Si les lois Egalim 1 et Egalim 2 visaient à renforcer le pouvoir de négociation des producteurs, force est de constater que, sur le terrain, la réalité est parfois autre. Alors que les réformes engagées devaient permettre de revaloriser le revenu paysan, celui d'une partie d'entre eux continue de se dégrader. L'année 2021 nous a donné raison puisque nous avons adopté la loi Egalim 2, censée corriger les dispositions d'Egalim 1. Malheureusement, douze mois après son entrée en vigueur, cette loi est également obsolète. Comme nous l'avions annoncé en son temps, Egalim était, en réalité, « Ega-dream » : un rêve, un mirage !
La proposition de loi visant à sécuriser l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation est débattue alors que nous nous trouvons au carrefour de circonstances particulières. D'abord, nous sommes dans la période des négociations commerciales, qui accroît, pour ne pas dire hystérise, les tensions entre les acteurs, particulièrement cette année. Ensuite, nous subissons une inflation qui tend à augmenter le coût de l'énergie pour les entreprises et pour les producteurs, celui des matières premières pour les transformateurs et pour les agriculteurs, mais aussi le prix des engrais et les coûts de la logistique, du conditionnement et des emballages. Enfin, l'ensemble des Français vivent une baisse de leur pouvoir d'achat : en 2022, l'inflation du prix des produits de grande consommation s'élevait à plus de 12 % et on estime qu'elle sera de près de 15 % en moyenne en 2023.
Dans ce contexte, la France est le seul grand pays agricole où les parts de marché reculent. Et on lui demande d'être un pays souverain ? Notre pays est le sixième exportateur mondial agricole, alors qu'en 2020, il occupait la deuxième place du classement. Et on lui demande d'être un pays souverain ? Où est la souveraineté quand nos producteurs, ceux qui travaillent la terre et consacrent leur vie à nous nourrir, n'arrivent pas à vivre des fruits de leur travail ? Ils subissent une concurrence déloyale due aux charges sociales, aux coûts de production, aux contraintes réglementaires qui ne leur permettent pas de percevoir le juste prix de leur production.
La principale vertu de cette proposition de loi est d'être le véhicule législatif qui nous permettra de proroger le SRP + 10 et l'encadrement des promotions, dont l'expérimentation prend fin au mois d'avril. Mais quelle ironie que ce soit le Parlement qui prenne une telle initiative ! S'il avait fallu compter sur le Gouvernement, nous attendrions encore !
Certes, le SRP + 10 présente des inconvénients, mais également des avantages. Il est désormais inscrit dans le paysage des négociations commerciales. Ce dispositif pourra toujours être critiqué mais, aujourd'hui, personne ne peut le remettre en question. Il constitue un atout pour beaucoup de nos producteurs. C'est pourquoi nous soutenons l'article 2.
D'autres dispositions de ce texte méritent d'être soulignées et défendues. Nous sommes favorables à l'article 1er , qui vise à éviter le contournement de la législation française par certains grands distributeurs ayant délocalisé leur centrale d'achat. Nous sommes également favorables à l'article 4, qui tend à sanctuariser les prix de la matière première agricole. Grâce aux amendements adoptés en commission, notamment ceux de notre collègue Julien Dive qui a suivi attentivement l'élaboration de ce texte, la législation s'appliquant aux grossistes, qui ne supportent plus de voir la loi changer tous les quatre matins, sera clarifiée ; il est ainsi fait preuve de pragmatisme.
Au cœur de ce texte figure le controversé article 3, selon lequel le tarif du fournisseur s'imposera en l'absence d'accord entre les parties à l'issue de la période des négociations commerciales. Je vous invite à faire preuve d'une grande vigilance quant à sa rédaction, car le bon équilibre n'a pas encore été trouvé. Vous souhaitez modifier le code de commerce et appliquer des règles communes à des acteurs complètement différents, des petits producteurs jusqu'aux PME en passant par les grandes multinationales.
Du reste, il convient d'éviter que cette proposition de loi ne provoque une augmentation mécanique des prix, amplifiant ainsi l'inflation dont nos concitoyens pâtissent déjà. En cette période où la consommation est rendue difficile par l'accroissement des dépenses contraintes, telles que celles relatives à l'énergie, il est de notre rôle, en notre qualité de législateur, de faire preuve de grande prudence. Défendre les petites entreprises et les exploitations agricoles, qui constituent le tissu économique de notre territoire ; soutenir nos producteurs et nos agriculteurs sans pour autant porter préjudice à nos consommateurs : telle est la démarche que nous proposons, au nom de l'équilibre et de la justice.