Alors que la désertification médicale s'intensifie année après année, nos concitoyens ne peuvent que constater les dégâts : morts inexpliquées à l'hôpital, attente interminable chez les médecins généralistes, longs délais – parfois près d'un an – pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste. La liste est longue. Je reconnais à la rapporteure Stéphanie Rist le mérite d'avoir essayé de résoudre ces problèmes avec cette proposition de loi. Mais tant que vous resterez sourds aux demandes de régulation de la population, des élus et des professionnels de santé, la situation continuera de s'aggraver.
Depuis le début, les députés du groupe Socialistes et apparentés ont une opinion mitigée sur ce texte.
Faciliter l'accès direct à plusieurs spécialités est une bonne chose et nous soutenons cette mesure ; cela permettra à de nombreux Français de se soigner plus facilement, dans certaines situations bien précises. Aller chez un kinésithérapeute quand on a une entorse ou chez un orthophoniste pour traiter des troubles de la communication ne devrait pas nécessiter une consultation préalable chez un médecin généraliste. Évidemment, pour ne pas rompre l'accès égal aux soins, il faut en garantir un remboursement satisfaisant, prévu dans cette proposition de loi.
Encourager les protocoles de coopération, qui demeurent bien trop marginaux, c'est améliorer la qualité des soins par la pluridisciplinarité. Cela envoie aussi un bon signal aux membres des professions médicales, actuels et en devenir, en renforçant l'attractivité de leurs métiers.
Enfin, il me semble de bon augure de décharger les médecins généralistes de certaines tâches grâce aux assistants médicaux, ainsi que les dentistes grâce à la création d'une profession d'assistant en médecine bucco-dentaire. Alors que notre pays souffre d'un manque de médecins, redonner à ces derniers du temps médical leur permettrait de se concentrer sur leur cœur de métier – soigner les gens – plutôt que de remplir des tâches administratives.
Cependant, ces quelques avancées sont mineures. Alors que chaque jour, dans nos territoires, nous sommes interpellés au sujet du manque de médecins, ce texte ne nous semble pas assez ambitieux. Nous, députés du groupe Socialistes et apparentés, avons pourtant été plus qu'ouverts à la discussion. Nous avons proposé de nombreux amendements d'amélioration, visant par exemple à créer un statut d'infirmier anesthésiste ; vous n'en avez pas voulu et le Gouvernement n'a pas jugé utile de les reprendre. De la même façon, depuis cinq ans, vous refusez de voir l'évidence : ce n'est qu'en appliquant une politique de régulation que nous enverrons des médecins dans les territoires qui en manquent. Toutes ces propositions émanent du groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux lancé par Guillaume Garot. Nous avons écouté les acteurs concernés et nous avons réfléchi ensemble, malgré nos divergences politiques, pour proposer des solutions communes, dans l'intérêt général.
Nous espérons maintenant que ces propositions rencontreront dans l'hémicycle un accueil aussi positif qu'au sein de la population. Ce n'est pas en corrigeant ici et là les défaillances profondes d'un système à bout de souffle que nous résoudrons le problème crucial de la désertification médicale. Telle est la perception que nous, députés du groupe Socialistes et apparentés, avons de cette proposition de loi ; nous en sommes les premiers désolés. Mais eu égard au peu d'ouverture au dialogue du Gouvernement et à l'impact trop limité de ce texte, nous ne pouvons le soutenir totalement. C'est pourquoi nous nous abstiendrons.