La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d'examen simplifié, en application de l'article 103 du règlement, de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à permettre aux assemblées d'élus et aux différentes associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d'un mandat électif public victime d'agression (n° 484, 683).
Ce texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, je vais le mettre directement aux voix en application de l'article 106 du règlement.
La proposition de loi est adoptée.
Je remercie l'ensemble des parlementaires, en particulier la rapporteure Marie-Agnès Poussier-Winsback, pour l'adoption rapide et consensuelle de ce texte important, qui permettra de mieux protéger et accompagner les élus victimes de violences.
Je veux également remercier l'auteure de cette proposition de loi, la sénatrice Nathalie Delattre, ainsi que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) et la rapporteure du Sénat, Mme Catherine Di Folco. Ce texte est la traduction juridique de l'engagement pris avec le président Ferrand en janvier dernier – je le remercie aussi.
Je rappelle devant vous, comme je le ferai dans ma circulaire d'application à l'attention des procureurs, qu'en démocratie, on ne s'en prend pas aux élus, on ne les agresse pas, on ne les menace pas, notamment de coupures de courant.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et LR.
De tels actes peuvent être qualifiés d'actes d'intimidation, et réprimés par le code pénal.
Quelles que soient nos divergences politiques, je le dis avec fermeté, s'en prendre aux élus, c'est s'en prendre à la République !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR, LR et GDR.
Suite de la discussion d'une proposition de loi
Dans le monde merveilleux imaginé par le Bisounours Michel-Édouard Leclerc, dit MEL, une comptine pour enfants naïfs nous est rapportée cette semaine à grand renfort d'achats publicitaires. MEL y serait un roi, défenseur de nos agriculteurs et de nos entreprises. Le bien de ses sujets, qui ont fait sa fortune, ferait son seul bonheur.
Chaque année, dans des box de bien-être appelés box de négociations, MEL ordonnerait bienveillance et respect à l'ensemble de ses acheteurs. Pour les kilomètres parcourus, ces derniers offriraient une collation à chaque représentant de commerce venu livrer la victuaille française. Michel demanderait à chacun de ses acheteurs de prendre soin de ses interlocuteurs
Sourires
et de ne pas négocier – jamais – un prix inférieur à l'année précédente.
Rires.
Les visiteurs repartiraient des box de Michel avec une joie communicative, en éprouvant un bonheur absolu.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et LR.
J'arrête là car la réalité est malheureusement différente de ce qu'évoque cette comptine.
Michel-Édouard Leclerc, qui n'a de cesse d'insulter la représentation nationale en demandant régulièrement aux députés de venir remplir les rayons de ses supermarchés, ne connaît pas les députés. Dans cet hémicycle, à droite comme à gauche, siègent des personnes aux parcours différents, et parfois cabossés. Lui, l'héritier né avec une cuillère en argent dans la bouche, doit arrêter de s'ériger en père la vertu.
Lui qui réalise la quasi-intégralité de son chiffre d'affaires en France, pourquoi a-t-il créé une centrale d'achats à l'étranger, en Belgique ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE, HOR et LR.
Je le dis devant la représentation nationale, Michel-Édouard Leclerc détourne l'argent des Français. Il essaie de détourner la loi, mais également les taxes et les impôts. Cet argent confisqué, c'est moins d'écoles, moins d'hôpitaux pour les plus fragiles. Alors, de grâce, qu'il arrête de nous faire la leçon !
Les faits sont là : la grande distribution a été condamnée à plusieurs reprises pour pratiques commerciales abusives et des dizaines de millions d'euros d'amendes sont venues sanctionner des comportements illégaux.
Nous, parlementaires de tous bords, sommes scandalisés de constater que les centrales d'achats de Leclerc, Carrefour, Super U, Intermarché, etc. se situent toutes à l'étranger. Le groupe Démocrate défendra, comme vous, les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME). Il plaide notamment pour l'encadrement des pénalités logistiques,…
…un système parfois mafieux qui saigne injustement des entreprises loyales.
Le MODEM défendra également le renforcement des sanctions en cas de dépassement de la date butoir lors des négociations commerciales. Cette technique est utilisée pour mettre sous pression les plus faibles, voire les mettre à genoux, afin de les pousser à davantage de concessions.
L'idée, défendue par notre collègue Anne-Laure Babault, est de dissuader les acheteurs de mauvaise foi. Nous plaidons également pour que chaque pénalité soit accompagnée d'une pièce justificative attestant le préjudice commercial, afin que cette ligne du contrat ne soit plus invoquée au bon vouloir du distributeur.
Dans cet hémicycle, nous ne sommes pas les représentants de Coca-Cola, Nestlé et consorts, contrairement à ce que certains veulent faire croire. Nous sommes les représentants du peuple français, et des 17 000 PME et entreprises françaises de taille intermédiaire (ETI) qui emploient plus de 440 000 personnes.
Je remercie Anne-Laure Babault, déjà citée, mais aussi Éric Martineau, Romain Daubié, Louise Morel, Philippe Bolo, Pascal Lecamp, ainsi que Lisa Broutté, pour leur travail sur cette proposition de loi rapportée avec sérieux par Frédéric Descrozaille, que je salue.
Je remercie également le ministre délégué chargé de l'industrie, M. Roland Lescure, ici présent, pour son travail en lien avec l'économie, ainsi que M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, dont l'action sur le terrain n'a de cesse de préserver l'équilibre de l'ensemble des maillons de la chaîne alimentaire. Le groupe MODEM ne doute pas que les débats nourriront la présente proposition, dans l'intérêt des Français et de notre industrie agroalimentaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et LR.
La présente proposition de loi vise à corriger le déséquilibre structurel dans lequel sont placés les acteurs de l'agroalimentaire vis-à-vis de leurs acheteurs, et tout particulièrement de la grande distribution. Vous me pardonnerez, mais je ne vous raconterai ni fable, ni fabliau.
Je vous prie d'excuser notre collègue, Dominique Potier, qui a beaucoup œuvré en commission pour coconstruire ce texte et qui aurait voulu poursuivre avec nous son examen dans l'hémicycle.
Je salue aussi votre engagement et votre travail, monsieur le rapporteur, à la suite de tous ceux qui vous ont précédé sur ce chantier, notamment avec la loi, dite Egalim 1, pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, et celle, dite Egalim 2, visant à protéger la rémunération des agriculteurs.
Nous pourrions d'ailleurs presque qualifier le présent texte de proposition de loi Egalim 4, puisque, avec la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2, nous avions amorcé les processus de construction du prix à partir d'indicateurs de coûts de production, sans y parvenir totalement.
Beaucoup l'ont rappelé hier soir, toute recherche d'équilibre commercial se heurte à un fait : il n'y a que six acheteurs. Charles de Courson a même parlé d'une oligarchie financière des centrales d'achats. En outre, cela a été dit, une forme de libéralisme financier s'oppose à la construction d'un capitalisme d'investissement au long cours, tant dans la production agricole que dans la transformation industrielle.
Nous devons donc corriger les dispositifs au fur et à mesure afin de rééquilibrer un environnement malheureusement fondamentalement déséquilibré.
Nous soutenons bien sûr l'article 1er , qui met fin au contournement des lois Egalim par l'évasion des centrales d'achats hors de France. Nous devons lutter contre l'évasion juridique pratiquée par certaines enseignes qui délocalisent la négociation contractuelle afin de la soumettre à des dispositions juridiques moins protectrices des agriculteurs français.
Nous devons lutter pour la transparence et l'information. Un tel principe devrait d'ailleurs s'appliquer plus globalement en matière fiscale, afin d'en finir avec les pratiques d'évasion qui constituent un fléau national et européen.
En commission, nous avons défendu le statut singulier et la mission des grossistes et plaiderons – nous avons déposé des amendements – pour la prise en compte des spécificités des PME lorsque l'on recourt au médiateur des prix, en cas d'absence d'accord au 1er mars. Ne mettons pas sur le même plan les relations commerciales des multinationales avec la grande distribution et celles de notre tissu d'ETI, de TPE et de PME. La médiation doit ainsi permettre d'encadrer de la manière la plus juste possible ces relations – il faut l'inscrire dans la loi.
Dans une démarche pragmatique, le groupe Socialistes et apparentés visera trois objectifs. Par l'intermédiaire de Dominique Potier, notre groupe a déjà fait adopter en commission des affaires économiques un amendement pour contrôler, chaque année, la bonne répartition entre producteurs, fournisseurs et distributeurs des gains réalisés par le seuil de revente à perte (SRP). Il faut absolument que ce dispositif fasse l'objet d'une évaluation annuelle afin d'en tirer les conséquences en cas d'absence de partage de la valeur.
Nous avions obtenu l'inscription dans la loi des contrats tripartites pluriannuels qui lient l'agriculteur, le transformateur et le distributeur à la suite de l'expérimentation que nous avions votée en 2018. Il faut aller plus loin et pérenniser ce dispositif qui apportera la transparence nécessaire dans une chaîne alimentaire qui en a plus que besoin.
Enfin, les labels du commerce équitable pourront être utilisés comme référentiels dans les contrats commerciaux. Nous aurions aimé aller plus loin, par exemple en utilisant, en France, tous les instruments de consolidation des organisations de producteurs autorisés par la politique agricole commune (PAC), et en instaurant un indice de partage de la valeur à toutes les étapes de la chaîne de production.
Si un rééquilibrage des rapports entre les industries et la grande distribution était utile pour préserver nos outils de transformation, c'est à toutes les étapes, nous le savons, que se rencontrent des déformations de la valeur entre capital et travail et des écarts de revenus indécents.
Opposer les travailleurs de la terre, de l'industrie et de la grande distribution au consommateur mène dans une impasse économique et sociale. Le pouvoir de vivre des uns et des autres dépend du juste partage de la valeur. Seuls un juste équilibre dans le partage de la valeur et sa modération permettront in fine de garantir notre souveraineté alimentaire.
M. Gilles Le Gendre applaudit.
Nous voici une nouvelle fois réunis pour évoquer le sujet crucial des négociations commerciales. L'enjeu, depuis 2017 et les premières lois Egalim, c'est la souveraineté alimentaire française ; en 2023, ce qui nous pend au nez, c'est une perte de souveraineté, comme celle que nous subissons dans le domaine de l'énergie.
En 2008, la loi de modernisation de l'économie (LME) a été adoptée. Par prudence, je ne l'ai pas votée. À l'époque, nous l'avions surnommée loi Michel-Édouard Leclerc, parce que nous reprochions à ce dernier d'être allé faire son marché directement à l'Élysée ou à Matignon. Aujourd'hui, il nous le rend bien : comme d'autres acteurs de la grande distribution, il est contrarié que les législateurs s'intéressent aux négociations commerciales. J'entends çà et là des acteurs des filières concernées – mais aussi des parlementaires – nous expliquer que le commerce, c'est la liberté et qu'il faut préserver la liberté de négocier. Or nous observons que la liberté de négocier que nous avons accordée il y a quinze ans avec la loi LME s'est appliquée au détriment des agriculteurs et de leurs revenus.
Avec cette proposition de loi, défendue par Frédéric Descrozaille, nous devons chatouiller le talon d'Achille de certains acteurs du secteur. En effet, le groupe Leclerc a pu acheter des pages dans les quotidiens régionaux
M. Thierry Benoit brandit une page de journal
pour accuser les députés et les sénateurs de voter par plaisir une loi visant à accélérer l'inflation : c'est inadmissible !
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.
Tout aussi inadmissible est le fait dont Julien Dive, député de l'Aisne, a témoigné hier soir : un dirigeant de la distribution a cité dans les réseaux sociaux les noms de députés, notamment le sien et celui du rapporteur, pour les clouer au pilori,…
…parce que notre intention de réguler les négociations commerciales mécontente ces messieurs dames.
Je dis : autant de liberté que possible, autant de régulation que nécessaire !
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.
Il y a trois enjeux : le partage de la valeur, dans l'exact prolongement d'Egalim 1 et d'Egalim 2 ; le revenu agricole ; l'équilibre des négociations commerciales.
Je suis heureux, monsieur le ministre délégué, qui siégez à Bercy, cher Roland Lescure, que vous soyez le représentant du Gouvernement.
C'est un plaisir !
Si Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, avait été au banc, je lui aurais demandé qui était chargé des arbitrages pour ce texte : la rue de Varenne, par ses soins, ou Bercy, par ceux de Bruno Le Maire ? En effet, lorsque j'ai présidé la commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de leurs groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs, en 2019, j'ai eu l'impression que, bon an mal an, les services de Bercy se rangeaient du côté des acteurs de la distribution. Certains députés l'ont souligné hier soir : nous en sommes là parce que nous pensons depuis trop longtemps qu'en soutenant exclusivement la consommation, on soutiendrait l'économie.
Je suis un partisan de la TVA sociale et du soutien au secteur primaire, agricole ; au secteur secondaire, industriel et productif ; à la filière agroalimentaire. Le système de la grande distribution est arrivé à son terme. Il a permis d'offrir aux consommateurs français et européens une diversité de produits et des prix accessibles au plus grand nombre, mais il a abouti à la création d'oligopoles – certains parlent de cartels. Quelques grands groupes, avec cinq ou six centrales d'achat, se partagent 20 % du marché. Richard Ramos l'a dit à l'instant : si tous les acteurs de la distribution ont délocalisé leurs centrales d'achat et de services en Belgique, en Suisse ou au Luxembourg, c'est uniquement pour échapper au droit français.
Pendant l'examen de ce texte, nous devons nous intéresser à la localisation des contrats et des achats ; à la poursuite de l'encadrement des promotions et du seuil de revente à perte ; aux contrats, en particulier aux fins de contrat, en accordant une période de médiation lorsque les parties ne trouvent pas d'accord ; à la transparence, notamment dans le domaine des services, plus ou moins virtuels, qui sont facturés.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE, LR et Dem.
Monsieur Benoit, je suis certaine que vous le savez : l'article 9 de l'instruction générale du bureau interdit d'appuyer ses propos « de graphiques, de pancartes, de documents, d'objets ou instruments divers ». Mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir respecter notre règle commune.
Vous nous proposez un texte qui vise à sécuriser l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation. L'intitulé est prometteur, mais trompeur. En réalité, l'ambition de votre proposition de loi est louable, mais plus modeste. Il s'agit d'apporter des correctifs aux lois Egalim 1 et Egalim 2 pour tenir compte du contexte instable et fortement inflationniste dans lequel se déroulent les négociations commerciales entre les fournisseurs et la grande distribution.
Malheureusement, l'adoption de cette proposition de loi ne suffirait pas à conjurer les hausses consécutives à l'envolée des prix des matières premières agricoles et industrielles, ni à éviter la disparition d'entreprises, les destructions d'emplois et les ruptures de production.
Les retouches que vous voulez apporter au dispositif très lacunaire d'encadrement des relations commerciales ne permettraient pas non plus d'atteindre le point d'équilibre que vous recherchez, entre la nécessité de préserver le pouvoir d'achat des Français, d'un côté, et celle de permettre aux fournisseurs de faire face à l'envolée des prix des matières premières agricoles et industrielles, de l'autre. En effet, dans le contexte économique actuel, la voie pour parvenir à ce point d'équilibre ne passera pas par la régulation des relations commerciales. Pour faire simple, soit les distributeurs accèdent aux demandes d'augmentations tarifaires des fournisseurs, et les consommateurs seront étranglés, soit ils refusent d'y accéder, et les entreprises seront contraintes de réduire leur activité, voire de mettre la clef sous la porte.
Alors que les prévisions macroéconomiques convergent vers des niveaux d'inflation supérieurs à 4 % en 2023, parfois proches de 5 %, et que les prix des matières premières agricoles et de l'énergie devraient se maintenir à des niveaux élevés, quelles mesures d'urgence pouvons-nous envisager ?
Il faut agir prioritairement sur les salaires et sur les prix de l'énergie. En matière de régulation des prix de l'énergie, les aménagements successifs proposés par le Gouvernement montrent aujourd'hui leurs limites. La solution immédiate la plus viable consisterait à suspendre et à remettre en cause le fonctionnement du marché européen de l'énergie.
Du côté des consommateurs, il est possible d'envisager la suppression totale de la TVA sur les denrées de première nécessité, comme l'a proposé le gouvernement espagnol. En l'absence de mesures de sécurisation de la chaîne de valeur, l'incidence d'une telle décision sur le pouvoir d'achat serait toutefois incertaine. Agir sur les salaires et sur les pensions en les indexant sur l'inflation, comme c'est le cas pour le Smic, serait autrement efficace et pertinent.
En matière de négociations commerciales, il est également possible de dégager des marges de manœuvre afin de sécuriser la chaîne de valeur en instaurant des prix planchers et un coefficient multiplicateur. La régulation publique des prix et des marges constitue à cet égard un enjeu majeur. A contrario, les aménagements que vous proposez soulignent les faiblesses intrinsèques de l'approche très libérale des négociations commerciales qui a gouverné la rédaction des lois Egalim 1 et 2.
Si nous, députés du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES, jugeons ce texte très insuffisant, nous n'y sommes cependant pas hostiles. Certaines mesures sont les bienvenues. Je pense en premier lieu à votre dispositif de lutte contre l'évasion juridique pratiquée par certaines enseignes, qui délocalisent la négociation contractuelle afin de la soumettre à des dispositions juridiques moins protectrices des intérêts des agriculteurs français et du fabriqué en France. Je pense encore à la prolongation du seuil de revente à perte qui, dans la période actuelle, nous semble une mesure de sagesse. Je pense enfin au plafonnement des pénalités logistiques, introduit lors de l'examen en commission.
Nous restons en revanche plus circonspects s'agissant des dispositions de l'article 3, qui risquent de susciter des effets d'éviction pour les PME et les ETI, faute de durcir les conditions de négociation, ce qui supposerait une régulation publique et un encadrement beaucoup plus strict des prix et des marges.
Nous voterons donc le texte que vous nous proposez. S'il ne tiendra pas la promesse de son titre, il traduit la volonté d'œuvrer à améliorer, pas à pas, le cadre des négociations commerciales, dans le sens d'un meilleur équilibre ; il contribue à atteindre un objectif que nous soutenons : la lutte contre les pratiques toujours aussi carnassières des acteurs de la grande distribution.
M. le rapporteur applaudit.
En 2018, nous adoptions la loi Egalim 1 avec pour objectif de rééquilibrer les relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire. Trois ans plus tard, cette loi n'ayant pas eu les effets escomptés – ce n'est pas moi qui le dis, mais son rapporteur, notre ancien collègue Jean-Baptiste Moreau –, la majorité nous proposait une nouvelle loi : Egalim 2.
Un an et demi s'est écoulé depuis l'adoption de cette seconde loi, mais l'objectif visé n'est toujours pas atteint : la rémunération des agriculteurs reste basse, malgré une progression récente, due non aux lois Egalim, mais à la pénurie alimentaire mondiale liée au conflit russo-ukrainien. Quant aux industriels, ils sont pris en tenaille entre l'inflation de la matière première agricole et une grande distribution qui refuse toujours d'augmenter ses prix d'achat.
Ainsi, la loi Egalim 2 à peine votée, on nous présente une loi Egalim 3, avec la promesse, une nouvelle fois, de corriger les écueils et les lacunes des deux précédentes. La raison des échecs successifs est la suivante : voilà des années que le législateur court derrière les acteurs de la grande distribution – comme d'ailleurs le rapporteur l'a dit lors de l'examen en commission –, sans parvenir à corriger les déséquilibres structurels qui les opposent aux industriels de l'agroalimentaire – directement – et aux agriculteurs – indirectement.
La grande distribution est fortement concentrée : en France, les quatre premiers groupements d'achat, français ou délocalisés, regroupent près de 90 % des parts de marché des produits de grande consommation. Cela lui confère un poids démesuré dans les négociations commerciales. Que peuvent faire les milliers d'exploitants agricoles individuels et les petits industriels, voire les grands, contre ces quatre géants ?
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires considère que la multiplication des lois Egalim témoigne d'une forme d'impuissance des pouvoirs publics. Il est temps de changer d'approche et de s'attaquer à la racine du problème. Seule une véritable politique de décartellisation parviendra à corriger le rapport de force qui oppose la grande distribution à ses fournisseurs. Seule une adaptation de la politique de la concurrence permettra de déroger à la loi du plus fort qu'impose la grande distribution, et de résoudre le problème. Cette nouvelle loi Egalim passe, elle aussi, à côté de ce point essentiel – même si le rapporteur l'a évoqué lors de l'examen en commission. C'est pourquoi nous proposerons deux amendements visant à lutter contre l'oligopole de la grande distribution.
Néanmoins, s'agissant d'autres aspects, la proposition de loi prévoit des mesures intéressantes. C'est le cas de la création d'une loi de police à l'article 1er . Pour lutter contre l'évasion des centrales d'achat à l'étranger, elle prévoit que les dispositions du code de commerce s'appliqueraient à toute relation contractuelle, dès lors que les produits qu'elle vise doivent être commercialisés en France. Mais cela sera-t-il suffisant et, surtout, efficace ? Pourrons-nous éviter, par exemple, des clauses contractuelles de recours à l'arbitrage à l'étranger ou à un tribunal étranger ?
De même, si nous sommes favorables au plafonnement des pénalités logistiques, nous redoutons les stratégies de contournement. Un industriel de ma circonscription m'a expliqué que la grande distribution lui adresse systématiquement des demandes de pénalités logistiques, alors que la logistique n'a même pas encore été réalisée ! C'est extraordinaire !
Quant à la prolongation jusqu'en 2026 de l'encadrement du seuil de revente à perte, elle nous laisse dubitatifs. Évidemment, nous souhaiterions un meilleur équilibre entre la marge des distributeurs et celle des fournisseurs, afin que ceux-ci puissent à leur tour offrir de meilleures conditions d'achat aux producteurs. Mais le mécanisme de ruissellement n'a toujours pas fait ses preuves.
En outre, nous regrettons que le dispositif d'encadrement des promotions ne s'applique qu'aux produits agroalimentaires. Nous défendrons un amendement visant à l'étendre aux produits d'hygiène et de beauté.
De même, des interrogations subsistent quant aux effets de l'article 3, qui s'attaque à la question légitime du prix applicable à défaut d'accord entre les parties à l'issue de la période légale des négociations commerciales. En commission, monsieur le rapporteur, vous avez fait adopter un amendement afin de préciser qu'après un délai d'un mois, le nouveau prix demandé par le fournisseur s'appliquera automatiquement si le distributeur souhaite continuer à être livré. Mais cette proposition n'est-elle pas porteuse d'un risque inflationniste important ? C'est l'argument de la grande distribution, qui se pose en défenseur du pouvoir d'achat des consommateurs, oubliant que celui-ci dépend de la richesse créée au sein des entreprises. Sa stratégie d'achat, à des prix toujours plus bas au regard des coûts de production, favorise la délocalisation des entreprises industrielles et porte donc atteinte aux revenus des Français. N'oublions pas que 40 % de l'alimentation de nos concitoyens est importée.
Monsieur le rapporteur, vous proposerez tout à l'heure une nouvelle réécriture de cet article – la troisième. Elle semble à première vue de nature à renforcer le pouvoir de négociation des fournisseurs en leur facilitant la rupture commerciale, tout en ménageant la grande distribution, qui verra la convention échue prolongée d'un mois. Mais est-ce suffisant pour rééquilibrer les relations commerciales ?
Vous l'aurez compris, cette proposition de loi pose autant de questions qu'elle apporte de réponses. Celles-ci sont en outre insuffisantes pour ébranler la structure oligopolistique de la grande distribution. Avec ce texte, vous faites implicitement une promesse : nous retrouver dans quelques années pour examiner un projet de loi Egalim 4. Dans ces conditions, notre groupe décidera de sa position finale en fonction du sort réservé à ses amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Les entreprises du secteur agroalimentaire sont particulièrement exposées à la progression généralisée des coûts. Ainsi, en 2021 et 2022, elles ont dû faire face à l'augmentation des coûts de l'énergie liée à la crise du gaz, mais également à celle des prix du pétrole, entraînant dans son sillage une forte montée des coûts de transport, des matières premières, des emballages, du carton et de certains intrants. L'Insee estime ainsi que les industriels ont vu leurs coûts de production augmenter de 16 % en moyenne en 2021, alors que l'inflation concernant les produits vendus en supermarché était quasi nulle – de l'ordre de 0,6 %. En 2022, l'Insee a estimé à 12 % la hausse des coûts de production pour les industriels entre janvier et octobre. En comparaison, l'inflation moyenne en grande surface était de 10 %.
Pour 2023, l'augmentation des coûts de l'énergie suscite une grande inquiétude pour les industriels du secteur agroalimentaire. En effet, les factures d'électricité ont parfois été multipliées par cinq, voire par dix, par rapport à leur niveau des deux précédentes années. Dans ce contexte, les coûts de production des industriels de l'agroalimentaire sont majorés. Cette évolution, qui s'ajoute au phénomène de déflation observé dans le secteur agroalimentaire depuis 2013, entraîne une destruction de valeur dans les filières concernées, dévastatrice pour leur rentabilité, leur attractivité et leur capacité d'innovation.
Dans la continuité des lois Egalim 1 et 2, la proposition de loi dont nous discutons tend à agir sur les conditions de la négociation commerciale afin de mettre fin à la destruction de valeur dans la filière agroalimentaire en protégeant les producteurs – agriculteurs et industriels – contre la pression exercée à la baisse sur les prix par le secteur de la grande distribution. Elle a notamment pour but de renforcer le caractère de lois de police des dispositions du code de commerce relatives à la négociation commerciale et aux pratiques abusives en la matière, afin de mieux combattre l'évasion juridique pratiquée par certaines grandes enseignes pour échapper à la législation française. Elle vise également à prolonger et à parfaire certaines dispositions des lois Egalim 1 et 2, ainsi qu'à combler un vide juridique en cas d'échec des négociations commerciales à l'issue de la période légale.
En tant que porte-parole du groupe Renaissance pour ce texte, je formule le vœu qu'il trouve sa juste place ; sécuriser l'approvisionnement en produits de grande consommation est une ambition d'équilibre. Il nous faut encourager la négociation et faciliter les relations commerciales afin de maintenir la rentabilité des entreprises et, surtout, d'assurer la pérennité des emplois.
J'insisterai enfin sur le titre de la proposition de loi. Sécuriser l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation, c'est garantir la sécurité alimentaire tout en préservant la valeur humaine des productions, qui est à la base de notre capacité d'innovation. Nous devons avoir à l'esprit les dommages sociaux et humains provoqués par de possibles casses industrielles et économiques. Je compte sur le courage des députés pour maintenir des chaînes de valeur dans lesquelles la dimension humaine est préservée. En tant que législateurs, nous devons préserver la santé économique de ceux qui approvisionnent les rayons de la grande distribution tout en ménageant la marge qui permet d'investir et de mieux rémunérer les actifs.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Entendez le cri de désespoir des producteurs de fruits, qui la semaine dernière ont médiatisé l'arrachage de nombreux hectares de vergers ! Ils sont étranglés par la grande distribution et par la concurrence étrangère. Le contrôle de cette concurrence est d'ailleurs le grand absent des lois Egalim et de cette proposition de loi. Rien n'est proposé pour protéger l'agriculture des importations massives, qui sont un drame pour une bonne partie des agriculteurs. Comment un producteur de tomates français peut-il être compétitif avec un producteur du Maroc, qui paye sa main-d'œuvre 75 centimes de l'heure et qui doit respecter des normes environnementales bien moins contraignantes ?
