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Intervention de Yannick Monnet

Séance en hémicycle du mercredi 18 janvier 2023 à 15h00
Amélioration de l'accès aux soins — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Monnet :

L'objectif – louable – de la proposition de loi est de faire face, à court terme, à la pénurie de médecins, et d'améliorer, autant que faire se peut, la situation dans les déserts médicaux. Le problème est que vous cherchez à conjurer les conséquences d'un système sans jamais remettre celui-ci en cause. Pire : en défendant la liberté d'installation des médecins, vous le protégez. En effet, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, mais aussi de toutes les propositions de loi déposées par notre groupe sur ce sujet, vous avez systématiquement rejeté toutes nos propositions tendant à équilibrer l'offre de santé dans nos territoires. Dans le même temps, vous ne prenez pas la mesure de la situation de l'hôpital public, qui, faute de moyens financiers et humains suffisants, est littéralement à genoux.

On en est là, et la situation est tellement critique dans de nombreux départements du territoire français qu'il faut trouver des réponses en urgence – ou plutôt des pansements, des rustines, voire des cache-misère. Certes, votre proposition de loi contient des mesures intéressantes. Mais elle soulève aussi un problème de méthode et plusieurs interrogations de fond.

Un problème de méthode, d'abord, car elle intègre dans le droit commun des expérimentations qui n'ont pas encore débuté – c'est le cas de la revalorisation des fonctions des IPA – ou sont en voie d'achèvement et sur lesquelles nous ne disposons d'aucun recul – c'est le cas de l'accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes. Les premiers retours concernant les IPA mettent en lumière certaines difficultés : protocoles de coopération trop rigides entre médecins et IPA ; difficultés pour ceux en libéral à se construire une patientèle ; difficultés d'accès à la formation continue. Autant d'embûches auxquelles les expérimentations pourraient apporter des réponses, à condition qu'elles soient menées à leur terme.

Venons-en aux interrogations de fond.

Les nouvelles fonctions confiées aux IPA visent un objectif clair : trouver à court terme des réponses à la désertification médicale. Le risque existe cependant de transformer les IPA en substituts des médecins manquants, alors que leurs fonctions devraient demeurer complémentaires de l'exercice médical. Dit autrement, on n'est pas à l'abri d'une dérive vers une sous-pratique médicale, au lieu d'une pratique infirmière autonome. Ainsi, en autorisant les IPA à pratiquer la primo-prescription, on change la nature de leurs fonctions. Ils ne seront plus un relais de suivi et de soins dans un parcours global coordonné par le médecin, mais pourront réaliser des prescriptions médicales, administrer des soins et adresser le patient au second recours sans concertation préalable avec le médecin traitant. En France, environ 6 millions de personnes, dont 650 000 en ALD, n'ont pas de médecin traitant. Vous en conviendrez, le risque de substitution est réel, d'autant que les patients pourront avoir directement accès aux IPA grâce à une disposition intégrée dans votre proposition de loi.

Je m'inquiète également de l'avenir des spécificités statutaires des Iade. Il faut les réaffirmer car le risque de leur dissolution dans le statut des IPA est réel. De même, comment coexisteront les IPA et des infirmières Asalee – Action de santé libérale en équipe –, et plus largement le dispositif Asalee, qui a fait ses preuves ? Enfin, qu'en sera-t-il des assistants médicaux ? Autant de questions qui restent en suspens.

Et que faites-vous de la reconnaissance salariale des IPA, du manque de valorisation de leur métier, des difficultés qu'ils rencontrent en matière de formation continue ? La proposition de loi n'y apporte pas de réponse satisfaisante. Pourtant, ces problèmes expliquent en partie le faible nombre d'infirmiers qui se forment à la pratique avancée – estimés à 1 700 en 2022, ils représentent moins de 1 % de l'effectif.

Sans nier les quelques avancées, bienvenues sur le terrain, nous estimons que cette proposition de loi illustre surtout votre volonté de vous raccrocher aux branches alors que la situation est dramatique dans les territoires. Plutôt que des solutions au rabais, elle exige des réponses de fond, durables, et donc des orientations radicalement différentes en matière de politique de santé. Les propositions que nous avons formulées pour mettre fin aux déserts médicaux sont toujours sur la table, à votre disposition.

Les députés du groupe GDR – NUPES s'abstiendront sur cette proposition de loi.

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