La question importante que vous soulevez mérite, même si nous y avons répondu plusieurs fois, une réponse, ne serait-ce que pour que vous ne puissiez pas prétendre que nous l'éludons. Comme l'a très justement souligné M. Latombe, vous confondez les algorithmes, la biométrie, les pratiques de certains centres de supervision urbains municipaux et les activités qui seront permises si le texte soumis à votre examen devait être adopté. Si vous me le permettez, je m'efforcerai de vous répondre clairement – et, je l'espère, une fois pour toutes, même si nous resterons probablement en désaccord sur le fond.
Premièrement, que prévoit le texte ? Il prévoit de repérer des situations prédéterminées, comme un départ de feu ou un mouvement de foule, que la loi ne qualifie nullement d'anormales ou de suspectes.
S'agissant du recours à l'intelligence artificielle, tel qu'il est autorisé par le décret de la Cnil et permis par le préfet, l'utilisateur de la caméra de vidéoprotection peut exploiter les images pendant l'événement prédéfini – par exemple un dépôt de sac ou un départ de feu. En revanche, la loi ne permet pas – même si c'est possible techniquement – de faire ce que vous dites, c'est-à-dire de suivre quelqu'un a posteriori dès lors qu'on considère qu'une camionnette blanche, un scooter ou un passant vêtu d'un sweat à capuche ont posé tel ou tel problème.
La question que vous abordez, et qui porte sur la technologie appliquée à la sécurité, n'est en aucun cas l'objet du texte.
Ensuite, vous citez le cas de collectivités locales qui ont recours à ce type de technologie. Il est tout à fait vrai que certaines d'entre elles disposent de logiciels permettant non pas de définir des événements prédéterminés – ce que j'ai évoqué à propos de ce projet de loi – mais de rechercher a posteriori, par exemple, une camionnette blanche qui circulait dans les rues de la ville entre deux et cinq heures du matin ou une personne vêtue d'un sweat à capuche rouge, aperçue entre deux et trois heures du matin et qui a commis un acte contraire à la légalité.
Cependant, si ces possibilités existent, c'est toujours sur réquisition de la justice. En l'occurrence, le procureur de la République se tourne vers le centre de supervision urbain, prend une réquisition et demande aux opérateurs de chercher – pour reprendre mon dernier exemple – toutes les personnes vêtues d'une capuche rouge et aperçues entre deux et trois heures du matin et de lui transmettre les images.
Je ne dis pas que ce débat est médiocre ni d'ailleurs qu'il faut avoir telle ou telle position à ce sujet. Toutefois ce n'est pas du tout l'objet du projet de loi. Nous inscrivons dans la loi la possibilité d'extraire d'un mur d'images des situations prédéterminées susceptibles de se produire dans le cadre de grands événements tels que les Jeux olympiques de Paris ou un festival d'envergure – un exemple que nous avions pris dans le cadre de l'expérimentation. En aucun cas nous ne permettons de rechercher a posteriori telle camionnette blanche qui aurait circulé dans les rues de Lons-le-Saunier ou de Vesoul. En revanche, que l'on dispose, dans ces deux villes – que je cite au hasard, je n'ai aucune information en la matière –, de logiciels d'intelligence artificielle validés par le procureur de la République et que celui-ci puisse demander aux opérateurs de retrouver les images, c'est un autre sujet qui n'a rien à voir avec ce texte mais qui concerne l'autorité judiciaire.
Dans ce projet de loi, il est question de situations prédéterminées, d'événements d'envergure et de l'autorité du préfet alors que votre question nous conduit à un débat dans lequel entrent en jeu l'autorité judiciaire, les communes, les actes criminels et la résolution d'une enquête.
Je tenais à apporter ces précisions pour la bonne compréhension de chacun car une certaine – voire grande – confusion semble s'être emparée de votre esprit. Je fais le pari que votre question relevait de la curiosité parlementaire – que je comprends d'ailleurs parfaitement car ce sont des questions importantes. Je pense y avoir répondu une fois pour toutes.