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Intervention de Gérard Leseul

Séance en hémicycle du mercredi 18 janvier 2023 à 15h00
Approvisionnement en produits de grande consommation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Leseul :

La présente proposition de loi vise à corriger le déséquilibre structurel dans lequel sont placés les acteurs de l'agroalimentaire vis-à-vis de leurs acheteurs, et tout particulièrement de la grande distribution. Vous me pardonnerez, mais je ne vous raconterai ni fable, ni fabliau.

Je vous prie d'excuser notre collègue, Dominique Potier, qui a beaucoup œuvré en commission pour coconstruire ce texte et qui aurait voulu poursuivre avec nous son examen dans l'hémicycle.

Je salue aussi votre engagement et votre travail, monsieur le rapporteur, à la suite de tous ceux qui vous ont précédé sur ce chantier, notamment avec la loi, dite Egalim 1, pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, et celle, dite Egalim 2, visant à protéger la rémunération des agriculteurs.

Nous pourrions d'ailleurs presque qualifier le présent texte de proposition de loi Egalim 4, puisque, avec la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2, nous avions amorcé les processus de construction du prix à partir d'indicateurs de coûts de production, sans y parvenir totalement.

Beaucoup l'ont rappelé hier soir, toute recherche d'équilibre commercial se heurte à un fait : il n'y a que six acheteurs. Charles de Courson a même parlé d'une oligarchie financière des centrales d'achats. En outre, cela a été dit, une forme de libéralisme financier s'oppose à la construction d'un capitalisme d'investissement au long cours, tant dans la production agricole que dans la transformation industrielle.

Nous devons donc corriger les dispositifs au fur et à mesure afin de rééquilibrer un environnement malheureusement fondamentalement déséquilibré.

Nous soutenons bien sûr l'article 1er , qui met fin au contournement des lois Egalim par l'évasion des centrales d'achats hors de France. Nous devons lutter contre l'évasion juridique pratiquée par certaines enseignes qui délocalisent la négociation contractuelle afin de la soumettre à des dispositions juridiques moins protectrices des agriculteurs français.

Nous devons lutter pour la transparence et l'information. Un tel principe devrait d'ailleurs s'appliquer plus globalement en matière fiscale, afin d'en finir avec les pratiques d'évasion qui constituent un fléau national et européen.

En commission, nous avons défendu le statut singulier et la mission des grossistes et plaiderons – nous avons déposé des amendements – pour la prise en compte des spécificités des PME lorsque l'on recourt au médiateur des prix, en cas d'absence d'accord au 1er mars. Ne mettons pas sur le même plan les relations commerciales des multinationales avec la grande distribution et celles de notre tissu d'ETI, de TPE et de PME. La médiation doit ainsi permettre d'encadrer de la manière la plus juste possible ces relations – il faut l'inscrire dans la loi.

Dans une démarche pragmatique, le groupe Socialistes et apparentés visera trois objectifs. Par l'intermédiaire de Dominique Potier, notre groupe a déjà fait adopter en commission des affaires économiques un amendement pour contrôler, chaque année, la bonne répartition entre producteurs, fournisseurs et distributeurs des gains réalisés par le seuil de revente à perte (SRP). Il faut absolument que ce dispositif fasse l'objet d'une évaluation annuelle afin d'en tirer les conséquences en cas d'absence de partage de la valeur.

Nous avions obtenu l'inscription dans la loi des contrats tripartites pluriannuels qui lient l'agriculteur, le transformateur et le distributeur à la suite de l'expérimentation que nous avions votée en 2018. Il faut aller plus loin et pérenniser ce dispositif qui apportera la transparence nécessaire dans une chaîne alimentaire qui en a plus que besoin.

Enfin, les labels du commerce équitable pourront être utilisés comme référentiels dans les contrats commerciaux. Nous aurions aimé aller plus loin, par exemple en utilisant, en France, tous les instruments de consolidation des organisations de producteurs autorisés par la politique agricole commune (PAC), et en instaurant un indice de partage de la valeur à toutes les étapes de la chaîne de production.

Si un rééquilibrage des rapports entre les industries et la grande distribution était utile pour préserver nos outils de transformation, c'est à toutes les étapes, nous le savons, que se rencontrent des déformations de la valeur entre capital et travail et des écarts de revenus indécents.

Opposer les travailleurs de la terre, de l'industrie et de la grande distribution au consommateur mène dans une impasse économique et sociale. Le pouvoir de vivre des uns et des autres dépend du juste partage de la valeur. Seuls un juste équilibre dans le partage de la valeur et sa modération permettront in fine de garantir notre souveraineté alimentaire.

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