Le localisme que nous défendons depuis des années, fondé sur l'inversion du coût de la distance, fait vivre les agriculteurs, promeut une agriculture de qualité, retisse le lien entre les urbains et les ruraux, défend une écologie de bon sens et garantit la souveraineté alimentaire. En 2021, vous avez timidement tenté de trouver une solution à cette concurrence étrangère. La loi Egalim 2 prévoyait, dans ses articles 12 et 13, de réguler l'étiquetage pour empêcher, par exemple, qu'une confiture de fruits polonais transformée en France n'arbore le drapeau français – c'est tout de même la moindre des choses ! Plus d'un an après, le ministre de l'agriculture n'a toujours pas signé les décrets d'application ; dans l'état actuel du droit européen, il ne le fera pas, puisqu'ils seraient aussitôt attaqués devant le Conseil d'État.
En 2021, le rapporteur de la loi Egalim 2 promettait que la présidence française du Conseil de l'Union européenne serait l'occasion d'avancer sur la question de l'étiquetage. En vérité, face à Bruxelles, vous avez échoué sur ce sujet comme sur tant d'autres. Monsieur le rapporteur, vous ne proposez aucune rédaction susceptible d'y remédier : votre majorité renonce donc définitivement à réguler l'étiquetage. Cet abandon est dramatique pour l'agriculture française.
Si ce point fondamental manque dans la proposition de loi, nous soutiendrons néanmoins la reconduction de l'encadrement des promotions et les précisions sur le délai d'intervention du tiers certificateur. En revanche, concernant l'article 3, nous entendons les craintes de voir les multinationales imposer des hausses de prix vertigineuses en cas d'échec des négociations commerciales, dans un contexte déjà marqué par l'hyperinflation. Pour y répondre, nous avons déposé un sous-amendement de bon sens visant à réserver aux seules PME le dispositif prévu. Nous attendons qu'il soit adopté, afin d'équilibrer le rapport de force entre les PME et les six centrales d'achat en situation de quasi-monopole, tout en excluant les multinationales du champ de l'article afin d'éviter de faire exploser l'inflation.
Si nous partageons l'intention qui a présidé à sa rédaction, nous sommes plus que sceptiques s'agissant de l'article 1er , dont l'objectif est de lutter contre l'évasion juridique et le détournement de la loi française que constitue l'implantation des centrales d'achat en Belgique, en Suisse ou en Espagne. Cet article a été laborieusement réécrit pendant les vacances de Noël pour se conformer à une décision de la Cour de justice de l'Union européenne rendue le 22 décembre. Malgré tout, nous redoutons fortement qu'il reste inapplicable, car contraire au droit de l'Union. Face à cet échec probable, nous proposons donc d'instituer le name and shame – une pratique d'ailleurs plébiscitée par le Gouvernement –, c'est-à-dire d'établir une liste officielle des enseignes qui se rendent coupables de tels détournements.
Notre ambition est de défendre les agriculteurs, les PME et les TPE du secteur agroalimentaire, mais aussi les consommateurs, qui voient l'inflation exploser. Nous demandons la suppression du relèvement de 10 % du SRP, une décision qui était d'une grande naïveté : elle a fait croire que les bénéfices d'une marge supplémentaire de 10 % imposée sur le Coca-Cola ruisselleraient comme par magie vers les agriculteurs ! Depuis son instauration, le SRP + 10 a prélevé 600 000 millions dans les poches des consommateurs qui n'ont jamais profité aux agriculteurs. Pour notre part, nous voulons un vrai contrôle des marges de la grande distribution. Dans ce but, nous proposerons un dispositif pour l'obliger à en rendre le montant public. Devant l'équation impossible entre le revenu des agriculteurs et la réduction de l'inflation subie par les consommateurs, la question n'est quasiment jamais posée de contrôler les marges de la grande distribution, laquelle abuse évidemment de sa position dominante.
Le Rassemblement national a toujours été le seul parti à défendre réellement l'agriculture française contre les tenants de la mondialisation ,
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Vives protestations sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES
qui ont ruiné les agriculteurs. Nous avons toujours combattu la concurrence étrangère déloyale, les traités de libre-échange et les normes environnementales intenables que vous leur imposez.
Les lois Egalim, comme cette proposition de loi, traduisent votre absence de vision.
Exclamations prolongées sur les bancs des groupes RE, Dem et LFI – NUPES.
Votre idéologie mondialiste a échoué, mais vous refusez de l'admettre et vous errez en nous proposant ces textes de bricolage.
Parlons des travailleurs étrangers que vous exploitez dans vos vignobles !
Nous sommes sans illusion quant aux résultats concrets que ce texte apportera pour les agriculteurs français.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'objet de cette proposition de loi est de rééquilibrer les négociations commerciales dans le secteur des produits de grande consommation, notamment alimentaires. Je regrette l'approche restrictive consistant à se contenter de vouloir corriger les lois Egalim, alors même que dix des seize décrets d'application de la loi Egalim 2 n'ont toujours pas été publiés par le Gouvernement.
Ce texte n'a cessé de subir des réécritures : faute d'adopter une approche globale et cohérente, vous vous êtes révélés incapables de trouver une solution satisfaisante.
Pour notre part, nous ne prenons parti pour aucun lobby, qu'il s'agisse de la grande distribution, défendue par le Rassemblement national ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
ou des grands industriels de l'agroalimentaire. Les uns et les autres voient leurs profits augmenter : ils doivent contribuer à l'effort collectif.
Nous prenons parti pour les grands absents de votre proposition de loi : les paysans et les consommateurs, réduits à de simples variables d'ajustement. Le Gouvernement cherche d'ailleurs à corriger le tir et se livre dans la presse à des effets d'annonce : M. Le Maire déclare ainsi vouloir inciter des grandes surfaces à baisser les prix de vingt produits. Mais plutôt que d'en appeler au bon vouloir des distributeurs, nous vous invitons à profiter de cette séance pour créer un bouclier qualité prix (BQP) sur le modèle en vigueur dans les outre-mer.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cela fonctionne très bien à La Réunion, où les prix de 153 produits alimentaires et d'hygiène ont été bloqués en 2022, pour une somme totale de 348 euros, grâce à des négociations entre toutes les parties prenantes, conduites par l'État. Nous proposons d'étendre à tout le territoire ce dispositif qui a fait ses preuves.
Il y a urgence : 8 millions de personnes dépendent de l'aide alimentaire et l'inflation sur les produits alimentaires dépasse 12 %. Agissez dès aujourd'hui en votant pour nos amendements.
Je veux vous parler de la vraie vie.
Les paysans sont les maillons indispensables de l'indépendance alimentaire. Assurer l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation devrait d'abord consister à s'occuper de leur condition. La France a perdu 100 000 agriculteurs au cours des dix dernières années. Un exploitant agricole se donne la mort tous les deux jours, parce qu'il n'arrive plus à joindre les deux bouts.
Je suis élu d'un département d'élevage. Depuis un an, les prix de l'engrais, de l'alimentation et du carburant ont doublé.
S'agissant du prix de l'énergie, la situation des agriculteurs de l'Aveyron fournit de multiples exemples. Ainsi, un agriculteur, qui bénéficie d'une puissance souscrite de 90 kilovoltampères, a vu sa facture prévisionnelle passer de 10 000 euros en 2022 à 71 000 euros en 2023.
Il est donc impératif de bloquer les prix des produits de première nécessité, notamment en rétablissant les tarifs réglementés de l'électricité et du gaz.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Philippe Brun applaudit également.
Évoquons ensuite la question centrale du prix payé au producteur. D'ici à quinze ans, la moitié des producteurs de lait de vache auront probablement disparu. C'est un enjeu de souveraineté. En l'espace d'une année, les écarts de prix entre les producteurs européens n'ont cessé de croître. Les éleveurs allemands et italiens ont augmenté leurs prix de 50 %, alors qu'en France, le prix du litre payé aux éleveurs n'a augmenté que de 20 %.
Alors, que faire ? Votre erreur est de penser que le consommateur peut continuer à payer toujours plus cher sans voir ses revenus augmenter. Ce monde n'existe pas.
Vendredi, j'étais sur le marché de Decazeville, dans ma circonscription. Une retraitée de 65 ans est venue me parler, désemparée. Elle était venue acheter un poulet qu'elle avait l'habitude de payer 13 euros. Lorsqu'elle a pris connaissance du nouveau prix, 14 euros, elle a préféré faire demi-tour et rentrer chez elle. Voilà ce qu'est aujourd'hui la vraie vie !
Alors, doit-on faire payer encore plus cher le consommateur ? C'est le risque que votre proposition de loi fait peser. Nous pourrions en discuter si les revenus des ménages progressaient, à tout le moins, au même rythme que les prix. À la tête d'un gouvernement d'union populaire, nous ferions différemment.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous augmenterions les petits salaires et les petites retraites pour redonner du pouvoir d'achat aux gens, qui pourraient ainsi choisir des produits plus chers et de meilleure qualité.
…qui préfère donner la priorité législative à une réforme des retraites dont personne ne veut.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Philippe Brun applaudit également.
Nous proposons un autre modèle, plus cohérent : des prix planchers rémunérateurs pour les agriculteurs et la régulation des marges des intermédiaires, en appliquant des coefficients multiplicateurs pour, à la fois, garantir et bloquer les prix des industriels.
Nous voterons certains articles porteurs d'évolutions nécessaires, notamment l'article 1er visant à soumettre à la réglementation française les contrats négociés par les centrales d'achat situées à l'étranger – lesquelles négocient avec des multinationales de l'agroalimentaire – dès lors que les produits sont commercialisés en France.
Nous ne voterons pas ce texte en l'état mais nous participerons aux discussions pour l'améliorer. Notre ambition est de mettre l'accent sur un protectionnisme solidaire et écologique ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
fondement d'un modèle économique, alimentaire et industriel vertueux et d'une amélioration des conditions de vie des agriculteurs et des consommateurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Philippe Brun applaudit également.
Si les lois Egalim 1 et Egalim 2 visaient à renforcer le pouvoir de négociation des producteurs, force est de constater que, sur le terrain, la réalité est parfois autre. Alors que les réformes engagées devaient permettre de revaloriser le revenu paysan, celui d'une partie d'entre eux continue de se dégrader. L'année 2021 nous a donné raison puisque nous avons adopté la loi Egalim 2, censée corriger les dispositions d'Egalim 1. Malheureusement, douze mois après son entrée en vigueur, cette loi est également obsolète. Comme nous l'avions annoncé en son temps, Egalim était, en réalité, « Ega-dream » : un rêve, un mirage !
La proposition de loi visant à sécuriser l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation est débattue alors que nous nous trouvons au carrefour de circonstances particulières. D'abord, nous sommes dans la période des négociations commerciales, qui accroît, pour ne pas dire hystérise, les tensions entre les acteurs, particulièrement cette année. Ensuite, nous subissons une inflation qui tend à augmenter le coût de l'énergie pour les entreprises et pour les producteurs, celui des matières premières pour les transformateurs et pour les agriculteurs, mais aussi le prix des engrais et les coûts de la logistique, du conditionnement et des emballages. Enfin, l'ensemble des Français vivent une baisse de leur pouvoir d'achat : en 2022, l'inflation du prix des produits de grande consommation s'élevait à plus de 12 % et on estime qu'elle sera de près de 15 % en moyenne en 2023.
Dans ce contexte, la France est le seul grand pays agricole où les parts de marché reculent. Et on lui demande d'être un pays souverain ? Notre pays est le sixième exportateur mondial agricole, alors qu'en 2020, il occupait la deuxième place du classement. Et on lui demande d'être un pays souverain ? Où est la souveraineté quand nos producteurs, ceux qui travaillent la terre et consacrent leur vie à nous nourrir, n'arrivent pas à vivre des fruits de leur travail ? Ils subissent une concurrence déloyale due aux charges sociales, aux coûts de production, aux contraintes réglementaires qui ne leur permettent pas de percevoir le juste prix de leur production.
La principale vertu de cette proposition de loi est d'être le véhicule législatif qui nous permettra de proroger le SRP + 10 et l'encadrement des promotions, dont l'expérimentation prend fin au mois d'avril. Mais quelle ironie que ce soit le Parlement qui prenne une telle initiative ! S'il avait fallu compter sur le Gouvernement, nous attendrions encore !
Certes, le SRP + 10 présente des inconvénients, mais également des avantages. Il est désormais inscrit dans le paysage des négociations commerciales. Ce dispositif pourra toujours être critiqué mais, aujourd'hui, personne ne peut le remettre en question. Il constitue un atout pour beaucoup de nos producteurs. C'est pourquoi nous soutenons l'article 2.
D'autres dispositions de ce texte méritent d'être soulignées et défendues. Nous sommes favorables à l'article 1er , qui vise à éviter le contournement de la législation française par certains grands distributeurs ayant délocalisé leur centrale d'achat. Nous sommes également favorables à l'article 4, qui tend à sanctuariser les prix de la matière première agricole. Grâce aux amendements adoptés en commission, notamment ceux de notre collègue Julien Dive qui a suivi attentivement l'élaboration de ce texte, la législation s'appliquant aux grossistes, qui ne supportent plus de voir la loi changer tous les quatre matins, sera clarifiée ; il est ainsi fait preuve de pragmatisme.
Au cœur de ce texte figure le controversé article 3, selon lequel le tarif du fournisseur s'imposera en l'absence d'accord entre les parties à l'issue de la période des négociations commerciales. Je vous invite à faire preuve d'une grande vigilance quant à sa rédaction, car le bon équilibre n'a pas encore été trouvé. Vous souhaitez modifier le code de commerce et appliquer des règles communes à des acteurs complètement différents, des petits producteurs jusqu'aux PME en passant par les grandes multinationales.
Du reste, il convient d'éviter que cette proposition de loi ne provoque une augmentation mécanique des prix, amplifiant ainsi l'inflation dont nos concitoyens pâtissent déjà. En cette période où la consommation est rendue difficile par l'accroissement des dépenses contraintes, telles que celles relatives à l'énergie, il est de notre rôle, en notre qualité de législateur, de faire preuve de grande prudence. Défendre les petites entreprises et les exploitations agricoles, qui constituent le tissu économique de notre territoire ; soutenir nos producteurs et nos agriculteurs sans pour autant porter préjudice à nos consommateurs : telle est la démarche que nous proposons, au nom de l'équilibre et de la justice.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe Dem.
Alors que les Français sont confrontés à une explosion des prix des denrées alimentaires, qui ont augmenté de près de 13 %, et même de plus de 20 % s'agissant des produits de première nécessité ; alors que la crise sanitaire, l'invasion de l'Ukraine, la spéculation sur les cours, les conséquences de plus en plus concrètes du changement climatique induisent une très forte hausse du prix des matières premières agricoles et des emballages ; alors que les entreprises de transformation alimentaire, pour la plupart des PME, peinent à s'en sortir, au point que l'activité des usines produisant sur le territoire français semble menacée ; alors que galèrent nos concitoyens, dont vous escomptez la résignation pour faire passer votre réforme des retraites, Emmanuel Macron a posé cette question, le soir du 31 décembre : « Qui aurait pu prédire la vague d'inflation ? ».
Depuis tant d'années, la faille était pourtant là, devant nous. Les paysans sont pris en étau par des politiques libérales plus protectrices des biens que des personnes, en vertu desquelles sont signés à tout va des accords de libre-échange, sans que personne ne se soucie de leurs conséquences bien concrètes sur les gens que l'économie est censée servir.
La spéculation sur les cours reste incontrôlée, les prix des matières premières agricoles s'envolant ou s'amenuisant au gré d'un système financier en roue libre et qui ne produit pas de valeur. Les prix des produits vendus dans les supermarchés, qui peu à peu remplacent nos petits commerces en mangeant nos terres, ne rémunèrent ni ceux qui y travaillent, peu à peu remplacés par des machines, ni ceux qui les fournissent localement.
Chaque année, les acteurs de l'industrie agroalimentaire et les enseignes de la grande distribution entreprennent des négociations commerciales. Chaque année, ils parviennent à se mettre d'accord – plus ou moins facilement, mais ils y arrivent. Toutefois, en 2022, il leur fut impossible de s'entendre, ce qui a mis en exergue les failles du système, notamment le déséquilibre manifeste qui caractérise le rapport de force entre fournisseurs et distributeurs, au bénéfice de ces derniers. La proposition de loi n'a été déposée que pour mettre fin à ces blocages.
Pourtant, les tensions sur les ressources naturelles, sur les biens et sur l'énergie ne datent pas d'hier. Ces problèmes ne sont pas conjoncturels mais bien structurels. Depuis cinquante ans, les écologistes ne cessent d'ailleurs de vous alerter sur l'absence de résilience de nos modèles économiques. Sur une planète finie, où la température aura augmenté de 4 degrés et où les pollinisateurs auront disparu, nous devons plus que jamais anticiper les phénomènes de crise, notamment pour préserver notre alimentation.
Chèque alimentaire, chèque énergie, bouclier tarifaire, blocage des prix : les initiatives du Gouvernement et de la majorité ne sont que des rustines destinées à éviter que le système ne craque. Les textes se succèdent au sein de notre hémicycle. Nous avons examiné Egalim 1, puis Egalim 2, et aujourd'hui, nous débattons d'Egalim 3. Il serait peut-être temps de dresser le bilan de ces lois, dont certaines ont eu des effets en demi-teinte, et d'autres des résultats très mitigés.
En effet, les revenus des paysans n'ont pas été revalorisés, les profits de l'industrie et de la distribution continuent d'augmenter tout comme les prix demandés au consommateur. L'objectif d'introduire au moins 20 % de produits bio dans la restauration collective et d'exploiter 15 % de la surface agricole utile en agriculture bio en 2022 n'a pas été atteint, faute de moyens suffisants : ces parts sont respectivement de 5 % et 9 %. Aucune transition des modes d'élevage, intégrant notamment une meilleure prise en considération du bien-être animal, n'a été sérieusement amorcée au sein des filières. Enfin, les négociations qui se sont tenues en 2022 ont révélé les lourdeurs administratives induites par la loi Egalim 2.
Cela ne serait pas arrivé si l'on avait garanti un salaire minimum aux agriculteurs, si la France avait véritablement engagé un bras de fer au niveau européen pour assurer la maîtrise des prix de l'électricité, si l'on avait obligé les entreprises à réduire leurs emballages, si l'on transformait nos systèmes logistiques pour réduire la part de camions sur les routes, si l'on avait favorisé l'accès de toutes et tous aux produits de première nécessité, en particulier grâce à l'instauration d'un taux minimal de TVA sur l'alimentation et les produits d'hygiène essentiels.
Dans le cadre du rééquilibrage des relations commerciales que cette proposition de loi vise à atteindre, nous, écologistes, défendrons des prix justes pour les consommateurs et pour les fournisseurs, qu'ils soient paysans ou TPE-PME. Nous l'assumons, au risque de nous mettre à dos les acteurs de la grande distribution, qui menacent d'augmenter les prix et posent tout sourire avec le Rassemblement national : le pouvoir de vivre des Français ne se défend pas au mépris des revenus des agriculteurs, des artisans, des petits producteurs. Il se défend avec des hausses des salaires, notamment du Smic !
Nous ne pouvons nous résoudre à voir des entreprises mettre la clé sous la porte alors que les secteurs de la distribution continuent de faire des marges énormes, en particulier sur les produits bio. Notre priorité est de permettre à chaque Français d'avoir accès à une alimentation saine, abordable, respectueuse de l'environnement et du climat, qui rémunère justement les producteurs.
Parce que nous devons rééquilibrer les négociations entre industriels et distributeurs, parce que nous devons lutter contre l'opacité des prix dans l'évolution du tarif des industriels, parce qu'il faut mettre fin à l'utilisation abusive des pénalités logistiques par les acteurs de la grande distribution, nous, membres du groupe Écologiste – NUPES, voterons malgré tout en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES, et sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie.
Je serai bref car hier, mon collègue Marc Fesneau a eu l'occasion de vous faire part des convictions du Gouvernement au sujet de l'équilibre des relations commerciales.
Je vous prie tout d'abord d'excuser son absence, étant donné, monsieur de Fournas, qu'il se trouve à Angers, au salon des productions végétales. J'ai donc l'honneur de suivre la saison 3 d'Egalim, dont le casting est composé d'acteurs que je connais en grande partie. En effet, lors de l'examen d'Egalim 1 et d'Egalim 2, j'étais au banc en qualité de président de la commission des affaires économiques. Je suis donc très heureux de vous retrouver pour débattre de cette proposition de loi.
J'ai entendu ici ou là que ce texte mettait en lumière les échecs d'Egalim 1 et d'Egalim 2. Au contraire, je le considère comme la troisième étape d'un travail cohérent qui a commencé il y a cinq ans. À l'époque, avec M. Travert, qui était ministre de l'agriculture et de l'alimentation, nous avions beaucoup travaillé à améliorer le revenu des travailleurs. Les études récentes montrent qu'Egalim 1 et Egalim 2 ont été des succès en la matière : malgré un choc inflationniste historique, les revenus des agriculteurs en 2022 ont été préservés.
Je voudrais rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui ont travaillé sur ces mesures, et dire à celles et à ceux qui nous donnent des leçons que les parlementaires qui les représentaient à l'époque, notamment Mme Le Pen, ne les avaient pas votées.
En aucun cas, ils ne peuvent être félicités pour le travail mené à l'époque. D'autres, qui n'étaient pas là, ont oublié ce travail que la proposition de loi tend à compléter.
Le Gouvernement soutient évidemment ce texte, et nous sommes également favorables aux évolutions proposées par le rapporteur, pour lesquelles nous émettrons des avis de sagesse.
Nous souhaitons que l'Assemblée et le Sénat parviennent à s'entendre sur ses dispositions.
La marge des industries agroalimentaires est évidemment un sujet d'inquiétude pour le ministre de l'industrie que je suis. Un rapport de l'Inspection générale des finances a montré qu'en 2022, ce sont principalement elles qui ont supporté la douleur.
M. Benoit a évoqué, dans son intervention, le partage de la valeur, qui est un élément très important au regard des objectifs que tous, nous visons. Mais n'oublions pas que, pour 2022, il convient de parler plutôt d'un partage de la douleur ; chaque acteur doit prendre sa part du choc inflationniste très fort auquel nous faisons face. C'est une des raisons pour lesquelles vous avez déposé cette proposition de loi, monsieur le rapporteur, et je vous en remercie.
En conclusion, je suis très heureux de pouvoir échanger avec la représentation nationale sur ce texte. Je ne doute pas que les positions exprimées convergeront vers un texte qui permettra d'équilibrer les relations commerciales, lesquelles sont telles, il faut reconnaître, que l'inflation française est une des plus faibles d'Europe.
Néanmoins, ce résultat s'obtient parfois au détriment de certains acteurs. C'est ce à quoi nous devons remédier.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Le rôle des pouvoirs publics est de protéger le mieux possible les entreprises et les secteurs en difficulté et de rendre le plus juste possible le fonctionnement des transactions commerciales.
La question des négociations commerciales entre les producteurs et la grande distribution revient régulièrement dans nos discussions. Il s'agit d'un marché dissymétrique en raison de l'inégal poids des parties en présence et de l'inégalité des informations. Manifestement, les lois Egalim ne sont pas parvenues à remédier fondamentalement à cet état de fait. Or la dissymétrie est telle que bien des producteurs, notamment agricoles, peinent toujours à percevoir une rémunération juste de leurs efforts.
Dès lors, les pouvoirs publics se doivent de peser sur les conditions de ces négociations afin de rééquilibrer le fonctionnement du marché et de rendre plus juste la répartition de la valeur ajoutée. Leur devoir est également d'éviter que certains acteurs de la grande distribution ne tentent de contourner leurs obligations en délocalisant à l'étranger leur centrale d'achat. C'est l'objet de l'article 1er , auquel nous sommes favorables. Nous redoutons néanmoins que ses dispositions soient à nouveau contournées par la grande distribution.
D'où ma question, à laquelle il faudra tout de même apporter une réponse : que se passera-t-il en cas de recours à l'arbitrage ou à un tribunal étranger ?
Sur l'article 1er , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Grégoire de Fournas.
Nous sommes évidemment favorables au contrôle de l'évasion juridique : il faut éviter que la loi française soit contournée par des centrales d'achat implantées à l'étranger.
L'article 1er a été, je l'ai dit, réécrit pendant les vacances, à la suite d'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 22 décembre. Cette réécriture a été très compliquée ; vous ne pouvez pas le contester, monsieur le rapporteur, puisque vous avez vous-même indiqué en commission qu'il avait fallu mobiliser l'ensemble des services de Bercy pour élaborer un dispositif juridiquement tenable.
Cependant, nous ne savons toujours pas, à l'heure où nous allons voter cet article, s'il pourra réellement être appliqué, car il doit être conforme au droit européen. Ce ne serait pas la première fois que nous voterions un texte en sachant qu'il ne peut pas être appliqué à cause du droit européen.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La proposition de loi doit nous permettre de préciser et d'améliorer les lois Egalim 1 et 2 ; elle s'inscrit dans la continuité du travail accompli par le Parlement et le Gouvernement pour sortir enfin de la spirale désastreuse de la baisse des prix à la consommation et ainsi préserver les marges de nos PME et de nos agriculteurs.
Nous ne pouvons accepter, ni ici ni ailleurs, qu'un déséquilibre injuste vienne fausser la relation commerciale entre distributeurs et fournisseurs. Il est donc urgent que nous nous mettions en ordre de marche pour, un jour prochain, manger au prix juste, celui payé aux agriculteurs pour le fruit de leur travail. Un tel système aurait, en outre, pour vertu de nous garantir une alimentation saine et de qualité à long terme, et de renforcer l'attractivité de la profession d'agriculteur, favorisant ainsi le renouvellement des générations et in fine notre souveraineté alimentaire.
Or, pour atteindre cet objectif, il faut que la grande distribution commence par appliquer le droit français dès lors que les produits ou services sont vendus sur notre territoire. De même, les tribunaux doivent être compétents pour traiter les litiges qui concernent le quotidien des Français. En effet, il convient d'empêcher que les avancées obtenues par le législateur grâce aux lois Egalim ne soient contournées. L'article 1er permet d'éviter cette évasion juridique ; c'est pourquoi nous le soutiendrons.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à M. Grégoire de Fournas, pour soutenir l'amendement n° 22 .
Cet amendement d'appel vise à supprimer la contrainte du droit européen qui pèse sur la disposition de l'article 1er .
La parole est à M. Frédéric Descrozaille, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission.
Cher collègue, vous avez consciencieusement raconté n'importe quoi à propos de l'article 1er . Je vais donc tenter de revenir rapidement sur cette question, qui est effectivement complexe.
Premièrement, le règlement (CE) n° 1/2003 permet aux États membres d'adopter des mesures de lutte contre les pratiques concurrentielles restrictives ; l'article 1er est donc rigoureusement conforme au droit communautaire.
Deuxièmement, ce qui est complexe, c'est de distinguer les compétences juridictionnelles de la loi applicable. L'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 22 décembre ne porte aucunement sur la seconde mais uniquement sur les premières. Par ailleurs, j'ai en effet travaillé, ne m'en faites pas le reproche, avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) du ministère de la justice pour que la rédaction du texte soit la plus saine possible.
La réalité, c'est que vous êtes contre l'Union européenne. Vous n'osez plus affirmer que vous êtes pour le Frexit,…
…mais vous ne ratez pas une occasion de dire que vous vous méfiez de l'Europe.
Moi, je suis fier de la construction européenne, de la manière dont la France s'y est engagée, de notre capacité à l'inspirer et à entraîner les autres États membres, et de notre force de conviction !
Avis évidemment défavorable.
Tout d'abord, je félicite le rapporteur d'avoir continué à travailler pendant les vacances de M. de Fournas.
« Oh ! » sur les bancs du groupe RN.
Ensuite, ce n'est pas en sautant comme un cabri en disant : « À bas l'Europe ! À bas l'Europe ! À bas l'Europe ! » qu'on fera avancer le droit national.
Avis défavorable.
Exclamations sur les bancs du groupe RN
s'efforce de dissimuler son attrait pour le Frexit. Mais disons les choses : si vous soustrayez le droit français au droit européen, c'est un Frexit. Comment expliquerez-vous alors aux producteurs agricoles français que, demain, la Belgique, l'Espagne, l'Italie fermeront leurs frontières à nos produits ? Assumez-le !
J'aurais beaucoup à redire sur la PAC et sur son aspect productiviste, mais comment expliquerez-vous aux agriculteurs qu'ils ne percevront plus les subventions européennes ?
C'est cela, votre amendement. Vous voulez le Frexit, assumez-le. Un peu de franchise !
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES, du groupe SOC et du groupe RE.
Monsieur Bayou, nous continuons, malgré le Brexit, d'exporter du vin au Royaume-Uni, voyez-vous.
Cela ne change absolument rien aux relations que l'on peut avoir au niveau international.
Je m'attendais à l'argument de la PAC, mais ce que nous cherchons à montrer, c'est qu'ici, le droit européen est un facteur de blocage. Comment expliquez-vous, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur, votre échec s'agissant des articles 12 et 13 de la loi Egalim 2, qui n'ont jamais été appliqués à cause du droit européen ?
Pourquoi ne proposez-vous pas d'alternative ? Sur la question de l'étiquetage, vous êtes incapables de légiférer et de protéger nos agriculteurs parce que l'Union européenne vous en empêche. Soyons lucides, regardons les problèmes en face et essayons d'y apporter une solution !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 22 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 134
Nombre de suffrages exprimés 133
Majorité absolue 67
Pour l'adoption 133
Contre 0
L'article 1er est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 16 .
L'abus de position dominante est difficile à caractériser, car il faut démontrer l'état de dépendance, puis l'abus et, enfin, le fait que le marché en a été affecté. Or, selon la jurisprudence, quatre conditions cumulatives sont nécessaires pour caractériser l'état de dépendance : l'importance de la part du chiffre d'affaires réalisé par le fournisseur avec le distributeur, l'importance du distributeur dans la commercialisation des produits concernés, l'absence de choix stratégique du fournisseur de concentrer ses ventes auprès du distributeur et l'absence de solution alternative pour le fournisseur.
Dans un avis du 31 mars 2015, l'Autorité de la concurrence reconnaît que « ces critères ne sont pas toujours adaptés, ou sont insuffisants. En réalité, les pouvoirs de négociation respectifs des fournisseurs et des distributeurs dépendent largement des alternatives auxquelles ceux-ci pourraient recourir en cas d'échec éventuel de leurs négociations […]. »
Aussi proposons-nous, par cet amendement, de préciser les critères qui déterminent la situation de dépendance économique – et donc, dans un second temps, l'abus de position dominante. D'une part, il prévoit que la dépendance est caractérisée dès lors que le fournisseur ne dispose pas d'une solution de remplacement aux relations commerciales avec la grande distribution, susceptible d'être mise en œuvre dans un délai raisonnable. D'autre part, il instaure une présomption simple de dépendance dès lors que la part du chiffre d'affaires réalisé par le fournisseur avec le distributeur est supérieure à 20 %.
L'exposé sommaire de votre amendement suscite mon enthousiasme : le problème que vous soulevez est passionnant. Toutefois, à ce stade, mon avis est défavorable car je n'ai pas expertisé les incidences de l'amendement, notamment au regard de l'article L. 442-1 du code de commerce, qui prévoit des sanctions en cas de rupture brutale de la relation commerciale. Par ailleurs, je doute qu'un déréférencement puisse être considéré comme un abus de position dominante ; en tout cas, je ne maîtrise pas suffisamment la question pour me prononcer sur ce point. En outre, votre objectif est plus large que cela – vous avez d'ailleurs déposé un autre amendement.
Sur ces questions passionnantes, je suis convaincu que nous avons une réflexion à mener. Les instances de notre assemblée – la commission des affaires économiques, voire la conférence des présidents – pourraient créer une mission d'information sur la question de la concurrence, en particulier dans le secteur agricole puisque le principe de droit selon lequel les objectifs de la PAC prévalent est mal appliqué par les autorités françaises. Je suis convaincu qu'une approche transpartisane de la question nous permettrait de faire d'une telle mission d'information un très bel objet politique.
Toutefois, compte tenu des effets de bord et faute d'une expertise de votre proposition, je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Au-delà des arguments de M. le rapporteur, les pratiques que vous entendez réprimer sont déjà visées et sanctionnées par le code de la concurrence. Selon nous, il n'appartient pas à la loi d'établir les présomptions de situation d'abus, la détermination de l'exploitation abusive de la dépendance économique relevant d'une analyse au cas par cas de l'Autorité de la concurrence, le cas échéant sous le contrôle du juge. Avis défavorable.
Monsieur le ministre délégué, votre réponse est celle que font tous les conservateurs du monde :…
…il ne faut rien changer ! M. le rapporteur, quant à lui, est beaucoup plus ouvert ; il reconnaît qu'il existe un véritable problème.
Cet amendement n'est pas le produit d'un cerveau fertile : il découle d'un avis de l'Autorité de la concurrence du 31 mars 2015, autorité dont il vise, non pas à affaiblir, mais à préciser et à renforcer les pouvoirs. Le problème de fond, nous le verrons lors de l'examen des articles suivants, est d'ordre structurel, et pas seulement pour ce qui concerne les produits agroalimentaires – nous y reviendrons.
J'espère donc, chers collègues, que vous suivrez les suggestions de l'Autorité de la concurrence et que vous renforcerez ses pouvoirs en adoptant cet amendement.
Notre collègue Charles de Courson soulève un point intéressant, mais, si l'esprit de cet amendement est juste, il ne tient pas compte du fait que cinq acteurs se partagent la totalité du marché. Je pense comme le rapporteur que nous devons travailler de manière transpartisane à partir de votre analyse pour faire en sorte qu'un acteur ne puisse détenir plus qu'un certain pourcentage du marché. C'est en interdisant les trusts dans la grande distribution que l'on répondra au problème que vous soulevez. Il n'appartient pas aux PME de prouver les pratiques abusives de la grande distribution ; c'est en amont que ces abus doivent être empêchés.
L'amendement n° 16 n'est pas adopté.
Sur l'amendement n° 24 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Grégoire de Fournas, pour le soutenir.
Dans l'hypothèse où les dispositions de l'article 1er ne pourraient s'appliquer, ce qui sera probablement le cas, il est proposé d'instituer un dispositif bien connu, le name and shame, consistant à rendre publique la liste des enseignes qui contournent le droit grâce à des centrales d'achat situées à l'étranger. Une telle proposition peut d'ailleurs s'inscrire en complément de l'article 1er .
Avis défavorable. Cet amendement est satisfait. Les pratiques commerciales sont déjà consultables en ligne, et la DGCCRF pratique déjà le name and shame.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 124
Nombre de suffrages exprimés 124
Majorité absolue 63
Pour l'adoption 22
Contre 102
L'amendement n° 24 n'est pas adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 35 rectifié .
La loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi Macron, a soumis, à juste raison, la constitution des centrales d'achat à une obligation d'information auprès des services de l'Autorité de la concurrence. À l'époque, les débats furent d'ailleurs nombreux à l'Assemblée pour définir ce qu'était une centrale d'achat.
La loi Egalim 1 est ensuite venue compléter le dispositif en permettant notamment à l'Autorité de la concurrence de prononcer des mesures conservatoires. Hélas, aucune disposition n'a en revanche été prévue pour mettre fin à une concentration excessive. Une centrale d'achat dans cette situation pourra certes être mise à l'amende, mais elle restera dans une position dominante.
L'objet de mon amendement est donc d'aller au-delà de la loi Macron et de la loi Egalim 1, et d'octroyer à l'Autorité de la concurrence un pouvoir de décartellisation, en lui donnant la capacité de prononcer des sanctions et des injonctions visant à rétablir une situation d'équilibre sur le marché concerné.
Cet amendement parachève ce qui avait été entrepris avec la loi Macron – l'obligation de déclaration – et la loi Egalim – la possibilité de prononcer des sanctions – en permettant la décartellisation. C'est une idée très simple : lorsqu'un groupe occupe une part excessive du marché, on peut lui imposer de se diviser en deux ou trois entités, de façon à réduire ses parts de marché et à rétablir la concurrence entre les différents acteurs.
Avis défavorable, comme tout à l'heure. Je vous renvoie, monsieur de Courson, à la mission d'information que j'appelle de mes vœux, tout en précisant que j'ai parfaitement conscience du sérieux de votre travail ; je vous connais et je sais que vous ne sortez pas ces idées de nulle part. Nous avons affaire à un sujet complexe et passionnant, sur lequel un travail transpartisan pourra aboutir, je le répète, à un très beau résultat.
L'Autorité de la concurrence peut déjà prendre des mesures conservatoires en vertu de l'article L. 462-10 du code de commerce. De plus, aux termes du II de cet article, l'Autorité peut réaliser, à son initiative ou à la demande du ministre chargé de l'économie, le bilan concurrentiel prévu par le deuxième alinéa de l'amendement. Je demande donc son retrait, au risque d'être à nouveau taxé de conservatisme, et, à défaut, donne un avis défavorable.
Monsieur de Courson, j'ai plusieurs demandes de parole, et je n'autoriserai, sur chaque amendement, qu'un orateur pour et un orateur contre. Je souhaite donc simplement savoir si vous maintenez celui-ci ?
Madame la présidente, en tant qu'auteur de l'amendement, il me semble qu'en application du règlement j'ai la possibilité de répondre au rapporteur général et au ministre.
Dans ce cas, je vous donne la parole pour que vous vous exprimiez en faveur de votre amendement, puis je donnerai ensuite la parole à un orateur qui s'y oppose, par exemple à M. Bayou, s'il est contre.
Les mesures conservatoires, monsieur le ministre délégué, ce n'est pas la décartellisation, tous les spécialistes du droit de la concurrence vous le diront. C'est bien le problème : à quoi servent des mesures conservatoires qui ne permettent pas d'aller jusqu'au bout ? Mon amendement, lui, le permet.
La décartellisation est un concept utile, car c'est comme s'il y avait un éléphant dans la pièce : tout le monde sait qu'il y a un oligopole mais personne ne veut s'y attaquer. Il faut donc donner à l'Autorité de la concurrence le pouvoir de décartelliser.
On nous parle des vertus de la concurrence libre et non faussée, même si je n'ai, pour ma part, jamais cru à ces balivernes. Or nous sommes justement, ici, face à une concurrence totalement faussée, voire prédatrice pour les petits et les nouveaux entrants. Il faut donc permettre à l'Autorité de la concurrence de briser l'oligopole. Après Egalim 1, puis Egalim 2, je ne vois pas l'intérêt de reporter sans cesse la décision.
L'amendement n° 35 rectifié n'est pas adopté.
Sur l'article 2, je suis saisie par le groupe Renaissance et le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Éric Martineau.
Le relèvement du seuil de revente à perte doit être maintenu, je le dis aussi comme producteur de pommes, car je ne suis pas uniquement député. Lorsque l'on constate que les pommes sont aujourd'hui achetées par les distributeurs 20 centimes de moins que l'an dernier, alors qu'en rayon leur prix affiche une hausse de 15 %, on se demande forcément où passe la marge.
Défendre le pouvoir d'achat, c'est aussi défendre nos emplois. Lorsqu'on arrache nos vergers, on supprime des emplois – j'avais moi-même 25 hectares de vergers mais n'en ai plus que 10, parce qu'il m'était impossible d'en vivre correctement, même en passant au bio. Et je pense aussi aux producteurs bio et aux difficultés qu'ils rencontrent. Quand on pratique une culture écoresponsable, on doit être payé un minimum pour son travail et pour celui de ses salariés, dont on défend le pouvoir d'achat. Il n'y a pas que Michel-Édouard Leclerc qui se bat pour le pouvoir d'achat.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Sur les amendements n° 28 et 27 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Sur l'article 2, je suis saisie de trois amendements, n° 19 , 25 et 20 , pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement n° 19 de M. Sébastien Chenu est défendu.
La parole est à M. Grégoire de Fournas, pour soutenir l'amendement n° 25 .
Comme je l'ai expliqué dans mon propos introductif, le SRP + 10 a permis à la grande distribution de récupérer 600 millions d'euros dans la poche des consommateurs. Or personne ne conteste plus que la mesure n'a pas, comme c'était prévu, bénéficié aux agriculteurs. D'ailleurs, l'idée était assez naïve d'obliger les distributeurs à prendre une marge de 10 % sur le Coca-Cola en espérant que son produit ruissellerait ensuite vers les agriculteurs ! Dans la mesure où nous n'avons aucune garantie que la disposition puisse avoir cet effet à l'avenir, et sachant qu'il est nécessaire de faire baisser les prix, ou en tout cas d'en limiter la hausse pour les consommateurs, nous demandons donc la suppression du SRP + 10.
La parole est à M. Laurent Alexandre, pour soutenir l'amendement n° 20 .
L'article 2 prévoit de prolonger jusqu'en 2026 l'expérimentation du relèvement du seuil de revente à perte. Nous y sommes opposés.
Je rappelle le principe : il s'agit d'obliger la grande distribution à vendre à un prix supérieur d'au moins 10 % au prix payé aux fournisseurs, l'idée étant d'empêcher la revente à perte destinée à étouffer la concurrence et à jouir ensuite d'une situation de monopole, ou proche du monopole. Or les expertises sont unanimes, qu'elles proviennent de travaux parlementaires ou de Bercy : cette mesure a contribué à la hausse des prix des produits alimentaires pour les consommateurs – les rapports parlent de 1 à 2 % selon les filières, hors période inflationniste – mais sans aucun bénéfice direct pour les agriculteurs ni même pour les transformateurs. Selon les estimations de l'association de consommateurs UFC-Que choisir, associée à la Confédération paysanne, elle aurait généré 1,6 milliard de bénéfices sur deux ans, sans ruissellement vers les producteurs et sans qu'il soit possible d'établir qui, des fournisseurs ou des distributeurs, a profité de ce cadeau.
L'inflation sur les produits alimentaires s'élève à quasiment 13 % sur un an, au point que des dizaines de milliers de ménages doivent choisir entre nourriture et hygiène. Pourtant, vous nous proposez de maintenir un dispositif qui va aggraver les effets de l'inflation pour nos citoyens, sans aucune preuve de ses effets bénéfiques sur l'emploi agricole ou agroalimentaire.
Les résultats de l'expérimentation semblant malheureusement négatifs, nous vous demandons de ne pas la reconduire pour trois années supplémentaires. En revanche, mes collègues vous proposeront tout à l'heure la création d'un dispositif obligatoire de blocage des prix d'un panier de produits de première nécessité, sur le modèle de celui institué par la loi, dite Lurel, relative à la régulation économique outre-mer, ainsi que l'établissement d'un mécanisme de construction des prix susceptible de garantir des prix rémunérateurs aux producteurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Avis défavorable. Je reconnais que le SRP + 10 pose de vraies questions, et je respecte parfaitement la position des associations de consommateurs. Mais, à l'exception de quelques filières de produits frais, les fournisseurs sont unanimes pour nous demander de ne surtout pas supprimer le SRP + 10, car ils le paieraient cher. Cela en dit long sur la férocité des négociations commerciales et la nature des rapports de force.
Pour cette raison, nous devons le maintenir, d'autant que nous n'avons pas assez d'éléments pour juger de son application en période exceptionnelle. Je serai en revanche favorable à un amendement qui va suivre et qui est de nature à améliorer la situation.
Messieurs Alexandre et de Fournas, nous ne parlons probablement pas aux mêmes agriculteurs ! Je voudrais compléter les propos de M. le rapporteur pour dire que mettre fin brutalement à ce dispositif – qui est sans doute perfectible et les amendements suivants, notamment ceux de M. Potier, permettront d'en réaliser une évaluation complète –, ce serait faire du mal à beaucoup de nos agriculteurs. Nous ne le souhaitons pas et c'est pour cela qu'il existe une unanimité pour ne pas interrompre cette expérimentation. Je souhaite bon courage à celles et ceux qui voteraient la suppression de ce SRP avant leur retour dans leurs circonscriptions.
Nous parlons du seuil de revente à perte et du fameux taux de 10 %, mais qui parle du seuil d'achat à perte ? Oui, je parle bien du seuil d'achat à perte. Un tel dispositif n'existe pas.
Je cite un texte récemment publié par Michel-Édouard Leclerc : « si le projet de loi en discussion était voté, ces demandes de hausses pourraient devenir réalité » et il révèle ensuite les demandes de hausse de prix faites par quelques entreprises, dont Unilever qui annonce une hausse des prix de 25 % pour les moutardes Maille et Amora.
Pour ceux qui aiment la moutarde, à partir de quoi est-elle produite ? De graines de quoi ?
Oui, bravo, vous avez gagné ! Et de combien ont augmenté les graines de moutarde ?
Tout le monde trouve tout à fait normal que la pression de la grande distribution amène certaines entreprises à lui vendre à perte alors qu'elle-même est liée par une marge minimale de 10 %. Nous soutenons donc la prolongation de l'expérimentation. À son issue, nous évaluerons ses résultats, mais il serait souhaitable de s'interroger sur l'absence de seuil d'achat à perte, car ce n'est pas normal !
L'arrêt de l'expérimentation du seuil de revente à perte serait une catastrophe pour les PME, mais ce serait tout bénef pour Coca-Cola. En tant qu'ancien chroniqueur gastronomique, je le déplore, mais les hypermarchés et la grande distribution ne peuvent pas se passer de produits comme le Coca-Cola. Ils sont prêts à vendre à perte pour attirer le chaland et gagner des parts de marché sur les concurrents. Le seuil de revente à perte est une protection pour les PME, car ce dispositif leur permet de ne pas être trop étranglées dans le box des négociations. Si on le supprimait, la compensation se ferait au détriment des petites entreprises et au profit des Coca-Cola, Nutella et consorts.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Il est difficile de savoir si l'orateur est pour ou contre un amendement au moment où les demandes de prise de parole sont faites. Je les prends dans l'ordre d'arrivée.
Oui, parfois ils se décident dans le cours même de leur prise de parole…
Je tiens à ce que chacun puisse s'exprimer. Je vous invite à formuler vos demandes de prise de parole assez rapidement pour que je puisse les prendre en compte dans leur ordre d'arrivée et de façon équilibrée. Sur ces amendements, j'ai donné la parole aux orateurs qui ont demandé la parole en premier. Nous pouvons passer au vote.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 143
Nombre de suffrages exprimés 123
Majorité absolue 62
Pour l'adoption 117
Contre 6
L'article 2 est adopté.
La parole est à M. Grégoire de Fournas, pour soutenir l'amendement n° 28 , portant article additionnel après l'article 2.
Il fait suite aux travaux de la commission et à la proposition de son président visant à obliger la grande distribution à publier ses marges. Cette obligation serait un préalable à un dispositif de contrôle des marges que nous souhaiterions adopter.
Vous allez trop loin vis-à-vis du respect du secret des affaires. Le travail de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires est largement suffisant pour connaître la façon dont se répartissent les marges sur les différents maillons de la filière, ce qui est, plutôt qu'un contrôle, l'objet de cette proposition de loi. Avec cet amendement, vous allez très loin. J'y suis donc défavorable.
Le président Kasbarian avait voté pour cet amendement. Quelle cohérence !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 131
Nombre de suffrages exprimés 129
Majorité absolue 61
Pour l'adoption 21
Contre 108
L'amendement n° 28 n'est pas adopté.
La parole est à M. Grégoire de Fournas, pour soutenir l'amendement n° 27 .
Le SRP + 10 a conduit, pour certaines productions, dont celles de la filière des fruits et légumes, par le mécanisme du prix psychologique, à ce que la marge minimale de 10 % ne se réalise pas sur les consommateurs, mais sur les producteurs. Des dérogations sont prévues, mais elles doivent être formulées par l'interprofession. Or celle des fruits et légumes est composée des producteurs, mais également d'une organisation représentant les distributeurs, qui dispose d'une voix de blocage, ce qui a pour conséquence que cette interprofession n'a pas formulé de demande de dérogation. Les producteurs de fruits et légumes sont aux abois et souhaitent obtenir une dérogation. C'est le sens de cet amendement.
J'y suis défavorable, pour deux raisons.
La première – et c'est un ancien directeur d'interprofession qui vous le dit –, c'est que l'État ou le législateur plante le dialogue interprofessionnel quand il s'en mêle.
Il n'y a plus de dialogue interprofessionnel quand les interlocuteurs constatent que l'un des leurs peut court-circuiter le dialogue pour obtenir directement gain de cause plus haut.
La deuxième, c'est que la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique, dite loi Asap, prévoit déjà un dispositif sur les dérogations. Des demandes sont faites dans ce cadre, mais cela peut être parfois compliqué car les professionnels ne sont pas toujours d'accord entre eux. Malgré tout, respectons le dialogue interne aux fédérations professionnelles et aux interprofessions.
Avis défavorable.
Rien à ajouter. M. le rapporteur parle d'or. Avis défavorable.
Quand le législateur prévoit un dispositif qui ne fonctionne pas, et c'est bien le cas ici, il est de sa responsabilité de l'adapter. La filière des fruits et légumes se trouve dans une situation de blocage. Les producteurs ne voient pas d'issue à des négociations interprofessionnelles auxquelles la distribution prend part. Cela revient à mettre le loup dans la bergerie et à lui demander s'il est d'accord pour manger la chèvre. Je ne comprendrais pas qu'on vote cette proposition de loi sans y inclure une solution pour la filière des fruits et légumes.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 128
Nombre de suffrages exprimés 127
Majorité absolue 64
Pour l'adoption 22
Contre 105
L'amendement n° 27 n'est pas adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements, n° 1 , 43 , 38 et 53 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 38 et 53 sont identiques.
Sur l'amendement n° 1 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l'amendement n° 1 .
Il vise à étendre à tous les produits de grande consommation l'encadrement des promotions dans les conditions prévues dans l'article 125 de la loi dite Asap. En effet, les produits d'entretien, d'hygiène et de beauté vendus en grande et moyenne surface commercialisant majoritairement des produits alimentaires ne sont pas protégés par les dispositifs des lois Egalim 1 et Egalim 2. Ils ont donc vu leurs taux promotionnels exploser pour atteindre en moyenne plus de 45 %, soit plus du double de celui des produits alimentaires. Le code de commerce doit permettre que l'ensemble des produits de grande consommation soient soumis aux mêmes principes de négociation dès lors qu'ils sont en relation commerciale avec des distributeurs eux-mêmes soumis aux dispositifs Egalim 1 et Egalim 2.
La mesure proposée par cet amendement s'inscrit dans le prolongement de l'article L. 441-4 du code de commerce qui dispose que les produits de grande consommation sont « des produits non durables à forte fréquence et récurrence de consommation ». Elle reprend par ailleurs la proposition n° 12 du rapport de la commission d'enquête parlementaire de l'Assemblée nationale de septembre 2019.
Il s'inscrit dans la même logique que l'amendement qui vient d'être défendu par ma collègue. Notre rapporteur, que je salue pour la pertinence de son travail, a fait de cette proposition de loi un bouclier anti-destruction de valeur, ce qui constitue un axe d'action exemplaire. Il faut préserver la chaîne de valeur des produits de grande consommation, dont font partie les produits d'hygiène et d'entretien.
Il reste des amendements en discussion commune à présenter, madame la présidente !
C'est une intervention pertinente, elle ne peut pas être de M. Le Fur !
Sourires.
Madame la présidente, ce n'est pas parce que vous m'en voulez que vous devez toujours me prendre à partie.
Sourires.
Oui, merci monsieur Benoit, mais c'est parce que vous êtes allé chez le même coiffeur que M. Le Fur ! Monsieur Le Fur, je ne vous en veux pas.
Sourires.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 38 .
Je vous remercie, madame la présidente, pour votre immense bonté !
Mme Duby-Muller a dit l'essentiel. On parle beaucoup des produits agroalimentaires, mais le même problème se pose pour les produits d'hygiène et de beauté, pour lesquels on atteint des sommets. L'exposé des motifs mentionne une augmentation de 45 % de leurs taux promotionnels et, sur un des produits, ce chiffre allait jusqu'à 64 % ! Je ne révélerai pas l'entreprise qui m'a fourni ces chiffres.
Non, ce n'est pas lui, mais si cela vous intéresse, je pourrai vous dire en privé le nom de l'entreprise concernée.
La logique commande d'élargir le dispositif à l'ensemble des produits d'hygiène et de santé.
Nous sommes plusieurs groupes à proposer cet élargissement, car l'encadrement des promotions sur les denrées alimentaires voté il y a quelques années a eu un effet pervers sur les négociations commerciales, à savoir une inflation très forte sur d'autres produits, notamment les produits d'hygiène. De nombreux députés ont donc été sollicités pour proposer un parallélisme des formes d'encadrement des promotions.
La grande distribution pousse à consommer toujours plus et c'est ce que Michel-Édouard Leclerc répète pour l'année 2023 : pour lui, il faut consommer, consommer, consommer, produire des déchets, alimenter les filières et ainsi de suite… Pour notre part, nous préférons inciter à consommer mieux pour mieux partager la valeur. Nous souhaitons également soutenir en France l'outil productif du secteur primaire, l'agriculture, et celui du secteur secondaire, la production et la transformation industrielle, qu'il s'agisse du secteur agroalimentaire ou de celui de l'hygiène, du parfum et de la droguerie. C'est le sens de cet amendement.
Je donne un avis défavorable, mais je le fais presque à contrecœur, car je comprends parfaitement vos exposés des motifs, qui dénoncent à raison un effet de bord. Toutefois, nous parlons ici de mesures expérimentales dont nous ne sommes pas encore capables d'évaluer les effets sur les produits alimentaires. Je propose donc de prolonger l'expérimentation et de mettre en place un dispositif permettant d'en mesurer les effets. L'impact du dispositif sur les promotions dans la grande distribution est encore mal compris. Je ne préjuge pas des débats au Sénat ou en commission mixte paritaire mais, à ce stade, mon avis est défavorable.
J'émets le même avis que le rapporteur, tout en rappelant que les motifs invoqués par les uns et les autres sont les bons. En effet, l'industrie de la droguerie, de la parfumerie et de l'hygiène (DPH) fait face à des défis colossaux, notamment à cause de la hausse du coût des matières premières.
Toutefois, alors que la plupart des producteurs de l'industrie agroalimentaire – y compris ceux se trouvant le plus en amont de la chaîne de production – sont établis en France, c'est l'inverse dans le secteur de la DPH. En étendant le SRP à ce secteur, nous risquerions ainsi d'enrichir les acteurs installés hors de France – en tout cas de protéger leur revenu.
Ainsi, comme le rapporteur, je suggère qu'avant d'étendre l'expérimentation, nous attendions l'évaluation prévue par l'amendement de M. Potier à l'article 2 bis – sur lequel nous émettrons un avis favorable. Celle-ci couvrira l'ensemble des conséquences de l'expérimentation, tant pour les industries du secteur agroalimentaire que pour les autres.
Il est dans l'intérêt de l'expérimentation d'élargir son champ, pour la raison évoquée par M. Benoit : on observe des effets de substitution entre les remises pour les produits agroalimentaires et celles pour les produits d'hygiène et de beauté. Pour que l'expérimentation soit significative, il faut donc l'étendre ! Des députés de nombreux groupes ont déposé des amendements équivalents dans cette perspective.
De plus, la mesure ne serait pas définitive, car c'est une expérimentation. Nous ferons le point dans dix-huit mois ou deux ans pour déterminer si les effets de substitution persistent.
Monsieur le ministre délégué, je ne comprends pas votre réponse sur ces produits de grande consommation. Vous les excluez du dispositif parce qu'ils sont essentiellement produits à l'étranger. Mais le présent texte, s'il vise à défendre l'agriculture, a également pour but de réindustrialiser la France, d'inciter à y produire de nouveau, en limitant la concurrence par les prix, qui a nui à notre industrie en la détournant des productions ne permettant pas une très forte valeur ajoutée.
Si je suis la politique du Gouvernement depuis la crise du covid, du moins en parole, vous souhaitez ramener l'industrie en France. Je ne comprends donc pas votre argument.
Par ailleurs, depuis tout à l'heure, vous soulignez la difficulté de comprendre les effets – positifs ou négatifs – de l'expérimentation. Cela confirme mon propos d'hier soir, que vous n'avez pas voulu comprendre ou feint de ne pas comprendre : alors que la crise inflationniste est extrêmement grave, vous pilotez à l'aveugle, sans savoir où vous allez, en jetant l'anathème sur ceux qui vous alertent.
Monsieur le rapporteur, vous venez de reconnaître que vous prenez des mesures au doigt mouillé, sans savoir où vont les marges, où sont les abus et qui sont les profiteurs de crise, alors que c'est le pire moment pour prendre des risques. Vous jouez avec le feu dans une période extrêmement difficile !
Même si je ne souhaite pas faire durer exagérément les débats, monsieur Tanguy, je ne comprends plus rien à la position du Front national.
Pardon, je confonds toujours… Votre groupe a défendu successivement un amendement tendant à supprimer le seuil de revente à perte, et un autre visant à le généraliser. Je ne comprends plus rien !
Quoi qu'il en soit, mon avis reste défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 148
Nombre de suffrages exprimés 145
Majorité absolue 73
Pour l'adoption 58
Contre 87
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
L'amendement n° 43 n'est pas adopté.
L'amendement n° 26 de M. Grégoire de Fournas est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Il est défavorable, pour les mêmes raisons que tout à l'heure : l'amendement aurait pour conséquence de torpiller le dialogue interprofessionnel. Je vous rappelle en outre que la loi dite Asap prévoit déjà la possibilité de déroger aux dispositions du I de son article 125, sur arrêté du ministre.
L'amendement n° 26 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il a pour objet la production d'un rapport. Fixer un seuil de 10 % en dessous duquel les distributeurs ne peuvent vendre leurs produits permet d'éviter la vente à perte, pratique assez largement répandue qui, si elle permet de proposer des prix très compétitifs aux consommateurs, détruit la valeur des produits concernés et donc les revenus agricoles.
Oui, il faut limiter l'inflation pour nos concitoyens, mais il faut également garantir un prix juste pour les agriculteurs et les TPE et PME. Or c'est d'autant moins le cas actuellement que toutes les charges pesant sur les agriculteurs et les industriels – le carburant, les engrais, l'alimentation animale, notamment – augmentent.
Les promotions à perte mettent en grande difficulté les filières françaises. À l'heure où tout le monde souhaite légitimement la limitation des prix, nous ne pouvons nous satisfaire de constater la situation de plus en plus délicate des agriculteurs, dont les revenus actuels reposent quasi exclusivement sur les subventions.
Nous soutenons le mécanisme d'encadrement prévu à l'article 2. Afin d'accroître son efficacité, nous proposons de l'accompagner d'un rapport annuel, permettant d'obtenir le bilan de cette expérimentation.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Même si je souscris à l'objectif de votre amendement, je vous demande de le retirer au bénéfice du suivant, le n° 18 rectifié, dont le premier signataire, M. Potier, est absent – si aucun de ses cosignataires ne le défend, je le reprendrai à mon compte.
Je souligne l'engagement et la qualité du travail de M. Potier. Comme il s'y était engagé, il a retravaillé cet amendement qu'il avait fait adopter en commission, et le résultat est impeccable.
L'amendement n° 51 est retiré.
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l'amendement n° 18 rectifié .
M. Potier est très malheureux de ne pouvoir défendre cet amendement – que nous avons réécrit, comme l'a rappelé le rapporteur. Il vise à renforcer le contrôle de la bonne répartition de la valeur au sein de chaque filière, alors que nous reconduisons le seuil de relèvement du seuil de revente à perte de 10 %. Jusqu'à la fin de l'expérimentation, le Gouvernement remettrait chaque année avant le 1er octobre un rapport d'évaluation permettant au Parlement d'être éclairé dans ses missions de contrôle.
Il faut porter une attention particulière au SRP + 10, mesure voulue par le législateur pour revaloriser l'amont de la production agricole. Si l'évaluation démontrait l'absence de redistribution équitable aux filières agricoles et agroalimentaires des effets du seuil de revente à perte et donc l'absence d'un partage réel de la valeur, il conviendrait que le législateur se saisisse du sujet, y compris, si cela paraît nécessaire, avant l'échéance de l'expérimentation, en 2026.
Monsieur Leseul, en cas d'adoption de l'amendement n° 18 rectifié , les amendements suivants, dont vous êtes signataire, tomberont. Souhaitez-vous présenter ceux-ci de manière groupée ?
L'amendement n° 18 rectifié , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté ; en conséquence, l'article 2 bis est ainsi rédigé et les amendements n° 2 , 4 et 3 tombent.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Thomas Rudigoz applaudit également.
Sur l'amendement n° 13 rectifié , portant article additionnel après l'article 2 bis, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l'amendement.
Il vise à pérenniser la convention interprofessionnelle alimentaire territoriale, qui lie une coopérative ou une organisation de producteurs, un ou plusieurs transformateurs et un distributeur, et permet notamment de définir le prix de cession de certains produits, les modalités d'évolution de ces prix et les conditions de la répartition de la valeur ajoutée de la production.
Le présent amendement répond très clairement à la proposition n° 2 du rapport d'information sur l'évaluation de la loi Egalim ; je pense que l'ensemble de l'Assemblée sera donc d'accord pour l'adopter.
La disposition, intéressante, s'inscrit en miroir du name and shame, en labellisant des démarches vertueuses. Avis favorable.
Votre amendement vise à supprimer le caractère expérimental de la labellisation des conventions interprofessionnelles alimentaires territoriales instaurées par la loi Egalim. Cette pérennisation pourrait être intéressante ; toutefois, en l'absence de bilan consolidé, elle nous semble prématurée. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.
Je remercie M. le rapporteur et M. le ministre délégué pour les avis qu'ils viennent d'exprimer.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 145
Nombre de suffrages exprimés 143
Majorité absolue 72
Pour l'adoption 143
Contre 0
L'amendement n° 13 rectifié est adopté.
Cet article a beaucoup fait parler, pour ce qui peut apparaître comme de bonnes raisons, à savoir la protection des consommateurs et la lutte contre l'inflation.
Monsieur le rapporteur, vous avez déposé un amendement de réécriture de l'article, que nous comptons sous-amender pour réserver le dispositif aux petites et moyennes entreprises, comme je l'ai indiqué.
Nous restons sceptiques quant à votre démarche, qui vise tous les cas où, après l'échec des négociations commerciales, les deux parties ne sont plus liées par un accord et un produit est donc déréférencé. En effet, ce ne sont pas tant les multinationales que les PME qui courent un tel risque, car elles ont davantage de difficulté à s'imposer dans les linéaires.
Avec cet article, nous arrivons dans le dur de la guerre des lobbies à l'Assemblée nationale. On trouve d'un côté les défenseurs de la grande distribution, au Rassemblement national, de l'autre les défenseurs des grands groupes agroalimentaires, le groupe majoritaire,…
…ce qui donne l'impression que personne ici ne fait son travail : défendre les intérêts du peuple français. Car oui, normalement, tel est notre rôle, plutôt que de défendre les lobbies.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Avec une poignée de députés LFI présents, on sent que vous avez envie de défendre les agriculteurs !
Cela impose de prendre des mesures simples : premièrement, le blocage des prix, en nous en prenant ainsi aux intérêts des deux lobbies ;…
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
Les nationalisations ! Les nationalisations !
Oui, c'est la grande question, mais vos discussions oublient un grand absent : les salaires. Pour rémunérer correctement les agriculteurs, il faut à nos concitoyens des salaires suffisamment importants pour acheter des produits de meilleure qualité, notamment bio. En augmentant les salaires, le Smic, on mène ainsi une politique écologiste.
Enfin, je vous propose d'instaurer aussi un coefficient multiplicateur maximal. Si, pour un produit fabriqué à un certain coût, vous dites qu'on ne peut lui appliquer qu'un certain coefficient multiplicateur, eh bien vous imposez des prix maximaux de vente aussi bien aux industriels qu'à la grande distribution – prix qui assurent à la fois la juste rémunération des agriculteurs et qui protègent le pouvoir d'achat de nos compatriotes.
Voilà des mesures simples. Et parce que nous allons bientôt aborder la réforme des retraites, je signale en passant qu'augmenter les salaires permet d'accroître les cotisations, donc de mieux financer le système de retraite.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Vous auriez dû écouter Jean-Luc Mélenchon depuis le début, car il a des réponses à la crise que nous traversons.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.
Cet article vise à améliorer l'équilibre des négociations entre les distributeurs, les producteurs et les autres acteurs de la chaîne agroalimentaire. Pour ma part, j'en partage totalement l'intention et l'objectif.
À cet égard, les propos formulés par Michel-Édouard Leclerc sont inacceptables et même contre-productifs.
Son intérêt dans cette affaire est par trop important pour que son intervention soit honnête et que nous lui accordions du crédit.
Cela étant, je m'interroge, monsieur le ministre délégué, sur les effets pervers potentiels de cet article sur nos PME et nos petites entreprises du secteur de la transformation. En effet, un distributeur pourrait tout simplement se détourner durablement des produits de ce type d'entreprises, leur faisant ainsi perdre des marchés qui leur sont essentiels. Comment allez-vous donc protéger nos PME de l'effet boomerang potentiel de cet article auquel, je le répète, je suis profondément attachée ? Je tiens vraiment à obtenir une réponse de votre part sur ce point.
Je n'en aurai que pour une seconde – ou une minute. L'article 3 a fait l'objet de nombreuses discussions périphériques sur le positionnement présumé des parlementaires, les uns ayant été soupçonnés d'être du côté de la distribution, les autres du côté des industriels – les petits pour certains, les grands pour d'autres.
Jusqu'à présent, les négociations commerciales s'achevaient le 28 février. Dans sa sagesse et compte tenu des auditions qu'il a organisées – et dont je retiens la même chose –, M. le rapporteur souhaite naturellement que les négociations commerciales se déroulent de la meilleure des façons et propose qu'en cas d'échec, une période transitoire s'enclenche à compter du 1er mars sous l'égide d'un médiateur.
À cet égard, je tiens à rappeler que, individuellement, les industriels ne représentent qu'une part infime des dépenses d'une centrale de grande distribution, de l'ordre de 1 à 2 %. En revanche, les achats d'une centrale représentent environ 20 % du chiffre d'affaires d'un industriel, qu'il soit petit ou gros. Leclerc compte en effet pour environ 20 % des achats, tout comme Système U, Intermarché, Carrefour et Auchan, si bien que l'échec des négociations a de graves incidences pour un industriel. J'insiste, qu'ils soient petits ou gros, les industriels ont tout intérêt à ce que les négociations aboutissent et ce serait les aider que d'instaurer une phase transitoire sous l'égide d'un médiateur en cas d'échec.
Voilà ce que propose le rapporteur, et à aucun moment il n'a été question d'accorder davantage de poids aux industriels ou aux distributeurs.
Je rappelle enfin que, par la loi Egalim 2, nous avons exigé des industriels la publication d'indicateurs relatifs à leurs coûts de production : c'est donc une forme de rééquilibrage que nous proposons au travers de l'article 3.
Sourires.
La rédaction de l'article 3, telle qu'issue de l'examen de la proposition de loi en commission, a entraîné de nombreuses discussions. Permettez-moi de vous lire l'interprétation qu'en a faite Michel-Édouard Leclerc – interprétation qui précède le dépôt de l'amendement n° 63 deuxième rectification de M. le rapporteur, qui vise à réécrire l'article.
« L'idée de ces députés », c'est-à-dire ceux favorables à l'article 3, « c'est que faute d'accord à l'issue des discussions d'achat, c'est le tarif du fournisseur qui s'imposera », écrit Michel-Édouard Leclerc sur son blog.
« Si l'acheteur n'est pas content, le fournisseur pourra ne pas livrer les magasins ! C'est : la hausse ou… pas de fourniture. » Et d'ajouter : « Je préviens ! Si c'est voté – c'est prévu pour le 16 janvier –, ça promet d'être chaud sur les tickets de caisse » !
Comment oser écrire des choses pareilles !
Notons à cet égard que l'amendement de M. le rapporteur visant à réécrire l'article est sans ambiguïté. Si celui-ci est adopté, en cas d'échec des négociations après le délai transitoire d'un mois, l'engagement liant les deux parties sera tout simplement levé, ce qui paraît équitable et équilibré. Voilà, mes chers collègues, le petit commentaire de texte que je souhaitais faire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – M. le rapporteur applaudit également.
Il est vrai que l'article 3 a été amplement commenté. Monsieur Léaument, député du groupe La France insoumise – NUPES, vous venez de dire que tandis que certains ici se feraient les défenseurs de la grande distribution, pour ce qui nous concerne, nous soutiendrions le secteur agroalimentaire. Mais c'est parce que nous défendons les travailleurs et les travailleuses qui composent nos entreprises !
Si la grande distribution les essore dans les box de négociations, les PME ne pourront plus payer leurs salariés correctement ! Vous allez donc à l'encontre des 440 000 travailleurs et travailleuses des entreprises de ce secteur.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il faut que vous compreniez qu'une entreprise ne se résume pas à son patron ou à sa patronne. Une entreprise, c'est un patron ou une patronne ainsi que l'ensemble des salariés qui la composent ! Et nous, ici, en défendant les PME, nous défendons les travailleurs !
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR. – Applaudissements et exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sur le sous-amendement n° 74 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Sur le sous-amendement n° 78 , je suis saisie d'une demande de scrutin public par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES).
Et sur l'article 3, je suis saisie d'une demande de scrutin public par le groupe Renaissance.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 63 deuxième rectification, qui vise à réécrire l'article, et qui fait l'objet des sous-amendements n° 74 , 78 , 77 et 76 .
Dans la mesure où il convient de faire un peu de pédagogie sur l'article 3, j'évoquerai rapidement les raisons pour lesquelles je vous invite à adopter cet amendement. Vous l'avez souligné, cher Charles de Courson, de nombreuses choses inexactes ont été dites, dès le début, sur cette partie du texte.
D'abord, il a beaucoup été question de la « vraie vie » et, à mon tour, je souhaite en dire un mot. Lors d'une négociation commerciale, quand vous êtes du mauvais côté, les choses vous sont structurellement défavorables, étant donné qu'il s'agit d'un rapport de domination. C'est par exemple ce que vit une femme enceinte qui arrive à l'heure à un entretien et qu'on fait poireauter pas moins de trois quarts d'heure dans une pièce surchauffée.
C'est également ce que connaît un responsable de grands comptes en période d'essai lorsqu'il entend son interlocuteur lui affirmer au téléphone qu'il a résisté à de plus coriaces que lui et qu'il ne s'attend pas à ce qu'il reste longtemps à son poste, avant de lui raccrocher au nez. Des exemples comme ceux-ci, il en existe plein et c'est cela aussi, la vraie vie. La férocité des négociations en France est mondialement connue.
La destruction de valeur n'est donc pas qu'une affaire de chiffres et d'économie, c'est aussi une question humaine.
S'agissant de la distinction qu'il y aurait à faire entre les gros et les petits industriels, c'est ce à quoi Michel-Édouard Leclerc a voulu nous conduire depuis le début. Ce dernier dit avoir installé une centrale d'achat à Bruxelles pour se défendre vis-à-vis des énormes multinationales, qui ont des taux de profitabilité indécents.
Je ne donnerai pas de nom, car ils craignent des mesures de rétorsion,…
…mais je pourrais vous donner l'exemple d'une ETI française, qui produit et vend en France, qui valorise la production agricole française, et qui a été convoquée début janvier dans une capitale d'Europe pour se faire spécifier avant toute chose qu'« ici le droit français ne s'applique pas ». Cette entreprise n'est pas une filiale d'un grand groupe, c'est une simple boîte française.
Plutôt que d'opposer les gros et les petits industriels, observez l'évolution des prix depuis un an et même depuis quelques années. Quels sont ceux qui ont progressé ? Les MDD – marques de distributeur !
« Eh oui ! » sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
En effet, en période d'inflation, les consommateurs migrent vers les MDD et c'est dans ce domaine que les distributeurs appliquent les marges les plus importantes – 20 à 40 % – et que les hausses de prix sont les mieux acceptées. La question n'est donc pas de savoir s'il s'agit d'un gros ou d'un petit industriel, mais de déterminer à qui appartient la marque.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Certains distributeurs se servent de marques qui ne leur appartiennent pas pour faire des coups promotionnels, pour attirer les clients, dans le seul objectif de se refaire une santé en magasin sur leurs propres marques : voilà la réalité.
À cet égard, les marques dites nationales peuvent parfaitement appartenir à des ETI françaises, sans être une filiale de je ne sais quel grand groupe international.
Notons d'ailleurs que les filiales auxquelles nous faisons référence ont des sites de production en France, avec un directeur qui doit justifier auprès du siège outre-Atlantique que cela vaut le coup d'investir dans notre pays. Effectivement, ce n'est pas le monde des Bisounours ! Certains patrons de multinationales estiment que la rentabilité est lamentable en France, qu'elle est plus faible qu'ailleurs, et en viennent à envisager de déplacer leurs lignes de production, ce qui implique du chômage technique et des reports d'investissements. Car qui investit ? Qui innove ? Ce n'est pas Leclerc et consorts, mais leurs fournisseurs !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
S'ils gagnent de l'argent, tant mieux, c'est ça l'économie !
Des PME et des ETI nous ont confié avoir peur d'être déréférencées. Eh bien, je puis vous dire que j'ai aussi discuté avec de nombreux patrons de magasin qui avaient peur de ne pas être livrés. C'est tout l'objet de l'article 3, qui invite les parties à se mettre d'accord, tout en cherchant à ajouter davantage d'humanité au passage.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques, applaudit également.
La parole est à M. Grégoire de Fournas, pour soutenir le sous-amendement n° 74 .
Vous voyez, monsieur le rapporteur, par ce sous-amendement qui vise à distinguer, dans votre dispositif, les multinationales des PME, nous répondons au petit industriel qui vous dit avoir peur d'être déréférencé. C'est d'ailleurs la réponse que nous aurions dû apporter tout de suite aux craintes qui ont été soulevées ces derniers jours. Puisque les multinationales risquent d'en profiter pour imposer des hausses de prix pharaoniques, excluons-les du dispositif et réservons ce dernier aux PME.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Le sous-amendement n° 78 vise à ce que la médiation des relations commerciales en cas d'absence d'accord entre les deux parties tienne compte de la taille des entreprises, de leurs chiffres d'affaires – c'est-à-dire de leur activité –, de l'état du rapport de force entre le fournisseur et le distributeur, ainsi que de la nature des biens et services concernés.
Le sous-amendement n° 77 est comparable au précédent, si ce n'est que nous insistons sur les critères de taille des entreprises et de chiffre d'affaires, ainsi que sur l'état des rapports de force dans la négociation.
Quant au n° 76, il est identique au précédent, à la différence qu'il porte sur l'alinéa 5, quand le sous-amendement n° 77 est adossé à l'alinéa 4.
Il est défavorable. Je le répète, distinguer les petits des gros ne serait pas pertinent, sachant qu'il serait de toute façon compliqué de retenir un seuil de taille. Il existe bien sûr des ETI qui se font laminer et qui se trouvent en difficulté.
J'ajoute que l'article 3 tend à insérer une obligation de bonne foi en matière commerciale à l'article L. 442-1 du code de commerce, sachant que la notion de bonne foi est déjà définie dans le code civil et caractérise la formation et l'exécution d'un contrat. De cette manière, si l'article 3 est adopté, un fournisseur pourrait invoquer l'obligation de bonne foi s'il estime qu'une négociation à laquelle il a participé a été conduite de manière à la faire échouer, par exemple pour se débarrasser de lui.
Enfin, de grâce, ne limitez pas la médiation. En effet, je trouve vos sous-amendements presque offensants pour le médiateur, monsieur Leseul. Lui et moi avons énormément échangé et travaillé et je vous assure que, évidemment, il contextualise : c'est la base de son travail. Les précisions que les sous-amendements n° 78 , 77 et 76 tendent à apporter sont superfétatoires et laisseraient entendre que la médiation pourrait être impossible en certains cas – sans compter que la grande distribution pourrait se servir des dispositions qu'ils contiennent pour décider de la fin d'une médiation, en arguant que les députés ne l'ont instaurée qu'au bénéfice des fournisseurs.
Je le répète, je suis défavorable à ces quatre sous-amendements.
Il est défavorable aux sous-amendements, dont je suggérerais le retrait. Je salue le travail du médiateur des relations commerciales agricoles, qui a réalisé une année exceptionnelle et que vous affaibliriez paradoxalement, comme l'a fort bien dit M. le rapporteur, en définissant ses missions de manière trop précise ; l'objectif de ces propositions est sans aucun doute louable, mais, je le répète, leur adoption se révélerait contre-productive.
S'agissant de votre amendement, monsieur le rapporteur, je tiens avant tout à vous féliciter et à vous remercier. Le travail se poursuit : ainsi que l'ont exprimé certains orateurs au cours de la discussion générale, nous sommes continuellement en quête d'un équilibre entre l'impératif de maintenir l'inflation au niveau le plus raisonnable possible, celui de préserver le revenu des agriculteurs, et notre capacité à conserver un tissu industriel – notamment de PME et d'ETI – performant dans un secteur qui souffre énormément. Cet équilibre, nous nous en rapprochons progressivement et, encore une fois, je vous en remercie.
Rappelons que l'amendement prévoit, à titre expérimental, la saisine du médiateur par l'une des parties « à défaut de convention écrite conclue au plus tard le 1er mars », ce qui, en cas d'adoption de ces dispositions, constituera un défi à relever, la fin des négociations étant de fait repoussée au 1er avril. En outre, l'absence d'accord au bout d'un mois rendrait possible la rupture de toute relation commerciale entre producteur et distributeur : vous-même avez reconnu qu'en fonction du contexte économique, des entreprises pourraient ainsi se retrouver dans une situation préjudiciable. Par ailleurs, la systématisation du recours à la médiation présente le risque d'engorger le dispositif, ce qui poserait problème à tous les acteurs ; l'obligation pour le médiateur de signaler à l'administration les faits dont il est saisi contrevient à la confidentialité qui constitue l'une des conditions de réussite de sa mission ; enfin, disposer que l'administration intervient dans le mois suivant la saisine du médiateur revient à méconnaître les modalités d'action de celle-ci, à qui il faut en général bien plus d'un mois pour mener à bien le contrôle exigé.
En revanche, l'idée d'expérimenter ces dispositions pendant deux ans est bienvenue, et cet amendement vise à renforcer le rôle du médiateur, dont tout le monde reconnaît, encore une fois, qu'il a accompli un travail exceptionnel, surtout en 2022, compte tenu de l'extrême complexité de l'environnement. Son adoption limiterait le risque inflationniste et pourrait permettre aux fournisseurs de retrouver des marges de manœuvre, d'éviter de produire des mois durant à perte, ce qu'actuellement le droit n'est pas en mesure de leur assurer. Pour toutes ces raisons, concernant l'amendement, j'émets un avis de sagesse.
Il conviendrait d'écarter les sous-amendements, dont le premier rejoint l'inspiration des trois autres : en l'occurrence, une distinction fondée sur la taille des entreprises ne serait pas de bonne législation. Quant à l'amendement, je souhaitais dire à notre collègue rapporteur que la complexité des négociations dépasse même la peinture qu'il nous en a faite. Des industriels m'ont raconté comment les choses se passent : une fois un accord conclu à Bruxelles ou en Espagne, on descend à l'échelon national, où, si je puis dire, on en remet une couche à la baisse, puis au niveau des directeurs de magasin, qui exigent encore un rabais supplémentaire. À l'issue des trois négociations, le taux de réduction peut atteindre, par exemple, 64 % pour des produits d'hygiène ou de santé. C'est complètement fou ! Il faut donc mettre un terme à ces pratiques et voter pour cet amendement.
Compte tenu de l'importance du sujet, chers collègues, je vous propose d'accepter toutes les demandes de prise de parole et d'inviter les orateurs à s'exprimer de manière ramassée, afin que nous puissions progresser dans l'examen du texte.
La parole est à M. Jérôme Nury.
Cet amendement améliorerait effectivement la rédaction de l'article 3 ; reste, tout d'abord, que j'ai du mal à comprendre la notion de bonne foi. Vous nous renvoyez pour cela au code civil, monsieur le rapporteur, mais je peine toujours à concevoir comment il serait possible de prouver sa bonne foi, ou l'absence de bonne foi de la part de l'adversaire, au tribunal. Juridiquement, le terme demeure assez flou.
Ensuite, la loi Egalim nous a montré ce qui se passe avec les dispositifs expérimentaux : à l'échéance, s'ils ont fait leurs preuves, il faut une nouvelle loi afin de les pérenniser. Est-ce une bonne idée que de limiter dans le temps l'application de dispositions que vous estimez d'ores et déjà indispensables ? Ne nous dirigeons-nous pas vers une loi dite Descrozaille 2 ?
Enfin, tel qu'est rédigé l'amendement, la procédure prévue serait technocratique au plus haut point. Faute de convention, on saisit un médiateur, qui saisit l'administration, et le tout débouche sur la rupture du contrat. Or, comme nous en avions déjà discuté au sujet des lois Egalim 1 et 2, ni le médiateur ni le ministre n'ont de pouvoir coercitif touchant ce dernier. Il s'ensuit que vous avez rédigé tout un article en vue d'établir que le contrat est rompu si les parties ne parviennent pas à s'entendre !
Ce sera beaucoup de temps de perdu à appliquer des dispositions peu efficaces. Par ailleurs, monsieur le rapporteur, pourriez-vous répondre à ma collègue Émilie Bonnivard au sujet de la protection que votre amendement assurera aux PME, notamment à celles du secteur agroalimentaire, qui représentent énormément d'emplois dans les territoires ruraux ?
Monsieur le rapporteur, si vous avez décidé de réécrire l'article 3 par voie d'amendement, c'est bien que sa rédaction initiale posait problème et que nous avons eu raison de soulever ce problème – le risque qu'il entraîne une inflation importante – au sein de nos débats. Or l'amendement présente un autre inconvénient : il vide de sa substance un dispositif qui aurait pu consolider la position des PME face aux centrales d'achat. C'est pourquoi mon sous-amendement, le n° 74, visait à en réserver le bénéfice à ces dernières, ce à quoi vous avez objecté que le concept de PME était vague. D'une part, cela ne l'a pas empêché d'être repris en droit ; d'autre part, vous ne m'avez pas répondu sur le fond. Quant au mécanisme retenu, il accroîtrait au contraire le risque de déréférencement des PME ! Il y a donc, de votre part, combinaison d'une bonne réaction et d'une mauvaise idée. Vous auriez dû retenir ma proposition…
Si nous vous avions écoutés, nous aurions supprimé la proposition de loi, ç'aurait été encore plus rapide !
M. le rapporteur sourit.
…au lieu de fonder votre dispositif sur la notion toute relative de bonne foi, au sujet de laquelle je souscris aux propos de notre collègue du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Cet amendement est bienvenu : c'est d'ailleurs pour cela que nous avons souhaité le sous-amender. Au demeurant, n'étant pas l'auteur des trois sous-amendements que M. le ministre délégué me demande de retirer, je me permettrai de les maintenir. La qualité du travail du médiateur ne nous inspire aucune inquiétude ; reste qu'il est impossible de traiter tous les partenaires de la même façon. Dans de nombreux domaines, comme celui des ressources humaines, le législateur comme le régulateur ont bien opéré une distinction entre petites, moyennes et grandes entreprises en matière de seuils déclaratifs, de seuils d'imposition, etc. Cela prouve la nécessité de réintégrer au dispositif ce critère de taille, du moins à titre de recommandation. Par ailleurs, je partage l'opinion exprimée au sujet de la notion de bonne foi : au niveau juridique, celle-ci se soutient, mais demeure plus que floue.
Avant toute chose, je vous remercie, chers collègues, de l'état d'esprit dans lequel, depuis le début, vous avez abordé ce texte. S'agissant de la bonne foi, je m'appuie tout simplement sur les travaux du médiateur, qui recourt déjà à cette notion. Supposons un fournisseur dont 70 % du chiffre d'affaires dépend de quatre acheteurs et qui négocie une augmentation de 6 euros de son produit ; l'un des quatre décrète qu'il n'acceptera pas plus de 2 euros, annule des rendez-vous, le laisse trois semaines sans réponse. Le juge aurait admis qu'il demande un rabais de 2 euros sur les 6 ; en l'état, il est manifeste qu'il a délibérément fait échouer la négociation. La DGCCRF exerce le même discernement au sujet de la sanction administrative prévue par l'article L. 441-6 du code de commerce et déterminée par la date limite, le formalisme du contrat. En droit, la non-signature entraîne la coresponsabilité des contractants ; dans les faits, c'est le plus souvent le distributeur seul qui est sanctionné, car la DGCCRF examine la manière dont la négociation a été conduite.
Mon amendement vise uniquement à ajouter à cette exigence de respect des formes – donc, monsieur le ministre délégué, de la date du 1er mars – la possibilité d'imputer à l'une des parties, en matière civile et commerciale, l'échec de la négociation, lequel reste d'ailleurs exceptionnel – 1 % des cas. S'agissant du caractère expérimental de ce dispositif, j'ai bien entendu vos arguments. Comme vous, j'ai eu affaire à des patrons de magasin. Je les ai tous rappelés – j'étais surpris, car ils n'ont pas l'habitude de telles actions syndicales. En général, ils m'ont confié que ce n'était pas ce qu'on leur avait dit au niveau du groupe.
Nous avons pu discuter de manière ouverte et, dimanche, l'un d'entre eux m'a dit : « Si c'est expérimental, c'est intéressant. On verra l'effet sur les comportements. » Tel est justement l'objet de cet amendement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 131
Nombre de suffrages exprimés 131
Majorité absolue 66
Pour l'adoption 25
Contre 106
Le sous-amendement n° 74 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 144
Nombre de suffrages exprimés 143
Majorité absolue 72
Pour l'adoption 39
Contre 104
Le sous-amendement n° 78 n'est pas adopté.
L'amendement n° 63 deuxième rectification est adopté ; en conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé.
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l'amendement n° 5 portant article additionnel après l'article 3.
Il vise à renforcer la transparence sur le prix moyen d'achat des matières premières agricoles dans le contrat aval, en rendant obligatoire dans certains secteurs définis par décret, dont celui de la viande bovine, la mention supplémentaire du tunnel de prix pratiqué dans le contrat amont passé entre l'industriel et l'éleveur ou l'organisation de producteurs.
Sur cet amendement n° 5 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
Je comprends votre intention, monsieur le député, mais comme je l'ai indiqué en commission, une expérimentation est en cours. L'article 2 de la loi Egalim 2 dispose ainsi que « dans la clause de prix des contrats de vente de produits agricoles mentionnés à l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, les parties peuvent convenir de bornes minimales et maximales entre lesquelles les critères et les modalités de détermination ou de révision du prix, intégrant notamment un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture, produisent leurs effets. » Le tunnel de prix est donc rendu obligatoire par décret pour certaines filières. Je comprends que vous souhaitiez le pérenniser, mais il me semble qu'il faut être cohérent et laisser l'expérimentation se dérouler. Je vous demande donc le retrait de l'amendement. À défaut, avis défavorable.
Avis défavorable pour les mêmes raisons.
M. le rapporteur a eu la gentillesse de me demander de retirer l'amendement. Je préfère le maintenir, mais j'entends son argument.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 129
Nombre de suffrages exprimés 129
Majorité absolue 65
Pour l'adoption 33
Contre 96
L'amendement n° 5 n'est pas adopté.
L'amendement n° 59 est retiré.
La parole est à M. Richard Ramos, pour soutenir l'amendement n° 58 , faisant l'objet d'un sous-amendement.
Il a été rédigé par notre collègue Anne-Laure Babault. Il vise à renforcer la sanction administrative dans les cas où l'une des parties – la grande distribution, en particulier – fait traîner la période de flou lors de la négociation, en la portant de 375 000 euros à 1 million d'euros. Le but est de rendre cette sanction réellement dissuasive.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n° 75 .
Il est purement rédactionnel et vise à parfaire l'amendement n° 58 , auquel je suis résolument favorable.
Le sous-amendement n° 75 est adopté.
L'amendement n° 58 , sous-amendé, est adopté.
Nous arrivons dans le dur du sujet : les pénalités logistiques, qui sont souvent indues. Je défends l'idée qu'il faut les maintenir, car leur suppression totale conduirait les PME devant les juges ; or ceux-ci pourraient parfois être tentés de rendre un avis qui leur serait défavorable. Je plaide pour qu'un acteur de la grande distribution envoyant une facture pour pénalité logistique soit obligé dans le même temps de justifier le préjudice commercial subi. Le présent amendement vise ainsi à mettre un terme à l'envoi, par milliers, de pénalités logistiques infondées.
Il est consternant que le contournement des dispositions légales existantes puisse conduire à tenter de préciser ce genre de chose dans la loi. L'amendement étant en réalité satisfait, j'en demande le retrait – tout en étant très sensible à l'exposé des motifs. À défaut, avis défavorable.
Je pose une question simple, car j'aime bien comprendre : par quel texte l'amendement est-il satisfait ?
Il est satisfait par les articles L. 442-1 et L. 441-17 du code de commerce. Ce dernier dispose que « seules les situations ayant entraîné des ruptures de stocks peuvent justifier l'application de pénalités logistiques. Par dérogation, le distributeur peut infliger des pénalités logistiques dans d'autres cas dès lors qu'il démontre et documente par écrit l'existence d'un préjudice. » La seule chose qui n'est pas précisée, c'est la concomitance de la pénalité avec la situation qui la justifie. Mais des acteurs qui joueraient de ce manque de précision seraient clairement dans une situation de contournement de la loi. Vous savez, monsieur le député, que nous allons travailler très étroitement avec la DGCCRF pour obtenir un état des lieux des sanctions. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé le retrait de l'amendement, quand bien même je partage votre objectif sur le fond.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 114
Nombre de suffrages exprimés 111
Majorité absolue 56
Pour l'adoption 54
Contre 57
L'amendement n° 60 n'est pas adopté.
Exclamations sur divers bancs.
Il n'y a personne sur les bancs de La France insoumise ! Cela n'a pas l'air de vous intéresser, collègues !
M. Paul Vannier proteste.
Sur les amendements n° 40 rectifié et 41 rectifié , je suis saisie par le groupe Horizons et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir les amendements n° 40 rectifié et 41 rectifié , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
C'est il y a quelques années, lorsque nous avons travaillé sur les lois Egalim 1 et 2 et sur le rapport de la commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs, rédigé par le député d'alors Grégory Besson-Moreau, que l'importance du sujet des pénalités logistiques nous est apparue à nous, législateurs. Vous savez que, s'agissant des négociations commerciales, le monde de la distribution – notamment les centrales internationales – nous précède toujours. Nous avons beau nous efforcer d'ajuster la législation, notre tâche est compliquée : on voit bien les efforts que le rapporteur a dû consentir pour essayer de trouver des compromis acceptables qui fassent progresser le sujet.
Les pénalités logistiques s'ajoutent au triple net – qui intègre les remises, ristournes et rabais, ainsi que les services théoriquement réels, et non pas virtuels. Une heure de retard peut ainsi valoir 15 % d'avoir. Il peut aussi y avoir des pénalités pour l'absence d'étiquettes sur les colis, pour des raisons liées à la palettisation, pour les bons de livraison électroniques et l'absence de bons de livraison papier, mais aussi des pénalités forfaitaires ou des pénalités de retrait… Les entreprises ont entre quinze jours et un mois pour contester les pénalités alors que la grande distribution peut, elle, remonter trois ans, voire cinq ans en arrière ! Ces pénalités mobilisent des ressources humaines dans les entreprises et donnent souvent lieu à des batailles juridiques coûteuses en temps, en énergie et, surtout, en argent. Les pénalités visent aussi à extorquer des centaines de millions d'euros aux industriels, quelle que soit leur taille : les petits, les moyens et les gros.
Je propose donc, avec ces deux amendements, de mettre un terme à ces pénalités dites logistiques. Je pense en effet qu'il est de notre responsabilité de mettre bon ordre dans les négociations dites commerciales.
Je comprends vos motivations, cher collègue. Je suis favorable à l'un de vos amendements ultérieurs qui traduit une position plus tempérée, puisqu'il propose d'examiner la situation. Je serai donc défavorable à la suppression pure et simple des pénalités logistiques – et surtout à l'amendement n° 40 , dont la rédaction serait contre-productive en droit.
Même avis. Le Gouvernement propose le retrait de ces deux amendements, mais donnera un avis favorable à votre amendement n° 42 portant article additionnel après l'article 7, monsieur Benoit, ainsi qu'à l'amendement à venir n° 62 de M. Ramos. Ces deux amendements permettront ensemble de mieux traiter le problème des pénalités.
Non, je les maintiens, car l'amendement n° 42 qu'ont évoqué M. le rapporteur et M. le ministre délégué porte sur une demande de rapport. C'est un amendement de repli, au cas où – fait extraordinaire – ni l'amendement n° 40 rectifié ni l'amendement n° 41 rectifié ne seraient adoptés. Il faut mettre un terme au principe des pénalités, qui constituent tout un écosystème. En commission, j'ai expliqué qu'il s'agissait d'inventions que le secteur de la grande distribution a créées pour obtenir des contreparties financières. Cela représente des centaines de millions d'euros de destruction de valeur qui devraient retourner au maillon amont, aux agriculteurs : ne perdons pas de vue que l'objectif de nos travaux, depuis la loi Egalim, c'est aussi le revenu agricole !
Je partage bien évidemment la préoccupation de Thierry Benoit mais, comme le rapporteur et comme le ministre délégué, je ne suis pas favorable à ces deux amendements. En effet, il arrive que des entreprises livrent mal ; il arrive également que de très gros distributeurs exigent qu'elles les livrent davantage pour assécher l'un de leurs concurrents. Si les pénalités logistiques ne sont pas encadrées, ces situations aboutiront devant les tribunaux. Or les petites PME n'auront pas toujours les moyens d'y aller ! L'esprit des amendements de Thierry Benoit est donc juste mais, pour protéger nos PME, il ne faut pas supprimer les pénalités logistiques qui sont parfois justifiées. Il faut en revanche absolument les encadrer comme le font les articles que nous proposons, afin que cela ne soit pas la foire aux pénalités injustifiées.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 119
Nombre de suffrages exprimés 117
Majorité absolue 59
Pour l'adoption 37
Contre 80
L'amendement n° 40 rectifié n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 120
Nombre de suffrages exprimés 115
Majorité absolue 58
Pour l'adoption 35
Contre 80
L'amendement n° 41 rectifié n'est pas adopté.
Il concerne également les pénalités légistiques, qu'il faut encadrer. La grande distribution doit pouvoir systématiquement fournir la preuve justifiant les pénalités en même temps qu'elle émet la facture, et les pénalités doivent être plafonnées à 2 % de la valeur de la ligne des produits commandés : à l'heure actuelle, certaines pénalités atteignent 30 % à 40 %. On marche sur la tête ! Il faut un plafond pour empêcher la grande distribution d'exiger des marges arrière des PME et pour l'empêcher de contourner les lois destinées à protéger ces dernières, notamment les lois Egalim 1 et 2.
L'amendement n° 61 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
L'article 3 bis, amendé, est adopté.
L'amendement n° 62 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Sur l'article 4, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l'amendement n° 33 .
L'article 4 vise à modifier, avec le 3
Pourquoi proposez-vous de supprimer quelque chose qui fonctionne – c'est l'option le plus souvent choisie ? Certes, il faut de la transparence, mais nous parlons de commerce et de secret des affaires ; les fournisseurs n'ont pas forcément envie de montrer toutes leurs factures à leurs acheteurs. Il faut conserver cette option en appliquant les recommandations du médiateur. C'est l'objet de l'article 4.
Évidemment que c'est l'option le plus souvent choisie, puisque c'est celle qui protège le mieux le fournisseur ! Je comprends que le secret des affaires puisse prévaloir, mais lorsque la question est de savoir quelle est l'évolution du prix des matières premières, il faut bien avoir connaissance de la part des matières premières qui entrent dans la composition du produit.
C'est ce type de mécanisme qui fait qu'au grand étonnement de Michel-Édouard Leclerc, il puisse y avoir un fournisseur de nourriture pour animaux qui demande 44 % d'augmentation et un autre seulement 15 % d'augmentation. Nous demandons plus de transparence pour plus d'efficacité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 33 n'est pas adopté.
Le commerce équitable, tel que défini dans l'article 60 de la loi du 2 août 2005, modifié par l'article 94 de la loi Hamon du 31 juillet 2014, garantit le « paiement par l'acheteur d'un prix rémunérateur pour les travailleurs, établi sur la base d'une identification des coûts de production » ; il implique tous les maillons de la chaîne de production, du fournisseur au distributeur.
Nous proposons, avec les amendements n° 6 et 8 , d'introduire dans les négociations ce mécanisme vertueux de fixation du prix, en le rendant obligatoire ou optionnel. L'amendement n° 7 vise à mettre en place un régime fiscal applicable aux parties qui s'appuieraient sur ces modalités propres au commerce équitable.
Avis défavorable. Je me prononcerai ultérieurement en faveur d'un amendement qui porte sur le commerce équitable.
M. Potier, dont on sait l'appétence pour le sujet, a déposé huit amendements sur le commerce équitable ; je n'émettrai qu'un avis favorable, sur le n° 55.
Je maintiens ces amendements en tant que militant de l'économie sociale et solidaire et coprésident, avec Astrid Panosyan-Bouvet, du groupe d'études Économie sociale et solidaire et responsabilité sociétale des entreprises.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 127
Nombre de suffrages exprimés 126
Majorité absolue 64
Pour l'adoption 126
Contre 0
L'article 4 est adopté.
La parole est à M. Grégoire de Fournas, pour soutenir l'amendement n° 21 .
Il s'agit d'un amendement d'appel en faveur des viticulteurs français, qui font face à une crise très grave et vendent leur vin en dessous des coûts de production.
L'article 4 de la loi Egalim 2 a institué la non-négociabilité du prix des matières premières agricoles mais, pour des raisons dont nous pourrions débattre longuement, l'interprofession viticole a demandé à bénéficier d'une dérogation. Je pense, pour ma part, qu'il y a eu confusion avec les dispositions portant sur les indicateurs de prix de la loi Egalim 1.
Cet amendement d'appel, que je retirerai, a vocation à lancer le débat. Il n'est certes pas parfait, car il faudrait que les dispositions de l'article L. 444-1-1 puissent s'appliquer à certaines appellations, tandis que d'autres pourraient continuer d'y déroger.
Sur le fondement de l'article 80-1, madame la présidente, qui dispose, en son alinéa 2, que « les députés veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement toute situation de conflits d'intérêts dans laquelle ils se trouvent ou pourraient se trouver, après consultation, le cas échéant, du déontologue. » Or M. de Fournas est viticulteur et il dépose des amendements sur le vin, notamment pour exclure sa profession de certaines dispositions de la loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe Dem.
Il est précisé à l'alinéa 3 de l'article 80-1 qu'un conflit d'intérêts « est entendu comme toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts privés de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif du mandat. » Au regard de cette définition, il est clair que M. de Fournas n'était habilité ni à déposer ni à défendre cet amendement !
Je demande que cela soit inscrit au procès-verbal de la séance et signalé au déontologue. Je demande que celui-ci prenne toutes les dispositions utiles pour prévenir et sanctionner cette situation de conflit d'intérêts.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe Dem.
Sur le fondement de l'article 70, alinéa 3, madame la présidente – mise en cause personnelle.
Exclamations sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES.
J'ai moi-même soulevé ce point et c'est la raison pour laquelle ce n'est pas moi qui ai déposé l'amendement en vue de son examen en commission. Depuis, j'ai interrogé les services du déontologue, qui m'ont rappelé les principes généraux : un député peut défendre un amendement qui le concerne tant qu'une large partie de la population est aussi concernée.
Ne faudrait-il pas appliquer cette même logique au rapporteur, qui a été directeur général de l'interprofession des fruits et légumes frais (Interfel) ?
Vous avez été vous-mêmes mis en cause par l'extrême gauche ; nous vous avons défendus publiquement pour dire que votre collègue, ingénieure chez EDF pouvait s'exprimer sur EDF…
Je suis viticulteur, et comme les services du déontologue l'ont confirmé, j'ai le droit de parler de la viticulture !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Sur la base de l'article 100, madame la présidente. Prenez garde à ne pas être des arroseurs arrosés ! C'est la start-up nation qui, en 2017, appelait de ses vœux une Assemblée nationale qui ne soit plus composée de professionnels de la politique – comme vous, monsieur Houlié –, mais d'entrepreneurs, de gens de la vraie vie, issus de la société civile.
Vous venez de contredire le principe qui a porté les Marcheurs à l'Assemblée nationale. Il faut que les professionnels, ceux qui connaissent les métiers, puissent s'exprimer en tant que législateurs…
En tant que membre du Rassemblement national, M. de Fournas est un professionnel du racisme ! Il a une longue carrière dans ce domaine !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous parlons de ceux qui exercent leur profession en même temps que leur mandat !
Sur le fondement de l'article 80-1-1, madame la présidente. Je m'érige contre le fait que M. de Fournas puisse qualifier de mise en cause personnelle le fait de soulever un conflit d'intérêts potentiel et je soutiens pleinement Sacha Houlié.
Le règlement prévoit bien qu'« afin de prévenir tout risque de conflit d'intérêts, un député qui estime devoir faire connaître un intérêt privé effectue une déclaration écrite ou orale de cet intérêt. » Je remercie Sacha Houlié d'avoir fait cette déclaration. Celle-ci ne devrait pas être décomptée de son temps d'intervention ni être considérée comme une mise en cause personnelle, puisque le député entendait précisément faire respecter le règlement.
J'aurais aimé que M. de Fournas, après les événements de cet automne, fasse profil bas et s'abstienne d'agir en lobbyiste de sa profession.
Vives exclamations sur les bancs du RN.
Mêmes mouvements
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
J'aimerais m'exprimer sur le fond de l'amendement n° 21 et non pour prendre part au débat précédent, bien qu'il soit précieux. Je tiens à rappeler, pour dissiper toute confusion, que je ne suis plus viticulteur puisque j'ai arraché la totalité de mes vignes ; je suis néanmoins député d'une région viticole. Et lorsque M. de Fournas a envoyé son amendement à l'ensemble des députés de circonscriptions viticoles, je me suis empressé de le transmettre aux interprofessions de la viticulture pour connaître leur position. J'avais évidemment un avis sur la question, mais je souhaitais recueillir le leur. En l'occurrence, elles sont toutes opposées à cette proposition, pour une raison simple : les viticulteurs disposent déjà de dérogations, car le vin n'est pas assimilable au blé, au lait ou à d'autres matières premières agricoles.
Certains éléments, notamment immatériels, ne peuvent en effet pas entrer dans la construction du prix, car ils ne sont pas valorisables. J'ai déjà évoqué ce sujet avec Grégoire de Fournas en prenant l'exemple du domaine du Château Beychevelle dans sa circonscription girondine, mais cela vaut pour d'autres appellations. C'est la raison pour laquelle les interprofessions ont demandé une dérogation.
Certes, les viticulteurs bordelais vendent leur vin en dessous du coût de production, mais leur situation sera réexaminée dans de brefs délais, et cet amendement aura eu au moins ce mérite. J'estime qu'il doit être soit rejeté, soit retiré comme l'a proposé Grégoire de Fournas lui-même.
Si vous voulez bien, mes chers collègues, nous allons reprendre le cours de nos débats de manière apaisée…
…et, avant de vous donner la parole pour un autre rappel au règlement, monsieur Tanguy, je demanderai au rapporteur l'avis de la commission, car il ne s'est pas encore exprimé sur cet amendement.
Mon collègue Lavergne a tout dit. Nous en avons déjà parlé en dehors de la commission, monsieur de Fournas. Nous ne voulons pas court-circuiter les organisations représentatives du vin, qui sont au nombre de quatre au niveau national, et auxquelles s'ajoute un comité de coordination regroupant une vingtaine d'interprofessions. C'est une filière complexe. Avis défavorable.
Défavorable également.
L'amendement n° 21 est retiré.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures deux, est reprise à dix-huit heures douze.
Ces amendements concernent un même sujet, le commerce équitable. Compte tenu des engagements pris tout à l'heure par le rapporteur et le ministre au sujet de l'avis favorable qu'ils donneront à l'amendement n° 55 à l'article 7, je me contenterai de dire qu'ils sont tous les trois défendus.
Vous avez tous lu le rapport d'information Négociations commerciales et inflation : des tensions inédites, des pratiques contestables de nos collègues sénateurs Daniel Gremillet et Anne-Catherine Loisier. Ils soulignent que les fournisseurs tendent à n'appliquer la clause de révision automatique des prix que pour une seule matière première agricole, souvent celle dont le prix n'a pas beaucoup augmenté. Dans cet amendement, nous proposons que ce soit l'ensemble des matières premières qui soit pris en compte. Je crois que la commission est favorable à cette modification, sous réserve de l'adoption d'un sous-amendement de notre rapporteur.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n° 79 .
Je vous rejoins sur la nécessité de prendre en compte les matières premières agricoles – au pluriel – et non une seule. Toutefois, le mot « ensemble » est imprécis et pose un problème aux services de l'État ; c'est pourquoi j'ai sous-amendé votre amendement. Sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement, je suis favorable à votre amendement.
Le sous-amendement n° 79 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 70 , sous-amendé, accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 56 .
Suivant de nouveau une recommandation du rapport de nos collègues sénateurs Gremillet et Loisier, le présent amendement propose d'encadrer les clauses de révision automatique des prix en prévoyant que les évolutions tarifaires qui en résultent doivent être appliquées au maximum un mois après leur déclenchement. En effet, nous avons constaté que, dans certains cas, la grande distribution lambinait et faisait attendre l'application de la clause de révision pendant plusieurs mois : une fois le montant de la révision connu, il doit être mis en pratique dans un délai maximum d'un mois.
L'amendement n° 56 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 64 .
Il propose, suivant une autre idée issue du même rapport, d'encadrer les clauses de révision automatique des prix en précisant que le seuil de déclenchement ne peut être supérieur à un taux fixé par voie réglementaire. En effet, d'après nos collègues sénateurs, les distributeurs auraient choisi de fixer les seuils à des niveaux impossibles à atteindre – jusqu'à 30 %, voire 50 % de hausse de la matière première agricole, ce qui représente un niveau très élevé. Ce taux serait fixé par décret, filière par filière, la loi ne pouvant pas entrer à ce point dans le détail.
Je n'aime pas trop que l'État fixe des prix par décret et votre amendement me semble aller trop loin en la matière. Vous vous appuyez sur un rapport du Sénat : sans présumer l'avenir de ce texte au Sénat et en commission mixte paritaire, à ce stade, j'émets un avis défavorable sur votre amendement.
L'amendement n° 64 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je vous informe que sur l'amendement n° 72 , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Je suis également saisie par le groupe Renaissance de demandes de scrutin public sur les articles 5, 6 et 7.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Julien Bayou, pour soutenir l'amendement n° 54 .
Le présent amendement, déposé par ma collègue Marie Pochon, vise à faire la lumière sur les marges commerciales réalisées par les enseignes de la grande distribution, qui font l'objet d'une totale opacité. On nous explique souvent que l'inflation est liée à la guerre en Ukraine ou à la hausse du prix de l'énergie ; toutefois, comme l'a brillamment rappelé notre collègue Charles de Courson, cela ne semble pas justifier l'évolution du prix des graines de moutarde ou de la moutarde elle-même. Il est temps d'introduire de la transparence sur les marges opérées.
Pour rappeler le contexte, ma collègue souhaitait demander au Gouvernement un rapport sur les évolutions des marges commerciales ; lors de la discussion en commission avec le rapporteur et le président Kasbarian, il est apparu que les missions de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires pourraient être étendues à cette question. J'espère donc que l'amendement sera adopté à une forte majorité.
Les rapports de l'Observatoire sont très denses. Le dernier publié comportait une section entière sur les produits biologiques, incluant une décomposition des prix, avec les marges – de mémoire, c'était le cas pour le lait demi-écrémé et pour les fruits et légumes. Je comprends votre motivation, mais votre demande est en partie satisfaite. Demande de retrait.
Avis défavorable.
Je le maintiens. Sur les produits biologiques, en particulier, les marges sont totalement indues : elles trompent le consommateur et excluent les catégories populaires, qui seraient pourtant les premières bénéficiaires d'une baisse des prix. Ce serait un pas en avant dans la lutte contre l'obésité ou d'autres maladies ; il s'agit aussi d'une question de santé environnementale. Vous m'opposez que ce serait compliqué à appliquer sur les produits biologiques : or nous souhaitons précisément faire la transparence sur les marges commerciales réalisées par les grandes enseignes sur ces produits.
L'amendement n° 54 n'est pas adopté.
La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l'amendement n° 32 .
Avec cet amendement, nous aurons l'occasion de vérifier la véracité des belles promesses faites par les uns et les autres s'agissant des agriculteurs. Nous proposons d'instaurer un mécanisme de prix plancher pour les agriculteurs lors de la vente de leurs produits : celui-ci serait fondé sur le prix de production, auquel s'ajouterait un pourcentage, à titre de marge, défini collectivement par un ensemble d'acteurs regroupant notamment les syndicats agricoles, sous l'égide du Gouvernement. Je vois que M. le ministre délégué n'est pas d'accord…
Ce système garantirait aux agriculteurs un revenu suffisant correspondant au moins au coût de revient et permettrait de s'assurer que la grande distribution ne pratique pas des marges exceptionnelles. Cette transparence sur le prix de vente permettrait aux agriculteurs d'être gagnants.
C'est l'une des mesures de notre programme. Nous en proposons une autre, qui serait bien utile : l'augmentation du Smic à 1 600 euros. En effet, si nous voulons que les catégories populaires aient les moyens d'acheter des produits bio – Julien Bayou a expliqué tout à l'heure en quoi cela présente un intérêt –, tout en rémunérant correctement les agriculteurs, nous devrons en venir à la seule solution valable : augmenter les salaires.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Prix plancher, coefficient multiplicateur, double étiquetage : ce sont de vieilles lunes, dont aucune n'a jamais abouti ! Votre proposition produirait un bazar pas possible au sein de la profession agricole : cela ne marcherait pas par exemple pour le blé, pour lequel les mécanismes de formation des prix sont incompatibles avec ce que vous suggérez ; cela ne fonctionnerait pas non plus pour les produits frais, pour lesquels il existe un prix après vente – lorsque le producteur dit : « Prends la marchandise, tu me diras après combien tu me dois. » Votre amendement revient à administrer l'économie ; j'y suis défavorable.
Vous voulez nationaliser les salaires et les prix : nous sommes en total désaccord avec vous sur ce point. Par ailleurs, savez-vous ce qui se passe lorsqu'on crée un mécanisme de prix plancher ? Tous les prix convergent vers ce montant. Personne, dans la profession, ne sera d'accord avec votre proposition. Avis défavorable.
Puisque vous ne voulez pas des prix administrés dans l'agriculture, prenons un autre exemple : celui de l'énergie.
On me répond que le système des prix réglementés ne marche pas. Avec EDF, pourtant, nous disposions d'un système qui fonctionnait bien, avec un tarif unique de l'électricité et des prix réglementés ;…
…les citoyennes et les citoyens bénéficiaient ainsi d'un prix décent, fixé par un producteur unique, certes, en situation de monopole d'État. Imaginez : une énergie nationalisée, un prix réglementé ! Regardez le bazar que c'est devenu : les fournisseurs achètent leur électricité à EDF en dessous du prix de production. Ce système est absurde et crée une concurrence ridicule.
Pour en revenir à l'agriculture, quel est l'objectif du prix plancher ? Il s'agit de garantir aux agriculteurs que, lors de la négociation, le prix de vente de leurs produits corresponde au moins au coût de production, augmenté d'un pourcentage qui serait défini collectivement. De quoi discutons-nous depuis tout à l'heure ? D'un système analogue pour la grande distribution et les grands industriels, c'est-à-dire le niveau au-dessus. Je ne comprends pas pourquoi vous ne voulez pas protéger les petits producteurs.
Vous ne pouvez pas affirmer que les prix administrés ne marchent pas, ce n'est pas vrai. Supprimez l'État, et vous verrez le bazar si rien n'est administré. Il n'y a qu'à observer le prix du blé sur les marchés financiers et l'influence de la spéculation dans ce domaine.
Nous vous proposons un mécanisme simple : des prix planchers pour les agriculteurs, afin qu'ils soient rémunérés dignement de leur travail, ce qui n'est pas le cas actuellement – ce n'est pas la faute de l'État, mais du marché.
Vous êtes très intelligent, monsieur Léaument. Mais vous n'êtes jamais allé dans une ferme, ce n'est pas possible.
Je n'ai jamais rencontré un paysan, dans une cour de ferme, qui réclame un prix plancher, qu'il soit membre de la Confédération paysanne ou de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA). Pas un !
Il faut sortir de l'idéologie et se rendre dans les fermes pour voir s'ils sont favorables à des prix planchers. Ce n'est pas ce qu'ils demandent ; vous êtes totalement hors-sol.
Je vous demande, chers collègues, de ne pas vous interpeller de façon nominative. Vous vous adressez à l'ensemble de l'Assemblée nationale.
Il se fonde sur l'article 70, alinéa 3, de notre règlement, relatif à la mise en cause personnelle.
J'ai dit que vous étiez intelligent et que je ne l'étais pas assez puisque je ne comprenais rien ! Il n'y a pas de mise en cause personnelle !
Le prix plancher, monsieur Ramos, est un moyen de rémunérer correctement nos agriculteurs.
Vous continuez la discussion, monsieur Léaument. Ce n'est pas un rappel au règlement.
Nous en venons au vote de l'amendement n° 32 qui a reçu, je le rappelle, un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
L'amendement n° 32 n'est pas adopté.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 57 .
Il vise à sécuriser juridiquement deux ordonnances qui confortent les pouvoirs de la DGCCRF pour lutter contre les pratiques restrictives de concurrence.
Petite question technique, monsieur le ministre délégué : êtes-vous sûr qu'il ne s'agit pas d'un cavalier ?
Sourires.
Elle n'est pas mal, celle-là, j'espère qu'elle figurera au compte rendu.
L'amendement n° 57 est adopté.
Cet article résulte du vote en commission de plusieurs amendements, présentés par différents groupes, qui visent à faire en sorte que les grossistes ne soient plus concernés par une série de lois adoptées ces dernières années. L'objectif de ces lois était en effet de s'attaquer au monopole des centrales d'achat et non aux 17 000 grossistes qui entretiennent une relation équilibrée avec les producteurs comme avec leurs clients.
Nous nous opposerons en revanche à l'amendement n° 72 du Gouvernement qui, en habilitant celui-ci à prendre une ordonnance, prive en définitive le Parlement de la possibilité d'avoir la main sur cette question. Il s'agit d'une demande de la Confédération des grossistes de France, qui ne souhaite pas que le Gouvernement décide à sa guise. Le Parlement doit rester maître en la matière
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l'amendement n° 72 .
Lors de l'examen du texte en commission, vous avez adopté un article, relayé par plusieurs groupes parlementaires, visant à reconnaître, dans le code de commerce, la spécificité de l'activité des grossistes. Un important travail légistique est nécessaire afin de s'assurer que cette nouvelle codification s'effectue dans de bonnes conditions, en évitant les doublons, coquilles et effets indésirables. Je vous propose donc, dans le respect de la position de la commission, d'habiliter le Gouvernement à prendre une ordonnance pour procéder à une clarification du régime applicable aux grossistes. Il s'agira notamment d'isoler, dans le code de commerce, les dispositions existantes relatives aux relations commerciales des grossistes – ces derniers relèvent du régime général, c'est-à-dire des articles L. 441-1, L. 441-3, et bénéficient de dérogations inscrites dans les articles L. 441-4, L. 441-1-1 et L. 443-8 – pour tenir compte de la spécificité de leur activité. Ce faisant, nous assurerons une meilleure lisibilité réglementaire. L'Assemblée nationale sera associée à la rédaction de cette ordonnance, puisque ce travail sera mené avec M. le rapporteur.
Favorable. Nous avons travaillé ce sujet de conserve avec le Gouvernement, que je remercie. Je reconnais que juridiquement, la question est plus complexe que nous ne le pensions. Nous visons, quoi qu'il en soit, le même objectif : rendre lisible ce métier extraordinaire mais mal connu. Pour rappel, Emmanuel Macron fut le premier des ministres à comprendre que cette activité présentait une spécificité.
Il est temps de matérialiser cette spécificité dans le code de commerce. Je remercie le Gouvernement d'y procéder, en y associant le Parlement.
J'ai cru comprendre que les grossistes ne demandaient aucun changement. Au contraire, ils nous avaient demandé – à moi, comme à d'autres – de ne rien modifier dans la loi. Pour cette catégorie de professionnels, qui interviennent notamment au marché international de Rungis, les choses se passent globalement bien. « Pour une fois que tout va bien, n'y touchez pas ! », m'ont-ils dit. Ils ont été nombreux à m'indiquer qu'il ne fallait surtout pas modifier le dispositif, mais que celui-ci devait rester stable. Or cet amendement semble donner un blanc-seing au Gouvernement pour effectuer des modifications. Lesquelles, et pourquoi ?
La commission a souhaité isoler l'ensemble des dispositions relatives aux grossistes qui figurent actuellement dans la loi, et qui risquent d'être affectées – un effet de bord indésirable – par des dispositions telles qu'Egalim. L'objet de l'amendement est donc d'isoler les dispositions qui concernent les grossistes, conformément à la volonté de la commission. Cela soulève des questions légistiques dont le traitement demande un peu de temps. Nous vous proposons d'habiliter le Gouvernement à procéder à ces modifications par ordonnance, étant entendu que nous associerons M. le rapporteur à ce travail.
Je vous crois de bonne foi, monsieur le ministre délégué, mais il aurait été souhaitable que votre amendement développe les arguments que vous venez d'exposer : vos propos ont été plus précis que ne l'est votre texte. Pouvons-nous considérer que les explications que vous venez d'apporter valent engagement ?
Mes propos engagent évidemment le Gouvernement. Cela figurera au compte rendu.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 119
Nombre de suffrages exprimés 113
Majorité absolue 57
Pour l'adoption 84
Contre 29
L'amendement n° 72 est adopté ; en conséquence, l'article 5 est ainsi rédigé et les amendements n° 45 rectifié , 47 , 48 et 50 tombent.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 117
Nombre de suffrages exprimés 88
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 86
Contre 2
L'article 6 est adopté.
Déposés par Dominique Potier et inspirés par Max Havelaar France – et déjà défendus dans le cadre de la loi Egalim 2 –, ils visent à créer un régime fiscal propre applicable aux parties qui s'appuient sur les modalités de fixation du prix des systèmes de garantie et des labels de commerce équitable.
L'amendement n° 55 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 121
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l'adoption 31
Contre 85
L'amendement n° 69 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 123
Nombre de suffrages exprimés 120
Majorité absolue 61
Pour l'adoption 120
Contre 0
L'article 7, amendé, est adopté.
La parole est à M. Christian Baptiste, pour soutenir l'amendement n° 12 .
Il vise à dresser un premier bilan de la structuration des organisations de producteurs. En effet, il est nécessaire d'améliorer la structuration des filières, notamment de la production, au sein d'organisations de producteurs ou d'associations d'organisations de producteurs, afin de massifier l'offre et de renverser concrètement le rapport de force. Le rapport d'information sur l'évaluation de la loi Egalim rappelait d'ailleurs, dans sa troisième proposition, que « [des] incitations au sein de la politique agricole commune (PAC), comme l'utilisation des programmes opérationnels, pourraient s'avérer très utiles pour inciter les agriculteurs à s'organiser ».
De manière générale, je suis plutôt défavorable aux demandes de rapport : je considère que c'est à nous qu'il revient de les établir, et non au Gouvernement. Je reconnais néanmoins que vous soulevez une question essentielle, et je ne conteste en rien vos motifs. Nous pourrions traiter ce sujet dans le cadre du travail que nous mènerons sur le droit de la concurrence ; car, pour convaincre les agriculteurs de s'organiser, il faut les convaincre que cela les rendra plus forts, et lever les hypothèques qui pèsent sur l'action collective du fait de l'interdiction des ententes. Sachant que nous devons mener ce travail de fond, nous pourrions faire l'économie du rapport que vous sollicitez. Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Même avis. J'ajoute aux excellents arguments de M. le rapporteur que, dans le cadre du plan stratégique national (PSN) – la déclinaison nationale de la PAC –, figurent des indicateurs de réalisation et d'impact relatifs aux sujets qui vous occupent. De fait, ils font d'ores et déjà l'objet d'un suivi régulier dans le rapport annuel de performance. Je demande par conséquent le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 12 est retiré.
Il revient sur les pénalités logistiques, qui, à défaut d'avoir été supprimées, ont été encadrées. Nous demandons la remise d'un rapport sur le fonctionnement et le montant de ces pénalités.
Une fois n'est pas coutume, je vais me contredire : je suis favorable à votre amendement, pour les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure.
Avec un plaisir non dissimulé, je rends un avis favorable au dernier amendement de cette proposition de loi.
L'amendement n° 42 est adopté.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Nous aurions dû nous abstenir, mais compte tenu du travail effectué par notre collègue Dominique Potier, et de la qualité d'écoute de M. le rapporteur – notamment sur les trois amendements du groupe Socialistes et apparentés qui ont été adoptés –, nous voterons cette proposition de loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Je salue le travail de M. le rapporteur : la tâche était délicate, et une pression est exercée depuis quelques jours sur les députés.
Des interrogations méritaient d'être levées, notamment en ce qui concerne l'article 3 : nous avons abouti à une solution intéressante, en votant une expérimentation sur deux ans.
Une fois n'est pas coutume, je salue la qualité des réponses qu'a adressées M. le rapporteur à l'ensemble des groupes.
Même s'il n'a pas toujours rendu un avis favorable – je le regrette –, il a pris en considération les préoccupations de tous les groupes et leur a apporté des réponses argumentées. Je salue cette attitude.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR, et sur quelques bancs du groupe RN.
Je remercie également M. Lescure, non seulement parce qu'il est l'ancien président de la commission des affaires économiques, mais aussi parce que c'est un excellent ministre. J'adresse enfin un clin d'œil au président de la commission des affaires économiques, Guillaume Kasbarian.
Nous voterons naturellement la proposition de loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Lors de la discussion générale, j'avais indiqué que le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires prendrait position en fonction de l'accueil qui serait réservé à ses amendements, peu nombreux mais consistants.
Nous regrettons le rejet de notre amendement relatif à la décartellisation de la grande distribution. Toutefois, monsieur le rapporteur, je sais que, sur le fond, vous partagez largement notre analyse quant à ce problème structurel. Vous vous êtes d'ailleurs montré bien plus ouvert que M. le ministre délégué : sans nous donner directement satisfaction, vous avez suggéré la possibilité d'une réflexion commune entre les groupes sur la meilleure manière de décartelliser la grande distribution, ou plutôt d'organiser différemment les relations entre les acteurs concernés. En outre, vous avez accepté deux de nos amendements, qui étaient, il faut bien le dire, modestes.
Comme mon ami Thierry Benoit, je salue la qualité de M. le rapporteur. Vous êtes indépendant, ce qui nous change des rapporteurs qui adoptent systématiquement la même position que le ministre. Vous vous êtes montré ouverts aux propositions, y compris lorsqu'elles venaient de l'opposition. Je vous en félicite, car c'est ainsi que doit fonctionner une vraie démocratie. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera pour l'adoption du texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Nous avons constaté que les entreprises du secteur agroalimentaire sont particulièrement exposées au contexte généralisé de hausse des coûts. La répercussion qu'aura en 2023 la hausse des prix de l'énergie sur les factures suscite beaucoup d'inquiétude chez les entreprises et les industriels agroalimentaires. L'augmentation de leurs coûts de production, ajoutée à la déflation observée dans ce secteur, entraîne une déperdition de valeur dévastatrice pour leur rentabilité, leur attractivité et leur capacité d'innovation. C'est pourquoi ce texte, dans la continuité des lois Egalim 1 et Egalim 2, a pour objet d'agir sur les conditions de la négociation commerciale, protégeant les producteurs afin d'arrêter la destruction de valeur dans la filière agroalimentaire. Il renforce les dispositions du code de commerce relatives à la négociation commerciale et aux pratiques abusives en la matière pour mieux combattre le phénomène d'évasion juridique que nous avons évoqué. Enfin, il prolonge et parfait certaines dispositions d'Egalim 1 et d'Egalim 2, et comble le vide juridique existant dans le cas où aucun accord n'est trouvé au terme des négociations commerciales.
Cette proposition de loi a été enrichie pour prendre en compte les propositions de nos collègues issus de tous les bancs, ce dont je me félicite. Je remercie également M. le rapporteur pour son engagement et sa détermination sans faille.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Monsieur le rapporteur, vous n'avez pas souhaité nommer votre loi « Egalim 3 ». Pourtant, il s'agit d'un texte d'ajustement de la loi Egalim 2. Il contient certes quelques avancées, mais il n'a rien d'une grande réforme : nous ne pourrons pas nous vanter d'avoir sauvé l'agriculture française.
En ce qui concerne l'article 2 et surtout le SRP + 10, nous n'avons pas trouvé de solution dérogatoire pour la filière fruits et légumes. Je le regrette, car cette filière est sinistrée en raison de la hausse du SRP. J'espère que les sénateurs pourront avancer davantage sur cette question. L'article 3 a été vidé de sa substance par l'introduction d'un nouveau dispositif qui sera, je le rappelle, défavorable aux PME, bien plus faciles à déréférencer que les multinationales. Étant préjudiciable aux PME, il le sera in fine aux agriculteurs.
Cela nous laisse trois points de convergence : l'article 1er , dont j'espère qu'il pourra s'appliquer sans que les règlements européens y fassent obstacle, l'article 4, qui reprend une proposition de loi que j'ai déposée en décembre 2022, et l'article 5 relatif aux grossistes.
Tout bien considéré, les députés du groupe Rassemblement national s'abstiendront sur ce texte qui comporte plusieurs imperfections et qui ne changera pas grand-chose pour les agriculteurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Laurent Alexandre vous avait annoncé d'emblée les réserves du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale quant à cette proposition de loi ; elles n'ont, ma foi, pas changé, et nous mèneront à nous abstenir.
Je vous invite à réfléchir au spectacle que nous avons donné à ceux qui suivent nos débats. Certains ont donné l'impression de plaider pour le lobby des industriels, d'autres pour celui de la grande distribution ; mais les Français se demanderont certainement où se situe leur bien, qui défend leurs intérêts.
Dans ce débat, ce sont mes collègues de la NUPES et de la France insoumise qui ont défendu les intérêts des consommateurs et des agriculteurs.
Par exemple, en matière de rémunération des agriculteurs – car vous n'avez que ces mots à la bouche –, nous avons été les seuls à proposer un prix plancher qui permettrait de les rétribuer plus justement pour leur travail. Nous avons également suggéré d'étudier en détail les marges réalisées par la grande distribution ou encore les pénalités qu'elle applique aux industriels ; bref, nous avons toujours défendu l'intérêt général et jamais l'intérêt privé. Nous avons visé en particulier la relocalisation de la production et la juste rémunération des agriculteurs.
Néanmoins, à la fin des fins, deux solutions simples et efficaces s'offrent à nous : la hausse des salaires et le blocage des prix. Tant que vous refuserez de les envisager, vous serez à côté de la plaque. Nous avons défendu ces mesures lors des élections présidentielle et législatives, et poursuivrons dans cette voie avec ou sans votre accord.
Puisqu'il me reste cinq secondes, je vous donne rendez-vous demain dans la rue pour défendre nos retraites !
Vives exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Je remercie moi aussi M. le rapporteur pour la qualité de ses réponses, ainsi que M. le ministre délégué, qui se montre aussi compétent en matière d'agriculture que d'industrie.
J'émettrai toutefois deux remarques formelles. D'une part, je rappelle que l'Assemblée nationale a voté les lois Egalim 1, puis Egalim 2 ; voici Descrozaille 1 ; je crains qu'elle ne soit rapidement suivie de la loi Descrozaille 2. En somme, nous légiférons souvent, mais pas toujours bien. Le législateur n'adopte-t-il pas une vision à trop court terme ? Par ailleurs, nous sommes en pleine crise de l'inflation : est-ce le bon moment pour voter ce texte qui, puisqu'il s'agit d'une initiative parlementaire, ne s'appuie sur aucune réelle étude d'impact ?
Sur le fond, nous lui reconnaissons bien sûr plusieurs aspects positifs. La prolongation du SRP + 10 et l'encadrement des promotions sont indispensables pour protéger les agriculteurs. En outre, le texte permet de lutter contre l'évasion juridique en restreignant la délocalisation des centrales d'achat. Toutefois, la rédaction de l'article 3, même si M. le rapporteur l'a améliorée par voie d'amendement, ne fournit pas toutes les garanties nécessaires pour prémunir les consommateurs et les PME contre l'accélération de l'inflation – les PME, dans des secteurs comme l'agroalimentaire, l'hygiène et la cosmétique, dépendent fortement de la grande distribution.
En conclusion, ce texte constitue une avancée, mais contient beaucoup d'angles morts. De nombreuses interrogations et réserves persistent, ce qui laisse présager du vote d'un nouveau texte dans quelques mois. C'est pourquoi les députés du groupe Les Républicains s'en tiendront aux positions qu'ils avaient déjà exprimées lors de l'examen des lois Egalim.
M. Maxime Minot applaudit.
Je remercie M. le rapporteur Descrozaille pour son travail exemplaire et respectueux de l'ensemble des oppositions, qu'il a su écouter. Je salue également l'actuel président de la commission des affaires économiques ainsi que son ex-président et désormais ministre délégué chargé de l'industrie, qui défendent celle-ci dans des moments difficiles. J'aimerais enfin dire aux députés du groupe LFI – NUPES qu'on les a peu vus travailler sur cette loi ; pourtant, les Français mangent trois fois par jour, et les paysans travaillent pour produire les biens alimentaires.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – MM. Bruno Millienne et Vincent Thiébaut applaudissent également.
Ce texte s'apprête à commencer sa navette entre l'Assemblée nationale et le Sénat ; il avance. Nous avons su tenir un débat parlementaire comme j'aimerais en voir plus souvent, dans lequel nous progressons malgré nos désaccords. Ce processus est nécessaire, car il est vain d'espérer trouver une réponse simple à une question si complexe. Merci, monsieur le rapporteur, d'avoir déposé cette proposition de loi.
Je conclurai en assurant à M. de Fournas que je suis favorable à ce que les professionnels puissent s'exprimer sur une loi qui les concerne. Lorsque nous parlons d'agriculture, je préfère entendre parler un député agriculteur qu'un député qui n'y connaît rien.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RN, LR et HOR.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 148
Nombre de suffrages exprimés 111
Majorité absolue 56
Pour l'adoption 111
Contre 0
La proposition de loi est adoptée.
De nombreux députés du groupe RE se lèvent et applaudissent. – Applaudissements également sur les bancs des groupes Dem et HOR.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures.
La parole est à Mme Stéphanie Rist, rapporteure de la commission des affaires sociales.
Elle est médecin et s'exprime sur un sujet de santé ! N'y a-t-il pas conflit d'intérêts ? Il faudrait demander son avis à M. Houlié…
Je ne cache pas l'émotion que j'éprouve à présenter ce soir cette proposition de loi que j'ai déposée avec mon groupe, relative à l'amélioration de l'accès aux soins. Il s'agit en effet d'une attente majeure des Français.
Ce texte répond à deux objectifs clairs : lutter contre les déserts médicaux et améliorer la qualité de la prise en charge des patients en renforçant la coopération entre les professionnels de santé. Je n'ai bien sûr pas la prétention de croire que cette proposition de loi répondra d'un seul coup de baguette magique à tous les problèmes de démographie médicale, mais elle constitue une étape supplémentaire dans la concrétisation de nos engagements en la matière. Je pense d'ailleurs qu'il est utile de rappeler quelques points de notre bilan : nous avons mis un terme au numerus clausus – enfin –, assoupli les règles de cumul emploi-retraite, renforcé le déploiement des assistants médicaux ou encore permis la vaccination par les pharmaciens et d'autres professionnels.
Dans le prolongement des travaux engagés, il est urgent d'aller plus loin. Faciliter l'accès aux soins pour tous implique de renforcer massivement la coopération et de mieux reconnaître les compétences des professionnels de santé. Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité de celle que j'ai défendue il y a deux ans, la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification. Elle fait aussi écho aux propositions formulées en octobre 2022 par le collège des professions de santé du Comité de liaison des institutions ordinales (Clio). Le développement des partages d'actes et d'activités entre médecins et professionnels de santé est incontournable pour permettre aux Français les plus fragiles, en particulier ceux qui souffrent d'une affection de longue durée (ALD), de disposer d'une équipe traitante formée de professionnels de santé travaillant en lien étroit avec un médecin. Pour redéfinir notre approche autour d'une équipe traitante, nous devons ouvrir ce que l'on appelle l'accès direct, c'est-à-dire la possibilité pour un patient de consulter en première intention un professionnel de santé autre que son médecin généraliste, mais uniquement dans le cadre d'un exercice coordonné.
Cette proposition de loi vise à nous engager sur la voie d'une simplification du parcours de soins et à accorder davantage de confiance aux professionnels de santé.
L'article 1er tend à revaloriser les missions des infirmiers en pratique avancée (IPA) et à dynamiser cette profession dont le déploiement est en cours. L'une des difficultés majeures rencontrées par les IPA exerçant en libéral réside dans l'insuffisance du nombre de patients adressés par les médecins. Beaucoup d'entre eux sont encore réticents à adresser des patients à des IPA, soit par méconnaissance de leurs compétences, soit par absence de volonté de travailler avec une profession perçue – à tort – comme concurrente. Ce mode de fonctionnement empêche le développement d'un modèle économique pourtant viable et pertinent, ce qui conduit certains infirmiers à renoncer à l'exercice en tant qu'IPA.
Il est ainsi proposé d'étendre le champ de compétences des IPA aux prescriptions de produits de santé et de prestations soumis à prescription médicale obligatoire. L'article permet également aux IPA de prendre en charge directement des patients, sans que ces derniers leur soient adressés préalablement par un médecin, à la condition qu'ils travaillent dans le cadre de structures d'exercice coordonné, qu'il s'agisse des équipes de soins primaires, des centres de santé, des maisons de santé ou des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui ont vocation à être généralisées sur l'ensemble du territoire.
Je tiens à rappeler que le domaine d'expertise, les compétences et le champ d'activité de la profession d'infirmier de pratique avancée sont déjà définis par la loi. Afin de mieux structurer et organiser la profession, mais également afin de donner plus de lisibilité aux patients, l'article propose de créer deux types d'IPA, à savoir des IPA spécialisés et des IPA praticiens. Il s'agit d'un même métier avec des modalités d'exercice différent.
Les articles 2 et 3 visent respectivement à ouvrir l'accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes. L'accès direct à ces professionnels est nécessaire pour fluidifier le parcours de soins du patient et dégager du temps médical. Même si le médecin ne sera plus consulté forcément en premier, sa place reste centrale dans notre système de santé. L'accès direct n'est pas ouvert à tous les masseurs-kinésithérapeutes et orthophonistes, mais aux seuls professionnels qui exercent dans une structure de soins coordonnés. Un bilan initial et un compte rendu des soins prodigués seront adressés au médecin traitant et reportés dans le dossier médical partagé, sans quoi, comme l'a prévu la commission, les actes qu'ils réalisent seront mis à leur charge.
Enfin, l'article 4 propose de créer une profession d'assistant dentaire de niveau 2. Cette proposition répond à une demande forte et a été élaborée depuis plusieurs années avec les professionnels concernés. Je vous proposerai un amendement de rédaction globale de cet article pour le rendre pleinement conforme aux attentes de la profession. Ces assistants dentaires de niveau 2 pourront effectuer les actes habituellement pratiqués par le chirurgien-dentiste, tels que les détartrages et la réalisation d'imageries. Alors que des difficultés d'accès aux soins bucco-dentaires sont observées dans de nombreux territoires, la création de cette profession apparaît comme essentielle pour libérer du temps médical au chirurgien-dentiste et mieux développer la prévention bucco-dentaire.
Je présenterai des amendements afin que soient définies au sein des projets de santé des CPTS les modalités de coordination de l'accès direct. Ces précisions seront coconstruites avec les acteurs de terrain, ce qui répond à la volonté exprimée par différents parlementaires lors de l'examen en commission.
Enfin, j'entends certaines craintes émises par des parlementaires mais aussi par des médecins, de manière parfois assez forte, dans les médias. Le travail que nous avons réalisé en commission et que nous allons poursuivre permettra aux médecins d'être rassurés quant à la place centrale qu'induit naturellement leur expertise.
Par ailleurs, j'accorde mon soutien aux nombreux infirmiers anesthésistes quant à la nécessaire reconnaissance de leur exercice comme pratique avancée. Les règles de recevabilité relatives à l'examen des amendements ne nous ont pas permis d'engager en commission un dialogue sur cette demande légitime.
Certains points feront sans doute encore l'objet de débats, et j'ai la conviction que ce texte sera amélioré par l'examen en séance publique et par la mobilisation de députés de tous les groupes. J'espère en effet que l'amélioration de l'accès aux soins n'est pas l'apanage d'une seule couleur politique.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé.
Nous abordons ensemble l'examen d'une proposition de loi qui comporte des dispositions importantes pour accélérer le décloisonnement de notre système de santé.
L'esprit de ce texte, qui s'inscrit dans une démarche plus large, est celui d'une meilleure coopération entre les professionnels de santé, qui doit permettre, sans dégrader la qualité des soins, de libérer du temps médical et de faciliter l'accès à la santé pour nos concitoyens. La proposition de loi s'inscrit ainsi dans le cadre de la refondation de notre système de santé dont les grandes lignes ont été fixées par le Président de la République le 6 janvier 2023. Cette refondation que nous conduisons, François Braun et moi, est basée sur deux grands principes : une meilleure coordination de l'ensemble des acteurs du système de santé, à la ville comme à l'hôpital, et une adaptation territoriale de notre politique car s'il faut penser globalement, il faut agir localement.
La pandémie de covid-19 nous a tous profondément marqués. Tous les systèmes de santé du monde connaissent maintenant des difficultés, même si, collectivement, nous avons fait face à la situation : nous avons déployé des ressources et des moyens parfaitement inédits, inventé de nouvelles solutions et bâti des solidarités nouvelles. En effet, au cœur de toute crise se loge la possibilité d'en ressortir plus forts et de bâtir notre résilience sur les difficultés surmontées. Ainsi, nous sommes à un moment charnière pour notre système de santé. Il nous appartient de nous inscrire dans ce mouvement qui fait bouger les lignes et de tracer le chemin d'un système de santé où chaque professionnel trouve sa place, où le cadre d'une collaboration entre tous les professionnels de santé permet de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens et de lutter contre toutes les inégalités d'accès à la santé.
Notre premier combat est en effet celui de l'accès à la santé : nous voulons prendre soin de nos concitoyens mais aussi de ceux qui les soignent. Notre ambition est de poursuivre avec énergie la lutte contre toutes les inégalités en matière de santé, qu'elles soient sociales, géographiques ou liées à une vulnérabilité particulière du fait du handicap ou du grand âge, par exemple. Je sais qu'il s'agit d'un combat partagé sur les bancs de cet hémicycle ; je sais que vous avez tous à cœur de trouver des solutions pour qu'aucun de nos concitoyens ne soit un laissé-pour-compte, sans accès aux soins.
Pour l'éviter, nous avons déjà collectivement agi. Le budget de la sécurité sociale pour 2023 comprend de nombreuses mesures opérationnelles et efficaces pour l'accès aux soins, dont certaines sont d'origine parlementaire et transpartisane. Parmi ces mesures, on compte la simplification des aides à l'installation, les expérimentations relatives à l'établissement de certificats de décès par les infirmiers ou les consultations avancées en zones sous-denses. En outre, nous faisons prendre à notre système de santé un virage préventif en instituant des rendez-vous de prévention tout au long de la vie, en instaurant la gratuité des préservatifs pour les moins de 26 ans, en améliorant le dépistage des infections sexuellement transmissibles et en élargissant les diagnostics néonataux.
Nous avons agi et nous continuons d'agir parce que notre système de protection sociale est fondé sur une promesse d'équité et de solidarité. De crise en crise, nous sommes bel et bien dans une situation de crise structurelle de l'accès à la santé, à laquelle il faut répondre par des changements profonds, en ville comme à l'hôpital.
Il y a bien sûr urgence à agir, mais il ne faut pas pour autant se précipiter et prendre des décisions sans en avoir évalué les conséquences à court, à moyen et surtout à long terme.
L'urgence, ce sont nos 657 000 concitoyens atteints de maladies chroniques qui n'ont pas accès à un médecin traitant ou à une équipe traitante. Il faut regarder cette réalité en face et ne pas la minimiser. Nous avons pris l'engagement que chacun d'entre eux se voie proposer une solution. Lors de son allocution à Corbeil-Essonnes le 6 janvier, le Président de la République a rappelé cette priorité d'action qui doit maintenant être adossée à des mesures immédiates.
L'urgence, c'est de mettre en adéquation les besoins de santé des Françaises et des Français avec une offre de soins qui est largement fragilisée. Bien entendu, nous avons déjà pris des mesures fortes, notamment pour renforcer nos effectifs. En ce qui concerne les médecins par exemple, la suppression du numerus clausus nous permettra à terme d'accroître le nombre de professionnels en exercice. Il nous faudra malheureusement attendre encore plusieurs années – environ huit ans – avant de constater sur le terrain les effets de cette mesure. Avec les régions, nous avons ajouté plus de 5 000 places dans les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) et plus de 3 000 places dans les instituts de formation des aides-soignants (Ifas). Nous avons commencé à former des infirmiers et infirmières en pratique avancée, qui sont actuellement près de 2 000 ; les assistants médicaux sont près de 4 000.
Pour aller plus vite, car la situation l'exige, non seulement nous devons poursuivre le renforcement de nos effectifs, mais il nous faut également mobiliser tous les leviers permettant de gagner du temps médical pour nos soignants au service des patients.
C'est pour nos soignants que nous œuvrons. Nous voulons avancer dans la voie du renouvellement et de la diversité des pratiques et donner de nouvelles responsabilités ainsi que des perspectives de carrière à celles et ceux qui ont choisi de consacrer leur carrière aux autres. Ils nous le demandent. C'est un enjeu majeur pour fidéliser les professionnels, pour améliorer l'attractivité des métiers du soin et leur redonner du sens. Vous l'aurez compris, imaginer, créer et développer les nouveaux métiers de la santé, exercés par ceux qui soigneront les Français, répond à la double exigence de rénovation des carrières sanitaires et de renforcement de l'accès aux soins.
Nous nous y sommes attelés grâce aux leviers que constituent la pratique avancée, les partages et les délégations de compétences, qui doivent se déployer prioritairement dans des organisations territoriales collectives et coordonnées.
Je veux être claire : l'objectif n'est en aucun cas de mettre de côté le médecin généraliste ; je sais que ce souci est partagé par la rapporteure. Le médecin généraliste doit rester la pierre angulaire de notre système de santé. L'objectif est de renforcer la place centrale du médecin généraliste traitant et d'accroître encore et toujours le niveau de coopération entre les professions de santé pour mieux répondre aux besoins de santé.
Ayant suivi avec attention les débats en commission, j'ai entendu les questions émanant de tous les groupes sur le statut des infirmiers anesthésistes diplômés d'État (Iade) et je veux prendre quelques instants pour en parler. Le métier d'Iade, comme celui d'infirmier de bloc opératoire diplômé d'État (Ibode) et celui d'infirmière puéricultrice, est aussi spécifique que celui d'infirmier en pratique avancée, qui est plus récent. Pour chacun de ces métiers, il faut définir un cadre particulier d'exercice en pratique avancée. Ce cadre est appelé à se stabiliser en fonction des concertations que nous menons en associant les parties prenantes intéressées. Le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR), rédigé par Jean Debeaupuis et Patrice Blémont, propose dans cette perspective de maintenir la notion de spécialité infirmière. Cette notion ancienne demeure structurante dans l'identité de ces professionnels, en France. Il y aura bien sûr des changements à opérer mais ils relèvent principalement du champ réglementaire. Les Iade, les Ibode et les puéricultrices ont une page essentielle à écrire dans ce que nous élaborons actuellement autour de la pratique avancée. Si certains parlementaires veulent être associés à ce travail, ils sont les bienvenus. Le décloisonnement de notre système de santé doit se faire selon une logique de responsabilité partagée, qui définit des droits et des devoirs.
Il est indispensable de trouver les voies qui nous permettront de mieux concilier le principe de liberté, qui structure l'exercice libéral et ne saurait être remis en cause, avec la nécessité d'un plus fort engagement territorial. Le Président de la République l'a dit lors de ses vœux aux acteurs de la santé : nous souhaitons qu'il y ait une part structurante de la rémunération qui repose sur des objectifs de santé publique à l'échelle d'un territoire. Je crois profondément que le médecin traitant assure un rôle central dans la réponse locale aux besoins de santé. Nous devons mieux reconnaître et mieux valoriser ce rôle qui consiste, pour un médecin, à s'engager pour ses patients en créant de la coopération à l'échelle de son territoire. Pour susciter et ancrer cet engagement, la solution n'est pas d'imposer la contrainte mais de susciter la confiance.
Dans le cadre d'une démarche collective pour la santé des Français, il nous faut encourager le plus grand nombre de médecins à s'engager au service de leurs patients et de leur territoire. Certains le font déjà ; ils doivent bénéficier d'une valorisation financière supérieure.
De quel type d'engagement parlons-nous ? Très concrètement, il s'agit, par exemple, d'accepter de prendre en charge des patients qui ne trouvent pas de médecin traitant, d'assurer des soins non programmés, de limiter le reste à charge pour les patients ou bien encore de proposer des parcours de prise en charge pluriprofessionnels à travers un exercice coordonné.
Nous souhaitons investir davantage de moyens, mais pour qu'ils soient efficaces, encore faut-il les investir au bon endroit : c'est l'objet du mécanisme d'engagement territorial, que nous proposons d'intégrer à la proposition de loi, et qui pourra être détaillé dans la prochaine convention médicale, en cours de négociation.
L'objet de votre proposition de loi, madame la rapporteure, est d'améliorer notre capacité à répondre aux besoins de santé en accordant aux professionnels notre confiance : je tiens à insister sur ce terme, car au regard de leur mobilisation et de leur engagement exemplaire, au quotidien comme dans les crises que nous traversons, nous leur devons cette confiance. Je vous remercie donc, madame la rapporteure, ainsi que l'ensemble des cosignataires du texte, pour cette proposition de loi qui s'inscrit dans la démarche que j'ai présentée, tendant à assurer une meilleure coopération et un exercice coordonné entre les professionnels de santé.
Depuis ma prise de fonctions, j'ai effectué près de cinquante déplacements dans tout le territoire. Chaque fois, j'ai rencontré des professionnels – y compris des jeunes professionnels – animés par une réelle vocation et une véritable ambition : il est de notre devoir d'attiser encore la flamme qui les anime, et non de l'éteindre ! Comme nous l'observons sur le terrain, les mesures que nous avons déjà prises en ce sens fonctionnent. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 a élargi les compétences vaccinales des sages-femmes, infirmiers, pharmaciens et, grâce à un amendement parlementaire, des étudiants en médecine et pharmacie. Nous avons ainsi simplifié les parcours et multiplié les accès à la vaccination. En outre, le libre accès à la contraception d'urgence pour toutes les femmes en pharmacie, définitivement adopté le 23 décembre 2022, était en application dès le 1er janvier 2023.
En tant qu'ancienne parlementaire, j'ai à cœur que les décisions du législateur soient appliquées. Dans cette logique, le plafonnement des rémunérations en intérim adopté dans le cadre de la loi Rist, entrera en vigueur dès le printemps.
La montée en charge des infirmiers en pratique avancée, le déploiement d'assistants médicaux et bucco-dentaires et l'accès facilité aux kinésithérapeutes et orthophonistes dans le cadre d'un exercice coordonné pour le bien des patients, sont autant de mesures au service de l'amélioration de la prise en charge des patients. Pour le Gouvernement, la proposition de loi va donc dans le bon sens.
Optimiste raisonnée, je ne suis pas pour autant adepte d'angélisme : si je suis convaincue et déterminée, je suis également consciente des réalités et je sais que, sur ce chemin, nous devons prendre le temps d'avancer sans nous précipiter, en posant des limites claires, en définissant des cadres précis et en évaluant, au fil de l'eau, les décisions que nous prenons.
Le débat que vous avez eu en commission au sujet de la possibilité de permettre un accès direct aux professionnels exerçant au sein d'une CPTS en est une bonne illustration. Soyons honnêtes : le niveau de coopération au sein des 400 CPTS du territoire est inégal. À la suite de ce débat, plusieurs amendements, déposés par Mme la rapporteure, M. Valletoux et M. Colombani, visent à mieux définir les conditions de l'exercice coordonné – et donc de l'accès direct – dans le projet de la CPTS : le Gouvernement les soutiendra, car non seulement ils renforceront le développement des CPTS dans nos territoires, mais ils garantiront également la qualité et la sécurité des soins. Nous devons, collectivement, nous projeter dans une vision systémique de la réponse aux besoins de santé – une réponse dans laquelle chacun, à sa juste place, sera le plus efficace et le plus utile.
Pour réformer sans déformer ni abîmer, pour mobiliser sans contraindre, nous devons aussi faire confiance aux professionnels de santé et à leur capacité de s'approprier les nouveaux outils que nous mettons à leur disposition, territoire par territoire, dans une logique de coopération et de responsabilité territoriale.
Mesdames et messieurs les députés, nous sommes ici pour débattre et progresser dans la voie ouverte au service de la santé de nos concitoyens. Je salue le travail parlementaire qui a été mené sur le texte, et j'aurai à cœur de le montrer en émettant un avis favorable sur des amendements provenant de l'ensemble des bancs.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Au moment où notre système de santé connaît une crise grave, dont les racines sont anciennes, et alors que la question de l'accès aux soins est l'une des angoisses les plus fortes de nos concitoyens, qui voient le système de santé se déliter sous leurs yeux, nous lançons, avec la proposition de loi déposée par Stéphanie Rist, un débat majeur – le premier que nous avons après l'important discours du Président de la République, qui, le 6 janvier, a dressé un tableau lucide de notre système de santé, aujourd'hui à genoux, et ouvert la voie à des réformes volontaristes, ambitieuses et tant attendues, pour le remettre sur pied.
Nous en sommes tous particulièrement conscients : le choc de la démographie médicale frappe de plein fouet nos territoires. Et la crise s'accélère : la France a perdu 6 000 généralistes ces dix dernières années ; elle en perdra 6 000 autres rien qu'au cours des cinq prochaines. Les chiffres parlent d'eux-mêmes – vous les connaissez : 87 % du territoire est considéré comme une zone particulièrement sous-dense en personnel médical, et 11 % des patients de plus de 17 ans n'ont pas de médecin traitant – cela correspond à environ 6 millions de nos concitoyens, dont 600 000 personnes souffrant d'une affection de longue durée.
À l'arrivée, les perdants sont avant tout les patients, qui rencontrent des difficultés pour consulter un médecin : ils paient plein pot trente ans de décisions politiques et administratives malheureuses, de sous-investissements chroniques et de déconsidération des professionnels de santé. Mais la situation n'est pas sans conséquence pour les médecins eux-mêmes, qui font face à des salles d'attente toujours pleines et à la pression – parfois physique – de patients en demande d'une consultation. Il en résulte, hélas, une perte de sens de leur métier et des situations d'épuisement, particulièrement pour les professionnels de santé installés dans les zones sous-denses. Ces problèmes doivent être rapidement pris à bras-le-corps, et nous devons apporter une réponse forte et claire aux Français qui n'ont pas de médecin traitant, à nos concitoyens isolés et aux aidants à bout de souffle.
Le texte présenté permettra de redonner aux médecins du temps médical, de faciliter l'accès aux soins des Français, mais aussi – et c'est important – d'envoyer un signal fort de confiance à tous les professionnels de santé.
Libérer du temps médical pour nos soignants, à l'hôpital comme en ville, est justement l'un des objectifs affichés par le Président de la République le 6 janvier. C'est une décision de bon sens, qui procède d'une vision moderne du rôle de chacun des professionnels dans un système de santé aujourd'hui trop traversé de conservatismes et de corporatismes. Afin d'assurer à nos concitoyens la continuité, la qualité et la permanence des soins, la libération du temps médical devra s'accompagner d'une meilleure distribution et d'un décloisonnement des compétences, car le cloisonnement actuel sclérose notre système de santé.
Donner plus de responsabilités aux professionnels paramédicaux n'est pas une idée nouvelle, mais elle continue d'être régulièrement évoquée, comme lors d'une réunion organisée dans ma circonscription dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) consacré à la santé, à laquelle Mme la ministre déléguée avait participé. Médecins et paramédicaux de terrain, tous étaient d'accord : il est nécessaire d'avancer dans cette voie. Je me réjouis donc que cette piste de réflexion soit inscrite dans la proposition de loi.
S'il n'est pas une potion miracle qui guérira d'un coup le système de santé de tous ses maux, le texte, qui contient des mesures directement applicables, constitue une pierre utile à l'édifice et permet de faire un pas décisif dans l'accès de tous aux soins. Sur le terrain, nous le savons, l'engagement et la volonté d'avancer sont là : il est donc temps de faire confiance aux professionnels, et c'est l'objectif de la proposition de loi.
La libération massive de temps médical est indispensable ; elle doit s'accompagner d'une généralisation et d'une simplification des délégations d'actes, ainsi que d'une répartition plus juste des obligations. En permettant l'accès direct à trois professions paramédicales et en créant une nouvelle profession intermédiaire en médecine dentaire, le texte concourt nettement à cet objectif.
Très courante dans d'autres pays – notamment dans les pays anglo-saxons –, la pratique avancée doit permettre de libérer du temps médical pour les médecins et de mieux prendre en charge les patients en facilitant leur accès aux soins primaires. Désormais, un patient pourra donc être remboursé s'il consulte un kinésithérapeute ou un orthophoniste, même sans prescription médicale – et donc sans avoir préalablement consulté un généraliste : c'est autant de temps médical libéré pour les médecins, qui pourront prendre en charge des patients plus urgents ou des cas pathologiques. La sécurité des soins est assurée par l'information systématique du médecin traitant, à qui sont communiqués les bilans et comptes rendus de séances.
Dans la même perspective, la création d'une nouvelle profession, les assistants en médecine bucco-dentaire, permettra aux chirurgiens-dentistes de déléguer des tâches, leur libérant du temps pour les actes complexes.
Au vu des mesures qu'elle prévoit, la proposition de loi va dans le bon sens et assure la continuité, la qualité et la permanence des soins. Le groupe Horizons et apparentés la soutiendra donc.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
L'accès aux soins est un sujet crucial. Pourtant, force est de constater que c'est uniquement au pied du mur que des réformes sont envisagées. Coupes budgétaires, rentabilisation, industrialisation des actes, marchandisation des soins et insuffisance de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) ont été, au fond, les seuls axes des politiques publiques menées ces dernières années.
Les conditions de travail des personnels de santé se sont dégradées. Résultat : des métiers peu attractifs, beaucoup de reconversions et, pour celles et ceux qui restent, l'épuisement et le sentiment d'impuissance.
Au-delà du périmètre des compétences, l'amélioration des conditions de travail devrait être une priorité pour le Gouvernement, car les conséquences de leur détérioration pour les patientes et les patients sont aujourd'hui terribles. Notre système de santé est au bord du gouffre, peut-être même est-il déjà tombé dedans. Pour éviter la catastrophe, la valorisation des métiers du soin et la revalorisation des professionnels doivent être une priorité. En ce sens, l'ambition affichée par la proposition de loi est juste.
Toutefois, en commission, nous avons émis des réserves, non pas sur le fond du texte, mais sur les conditions d'exercice des nouvelles missions proposées. En effet, en permettant l'accès direct aux IPA, masseurs-kinésithérapeutes et orthophonistes dans le cadre de structures d'exercice coordonné, le texte élargit leurs responsabilités. La question de la primo-prescription par les IPA est également posée. Si nous saluons la montée en responsabilité de ces professionnels, qui tend à reconnaître leurs qualifications, nous sommes surpris que ces propositions ne soient pas accompagnées de la promesse d'une importante revalorisation salariale.
Autre source d'interrogations : de nombreuses mesures formant pourtant le corps de la proposition de loi seront définies par décret, nous laissant dans l'incertitude. C'est le cas, par exemple, des prérogatives des IPA spécialisés et des IPA praticiens, ou des compétences des assistants en médecine bucco-dentaire. Vous nous demandez ici de vous accorder une confiance quasi aveugle.
Bien que nous n'ayons pas obtenu toutes les victoires attendues, nos échanges en commission ont permis d'aboutir à un texte allant vers une meilleure reconnaissance du métier d'infirmier – occupé à 87 % par des femmes – et, plus globalement, de l'importance des professionnels paramédicaux, ainsi qu'une légère libération de temps médical pour certains médecins généralistes, par délégation de tâches. Par ailleurs, en parallèle de nos échanges en commission, différents groupements de professionnels nous ont fait part cette semaine de leur approbation du texte. Aussi, malgré nos réserves, nous reconnaissons que celui-ci entérine une amélioration et permet déjà, en l'état, des avancées importantes.
Nous proposons donc de l'adopter, tout en restant vigilants sur le fait que les nouvelles responsabilités données aux IPA, masseurs-kinésithérapeutes et orthophonistes doivent, par ricochet, conduire à une augmentation de leurs salaires et à une meilleure reconnaissance de leur rôle essentiel. Nous continuerons à être attentifs à la coordination entre paramédicaux et médecins généralistes, dont les métiers sont complémentaires, et resterons mobilisés pour lutter contre la désertification médicale. Nous nous risquons à un vote de confiance ; s'il vous plaît, ne nous décevez pas !
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – Mme Michèle Peyron applaudit également.
L'objectif – louable – de la proposition de loi est de faire face, à court terme, à la pénurie de médecins, et d'améliorer, autant que faire se peut, la situation dans les déserts médicaux. Le problème est que vous cherchez à conjurer les conséquences d'un système sans jamais remettre celui-ci en cause. Pire : en défendant la liberté d'installation des médecins, vous le protégez. En effet, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, mais aussi de toutes les propositions de loi déposées par notre groupe sur ce sujet, vous avez systématiquement rejeté toutes nos propositions tendant à équilibrer l'offre de santé dans nos territoires. Dans le même temps, vous ne prenez pas la mesure de la situation de l'hôpital public, qui, faute de moyens financiers et humains suffisants, est littéralement à genoux.
On en est là, et la situation est tellement critique dans de nombreux départements du territoire français qu'il faut trouver des réponses en urgence – ou plutôt des pansements, des rustines, voire des cache-misère. Certes, votre proposition de loi contient des mesures intéressantes. Mais elle soulève aussi un problème de méthode et plusieurs interrogations de fond.
Un problème de méthode, d'abord, car elle intègre dans le droit commun des expérimentations qui n'ont pas encore débuté – c'est le cas de la revalorisation des fonctions des IPA – ou sont en voie d'achèvement et sur lesquelles nous ne disposons d'aucun recul – c'est le cas de l'accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes. Les premiers retours concernant les IPA mettent en lumière certaines difficultés : protocoles de coopération trop rigides entre médecins et IPA ; difficultés pour ceux en libéral à se construire une patientèle ; difficultés d'accès à la formation continue. Autant d'embûches auxquelles les expérimentations pourraient apporter des réponses, à condition qu'elles soient menées à leur terme.
Venons-en aux interrogations de fond.
Les nouvelles fonctions confiées aux IPA visent un objectif clair : trouver à court terme des réponses à la désertification médicale. Le risque existe cependant de transformer les IPA en substituts des médecins manquants, alors que leurs fonctions devraient demeurer complémentaires de l'exercice médical. Dit autrement, on n'est pas à l'abri d'une dérive vers une sous-pratique médicale, au lieu d'une pratique infirmière autonome. Ainsi, en autorisant les IPA à pratiquer la primo-prescription, on change la nature de leurs fonctions. Ils ne seront plus un relais de suivi et de soins dans un parcours global coordonné par le médecin, mais pourront réaliser des prescriptions médicales, administrer des soins et adresser le patient au second recours sans concertation préalable avec le médecin traitant. En France, environ 6 millions de personnes, dont 650 000 en ALD, n'ont pas de médecin traitant. Vous en conviendrez, le risque de substitution est réel, d'autant que les patients pourront avoir directement accès aux IPA grâce à une disposition intégrée dans votre proposition de loi.
Je m'inquiète également de l'avenir des spécificités statutaires des Iade. Il faut les réaffirmer car le risque de leur dissolution dans le statut des IPA est réel. De même, comment coexisteront les IPA et des infirmières Asalee – Action de santé libérale en équipe –, et plus largement le dispositif Asalee, qui a fait ses preuves ? Enfin, qu'en sera-t-il des assistants médicaux ? Autant de questions qui restent en suspens.
Et que faites-vous de la reconnaissance salariale des IPA, du manque de valorisation de leur métier, des difficultés qu'ils rencontrent en matière de formation continue ? La proposition de loi n'y apporte pas de réponse satisfaisante. Pourtant, ces problèmes expliquent en partie le faible nombre d'infirmiers qui se forment à la pratique avancée – estimés à 1 700 en 2022, ils représentent moins de 1 % de l'effectif.
Sans nier les quelques avancées, bienvenues sur le terrain, nous estimons que cette proposition de loi illustre surtout votre volonté de vous raccrocher aux branches alors que la situation est dramatique dans les territoires. Plutôt que des solutions au rabais, elle exige des réponses de fond, durables, et donc des orientations radicalement différentes en matière de politique de santé. Les propositions que nous avons formulées pour mettre fin aux déserts médicaux sont toujours sur la table, à votre disposition.
Les députés du groupe GDR – NUPES s'abstiendront sur cette proposition de loi.
Le Président de la République l'a réaffirmé lors de ses vœux aux soignants : il est indispensable de dégager du temps de soin en repensant notre organisation de manière coopérative. Pendant plusieurs décennies, nous avons formé de moins en moins de soignants à la faveur d'économies budgétaires insidieuses qui n'ont fait que fragiliser notre système de santé. Beaucoup de praticiens arrivent à l'âge de la retraite et les nouvelles générations ne sont pas assez nombreuses pour compenser ces départs. Pour les patients, cela se traduit par des difficultés croissantes à trouver un médecin traitant.
Alors que nous vivons plus longtemps et que les virus circulent plus rapidement, il est nécessaire de répondre aux inquiétudes des Français qui souhaitent être reçus dans les meilleurs délais et bénéficier de soins de qualité. Il est également indispensable de répondre aux inquiétudes et à l'épuisement de nos soignants, qui ont besoin de retrouver du sens dans leur métier. Le constat est unanime : il faut soigner plus, tout en soignant mieux.
Et nous avons déjà collectivement agi en ce sens. Le Président l'a rappelé, en trois ans, le budget de la santé a augmenté de 50 milliards d'euros. Nous avons supprimé le numerus clausus, soutenu des innovations telles que la télémédecine, mais également la revalorisation salariale et l'augmentation du nombre de soignants.
Il est désormais nécessaire d'aller plus loin, de réfléchir plus globalement à la revalorisation des professions de santé, à la liberté et à la confiance qui pourraient leur être accordées et, surtout, à un partage de compétences efficient entre elles. Je salue le travail et l'investissement de notre collègue Stéphanie Rist dont la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins s'inscrit pleinement dans cette logique en favorisant la délégation de tâches entre les professionnels, et donc une coopération accrue. Ainsi les masseurs-kinésithérapeutes et les orthophonistes seront-ils directement accessibles aux patients, tout comme les infirmiers en pratique avancée qui pourront également être primo-prescripteurs pour des pathologies courantes, considérées comme bénignes. Les dentistes pourront, quant à eux, être entourés d'assistants en médecine bucco-dentaire.
Ces dispositions, qui s'inscriront strictement dans le périmètre des compétences déterminées par les diplômes des professionnels concernés, permettront aux médecins généralistes de gagner du temps médical. Ces derniers conserveront néanmoins leur place centrale dans le parcours de soins et la loi prévoit que les dispositions susmentionnées ne seront applicables que dans le cadre d'un exercice coordonné.
Nous avons entendu les craintes des généralistes. C'est pourquoi nous avons conditionné le règlement des actes à leur dépôt au dossier médical partagé. Nous allons également renforcer les conditions d'inscription de ces dispositions au sein des communautés professionnelles territoriales de santé.
Le groupe Renaissance apportera tout son soutien à ce texte ambitieux, fruit de multiples concertations, car nous croyons en les compétences de nos professionnels de santé et en leur capacité à travailler ensemble, dans l'intérêt des patients. Nous croyons surtout en la nécessité de décloisonner notre système de santé.
Madame la ministre déléguée, permettez-moi d'appeler votre attention sur les lourdeurs administratives qui pèsent sur nos soignants, alourdissant leur charge de travail comme leur charge mentale, au détriment de leurs patients. Des marges de manœuvre existent et il faut rapidement, et sans hésitation, retirer ces petits cailloux gênants. À titre d'exemple, une infirmière peut prescrire les pansements dont elle a besoin, mais pas les antiseptiques. Pourtant, c'est bien elle qui indique aux médecins les produits qui lui seront nécessaires. Nous pourrions sans doute dégager du temps médical au bénéfice de la qualité de la prise en charge du patient en remédiant à ce type de situations.
Il faut réfléchir, plus globalement, à l'évolution des métiers des professionnels de santé, mais également à la considération et à la reconnaissance que nous leur devons.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Votre texte propose de lutter contre les déserts médicaux qui sont le résultat de la pénurie, totalement artificielle, de médecins généralistes, en donnant libre accès et en ouvrant la primo-prescription à trois catégories de professions paramédicales : infirmiers de pratique avancée, masseurs-kinésithérapeutes et orthophonistes.
Les Français nous disent « Pourquoi pas, si cela raccourcit les délais de prise en charge en court-circuitant les prescriptions d'un généraliste ? » Nous l'entendons parfaitement et nous ne supporterions pas qu'il soit dit que nous n'aidons pas à la disparition des déserts médicaux. Mais – son titre en témoigne – votre proposition de loi vise également à instaurer la confiance entre patients et soignants, et entre différents professionnels de santé, par une coordination sans faille.
Et là, les écueils sont nombreux. Les 1 700 IPA salariés et 50 libéraux – qui ont reçu une formation de cinq ans, suivie d'une spécialisation de trois ans – ont trouvé leur place dans des structures encadrées et coordonnées, au bénéfice de tous, semble-t-il, dès lors que la coordination avec le médecin traitant est totale. L'élargissement de leurs missions, sur le modèle de ce que vous proposez pour les cabinets dentaires, peut être efficace – Marine Le Pen ne disait pas autre chose dans son programme. Mais nous n'acceptons pas leur inclusion dans le dispositif des CPTS, structures mal définies où la coopération entre professionnels de santé est très aléatoire. Cela conditionnera sans doute une partie de notre vote.
Votre projet vise en réalité à transférer les petites urgences et les maladies chroniques stabilisées, soit 70 % de l'activité des généralistes, aux IPA. Pourtant, on impose aux généralistes dix ans d'études pour le même travail. Cherchez l'erreur ! Pourtant, on doit toujours demander conseil à son généraliste pour accéder à un spécialiste. Cherchez également l'erreur !
Les généralistes vont en tirer des conclusions, si j'ai bien entendu leurs propos. L'intégration des IPA aux CPTS risque d'entraîner le désengagement des généralistes, qui peuvent de surcroît inciter leurs patients à ne pas présenter leur dossier médical partagé. Que ferez-vous alors ?
Les masseurs-kinésithérapeutes, quant à eux, autre profession en tension, n'étudieront pas plus longtemps, mais pourront prescrire des radiographies – voire des examens d'imagerie par résonance magnétique (IRM) –, les lire, mais aussi prescrire des traitements, des injections ou du grand appareillage. Dans ce contexte, comment comprendre la dixième année d'études obligatoire pour les médecins généralistes ?
Nous comprenons l'urgence de l'accès direct, mais n'ouvrons pas la boîte de Pandore ! C'est d'ailleurs ce que nous disent les masseurs-kinésithérapeutes expérimentés, peut-être plus prudents que leurs jeunes collègues, et qui connaissent bien leurs compétences, mais aussi leurs limites.
Les orthophonistes – ô combien précieux face à la montée des difficultés d'apprentissage de nos enfants – sont souvent directement sollicités par les enseignants et les familles. Les plus anciens nous expliquent que des bilans regardés comme normaux aujourd'hui étaient considérés comme pathologiques il y a dix ans ; or il y va du développement neurocognitif, sensoriel, moteur et psychoaffectif des enfants. L'avis d'un médecin généraliste, voire celui d'un neuropédiatre, ne seraient-ils pas, dans ce cadre, nécessaires ?
Enfin, concernant les assistants dentaires, le transfert de tâches n'est guère que la confirmation d'un état de fait. L'unité de temps et de lieu d'un cabinet dentaire induit une coordination fructueuse. C'est la demande des deux parties ; nous y accéderons.
Mais, madame la rapporteure, vous l'avez avoué, cette proposition de loi n'est qu'une étape. Vous envisagez déjà un élargissement à tous les professionnels paramédicaux – podologues, psychomotriciens, etc. Vous organisez donc la balkanisation de la médecine générale, par un transfert complet des tâches, sur le modèle totalement inadapté du Grand Nord canadien, et de sa faible médicalisation.
Dès 2003, lorsque le rapport présenté par le professeur Yvon Berland a été publié, alors qu'il n'y avait aucune pénurie, la duplicité était claire : l'objectif était de financiariser le système de santé. Les honoraires n'étant pas revalorisés, les professions ne seront plus attractives et les structures deviendront la proie de grands groupes financiers.
Nous ne nous opposerons pas frontalement à l'attente des Français. Toutefois, conscients de la nécessité de préserver les compétences de notre médecine, nous aurions préféré la poursuite des expérimentations que vous aviez votées. En tout état de cause, nous irons dans le sens d'une réorganisation inventive, et respectueuse de tous, de notre système de santé.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous partageons la philosophie générale de votre texte. Oui, l'accès aux professions de santé est un progrès dans l'accès aux soins, surtout à l'heure où certains envisagent de maltraiter les corps plus longtemps en repoussant l'âge de la retraite.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Quoi qu'il en soit, ce projet maintient la centralité du médecin généraliste dans le parcours de santé, tout en multipliant les voies d'accès rapides aux soins. Contrairement à certaines craintes qui se sont exprimées, le rôle des médecins ne peut que sortir renforcé d'une amélioration des conditions d'accueil des patients.
En outre, si certains demeurent dubitatifs à l'égard des coopérations que vous souhaitez renforcer, l'absence de cadre légal ne les motivera pas davantage. Il y a urgence car l'espérance de vie a reculé par rapport à 2019 et le sentiment d'être en mauvaise santé augmente ; 10 % des médecins refusent des patients bénéficiaires d'une couverture santé complémentaire ; les 10 % les plus pauvres ont trois fois plus de risques que les 10 % les plus riches de développer un diabète.
Face aux risques pour le pays, notre responsabilité nous oblige. Nous devons élaborer un projet commun, avec l'aide de toutes les sensibilités républicaines rassemblées ici. Le vote final du groupe La France insoumise dépendra de l'accueil que vous réserverez à nos propositions, inspirées par les professionnels qui nous ont sollicités.
Entendez, sur de nombreux bancs, l'appel à une coopération plus étroite. Cet objectif rassemble plusieurs centaines d'entre nous autour de la proposition de loi contre les déserts médicaux, d'initiative transpartisane. Certes, sur les CPTS, vous avez avancé de manière notable, et nous le saluons. Vous avez fait la moitié du chemin ; nous vous proposons, pour parcourir la seconde moitié, de définir les soins éligibles à un accès direct, par le biais de protocoles de collaboration. C'est la condition d'une véritable coopération entre les différents professionnels. Pour y parvenir, il est fondamental d'intégrer la Haute Autorité de santé (HAS) à la réflexion sur les actes en accès direct.
Entendez aussi les doutes sur le traitement réservé aux infirmiers en pratique avancée. Sur ce point, madame la rapporteure, nous ne comprenons pas votre position. Oui à l'accès direct, oui à certaines primo-prescriptions, mais pas en créant la pagaille !
M. Antoine Léaument applaudit.
Le texte invente deux sous-professions, les IPA praticiens et les IPA spécialisés, dont ni les moyens d'identification par le patient, ni la division du travail, ni les compétences respectives ne sont clairement définis. Ce n'est pas en valorisant les uns aux dépens des autres que vous assurerez l'offre de soins nécessaire, dans un système à bout de souffle que les soignants portent à bout de bras.
Vous envisagez de diviser les IPA ; je vous invite au contraire à saisir cette occasion pour revaloriser les compétences et les qualifications de l'ensemble de la profession infirmière, afin d'entraîner la revalorisation financière si indispensable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'Ordre national des infirmiers a mené une consultation dont le résultat est accablant : 29 % des 50 000 répondants ont déclaré vouloir quitter l'hôpital dans l'année qui vient !
Nous proposons de créer une nouvelle mention, celle d'IPA pour les soins de premier recours, afin d'éviter de diviser les IPA qui ont tant besoin d'unité et de reconnaissance.
Si je ne doute pas de vos bonnes intentions, imaginons ce qu'un gouvernement encore plus libéral pourrait faire de la coexistence de ces deux statuts : allouer des droits inégaux et redistribuer les revenus de façon injuste.
Enfin, des contradictions demeurent dans votre texte. Par exemple, vous autorisez les professions dentaires à prescrire des actes d'imagerie médicale, mais pas les kinésithérapeutes. Pourquoi cette différence de traitement ?
En somme, madame la rapporteure, entendez nos propositions et permettez-nous de voter votre texte !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Eva Sas applaudit également.
L'accès aux soins est devenu un problème majeur pour les Français, dans le Jura comme dans bien d'autres territoires ruraux. Face à la désertification médicale, notre travail est d'insuffler de nouvelles dynamiques de pratique. Nous faisons tous le constat d'un système de santé malade, non pas d'une maladie récente, aiguë, comme on aimerait nous le faire croire, mais d'une maladie chronique responsable de bien des maux.
Qu'ils exercent en libéral ou non, les infirmiers en pratique avancée, les kinésithérapeutes, les orthophonistes, les assistants dentaires – tous les soignants – attendent de nous une meilleure considération. Étant donné la hausse de toutes les charges, une revalorisation financière est nécessaire. Les moyens de recourir à l'argent public sont limités, mais nous devons réagir : il faut augmenter le tarif de la consultation – les mutuelles sont prêtes à prendre leurs responsabilités, certaines d'ailleurs le font déjà –, et diminuer la pression fiscale qui pèse sur les professions libérales.
Interrogeons-nous également sur la responsabilisation du patient et son rapport à la santé présumée gratuite, notamment avec le problème des rendez-vous non honorés. Le travail et l'expertise professionnelle des soignants doivent être respectés. Le conventionnement, à savoir le remboursement des soins aux patients par la sécurité sociale, est essentiel pour garantir une égalité d'accès aux soins, mais il ne doit pas se faire au détriment de la qualité du soin et de la qualité de vie du soignant, par manque de revalorisation.
L'orientation de soins imposée par volonté politique est tout aussi problématique. Je pense ici aux forfaits qui tendent à remplacer le financement à l'acte, et à la demande de diminuer la durée des consultations : dans le cadre du dispositif MonPsy, les psychologues se voient demander de réduire d'une heure à trente minutes la durée de leurs séances, sous prétexte de verser une rémunération de 30 euros au lieu de 50.
La part administrative dans la journée de travail d'un soignant est beaucoup trop importante. À l'hôpital, nous avions proposé en octobre dernier de supprimer la T2A – tarification à l'activité ; le Président de la République a repris cette mesure dans ses vœux : c'est une première avancée. La recherche de lits disponibles occupe beaucoup trop les équipes de soin. En libéral, la rémunération doit permettre un temps de secrétariat médical pour que les professionnels retrouvent leur cœur de métier : soigner et prendre soin des patients.
La présente proposition de loi n'a pas vocation à résoudre l'ensemble du problème, nous en sommes tous conscients. Elle a néanmoins le mérite d'exister pour que ce soit désormais à nous, politiques, de prendre soin de nos soignants, en prenant leurs attentes en considération, afin qu'ils exercent leur métier en toute sécurité. Pour les députés du groupe Les Républicains, le médecin généraliste doit rester central dans le parcours de soins du patient. Dans son rôle de relais et de coordinateur, il doit pouvoir compter sur la valeur ajoutée de chaque professionnel qui l'entoure.
C'est le cas des IPA. Nous souhaitons avancer vers des délégations de tâches et non vers un transfert de compétences, tout simplement parce que la formation des infirmiers diffère de celle des médecins, ne serait-ce que pour établir un diagnostic différentiel. C'est aussi protéger les IPA que de ne pas leur faire porter la responsabilité d'un patient que le médecin n'a pas encore examiné. Il nous revient de trouver la voie pour sécuriser au mieux les missions qu'ils exercent déjà, comme dans le dispositif Asalee. Plutôt que d'opposer les professionnels, favorisons la sérénité dans leurs relations.
Les infirmiers anesthésistes diplômés d'État, eux, ne comprennent pas la demande d'évolution de leur statut. La rédaction issue de l'examen en commission limite leur champ d'action. Pourquoi changer ce qui fonctionne bien ?
Quant aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes, nous souhaitons leur faire davantage confiance. Spécialisés dans la rééducation, ils sont capables de prodiguer ou non des soins dans leur domaine de compétence, sans qu'il soit nécessaire de subordonner l'accès direct à la procédure administrative de soins coordonnés et sans limiter le nombre de séances. Il est préférable de valoriser ainsi leur expertise, en sécurisant leur intervention par la transmission du suivi précis au médecin, plutôt que d'imposer une adhésion administrative, que le patient ne comprendrait pas.
Enfin, l'accès aux soins dentaires est toujours plus difficile. Nous soutiendrons toutes les mesures en faveur des délégations de tâches aux assistants dentaires, encadrés par un chirurgien-dentiste.
Alors oui, chers collègues, nous sommes confrontés à la désertification médicale liée au vieillissement démographique des médecins, aux conséquences du numerus clausus et à un changement de rapport au travail des soignants. Encourageons notre jeunesse à s'engager dans ces voies de formation, en garantissant de meilleures conditions de travail, au plus près de nos concitoyens. Les professionnels de santé ont besoin de temps pour exercer leur métier, et d'une meilleure considération.
Le groupe Les Républicains, désireux d'améliorer l'accès aux soins et la confiance entre les professionnels de santé, abordera le débat dans un état d'esprit constructif. Nous serons attentifs aux propositions visant à améliorer le texte. Toutefois, nous sommes opposés à l'article 1er , et défendrons un amendement tendant à le supprimer. Notre vote sera subordonné à son adoption.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La médecine est un art difficile. C'est pour cette raison que dix années sont nécessaires pour former un médecin et aiguiser son sens clinique, afin de lui permettre de poser des diagnostics et surtout d'éliminer des diagnostics différentiels. Voilà pourquoi beaucoup considèrent que le diagnostic ne peut relever que du corps médical. Les soins, en revanche, peuvent, sont et doivent être partagés avec d'autres professionnels de santé, s'ils travaillent en coordination.
Face au déclin démographique du corps médical, il est impératif d'augmenter les compétences de tous les professionnels de santé. Qui est le pivot de notre organisation de santé ? C'est le médecin traitant, spécialisé en médecine générale, qui exerce en ville – selon l'expression –, quasi exclusivement en libéral. Quel est le problème ? Six millions de Français en sont dépourvus dont, ce qui est très grave, 600 000 patients atteints d'affections de longue durée, alors que leur maladie chronique exige prévention, dépistages et soins, et engendre des complications et des hospitalisations.
La solution est de décloisonner les exercices des professionnels de santé. De tout temps, une coordination s'est établie de manière naturelle entre les professionnels de santé de tous les corps, médicaux et non médicaux. Par le dialogue, en présence ou téléphonique, ou par courrier, les échanges ont toujours eu lieu. Depuis des années, les pratiques évoluent grâce notamment aux protocoles de coopération, qui associent délégants et délégués, de manière volontaire. Vu les difficultés majeures d'accès aux soins et le manque de temps médical des médecins, nous devons aller plus loin, c'est une volonté que tous partagent.
Il y a deux ans, je me suis moi-même penché sur le sujet, dans un rapport relatif à l'organisation des professions de santé, dans lequel j'ai émis plusieurs recommandations. Certaines ont d'ores et déjà été adoptées, à l'instar de l'accès direct aux orthoptistes ; d'autres, et j'en suis ravi, sont reprises dans le texte que nous examinons ce jour.
Permettez-moi de revenir sur les notions d'autonomie et d'indépendance. L'exercice de la médecine nécessite de plus en plus de travailler en équipe, de manière coordonnée. Si nous devons favoriser l'exercice autonome de certains professionnels de santé, c'est-à-dire leur capacité à prendre, seuls, certaines décisions et à accomplir certains actes, il serait périlleux de les pousser à travailler de manière indépendante et de se passer d'un travail en équipe et d'une supervision par un autre professionnel.
L'examen en commission a été l'occasion de revenir sur les structures d'exercice coordonné, au sein desquelles cette loi prévoit un accès direct à certaines professions paramédicales et un droit de prescription pour ceux qui les exercent. L'exercice coordonné ne pose aucune difficulté dans le cadre d'établissements de santé et médico-sociaux, car les équipes travaillent de manière rapprochée. La question se complique pour la médecine de ville. Les maisons de santé pluriprofessionnelles, les équipes de soins primaires et les centres de santé réunissent les professionnels. L'exercice est de fait coordonné, et permet un accès direct aux infirmiers en pratique avancée, aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes.
En revanche, lors de l'examen en commission, des divergences sont apparues à propos des communautés professionnelles territoriales de santé. Ce sont des structures organisationnelles qui s'adressent à une population, dans le but de faciliter l'accès aux soins ; de proposer des parcours répondant aux besoins des territoires ; d'impulser des actions territoriales de prévention, de dépistage, de promotion de la santé ; d'accompagner les professionnels de santé dans leur territoire. Ce ne sont pas des structures de coordination des soins, ciblées sur des patients.
Le groupe Démocrate défendra donc plusieurs amendements visant à enrichir le texte et à accorder davantage de confiance aux professionnels paramédicaux, notamment aux ergothérapeutes et aux pédicures-podologues. Je souhaite ouvrir des droits de prescription, notamment relatifs à des actes de prévention, à certains professionnels de santé, dont je ne comprends pas qu'ils aient été oubliés. Il s'agit des médecins et infirmiers de la protection maternelle et infantile, et de l'éducation nationale, ainsi que des médecins du travail, pour lesquels la prescription n'est pas systématique.
Permettez-moi également d'exprimer un regret face à l'absence de mesures concernant les infirmiers, car cette loi ne s'intéresse qu'à une faible partie de ces professionnels de santé. En France, les IPA sont environ 900, dont une cinquantaine exercent en libéral, alors que nous comptons 637 000 infirmiers. Je suis très content de défendre un amendement, déclaré recevable, qui vise à autoriser ces derniers à effectuer la prévention et le traitement des plaies dans le cadre d'une ALD.
En tout état de cause, le groupe Démocrate votera en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.
Alors que la désertification médicale s'intensifie année après année, nos concitoyens ne peuvent que constater les dégâts : morts inexpliquées à l'hôpital, attente interminable chez les médecins généralistes, longs délais – parfois près d'un an – pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste. La liste est longue. Je reconnais à la rapporteure Stéphanie Rist le mérite d'avoir essayé de résoudre ces problèmes avec cette proposition de loi. Mais tant que vous resterez sourds aux demandes de régulation de la population, des élus et des professionnels de santé, la situation continuera de s'aggraver.
Depuis le début, les députés du groupe Socialistes et apparentés ont une opinion mitigée sur ce texte.
Faciliter l'accès direct à plusieurs spécialités est une bonne chose et nous soutenons cette mesure ; cela permettra à de nombreux Français de se soigner plus facilement, dans certaines situations bien précises. Aller chez un kinésithérapeute quand on a une entorse ou chez un orthophoniste pour traiter des troubles de la communication ne devrait pas nécessiter une consultation préalable chez un médecin généraliste. Évidemment, pour ne pas rompre l'accès égal aux soins, il faut en garantir un remboursement satisfaisant, prévu dans cette proposition de loi.
Encourager les protocoles de coopération, qui demeurent bien trop marginaux, c'est améliorer la qualité des soins par la pluridisciplinarité. Cela envoie aussi un bon signal aux membres des professions médicales, actuels et en devenir, en renforçant l'attractivité de leurs métiers.
Enfin, il me semble de bon augure de décharger les médecins généralistes de certaines tâches grâce aux assistants médicaux, ainsi que les dentistes grâce à la création d'une profession d'assistant en médecine bucco-dentaire. Alors que notre pays souffre d'un manque de médecins, redonner à ces derniers du temps médical leur permettrait de se concentrer sur leur cœur de métier – soigner les gens – plutôt que de remplir des tâches administratives.
Cependant, ces quelques avancées sont mineures. Alors que chaque jour, dans nos territoires, nous sommes interpellés au sujet du manque de médecins, ce texte ne nous semble pas assez ambitieux. Nous, députés du groupe Socialistes et apparentés, avons pourtant été plus qu'ouverts à la discussion. Nous avons proposé de nombreux amendements d'amélioration, visant par exemple à créer un statut d'infirmier anesthésiste ; vous n'en avez pas voulu et le Gouvernement n'a pas jugé utile de les reprendre. De la même façon, depuis cinq ans, vous refusez de voir l'évidence : ce n'est qu'en appliquant une politique de régulation que nous enverrons des médecins dans les territoires qui en manquent. Toutes ces propositions émanent du groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux lancé par Guillaume Garot. Nous avons écouté les acteurs concernés et nous avons réfléchi ensemble, malgré nos divergences politiques, pour proposer des solutions communes, dans l'intérêt général.
Nous espérons maintenant que ces propositions rencontreront dans l'hémicycle un accueil aussi positif qu'au sein de la population. Ce n'est pas en corrigeant ici et là les défaillances profondes d'un système à bout de souffle que nous résoudrons le problème crucial de la désertification médicale. Telle est la perception que nous, députés du groupe Socialistes et apparentés, avons de cette proposition de loi ; nous en sommes les premiers désolés. Mais eu égard au peu d'ouverture au dialogue du Gouvernement et à l'impact trop limité de ce texte, nous ne pouvons le soutenir totalement. C'est pourquoi nous nous abstiendrons.
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé ;
Discussion de la proposition de loi visant à ouvrir le tiers financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra