La médecine est un art difficile. C'est pour cette raison que dix années sont nécessaires pour former un médecin et aiguiser son sens clinique, afin de lui permettre de poser des diagnostics et surtout d'éliminer des diagnostics différentiels. Voilà pourquoi beaucoup considèrent que le diagnostic ne peut relever que du corps médical. Les soins, en revanche, peuvent, sont et doivent être partagés avec d'autres professionnels de santé, s'ils travaillent en coordination.
Face au déclin démographique du corps médical, il est impératif d'augmenter les compétences de tous les professionnels de santé. Qui est le pivot de notre organisation de santé ? C'est le médecin traitant, spécialisé en médecine générale, qui exerce en ville – selon l'expression –, quasi exclusivement en libéral. Quel est le problème ? Six millions de Français en sont dépourvus dont, ce qui est très grave, 600 000 patients atteints d'affections de longue durée, alors que leur maladie chronique exige prévention, dépistages et soins, et engendre des complications et des hospitalisations.
La solution est de décloisonner les exercices des professionnels de santé. De tout temps, une coordination s'est établie de manière naturelle entre les professionnels de santé de tous les corps, médicaux et non médicaux. Par le dialogue, en présence ou téléphonique, ou par courrier, les échanges ont toujours eu lieu. Depuis des années, les pratiques évoluent grâce notamment aux protocoles de coopération, qui associent délégants et délégués, de manière volontaire. Vu les difficultés majeures d'accès aux soins et le manque de temps médical des médecins, nous devons aller plus loin, c'est une volonté que tous partagent.
Il y a deux ans, je me suis moi-même penché sur le sujet, dans un rapport relatif à l'organisation des professions de santé, dans lequel j'ai émis plusieurs recommandations. Certaines ont d'ores et déjà été adoptées, à l'instar de l'accès direct aux orthoptistes ; d'autres, et j'en suis ravi, sont reprises dans le texte que nous examinons ce jour.
Permettez-moi de revenir sur les notions d'autonomie et d'indépendance. L'exercice de la médecine nécessite de plus en plus de travailler en équipe, de manière coordonnée. Si nous devons favoriser l'exercice autonome de certains professionnels de santé, c'est-à-dire leur capacité à prendre, seuls, certaines décisions et à accomplir certains actes, il serait périlleux de les pousser à travailler de manière indépendante et de se passer d'un travail en équipe et d'une supervision par un autre professionnel.
L'examen en commission a été l'occasion de revenir sur les structures d'exercice coordonné, au sein desquelles cette loi prévoit un accès direct à certaines professions paramédicales et un droit de prescription pour ceux qui les exercent. L'exercice coordonné ne pose aucune difficulté dans le cadre d'établissements de santé et médico-sociaux, car les équipes travaillent de manière rapprochée. La question se complique pour la médecine de ville. Les maisons de santé pluriprofessionnelles, les équipes de soins primaires et les centres de santé réunissent les professionnels. L'exercice est de fait coordonné, et permet un accès direct aux infirmiers en pratique avancée, aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes.
En revanche, lors de l'examen en commission, des divergences sont apparues à propos des communautés professionnelles territoriales de santé. Ce sont des structures organisationnelles qui s'adressent à une population, dans le but de faciliter l'accès aux soins ; de proposer des parcours répondant aux besoins des territoires ; d'impulser des actions territoriales de prévention, de dépistage, de promotion de la santé ; d'accompagner les professionnels de santé dans leur territoire. Ce ne sont pas des structures de coordination des soins, ciblées sur des patients.
Le groupe Démocrate défendra donc plusieurs amendements visant à enrichir le texte et à accorder davantage de confiance aux professionnels paramédicaux, notamment aux ergothérapeutes et aux pédicures-podologues. Je souhaite ouvrir des droits de prescription, notamment relatifs à des actes de prévention, à certains professionnels de santé, dont je ne comprends pas qu'ils aient été oubliés. Il s'agit des médecins et infirmiers de la protection maternelle et infantile, et de l'éducation nationale, ainsi que des médecins du travail, pour lesquels la prescription n'est pas systématique.
Permettez-moi également d'exprimer un regret face à l'absence de mesures concernant les infirmiers, car cette loi ne s'intéresse qu'à une faible partie de ces professionnels de santé. En France, les IPA sont environ 900, dont une cinquantaine exercent en libéral, alors que nous comptons 637 000 infirmiers. Je suis très content de défendre un amendement, déclaré recevable, qui vise à autoriser ces derniers à effectuer la prévention et le traitement des plaies dans le cadre d'une ALD.
En tout état de cause, le groupe Démocrate votera en faveur de ce texte.