterminé anormal qui fera clignoter l'alarme de l'opérateur ? Que comptez-vous mettre dans ce décret ? Je souhaite le savoir dès maintenant, sans attendre le moment de sa publication, l'avis de la Cnil et le reste. Quelles sont vos intentions politiques ? Comment voyez-vous les choses ? On ne met pas en place de tels dispositifs comme ça, hors sol – passez-moi l'expression, même s'il ne s'agit pas que de drones – pour se faire plaisir en se disant qu'on verra bien par la suite. Je vous le redemande : quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce point, parce que la Cnil ne va pas tout bloquer et tout empêcher, ce qui n'est d'ailleurs pas votre intention ?
Quant aux drones utilisés lors des récentes manifestations,…
…ils n'appartiennent pas à la police, dites-vous. Très bien. Savez-vous à qui ils appartiennent…
Je souhaite interpeller… Non, pour le coup, il ne s'agit pas d'interpeller.
Sourires.
J'aimerais essayer d'appeler l'attention de certains de nos collègues, notamment l'orateur précédent, sur l'ineptie des propos qui peuvent être tenus dans cette enceinte. Nous discutons d'un grand défi : sécuriser l'organisation des Jeux olympiques dans notre pays, en menant une expérimentation dont nous aurons à tirer un bilan et les conséquences, afin de déterminer si nous voulons ou non la pérenniser ou l'adapter.
Notre collègue explique que nous allons essayer d'utiliser ce traitement algorithmique des images captées par la vidéoprotection pour détecter des sweats à capuche. Nous sommes en train de parler de la sécurisation des Jeux olympiques durant lesquels des centaines de milliers de spectateurs vont venir sur les sites des compétitions en famille, avec des enfants et des adolescents. Et notre collègue d'expliquer que notre volonté serait d'identifier des personnes en sweat à capuche dans je ne sais quel dessein !
Mesure-t-il le décalage entre ses propos et les enjeux dont nous discutons dans cet hémicycle ?
Ces propos tenus à l'envi depuis hier soir sont d'une totale ineptie et nous empêchent d'avancer dans l'examen d'un texte utile pour le pays.
Comme vient de le dire notre collègue, vous vous discréditez totalement quant au fond du sujet.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur Bernalicis, je vous propose un contrat non léonin : je réponds une nouvelle fois à votre question – cela doit être la cinquième fois, mais ce n'est pas très grave – et vous répondez à la mienne, parce que vous ne l'avez pas fait.
Pour répondre à votre question, j'indique que les événements prédéterminés ne sont pas qualifiés d'anormaux ou de suspects dans le texte. C'est votre vocabulaire, celui de la peur et du complot.
Ah non, ce n'est pas mon vocabulaire, mais celui employé par le rapporteur en commission !
Vous attaquez non pas ce que nous faisons, mais ce que nous aurions l'intention de faire. Très bien. D'après ce que je comprends, à part M. Bernalicis, il n'y aurait que de mauvais juristes, notamment à la Cnil, au Conseil d'État et au Conseil constitutionnel. À un moment, peut-être faudrait-il que vous vous posiez des questions personnelles, monsieur Bernalicis. Fermons cette parenthèse, je vous laisse régler la question avec ces éminents juristes.
Les événements prédéterminés servent à repérer des situations et non pas des personnes. Je m'adresse aux gens qui nous écoutent car chacun aura désormais compris le propos de La France insoumise : plutôt que de chercher à garantir la sécurité de nos concitoyens, il s'agit de faire de l'obstruction, sans doute pour mieux dénoncer une supposée violence étatique.
Répétons-le, les événements prédéterminés servent à repérer des situations et non pas des personnes. Puisque vous voulez des exemples, monsieur Bernalicis, en voici un : un départ de feu. Lors d'un événement, il n'est pas si bête de se servir des 400, 500 ou 600 caméras de vidéoprotection à la disposition des opérateurs pour repérer un départ de feu.
Autre exemple : un mouvement de foule, même s'il ne faut pas condamner tout mouvement de foule par nature puisque certains d'entre eux peuvent être positifs. Votre collègue de la France insoumise a d'ailleurs expliqué hier que certains départs de feu, comme les feux de la Saint-Jean, pouvaient aussi l'être. Imaginons un feu de la Saint-Jean lors d'un événement culturel, sportif.
Autres exemples : les goulets d'étranglement de population, comme ceux qui ont provoqué des difficultés dans le métro lors d'événements que nous avons évoqués ; un colis ou un sac abandonné.
Que se passe-t-il ensuite ? Tout le monde a vu des murs d'images dans des séries télévisées – cela a dû vous arriver aussi, monsieur Bernalicis, entre deux vols de drones ou de goélands. Sur le mur d'images, apparaissent le sac abandonné, le départ de feu, le mouvement de foule et les événements qui y ont conduit.
C'est alors qu'intervient l'opérateur : un policier, un gendarme – en qui je sais que vous avez absolument toute confiance – ou des personnes agréées. Il lève ou non le doute, et, le cas échéant, il envoie des collègues sur le terrain pour constater que ce départ de feu ou ce mouvement de foule est normal ou anormal.
Ce n'est rien d'autre que ça, comme le dit le président Maillard. Pour répondre à votre question, j'indique qu'il n'y a pas les sweats à capuche.
On peut aussi énumérer tous les vêtements de la création. Personnellement, je suis là cet après-midi, à la disposition du Parlement, et je peux répondre à toutes vos questions. J'en avais aussi posé une. Pourquoi n'y avez-vous pas répondu, monsieur Bernalicis, vous qui êtes protecteur des libertés ? Je vous dis que la police et la gendarmerie ne font pas voler de drones.
Ces institutions le feront dans le cadre voulu par le législateur et le Conseil constitutionnel, dès que le décret pris après avis de la Cnil – dont je vous ai dit d'ailleurs qu'il était positif – permettra d'en faire voler dans le respect des libertés individuelles.
En revanche, il existe des drones qui alimentent des réseaux sociaux soutenant vos thèses politiques. Je peux vous en donner beaucoup d'exemples si vous le souhaitez, mais comme vous êtes devant notre ordinateur, je suis sûr que vous les avez déjà repérés. Alimentés par drones, ces réseaux diffusent le visage de personnes, de mineurs, de policiers en action…
Sans aucune information préalable, vous avez raison de le souligner, monsieur le président de la commission des lois. Tout cela permet de soutenir ce que nous appellerons les mouvements d'humeur de certains groupes politiques, dont le vôtre. Vous ne répondez pas à la question basique que je vous pose à ce sujet, monsieur le député : trouvez-vous cela normal, classique, d'un point de vue moral ? Il serait intéressant que tout le monde puisse entendre votre réponse. Si vous répondez par l'affirmative, cela voudrait dire que vous avez moins confiance dans la police et dans la loi de la République que dans le vol de drones sauvages qui vous permettent, sélectionnant les images, de soutenir des thèses contre l'État et les policiers.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
L'amendement n° 424 n'est pas adopté.
Nous voulons entrer dans le cœur des algorithmes et savoir à quoi ils vont être utilisés. Nous avons une petite liste : mouvement de foule, départ de feu, goulet d'étranglement, sac, colis, donc pas de sweat à capuche.
Pas de réponse ?
Je vais vous répondre, monsieur le ministre. Vous connaissez la technique : on répond d'abord à autre chose, puis on revient éventuellement sur le sujet initial.
Éventuellement…
Il n'y a donc pas de sweat à capuche. Si nous posons la question des camionnettes, c'est parce que nous avons vu des reportages sur la vidéosurveillance intelligente montrant que certaines villes utilisent les caméras de manière un peu sauvage. L'alerte clignote, par exemple, dès qu'un scooter passe dans une rue où les scooters sont interdits, parce que ce critère fait partie des événements prédéterminés. C'est tout. Je n'invente rien d'extraordinaire en insistant sur le paramétrage. Ici, on cible les scooters ; là, on pourrait viser les vélos si tout cycliste est suspecté d'être un écoterroriste – pour prendre un exemple au hasard.
Mme Sandra Regol rit.
Allez-vous faire clignoter les passages de vélo un peu partout ? Ces questions se posent.
Quant aux drones dont vous parlez, monsieur le ministre, j'aimerais savoir à qui ils appartiennent. Je n'ai pas vu d'images prises depuis les drones, mais des drones filmés par des gens.
Mais non, regardez !
M. le ministre brandit son téléphone portable.
Êtes-vous d'accord avec ces pratiques ?
Nous pouvons aussi parler de ceux qui filment les policiers pendant les manifestations, depuis plusieurs jours, à pied et avec une ou plusieurs caméras. Le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé sur cet aspect du fameux article 24 de la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés. Ce n'est pas la même chose d'être filmé par la puissance publique ou de filmer des policiers en tant que citoyen.
Le régime juridique n'est pas le même, comme le savent tous les bons juristes qui sont au banc de la commission et au banc du Gouvernement.
Alors que l'article 7 prévoit une information du public par tout moyen, vous prévoyez un moyen restrictif d'informer. En fait, vous voulez restreindre la portée de l'information qui sera apportée au public. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
Je note que vous n'avez pas répondu à la question qui vous était posée : les manifestants peuvent-ils eux-mêmes utiliser des drones pour filmer les manifestations ?
Sans informer au préalable !
Qui plus est sans informer, comme le rappelle M. le ministre. Vous considérez que l'enregistrement et la diffusion de vidéos posent moins de problèmes lorsqu'ils sont réalisés par des personnes privées, quelles qu'elles soient et en l'absence de tout contrôle, que lorsqu'ils sont le fait de la puissance publique. Cette question mérite d'être posée à l'Assemblée. Pour notre part, nous considérons que cela pose quelques difficultés, y compris en matière de protection des données et de l'image.
L'avis est défavorable mais le débat très intéressant. Monsieur Bernalicis, vous avez bien fait de venir ce matin parce que cela nous permet de constater que votre sujet de préoccupation n'est pas la technologie.
Mais oui, c'est la police, l'État, la protection des libertés garanties par la Constitution.
Votre sujet de préoccupation n'est pas la technologie, les drones, les algorithmes et l'intelligence artificielle. À vrai dire, ce n'est même pas les Jeux olympiques ou les goélands. C'est l'utilisation des moyens technologiques par ceux qui soutiennent vos thèses, pas l'utilisation des moyens technologiques en général. En fait, vous êtes un protecteur des libertés en peau de lapin.
Sourires sur les bancs des groupes RE et Dem.
Les goélands, les lapins : en fait, c'est une séance sur le bien-être animal !
Pour compléter les propos du ministre, je souhaite demander à M. Bernalicis s'il considère que les avancées technologiques, les innovations et l'intelligence artificielle sont au service d'une prise de décision rapide – un bien précieux dans le cadre de l'organisation de manifestations très importantes comme les Jeux olympiques. Ou au contraire considère-t-il qu'il faut en rester aux moyens archaïques de surveillance ?
Voilà le sujet. L'apport technologique est-il intéressant pour gérer des événements de niveau planétaire ou peut-on s'en passer ? Quand on parle de drones pour la surveillance de départs d'incendies dans les zones exposées, tout le monde est d'accord. En cas d'incendie, quelle qu'en soit l'origine, la surveillance ne permet-elle une analyse et une intervention plus rapides pour éviter les désastres ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Nous n'avons rien contre la technologie, M. le ministre vient d'en faire la parfaite argumentation. Votre sujet de préoccupation, c'est l'État, la défense des libertés individuelles et fondamentales, dit-il. Eh bien oui, c'est exactement le cas.
Bravo, très bien !
Quand on a des convictions et une philosophie politique, on peut les décliner dans le cadre de nombreux textes,…
…que ce soit pour les drones, les caméras, la garde à vue, les prérogatives de puissance publique, les moyens de contrainte, le pénal.
En fait, les choses se tiennent. Hier, vous avez d'ailleurs salué notre cohérence sur nombre de textes, la continuité des valeurs que nous défendons.
Je n'ai rien contre la technologie et les algorithmes en eux-mêmes, mais j'ai des critiques à émettre sur les usages qui en sont faits, notamment par la puissance publique. Je n'ai donc pas de difficulté à dire qu'il existe un corpus législatif cohérent concernant la captation d'images par les personnes privées. Il fonctionne et je ne trouve rien à y redire.
Si certains font un usage illégal de captations vidéo, faites usage de la loi en vigueur pour les confondre. Au lieu de ça, on arrête des gens parce qu'ils sont là et que ce sont les ordres, tout en s'excusant et en leur disant qu'ils seront rapidement libérés. Effectivement, je défends les libertés fondamentales.
Monsieur le ministre, j'attends que vous m'envoyiez par tout moyen, comme vous dites, ou plutôt par des moyens numériques, ce sera plus simple, les références montrant que les drones sont pilotés par des manifestants ou des manifestantes.
Personnellement, je n'ai pas vu les images – j'aimerais bien, d'ailleurs,…
…voir d'en haut comment le dispositif policier est organisé, comment les manifestants se positionnent et si les forces de l'ordre appliquent toujours une doctrine de mise à distance ou si elles recherchent plutôt le contact.
Que donnent, vues du ciel, les images des brigades de répression de l'action violente motorisées (BRAV-M) qui courent, tapent dans le tas et font des croche-pieds aux manifestants pour les faire tomber ? Il pourrait effectivement être intéressant de disposer d'un autre angle de vue pour voir comment la répression et la brutalité policières que vous avez demandées s'organisent. C'est une question sérieuse.
Quant au point de droit soulevé par M. le président de la commission des lois, je rappelle que les termes « par tout moyen » ne signifient pas que le public sera informé par tous les moyens possibles, mais qu'il pourra l'être par n'importe quel moyen, y compris par un canal de communication dont personne n'aura connaissance.
Nous avons appris deux choses. La première, c'est que M. Bernalicis persiste dans l'imprécision. Je plaisantais lorsque je l'ai qualifié tout à l'heure de mauvais juriste, mais peut-être avais-je raison. L'expression « par tout moyen » englobe bien tous les moyens d'information disponibles. Le fait d'en mentionner un spécifiquement dans la loi conduirait à exclure tous les autres.
Il s'agit donc d'une imprécision juridique, que nous devons nous garder de commettre.
Par ailleurs, vous venez de répondre à la question du ministre, c'est bien, car nous apprenons une seconde chose : vous demandez des sanctions contre les manifestants qui utilisent un drone pour filmer les cortèges – ce qui est interdit – et qui exploitent ces images en les diffusant sur les réseaux sociaux. En conséquence, monsieur Bernalicis, nous apprenons ce matin que vous êtes pour la répression du mouvement social !
L'amendement n° 425 n'est pas adopté.
Je rappelle que la Cnil indique, dans son avis du 8 décembre 2022, que les outils d'analyse automatisée des images sont, à ses yeux, susceptibles d'entraîner des risques importants pour les libertés individuelles et collectives. Le Conseil national des barreaux (CNB), quant à lui, « dénonce la mise en place prétendument expérimentale d'un système d'intelligence artificielle traitant […] des données comportementales et physiques des individus à des fins répressives, à l'instar de systèmes comparables mis en place dans certaines villes, en ce qu'ils portent une atteinte inacceptable […] aux règles du RGPD. » Le Conseil d'État, lui, estime que le traitement des images prévu dans le texte est « susceptible de mettre en cause la protection de la vie privée et d'autres droits et libertés fondamentales, tels que la liberté d'aller et venir et les libertés d'opinion et de manifestation ». Si l'interprétation juridique de M. Bernalicis ne vous suffit pas, monsieur le ministre, peut-être tous ces avis pourront-ils aider.
Si la transparence et le caractère accessible des traitements algorithmiques sont essentiels, il est également nécessaire de garantir aux citoyens que leurs données, le traitement qui en sera fait et les moyens d'analyse qui auront été développés grâce à elles ne seront pas vendus ou cédés. Les députés écologistes proposent donc que les traitements algorithmiques soient disponibles en open source, comme le sont déjà des logiciels très fiables utilisés par nombre d'institutions, et que les données utilisées dans le cadre des dispositions prévues à l'article 7 ne puissent être cédées ou vendues.
M. Latombe a déjà expliqué en commission des lois que si les données ainsi collectées ne permettaient pas aux entreprises de gagner de l'argent, elles n'auraient aucun intérêt. J'ose toutefois espérer que le ministre, qui, dans la fonction qu'il incarne, sert tous les Français, saura considérer que l'objectif du texte ne doit pas être de permettre à des entreprises de gagner de l'argent sur le dos des Français et des spectateurs des Jeux olympiques, mais bien d'assurer leur sécurité.
J'ai déjà expliqué qu'il serait dangereux de mettre les traitements algorithmiques dans toutes les mains en les rendant disponibles en open data car cela reviendrait à permettre à des personnes malveillantes d'utiliser ces techniques pour traiter les vidéos diffusées. Une telle mesure poserait d'autant plus de difficultés que, comme nous venons de l'établir, n'importe qui peut désormais filmer et diffuser sur les réseaux sociaux des images de manifestations, y compris captées par drone dans la capitale.
J'ai également déclaré que l'utilisation de l'open data conduirait à dissuader les acteurs susceptibles de développer ces outils. Ce serait d'ailleurs dans votre intérêt, puisque vous ne souhaitez pas que le traitement algorithmique des données soit développé : vous entendez donc faire perdre tout intérêt à cette technologie pour les entreprises, afin qu'elle ne puisse pas être commercialisée.
Quant au traitement des données algorithmiques à des fins d'apprentissage, puisque c'est bien de cela qu'il est question, je rappelle que la commission des lois a, notamment à l'initiative de son rapporteur Guillaume Vuilletet – qui nous écoute et à qui je souhaite à nouveau un prompt rétablissement –, modifié la rédaction de l'article 7. Ce dernier prévoit désormais que c'est sous la seule responsabilité de l'État qu'un échantillon d'images pourra être utilisé, dans des conditions précises, comme données d'entraînement, et que ces images pourront être conservées uniquement à des fins d'apprentissage et pendant une durée strictement nécessaire, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 2024, date de la fin de l'expérimentation.
L'amendement n° 224 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Comme les précédents, il vise à inscrire dans la loi les limites de l'expérimentation. Nous proposons ainsi de prévoir la destruction des données à l'issue de ladite expérimentation, pour éviter qu'elles soient utilisables à d'autres fins.
Puisque M. le ministre nous accuse de ne pas répondre à ses questions, j'ajouterai deux choses.
C'est bon, M. Bernalicis a répondu !
D'abord, nous ne sommes évidemment pas opposés à la technologie – là n'est pas la question. Nous souhaitons simplement encadrer son utilisation pour éviter toute dérive. Je vous confirme que nous sommes attentifs à la défense des libertés fondamentales. Tel est le sens de tous nos amendements, qui sont loin de constituer une tentative d'obstruction. Nous étions au contraire de ceux qui voulaient arriver au bout de l'examen de l'article 7 hier soir.
Nous défendons simplement nos convictions et nos opinions, ce qui est notre droit le plus strict.
Ensuite, je souhaite obtenir un éclaircissement : vous expliquez depuis tout à l'heure que les drones ne sont pas utilisés par la police ni par la gendarmerie. J'ai pourtant été personnellement témoin, en 2020, lors d'une manifestation devant l'hôpital de Sisteron, dont les urgences étaient fermées – comme vous le savez, elles le sont restées très longtemps, avant que nous n'obtenions leur réouverture grâce à cette mobilisation –, de l'utilisation de deux drones, dont j'ai pu constater de mes propres yeux qu'ils étaient pilotés par des gendarmes. Si vous en avez connaissance, je souhaite savoir dans quel cadre ces drones étaient pilotés ce jour-là.
Même avis. Entendons-nous bien, monsieur le député : je ne vous reproche en rien de débattre. Je suis à la disposition du Parlement : nous pouvons consacrer à ces questions autant de temps que vous le désirez, comme le prévoit la Constitution.
J'ai trop de respect pour le Parlement – dont je suis membre lorsque je ne suis pas ministre de l'intérieur – pour vous adresser un tel reproche. Je note simplement qu'hier soir, plusieurs d'entre vous souhaitaient accélérer le débat, comme la présidente Fiat l'a rappelé.
Pardon, mais La France insoumise a souhaité que l'Assemblée nationale vote en catimini sur l'article 7, chacun ici le sait.
M. Ugo Bernalicis sourit.
Pour répondre à M. Walter, qui évoque une manifestation s'étant tenue en 2020, il ne vous aura pas échappé que le contexte était alors quelque peu différent, puisque, comme cela a été rappelé hier, c'est en 2021 que le Conseil constitutionnel a estimé que la préfecture de police ne pouvait pas utiliser de drones, non pas parce que c'était illégal en tant que tel, mais en raison d'un vide juridique. Comme j'en étais alors convenu avec le préfet Lallement et avec tous les préfets de la République, nous avons décidé, en attendant de combler cette lacune, de ne pas prendre le risque d'utiliser les drones, qui sont restés cloués au sol. Nous avons préféré attendre de faire adopter une disposition législative, ce que nous avons fait, puis de prendre un décret, qui, une fois recueilli l'avis de la Cnil, permettrait aux forces de l'ordre d'avoir à nouveau recours aux drones, à des fins administratives et non judiciaires – je ne reviens pas sur le débat relatif au fait que le préfet, et non le juge, est habilité à autoriser l'utilisation de drones, dans les circonstances définies par le Conseil constitutionnel.
Des drones ont donc bien été pilotés par la police et par la gendarmerie, en 2020 notamment dans les Alpes-de-Haute-Provence, que vous connaissez bien. Le ministre de l'intérieur de l'époque, qui en est originaire, aurait d'ailleurs pu vous répondre à ce moment-là.
Tout à fait ! Malheureusement, il ne siège plus sur ces bancs, ce dont j'assume la responsabilité !
L'amendement n° 613 n'est pas adopté.
Nous en venons à la biométrie. Avant cela, je tiens à revenir sur le sophisme développé par le président de la commission des lois, qui m'a accusé d'être contre le mouvement social.
Non, j'ai dit que vous étiez pour la répression ! Encore une imprécision !
Je serais même pour la répression du mouvement social, en effet ! Je serais ainsi favorable au recul à 64 ans de l'âge légal de départ à la retraite, donc en parfait accord avec le Gouvernement. La lumière a ainsi été faite sur mes intentions : je serai ministre de l'intérieur après le prochain remaniement d'Emmanuel Macron.
C'est fatigant !
Tout cela est évidemment fort logique. Merci au président de la commission des lois pour cette brillante démonstration.
Revenons-en à la biométrie…
Je vous serais effectivement reconnaissante de vous en tenir à la défense de votre amendement, cher collègue.
Vous avez tout à fait raison, madame la présidente.
La question de la biométrie est intéressante, précisément parce que vous assurez que le texte soumis à notre examen ne prévoit nullement l'usage de la biométrie : il s'agit simplement de confier à un logiciel l'analyse de vecteurs, de lignes, de traits et de points. Il n'y aurait donc pas lieu de s'inquiéter : les visages des personnes ne seront pas analysés et le logiciel ne saura même pas dire s'ils ont des bras et des jambes, mais uniquement s'ils forment une foule – puisque certains paramétrages permettent apparemment de détecter une foule dépourvue de bras ou de jambes. Cela me semble assez étrange, mais c'est la thèse que vous défendez.
La réalité, c'est que les outils devront forcément être capables de détecter la présence de corps – ou plus précisément l'absence de corps s'il s'agit de détecter, par exemple, un colis inerte. Ils devront donc inévitablement collecter des données biométriques. Cela ne signifie pas que les personnes seront identifiées, ce qui supposerait de croiser les images avec des fichiers comme le traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) ou le registre des cartes nationales d'identité (CNI), mais que les logiciels pourront les isoler et déterminer combien d'individus se trouvent à un endroit donné, ce qui permettra en retour aux forces de l'ordre de définir ce qu'est une foule – un attroupement de plus de huit ou dix personnes, par exemple, comme c'était le cas à l'époque du covid, même si le seuil retenu changeait d'une semaine à l'autre. Voilà l'enjeu : si l'on s'en tient à la vraie définition de la biométrie, ce que vous vous proposez de faire consiste bien à utiliser des techniques biométriques.
Je comprends qu'on préfère me répondre sur les goélands ou sur les drones qui seraient utilisés par les manifestants – j'attends d'ailleurs que vous me transmettiez les références en question, monsieur le ministre, car je serais intéressé par le visionnage de ces images, qui sont visiblement diffusées sur les réseaux sociaux –,…
C'est bien la première fois que vous n'utilisez pas votre téléphone dans l'hémicycle !
…mais il est ici question de la définition que vous entendez donner au mot « biométrie ». Ce point est important. Vous avez dit beaucoup de choses en commission. Pour avoir lu le document produit par La Quadrature du net – qui tient certes parfois des propos acerbes et peu sympathiques –, je dois admettre avoir été plutôt convaincu par son analyse.
Nous avons déjà largement répondu sur ce point !
Je suis également convaincu par la définition de la Cnil, qui considère que le simple fait d'identifier un comportement, même sans identifier la personne, relève déjà de la biométrie. D'ailleurs, les industriels qui commercialisent ce type de solutions techniques et technologiques affirment même qu'il serait possible d'identifier un individu portant, par exemple, un sweat à capuche – pardon d'y revenir – rouge, puis, à l'aide d'un bon algorithme, de le suivre et de retracer son parcours. Cela suppose bien qu'on identifie sa démarche corporelle ou ses vêtements par différents points ou occurrences, qui relèvent de la biométrie.
C'est pourquoi nous estimons important d'interdire le recours à la biométrie dans le texte car cela vous empêcherait d'installer des systèmes de vidéosurveillance algorithmique ou automatisée – peu importe le terme retenu. Tel est bien notre objectif : nous sommes démasqués depuis maintenant plusieurs jours, je le crains.
Reprenons la définition de la Cnil, du RGPD et du Comité européen de la protection des données (CEPD) : « La biométrie regroupe l'ensemble des techniques informatiques permettant de reconnaître automatiquement un individu à partir de ses caractéristiques physiques, biologiques, voire comportementales.
« Les données biométriques sont des données à caractère personnel car elles permettent d'identifier une personne. » L'article 7 du texte exclut explicitement la biométrie, c'est-à-dire l'ensemble des techniques que vous venez de décrire. Par nature, votre demande est donc satisfaite.
Cessez donc de prétendre que le fait de chercher à savoir si c'est bien une personne qui se tient à côté d'une valise revient à chercher à l'identifier : il s'agit simplement de savoir s'il s'agit d'un être humain, d'un goéland, d'une chèvre, d'un éléphant ou de n'importe quoi d'autre, voilà tout !
Il n'est pas nécessaire de savoir qui est la personne, mais simplement s'il s'agit bien d'un être humain. Vous persistez à dire que, parce qu'on analyse deux points constituant un vecteur, on tombe forcément dans la biométrie, mais tel n'est pas le cas : revenez à la définition de la Cnil, du RGPD et du CEPD. Nous avons expressément exclu la biométrie de l'article 7, ce qui me fait dire – et je le répète, après l'avoir déjà affirmé solennellement hier – que cet article ne me pose pas de problème, pas plus qu'à la Cnil ou au Conseil d'État, et qu'il ne posera non plus aucun problème au Conseil constitutionnel.
Il n'y a aucun débat à avoir sur cette question : l'article 7, je le répète, ne traite pas de biométrie. Si vous vouliez insérer de telles techniques dans le projet de loi, nous nous y opposerions.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
Ça a le goût et la couleur de la biométrie, mais ce n'est pas de la biométrie : voilà un concept intéressant !
La question importante que vous soulevez mérite, même si nous y avons répondu plusieurs fois, une réponse, ne serait-ce que pour que vous ne puissiez pas prétendre que nous l'éludons. Comme l'a très justement souligné M. Latombe, vous confondez les algorithmes, la biométrie, les pratiques de certains centres de supervision urbains municipaux et les activités qui seront permises si le texte soumis à votre examen devait être adopté. Si vous me le permettez, je m'efforcerai de vous répondre clairement – et, je l'espère, une fois pour toutes, même si nous resterons probablement en désaccord sur le fond.
Premièrement, que prévoit le texte ? Il prévoit de repérer des situations prédéterminées, comme un départ de feu ou un mouvement de foule, que la loi ne qualifie nullement d'anormales ou de suspectes.
S'agissant du recours à l'intelligence artificielle, tel qu'il est autorisé par le décret de la Cnil et permis par le préfet, l'utilisateur de la caméra de vidéoprotection peut exploiter les images pendant l'événement prédéfini – par exemple un dépôt de sac ou un départ de feu. En revanche, la loi ne permet pas – même si c'est possible techniquement – de faire ce que vous dites, c'est-à-dire de suivre quelqu'un a posteriori dès lors qu'on considère qu'une camionnette blanche, un scooter ou un passant vêtu d'un sweat à capuche ont posé tel ou tel problème.
La question que vous abordez, et qui porte sur la technologie appliquée à la sécurité, n'est en aucun cas l'objet du texte.
Ensuite, vous citez le cas de collectivités locales qui ont recours à ce type de technologie. Il est tout à fait vrai que certaines d'entre elles disposent de logiciels permettant non pas de définir des événements prédéterminés – ce que j'ai évoqué à propos de ce projet de loi – mais de rechercher a posteriori, par exemple, une camionnette blanche qui circulait dans les rues de la ville entre deux et cinq heures du matin ou une personne vêtue d'un sweat à capuche rouge, aperçue entre deux et trois heures du matin et qui a commis un acte contraire à la légalité.
Cependant, si ces possibilités existent, c'est toujours sur réquisition de la justice. En l'occurrence, le procureur de la République se tourne vers le centre de supervision urbain, prend une réquisition et demande aux opérateurs de chercher – pour reprendre mon dernier exemple – toutes les personnes vêtues d'une capuche rouge et aperçues entre deux et trois heures du matin et de lui transmettre les images.
Je ne dis pas que ce débat est médiocre ni d'ailleurs qu'il faut avoir telle ou telle position à ce sujet. Toutefois ce n'est pas du tout l'objet du projet de loi. Nous inscrivons dans la loi la possibilité d'extraire d'un mur d'images des situations prédéterminées susceptibles de se produire dans le cadre de grands événements tels que les Jeux olympiques de Paris ou un festival d'envergure – un exemple que nous avions pris dans le cadre de l'expérimentation. En aucun cas nous ne permettons de rechercher a posteriori telle camionnette blanche qui aurait circulé dans les rues de Lons-le-Saunier ou de Vesoul. En revanche, que l'on dispose, dans ces deux villes – que je cite au hasard, je n'ai aucune information en la matière –, de logiciels d'intelligence artificielle validés par le procureur de la République et que celui-ci puisse demander aux opérateurs de retrouver les images, c'est un autre sujet qui n'a rien à voir avec ce texte mais qui concerne l'autorité judiciaire.
Dans ce projet de loi, il est question de situations prédéterminées, d'événements d'envergure et de l'autorité du préfet alors que votre question nous conduit à un débat dans lequel entrent en jeu l'autorité judiciaire, les communes, les actes criminels et la résolution d'une enquête.
Je tenais à apporter ces précisions pour la bonne compréhension de chacun car une certaine – voire grande – confusion semble s'être emparée de votre esprit. Je fais le pari que votre question relevait de la curiosité parlementaire – que je comprends d'ailleurs parfaitement car ce sont des questions importantes. Je pense y avoir répondu une fois pour toutes.
L'amendement n° 673 n'est pas adopté.
J'ai bien suivi les débats de ce matin. Cet amendement de M. Acquaviva est un peu dans la même veine que les précédents puisqu'il vise à proscrire toute information de nature à permettre la reconnaissance automatique d'un individu du fait de ses caractéristiques physiques, biologiques ou comportementales.
Cette mesure illustre, sinon une peur que de tels procédés soient utilisés afin de suivre la population – soit l'idée selon laquelle Big Brother observerait nos allées et venues –, du moins la volonté de faire preuve de vigilance en la matière.
J'ai bien entendu les propos de M. le ministre et de M. Latombe. L'article 7 semble bien bordé. M. le président de la commission me répondra certainement que l'amendement est satisfait. Cependant, n'en étant pas le rédacteur, et conformément à mes principes, je ne peux le retirer.
J'aimerais compléter les propos du ministre – car si certains ne le croient pas, ils peuvent au moins croire la loi. L'alinéa 5 de l'article 7 indique : « Les traitements mentionnés au I du présent article n'utilisent aucun système d'identification biométrique, ne traitent aucune donnée biométrique et ne mettent en œuvre aucune technique de reconnaissance faciale. » Votre amendement étant satisfait, j'émets un avis défavorable.
Nous aurons ce débat à de nombreuses reprises. Les conditions énoncées par notre collègue Molac pour caractériser les données biométriques exploitées ne sont pas forcément cumulatives.
De fait, toutes les entreprises qui développent ces algorithmes nous expliquent qu'elles vont chercher les rapports vectoriels qui composent le corps dans son ensemble – c'est-à-dire tous les points qui forment le visage mais aussi les bras ou encore le torse – pour élaborer une solution.
La finesse de la technique développée est même leur argument de vente numéro un. Dès lors, convenez que l'on peut nourrir quelques doutes.
D'autres entreprises mettent en avant, non pas les rapports vectoriels, mais les comportements traités. Or, vous l'avez tous dit – y compris les défenseurs de l'article 7 –, les comportements sont une des données biométriques prises en compte.
Quelle que soit la façon dont vous présentez le problème, ce sont donc bien des données à caractère biométrique qui seront traitées. C'est dangereux car, dans le dispositif que vous nous présentez, aucun moyen technique permettant d'éviter le traitement des visages n'est mentionné. Certes les visages seront peut-être floutés sur les images que verront les agents et celles-ci ne seront peut-être pas exploitées à l'instant T. Néanmoins, ces données seront traitées.
L'intelligence artificielle ne traitera pas séparément les parties du corps, par exemple une main et un visage – elle n'en est pas capable. Or vous n'avez donné aucune réponse technique sur ce point. En revanche, les entreprises qui développent ces outils mettent en garde sur le fait que, pour nombre d'entre elles, le respect du RPGD laisse à désirer. Une de ces entreprises – française – a beau se vanter de ses bonnes pratiques en la matière, elle a les plus grandes difficultés à expliquer comment elle pourra empêcher le traitement les visages – et c'est bien normal puisqu'elle n'est pas en mesure de le faire.
L'amendement n° 213 n'est pas adopté.
Il vise à indiquer, après la première phrase de l'alinéa 5, toujours à propos des algorithmes – le sujet qui nous occupe ce matin – : « Ils ne peuvent induire aucune des formes de discrimination mentionnées à l'article 225-1 du code pénal. » C'est une précaution supplémentaire. Pour reprendre l'expression employée tout à l'heure par M. Balanant, ça ne mange pas de pain de l'inscrire dans la loi. J'ajouterai : cela va sans dire mais cela va mieux le disant. Il nous semble même très important de l'écrire noir sur blanc même si l'on me répondra probablement que cela va de soi et que l'amendement est satisfait.
L'amendement n° 532 de Mme Élisa Martin est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
Vous avez posé la question et donné la réponse, monsieur Vicot. Il est écrit dans l'alinéa 14 que « leur traitement doit être loyal et éthique, reposer sur des critères objectifs ». Ces derniers excluent toute forme de discrimination.
Il y a un peu plus de vingt ans – je le dis avec un peu de nostalgie –, je siégeais ici même en tant que commissaire du Gouvernement au moment où nous transposions pour la première fois les directives européennes relatives aux discriminations. Nous avions alors inscrit dans le code pénal les premiers critères de discrimination prohibés, lesquels sont aujourd'hui au nombre de vingt-cinq.
Nous savons malheureusement que les intelligences artificielles – derrière lesquelles se trouvent toujours des humains – reproduisent de manière inconsciente le pire de l'intelligence humaine, notamment les stéréotypes, les clichés et parfois, par voie de conséquence, les discriminations. On peut d'ailleurs citer aujourd'hui de multiples exemples de dérapages, de la part d'intelligences artificielles, en matière de sexisme ou de racisme.
Alors que l'on s'apprête à utiliser des IA algorithmiques, il faut avoir la certitude et la garantie que les humains qui vont prendre part à leur conception sont bien conscients des biais inhérents à de tels outils, notamment en matière de discriminations, telles que les prévoit le code pénal. Le débat ne se situe pas sur le terrain de la loyauté ou de l'éthique puisqu'il est question de sanctionner un délit reconnu par le code pénal.
Comme notre collège Roger Vicot, je ne doute pas que cette intention soit bien présente dans le texte au nom de l'éthique. Cependant nous souhaitons qu'elle soit garantie au nom du droit.
M. Ugo Bernalicis et Mme Sandra Regol applaudissent.
Monsieur le président de la commission des lois, certains critères rationnels et objectifs peuvent être discriminatoires.
Il me paraît insensé d'avancer l'argument selon lequel l'algorithme étant loyal, objectif et rationnel, il ne saurait être discriminatoire.
D'ailleurs, s'agissant du processus d'apprentissage – puisque je sais que vous prenez en considération l'opérateur humain –, lorsqu'un voyant clignotera parce que l'algorithme aura détecté un événement prédéterminé, l'opérateur procédera à une vérification, à une levée de doute soit en visionnant lui-même les images soit en envoyant des équipes sur place. Ensuite, si l'incident est réel, il le traitera, sinon il le clora. Cette décision – la validation ou non du problème – viendra alors enrichir l'algorithme en améliorant sa capacité à sélectionner les événements qu'il signalera à l'avenir à l'opérateur. Dès lors, si celui-ci a un biais discriminatoire, l'algorithme le reproduira pour favoriser les événements déjà validés.
Si l'opérateur a tendance à se comporter de façon discriminatoire – en considérant les critères définis à l'article 225-1 du code pénal –, il en ira de même pour votre algorithme même si celui-ci se montre loyal et éthique vis-à-vis de l'opérateur qui décide de donner son feu vert ou au contraire de ne pas valider l'événement signalé.
Comme l'a dit le collègue Guedj, les algorithmes reproduisent les biais déjà présents dans la société. Pour se prémunir des risques liés à ce phénomène, il faut faire du droit et rappeler nos principes noir sur blanc dans le texte et non se contenter d'employer des mots comme « éthique » ou « loyal ».
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 62
Nombre de suffrages exprimés 56
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 10
Contre 46
La possibilité d'exploiter des images captées par vidéosurveillance algorithmique a posteriori est une autre atteinte aux droits des personnes. En effet, l'image de ces dernières ne sera plus seulement utilisée pour des raisons présumées de sécurité mais aussi pour l'apprentissage d'une intelligence artificielle à des fins commerciales. Il s'agit là d'une dérive inacceptable qui, sous prétexte de sécurité, place le profit avant les libertés individuelles.
De plus, la conservation des images après leur utilisation en temps réel, dans un contexte de cybersécurité sous haute tension, expose les personnes et leur image à des fuites de données et à une utilisation ultérieure hors de tout encadrement légal.
Monsieur le ministre, je rappelle – mais vous le savez sans doute aussi bien que nous – que 4 milliards de cyberattaques ont eu lieu pendant les Jeux olympiques de Tokyo en 2021.
Par cet amendement de notre collègue Lisa Belluco, nous demandons l'interdiction de toute utilisation a posteriori d'images captées par la vidéosurveillance.
L'amendement n° 225 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 152 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 737 de M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est rédactionnel.
L'amendement n° 737 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Il s'agit d'un amendement de notre excellent collègue Sébastien Peytavie.
Le déploiement de la vidéosurveillance algorithmique qu'ambitionne le présent projet de loi laisse planer de sérieuses craintes sur les dérives sécuritaires – nous n'en finissons pas –, notamment à travers la définition légale des comportements anormaux et donc de l'anormalité. Amnesty International, entre autres, avertit des risques de biais discriminatoires dans l'analyse des données, en particulier de biais racistes, nous l'avons déjà largement expliqué. De plus, nous avons de sérieux doutes concernant cette technologie qui, parce qu'elle repose sur la détection de ces fameux événements anormaux, comporte également de sérieux biais concernant certaines personnes en situation de handicap, qui sont déjà une des populations les plus discriminées selon la Défenseure des droits ; elles le sont au quotidien dans un espace public pensé pour et par des personnes 100 % valides. Les personnes en situation de handicap peuvent en effet avoir une manière de se déplacer ou une gestuelle différente de ce que l'algorithme va considérer comme un comportement normal. Quels sont les fondements d'une norme édictée pour définir la façon de se mouvoir et de se comporter dans une société de libertés ? On pourrait assister à une incrimination de personnes en raison de leur couleur de peau ou de leur handicap, ou encore de leur façon de s'habiller pour l'unique motif qu'elles circulent dans la rue.
En conséquence, et malgré toutes les prétendues précautions avancées – nous les avons bien entendues, monsieur le ministre –, ce projet de loi laisse planer un risque important de discrimination dans l'espace public. C'est intolérable dans la supposée patrie des droits humains. Ce texte offre un boulevard aux entreprises pour user et abuser de ces traitements algorithmiques. Certes, ils sont présentés comme neutres, mais la technologie n'est jamais neutre : elle est éminemment politique et plus encore le traitement des données. Nous demandons donc au minimum que les personnes qui manipulent ces technologies bénéficient d'une sensibilisation à la reconnaissance des biais discriminatoires.
Autant il ne serait pas évident de sensibiliser un algorithme aux discriminations, autant procéder à une sensibilisation à la non-discrimination des gens chargés de le mettre en œuvre ou de procéder d'une manière ou d'une autre à des opérations de surveillance est plus pertinente et plus efficace. Nous avons fait la démonstration que le principal problème provient des biais introduits dans le fonctionnement de l'algorithme, notamment du fait des arbitrages humains. L'automatisation va accentuer les biais existants. Il serait donc utile que vous nous précisiez, monsieur le ministre, en quoi va consister l'habilitation des opérateurs : s'agira-t-il seulement d'avoir un casier judiciaire vierge ou y aura-t-il des obligations en termes de formation préalable, notamment s'ils ne sont pas policiers ou gendarmes ?
L'amendement n° 720 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à assurer que le recours aux caméras intelligentes ne pourra se faire qu'à titre complémentaire, aux côtés des autres méthodes de surveillance traditionnelles. Dans son avis sur le présent projet de loi, la Cnil a rappelé que ces traitements algorithmiques présentent, en mise en condition réelle, des taux d'erreur particulièrement importants. Elle juge ainsi le recours à ces technologies moins efficace en conditions opérationnelles qu'une détection humaine ou que les autres méthodes de contrôle conventionnelles. De ce fait, pour assurer le maintien de l'ordre public dans les manifestations concernées, il est essentiel que l'intelligence artificielle ne soit pas le seul outil déployé par l'État.
L'amendement est satisfait. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 214 n'est pas adopté.
J'ai bien entendu l'explication de M. le ministre sur le fait que la Cnil rendra son avis sur les algorithmes mais surtout sur les situations prédéterminées qui seront définies par le décret, et cet amendement conforte cette garantie en complétant l'alinéa 8 par les mots suivants : « à laquelle [la Cnil] l'intégralité du code du traitement aura été préalablement communiquée ». Car on ne sait pas à ce jour comment elle sera informée des situations prédéterminées. Nous souhaitons que le code du traitement lui soit transmis intégralement pour qu'elle puisse se prononcer en toute connaissance de cause sur le futur décret.
La Cnil exercera toutes ses missions, y compris celle de contrôle, en particulier du traitement des images. Elle n'a pas sollicité à ce stade la communication de l'algorithme. Par ailleurs, si certains d'entre vous peuvent avoir des doutes vis-à-vis du Gouvernement, vous ne pouvez pas en avoir vis-à-vis de la Cnil dont les travaux comme les avis sont impartiaux et font l'objet d'une légitime confiance de la part de tous les parlementaires. Je considère donc que l'amendement est satisfait et j'en demande le retrait.
L'amendement n° 155 n'est pas adopté.
Cet amendement devait être défendu par Mme Untermaier, coutumière de ce genre de proposition dans un souci de transparence. En l'espèce, il conviendrait de prévoir que le Gouvernement puisse organiser une consultation publique sur internet dans le cadre de l'élaboration de son décret.
L'amendement n° 156 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Jean-Claude Raux, pour soutenir l'amendement n° 226 .
Selon un récent sondage de la fondation Panoptykon, 85 % des Français interrogés estiment important, voire très important, de pouvoir comprendre comment le modèle d'intelligence artificielle fonctionne lorsqu'il est utilisé par une entreprise privée ou par une institution et lorsque celui-ci sert à évaluer ou à prédire leur comportement. Il s'agit d'un intérêt légitime. Sinon, ce que nous gagnerions supposément en termes de sécurité, nous le perdrions en termes de libertés individuelles et de droit à la vie privée.
Est-ce que gains et pertes s'équilibrent dans la rédaction actuelle ? On est en droit de se poser la question. Il pourrait être redouté une forme ou une autre de discrimination fondée sur des caractéristiques physiques ou sur des comportements considérés comme anormaux. En effet, la notion d'événements prédéterminés n'est pas précisée et encore moins la façon dont ils sont détectés par l'intelligence artificielle. Il apparaît donc nécessaire de préciser autant que possible les critères permettant la catégorisation des événements prédéterminés ainsi que le processus de l'apprentissage de l'algorithme.
L'amendement n° 226 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sans illusion puisque la question a déjà été abordée en vain à plusieurs reprises, nous proposons dans cet amendement de repli de substituer aux mots : « les événements prédéterminés », les mots : « la nature des abandons de bagage », revenant ainsi à notre proposition de réécriture de l'article 7 en limitant le nombre de situations dites anormales à ce seul cas.
L'amendement n° 157 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l'amendement n° 608 .
Cet amendement vise à doter la Cnil d'un pouvoir de saisine du Conseil d'État dans le cas où son avis ne serait pas suivi, à défaut de prévoir un avis conforme. Ce mécanisme existe déjà pour la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) et ce serait donc la moindre des protections que de l'étendre à la Cnil face aux risques que comporte cette technologie. Le texte prévoit un avis simple, mais c'est insuffisant car cette procédure n'est pas adaptée aux risques que fait peser la vidéosurveillance algorithmique sur les libertés.
À défaut de pouvoir interdire le déploiement de cette technologie, nous devons prévoir des garde-fous institutionnels. La Cnil aurait pu jouer ce rôle en étant plus étroitement associée au pouvoir d'autorisation du traitement algorithmique. J'avais d'ailleurs déposé un amendement en ce sens, mais cette proposition a été écartée du débat parlementaire au motif qu'elle porterait atteinte à la séparation des pouvoirs. Permettez-moi de m'interroger sur ce point en rappelant que l'une des missions premières du Parlement est d'encadrer l'exercice du pouvoir réglementaire. Considérer que toute contrainte fixée par le Parlement est une injonction faite au Gouvernement traduit une conception réductrice du droit d'amendement. Je crois qu'on a manifestement un problème avec le droit d'amendement dans cette assemblée…
…et peut-être même un problème avec le parlementarisme dans cette V
L'exemple que vous citez me permet de renverser votre argumentation pour émettre un avis défavorable sur votre amendement. En effet, si la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement peut saisir directement le Conseil d'État, c'est parce que cette autorité administrative indépendante a à connaître d'actes que l'intéressé ignore. Quand le ministère de l'intérieur met sous géolocalisation ou sur écoute telle personne, celle-ci ne le sait évidemment pas et ne peut donc former de recours. Si le CNCTR considère que la décision du ministère n'est pas conforme à l'esprit de la loi et donc au droit administratif, elle peut saisir le Conseil d'État au titre de la garantie des droits de la personne concernée, mais elle seule peut le faire.
Or ce n'est pas le cas de ce que nous évoquons ici puisque la Cnil a à connaître des informations que tout le monde connaît et qu'elle publie un avis que tout le monde peut consulter – les parlementaires le font d'ailleurs régulièrement –, association ou citoyen s'estimant lésé pouvant saisir directement la juridiction administrative. Le projet de loi garantit la saisine du Conseil d'État que la publication de l'avis de la Cnil peut fonder.
On sait bien que la Quadrature du Net, par exemple, pourra faire des recours devant le Conseil d'État sur le fondement des avis de la Cnil auxquels vous n'aurez pas donné suite, mais il est tout de même pour le moins pénible qu'il faille attendre que quelqu'un fasse un recours alors que le mieux armé pour cela puisqu'elle aura analysé le système, ce serait la Cnil elle-même. Vous avez une fâcheuse tendance à vouloir des autorités administratives indépendantes qui n'aient guère, voire pas du tout de pouvoir et du reste les dernières nominations en leur sein peuvent laisser songeur, entre autres les nominations au Conseil constitutionnel, parce que c'est le fait du prince et que celui-ci ne voit pas toujours juste.
Prévoir au moins la saisine du Conseil d'État par la Cnil n'a rien de génial, ce n'est pas la garantie la plus dingue, mais ce serait mieux que rien. Cela n'avait rien d'inacceptable.
Quant à la CNCTR, si elle n'avait pas eu la possibilité de saisir le Conseil d'État, tout le dispositif aurait été inconstitutionnel parce que susceptible d'absolument aucun recours. Mais il faut tout de même s'en remettre à cet organisme censé voir tout passer pour qu'il se substitue aux gens qui ne peuvent pas faire de recours faute d'être au courant qu'ils sont surveillés. Le droit de saisine par la CNCTR était donc, je le répète, une nécessité pour que le dispositif ne s'effondre pas juridiquement.
On voit bien que vous ne voulez pas prévoir trop de garanties.
Et les vingt-huit garanties mentionnées par le ministre, qu'en faites-vous ?
Je sais bien que c'est pénible de gérer des recours devant le Conseil d'État – il faut faire des mémoires en défense, etc.
Je ne vais pas relire les vingt-huit garanties, rassurez-vous, madame la présidente, parce que je ne veux pas allonger les débats. Mais c'est un moment important et je comprends l'esprit dans lequel M. Iordanoff soulève la question. Mais je ne peux pas, monsieur Bernalicis, vous entendre sans réagir et je vais vous relire un extrait du considérant n° 26 de l'avis du Conseil d'État, ce qui devrait convaincre M. Iordanoff : « L'intervention de la CNIL comme autorité de contrôle, aussi bien au stade de l'autorisation du déploiement du traitement que durant sa mise en ?uvre et son évaluation, assure une supervision constante de l'expérimentation de nature à prévenir les risques susceptibles d'être rencontrés. »
Le fait que chaque citoyen ou chaque association peut saisir directement le Conseil d'État ainsi que l'extrait de l'avis que je viens de citer donnent toutes les garanties possibles.
L'amendement n° 608 n'est pas adopté.
Cet amendement de notre collègue Naegelen vise à garantir la protection des intérêts de l'État et des citoyens dans le développement de l'intelligence artificielle en France. La surveillance intelligente pose des questions de souveraineté et de sécurité essentielles qu'il n'est pas possible de négliger, y compris dans le cadre d'une expérimentation. Il est donc impératif que le développement de l'intelligence artificielle, sa gestion, son fonctionnement et sa propriété demeurent dans les mains de l'État. Le développement de tels dispositifs algorithmiques doit donc être assuré soit directement par l'État, en interne, soit par un établissement public, une entreprise publique ou une entreprise privée aux capitaux 100 % publics. Face aux enjeux actuels et à la sensibilité des données traitées, toute délégation à une entreprise privée, notamment étrangère, n'est pas envisageable.
C'est un amendement qui nous semble très important ; nous sommes au cœur de technologies extrêmement sensibles, dont nous discutons déjà depuis plusieurs heures. Par cet amendement de repli, nous proposons d'imposer à l'État le développement du traitement algorithmique afin qu'il ne soit pas sous-traité par une entreprise privée. Dans ce contexte, il est essentiel que l'État maîtrise totalement ces technologies – c'est la garantie que les choses se feront au mieux.
Sourires.
Faute de voir l'intelligence artificielle développée directement en interne par l'État, cet amendement de repli vise à s'assurer que le prestataire privé chargé de son développement ou auprès duquel l'État pourra acquérir le dispositif sera nécessairement situé en France ou sur le territoire d'un pays membre de l'Union européenne.
Je tiens à le rappeler, c'est bien l'État qui pilotera l'ensemble du processus et qui délivrera les attestations de conformité préalables à l'emploi des traitements. Il y a un non-dit derrière ces amendements : l'État a-t-il lui-même les moyens de développer ces traitements algorithmiques ? La réponse est non car cela demande précisément une compétence technique que seuls nos services de renseignement peuvent avoir.
Et encore, je ne suis pas sûr qu'ils puissent le faire, en dépit de toutes leurs qualités.
Dans ces circonstances, vos amendements auraient pour effet d'empêcher le traitement algorithmique de la vidéoprotection ; c'est bien ce que vous recherchez depuis le départ par toute une série d'amendements. C'est l'une des raisons pour lesquelles, en dépit de toutes les garanties que nous vous avons présentées – notamment le rôle de la Cnil et les vingt-huit obligations énumérées hier assez longuement par le ministre de l'intérieur –, vous ne souhaitez pas qu'un tel traitement algorithmique soit mis en place ; c'est une différence de fond entre nous. Nous ne pouvons donc pas accepter vos amendements car ils reviendraient in fine à supprimer l'article 7.
Il s'agit surtout d'un amendement d'appel. Il aurait fallu que nous le rédigions plus en détail pour afficher clairement nos intentions, mais voici la question que nous posons : qui seront les opérateurs qui assureront cette vidéosurveillance algorithmique ? Pour notre part, nous préférons que ce soient des opérateurs français. De fait, dans la plupart des cas, ce seront des opérateurs français, la France étant un fleuron en ce domaine – il semble qu'elle veuille se servir des Jeux olympiques pour ensuite vendre ses solutions à l'étranger. Au moins, si ce sont des entreprises françaises déconnent, nous les avons ici sous la main ; en cas de poursuites, la justice pourra connaître leur adresse et saura où trouver les responsables. Pour une entreprise qui se trouve à l'autre bout du monde, les choses sont plus compliquées, notamment en termes de coopération judiciaire internationale.
Nous ne souhaitons pas que ce dispositif finisse entre de mauvaises mains, même si je n'ai pas non plus une confiance totale dans les entreprises françaises et leur capacité à ne pas faire d'évasion fiscale ou à revendre certaines données. Bref, je souhaitais vous interpeller sur les questions de souveraineté qui se posent à travers la vidéosurveillance algorithmique. Nous voulons simplement que les solutions autoritaires de demain soient estampillées « françaises ».
Cela pose un nouveau problème de droit, ainsi que le précise ma fiche de banc. Votre amendement, monsieur Bernalicis, est inconventionnel, c'est-à-dire contraire à tous les traités européens, notamment sur la question de la préférence nationale. Tout à l'heure, nous avons vu que vous étiez pour la répression du mouvement social lorsque nous avons discuté de l'utilisation de caméras par des manifestants eux-mêmes ; nous apprenons désormais que vous êtes pour la préférence nationale !
Rires sur plusieurs bancs du groupe RN.
C'est exactement le sens de votre amendement. En ce qui me concerne, j'y suis fondamentalement opposé et c'est pourquoi j'émets un avis défavorable.
L'amendement n° 616 n'est pas adopté.
C'est un amendement de bon sens que nous vous proposons ici. Je ne vous le présente pas en tant que député du groupe Rassemblement national mais d'abord en tant que citoyen soucieux de l'indépendance numérique de la France et ensuite en tant que président du groupe d'études économie, sécurité et souveraineté numériques. Il s'agit d'un amendement transpartisan cosigné par les députés de trois groupes politiques différents – Philippe Latombe, Christophe Naegelen, Émeric Salmon et moi-même –, car la souveraineté numérique dépasse les clivages. Malheureusement, la souveraineté numérique est quelque peu absente de l'article 7, celui-ci ne faisant pas mention du pays d'établissement de l'entreprise qui pourra répondre à l'appel d'offres pour l'exploitation du système de vidéosurveillance algorithmique. Il n'y a pas de garanties que cette entreprise qui traitera des données précieuses et stratégiques pour la sécurité nationale sera au moins européenne. Disons-le clairement : il n'y a pas non plus d'assurances que cette entreprise sera un partenaire de confiance pour l'État français. Notre amendement vise dès lors à colmater les brèches de cet article.
Le référentiel SecNumCloud que nous citons a pour dessein de nous protéger de législations extraeuropéennes auxquelles pourraient être soumises les entreprises qui répondront à l'appel d'offres. Ce référentiel a l'avantage d'être déjà pleinement intégré à notre droit et d'être conforme au droit européen ainsi qu'au droit de la concurrence. Oui, la commande publique doit être un outil de reconquête de notre souveraineté numérique ! Placer la sécurité dans les mains d'une entreprise extraeuropéenne, c'est accepter potentiellement un risque d'espionnage, de sabotage ou de pillage de nos données. Nous avons choisi de dépasser nos chapelles politiques car nous avons un choix important de sécurité à faire pour nos concitoyens. Tel est le sens de cet amendement transpartisan. Je tiens à préciser que le sous-amendement n° 789 de notre excellent collègue Bothorel est issu du même groupe d'études et qu'il a été cosigné par plusieurs députés des groupes Démocrate, Renaissance, Horizons et apparentés et Rassemblement national.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Éric Bothorel, pour soutenir le sous-amendement n° 789 .
Je ne serai pas long. Nous sommes à un endroit du texte qui nous amène à discuter du cadre expérimental d'une innovation technologique. Reconnaissons-le, dans notre pays, nous avons souvent regardé ces technologies avec un œil dédaigneux, nous avons attendu qu'elles soient matures avant de les acheter aux Américains et aux Chinois. Avec l'amendement n° 757 et ce sous-amendement, nous assumons une responsabilité presque unanimement partagée sur ces bancs, celle d'orienter cette innovation en faveur des entreprises françaises ou européennes. Nous ne pouvons pas tenir des discours de souveraineté ou d'autonomie stratégique à longueur de temps et ne pas prendre nos responsabilités : il n'est pas question que des technologies émergentes ne puissent pas être fournies par des entreprises françaises ou européennes, d'autant que nous allons probablement nous en saisir demain, une fois que les cadres expérimentaux auront permis de s'assurer de leur compatibilité avec un certain nombre de nos valeurs fondamentales.
La commission avait initialement émis un avis défavorable, considérant que le référentiel n'avait pas de base légale et qu'il ne revenait pas à notre assemblée de lui en donner une. En revanche, j'ai entendu l'argument sur la conventionnalité du dispositif et l'intérêt de bénéficier de la protection des sociétés européennes. C'est la raison pour laquelle, à titre personnel, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée sur l'amendement comme sur le sous-amendement.
Je tenais simplement à confirmer que le groupe Démocrate votera l'amendement et le sous-amendement. Très clairement, il s'agit de nous préserver d'un certain nombre de législations extraterritoriales, qu'elles soient américaine, chinoise, israélienne ou autre. Nous devons vraiment être sûrs que l'ensemble des logiciels de surveillance algorithmique respectent nos règles de droit françaises et européennes. C'est en ce sens que je me félicite du caractère transpartisan de cet amendement.
Pour commencer, la meilleure des garanties pour la souveraineté, c'est qu'il n'y ait pas de surveillance algorithmique du tout.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Je veux aussi vous faire part de mon émotion : c'est la première fois, me semble-t-il, qu'un amendement transpartisan est présenté dans cette assemblée par des membres des groupes de la majorité et des membres du groupe Rassemblement national.
« Oh ! » sur les bancs du groupe RN et sur plusieurs bancs du groupe RE.
Exclamations sur les bancs du groupe Dem.
Depuis le début, vous nous dites qu'il faut discuter avec tout le monde, avec les députés Les Républicains, entre autres. Mais force est de constater que vous n'acceptez aucun de nos amendements,…
Il faut dire qu'ils ne sont pas terribles !
…vous ne discutez avec nous sur rien. Et voilà que vous allez coconstruire avec le Rassemblement national !
Exclamations sur les bancs des groupes Dem et RE.
Et vous, vous vous associez à l'extrême gauche dont vous ne dénoncez pas la violence !
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
Je pense que nous assistons ici à une dérive de cette majorité, qui ne sait plus où elle va ; cela m'inquiète pour la suite de ce mandat. Mes chers collègues, ressaisissez-vous, c'est scandaleux !
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – Exclamations sur les bancs des groupes Dem et RE, ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.
Mme Sandra Regol proteste.
S'il vous plaît, chers collègues ! Dans le calme, nous allons procéder au scrutin.
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe Dem.
Il y a déjà eu deux prises de parole, monsieur Balanant.
Je mets donc aux voix le sous-amendement n° 789 .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 52
Nombre de suffrages exprimés 51
Majorité absolue 26
Pour l'adoption 47
Contre 4
Le sous-amendement n° 789 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 52
Nombre de suffrages exprimés 52
Majorité absolue 27
Pour l'adoption 45
Contre 7
L'amendement n° 757 , sous-amendé, est adopté.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 1 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jordan Guitton, pour soutenir l'amendement n° 509 . Je rappelle que celui-ci fera l'objet d'un scrutin public, demandé par le groupe Rassemblement national.
Le traitement des données captées par les caméras algorithmiques est un sujet sensible. Les données à caractère personnel ainsi collectées doivent être protégées au maximum. Grâce à l'adoption de l'amendement transpartisan n° 757, nous avons fait un pas dans cette direction. Par le présent amendement, je propose en sus que l'État s'engage à mettre en œuvre une politique d'achat responsable et orientée vers une entreprise française, ou à tout le moins européenne, lors de l'acquisition du traitement ou du choix du tiers à qui il confie son développement.
Je tiens à préciser que cet amendement reprend les termes dans lesquels est formulé, dans le rapport annexé à la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, l'un des objectifs de la politique d'achat du ministère. Vous vous êtes référé hier à la Lopmi, monsieur le ministre. J'espère donc que vous donnerez un avis favorable à cet amendement, qui est conforme à l'une de ses orientations. Il faut permettre au moins à l'Europe, au mieux à la France, de protéger elle-même ces données face à toutes les menaces qui peuvent exister à l'échelle mondiale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Qui a la paternité ou la maternité de cet amendement ? C'est la voix de Marine Le Pen !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 55
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 15
Contre 40
L'amendement n° 509 n'est pas adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures, est reprise à onze heures quinze.
Sur le fondement de l'article 100, madame la présidente. Il y a quelques instants, nous avons assisté à un événement que l'on pourrait qualifier de point de bascule dans l'histoire de cet hémicycle et de notre République. Un amendement a été cosigné, de façon transpartisane, par la minorité présidentielle et l'extrême droite.
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur.
Cela devrait vous indigner autant que nous ! Main dans la main, c'est une honte !
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Mêmes mouvements.
S'il vous plaît, pouvons-nous reprendre le cours de nos débats ? Un peu de calme !
Vous êtes irresponsables ! Vous pratiquez la politique de la terre brûlée !
Monsieur Lucas, monsieur Minot, chers collègues, un peu de calme, s'il vous plaît, et un peu de silence. Jusque-là, nous avancions à une allure très correcte. Reprenons l'examen…
Jusque-là, il n'y avait pas d'alliance avec l'extrême droite et là, vous cosignez des amendements !
C'est un groupe d'études ! Dans ce cas, tu sors de tous les groupes d'études…
Monsieur Lucas, nous n'allons pas faire la liste de ceux qui ont voté avec les uns ou avec les autres. Nous n'allons pas nous en sortir !
La parole est à M. Erwan Balanant, pour un rappel au règlement.
… car, au moment d'appuyer, je me suis aussi interrogé. Mais nous sommes tous membres de groupes d'études, transpartisans.
Ainsi, monsieur Iordanoff, nous allons travailler ensemble sur l'évaluation climatique des lois. Si les groupes d'études permettent d'avancer sur des sujets, je crois que …
M. Éric Bothorel proteste.
Cela suffit ! Il n'y a pas d'interpellations dans cet hémicycle, monsieur Lucas ! Il faut vous calmer, sinon je vais passer aux sanctions !
Monsieur Balanant, c'est terminé. Le débat est clos. Nous reprenons la discussion.
Mme Brigitte Liso applaudit.
La parole est à Mme Anne Le Hénanff, pour soutenir l'amendement n° 300 .
Le texte exige des sociétés qui répondraient au marché public d'être en mesure de fournir l'ensemble des données collectées et utilisées lors des traitements expérimentaux. Or nombre de sociétés ne sont pas capables de fournir ces données, car ces dernières n'ont pas été conservées – généralement, il s'agit d'informations collectées au cours de nombreuses années de recherche et développement.
L'amendement vise donc à assouplir les critères exigés dans le cadre de ce marché public en supprimant la condition de recueil des données utilisées par les sociétés pendant ces années de recherche et développement. Une telle suppression ne contrevient pas aux directives de la Cnil et du Conseil constitutionnel. Au contraire, elle bénéficiera au marché public en augmentant les chances que des sociétés françaises et européennes y répondent. Le rapport d'expérimentation publié six mois après les Jeux olympiques permettra de tirer tous les enseignements, et de supprimer d'éventuels biais.
L'amendement n° 300 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir l'amendement n° 398 .
Il s'agit d'un amendement d'appel et de clarification. En l'état de sa rédaction, s'agissant du contrôle des algorithmes, l'article impose une obligation de résultat à l'État. Je souhaiterais que le ministre le confirme, ce qui serait plus protecteur. Dans ce cas, je retirerai l'amendement.
C'est un avis défavorable, dans la mesure où l'amendement dégrade la protection apportée par l'alinéa 14.
Sans vouloir contrarier M. le président de la commission des lois ,
Sourires
je suis tenté de m'en remettre à la sagesse de votre assemblée. Mais je peux également vous rassurer, monsieur le député, il s'agit d'une obligation de moyens, et non de résultat. Cela pourrait éventuellement être précisé lors de la commission mixte paritaire (CMP). Dans l'attente, vous pourriez sans doute retirer votre amendement.
Effectivement, nous clarifierons, le cas échéant, lors de la CMP. L'obligation de résultat nous convient bien.
L'amendement n° 398 est retiré.
Cet amendement vise à insérer, après l'alinéa 14, un alinéa prévoyant que « les bases de données collectées à cette occasion ne peuvent être ensuite revendues à des opérateurs privés ». Cela ne vous aura pas échappé, nous sommes inquiets de la mise en place de la vidéosurveillance algorithmique.
Nous plaidons à tout le moins pour que cela ne devienne pas un terrain de profits pour les opérateurs de sécurité privée souhaitant acquérir les données collectées afin d'améliorer leurs propres systèmes. Cette fête populaire ne saurait servir à enrichir des sociétés de surveillance et ses participants, français et étrangers, servir de cobayes à des expérimentations attentatoires aux libertés et droits fondamentaux.
Je partage l'analyse de mon collègue : les gens vont servir de cobayes pour améliorer l'algorithme et, en plus, ils ne seront même pas indemnisés. Ils vont être filmés sans l'avoir voulu et vont enrichir des entreprises sans que leur démarche ou leur « comportement de foule » soit rétribué. C'est vraiment lamentable…
L'amendement n° 618 n'est pas adopté.
Cet amendement de repli vise à insérer le mot « discriminatoires » après le mot « biais » à l'alinéa 16. Nous souhaitons renforcer le contrôle humain dans le traitement de la vidéosurveillance afin d'éviter les biais, et tout particulièrement les biais discriminatoires.
Bonjour, monsieur Léaument.
Monsieur Léaument, je vous souhaite également la bienvenue, mais, s'il vous plaît, revenons-en au débat.
Bonjour, madame la présidente. C'est de la courtoisie républicaine face à un ministre qui réprime le mouvement social.
J'en reviens à l'amendement. Nous proposons d'ajouter le mot « discriminatoires », pour éviter que ces algorithmes ne le soient, pour une raison simple. Aux États-Unis, on les a utilisés dans des quartiers populaires, et les algorithmes en ont conclu que les responsables de violences et de crimes étaient des personnes racisées – des personnes noires, notamment. Sans cette précision visant à protéger de la discrimination, notamment celle liée à la couleur de peau, vos algorithmes, monsieur Darmanin, deviendront potentiellement racistes puisque vous les utiliserez notamment dans les quartiers populaires. Monsieur le ministre, si vous souhaitez protéger les individus de tels comportements algorithmiques, je vous invite à donner un avis favorable à cet amendement.
Exclamations sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Vos propos et votre demande me choquent. Préciser qu'il peut exister des biais est une chose, écrire qu'ils sont discriminatoires en est une autre ! Je vous renvoie la balle : donnez-nous la liste des comportements que l'on peut considérer comme discriminatoires. Allez au bout de votre raisonnement, il sera très intéressant de disposer d'une telle liste !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Le débat est intéressant, mais nous l'avons eu il y a une heure, monsieur Léaument. Nous avons précisé que le terme de « biais » visait toutes les discriminations, également interdites, évidemment, dans le traitement algorithmique. Je confirme donc mon avis défavorable.
C'est la raison pour laquelle je vous ai dit bonjour, monsieur Léaument.
M. Antoine Léaument proteste.
Il s'agissait de souligner que vous n'étiez pas là quand nous avons évoqué le sujet ce matin dès neuf heures. Sinon, vous auriez entendu la réponse à votre question.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 538 n'est pas adopté.
Le présent amendement vise à introduire un critère de performance dans le traitement algorithmique, conformément aux recommandations de la Cnil.
Votre amendement est satisfait, puisqu'un rapport de validation viendra conclure la phase de test prévue à l'alinéa 18 et qu'une attestation de conformité du traitement sera délivrée par l'État selon les termes de l'alinéa 21. Je vous demanderai donc de bien vouloir le retirer.
L'amendement n° 701 est retiré.
L'amendement n° 218 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 524 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir l'amendement n° 399 .
Il s'agit de supprimer l'obligation pour les fournisseurs de traitements de transmettre une déclaration des intérêts qu'ils détiennent. Une telle disposition pose un problème d'effectivité. Nombre d'entreprises de taille importante, notamment des entreprises de services du numérique (ESN) françaises comme ATOS, ou d'autres, ne pourraient pas candidater aux appels d'offres. Or, ce sont les entreprises les plus vertueuses. En outre, il est possible d'effectuer des contrôles. Il s'agissait d'un ajout de la commission des lois du Sénat, que nous proposons donc de supprimer, quitte à prévoir éventuellement une nouvelle rédaction pour la CMP.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur l'amendement n° 400 . L'obligation pour les tiers développeurs des traitements de fournir une déclaration de leurs intérêts a été ajoutée au Sénat. Elle vise à renforcer l'objectif d'impartialité et à prévenir les conflits d'intérêts.
Cependant, à titre personnel, et en fonction des explications que pourrait nous fournir le ministre, je m'en remets à la sagesse de notre assemblée pour l'amendement n° 400 , mais demeure défavorable à l'amendement n° 399 .
L'amendement n° 399 est retiré.
L'amendement n° 400 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement vise à rendre transparents les codes intégrés aux algorithmes. Cela s'inscrit, me semble-t-il, dans la continuité de plusieurs mesures adoptées par l'Assemblée depuis une dizaine d'années, de manière généralement assez consensuelle, au sujet de dispositions sécuritaires potentiellement discriminatoires.
Nos débats l'ont montré, le fait de renforcer la transparence, c'est-à-dire la libre consultation des codes, et donc la possibilité d'en rectifier les erreurs, est une manière de faire bénéficier les usagers de ce fameux droit à l'erreur que vous offrez aux entreprises privées, afin qu'ils puissent vérifier le contenu des algorithmes. Un algorithme, on le sait, établit un lien entre une action qu'engage une personne et certaines données, lien qui peut être plus ou moins légitime. Mon camarade Léaument vient d'expliquer que l'établissement de ce lien peut conduire à ce qu'une donnée en cache une autre : c'est la question des biais algorithmiques ; parce que certaines populations sont plus couramment associées à certains types de données, il existerait un lien logique entre ces populations et un certain type d'action. Pour éviter ces discriminations, il faut que le code soit public, afin que l'on puisse vérifier comment s'établissent les liens en amont, quelles sont les formules utilisées. Il s'agit de protéger les libertés individuelles, dans un texte qui les met déjà suffisamment à mal.
Rendre public le code d'un l'algorithme serait contre-productif, voire très dangereux. Pourquoi ? Parce que les caméras algorithmiques ont pour principale vocation d'aider à lutter contre le terrorisme. Si demain, un terroriste s'empare du code de l'algorithme et sait exactement comment fonctionne la caméra algorithmique,…
…il pourra adapter son comportement de manière à ne plus pouvoir être décelé par la caméra.
Je croyais que derrière les caméras, c'étaient des êtres humains qui réfléchissaient !
Soyez donc un peu cohérents ! Auriez-vous l'idée de prévenir un individu que vous allez interpeller du mode opératoire que vous avez choisi, en lui précisant l'heure et le lieu de son interpellation par les forces de l'ordre ? Non. Eh bien, c'est la même chose avec le code algorithmique.
Le Rassemblement national défend évidemment les libertés publiques, mais il y a d'autres moyens de les protéger que de donner aux terroristes le code algorithmique d'une caméra qui a précisément vocation à les combattre.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je dois avouer qu'en commission, j'ai moi-même pu faire la confusion entre le code de l'algorithme, son implémentation, sa finalité et les bases de données qui lui sont couplées. J'ai donc lu avec intérêt la littérature de la Quadrature du Net, qui explique que la plupart des codes utilisés dans les algorithmes sont en libre accès, et donc consultables par tous. La question est donc moins celle de leur consultation que celle de leur fonctionnement et de leur paramétrage.
Il me semble, monsieur Guitton, que vous avez raté un point de nos débats – pour ma part, j'essaie de suivre. Sachant qu'on nous a expliqué que la vidéosurveillance algorithmique ne concernerait qu'une liste prédéterminée d'événements validée par la Cnil, demandons-nous déjà si les attaques terroristes figureront dans cette liste transmise par le ministre. Pas sûr, puisqu'on nous a plutôt parlé de mouvements de foule ou de colis abandonnés – à moins qu'on ne se concentre uniquement sur les colis abandonnés dans une visée terroriste. Je crois donc que vous ne parlez pas exactement de la même chose que nous : vous parlez de la vidéosurveillance telle que vous la rêvez et telle que vous aimeriez qu'elle soit généralisée… comme ce sera le cas après l'adoption de cette loi.
Prenez-en de la graine ! Nous en sommes aux prémices, mais la technique consiste à d'abord mettre le pied dans la porte grâce à un texte sur les JO, tout à fait acceptable par la population, pour ensuite étendre la surveillance à tout le monde, comme vous le souhaitez.
L'amendement n° 501 n'est pas adopté.
L'amendement n° 738 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
On s'éloigne de plus en plus de la transparence, dans la mesure où vous venez de voter un allègement des conditions de vérification des conflits d'intérêts des entreprises qui vont gérer ces données hautement sensibles et où vous opposez un refus systématique à nos demandes visant à donner à la population plus de moyens d'information.
Je rappelle que l'efficacité des systèmes fondés sur le tout-vidéo, le tout-technologique ou le tout-automatique pour la protection des personnes n'a été prouvée par aucune étude. On sait, bien sûr, que ces images peuvent être utilisées a posteriori, mais il me semble que vous nous avez dit que ce ne serait pas le cas.
La technique proposée par ce texte constitue donc une menace pour les libertés publiques, comme la liberté d'expression – ce n'est pas un petit sujet, à l'heure où je parle et où des millions de personnes défilent dans les rues et s'exposent à la répression : je n'ose imaginer ce que serait la situation avec de tels dispositifs de surveillance. Il en va de même pour la liberté d'association – rien d'anodin non plus, dans le contexte actuel – ou pour la liberté de circulation : on a pu voir, notamment à Strasbourg, qu'il était manifestement permis de prendre en nasse des manifestants dans un cul-de-sac – et je suis aussi curieuse que mon collègue Emmanuel Fernandes de votre réponse, monsieur le ministre.
Non seulement ces menaces ont été dénoncées par les associations de défense des droits humains, mais elles vont à l'encontre du droit international. Vous soutenez que les systèmes algorithmiques ne traiteront d'aucune donnée biométrique. Ces arguments sont exactement les mêmes que ceux des entreprises qui vendent ces systèmes et qui sont, comme vous, incapables de présenter les garanties techniques permettant de garantir que c'est bien vrai. Il est problématique que les argumentaires de vente et la réalité technique ne soient pas conformes : c'est sans doute qu'il y a un loup.
C'est pourquoi, dans la mesure où ces données échappent au contrôle de l'État, nous demandons que la Cnil puisse disposer d'un libre accès aux traitements algorithmiques des données.
L'intervention de Mme Regol me permet non seulement d'exprimer mon avis défavorable sur l'amendement, mais également de lui répondre – ainsi qu'à son collègue – à propos de Strasbourg. Je vous livre donc les informations qui m'ont été communiquées par la préfète : lundi soir, à Strasbourg, s'est déroulée une manifestation qui n'a pas été déclarée dans les temps – c'est comme pour le dépôt des comptes de campagne : après l'heure, c'est plus l'heure –…
…et dont je note d'ailleurs qu'elle a été déclarée par le collaborateur du député Fernandes.
Lors de cette manifestation d'une centaine de personnes, donc, une cinquantaine d'éléments que la police a qualifiés de radicaux se sont retrouvés vers vingt-deux heures dans une des rues du centre-ville, la rue de la Dentelle – apparemment très étroite, mais je ne la connais pas. Devant les nombreux troubles à l'ordre public et les nombreuses dégradations dont font foi, paraît-il, les caméras piétons, les forces de sûreté intérieure…
Je dis « paraît-il », parce qu'étant ici, avec vous, je n'ai pas vu personnellement les images… Les forces de l'ordre, devant l'étroitesse de la rue, ont demandé la dispersion.
Une partie des manifestants ont alors quitté les lieux, tandis qu'une cinquantaine d'éléments radicaux n'ont pas souhaité obtempérer.
Ils se sont alors retrouvés dans la rue de la Dentelle, tandis que les forces de l'ordre étaient positionnées autour du pâté de maisons. Ils ont été autorisés à sortir deux par deux – ce qui prouve bien que la nasse était ouverte, contrairement à ce qui a été dit –, après qu'on s'est assuré qu'ils ne portaient aucun d'objet dangereux. Un manifestant de 22 ans a fait un léger malaise.
Il a été pris en charge par les secours, à la demande de la police nationale ; les sapeurs-pompiers sont arrivés à vingt-deux heures vingt-trois. La personne est repartie avec une douleur à la gorge ; elle a préféré quitter les lieux seule. Hormis cet incident, que précise Mme la préfète, rien de notable n'a été signalé. Le retour au calme est intervenu rapidement. Voilà, je pense que vous avez votre réponse.
C'était donc une manifestation déclarée, avec une nasse dont il était impossible de sortir !
L'amendement n° 722 n'est pas adopté.
Sur le fondement de la Déclaration des droits de l'homme et de citoyen !
Ce pourrait être sur le fondement de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, mais je choisirai plutôt l'article 24 de la Constitution, aux termes duquel le Parlement contrôle l'action du Gouvernement. Monsieur le ministre, puisque vous en êtes à répondre aux questions sur les forces de police, pouvez-vous nous expliquer pourquoi des policiers ont traité un SDF de « sac à merde » dans les rues de Paris ?
Pouvez-vous également nous expliquer pourquoi un policier faisant un tir tendu de LBD – lanceur de balles de défense – s'est écrié « Ramasse tes couilles, enculé ! »
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Ils n'aiment toujours pas la police !
Merci, monsieur Léaument, mais les rappels au règlement ne servent pas à poser ce type de questions. Je vous ai néanmoins laissé aller jusqu'au bout.
Toujours dans un souci de transparence et de concertation, nous proposons que l'autorisation de l'emploi du traitement algorithmique ne puisse être accordée que si les conseils municipaux concernés, qui sont quand même les premiers concernés sur leur territoire, donnent leur avis conforme sur cette utilisation.
Cela revient en réalité à exercer un contrôle de légalité inversé, puisqu'il faudrait que les collectivités approuvent l'application des dispositifs de l'État – ce qui est probablement expérimental, mais certainement inconstitutionnel.
Avis défavorable.
Nombreuses sont les mesures qui ont été votées dans cet hémicycle et ne vont pas dans le sens de ce que demandent les collectivités, désireuses de pouvoir quand même statuer sur certains sujets. Cet amendement de nos collègues socialistes permettrait de leur donner un peu voix au chapitre.
Il serait assez malvenu que l'on continue à se moquer des collectivités territoriales, quand elles sont le principal rempart contre tout ce qui oppresse la vie de nos concitoyens…
Comme la fermeture des musées, par exemple ?
C'est terminé, il faut mettre vos fiches à jour ! Je pense notamment à l'inflation, à toutes leurs difficultés quotidiennes et à tout ce que l'État ne fait pas, quand il s'agit de l'accueil des migrants ou de tout ce qui permet de vivre dignement dans une démocratie du XXI
L'amendement n° 159 n'est pas adopté.
Cet amendement va me permettre de démontrer que la position du Rassemblement national est une position équilibrée, contrairement à ce que nous disait hier soir le ministre, nous reprochant de ne pas assez soutenir l'article 7 et l'utilisation des caméras algorithmiques, tandis que la NUPES nous accuse d'être trop partisans de la vidéoprotection et des caméras algorithmiques. Nous nous situons entre ces deux caricatures. Nous voulons assurer la sécurité des Français tout en protégeant les libertés publiques, et c'est d'ailleurs le sens de cet amendement.
Le traitement des données captées par les caméras algorithmiques, que nous soutenons, est un sujet sensible, et si nous voulons protéger les Français et les 7 millions de personnes qui viendront assister aux Jeux olympiques de Paris en 2024, nous devons garantir toute utilisation abusive des données.
Pour cela, nous souhaitons confier l'autorisation et le contrôle à une autorité indépendante de l'État. La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR, nous semble la mieux à même de remplir ce rôle : c'est une autorité administrative indépendante, qui a pour mission de veiller à ce que les techniques auxquelles ont recours les services du renseignement et qui sont susceptibles de porter atteinte à la vie privée soient mises en œuvre sur le territoire national dans le respect de la légalité. Elle est donc toute désignée, car parfaitement familière des problématiques de respect de la vie privée par les technologies de pointe.
C'est donc un amendement de bon sens, qui vise à préserver les libertés publiques tout en assurant la sécurité des Français et de tous ceux qui viendront sur le territoire français pour les Jeux olympiques de 2024.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Je tiens à rappeler qu'hier, une représentante du Rassemblement national a dit que nous souhaitions établir une société orwellienne…
…et proposé de détricoter tous les dispositifs de traitement algorithmique que contient ce texte, ce qui aurait eu pour effet de rendre inapplicable la totalité de l'article 7.
C'est vrai ! Avouez-le !
Si c'est ce que vous appelez protéger les Français, c'est à n'y rien comprendre, sachant qu'en l'occurrence, vos propositions rejoignent en tout point celles de la NUPES sur ce sujet.
Je ne crois donc pas que nous puissions qualifier votre opposition de constructive.
Vous n'aimez pas la sécurité !
Quant à la CNCTR, objet de cet amendement, elle a pour rôle d'autoriser – ou non – les techniques de renseignement les plus poussées, et non le traitement algorithmique des caméras de vidéoprotection dans l'espace public…
Ce n'est pas une technique de renseignement !
…qui, comme le précise M. le ministre, n'est pas une technique de renseignement. L'avis est donc défavorable, car cette proposition est hors du champ du texte.
Même avis. Vous n'aimez pas le renseignement.
L'amendement n° 623 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Claude Raux, pour soutenir l'amendement n° 227 .
Le projet de loi prévoit que le représentant de l'État ou, à Paris, le préfet de police – personnalités nommées en Conseil des ministres –, soit l'autorité administrative chargée d'autoriser les dispositifs de vidéosurveillance algorithmique. Or le recours à des dispositifs de VSA, qu'ils soient fixes ou sur des drones, sur le territoire d'une commune intéresse évidemment les citoyens et leurs représentants locaux. Le sondage européen que j'évoquais tout à l'heure indique que pour 81 % des Français interrogés, il est important, voire très important d'être informé sur l'usage de modèles d'intelligence artificielle par des entreprises privées ou par des institutions lorsque ceux-ci servent à évaluer ou à établir des prédictions sur leur comportement.
Il apparaît donc nécessaire d'inclure les élus locaux dans la discussion de tout projet d'installation ou d'utilisation de dispositifs de VSA sur le territoire de leur commune. Par cet amendement, il est demandé que l'avis favorable des communes sur le territoire desquelles sera utilisée la vidéosurveillance algorithmique soit requis avant toute autorisation.
L'amendement n° 227 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'alinéa 22 de l'article 7 dispose que l'autorisation de l'emploi de la vidéosurveillance algorithmique ne peut être accordée que si « le recours au traitement est proportionné à la finalité poursuivie ». Cette condition de proportionnalité est effectivement nécessaire, mais ne nous semble pas suffisante pour concilier d'une part les objectifs en matière de sécurité, et de l'autre les droits et libertés.
Il manque en effet une condition essentielle : celle de la nécessité, qui est fondée en droit. Car nous ne pouvons imaginer un recours à cette technologie, dont on ne cesse de déplorer les atteintes aux libertés, si d'autres techniques peuvent être employées. Ces dernières ont été évoquées hier : je pense, entre autres, à la mobilisation du renseignement et de forces de sécurité formées, adaptées et présentes sur le terrain. Ces techniques alternatives permettraient d'aboutir à un meilleur résultat que la technophilie obsessionnelle.
Dans la mesure où nous ne pouvons revenir sur les modalités de l'article 7, l'extrême droite et la coalition présidentielle ayant choisi de les approuver, nous demandons à tout le moins que la vidéosurveillance algorithmique ne soit utilisée qu'en dernier recours et non au quotidien : celle-ci ne doit surtout pas être banalisée durant cette période. Nous proposons donc d'ajouter cette condition de nécessité, laquelle nous paraît indispensable étant donné que le travail de terrain pourrait être valorisé.
Comme nous ne disposons pas de preuves du bon fonctionnement de cette technologie, la communication et la prévention des dangers et des violences sont pour nous la priorité – plutôt que de permettre d'utiliser les images a posteriori. Si nous n'avions pas besoin d'utiliser les images a posteriori, nous n'aurions pas besoin de les conserver aussi longtemps.
D'ordinaire, elles sont conservées pendant trente jours : en l'espèce, ce sera un an. C'est donc que vous travaillerez davantage après que pendant les événements, et que votre dispositif n'est en réalité pas destiné à prévenir, ni même à guérir.
Le ministre nous a accusés tout à l'heure de n'être préoccupés que par les libertés fondamentales et non par les technologies : nous plaidons évidemment coupable. Et cet excellent amendement de Mme Regol constitue une autre manière de défendre ces libertés.
Cet amendement tend à affirmer que proportionnalité n'est pas synonyme d'utilité. En effet, un dispositif peut être jugé proportionné aux objectifs poursuivis sans que cela signifie qu'il est nécessaire, ni qu'il n'existe pas de solution alternative qui serait socialement préférable ou, du moins, qu'il conviendrait d'envisager. Voilà le sens de l'amendement de Mme Regol : affirmer que le recours à cette technologie doit être jugé nécessaire, en plus d'être jugé proportionné. Il invite également à se poser la question des solutions alternatives, question que beaucoup de collectivités ne se posent pas, même lorsqu'elles sont condamnées – cela a été rappelé.
Ainsi voulons-nous nous assurer de la nécessité du recours à cette technologie, d'autant plus que les données qui seront collectées auront un caractère biométrique, données que notre droit est censé protéger. Étant d'une part physiques et physiologiques et d'autre part comportementales, ces données sont bien d'ordre biométrique : notre assemblée l'a rappelé. Nous essayons donc de vous mettre en cohérence avec vous-mêmes, ce qui serait un bon début dans l'examen de ce texte.
Je le répète, il est indispensable de s'assurer du caractère nécessaire de l'emploi de cette technologie et d'affirmer que lorsque ce n'est pas le cas, on ne doit pas faire de surveillance algorithmique. Il y a en effet une différence fondamentale en République entre les droits et les risques.
En l'occurrence, nous devons raisonner en termes de droits fondamentaux relatifs à la vie privée, et non en termes de risques. Ce n'est pas parce que quelque chose n'est pas risqué qu'il faut le faire. Il existe une multitude de choses qui ne sont pas risquées, mais que nous ne faisons pas pour autant. Par exemple, écouter des ministres, comme nous le faisons parfois, n'est pas risqué – encore que, ne le faites pas chez vous –, mais ce n'est pas pour cette raison qu'il faut absolument le faire. En effet, ce n'est pas forcément nécessaire ni utile : nous le constatons sur différents textes.
Bref, nous demandons une garantie des droits et l'adoption de l'amendement de Mme Regol.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Sandra Regol applaudit aussi.
Certains députés du groupe LFI – NUPES qui viennent de prendre la parole pour défendre leurs amendements, ce qui est bien logique,…
…sont arrivés il y a peu dans l'hémicycle, alors que nous siégeons depuis trois heures maintenant…
…et que nous avons déjà discuté de l'ensemble des points évoqués. Nous avons dit et expliqué que les données collectées par la vidéosurveillance ne relevaient pas de la biométrie. Nous avons eu un vrai échange, d'ailleurs très intéressant et technique, sur lequel nous revenons maintenant.
Quels mots n'avons-nous pas encore prononcés depuis trois heures que nous sommes là ? Les mots « Jeux olympiques ». Personne n'en a parlé !
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Et paralympiques !
Et paralympiques, vous avez raison, monsieur le ministre. Vous êtes contre, et je répète que c'est votre droit.
Or il s'agit d'un événement extraordinaire – je dis bien extraordinaire – pour lequel nous avons besoin d'adapter nos moyens.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Vous souhaitez que cela ne marche pas, que cela échoue : c'est votre droit, mais laissez-nous réfléchir et vous faire des propositions. Nous avons avancé sur la biométrie.
Nous avons dit que ce n'était pas le cas. Nous ne vous avons pas convaincus, mais laissez-nous travailler et avancer.
Je n'ai pris la parole qu'une fois depuis neuf heures, madame la présidente. Nous avançons au rythme de trente amendements à l'heure, et…
Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Au temps pour moi, mais ce n'est pas non plus le sujet de l'amendement. Je vais néanmoins vous laisser achever votre propos, monsieur Maillard, puis je donnerai la parole à M. Léaument.
Si vous coupiez la parole à toute personne qui ne s'exprime pas précisément sur l'amendement en discussion, madame la présidente, nous en serions déjà à l'article 17 !
Sourires.
Je ne demande qu'une chose aux députés du groupe LFI – NUPES : que nous puissions avancer, ne serait-ce que par respect pour les collègues qui le souhaitent. La discussion est intéressante, mais n'y revenons pas dix fois.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je souhaitais également m'exprimer sur cet amendement, mais si je dois faire un rappel au règlement pour cela, j'ai en tête plusieurs articles sur lesquels je pourrais me fonder, comme l'article 70, alinéa 2 relatif aux scènes tumultueuses,…
Ce n'est pas vraiment tumultueux ! Vous avez une drôle de vision du tumulte !
…ou encore celui, dont le numéro m'échappe, autorisant la présidence, dans l'intérêt du débat, à donner la parole à davantage d'orateurs que ne le prévoit le règlement.
Monsieur Maillard,…
J'ai déjà donné la parole à deux orateurs sur cet amendement, monsieur Léaument, M. Maillard s'étant en fait exprimé à ce sujet.
Dans ce cas, ce sera donc bien un rappel au règlement relatif aux scènes tumultueuses.
M. Maillard nous reproche de n'arriver que maintenant dans l'hémicycle – veuillez m'excuser, j'ai bloqué les locaux d'Amazon jusqu'à trois heures du matin –,…
…de ne pas avoir suivi les débats et de ne pas parler des Jeux olympiques, mais d'autre chose. Or nous avons justement eu ce débat en commission des lois, où je siège, monsieur Maillard. Nous avions effectivement dit que ce projet de loi ne concernait pas les Jeux olympiques et que la vidéosurveillance algorithmique qu'il tend à instaurer sortait du cadre de cet événement.
Vous parlez de biométrie ! Nous avons déjà dit qu'il ne s'agissait pas de biométrie !
Au fond, vous nous donnez donc raison ! Je le répète, ce projet de loi ne concerne pas les Jeux olympiques, mais la vidéosurveillance.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.
Mes chers collègues, j'ai tout mon temps, ainsi que M. le ministre, qui nous a dit être à la disposition de la représentation nationale, ce dont je le remercie. Nous pouvons donc continuer ainsi, sachant que cela peut durer longtemps. L'article 7 pose néanmoins des questions importantes et je demanderai à chacun de faire un effort pour que nous les abordions. La sagesse consiste aussi à résister de temps en temps aux provocations. De cette manière, nous pourrons avancer à un rythme satisfaisant.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, qui a bien entendu ce que je viens de dire, pour un rappel au règlement.
Il se fonde sur l'article 100 et la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et porte sur la sincérité et la clarté des débats.
Je m'étonne que depuis ce matin, la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques ne soit plus présente dans l'hémicycle.
Exclamations sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.
À cet égard, M. Maillard a raison, nous devons normalement parler des JO…
Je vous retire la parole, monsieur Bernalicis. Quand c'est Mme la ministre des sports qui est là, il faudrait que ce soit le ministre de l'intérieur. Et quand c'est le ministre de l'intérieur qui est présent, il faudrait que ce soit la ministre des sports.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Tout cela n'a aucun sens ! Le Gouvernement étant représenté par l'un de ses membres, nous poursuivons nos débats.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 322 n'est pas adopté.
L'amendement n° 739 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l'amendement n° 609 .
Par cet amendement, le groupe Écologiste – NUPES propose de faire intervenir la Cnil au stade de l'actualisation de l'analyse d'impact – vous m'excuserez d'évoquer à nouveau cette Cnil qui vous embête tant. En effet, l'analyse d'impact est un élément clé de la protection des données personnelles, prévue par le RGPD. Le responsable du traitement de données doit ainsi présenter une analyse des bénéfices escomptés et des risques encourus pour les droits et libertés.
Dans le cas où la Cnil estimerait que les mesures envisagées pour réduire les risques ne sont pas appropriées, il serait logique et souhaitable qu'elle puisse se prononcer également sur leur actualisation. L'article 7 ne prévoyant qu'une simple information de la Cnil, je suggère donc de remplacer cette information par une consultation, afin de mieux garantir les libertés publiques. Veuillez m'excuser encore de m'en préoccuper !
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
L'amendement n° 609 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Claude Raux, pour soutenir l'amendement n° 228 .
La Cnil est le garant de la protection des données personnelles. Son rôle dans l'expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique est essentiel et doit être renforcé. L'avis de la Cnil devrait donc accompagner la décision d'autorisation de l'expérimentation, laquelle serait publiée selon les mêmes modalités. De plus, afin que l'information soit disponible pour toute personne le demandant, il est proposé que la Cnil centralise l'ensemble des informations relatives aux autorisations d'événements et les rende publiques. Tel est l'objet de cet amendement de ma collègue Lisa Belluco.
Depuis tout à l'heure, nous parlons du possible renforcement des prérogatives de la Cnil, mais il me semble que c'est méconnaître les compétences dont elle dispose. La Cnil joue en effet déjà un rôle majeur dans le cadre de l'expérimentation, qu'il s'agisse de son rôle de conseil du pouvoir réglementaire, d'accompagnement des développeurs ou, naturellement, de contrôle.
Une nouvelle fois, sachant qu'il reviendra aux préfets de prendre les centaines d'arrêtés dont il est ici question, vous ne cherchez qu'à neutraliser les dispositions de l'article 7 et donc à le détricoter. Vous pouvez le dire directement : cela ira plus vite ! Avis défavorable.
Mme Anne Le Hénanff applaudit.
L'amendement n° 228 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l'amendement n° 229 rectifié .
Il s'agit d'un autre amendement de mon excellente collègue Lisa Belluco.
La durée de l'autorisation n'est pas précisée dans la rédaction actuelle du texte. En effet, il est simplement indiqué que cette durée « ne peut excéder un mois » et qu'elle est « renouvelable selon les mêmes modalités lorsque les conditions de la délivrance de l'autorisation ne sont plus réunies ». Cela signifie que l'autorisation pourrait être renouvelée à de nombreuses reprises, et ce sachant que nous ne voyons aucune raison pour laquelle sa durée excéderait la durée de l'événement – nous en avons déjà discuté à plusieurs reprises.
Monsieur Maillard, nous avons beaucoup parlé de ces Jeux olympiques et paralympiques. Vous avez dû rater les amendements que la NUPES a proposés pour les rendre plus inclusifs et pour permettre aux participants d'être informés,…
…ou alors vous levez la main pour voter contre des amendements sans savoir sur quoi vous votez. Certes, nous avons déposé beaucoup d'amendements sur l'article 7, mais ce texte ne parle pas d'olympisme !
Cet amendement vise à préciser que la durée d'autorisation doit correspondre à la durée de l'événement. C'est logique et pragmatique. Il est tout de même fou que sur l'ensemble de ces dispositions, les durées d'autorisation soient systématiquement différées et excèdent autant la durée de l'événement.
Il est insultant de prendre vos collègues pour des imbéciles et de ne pas écouter leurs nombreuses justifications.
Si vous les aviez écoutés, vous n'auriez pas présenté dix fois les mêmes amendements en répétant à satiété les mêmes arguments.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Votre collègue n'aurait pas déposé cet amendement si elle avait lu l'alinéa 29 de l'article 7.
C'est ce que vous dites qui est insultant : je viens de parler de l'alinéa 29 !
Il prévoit en effet que la durée d'autorisation « ne peut excéder un mois et est renouvelable selon les mêmes modalités lorsque les conditions de la délivrance de l'autorisation ne sont plus réunies. »
Madame Regol, s'il vous plaît, pas d'interpellations ! Je vous donne la parole après.
L'amendement est donc satisfait, comme la quasi-totalité de ceux que vous avez déjà proposés.
Au titre de l'article 70, pour mise en cause personnelle. Monsieur le président de la commission, vous accusez ma collègue de ne pas avoir lu le texte et de ne pas avoir réfléchi sur la phrase même que je cite, à sa demande, dans la défense de l'amendement. J'aimerais que dans cet hémicycle, ceux qui critiquent les autres aient au moins la décence de les écouter.
M. Benjamin Lucas applaudit.
L'amendement n° 229 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n° 740 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'alinéa 31 prévoit que « le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police ainsi que les maires des territoires concernés sont tenus informés chaque semaine des conditions dans lesquelles le traitement est mis en œuvre ». S'il convient d'informer chaque semaine les maires des conditions dans lesquelles le traitement est mis en œuvre, il est également nécessaire d'en informer l'organisateur de la manifestation sportive, récréative ou culturelle. Nous proposons donc de compléter l'alinéa 31 en ce sens afin d'assurer la bonne information des acteurs locaux.
L'amendement n° 474 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 741 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Madame la présidente, je veux bien enlever mon badge, mais j'aimerais savoir quel article du règlement interdit d'en porter. Est-ce parce que mon badge appelle à se mobiliser pour défendre nos retraites ?
Je vous réponds tout de suite : il s'agit de l'article 9 de l'instruction générale du bureau de l'Assemblée nationale sur la tenue en séance. Je le cite : « la tenue vestimentaire […] ne saurait être le prétexte à la manifestation de l'expression d'une quelconque opinion : est ainsi notamment prohibé le port de tout signe religieux ostensible, d'un uniforme, de logos ou messages commerciaux ou de slogans de nature politique ». Madame Regol, je vous prie donc de bien vouloir ôter votre badge.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je porte un pull à col roulé en hommage à Bruno Le Maire, dois-je l'enlever ?
Comme je l'ai dit à l'huissier qui m'a invitée à enlever mon badge, je le ferai, mais je vais d'abord défendre l'amendement.
Exclamations sur divers bancs. – Mme Sandra Regol enlève sa veste, sur laquelle est accroché son badge.
Je note que dans cette assemblée, il faut se déshabiller pour avoir le droit de s'exprimer !
Absolument pas ! C'est l'application du règlement, dont je ne suis que la bouche.
C'est joliment dit !
L'article 7 prévoit que la Cnil doit être tenue informée « régulièrement » des conditions dans lesquelles le traitement est mis en œuvre. Nous avons cherché la définition juridique de cet abverbe. Est-ce toutes les heures, tous les mois, tous les dix ans ou tous les siècles ? C'est un peu difficile à comprendre.
Nous vous proposons donc d'encadrer le dispositif en substituant les mots « chaque semaine » au mot « régulièrement ». La Cnil pourrait ainsi assurer le suivi le plus fin possible du déploiement de la vidéosurveillance algorithmique. Je ne doute pas que vous avez la volonté que celui-ci se passe bien : il faut donc qualifier ce « régulièrement » de façon régulière.
La parole est à M. le président de la commission des lois, qui reprend l'amendement n° 529 .
Il précise que « régulièrement » signifie au moins trimestriellement. Je demande donc le retrait de l'amendement n° 324 au profit de ce celui-ci.
Absolument pas ! Toutes les semaines et tous les trimestres, ce n'est pas pareil !
Je soutiens l'amendement n° 324 , car il met en évidence un problème fondamental de rédaction. En droit français, on ne sait pas ce que « régulièrement » veut dire. Utiliser régulièrement le 49.3, cela veut-il dire l'utiliser toutes les trois semaines ? On ne peut pas le savoir ! L'amendement répond à la question. En prévoyant un retour vers la Cnil toutes les semaines, il rend certain le contrôle sur les dispositifs que vous voulez mettre en place.
Le débat est intéressant. Il s'agit bien de dispositifs à caractère biométrique, monsieur Maillard. J'écoute toujours ce que vous dites avec attention et j'ai donc vérifié la définition de la biométrie. L'article 4, alinéa 14 du RGPD définit les données biométriques comme « les données à caractère personnel résultant d'un traitement technique spécifique, relatives aux caractéristiques physiques, physiologiques ou comportementales ». Filmer des gens pour déduire d'une analyse automatisée un comportement, un acte, un geste ou une présence revient donc bien à collecter des données biométriques.
« Mais non ! » sur quelques bancs du groupe Dem.
Il faut donc protéger les gens de cette collecte de leurs données biométriques, et il faut le faire d'autant plus que les algorithmes sont autoapprenants. Un retour hebdomadaire permet donc un contrôle suffisant à la fois de l'évolution de l'algorithme et de ses usages.
Vous dites qu'on est d'accord ? Très bien, alors retirez le texte !
L'amendement n° 324 n'est pas adopté.
L'amendement n° 529 est adopté.
L'amendement n° 742 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Nous avons déjà eu des discussions sur la conservation des données, sur leur usage ou sur l'expérimentation. L'alinéa 32 nous donne l'occasion de les poursuivre, puisqu'il prévoit que les algorithmes pourront être entraînés par des images issues des caméras de vidéosurveillance installées sur la voie publique pendant un an et demi, de la date de la promulgation de la loi jusqu'au 31 décembre 2024. Un an et demi ! Je rappelle que le délai maximal de conservation des données est normalement de trente jours. Il s'agit donc d'une dérogation assez violente au droit commun.
Malgré ce que vous affirmez, le détournement des finalités affichées par ce texte est donc bien réel, puisque la puissance publique sert sur un plateau et gratuitement des données à caractère personnel à des entreprises qui en ont besoin pour faire fructifier leurs investissements. On devrait plutôt attendre de la puissance publique qu'elle fournisse des informations aux citoyennes et aux citoyens. C'est ce qui a été fait pour les données collectées par les Gafam : les personnes savent que leurs données sont collectées pour faire prospérer ces entreprises. Il faut expliquer à la population se trouvant sur le sol français que ses faits et gestes serviront à faire vivre des entreprises, puisque celles-ci pourront vendre leurs algorithmes très cher à des pays pour lesquels les notions de démocratie ou de respect des droits ne font plus partie du vocabulaire. Voilà le danger de ce texte, mais le prévenir ne fait sans doute pas partie des préoccupations d'un gouvernement qui importe de l'uranium de pays aussi démocratiques que le Kazakhstan. Si toutefois la protection des libertés vous tient réellement à cœur, cet amendement vous offre la possibilité de supprimer l'alinéa 32.
La parole est à Mme Nadège Abomangoli, pour soutenir l'amendement n° 417 .
Il vise, comme d'autres que nous avons proposés, à protéger la vie privée de nos concitoyens et leur droit de ne pas devenir des sujets d'exploitation. Nous refusons l'utilisation des images recueillies par des entreprises privées de surveillance pour alimenter leur machine learning.
Les articles du code de la sécurité intérieure évoquent des durées de conservation fixées entre sept jours et un mois. Ce délai est trop long pour des données aussi sensibles laissées aux mains du secteur marchand, dont la priorité n'est pas l'intérêt général, mais son propre intérêt – c'est factuel. Nous refusons que les données de nos concitoyens alimentent les algorithmes qui font de la surveillance de masse leur gagne-pain. Les gens ne sont pas des cobayes gratuits ! Nous ne devons pas les laisser à la disposition de sociétés privées qui vendent sans contrôle aux plus offrants, même s'il s'agit de régimes parmi les plus répressifs. Il y va du respect des droits les plus fondamentaux de nos concitoyens.
L'amendement n° 743 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 706 , ayant reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement, est retiré.
Si vous le permettez, je défendrai en même temps l'amendement n° 320 . Comme tous mes collègues, je fais beaucoup d'obstruction. C'est sans doute pour cela que j'ai défendu la quasi-totalité de mes amendements de repli de façon groupée. Je tenais à le rappeler à ceux qui nous accusent continuellement d'empêcher les débats.
L'alinéa 33 prévoit que la Cnil peut faire usage de ses pouvoirs de contrôle et de sanction, tels qu'ils ont été définis par la loi de 1978 – la meilleure année du monde, je suis sûre que Mme la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques sera d'accord avec moi.
Cet alinéa, introduit par le Sénat, est une avancée bienvenue, mais elle n'est pas suffisante. Selon ses termes, en effet, la Cnil pourra accéder aux lieux liés à la mise en œuvre de la vidéosurveillance algorithmique, mais seulement pendant les heures de bureau. Elle ne pourra donc y avoir accès avant six heures et après vingt-et-une heures. Il suffit d'un peu d'imagination pour comprendre que cela laisse le champ libre à de nombreuses dérives – pendant les Jeux olympiques, tout ne se passe pas aux heures de bureau ! Il faut donc permettre, par dérogation à la loi de 1978, un accès permanent à ces lieux pour pouvoir prévenir tout manquement aux dispositions de l'article 7. Il me semble que c'est bien votre intention.
J'ai un peu étudié le fonctionnement des algorithmes. Des surcouches peuvent être installées sur leur interface afin d'occulter la petite coche « reconnaissance faciale » en cas de contrôle. Les données peuvent ainsi être traitées et réapparaître une fois les contrôles terminés.
Il serait plus pratique que les agents de la Cnil puissent surgir à l'improviste et n'importe quand pour s'assurer que cette option, dont les entreprises développant les algorithmes font un argument marketing, ne pourra pas être utilisée au nez et à la barbe du législateur. Maintenant que nous sommes informés, nous ne pouvons pas faire comme si nous ne savions pas !
Monsieur Latombe, je vois que vous souhaitez réagir. Comme vous avez l'habitude de travailler avec ces entreprises, vous pourrez certifier qu'elles vantent, entre autres, cette option et son caractère pratique aux collectivités. Je n'aurai aucun problème à produire des pièces corroborant mon propos.
Pour que la Cnil exerce un rôle dissuasif conformément à sa mission, nous proposons de lui permettre de sanctionner fortement le tiers ayant développé ou fourni l'algorithme utilisé dans le cadre de cette expérimentation, dès lors qu'il viole les règles. Elle doit également pouvoir prononcer des sanctions financières, pour faire respecter les très modestes garde-fous prévus dans l'article. Nous vous proposons ainsi de combler quelques lacunes mineures – comme les coquilles, celles-ci sont inévitables dans tout texte.
Nous avons déjà débattu de l'opportunité d'étendre les pouvoirs de la Cnil. Avis défavorable.
Il est déjà prévu que la Cnil contrôle les algorithmes a priori, à travers une certification des logiciels qui couvrira le registre des traitements et la piste d'audit, c'est-à-dire la fonction permettant de traiter chacune des actions des opérateurs. Supposons que des données biométriques soient utilisées, contrairement à ce qui est prévu, puisque vous sous-entendez que c'est possible ; dans ce cas, la Cnil en trouvera la trace au cours de ses contrôles systématiques. Elle pourra ensuite prononcer des sanctions administratives, dont le montant peut excéder 10 % du chiffre d'affaires de l'entreprise.
La Cnil pourra donc non seulement consulter les pistes d'audit pour s'assurer que les traitements sont conformes à la loi – s'ils ne l'étaient pas, cela apparaîtrait –, mais aussi, dans un deuxième temps, prononcer des sanctions administratives, cumulables avec les sanctions pénales inscrites dans le code de procédure pénale que nous avons évoquées hier soir.
Je souhaite simplement rappeler que la Cnil a pris part aux concertations depuis le début.
Vous donnez l'impression que ses agents sont extérieurs à ce dispositif, alors qu'ils sont impliqués depuis le début. Je rappelle simplement que c'est avec eux que nous avons coconstruit le cahier des charges et le projet de loi.
Les logiciels ne permettront pas la reconnaissance faciale ; laisser croire le contraire est assez gonflé. Depuis le début, la Cnil s'y est opposée avec force, comme nous : il ne faut ni données biométriques, ni reconnaissance faciale.
Par ailleurs, c'est bien avec la Cnil qu'il sera possible de définir les usages de ces caméras intelligentes.
Ainsi, il sera impossible de décider tout à coup d'user de ces technologies en dehors de cadres établis, tels que le ciblage d'un abandon de colis, d'un véhicule suspect, d'un homme armé ou d'un regroupement dangereux sur la voie publique.
Par ailleurs, la Cnil est reconnue, respectée en France. N'importe lequel de nos concitoyens, n'importe quelle organisation peuvent la saisir à n'importe quel moment, s'ils estiment que leurs droits ont été bafoués. Ils le pourront également durant les Jeux.
Sur ce point, l'article 6 du texte a été légèrement modifié, mais vous ne deviez pas être là !
Enfin, la Cnil contribuera au rapport. Ses agents ne sont pas tenus à l'écart ; ils ne débarqueront pas sans savoir de quoi ils parlent ! Ils sont impliqués depuis le début et le resteront pendant l'expérimentation comme dans le rapport d'évaluation de celle-ci. Franchement, vos craintes sont totalement dépourvues de fondement !
Je suis saisie de trois demandes de scrutin public : sur les amendements n° 56 et 70 , par le groupe Rassemblement national ; sur l'article 7, par les groupes Renaissance, Rassemblement national et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (LFI – NUPES).
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l'amendement n° 230 .
Nous ne cessons de le dire, le fonctionnement et les usages possibles de ces algorithmes restent très opaques et il est très difficile à nos concitoyens d'obtenir des informations à ce sujet. Pour y remédier, et en gage de bonne volonté, Lisa Belluco vous propose de créer des comités locaux de suivi de l'expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique. Ces comités seraient notamment composés de représentants d'associations et de collectivités – collectivités auxquelles vous avez refusé de choisir de participer ou non à l'expérimentation – et participeraient à l'évaluation des dispositifs de la VSA. Cet amendement permettrait ainsi de remettre un peu de démocratie, de dialogue et de confiance dans un texte qui en contient bien peu.
L'amendement n° 230 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous proposons de supprimer le mot « trois » à la première phrase de l'alinéa 34. Ainsi la Cnil – dont cet amendement, comme les précédents, vise à renforcer le pouvoir – se verrait remettre un rapport tous les mois et non tous les trois mois. En effet, j'insiste sur un petit problème de calendrier : alors que les Jeux se dérouleront du 26 juillet au 8 septembre et dureront donc seulement un mois et treize jours – c'est beaucoup moins que trois mois –, il faudrait que la Cnil puisse au moins recevoir un rapport pendant qu'ils se tiennent.
Puisque le président de la commission et le ministre au banc ne donnent pas de réponse, je vais m'en charger. Voyons, monsieur Walter, vous n'avez pas compris ! Ce texte concerne non pas les Jeux olympiques, mais toutes les manifestations récréatives et culturelles, en plus des manifestations sportives ! Vous êtes dans l'erreur et les rapports rendus tous les trois mois prendront également en compte la Coupe du monde de rugby de 2023 et les différents festivals de musique, entre autres événements. Je me tiens à votre disposition.
L'amendement n° 539 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Julie Lechanteux, pour soutenir l'amendement n° 56 .
En prévision de la tenue prochaine des Jeux olympiques en France, se pose la question de la sécurité des lieux et des bâtiments. Après le désastre constaté en mai 2022 au stade de France, qu'il nous faut rappeler, le groupe Rassemblement national réclame des actes forts pour garantir la sécurité des personnes et la sûreté de l'ordre public.
Je rappelle que notre pays vit toujours sous la menace d'actes terroristes et de la violence d'extrême gauche qui se déchaîne tous les jours. Or le présent article vise bien à permettre, à titre expérimental, de réaliser des traitements algorithmiques au moyen d'un système de vidéoprotection, afin de prévenir les risques pour la sécurité des personnes.
Le traitement algorithmique des images de vidéoprotection permettra, nous l'espérons, de détecter plus vite et plus efficacement les dangers pouvant survenir pendant les événements sportifs, afin de mobiliser les forces de police et de gendarmerie. Or ce dispositif n'est prévu qu'à titre expérimental pendant la durée des Jeux olympiques, alors que les enjeux de sécurité dépassent les seuls événements sportifs, puisque toute la France est concernée par la violence et l'insécurité. Dans une logique de retour d'expérience, nous proposons donc d'examiner la pertinence de son maintien après la date prévue.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Tout à l'heure, le RN a défendu la position inverse ! Sur le même article !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 44
Nombre de suffrages exprimés 44
Majorité absolue 23
Pour l'adoption 11
Contre 33
L'amendement n° 56 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Pradal, pour soutenir l'amendement n° 301 .
Parce que l'intérêt d'une expérimentation dépend de notre capacité à en évaluer le succès, les points forts, les points faibles et les éventuels échecs, l'alinéa 34 de l'article 7 prévoit la production d'un rapport d'évaluation. Le présent amendement, qui est quasiment d'ordre rédactionnel, vise à préciser que le décret en Conseil d'État qui en fixera le contenu déterminera « les conditions dans lesquelles ledit rapport d'évaluation émet des recommandations ».
La commission avait émis un avis défavorable ; à titre personnel, j'émets un avis de sagesse.
Avis favorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.
L'amendement n° 301 est adopté.
Cet amendement est si naturel, si évident, qu'il sera adopté à l'unanimité, j'en suis sûr. Nous proposons que les parlementaires participant à l'évaluation du dispositif soient désignés « dans le respect du principe de parité entre les femmes et les hommes ».
L'amendement n° 160 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l'amendement n° 536 .
Nous souhaitons que parmi les députés et sénateurs associés à l'évaluation des dispositifs de vidéosurveillance, certains appartiennent réellement à l'opposition. Pour l'instant, le texte prévoit simplement que « l'évaluation associe deux députés et deux sénateurs, dont au moins un député et un sénateur appartenant à un groupe d'opposition, désignés respectivement par le président de l'Assemblée nationale » – en l'occurrence, il s'agit d'une présidente – « et le président du Sénat ».
Or, puisque vous cosignez des amendements avec le groupe Rassemblement national, nous avons un léger doute sur l'appartenance de celui-ci à l'opposition.
M. Lopez-Liguori a présenté l'amendement en tant que président d'un groupe d'études !
Ainsi, sur les deux députés désignés, l'un pourrait appartenir à la majorité et l'autre au groupe Rassemblement national, qui est formellement un groupe d'opposition, mais, en réalité, est souvent d'accord avec la majorité.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Qu'a voté M. Léaument au second tour de la présidentielle ? Macron, non ?
Le fait que vous ayez cosigné des amendements avec les membres du groupe Rassemblement national ne nous rassure pas. Il faut que le président de chaque groupe politique de l'Assemblée et du Sénat soit représenté, pour assurer la réalité du contrôle parlementaire prévu à l'article 24 de la Constitution – article que j'évoquais tout à l'heure, lors d'un rappel au règlement adressé à M. le ministre, qui n'a toujours pas répondu, c'est dommage.
Prenons un autre exemple : imaginons que M. Ciotti soit désigné pour assurer le contrôle parlementaire prévu parce que son groupe appartient formellement à l'opposition – c'est-à-dire s'est déclaré comme tel à l'Assemblée nationale –, alors qu'il est d'accord avec vous pour soutenir le report de l'âge de la retraite à 64 ans et qu'il soutient ce texte et la vidéosurveillance algorithmique qu'il prévoit, comme l'ensemble du groupe Les Républicains. Comment les parlementaires associés à l'évaluation pourront-ils assurer leur mission de contrôle, s'ils sont tous d'accord ? La présence de membres de l'opposition est supposée permettre la contradiction…
…qui garantit l'efficacité, la pertinence du contrôle et la primauté de l'intérêt général – en principe, du moins.
Lors de la dernière nomination d'un député de l'opposition dans une instance extérieure à notre chambre – la délégation parlementaire au renseignement –, la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a choisi toute seule dans son coin un membre du groupe Rassemblement national, alors que la principale opposition est celle de la NUPES, qui compte 151 députés…
…et qu'il lui était loisible de désigner l'un ou l'une de ses membres. Il serait dommage qu'un tel précédent se répète.
Par ailleurs, je salue la présence de la ministre des sports. Il nous aura fallu réclamer sa venue dans un rappel au règlement
Exclamations sur les bancs du groupe RE
Nous demandons en effet, depuis le début de l'examen du texte, que les deux ministres concernés, et non l'un ou l'autre, soient présents au banc du Gouvernement.
Il y a plus de ministres présents que de députés de La France insoumise !
Je rappelle que c'est au Gouvernement de choisir qui le représente en séance publique, et non aux députés.
Votre cœur balance entre les deux ministres : ils sont là tous les deux !
L'amendement n° 536 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Julie Lechanteux, pour soutenir l'amendement n° 70 .
L'article 7 vise à instaurer un dispositif d'évaluation pluridisciplinaire et objective de l'expérimentation des traitements algorithmiques d'images de vidéoprotection. Seraient associés à cette évaluation deux députés et deux sénateurs, dont au moins un député et un sénateur appartenant à un groupe d'opposition, désignés respectivement par le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat.
Nous considérons que cette disposition est injuste et antidémocratique, car elle ne permet pas l'expression de l'ensemble des forces politiques. En prévoyant de n'associer que deux parlementaires de l'opposition, vous brimez la liberté d'expression des représentants du peuple. Il est temps d'intégrer un peu de démocratie dans votre dispositif de contrôle.
C'est pourquoi nous proposons que soient associés à l'évaluation cinq députés et cinq sénateurs, dont au moins deux députés et deux sénateurs appartenant à un groupe d'opposition, désignés respectivement par l'Assemblée nationale et le Sénat à la représentation proportionnelle – qui était promise, du reste –, après avis des groupes parlementaires.
J'ai l'espoir que les membres de cette assemblée restent attachés à ses valeurs démocratiques et qu'ils voteront donc en faveur d'un amendement garantissant une véritable représentativité politique au sein du dispositif d'évaluation prévu.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Avis défavorable, naturellement, car la désignation d'un député de l'opposition et d'un député de la majorité suffit.
Par ailleurs, je tiens à dénoncer la goujaterie quasiment injurieuse dont font montre les députés du groupe LFI – NUPES à l'égard de la ministre des sports depuis le début du débat.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Lorsqu'elle a été auditionnée par la commission comme lorsqu'elle est montée à la tribune, tous ont dénoncé l'absence du ministre de l'intérieur. Comme si la présence de la ministre des sports, peut-être parce qu'elle est une femme, ne suffisait pas,…
…comme si elle n'avait pas les compétences requises. C'est un scandale !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Et lorsque c'est le ministre de l'intérieur qui est présent pour l'examen de l'article 7, relatif à la sécurité, vous dénoncez l'absence de la ministre des sports. Arrêtez de vous en prendre à elle : c'est insupportable !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Même avis que le rapporteur.
Excusez-vous, et nous passerons à autre chose !
Tout à fait, madame la présidente. Ce que je disais tout à l'heure se confirme : le Rassemblement national est décidément la béquille du Gouvernement…
…puisqu'il propose à présent que soient désignés notamment deux députés de l'opposition, choisis par la majorité.
C'est presque de la moquerie. La présidente de l'Assemblée pourrait ainsi choisir un membre du groupe Rassemblement national et un membre du groupe LR : comme tous sont d'accord sur le texte, il n'y aurait pas de problème !
Enfin, monsieur le rapporteur, l'incohérence de votre propos est évidente. En commission, nous demandions la présence de M. Darmanin ; aujourd'hui, nous avons demandé celle de Mme la ministre. Nous ne sommes pas sexistes : nous voulons simplement que les deux ministres concernés par le texte soient présents – un point, c'est tout.
Il s'agit d'un amendement démocratique et de bon sens. Néanmoins, la NUPES se prononcera évidemment contre. Mais rafraîchissez-nous la mémoire, monsieur Léaument, monsieur Bernalicis : pour qui avez-vous voté au second tour de la présidentielle ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Quel a été votre vote sur la motion référendaire défendue lors de l'examen de la réforme des retraites, qui nous aurait évité le 49.3 du Gouvernement ?
Vous êtes des Tartuffe ! L'hypocrisie de la NUPES ne trompe plus personne !
Cet amendement est très démocratique ; je vous invite donc à ne pas être sectaires et à voter pour.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Lorsqu'un amendement élaboré dans le cadre du groupe de travail sur la souveraineté numérique est bon pour les Français, nous votons pour ,
M. Antoine Léaument s'exclame
…ou même de votre groupe, puisqu'il arrive que vous présentiez des amendements de bon sens. Vous, vous pratiquez, par sectarisme, une opposition de destruction ; nous, nous incarnons une opposition de construction, ferme, sérieuse.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Lorsqu'une mesure est bonne pour les Français, nous votons pour. En l'espèce, c'est le cas.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 51
Nombre de suffrages exprimés 50
Majorité absolue 26
Pour l'adoption 13
Contre 37
L'amendement n° 70 n'est pas adopté.
Cet amendement procède du même esprit que l'amendement n° 160 , qui visait à respecter la parité hommes-femmes dans la désignation des parlementaires participant au processus d'évaluation du dispositif. Il a en effet pour objet d'associer à cette évaluation des représentants d'associations spécialisées dans la protection des données personnelles, même si elles ne sont pas forcément d'accord. On crédibiliserait ainsi davantage la démarche.
Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement et la commission sont défavorables à cet amendement. Je me souviens – car je commence à être âgé – que, lors de la campagne de 2017, vous souhaitiez intégrer des membres de la société civile. En l'espèce, il s'agit d'associations, c'est-à-dire de personnalités issues de la société civile. Il serait très utile que des représentants de la Quadrature du Net, par exemple, participent au contrôle des dispositifs algorithmiques de vidéosurveillance que vous souhaitez instaurer. Dans un régime démocratique, l'existence de contre-pouvoirs relève de l'évidence même.
L'amendement n° 161 n'est pas adopté.
Mal rédigé, vous voulez dire !
Non, trop général. Peut-être n'était-il pas assez précis et circonstancié pour vous plaire. Nous défendons donc à présent un amendement complémentaire qui tend à associer, à tout le moins, au contrôle du dispositif la Défenseure des droits ou ses services.
Je sais, monsieur le ministre, que cette dernière a eu des mots assez durs à votre égard et à l'égard des techniques dites de maintien de l'ordre…
Aucun rapport !
…qui sont utilisées depuis plus d'une semaine. Je comprends donc que vous ne vouliez pas qu'elle soit autour de la table pour critiquer les dispositifs que vous souhaitez instaurer pour conférer une précision chirurgicale à vos techniques répressives et les améliorer. Elle a pourtant son utilité ; elle a du reste rendu un avis critique sur le projet de loi. C'est pourquoi je préférerais qu'elle soit autour de la table : ses avis sont toujours éclairés, argumentés, étayés.
Il est vrai qu'il y a toujours eu – je l'ai constaté – dans la majorité, lorsqu'elle était réellement majoritaire et à présent qu'elle n'est plus que relative, une défiance envers cette institution et ceux qui sont à sa tête. Mais un des critères de la démocratie réside dans la liberté de s'exprimer qu'ont ceux qui ne sont pas d'accord avec le Gouvernement. Tel est l'objet de notre amendement. Son adoption serait un geste minimal de contrôle démocratique.
Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre ! La défiance à l'égard de la Défenseure des droits est si grande que son nom a été proposé par le Président de la République, que sa nomination a été approuvée, en application de l'article 13 de la Constitution, par la commission des lois, avec les voix de la majorité, et qu'elle vient présenter chaque année son rapport d'activité devant cette même commission…
…à laquelle elle rend compte de toutes ses actions, y compris des avis qu'elle émet, notamment sur le traitement algorithmique.
Franchement, monsieur Bernalicis, faites mieux.
Je me permets de rappeler à M. Bernalicis qu'en 2008, ses amis de la NUPES, au sens large, ont voté contre la révision constitutionnelle de Nicolas Sarkozy, qui a institué le Défenseur des droits.
Cela n'a rien de drôle, monsieur Bernalicis.
Vous n'avez donc pas l'apanage des contre-pouvoirs. Par ailleurs, je ne crois pas que ce soit rendre service aux personnes qui contrôlent l'action du Gouvernement que de les mettre dans une position où ils sont à la fois juge et partie. Chacun peut le comprendre ; c'est vieux comme le droit constitutionnel. Mais il est vrai – le président de la commission des lois vous l'a rappelé à plusieurs reprises – que votre action juridique est imprécise et mérite sans doute d'évoluer.
Je passe sur les attaques ad hominem. La Défenseure des droits a fait une proposition fort intéressante lorsqu'elle a suggéré l'expérimentation de zones sans contrôle d'identité. Que n'ai-je pas entendu dans les rangs de la majorité ? On a dit que ce n'était pas son rôle, qu'elle sortait de son champ de compétence, etc. Pourtant, sa nomination a été proposée par le Président de la République !
Prenons un autre exemple. Dominique Simonnot, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, nommée par le Président de la République…
Absolument, et cela ne vous empêche pas d'être défiants envers cette institution, de lui tomber dessus systématiquement, de remettre sa parole en cause, notamment à propos des mécanismes de régulation carcérale qu'elle propose.
C'est faux : une mission d'information est consacrée à cette question !
Il est facile de dire : « C'est moi qui l'ai nommée, je lave plus blanc que blanc. » La défiance envers l'institution, vous nous en donnez des exemples de manière récurrente.
Quant au fait d'être juge et partie, il s'agit ici du contrôle du dispositif et non de sa mise en œuvre concrète. Si l'on veut que l'avis de la Défenseure des droits soit parfaitement éclairé, le cas échéant pour remettre en cause le dispositif, le mieux est encore qu'elle soit présente au cœur de ce dispositif…
…de manière à disposer des informations nécessaires. Sinon, vous aurez beau jeu de dire qu'elle ne fait pas partie du comité de suivi, qu'elle ne sait donc pas de quoi elle parle et qu'elle se livre à des élucubrations idéologiques au nom des libertés fondamentales, en dénonçant les risques d'une société de défiance dans laquelle chaque citoyen serait par définition suspect aux yeux des autres et devrait donc être filmé et surveillé vingt-quatre sur vingt-quatre, sept jours sur sept et en tous lieux.
On veut vous éviter cela. Faites donc en sorte que la Défenseure des droits soit associée à l'évaluation ; sinon, celle-ci se résumera à nouveau à une signature.
L'amendement n° 620 n'est pas adopté.
L'amendement n° 744 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Jean-Claude Raux, pour soutenir l'amendement n° 325 .
La vidéosurveillance par algorithme n'a fait l'objet ni d'un débat public national, ni d'une réflexion associant les citoyennes et les citoyens, alors que selon l'avis de la Cnil, il s'agit d'un tournant majeur pour notre pays, et non d'une simple évolution technologique.
Dès lors, il est impératif de prendre le temps de décider collectivement si, oui ou non, nous souhaitons que notre société suive cette pente sécuritaire et nous rapprocher du modèle chinois. Or, eu égard à l'embrasement social du pays, que le Président de la République semble ne pas voir…
…mais que la majorité et la société perçoivent très bien, les conditions ne sont pas réunies pour un débat apaisé.
Il est donc essentiel de prévoir un moratoire de dix ans pour prendre le temps et ne pas agir de manière précipitée, comme c'est le cas avec ce projet de loi, examiné en procédure accélérée sous la pression de l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques.
Cessons de délégitimer le Parlement : le débat public est en cours, ici.
L'amendement n° 325 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 73
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 59
Contre 14
L'article 7, amendé, est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Puisque l'article 6 tend à mettre le code de la sécurité intérieure en conformité avec le RGPD et la loi « informatique et libertés » de 1978, allons jusqu'au bout de la démarche. Comme nous l'avons déjà fait lors de l'examen de l'article 7, nous proposons de supprimer toute dérogation à l'obligation d'informer le public de l'existence d'une vidéosurveillance.
L'article L. 242-3 du code de la sécurité intérieure prévoit par exemple que l'obligation ne s'applique pas aux caméras embarquées sur des drones, « lorsque les circonstances l'interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis ». Le présent amendement tend à supprimer ce passage, bien trop flou, qui pose tant de problèmes concernant la garantie des droits et libertés de nos concitoyens. Encore une fois, ce dispositif revient à faire du secret la règle et de l'information l'exception.
L'amendement n° 326 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Claude Raux, pour soutenir l'amendement n° 344 .
Au fil des ans, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), créé en 2007, est devenu un outil de financement de plus en plus massif de la vidéosurveillance. En 2021, plus de 15 millions d'euros du fonds ont été dépensés pour son déploiement et la circulaire FIPD de 2022 en a fait sa priorité.
Cependant, nous le répétons, aucune étude ne démontre l'efficacité de la vidéosurveillance en matière de prévention ou de protection des citoyens, fin qu'on lui assigne. Ces financements massifs, amenés à augmenter, reposent donc sur une croyance qu'aucun fait, aucun rapport objectif, n'étaie.
Cet amendement vise donc à éviter que l'argent des Français ne serve à financer des dispositifs de surveillance coûteux, inutiles et liberticides, en interdisant d'utiliser les crédits du FIPD pour acquérir, installer, entretenir ou remplacer des caméras ou des traitements algorithmiques.
Ce débat aussi a déjà eu lieu ; il a d'ailleurs été l'occasion de souligner que ce fonds finance notamment des collectivités administrées par des élus qui portent l'étiquette de la NUPES. Avis défavorable.
L'amendement n° 344 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l'amendement n° 327 . Pourriez-vous défendre en même temps le n° 329, chère collègue ?
J'allais vous le proposer, madame la présidente, en vertu de notre conception de l'obstruction.
Nous en avons beaucoup discuté : de nombreuses villes disposent déjà d'une vidéosurveillance et d'un traitement algorithmique, sans aucun cadre légal. Nous vous proposons de combler ce vide juridique quelque peu embarrassant.
Le présent amendement vise à définir dans la loi de 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés un cadre juridique clair, applicable à différents lieux où le traitement de données à caractère personnel est de nature à porter une atteinte grave aux droits et libertés fondamentales d'un grand nombre de personnes : les établissements scolaires, les espaces publics et les établissements et lieux ouverts au public. Il tend à rappeler que la reconnaissance faciale est interdite, ainsi que tous les systèmes d'identification biométrique à distance, puisque la biométrie n'est pas autorisée – nous en serons tous d'accord –, notamment ceux qui permettent l'identification par la voix, le comportement, les émotions, l'ADN ou la démarche. Nos concitoyens les connaissent peut-être moins bien que d'autres systèmes, mais ils sont tout aussi dangereux.
Nous ne sommes pas seuls à demander cette interdiction généralisée. Ainsi, le Comité européen de la protection des données (CEPD) – que nous n'avions pas encore cité – la réclame dans son avis relatif à la législation sur l'intelligence artificielle du 18 juin 2021. Si vous voulez regarder, c'est à l'alinéa 32.
Pour le cas où cette proposition ne recueillerait pas l'assentiment du reste de l'hémicycle, nous avons déposé un amendement de repli, le n° 329, qui concerne uniquement la reconnaissance faciale.
C'est au moins la dixième fois que je le dis, mais bis repetita placent : ces procédés sont déjà interdits par l'article 7 ;…
…ils sont interdits et sanctionnés par l'article 226-18 du code pénal. Avis défavorable.
Ce n'est pas inscrit de cette façon ! Rien n'est clair dans votre rédaction !
La parole est à Mme Nadège Abomangoli, pour soutenir l'amendement n° 469 .
Après les annonces tonitruantes sur les Jeux olympiques et paralympiques écologiquement et socialement responsables, et malgré les échecs que cette ambition a déjà connus, nous proposons de faire de ces JO des Jeux responsables en matière de libertés publiques et de respect de la vie privée.
Les Jeux olympiques et paralympiques ont déjà durement affecté mon département, la Seine-Saint-Denis : espaces verts détruits, promesses d'emplois supplémentaires non tenues, nuisances un peu partout. Sur certains chantiers, des sous-traitants ont recouru à des travailleurs sans papiers – nous demandons leur régularisation. Dans ce département, les choses sont très mal engagées pour que les Jeux deviennent une fête populaire.
Voilà maintenant que vous assumez d'en faire un cheval de Troie d'une politique de surveillance de masse,…
…en particulier par l'expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique au moyen de drones. Il est vrai que nous n'avons pas affaire à un texte relatif aux Jeux olympiques et paralympiques, mais à un texte sécuritaire.
Plutôt que de soutenir des amendements transpartisans avec le groupe Rassemblement national ,…
M. Maxime Minot s'exclame
…comme vous le faites, nous proposons de revenir à des méthodes de police qui placent le savoir-faire humain au cœur du dispositif, avec des entraînements et des formations.
En Seine-Saint-Denis, nous ne sommes pas antipolice : nous voulons une police de proximité ,
M. Ugo Bernalicis applaudit
disponible pour assurer notre sécurité quotidienne et respectueuse de nos droits et libertés. À l'occasion des JO, vous nous le refusez, au profit d'une surveillance de masse inefficace.
Assurons la sécurité des Jeux sans recourir aux drones ni installer une police Big Brother.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La question peut se poser ! Nous proposons de vous placer devant les faits, en expérimentant l'interdiction des drones, afin de disposer d'une comparaison entre une période où les drones ont été utilisés et une période sans drones. Nous verrons s'il y a plus de délinquance, plus d'interpellations, et si la gestion des foules est plus efficace.
D'une certaine façon, l'expérience est déjà en cours : dans l'attente des avis de la Cnil, le recours aux drones ne peut être systématique. La finale de la Ligue des champions a déjà offert un essai de gestion de foule sans utilisation de drones. On peut penser que leur absence explique la mauvaise gestion, et attendre de voir s'ils apportent une évolution. Il se trouve que j'ai ma petite idée sur les raisons de l'échec ; selon moi, les drones n'auraient rien changé. En tout cas, si l'on veut mener un véritable essai, randomisé en double aveugle, comme on dit, il faut s'en donner les moyens.
L'amendement n° 469 n'est pas adopté.
Monsieur le ministre, je m'adresse à vous au nom de notre vénérable collègue, Frank Giletti, retenu ailleurs.
Quel honneur et quelle fierté pour la France de recevoir les Jeux olympiques et paralympiques, la plus grande célébration de l'humanité – l'union par le sport de toutes les nations, dans l'amitié et la paix !
Comment toutefois ne pas appréhender l'organisation d'un événement d'une telle ampleur, eu égard au lamentable souvenir qu'a laissé pour toujours la finale de la Ligue des champions qui s'est tenue le 28 mai 2022 ? Dans l'intention d'éviter que ce désastre se répète, le groupe Rassemblement national ne peut que souhaiter et encourager le fait que chaque personne visée par l'article 7 bis fasse l'objet d'une enquête administrative. C'est même la moindre des exigences. Pour paraphraser le baron Pierre de Coubertin, il faudra cette fois voir loin, parler franc, agir ferme.
Pour y parvenir, monsieur le ministre, il sera impératif de nommer les choses telles qu'elles sont. Je pense évidemment à nos amis anglais que vous avez lamentablement insultés, faute de courage. Comment oublier ces milliers de supporters britanniques et espagnols écrasés, menacés, agressés par des groupes entiers de délinquants que vous craignez d'identifier honnêtement ? Il n'est besoin pour s'en convaincre que de lire le rapport d'enquête commandé par l'UEFA – Union des associations européennes de football –, « implacable réquisitoire contre l'incurie des pouvoirs publics en matière de sécurité », selon Le Monde. Ceux qui étaient censés contrôler les tickets étaient parfois complices des délinquants venus des banlieues et les ont laissés investir le stade. Pourtant, des enquêtes administratives avaient été préalablement menées.
Monsieur le ministre, devons-nous craindre pour la sécurité des millions de visiteurs étrangers que nous nous apprêtons à recevoir au cours de l'été 2024 ? Promettez-vous de ne plus mentir aux Français et au monde sur l'identité des coupables de tels agissements ? Cette fois, vous ne pourrez pas vous réfugier derrière l'excuse du manque de temps ; nous sommes fermes et déterminés à ne pas enlaidir la France une fois de plus.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement n° 426 , qui tend à supprimer l'article.
Le présent article tend à élargir le champ d'autorisation des enquêtes administratives, qui concerneraient des dizaines de milliers de personnes, parce que l'on veut pouvoir tout voir, tout savoir, tout contrôler. Durant les auditions, la question a été posée de savoir comment on pourrait mener ces dizaines de milliers d'enquêtes, avec quels effectifs et quels moyens. Est-ce que tous les policiers seront en mesure d'accomplir cette tâche ? Les services concernés seront-ils réquisitionnés pour ne plus faire que cela ? Allez-vous par exemple, avec l'instauration du commandement unique de la police judiciaire, affecter des membres de la police judiciaire à ces enquêtes de criblage ? Ils ont accès aux fichiers concernés et seraient en mesure de les mener.
Quel est le plan ? Des criblages tous azimuts ne servent qu'à se rassurer : penser que l'on est sûr et certain d'éviter tout problème en criblant tout le monde relève de la croyance. Étant donné la masse de dossiers, faire procéder à des croisements de fichiers à la chaîne n'est pas si efficace. En revanche, il s'agit d'une dérive inquiétante, puisque des gens pourront se voir refuser une habilitation en raison d'un criblage qu'il est difficile de contester : le droit prévoit évidemment des moyens de le faire, mais ils sont difficilement mobilisables.
Pour ces raisons, le groupe La France insoumise estime que l'article 7 bis va trop loin, qu'il est inopérant et qu'il donne une fausse assurance de sécurité.
M. Léo Walter acquiesce.
Le présent article est issu des travaux du Sénat. Il prévoit que les entreprises de transport public de personnes ou de transport de marchandises dangereuses et les entreprises de gestion d'infrastructure pourront demander au ministère de l'intérieur une enquête administrative de sécurité avant d'affecter des personnels intérimaires sur des missions en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens.
On voit que ce criblage vous déplaît, cependant je suis sûr et certain qu'en cas de difficulté liée à l'affectation d'une personne dans le cadre de l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques, vous serez les premiers à demander une commission d'enquête…
…ou une mission d'information, les premiers à mettre en cause le ministère de l'intérieur, à nous reprocher ce que nous n'aurons pas fait et à nous dire ce qu'il fallait faire. Encore une fois, c'est profondément incohérent. Je ne peux pas soutenir cet amendement de suppression. Avis défavorable.
Avis défavorable.
Le groupe Rassemblement national votera évidemment contre cet amendement. Vous êtes toujours en train de critiquer la sécurité publique et d'intenter des procès d'intention à ses serviteurs et ouvriers. Ici, il est question de sécurité privée. Pourquoi refuser des enquêtes administratives ? Imaginons que nous adoptions cet amendement et qu'une ou deux des 20 ou 25 000 personnes recrutées provoquent des débordements, commettent des actes répréhensibles ou adoptent un comportement irrespectueux à l'égard des visiteurs : vous serez les premiers à gueuler, à les dénoncer, mais vous en serez responsables, parce que vous aurez empêché l'enquête administrative.
Il faut que les personnes affectées à la sécurité privée fassent l'objet d'une enquête administrative, de manière à cadrer le dispositif ; il faut vérifier leur casier judiciaire, leurs antécédents, leur CV – curriculum vitae –, leurs compétences et s'assurer que leur comportement est approprié. Le Monde a publié des éléments du rapport de l'UEFA sur la finale de la Ligue des Champions qui s'est déroulée à Paris : des agents de sécurité ont eu des comportements déviants – pour reprendre votre terme – en se faisant les complices de ceux qui sont passés à travers les mailles du filet, c'est-à-dire qui sont entrés dans le stade sans billets. Cela a été prouvé. Donc oui aux enquêtes administratives, et non à votre amendement.
Votre esprit suit une pente qui mène à un système totalitaire. Vous cherchez le risque zéro. Pour ne prendre aucun risque dans l'organisation d'un événement d'ampleur, vous voulez passer tout le monde au criblage. Je suis sûr que si un gouvernement comme le vôtre
M. François Cormier-Bouligeon s'exclame
organise les prochains JO, dans 100 ans, il proposera d'appliquer la méthode de criblage à tous les supporters et à tous les spectateurs. Au fond, ils sont des dangers potentiels : on ne sait jamais qui se cache derrière les spectateurs dans un stade, notamment pour les épreuves de breaking, qui attireront sans doute des gens des quartiers populaires ,…
Protestations sur les bancs des groupes RE et HOR
C'est vrai, le prix des billets s'y opposera !
En réalité, vous ne pouvez pas étendre le criblage à tous les spectateurs des épreuves des JO, parce que c'est matériellement et techniquement impossible. Mais si demain, cela devenait envisageable, grâce à des algorithmes de croisements de fichiers, comme en utilisent d'autres pays qui ont mis à peu près tout le monde dans des cases par ce moyen, vous nous proposeriez de le faire et vous le feriez.
Nous sommes là aussi pour rappeler les principes de proportionnalité et de nécessité lorsqu'il est question de mener ce type d'enquête. Dans le cas présent, en plus d'être inefficace, le dispositif va trop loin. Nous serons toujours là pour le dénoncer et pour défendre les grands principes démocratiques qui nous animent.
M. Antoine Léaument applaudit.
On verra dans un siècle !
L'amendement n° 426 n'est pas adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra