La commission des affaires économiques a poursuivi l'examen du projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture (n° 2436) (M. Éric Girardin, rapporteur général, Mme Nicole Le Peih et MM. Pascal Lavergne et Pascal Lecamp, rapporteurs).
Article 8 : Programmation des politiques publiques en matière d'installation des agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles
Amendement CE726 de Mme Anne-Laure Blin
En tant qu'entrepreneurs, les agriculteurs doivent avoir de la visibilité sur le long terme, au même titre que n'importe quel autre acteur économique. Le premier alinéa de l'article 8 restreint son champ d'application aux politiques publiques conduites entre 2025 et 2035, sans qu'on sache très bien ce qu'il se passera au-delà. Je propose donc de supprimer cette mention et de prévoir simplement que « les politiques favoriseront la création, l'adaptation et la transmission des exploitations agricoles ».
L'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime définit, en son point IV, les finalités de la politique publique d'installation et de transmission en agriculture. Les objectifs que nous formulons à l'article 8 doivent être assorti6 d'un délai pour les atteindre. Il nous a semblé pertinent de retenir une durée de dix ans, essentiellement parce que c'est à cette échéance que la moitié des agriculteurs en activité devront avoir été remplacés. Avis défavorable.
Nous devons nous fixer des repères temporels, d'autant que le pic de départs sera atteint entre 2030 et 2032, lorsque la majorité des agriculteurs chercheront à transmettre leur exploitation. La période 2025-2035 mérite donc d'être mentionnée, car c'est sur elle que devront se concentrer les efforts de la politique d'installation. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CE3238 de Mme Marie Pochon.
La commission adopte l'amendement rédactionnel CE3387 de M. Pascal Lecamp, rapporteur.
Amendements identiques CE3239 de Mme Marie Pochon et CE2428 de Mme Aurélie Trouvé
Il s'agit de renforcer l'ambition en matière d'installation, en visant non pas un simple renouvellement des générations d'actifs, mais une augmentation du nombre d'exploitants agricoles.
Effectivement, s'il faut renouveler les générations, il ne faut pas se contenter d'en rester aux quelque quatre cent mille agriculteurs en activité, il faut aspirer à en installer davantage et porter ce chiffre à sept cent mille, par exemple.
Voilà un objectif sympathique qu'on ne peut que partager, mais commençons déjà par renouveler les générations en nous fixant pour ambition de repasser au-dessus de la barre de quatre cent mille exploitants d'ici à 2035, comme je proposerai de le faire avec l'amendement CE3404. Au vu de la trajectoire observée depuis de nombreuses années, ce serait déjà une belle réussite. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE1191 de Mme Anne-Laure Blin, amendements identiques CE276 de M. Julien Dive, CE300 de M. Dominique Potier et CE631 de M. Jean-Pierre Vigier, amendement CE968 de M. Francis Dubois (discussion commune)
L'objet de mon amendement est le même que celui que j'ai présenté précédemment et recueillera donc probablement les mêmes avis.
Avec l'amendement CE300, nous proposons de reporter à 2050 la fin de la période au cours de laquelle les politiques publiques en matière d'agriculture seront orientées vers le renouvellement des générations. La transition, qui nécessitera de créer, d'adapter puis de transmettre les exploitations agricoles, demandera du temps.
L'échéance de 2035 semble en effet excessivement proche au vu des multiples défis que devra relever l'agriculture au regard de la souveraineté alimentaire et des transitions à accomplir.
Comme je l'indiquais tout à l'heure, il nous a semblé légitime de retenir une durée de dix ans, en raison du nombre de départs qui interviendront d'ici à 2035. Ce choix n'empêche toutefois nullement d'engager une réflexion de plus long terme, comme nous en avons décidé à l'article 1er.
Il ne fait par ailleurs aucun doute que le législateur sera amené à se saisir de ces questions de nouveau avant 2035, pour adapter les orientations et la programmation aux résultats que le présent texte aura permis, je l'espère, d'obtenir.
L'article 8 vise à définir les orientations des politiques menées en matière d'installation et de transmission des exploitations, et non les objectifs de transitions agroécologique et climatique. Compte tenu du défi démographique qui s'annonce, il paraît pertinent de retenir l'année 2035 comme borne. Avis défavorable.
L'échéance de 2050 proposée par plusieurs d'entre nous n'a pas été fixée « au doigt mouillé ». La population mondiale devrait, à cette date, atteindre dix milliards d'habitants, avec tous les enjeux qu'un tel état de fait est susceptible d'emporter en matière d'alimentation et d'accès à l'eau. Par ailleurs, les jeunes entrants, qui auront remplacé la moitié des actifs appelés à partir en retraite d'ici à 2030, se trouveront alors à mi-chemin dans leur carrière. Il semble donc pertinent de fixer un cap suffisamment lointain.
Si le titre III porte censément sur la transmission des exploitations, très peu de dispositions du texte vont effectivement en ce sens. J'espère que, dans le cadre de l'examen du prochain projet de loi de finances, nous évoquerons la thématique de la fiscalité, qui représente, dans certains cas, un des principaux freins à la transmission, en en renchérissant le coût. Il sera indispensable de traiter ce problème.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE1414 de M. Grégoire de Fournas
Il s'agit de garantir un revenu digne aux agriculteurs. Nous avons abordé de nombreux thèmes, comme l'inclusivité – j'ai même cru qu'on irait jusqu'à parler de « réunions non mixtes » prônées par certaines organisations… Revenons-en à la question qui se trouve au cœur des préoccupations des agriculteurs et qui devrait être notre boussole.
Nous partageons tous votre souhait, mais là n'est pas l'objet du titre III. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CE3388 de M. Pascal Lecamp, rapporteur.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement rédactionnel CE1193 de Mme Anne-Laure Blin.
Amendements identiques CE3507 de la commission du développement durable, CE506 de M. Dominique Potier, CE2197 de M. David Taupiac et CE3240 de Mme Marie Pochon
Il s'agit d'inscrire le développement des pratiques agroécologiques, dont l'agriculture biologique, dans l'article 8, qui définit les orientations des politiques d'installation et de transmission. Il semble important de le faire à cet endroit du texte, car seuls ces modes de production sont de nature à permettre l'indispensable diminution des émissions de gaz à effet de serre ou encore la restauration de la biodiversité.
Alors que l'État s'est fixé pour objectif d'atteindre 21 % de la surface agricole utile (SAU) cultivés en agriculture biologique d'ici à 2030, ce secteur traverse une crise dont chacun ici a conscience. Il paraît donc légitime de faire figurer les pratiques agroécologiques – notamment l'agriculture biologique, largement absente du texte par ailleurs – à l'article 8.
L'article 8 ne mentionne effectivement ni l'agroécologie ni l'agriculture biologique. Il nous semble important de les définir comme un des caps de la politique d'installation conduite par l'État.
Je suis totalement d'accord avec vous. J'avais d'ailleurs présenté un amendement en ce sens à l'article 1er, qui n'a pas pu être examiné du fait de la décision prise le concernant. Je ne peux donc qu'être favorable à ces amendements.
Nous avons débattu de ce point à plusieurs reprises. L'article 8 me semble le plus opportun pour mentionner l'agroécologie et l'agriculture biologique, à condition toutefois que ces dernières ne figurent pas dans tous les articles du texte qui sera examiné en séance, car cela nuirait à sa lisibilité globale. J'émets donc un avis de sagesse, en insistant sur le fait que cet ajout ne devrait concerner que le seul article 8.
Mon groupe tient, lui aussi, à souligner la nécessité d'inscrire dans le projet de loi que l'agroécologie et l'agriculture biologique constituent le modèle de référence vers lequel nous devrions tendre, ce que vous avez toujours refusé de faire jusqu'à présent. Nous nous réjouissons des avis respectifs du rapporteur et du ministre et nous voterons évidemment pour ces amendements.
Je remercie à mon tour le rapporteur pour son avis favorable, qui ne nous dispensera toutefois en rien d'évoquer à nouveau cette question pour d'autres articles : si l'agriculture biologique doit évidemment figurer parmi les objectifs de la politique publique d'installation, elle doit également être mentionnée lorsqu'il est question des orientations générales de l'action publique ou du contenu de l'enseignement agricole. Nous aurons l'occasion d'y revenir en séance, mais l'adoption de ces amendements serait déjà une bonne chose.
Je tiens, moi aussi, à remercier le ministre et le rapporteur pour leurs avis. J'entends les réserves exprimées quant au fait de mentionner l'agriculture biologique dans d'autres articles, mais je me réjouis que vous jugiez opportun de le faire en cet endroit du texte.
L'agriculture biologique est un mode de conduite de l'exploitation parmi d'autres, au même titre que l'agriculture raisonnée ou la biodynamie. C'est un procédé quelque peu spécieux, voire idéologique, que de vouloir absolument la mettre à toutes les sauces, d'autant que des exploitants ayant opté pour l'agriculture biologique peuvent parfois revenir ensuite à l'agriculture conventionnelle. Je ne voudrais pas qu'on enferme les agriculteurs dans un mode cultural donné ; il faut, surtout en période de grandes difficultés, leur laisser une certaine souplesse.
La commission adopte les amendements.
Amendement CE3508 de la commission du développement durable
L'amendement vise à associer les professions agricoles au déploiement de la politique d'installation et de transmission. Cette implication, naturellement indispensable, est déjà prévue depuis la création du Comité national d'installation-transmission (Cnit) en avril 2015, et assurée par les Crit, qui en sont la déclinaison au niveau régional. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CE3389 de M. Pascal Lecamp, rapporteur.
Amendement CE3219 de Mme Stella Dupont
Certains filières agricoles et types de production se portent moins bien que d'autres et l'agriculture biologique traverse une crise liée à la baisse de la demande. Malgré les mesures de soutien déployées à l'initiative du Gouvernement – produits bios à la cantine et dans les administrations, aides d'urgence, etc. –, force est de constater que l'agriculture biologique souffre d'une baisse d'attractivité.
Il importe de préserver l'investissement privé des exploitants qui se sont engagés dans l'agriculture biologique, mais aussi l'investissement public significatif consenti par l'État français et l'Union européenne pour soutenir la conversion en bio. Dans le contexte actuel, on peut craindre que certaines transmissions d'exploitation donnent lieu, sur les terres concernées, à un retour aux méthodes de l'agriculture conventionnelle. Je propose donc d'imposer temporairement que les exploitations restent soumises aux règles de l'agriculture biologique pendant cinq ans après leur transmission.
Je partage totalement votre objectif, comme en témoigne l'amendement que j'avais déposé sur l'article 1er. Votre amendement me semble cependant satisfait par ceux que nous venons d'adopter. Je vous propose donc de le retirer.
Au cours des auditions, la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab) a insisté sur le maintien des terres cultivées en bio lors de la transmission de l'exploitation. En l'absence de volet foncier dans le projet de loi, il serait bon que le Gouvernement avance des propositions pour atteindre cet objectif si celle avancée dans cet amendement, que nous soutenons, ne lui convient pas.
Je ne crois pas que les amendements adoptés précédemment, qui visent à promouvoir l'agriculture biologique, satisfassent ma demande, puisqu'ils n'empêchent nullement qu'une exploitation bio soit transmise à un repreneur souhaitant revenir à un mode de production conventionnel.
Le terme « cultivées » devrait logiquement s'appliquer à des terres, et non à des « exploitations ». Il conviendrait donc, à tout le moins, de modifier la rédaction de l'amendement.
Par ailleurs, il me semble que les aides à la conversion versées par l'État sont conditionnées au maintien de l'exploitation en bio pendant un certain nombre d'années et qu'un agriculteur abandonnant cette certification de façon anticipée est tenu de les rembourser au prorata temporis. Imposer un maintien du label pendant cinq ans après la transmission me semble donc excessif.
Comment une telle disposition s'appliquerait-elle sur le terrain ? J'échangeais ce matin avec un jeune agriculteur qui, s'étant installé en janvier à la tête d'une exploitation de soixante hectares sur lesquels il élève soixante vaches laitières, s'est endetté à hauteur d'environ 800 000 euros. Il vend actuellement son lait bio 425 euros la tonne, soit le prix du lait conventionnel. Si, après dix-huit mois (ou deux ans) de travail acharné, il éprouve des difficultés à rembourser son emprunt et à payer ses charges, quelle porte de sortie pourra-t-on lui proposer ?
Aux termes de cet amendement, il serait contraint d'arrêter son activité, puisqu'il ne pourrait pas choisir d'exploiter ses terres de façon conventionnelle. Voilà qui interroge sur le droit souverain de l'agriculteur à décider de son mode de production. Si l'objectif est louable, une telle mesure me semble difficile à appliquer. L'adoption des amendements précédents, qui font clairement de l'agriculture biologique une priorité, est suffisante.
Je confirme le soutien des députés écologistes à cet amendement, dont l'adoption favorisera le maintien de la SAU en agriculture biologique, conformément aux objectifs que s'est fixés l'État.
Il y va aussi du bon usage de l'argent public que nous consacrons, pour de très bonnes raisons sanitaires et environnementales, au soutien de l'agriculture biologique : il s'agit de ne pas le dilapider en permettant aux personnes reprenant des exploitations bio de revenir à l'agriculture conventionnelle juste après la transmission. Cette préoccupation est d'autant plus prégnante en période d'austérité.
Les agriculteurs ont demandé deux choses : de la simplification et de la souplesse. Cet amendement créerait, une fois de plus, une contrainte supplémentaire. Je ne comprends pas ceux qui veulent absolument enfermer une exploitation dans un mode de production donné : dès lors qu'il travaille à perte, l'agriculteur doit pouvoir changer de braquet.
Vous ne trouverez pas en moi un fervent défenseur de la production en bio : j'ai souvent répété qu'il ne fallait pas opposer les modèles, mais permettre à chacun de conduire son exploitation comme il l'entend, tout en se conformant à un cadre légal vertueux qui respecte nos concitoyens, limite les résidus de produits phytosanitaires et préserve la biodiversité. Pour avoir échangé sur ce point avec des notaires, je confirme que des dispositions telles que celle proposée par notre collègue Dupont peuvent être introduites dans les baux, même si cela ne résout pas le problème du faire-valoir direct.
En revanche, je partage l'idée selon laquelle il faut préserver ce capital, constitué en partie grâce à des investissements publics. Peut-être faudrait-il retravailler l'amendement en ce sens.
L'enfer est pavé de bonnes intentions. Tel qu'il est rédigé, cet amendement ne protégera pas l'agriculture biologique ; il pourrait même nuire au modèle économique de certaines exploitations. Une conversion à la production en bio est souvent la manifestation d'une conviction profonde, mais elle s'inscrit aussi dans une réalité économique. Or si le marché vient à s'effondrer, comme c'est le cas actuellement, une mesure de ce type placerait certains producteurs dans une impasse. Il faut, non pas les contraindre ou les enfermer, mais les protéger et les encourager. Cet amendement ne le permet pas.
Producteur de pommes en agriculture biologique, je suis très favorable à la production en bio. Le fait est, toutefois, que de nombreux arboriculteurs produisent plus que ce que le marché peut absorber, à tel point qu'ils doivent choisir entre déconvertir une partie de leur verger ou arracher des arbres pour garder les terres en bio – pour ma part, j'ai choisi la deuxième option. Il faut s'efforcer d'adapter le marché et non enfermer les agriculteurs dans un système, en les obligeant à produire ce qu'ils ne peuvent pas vendre.
Mon groupe soutiendra cet amendement. J'entends les arguments relatifs à la liberté d'entreprise et à la réalité du marché et je ne les méprise aucunement. J'en ai simplement deux autres à leur opposer. D'abord, une conversion en agriculture biologique est un processus qui s'étale généralement sur trois ans et implique une mutation du système, une qualification des sols, le retour de la biodiversité et l'adoption d'une nouvelle manière de produire. Ensuite, cet investissement important est contractualisé avec la puissance publique européenne ou française. Les agriculteurs concernés ont le devoir de respecter ce contrat, au nom de l'intérêt général qui impose de convertir une part du territoire national pour en faire un écosystème favorable à la durabilité.
Le ministre me confirme que la durée actuelle d'engagement de cinq ans correspond à une règle fixée par l'Europe. La France ne pourrait-elle pas plaider auprès de ses partenaires pour qu'ils considèrent, dans la même logique que celle qui a présidé à l'adoption du Green Deal, que lorsqu'un agriculteur fait ce choix, il s'engage en réalité pour dix ans ?
Mon groupe votera également en faveur de cet amendement. Il n'est pas question d'opposer les modèles ou d'enfermer les exploitants qui font le choix de s'engager dans l'agriculture biologique. Une note de France Stratégie souligne bien que ce mode de production est souvent plus rentable, grâce à une moindre volatilité des prix et à la pratique de la vente directe, et qu'elle permet de créer du lien social et de la vie dans les campagnes.
Tous ceux qui sont favorables à la production en bio sont unanimes dans leur volonté d'éviter qu'une terre cesse d'être exploitée en agriculture biologique au moment de sa transmission. Je ne suis pas certain que l'adoption de l'amendement permette d'atteindre cet objectif : la transmission est un acte privé et rien n'obligera le repreneur à privilégier un mode de production, même si des financements publics ont été versés. La meilleure solution consiste sans doute à mobiliser le futur guichet unique du réseau France Services agriculture (FSA) pour inciter, de façon positive, les exploitants à maintenir les surfaces en bio.
On ne peut pas demander des engagements sur quinze ou vingt ans chaque fois qu'on accorde des fonds publics. On le constate lorsqu'on soutient des artisans ou des entreprises : la réalité de la vie économique est telle que les aides accordées par la puissance publique ne sont pas toujours un gage de succès.
Une telle disposition conduirait en outre à rigidifier très fortement les systèmes : mécaniquement, un agriculteur se convertissant au bio cinq ans avant sa retraite ne s'engagerait pas pour cinq ans, mais pour dix ans.
Que se passerait-il si un repreneur indiquait ne pas vouloir respecter cette obligation ? Voudriez-vous qu'on empêche son installation ? Si une exploitation de quatre-vingt hectares était reprise par deux personnes distinctes, l'opération serait-elle annulée au prétexte qu'une des deux refuse le maintien des terres en bio ? Une telle logique pourrait se traduire par des phénomènes de déprise ou d'agrandissement : des exploitants déjà installés acquerront ces surfaces, non pas pour produire en agriculture biologique, mais pour qu'elles soient comptabilisées comme infrastructures agroécologiques. Cette mesure irait donc à l'encontre de notre objectif de souveraineté.
Qui plus est, votre amendement est problématique sur le plan juridique : il transfère une obligation d'une exploitation à une autre ; or c'est l'agriculteur qui s'engage, pas l'exploitation. En outre, vous imposez une contrainte au propriétaire, mais aussi au repreneur.
Je comprends votre intention et je la partage, mais le dispositif que vous proposez dévoie la transmission. Dans un système économique dynamique, dans lequel l'offre s'adapte à la demande de produits, il me semble dangereux d'interdire toute remise en cause du choix du bio. Pourquoi empêcher un jeune qui reprend une exploitation d'abandonner le système laitier pour une autre production ? Je mets vraiment en garde contre un tel amendement.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE296 de M. Julien Dive
L'amendement vise à demander un rapport au Gouvernement tous les deux ans afin de s'assurer de la réalisation des objectifs que vous fixez à l'horizon 2035 en matière de souveraineté alimentaire et de transition agroécologique.
Selon le dernier alinéa de l'article L. 330-1 du code rural, « les autorités de gestion régionales établissent chaque année un bilan, rendu public, de la mise en œuvre de la politique d'installation et de transmission en agriculture dans leur région. Ces bilans, consolidés à l'échelle nationale par l'État, comportent notamment une présentation du cadre réglementaire fixé par les régions en matière d'aides à l'installation de jeunes agriculteurs et de nouveaux agriculteurs et à la création de nouvelles entreprises rurales ainsi qu'un bilan des versements de l'année écoulée. »
Je vous invite à ne pas multiplier les évaluations sur les politiques publiques d'installation. Peut-être pourriez-vous compléter les dispositions que je viens de citer. Avis défavorable.
Vous mettez en avant le suivi des actions dans les régions, alors que mon amendement propose le même exercice au niveau national. J'interprète l'alinéa 1 comme un défi que se lance le Gouvernement. Il est intéressant de regarder s'il se donne les moyens de le relever…
Sur le fond, nous sommes d'accord. Je le répète, l'article du code rural fait référence à des bilans consolidés à l'échelle nationale par l'État. Le bilan que vous demandez est déjà prévu. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
L'audition du ministre chargé de l'agriculture me paraît tout aussi pertinente qu'un rapport du Gouvernement pour rendre des comptes sur la politique d'installation.
L'amendement est retiré.
Amendement CE3404 de M. Pascal Lecamp et sous-amendements CE3620 de Mme Marie Pochon, CE3599, CE3597 et CE3598 de M. Dominique Potier, CE3631 de Mme Hélène Laporte et CE3589 de M. Dominique Potier
Je souhaite que la loi d'orientation fasse des quatre cent mille exploitations agricoles dans notre pays une ligne rouge. Tous les outils dont nous nous dotons avec elle doivent concourir au maintien d'au moins quatre cent mille exploitations en activité en 2035.
En quarante ans, la part des agriculteurs exploitants dans l'emploi n'a cessé de diminuer, passant de 7,1 % en 1982 à 1,5 % en 2019. Le sous-amendement vise à traduire notre volonté collective de stopper l'hémorragie et de ne pas descendre en dessous de ce seuil. En imposant une part minimale dans l'emploi de 1,5 %, il s'agit de maintenir une agriculture familiale, avec des exploitants indépendants et autonomes.
Monsieur le rapporteur, je tiens à vous dire combien votre amendement est un moment heureux dans nos débats, puisque nous sommes nombreux, dans tous les groupes, à avoir réclamé que la loi affiche un objectif. Je vous remercie donc pour cette initiative : nous avons désormais un cap.
Le choix d'écrire « au moins 400 000 » me convient bien : il laisse espérer une France à cinq cent mille exploitations tout en étant réaliste. Le « un pour un » – une installation pour un départ – est un très bel objectif. Je salue une réussite du dialogue parlementaire.
Mes sous-amendements visent à apporter des précisions plus ou moins importantes en adjoignant des objectifs à celui proposé par le rapporteur : dans le sous-amendement CE3599, il s'agit de maintenir la diversité des exploitations agricoles et de préserver le modèle familial – entendu comme une structure à taille humaine ; dans le sous-amendement CE3597, il s'agit de « limiter les phénomènes d'agrandissement par la régulation de l'ensemble des marchés fonciers en vue de rendre effectif l'objectif de renouvellement des générations » – je le reformulerai volontiers pour terminer par : « en vue d'une politique d'installation ».
Le sous-amendement CE3598 demande, tous les deux ans, un état des lieux des exploitations agricoles en France. Il ne faudrait pas que nous nous réveillions à n + 3 pour constater que la moitié des fermes se sont agrandies sans nouvelle installation.
Enfin, le sous-amendement CE3589 vise à décliner l'objectif par filière et par territoire. Cela peut paraître utopique et technocratique – j'entends déjà la réponse du rapporteur – mais une commission départementale d'orientation agricole (CDOA) ne fait pas autre chose. Il est donc proposé de répliquer à l'échelon national un exercice qui est déjà connu au plan local.
S'il ne fallait retenir qu'un sous-amendement, ce serait celui qui concerne la régulation du foncier, au nom de la cohérence.
Nous reprenons l'amendement que nous avions déposé à l'article 1er pour inscrire dans la loi les mesures promises par le Premier ministre lors de la crise de cet hiver. Lors de sa présentation, le ministre a fait valoir que celles-ci figuraient à l'article 8.
Il est pour le moins curieux que ces mesures, qui ont été au cœur des revendications de nos agriculteurs cet hiver, soient absentes du seul grand texte consacré à l'agriculture depuis plus de dix ans. Nous tenons donc à ce qu'elles figurent en toutes lettres dans le projet de loi – ou, à défaut, dans un futur projet de loi de finances rectificative.
Je remercie monsieur Potier pour ses mots très sympathiques sur l'objectif que nous essaierons d'atteindre ensemble dans les dix prochaines années.
Le fait d'afficher le chiffre de quatre cent mille rend l'objectif simple et lisible pour tout le monde.
Je partage votre souci de maintenir le modèle familial des exploitations. Mais c'est un présupposé pour parvenir à quatre cent mille exploitations. Monsieur Potier, je vous demande donc de retirer le sous-amendement CE3599 au profit de l'amendement CE241 auquel je suis favorable.
Je suis défavorable au sous-amendement de madame Pochon, qui affaiblit la lisibilité de l'objectif, ainsi qu'à celui de madame Laporte.
N'y voyez pas malice de ma part, monsieur Potier, mais je m'étonnerai toujours de ce besoin de faire des phrases dans la loi.
Je soutiens l'amendement du rapporteur, qui donne de la crédibilité à la politique que nous voulons mener. Je ne vois pas la nécessité de compléter l'objectif général, puisqu'il en découle naturellement toutes les exigences que vous avez mises en exergue. En d'autres termes, nous n'atteindrons pas l'objectif si nous ne faisons pas tout ce que vous réclamez.
Le maintien au-dessus de la barre des quatre cent mille est important. Pourquoi ? Je le dis souvent, la démographie agricole de la France est déjà faible – l'Italie compte 1,2 million d'exploitations agricoles, ce qui donne lieu à huit cent mille déclarations au titre de la politique agricole commune (PAC) ; en Irlande, où la population est dix fois moindre, il y en a cent cinquante mille. La conservation d'un certain nombre d'exploitations est indispensable, d'une part, pour préserver le dialogue avec la société – l'absence d'exploitants agricoles dans de nombreuses communes nuit aujourd'hui à la compréhension des pratiques, de la saisonnalité et des contraintes agricoles, ainsi qu'à la connaissance mutuelle – et, d'autre part, pour assurer la diversité de nos productions, dont dépend aussi notre souveraineté. En dessous d'un certain seuil, il n'y aura plus aucun dialogue et nous ne serons plus en mesure de garantir la diversité.
Mon avis est donc défavorable à tous les sous-amendements. Il me semble que la sobriété est un gage d'efficacité.
En revanche, je suis favorable à l'amendement. Je me félicite que l'engagement pris au début de la discussion soit tenu. C'est un message fort que nous adressons en fixant un tel objectif. Cela permet aussi de lever les doutes sur la politique que nous entendons mener. Nous avons besoin de maintenir notre réseau d'exploitations agricoles pour des raisons de souveraineté, d'aménagement du territoire, de diversité des cultures et de dialogue avec la société.
Je remercie le ministre et le rapporteur pour la base de discussion que constitue le chiffre de quatre cent mille.
Vous refusez que la loi soit bavarde, mais une loi muette est tout aussi gênante. Or, elle l'est s'agissant du foncier. Je fais un geste dans votre direction en retirant tous mes sous-amendements, à l'exception du CE3597 qui marque une ambition de régulation de l'ensemble des marchés fonciers. Cette régulation est une condition sine qua non de la survie des exploitations agricoles. Or elle ne figure nulle part dans le texte.
Dans l'amendement de M. Lecamp que je remercie pour cette initiative, il est question de quatre cent mille exploitations agricoles, ce qui ne signifie pas quatre cent mille paysans. Notre sous-amendement comble cette lacune en accompagnant l'objectif chiffré d'un pourcentage d'agriculteurs (1,5 %) dans la population active totale. Il faut garantir un nombre d'exploitations mais aussi de chefs d'exploitation.
Le chiffre de quatre cent mille exploitations est l'assurance de conserver une diversité, contrairement au nombre d'exploitants.
S'agissant du modèle familial et des autres préoccupations de monsieur Potier, elles sont toutes mentionnées à l'article 1er. Il n'est donc nul besoin de le répéter à d'autres endroits.
Enfin, certains d'entre vous souhaitent constamment ajouter « dont biologique ». Or, l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime prévoit déjà que « les politiques publiques visent à promouvoir et à pérenniser les systèmes de production agroécologiques, dont le mode de production biologique ». Quand vous écrivez « agroécologie », vous renvoyez inévitablement au bio. Inutile d'alourdir systématiquement la rédaction.
Je soutiens fortement le sous-amendement de madame Pochon car, à mes yeux, la diversité tient au nombre de chefs d'exploitation et non au nombre d'exploitations en tant que telles. Plusieurs exploitations peuvent appartenir à une même personne ou à une même structure. La création de groupements fonciers agricoles d'investissement (GFAI) risque d'ailleurs d'accroître les risques en la matière.
Si on veut vraiment défendre le maintien d'une agriculture familiale, le sous-amendement de madame Pochon me paraît indispensable.
La commission rejette successivement les sous-amendements CE3620, CE3597 et CE3631, les sous-amendements CE3599, CE3598 et CE3589 ayant été retirés.
Elle adopte l'amendement.
Amendement CE1619 de M. Gabriel Amard
Nous souhaitons réaffirmer la nécessité de réorienter notre politique agricole pour assurer la bifurcation de notre modèle – consommer moins d'eau, polluer moins, manger moins, mieux respecter la condition animale.
Les aides à l'installation et à la transition doivent profiter à ceux qui s'engagent dans l'élevage paysan et la production de cultures végétales. On répond ainsi à deux impératifs : baisser notre consommation et notre production de viande ainsi que les émissions de gaz à effet de serre, ce que commande aussi notre santé ; sortir de l'élevage intensif et valoriser le bien-être animal.
Les aides à l'installation existent. Elles sont gérées par les régions dans le cadre de la PAC 2023-2027. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CE1806 et CE1807 de M. Charles Fournier, et CE2008 de Mme Mathilde Hignet (discussion commune)
Il s'agit de fixer l'objectif d'installation de trente mille exploitants par an (vingt mille dans l'amendement de repli CE1806) à partir de 2026. On ne peut se contenter de remplacer les vingt mille agriculteurs qui partent à la retraite chaque année.
Il faudra trente mille nouvelles installations par an si nous voulons tenir nos objectifs en matière d'écologie. Tous les scénarios de prospective le montrent, qu'ils émanent de The Shift Project, de France Stratégie, de Solagro ou même du plan stratégique national (PSN) pour la PAC : les modes de production respectueux de l'environnement exigent plus d'emplois. Afficher une telle ambition, c'est le minimum que l'on puisse attendre d'une loi qui prétend agir pour le renouvellement des générations en agriculture. Le premier amendement permet de garantir tout à la fois la transition écologique, le renouvellement des générations et la vitalité de nos territoires.
Dans les années quatre-vingt-dix, la France comptait encore un million d'agriculteurs. Il est donc possible d'aller au-delà des quatre cent mille proposés par le rapporteur.
L'amendement a pour ambition d'installer trois cent mille exploitations agricoles supplémentaires, de garantir que chaque cessation d'activité agricole soit compensée par une installation et d'assurer une présence suffisante des exploitants. Aujourd'hui, il y a trois départs à la retraite pour une installation. Nous souhaitons rétablir le ratio à « un pour un ». C'est un moyen de multiplier les fermes sur le territoire. Plus il y a de fermes, plus la dynamique socio-économique est forte et capable de créer de la valeur ajoutée.
Le chiffre de vingt mille que vous proposez a du sens puisqu'aujourd'hui, on recense quatorze mille installations par an, mais il serait insuffisant pour compenser les 25 000 à 26 000 départs par an de chefs d'exploitation attendus jusqu'en 2027.
En proposant quatre cent mille exploitations à l'horizon 2035, je vais dans la même direction que vous. Je serais ravi de pouvoir écrire « 700 000 » mais il faut rester cohérent : soyons ambitieux, certes, mais réalistes – le « un pour un » me semble un bon compromis. Je vous invite à retirer vos amendements et restons-en à un objectif simple et lisible.
Madame Pochon, imaginez que demain, un des grands milliardaires français décide d'acheter toute la France et emploie 1,5 % de la population active dans l'agriculture, votre critère serait rempli. Partons d'un objectif réaliste et nous réussirons tous ensemble à dépasser les quatre cent mille.
Avis défavorable. Nous avons déjà fixé le nombre d'apprenants et le nombre d'exploitations agricoles. Si l'on suit votre logique, on finira par définir le nombre d'exploitants par jour et par secteur géographique, voire le nombre d'enfants à naître pour assurer le renouvellement des générations en agriculture. Vous proposez un système totalement administré.
Madame Hignet, il y a trois départs à la retraite pour deux installations, mais la situation risque de se dégrader.
Ces amendements auraient dû tomber avec l'adoption de l'amendement du rapporteur, puisqu'ils sont incompatibles.
Ensuite, le taux de renouvellement est très variable selon les filières. Dans le champagne, il est supérieur à un, quand il peut être à 0,6 ou 0,7 ailleurs.
L'amendement permet de fixer des points d'étape dans la réalisation de l'objectif de quatre cent mille exploitants en 2035. Grâce à lui, nous saurons dès 2027 ou 2028 si nous sommes sur la bonne trajectoire pour assurer le renouvellement des générations. Nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre 2035 pour prendre conscience que nous avons échoué.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE1223 de Mme Anne-Laure Blin
Je ne saisis pas le sens de cet amendement : un guichet unique France Services agriculture sera installé dans chaque département, couvrant ainsi l'ensemble du territoire national. Avis défavorable.
Il faut que soit vérifié dans chaque département, et pas seulement au niveau national, que les objectifs sont atteints.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE1345 de M. Nicolas Meizonnet
Il s'agit de rappeler que la première cause de la crise que traverse le monde agricole est économique. Nombre d'exploitations ne parviennent plus à survivre à cause des prix trop bas auxquels sont achetés les produits agricoles.
La survie de l'agriculture française passe effectivement par le maintien d'un nombre suffisant d'agriculteurs en activité, mais cet objectif restera vain tant que certains d'entre eux ne toucheront pas un salaire décent.
Les précisions rédactionnelles que vous souhaitez apporter sur la rémunération des agriculteurs nuisent à la clarté du texte. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE2922 de Mme Aurélie Trouvé
J'insiste sur la nécessité de fixer l'objectif d'un nombre d'exploitants agricoles.
Je prends l'exemple du Limousin, qui n'est pourtant pas une région complètement accaparée par l'agro-industrie. Un groupe agro-industriel, T'Rhéa, est en train de racheter des exploitations agricoles par-ci, par-là. Dans ce modèle, des salariés agricoles gèrent des exploitations sous le contrôle de l'agro-industrie ; on prend ainsi le risque d'un monopole d'une filière agro-industrielle sur les terres agricoles. Fixer un nombre d'exploitants est un gage de diversité et de préservation du modèle d'agriculture familiale auquel nous sommes tous attachés ici.
Je vous rejoins sur la pertinence de fixer un objectif chiffré dans cette loi d'orientation, mais celui que vous proposez, de 1 million d'exploitants en 2050, me paraît excessif : restons-en aux quatre cent mille exploitations que j'ai proposé. Avis défavorable.
Je ne voudrais pas qu'il y ait de confusion entre le nombre d'exploitations et le nombre d'exploitants. À l'heure actuelle, on compte 390 000 exploitations en France et 500 000 exploitants et coexploitants. L'objectif que je propose, c'est d'atteindre le nombre d'un million d'exploitants.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE2432 de M. Loïc Prud'homme et amendements identiques CE3509 de la commission du développement durable et CE3242 de Mme Marie Pochon (discussion commune)
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE3241 de Mme Marie Pochon
Les agriculteurs et agricultrices sont en première ligne face aux effets du changement climatique. Les événements climatiques extrêmes – sécheresses, canicules, inondations, gels tardifs –, dont la fréquence augmente, affectent fortement leur activité et leurs résultats. En 2022, les surcoûts liés au changement climatique pour le secteur agricole français se sont élevés à 3 milliards d'euros (Md€), avec des baisses de rendement importantes, de l'ordre de 30 % pour certaines filières. Il importe de rappeler que les politiques d'installation doivent également avoir pour objectif d'adapter l'agriculture aux conséquences du changement climatique, compte tenu de la trajectoire de réchauffement de référence, et à en atténuer les effets.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CD2288 de Mme Mélanie Thomin
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Amendement CE240 de M. Dominique Potier
Cet amendement ne me paraît plus opportun après l'adoption de l'amendement CE3404 du rapporteur, qui fixe un objectif de quatre cent mille exploitations.
Monsieur le ministre, vous avez critiqué l'idée d'une mise en œuvre opérationnelle territoire par territoire, mais c'est ce que font les commissions départementales d'orientation agricole lorsqu'elles fixent des objectifs par filière dans des schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles (Sdrea). J'espère vraiment que nous irons vers une gestion de plus en plus territorialisée – pourquoi pas autour des communautés de communes ?
Je retire cet amendement pour que nous avancions, mais ne croyez pas que nous pourrons atteindre cet objectif de quatre cent mille exploitations sans un travail fin, qui tienne compte des réalités du terrain. Il faudra mobiliser tous les étages de l'architecture territoriale pour réussir.
L'amendement est retiré.
Amendements CE2009 de Mme Mathilde Hignet et CE2013 de M. Loïc Prud'homme (discussion commune)
Au fil du temps, les politiques agricoles ont conduit à une spécialisation des régions – céréales dans la Beauce, élevage en Bretagne, etc. Cet amendement vise à déspécialiser les régions et à ramener de l'élevage dans les régions où il n'y en a plus, afin de recréer une complémentarité entre celui-ci et la production végétale, notamment céréalière, ce qui permettra aux fermes d'être autonomes.
Il s'agit aussi de donner la priorité aux filières qui sont déficitaires à l'échelle nationale – et elles sont nombreuses : fruits et légumes, légumineuses, volaille, etc. Il est nécessaire de renouer avec un État stratège, qui planifie à l'échelle nationale la déspécialisation des territoires et qui définisse des plans de filière prioritaire, avec des moyens adaptés. Le ministre dira qu'il le fait déjà très bien, mais les statistiques montrent que des efforts importants restent à fournir.
La diversification des activités agricoles sur un même territoire peut effectivement être une bonne chose, y compris pour faire face au changement climatique ; mais cela ne concerne pas directement les politiques d'installation et de transmission, sur lesquelles porte cet article : avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CE2011 de Mme Manon Meunier.
Amendement CE2015 de M. Loïc Prud'homme
L'amendement tend à préciser que les politiques publiques prendront en compte l'objectif de favoriser l'installation des femmes en agriculture. Nombre de femmes, parce qu'elles s'installent globalement plus tard que les hommes, ne bénéficient pas de la dotation Jeunes Agriculteurs (DJA). Or, statistiquement, les femmes sont surreprésentées dans les exploitations tournées vers l'agroécologie, l'agriculture biologique, la création de lien dans les territoires et les circuits courts, tout ce dont nous avons besoin pour réaliser la transition agroécologique. Il est donc essentiel de favoriser leur installation en agriculture.
Je partage votre préoccupation de voir les femmes s'installer, mais je ne suis pas partisan de la discrimination positive. L'objectif est d'accompagner tous les projets d'installation, dont ceux des femmes. Il n'y a pas lieu de faire une différenciation et de les mentionner spécifiquement.
Il n'est écrit nulle part qu'il faut donner la priorité aux femmes ou empêcher l'installation des hommes en agriculture. Nous demandons seulement de prendre en compte l'objectif de favoriser l'installation des femmes. C'est un amendement de bon sens. De nombreuses femmes souhaitent s'installer et c'est une bonne chose : prenons cela en compte et accompagnons-les.
C'est ce que prévoit la loi : les hommes et les femmes sont traités de la même manière, à égalité.
La politique actuelle est inégalitaire et ne traite pas les hommes et les femmes de la même façon. Je ne cesse de le rappeler depuis hier et, à chaque fois, la droite me tombe dessus. Je répète que les femmes rencontrent plus d'obstacles à l'installation et qu'elles touchent moins souvent la DJA, parce qu'elles s'installent plus tard, pour des raisons sociétales évidentes, liées notamment à la maternité.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE2038 de M. David Taupiac
Je propose de préciser que les politiques d'installation doivent avoir au minimum pour objectif de stabiliser les effectifs des actifs agricoles, exploitants et salariés, à leur niveau de 2023. L'enjeu est double : il s'agit d'abord de garantir un nombre suffisant d'actifs dans les filières à forte valeur ajoutée, qui nécessitent souvent plus de main-d'œuvre ; ensuite, l'activité agricole étant la principale activité en milieu rural, maintenir un certain nombre d'actifs, c'est soutenir le développement économique de nos territoires.
Nous sommes presque d'accord : je propose également un objectif chiffré avec l'ambition de repasser au-dessus de la barre des quatre cent mille exploitations agricole d'ici à 2035, ce qui fera aussi augmenter le nombre d'actifs.
Pour des raisons de protection sociale, de plus en plus d'exploitants deviennent salariés agricoles, souvent au sein de structures sociétaires dont le dirigeant n'est pas un exploitant agricole. Cet amendement a donc un sens, puisqu'on peut avoir en même temps une baisse du nombre d'exploitants et une augmentation du nombre de salariés.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE38 de M. Fabrice Brun
Afin d'atteindre l'objectif fixé par ce projet de loi, qui consiste à renouveler 30 % des actifs du secteur agricole sur dix ans, nous proposons qu'un diagnostic précis du nombre d'installations d'exploitation soit réalisé dans chaque département.
Le suivi des installations et transmissions qui sera réalisé dans chaque département par France Services agriculture devrait répondre à votre préoccupation. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE241 de M. Dominique Potier
C'est un amendement de coordination avec les vœux exprimés tout à l'heure par le rapporteur.
J'aimerais quand même rappeler le contenu de votre amendement. Vous faites référence au 3° de l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, qui dispose que la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation a pour finalité « de soutenir le revenu, de développer l'emploi et d'améliorer la qualité de vie des agriculteurs et des salariés ainsi que de préserver le caractère familial de l'agriculture et l'autonomie et la responsabilité individuelle de l'exploitant ». La référence au caractère familial de l'agriculture me semble correspondre au vœu que vous avez formulé à plusieurs reprises. Dans la mesure où j'émets un avis favorable à l'adoption de cet amendement, je vous invite à ne pas y revenir sur chacun des autres articles.
Je remercie le rapporteur d'avoir tenu son engagement.
Monsieur le ministre, puisque vous en avez parlé, je me demande si le moment ne serait pas venu de modifier la référence au caractère « familial » des exploitations. Je suis très attaché à la famille, mais l'agriculture familiale n'est plus vraiment une réalité… et ce que l'on entend par agriculture « familiale », c'est plutôt une agriculture « à taille humaine ». Ne peut-on pas, d'ici à l'examen du texte en séance, réfléchir à un terme qui serait plus approprié et moins ambigu que « familial » ? Je pense à des expressions comme agriculture « associative » ou « à taille humaine »…
Peut-on considérer qu'un agriculteur célibataire et gay est un exploitant familial ? C'était mon cas.
C'est précisément pour cela que je disais que l'expression « agriculture familiale » est un peu désuète, même si son sens doit être préservé.
La commission adopte l'amendement.
Amendements identiques CE3510 de la commission du développement durable et CE3250 de Mme Marie Pochon
Il s'agit de donner la priorité aux installations vers des systèmes stratégiques pour la souveraineté alimentaire et les transitions écologiques, à savoir les systèmes diversifiés, agroécologiques, économes et autonomes en intrants, et l'agriculture biologique.
Je me suis déjà exprimé au sujet de l'agroécologie et de la diversification. Avis défavorable.
Je peux me tromper, mais j'ai l'impression que nous avons déjà introduit à plusieurs reprises dans le texte les mots « agroécologie » et « agriculture biologique ». Il est temps d'arrêter. Avis défavorable.
Effectivement, vous vous trompez. Nous en débattons régulièrement mais, à chaque fois, nous recevons un avis défavorable.
Il est vrai que vous proposez toujours la même chose. Peut-être devriez-vous expliquer ce que vous entendez par « donner la priorité » aux systèmes que vous jugez vertueux : est-ce à dire que tous les autres types d'exploitation ne doivent pas être valorisés dans les projets d'installation ?
Nous avons vérifié : nous avons déposé environ 120 amendements visant à inscrire l'agriculture biologique dans le texte ; un seul a été adopté.
Comme l'avait signalé notre collègue Henri Alfandari, le II de l'article L. 1 du code rural dispose déjà que « les politiques publiques visent à promouvoir et à pérenniser les systèmes de production agroécologiques, dont le mode de production biologique, qui combinent performance économique, sociale, notamment à travers un haut niveau de protection sociale, environnementale et sanitaire ».
Certes, cela figure déjà dans le droit, mais les objectifs que nous nous sommes fixés en matière d'agriculture biologique ne sont pas atteints et la loi n'est pas respectée. Il importe donc, dans une loi relative à l'installation et à la transmission, de rappeler explicitement cet objectif.
La commission rejette les amendements.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CE1198 de Mme Anne-Laure Blin.
Amendements identiques CE3511 de la commission du développement durable et CE3251 de Mme Marie Pochon
La question du pluralisme est importante, mais je crois que c'est plutôt à l'article 10, relatif à l'instauration de France Services agriculture, qu'il convient de l'inscrire.
Nous avons défendu plusieurs amendements relatifs au pluralisme ; chaque fois, on nous a renvoyés à d'autres articles. L'article 8 porte sur les politiques de soutien à l'installation agricole. Il se trouve que les personnes qui viennent à l'agriculture ont des profils très variés, que ce sont souvent des personnes en reconversion professionnelle, qui viennent d'autres milieux et qui ont parfois aussi des projets alternatifs. Il faut pouvoir les accompagner, ce qui suppose une forme de pluralisme de l'accompagnement. C'est dans cet article que cette notion me semble la plus cruciale et je vous remercie, monsieur le rapporteur, de vous en remettre à la sagesse de la commission.
L'amendement CE3573, par lequel je vous proposerai une réécriture de l'article 10, énonce à deux reprises, à propos du guichet unique et des structures de conseil et d'accompagnement, la nécessité de garantir le pluralisme et l'équité. Comme le ministre, je crois que c'est à l'article 10 que cela doit figurer.
L'amendement CD3511 est retiré.
La commission rejette l'amendement CE3251.
Amendements identiques CE285 de M. Julien Dive, CE308 de M. Inaki Echaniz, CE645 de M. Jean-Pierre Vigier, CE700 de Mme Christine Engrand et CE974 de M. Francis Dubois
Nous proposons que le guichet France Services agriculture (FSA) ne prenne pas seulement en charge la formation des futurs exploitants, mais aussi celle des exploitants déjà en exercice. Ce lieu doit servir de point d'information, d'échanges et de formation à n'importe quel moment de la vie d'un exploitant. Cet amendement est inspiré d'une proposition des Jeunes Agriculteurs (JA).
Il importe que l'accompagnement proposé par FSA en matière de formation concerne les actifs agricoles tout au long de leur activité.
Nous proposons que FSA accompagne l'ensemble des actifs agricoles, tout au long de leur activité.
Ces amendements correspondent à la nouvelle rédaction que je proposerai de l'article 10. Avis favorable.
Avis favorable, étant précisé que France Services agriculture n'a pas vocation à se substituer aux organismes de formation existants et à dispenser des formations ; son rôle sera d'orienter les actifs agricoles vers des systèmes de formation continue.
La commission adopte les amendements.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CE1398 de M. Emmanuel Blairy.
Amendement CE1838 de Mme Mélanie Thomin
Une précédente version du projet de loi instaurait une coopération entre l'État et les régions dans la gouvernance et la mise en œuvre de France Services agriculture. Nous proposons de réintroduire cette disposition, car les régions sont compétentes en matière d'installation agricole – depuis 2014, la région Bretagne a contribué à installer 3 200 nouveaux exploitants : elles sont garantes de la diversité de l'agriculture française et en première ligne pour construire les projets alimentaires territoriaux. Cet amendement a été travaillé avec les présidents de région.
L'amendement sera satisfait à l'article 10, qui prévoit l'intervention du Cnit et des Crit. Avis défavorable.
Cet article et toutes les questions qui concernent France Services agriculture ont évidemment été travaillés avec Régions de France, en particulier avec son vice-président en charge des questions agricoles, qui est aussi le président de votre région. L'article 1er du projet de loi précise que la mise en œuvre de cette politique d'aide à l'installation s'appuie sur une instance nationale et des instances régionales de concertation réunissant l'État, les régions et les autres partenaires concernés. Il est donc inutile de le repréciser ici.
Rétablir dans la loi cette mention des régions qui figurait dans une version précédente du texte rassurerait ceux des acteurs du monde agricole qui s'inquiètent de sa disparition, quand bien même vous garantissez que les régions seront bien au cœur de la politique d'installation.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CE2929 de M. Benoit Mournet et CE3252 de Mme Marie Pochon
Toute installation nécessite d'accéder au foncier. Maintenir le nombre d'exploitants agricoles suppose donc de réaménager la politique des structures, de freiner la concentration des terres, de garantir la transparence et la régulation des marchés fonciers en favorisant l'emploi par unité de surface. Je vous invite à adopter ces amendements, qui sont soutenus par des groupes politiques très différents et qui nous ont été suggérés par Terre de liens.
Les points que vous évoquez sont très importants mais, en la matière, les outils dont la France dispose depuis longtemps sont robustes, en particulier le contrôle des structures et le rôle des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer). Notre modèle est même envié internationalement. Je vous invite donc à retirer vos amendements. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je ne peux pas entendre que nos outils sont robustes : ils s'effritent de partout ! Le droit de préemption des Safer est en train de s'étioler, du fait de la séparation de la nue-propriété et de l'usufruit ; la loi du 23 décembre 2021, dite loi « Sempastous », laisse passer entre les mailles de ses filets des petits et des gros poissons ; les phénomènes de transmission d'usage par le travail à façon ne sont pas contrôlés… Notre système a été robuste, mais il est fragilisé et il faut le réparer.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE3403 de M. Pascal Lecamp et sous-amendements CE3594 de M. Dominique Potier, CE3621 de Mme Marie Pochon et CE3595 de M. Dominique Potier, et amendement CE2733 de M. Charles Fournier (discussion commune)
Au cours des dix prochaines années, 170 000 exploitations vont changer de mains. L'installation de nouvelles générations d'agriculteurs, qui doit garantir notre souveraineté alimentaire, va nécessiter des moyens colossaux, de l'ordre de plusieurs milliards d'euros. Je propose donc que les banques publiques du groupe Caisse des dépôts et consignations puissent concourir à des fonds de portage tels que le fonds Elan, créé il y a un an au salon de l'agriculture. Cet amendement me tient particulièrement à cœur.
Le sous-amendement CE3594 vise à préciser qu'il s'agit de favoriser l'adaptation des exploitations au changement climatique. Le CE3595 tend à supprimer le mot « progressivement ». Je l'ai déposé pour soutenir votre amendement, que je trouve excellent. Nous avons besoin du fonds Élan : il permet de drainer des fonds privés tout en contrôlant leur affectation et leur gestion, ce qui n'est pas le cas avec les groupements fonciers agricoles d'investissement (GFAI), ni avec les groupements fonciers agricoles d'épargnants (GFAE). Toutes les parties syndicales et presque toutes les parties politiques soutiennent le projet de fonds de portage public que le ministre déploie, trop progressivement à mon goût.
Nous sommes favorables à l'adoption de l'amendement. Le sous-amendement CE3621 vise toutefois à l'améliorer, en supprimant le recours aux investisseurs privés : ceux-ci cherchent la rentabilité à court terme des investissements ; or l'accaparement des terres agricoles par des firmes renchérit le coût du foncier, freinant fortement l'installation des jeunes agriculteurs. Plutôt que chercher à attirer les investissements des multinationales, nous devons garder le contrôle des terres agricoles et les partager pour que des jeunes s'y installent massivement.
Avis favorable au sous-amendement CE3594 et défavorable au CE3595. Nous devons décider du rythme de l'augmentation ; nous pourrions avoir davantage de besoins au début et moins par la suite.
L'avis est également défavorable au sous-amendement CE3621. Les sociétés agricoles restent des entreprises privées ; dans tous les cas, la loi nous interdit de financer plus de 70 %. Adopter votre amendement reviendrait à créer des sovkhozes.
J'émets un avis de sagesse sur l'amendement CE3403. Les sous-amendements montrent que des précisions sont encore nécessaires ; il faudra consolider la rédaction avant l'examen en séance, afin de bien définir votre intention. Par ailleurs, il faut éviter d'allonger le texte : demande de retrait ou avis défavorable aux sous-amendements.
Merci, monsieur Potier, de faire l'éloge des fonds privés sous contrôle public. Il en sera de nouveau question dans quelques articles ; nous devons encore travailler à l'équilibre du système. Le déploiement du fonds Entrepreneurs du vivant, dans le cadre de « France 2030 », a mis du temps, mais les crédits seront à disposition à partir de l'été. Ce n'est pas simple, mais nous respecterons les annonces du Président de la République.
Le texte souffre de l'absence de dispositions relatives au foncier. Monsieur le rapporteur, votre amendement mentionne les investisseurs privés : s'agit-il seulement de personnes physiques ou les sociétés seront-elles concernées ? La rédaction n'exclut pas leur participation. Le dispositif n'est pas très encadré. J'avais déposé un sous-amendement, mais il a été déclaré irrecevable.
Successivement, la commission adopte le sous-amendement CE3594 et rejette le sous-amendement CE3621, le sous-amendement CE3595 ayant été retiré.
Elle adopte l'amendement CE3403 sous-amendé.
En conséquence, l'amendement CE2733 tombe.
Amendement CE3402 de M. Éric Girardin et sous-amendements CE3626 de Mme Marie Pochon et CE3636 de M. Grégoire de Fournas
En défendant ce texte, nous voulons garantir la souveraineté alimentaire, qui constitue un intérêt général majeur. Pour y arriver, nous actionnons trois leviers : la formation, l'orientation et l'installation et transmission – celui qui nous intéresse à l'article 8. L'activité agricole nécessite un fort investissement en capital et engendre souvent des revenus faibles. Notre pays connaît un problème de transmission, mais, je le dis souvent, une réforme en la matière s'apparenterait à un « « grand soir » fiscal. Pourtant, nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs sans assouplir la fiscalité des transmissions.
Un rapide panorama permet de constater que la France a le deuxième taux marginal le plus élevé d'Europe en matière de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) ; le quatrième pour les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ; le cinquième pour les plus-values immobilières. Nous sommes l'un des quatre seuls pays à avoir un impôt sur la fortune immobilière (IFI), lequel s'applique presque uniquement au foncier. Cette situation fiscale entrave les cédants.
Évidemment, les réformes possibles ne relèvent pas du présent projet de loi et nous défendrons nos propositions lors de l'examen du projet de loi de finances. En premier lieu, nous devons harmoniser les droits de mutation, en tenant compte de la nature de l'activité. Par exemple, si vous voulez transmettre une exploitation familiale, vous êtes imposé sur la plus-value, parce qu'on considère qu'il s'agit d'une cessation d'activité. Mais lorsque vous procédez en transférant des parts de société, vous bénéficiez d'exonérations de plus-values ; de plus, si le repreneur est encore présent et actif au bout de cinq ans, les plus-values sont annulées.
Deuxièmement, nous devons lever les freins que représente la fiscalité du foncier. On ne peut pas objecter que le foncier étant un outil patrimonial, on ne pourrait harmoniser sa fiscalité avec celle des actifs : le foncier est un outil d'exploitation. Beaucoup l'ont souligné, c'est à partir de la terre qu'on produit.
Il faut également poser la question de l'harmonisation du bail rural à long terme et du pacte Dutreil.
Nous devons enfin réfléchir à la méthode qu'emploie la direction générale des finances publiques (DGFiP) pour calculer les droits de mutation. Comme elle procède par comparaison, elle intègre les acquisitions d'investisseurs, ce qui rehausse mécaniquement le prix moyen du foncier. Un agriculteur qui veut organiser sa transmission est donc confronté à une valeur de référence fiscale exorbitante.
Pour pouvoir effectuer ce travail, je vous propose d'adopter le présent amendement.
Le sous-amendement CE3636 tend à indiquer que la période visée sera de dix ans. Pendant la crise agricole, le ministre Bruno Le Maire a fait des promesses. Nous le prenons au mot et voulons que soient précisés les avantages concédés aux agriculteurs.
Avis défavorable aux sous-amendements.
Nous l'assumons depuis le début, le texte ne contient pas de dispositifs fiscaux – ce n'est pas l'objet d'une loi d'orientation. En revanche, l'amendement du rapporteur général tend à engager le Gouvernement et le Parlement à réformer dès 2025 la fiscalité de la transmission. Cela fait écho aux annonces du Premier ministre, complétées le 27 avril : nous appliquerons des mesures visant notamment à améliorer la compétitivité des exploitations agricoles. Le Gouvernement a confié une mission conjointe à l'Inspection générale des finances (IGF) et au Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), relative à l'installation et à la transmission des exploitations. Leurs propositions pour améliorer les outils, fiscaux et non fiscaux, seront rendues d'ici à l'été et pourront utilement nourrir nos travaux préparatoires au projet de loi de finances pour 2025. J'émets donc un avis favorable à l'amendement.
Je soutiens l'amendement. Toutefois, je répète que l'irrecevabilité dont tous les amendements fiscaux ont été frappés résulte d'une mauvaise application de l'article 45 de la Constitution. On peut déposer des amendements fiscaux sur n'importe quel texte, pourvu qu'il existe un lien. L'exposé sommaire de l'amendement de monsieur Girardin le souligne : on ne peut s'intéresser à l'installation sans envisager la transmission, en particulier dans sa dimension fiscale.
Est-il raisonnable de maintenir l'IFI sur les terres, quitte à le plafonner ? Pourquoi ne pas imposer sur la fortune les valeurs mobilières, beaucoup plus rentables ? L'IFI est concentré sur les terres, alors qu'elles sont le placement qui rapporte le moins. C'est aberrant !
S'agissant de la transmission, la loi Dutreil s'applique au secteur agricole, offrant 75 % d'exonération en contrepartie du maintien du caractère familial pendant cinq ans. Or cela oblige à monter des holdings familiales qui sont des « usines à gaz » et la durée de cinq ans est tout à fait insuffisante pour transmettre le foncier, car cela nécessite au moins dix à quinze ans. Pourquoi ne pas adopter une loi spécifique pour les exploitations individuelles, largement majoritaires ?
Les amendements fiscaux ont été déclarés irrecevables parce que nous examinons une loi d'orientation, non une loi de programmation.
Les accroches n'étaient pas là. D'autre part, le projet de loi de finances permettra de les discuter.
Les accroches y étaient ! J'espère que nous allons voter l'amendement Girardin ; les amendements que j'avais déposés suivaient la même ligne. Je les redéposerai en vue de l'examen du texte en séance publique.
Je soutiens le contraire : il ne faut pas voter cet amendement !
D'abord, la rédaction est vague ; son adoption donnerait un blanc-seing à la majorité et au Gouvernement pour mener une réforme sans état des lieux ni étude d'impact préalable. Qu'est-ce qui est visé ? La grande propriété, le grand patrimoine foncier ou une véritable logique de transmission d'un capitalisme populaire et familial ? Nous n'en savons rien.
Ensuite, si vous voulez ouvrir la porte d'une réforme de la fiscalité, ouvrons-la complètement. Entre le gazole non routier (GNR), les exonérations fiscales sur les transmissions et la mécanisation, près de quatre milliards d'euros sont consacrés à l'agriculture. Or, sur la durée, la surmécanisation, favorisée par la fiscalité, pèse peut-être désormais davantage sur le revenu agricole que ne pèse la transmission du patrimoine.
Enfin, à cause des démembrements de propriété et du phénomène sociétaire mal maîtrisé, liés aux dérégulations, on assiste à un accaparement des terres et à une hausse des prix exponentielle. Et vous venez, avec des biens publics et des exonérations fiscales, rétablir des privilèges pour ceux qui ont spéculé sur le foncier ! Cela n'a aucun sens. Si vous ne votez pas en amont une loi de régulation à même de limiter le coût du foncier, donc de garantir la compétitivité de notre agriculture et de donner ses chances à une politique d'installation, une telle réforme fera perdre de l'argent public pour un bénéfice incertain, hormis celui de quelques privilégiés.
J'ajoute qu'on ne vote pas une loi pour dire qu'on votera une loi. Le présent amendement révèle quel problème pose un projet de loi d'orientation ou de programmation qui ne prend pas en considération la question du foncier. Ce n'est pas sérieux.
Par ailleurs, je remercie M. le rapporteur général de son plaidoyer contre la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
L'amendement vise à ajouter un alinéa déclaratif, dépourvu de tout caractère contraignant ; seul le projet de loi de finances pourra prévoir des réformes – il n'y a pas de blanc-seing. En revanche, il a le mérite d'envisager une évolution de la fiscalité ; contrairement à ce que vous affirmez, il permet de prendre en considération la question du foncier et de la manière dont on le transmet.
Vous êtes vent debout contre les démembrements, monsieur Potier, mais on pourrait très bien ouvrir des droits de succession en ligne directe à des repreneurs tiers, s'ils s'engageaient à exploiter les terres ; ainsi, le cédant garderait l'usufruit et le repreneur n'achèterait que l'exploitation. Le coût d'entrée diminuerait fortement et au moment du décès, grâce au remembrement, le tiers non familial devenu l'exploitant récupérerait le foncier. Un tel dispositif limiterait largement le phénomène de distorsion que vous dénoncez.
L'amendement fixe à l'État l'objectif de mener « une réforme de la fiscalité applicable à la transmission des biens agricoles », sans préciser quel type de transmission sera concerné. Il est contradictoire avec l'amendement que nous avons adopté tout à l'heure, qui vise l'objectif de quatre cent mille exploitations en France. Nous sommes tous d'accord pour nous doter d'une loi relative à l'installation et à la transmission. Ici, seule la transmission est visée : il peut s'agir de transmettre le foncier à la grande exploitation voisine ou de le vendre à une firme, au détriment du jeune qui veut s'installer. En aucun cas il ne s'agit d'un outil de nature à nous aider à atteindre notre objectif de quatre cent mille exploitations. Nous sommes totalement opposés à cet amendement.
Monsieur Potier avait déposé à l'article 1er un amendement visant à prévoir une loi relative au foncier.
Non, je crois que nous l'avons examiné.
Je comprends les inquiétudes que vous exprimez, mais rien dans l'amendement ne les justifie. La rédaction précise clairement les intentions : « garantir le renouvellement des générations d'exploitants agricoles et (…) pérenniser le modèle d'exploitation familiale ». Où est le loup ? Où est l'intention de céder les biens fonciers aux firmes multinationales, cachées et nombreuses, qui attendent de se jeter dessus ? L'objectif, c'est la transmission, le renouvellement des générations, l'installation. Lors de l'examen en séance, vous pourrez défendre un amendement visant à insérer le mot « installation » : son adoption n'empêchera personne de dormir.
Vous avez raison, monsieur Potier : dans un autre champ, nous devons réfléchir au lien entre la fiscalité et les charges de mécanisation. Nous sommes le pays du monde où ces dernières sont les plus élevées ; la fiscalité y a sans doute beaucoup contribué. Il faut que nous nous interrogions. Quand les années sont mauvaises, la dotation pour épargne de précaution constitue une meilleure solution.
Réfléchissons globalement. L'amendement du rapporteur général soulève la question de la fiscalité, que nous devrons examiner, il n'y a aucune raison de se faire peur avec.
« Homme de peu de foi », me dites-vous, me reprochant de ne pas croire sur parole le rapporteur général quant aux intentions de la majorité. C'est une simple question de forme démocratique. En déclarant irrecevables les amendements concernés, vous avez empêché d'inscrire pareillement dans le texte l'intention de réguler le marché foncier, y compris en recourant à des outils budgétaires, alors qu'une loi de cette nature est indispensable pour agir à la source. Avant d'autoriser demain 200, 300 ou 500 millions d'euros de défiscalisation, il faut conduire une étude d'impact pour mesurer l'incidence d'une dépense équivalente en aides à l'installation d'exploitants dépourvus de patrimoine familial, car cela permettrait d'évaluer l'efficacité de chaque euro investi dans l'un et l'autre dispositif. Là, vous voulez recourir à la défiscalisation, sans cadre, après avoir empêché le débat sur la régulation foncière. Vous comprendrez ma prudence et notre refus.
Successivement, la commission rejette les sous-amendements et adopte l'amendement.
Amendements CE3406 de M. Pascal Lecamp et CE1434 de M. Jorys Bovet (discussion commune)
Au nombre de 320, les services de remplacement sont fortement demandés ; ils comptent soixante-dix mille adhérents, soit environ 16 % des chefs d'entreprise agricole. Ce chiffre a considérablement augmenté au début des années 2000, mais il est désormais stable depuis plusieurs années.
Les services de remplacement aident les exploitants en difficulté ou remplacent ceux qui prennent des congés bien mérités. Ils constituent une solution pour renforcer l'attractivité des métiers du vivant et pour satisfaire les attentes socioprofessionnelles de ceux qui nourrissent un projet d'installation. Ils seront indispensables au renouvellement des générations.
L'amendement CE3406, cosigné par le rapporteur général, les trois rapporteurs et vous-même, monsieur le président, tend donc à inscrire dans le texte que l'État se donne pour objectif de bâtir une stratégie pour développer le recours aux services de remplacement et pour sécuriser juridiquement leur action.
L'amendement CE1434 vise à développer les services de remplacement. Les contraintes du métier d'agriculteur et l'amplitude des horaires de travail constituent un frein à l'installation des jeunes. Les éleveurs en particulier sont ceux qui bénéficient le moins de vacances, puisque leur activité nécessite une présence quasi quotidienne dans l'exploitation.
Il s'agit d'un sujet majeur. Les conditions de travail font obstacle à l'installation dans le secteur de l'élevage. Il faut que les conditions de vie des éleveurs se rapprochent de celles de leurs concitoyens, même si elles ne seront jamais tout à fait les mêmes. C'est pourquoi nous avons déjà soutenu les services de remplacement en adoptant jusqu'en 2025 la revalorisation du crédit d'impôt sur les dépenses des agriculteurs qui y recourent.
Monsieur le rapporteur, je suis favorable à votre amendement, sous réserve d'en supprimer la dernière phrase. Avec l'amendement ainsi rédigé, l'État se donnerait pour objectif « de bâtir une stratégie pour encourager le développement des services de remplacement », sans dire dès à présent aux parties prenantes, de manière autoritaire, en quoi consiste cette stratégie, qui nécessite une concertation.
Je rectifie l'amendement en supprimant la dernière phrase. Par ailleurs, je demande le retrait de l'amendement CE1434, au profit du mien.
L'amendement CE3406 rectifié est ainsi rédigé :
« Compléter cet article par l'alinéa suivant :
« “ II (nouveau). – Afin de prendre en compte les attentes sociales et professionnelles des personnes ayant un projet d'installation, l'État se donne comme objectif de bâtir une stratégie pour encourager le développement des services de remplacement permettant d'assurer la continuité du fonctionnement des exploitations agricoles lorsque les exploitants s'en absentent, notamment pour des motifs professionnels liés à la formation ou à l'activité syndicale ou pour des raisons personnelles, familiales ou de santé.” »
Les services de remplacement sont nécessaires. Toutefois, j'ai du mal à évaluer les possibles effets du présent amendement. Quelles sont les faiblesses du système ? Qu'envisagez-vous de rectifier ? La réalité, c'est qu'un déficit de personnel rend difficile de trouver des éleveurs pour remplacer ceux qui auraient recours au dispositif.
Il faut mener un travail de terrain. Nous sommes conscients que le nucléaire manque de personnel, que l'électricité manque de personnel – tous les secteurs manquent de personnel. Nous ne résoudrons pas le problème démographique de la France sans accepter une autre forme d'immigration – mais c'est un autre sujet. France Services agriculture permettra de savoir où se trouvent les actifs agricoles, donc de fluidifier les affectations de ceux qui cherchent à travailler, et de débloquer des situations. Mais nous n'avons pas de baguette magique.
L'omission des salariés agricoles constitue l'une des faiblesses du texte. S'il en avait été autrement, nous pourrions discuter de propositions précises pour coordonner les services de remplacement.
L'amendement du rapporteur, tel qu'il avait été déposé, était très bon du début à la fin. Il est très dommage d'en avoir supprimé la dernière phrase, qui précise quels leviers peuvent être activés pour développer les services de remplacement. Ces propositions font écho aux demandes des professionnels concernés – j'imagine qu'ils ont participé à leur élaboration.
L'amendement CE1434 est retiré.
La commission adopte l'amendement CE3406 rectifié.
Amendements identiques CE3512 de la commission du développement durable et CE2035 de Mme Nathalie Bassire
Je laisse madame Bassire, qui en est l'autrice, présenter ces amendements identiques, auxquels je suis favorable.
Ils visent à intégrer le réflexe outre-mer à la fabrication de la norme, en l'espèce pour favoriser la création, l'adaptation et la transmission des exploitations agricoles et l'installation des agriculteurs. Dans chaque territoire ultramarin, le contexte local, géographique et démographique notamment, rend l'installation très difficile, en particulier hors cadre familial.
Les collectivités d'outre-mer sont compétentes en matière d'installation et de transmission des exploitations agricoles. Les amendements remettraient en cause cette compétence. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Madame Bassire, nous partageons l'objectif de mieux identifier les spécificités des territoires ultramarins, mais, si votre amendement était adopté, l'État marcherait en effet sur les plates-bandes des collectivités locales – je rappelle qu'outre-mer, certaines compétences leur sont totalement dévolues. Mon intention étant de faire droit à votre demande, je vous propose donc de revoir la rédaction de votre amendement pour arriver à une énumération de quelques éléments.
Madame Blin, les services de remplacement posent des questions de formation – il faut prendre en compte les évolutions, y compris dans les métiers de l'élevage –, d'attractivité et de rémunération, enfin de fiscalité. Par ailleurs, certains agriculteurs préfèrent travailler, dans le cadre des services de remplacement, d'une exploitation à l'autre, sans être eux-mêmes responsables d'exploitation. Il me semble donc préférable de ne pas définir une stratégie à l'avance tant que nous n'avons pas consulté les partenaires.
Les amendements CE3512 et CE2035 sont retirés.
Amendement CE39 de M. Fabrice Brun
Cet amendement propose que le Gouvernement remette tous les deux ans au Parlement un rapport détaillant le nombre d'installations et de renouvellement d'exploitations au regard des objectifs de renouvellement des générations et de souveraineté alimentaire du présent projet de loi.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons que j'évoquais tout à l'heure à propos des bilans régionaux et nationaux prévus par le code rural.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 8 modifié.
La séance, suspendue à 17 heures 20, est reprise à 17 heures 30.
Après l'article 8
Amendement CE2093 de M. David Taupiac
Nous avons déjà beaucoup parlé du rôle de l'État dans l'installation et la transmission des exploitations, mais très peu, voire pas du tout, du rôle des régions. Cet amendement vise à rappeler expressément dans le code général des collectivités territoriales que parmi les compétences des régions figure le soutien à l'agriculture, notamment à l'installation des agriculteurs et à la transmission des exploitations.
Le développement économique fait partie des compétences des régions, cela ne fait aucun doute. Par ailleurs, l'article L. 330-1 du code rural précise déjà le rôle des régions dans le domaine de l'installation, plus spécifiquement des aides à l'installation, et le projet de loi réaffirme ce rôle. Enfin, cet amendement risquerait de créer des effets contraires à votre intention en mettant en difficulté les régions dans l'exercice de leurs compétences. Avis défavorable.
La précision de l'amendement est inutile. Le rôle des régions est déjà mentionné dans plusieurs textes et la politique d'installation est construite avec elles.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE2168 de M. Philippe Naillet et sous-amendement CE3657 de M. Dominique Potier
Cet amendement tend à créer un article dédié aux outre-mer. Il ne s'agit pas simplement, comme dans l'amendement adopté à l'article 1er, de reconnaître les spécificités de l'outre-mer, mais d'orienter de manière précise les politiques publiques visant à favoriser la création, l'adaptation et la transmission des exploitations agricoles dans les territoires d'outre-mer.
Le rapport sénatorial « Foncier agricole outre-mer : une reconquête nécessaire pour la souveraineté alimentaire », qui souligne les défis auxquels sont confrontés les territoires ultramarins, propose ainsi une stratégie pour renforcer la souveraineté alimentaire selon quatre axes : sauvegarder les terres agricoles déjà cultivées ; reconquérir des terres agricoles exploitables ; transmettre pour assurer la relève des générations ; aménager dans une perspective d'agriculture durable.
La préservation du foncier agricole est en effet un sujet sensible dans les collectivités d'outre-mer et de nombreux outils, que vous citez, d'ailleurs, permettent déjà de se saisir de la question. De plus, votre amendement présente des priorités nombreuses et variées, des préretraites agricoles aux moyens des Safer. Avis défavorable.
Il faut sans doute introduire dans le texte d'autres éléments spécifiques aux territoires ultramarins que l'amendement à l'article 1er que vous avez évoqué ; travaillons-y en vue de l'examen du texte en séance. Toutefois, votre amendement définit à lui seul une demi-politique agricole pour les territoires ultramarins. Avis défavorable.
Les priorités fixées par cet amendement sont issues d'un rapport sénatorial.
Je propose, pour reprendre un mot souvent utilisé dans nos débats depuis hier, de « donner un cap ». C'est ce qui est attendu de ce projet de loi par tous ceux qui militent, à La Réunion et ailleurs, pour la souveraineté alimentaire.
Le texte prévoit des exonérations fiscales pour l'Île-de-France ; faisons en sorte qu'il n'oublie pas les îles d'outre-mer ! Cherchons pour la séance une voie pour faire droit à cette demande de tous les outre-mer, puisque le rapport sénatorial a été adopté à l'unanimité.
Plutôt que d'introduire des articles additionnels entiers au risque d'être bavards, je préfère que nous identifiions ensemble deux ou trois questions propres aux outre-mer. Je pense notamment à l'autonomie alimentaire des outre-mer, pour laquelle le Président de la République nous a demandé d'élaborer une stratégie.
Je retire l'amendement pour le retravailler avant la séance, en espérant que vous nous apporterez votre soutien, monsieur le ministre.
L'amendement est retiré.
Amendement CE3634 de M. Éric Girardin
Cet amendement propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la création d'un dispositif d'aide au passage de relais pour les chefs d'exploitation qui sont à moins de cinq ans de l'âge légal de la retraite et subissent de graves difficultés économiques, familiales ou de santé.
Il est normal que le Gouvernement rende des comptes au Parlement, mais je vous demande de ne pas multiplier les demandes de rapport pour éviter de surcharger les services du ministère, qui ne pourraient alors vous rendre les rapports dans les délais impartis. Sagesse.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE655 de Mme Anne-Laure Blin
Cet amendement a pour but d'évoquer la question du cumul des aides de la PAC avec un départ à la retraite au-delà de 67 ans. Un agriculteur de plus de 67 ans ne peut désormais plus toucher ces aides, une modification qui n'a pas fait l'objet d'une communication particulière.
Plusieurs agriculteurs de ma circonscription ont appelé mon attention sur ses conséquences. Pour certaines cultures, en effet, les investissements sont engagés au cours de l'année antérieure à celle du versement des aides. En outre, même après 67 ans, les agriculteurs et agricultrices peuvent continuer de servir notre agriculture. Il est donc nécessaire d'envisager la possibilité de cumuler le bénéfice de la retraite et celui des aides de la PAC.
Je doute de l'utilité d'un rapport à ce sujet : la question de l'âge maximum pour être considéré comme actif a dû faire l'objet d'intenses réflexions dans le cadre de l'élaboration de la PAC 2023-2027. Avis défavorable.
Je rappelle que la mesure en question a été prise à la demande des Jeunes Agriculteurs, pour éviter certains effets d'aubaine, comme quand des personnes conservaient le statut d'agriculteur alors qu'elles mettaient leur terre à façon, empêchant ainsi toute installation.
Cette décision a été prise de manière transparente, mais elle a pu provoquer des difficultés d'anticipation pour un certain nombre de porteurs de projet. Nous avons traité les dossiers pour permettre à ceux qui le pouvaient de se mettre en règle dans les délais. Je ne souhaite pas revenir sur ces nouveaux critères, parce que la décision qui les a instaurés était juste.
Cela dit, elle a créé des tensions dans le paiement des aides, par exemple dans le cas d'un groupement agricole d'exploitation en commun (Gaec) dont un membre a plus de 67 ans. Personne n'avait anticipé ces effets de bord. Nous travaillons donc à des ajustements du PSN pour les cas où un agriculteur touche une petite retraite tout en poursuivant ses activités agricoles.
Je donne donc un avis défavorable à cette demande de rapport, mais nous ferons un bilan.
La règle des 67 ans pose effectivement problème : elle ne touche que les agriculteurs les plus modestes ; elle apparaît donc comme une sanction à géométrie variable. Je rappelle que certains secteurs, comme la viticulture ou les forestiers, n'ont pas à se poser la question, puisqu'ils ne touchent aucune aide de la PAC. D'ailleurs, si on pouvait supprimer toutes les aides PAC au profit de prix rémunérateurs, tout le monde s'en trouverait satisfait et nous n'aurions plus à discuter de ses critères d'attribution.
La mesure Denormandie a été la bienvenue et je soutiens le ministre sur ce point.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous confirmiez la répartition des aides. Notre commission d'enquête sur les produits phytosanitaires a établi que 25 % des agriculteurs touchaient 66 % des aides, contre respectivement 20 % et 80 % à l'échelle européenne. Votre chiffre est différent. Pourriez-vous nous communiquer la répartition des aides si on enlève les deux derniers déciles, qui regroupent ceux qui ne touchent pas d'aides ?
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE656 de Mme Anne-Laure Blin
Cet amendement vise à soutenir les travailleurs non salariés agricoles en demandant un rapport sur l'élargissement du dispositif Madelin agricole.
Ce dispositif permet de capitaliser pendant son activité pour améliorer ses futurs revenus de retraite, de bénéficier d'une déduction fiscale des cotisations acquittées et de verser une rente réversible à un bénéficiaire désigné en cas de décès. Toutefois, les travailleurs non salariés (TNS) agricoles ne peuvent souscrire un contrat de prévoyance ou une complémentaire santé dits Madelin, alors que les TNS non agricoles peuvent y avoir recours. L'application de ce dispositif dans les exploitations agricoles demeure floue et plusieurs exploitants ont été alertés par leur comptable à ce sujet.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE779 de M. Vincent Descoeur
Il s'agit d'évaluer l'opportunité économique d'étendre aux salariés agricoles le dispositif d'exonération de cotisations patronales pour l'emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi (Tode). Le besoin en main-d'œuvre, que ce soit pour la gestion de l'exploitation ou pour l'élevage des animaux, existe en effet toute l'année et les employeurs français subissent des coûts de main-d'œuvre supérieurs à ceux supportés par les agriculteurs des autres pays européens.
Mon avis sur les amendements de demande de rapport dépend du lien entre le sujet du rapport demandé et les questions de renouvellement des générations et de souveraineté alimentaire. Avis défavorable, donc.
Rien ne vous empêche de vous saisir vous-mêmes de ces questions au lieu d'en saisir le Gouvernement.
Sur le fond, le dispositif Tode avait pu être accepté lors des discussions européennes parce qu'il était ciblé. L'élargir aux salariés agricoles transformerait le dispositif, sans parler des questions financières. Un tel élargissement demande une réflexion fiscale et sociale globale.
Les charges ne sont pas les mêmes pour des spécialisations agricoles demandant beaucoup de main-d'œuvre, comme l'arboriculture, que pour celles où la part de la main-d'œuvre dans le coût du produit final est plus faible, comme l'élevage ou, a fortiori, les grandes cultures. Par ailleurs, dans les secteurs où la main-d'œuvre est importante, celle-ci est davantage occasionnelle. Il faut donc être prudent. La cible, ce sont les secteurs pour lesquels la main-d'œuvre est un élément central de la compétitivité, à la différence de ceux où il s'agit plutôt des impasses techniques, de la mécanisation ou du portage du foncier.
Vous n'avez pas répondu à ma question sur le dispositif Madelin agricole. J'ai posé à son sujet des questions écrites auxquelles il n'a jamais été répondu. J'ai donc déposé cet amendement pour avoir des éclaircissements de votre part.
Je vais m'assurer que le délai de réponse aux questions écrites n'est pas trop long.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CE1028 et CE1029 de M. Julien Dive
Ces deux demandes de rapport sont le moyen que j'ai trouvé pour entendre la position du Gouvernement sur les droits de succession en agriculture sans enfreindre l'article 40. De nombreuses interventions, venues de différents côtés, ont eu pour sujet la fiscalité comme outil pour faciliter l'installation des nouveaux venus en agriculture.
J'avais prévu de m'en remettre à la sagesse de la commission concernant ces deux amendements, mais compte tenu de l'adoption de l'amendement du rapporteur général sur la réforme de la fiscalité, j'en demande le retrait.
La fiscalité de la transmission est un sujet essentiel, mais l'amendement du rapporteur général détaille l'intention du législateur quant à une réforme dans ce domaine. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Je le répète, il faut un travail global sur la fiscalité et le social. On a empilé pendant vingt ans des dispositifs sans cohérence d'ensemble. Il est nécessaire de traiter les questions du foncier, de la transmissibilité, de l'installation des agriculteurs non issus du milieu agricole et des effets du dérèglement climatique sur la gestion des exploitations – mais ce dernier point concerne moins la transmission.
La commission rejette successivement les amendements.
Article 9 : Mise en place d'un diagnostic modulaire des exploitations
Amendements de suppression CE51 de M. Julien Dive, CE696 de Mme Anne-Laure Blin, CE907 de M. Francis Dubois et CE2004 de M. Grégoire de Fournas
Je vais retirer mon amendement, car il tend à supprimer l'ensemble de l'article alors que ce qui pose problème ne concerne que certains alinéas.
Je comprends la logique du diagnostic des sols, mais il risque d'ouvrir la porte à de nombreux contentieux et de jeter l'opprobre sur l'exploitant. Dans ma région, sur le milliard d'obus tirés pendant la première guerre mondiale, 25 % sont encore présents dans les sols – mon frère, quand il laboure, en remonte tous les ans – où ils libèrent des substances nocives. Vers qui se tourner après une évaluation de cet état des sols : l'empereur Guillaume II ?
L'amendement CE51 est retiré.
Le dispositif prévu par l'article 9 me paraît dangereux pour les exploitants, à l'instar du diagnostic de performance énergétique (DPE) en matière de logement.
Ce DPE agricole semble être le signe d'une méfiance vis-à-vis de nos agriculteurs, premiers protecteurs de nos terres et de la biodiversité. Il est en totale contradiction avec l'objectif affiché par l'article 1er, qui est d'accompagner les agriculteurs.
Des questions de faisabilité pratique se posent. Qu'en sera-t-il de l'homogénéité et de la qualité des diagnostics compte tenu de la diversité des spécificités territoriales et des pratiques agricoles, qui rend difficile le choix de critères uniformes d'évaluation ? En outre, l'obligation pour les exploitants de faire réaliser ces diagnostics pourrait représenter une contrainte supplémentaire pour les bénéficiaires d'aides publiques, alors que l'objectif du texte est la simplification administrative et le soutien à notre agriculture.
Lors de la crise agricole, les agriculteurs demandaient d'abord de ne plus être ensevelis sous les normes. Or cet article rajoute encore des contraintes administratives. Les agriculteurs en ont assez !
Je comprends que la rédaction de l'article puisse poser problème. Lors de nos auditions, nous avons entendu des réactions négatives à ce propos. Nous les avons prises en compte : je propose plusieurs amendements de réécriture, notamment pour mentionner la modulation plutôt que la conditionnalité des aides publiques et pour rendre le diagnostic plus simple et plus lisible. Il ressort en tout cas des propositions du groupe de travail « Installation et transmission », réuni dans le cadre de la concertation préalable au projet de loi, que cet outil est attendu des agriculteurs.
Avis défavorable à ces amendements de suppression, afin que nous puissions en discuter.
Sans compter les problèmes fonciers et capitalistiques, les agriculteurs qui s'installent vont se heurter à des difficultés liées aux effets du dérèglement climatique. Nous n'avons aucun intérêt à installer des gens en sachant que leur système n'est pas tenable. C'est pourquoi ce n'est pas une transmission-reprise qu'il faut faire, mais une transmission-transition. Nous ne pouvons pas écrire dans la loi que l'objectif est l'installation et le renouvellement des générations et qu'il est important de préparer les agriculteurs aux défis de demain sans nous poser la question du dérèglement climatique.
Je tiens à dissiper quelques ambiguïtés. Le diagnostic modulaire n'est pas obligatoire. Néanmoins, en matière de gestion des deniers publics, il ne semble pas aberrant – même si des assouplissements sont prévus par votre rapporteur – que l'État puisse refuser d'accorder des moyens à des installations vouées à l'échec. Le diagnostic sert non pas à empêcher les agriculteurs de s'installer, mais à leur donner les moyens de réussir. C'est bien un outil d'aide à la décision, à la transmission et à l'installation dans la durée.
La mention relative à la santé des sols peut en effet faire naître une ambiguïté. On sait que la présence de matières organiques est un élément déterminant de la productivité ainsi que de la capacité du sol à stocker du carbone ou de l'eau. Cette dimension doit donc être prise en compte. La rédaction de votre rapporteur me paraît à même de dissiper certains doutes.
Ce diagnostic modulaire est utile. S'en priver et installer de ce fait des gens qui seront dans l'impasse après cinq ans, voire trois ans, serait une erreur tragique. Un jeune arboriculteur qui s'installe dans les Pyrénées-Orientales doit savoir dans quelle mesure il aura accès à l'eau. L'aider dans sa décision, en lui disant de quel volume il aura besoin, quelles contraintes pèseront sur son exploitation et quel modèle il pourrait suivre, c'est lui rendre service.
Beaucoup d'entre vous ont été élus locaux et, à ce titre, se sont vu présenter des projets artisanaux ou commerciaux dont ils ont examiné leur viabilité pour en faire dépendre l'aide. C'est exactement la même chose. On n'invente rien : on applique seulement ce qui existe au sujet climatique. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Cet article fait exception dans un texte qui ne contient pour ainsi dire aucune mesure permettant de s'attaquer au défi du renouvellement des générations. C'est d'ailleurs ce que nous ont dit les Jeunes agriculteurs (JA), qui nous ont proposé de le renforcer. Je suis très étonnée des propositions des Républicains. Avez-vous consulté les Jeunes agriculteurs, premiers concernés par le sujet ? Nous nous opposons avec force aux amendements de suppression.
Mon amendement visait, de façon un peu provocatrice peut-être, à ouvrir un débat. On ne peut pas laisser des jeunes s'installer parce qu'ils ont envie de faire telle ou telle production. On a besoin d'un diagnostic. Si les propos du rapporteur sont plutôt rassurants, il faudra tout de même veiller à la juste rédaction de l'article, afin de prendre en compte tout le contexte économique autour de l'exploitation.
En Corrèze, il y a quelques années, on a incité nos agriculteurs à produire de la noix. Aujourd'hui, du fait des changements climatiques et sans qu'on les ait vu venir, on produit beaucoup plus de noix, mais on n'a pas les filières correspondantes et on ne sait que faire de toute cette production…
Nous proposons quelques modifications rédactionnelles concernant ce diagnostic, qui est un bon outil. Il rendra service aux jeunes qui s'installent et qui ont besoin de connaître l'état de l'exploitation. Cela permettra aussi d'exposer différents scénarios, afin de les aider à faire leurs choix.
Plusieurs centres de recherche, dont l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement et le Centre national de la recherche scientifique, travaillent sur l'analyse des sols. Leurs outils devraient bientôt être exploitables.
Le diagnostic modulaire n'est pas contraignant pour les agriculteurs. Beaucoup font déjà faire des diagnostics de sol, qui ne leur coûtent rien, puisque des programmes opérationnels existent au sein des organisations de producteurs.
Un jeune qui veut s'installer réalise une évaluation économique de son projet ; si elle n'est pas favorable, on ne le laisse pas faire. Je trouverais normal qu'il y ait également une évaluation climatique et une évaluation sociale préalables. Un trop grand nombre d'agriculteurs et de productions souffrent du changement climatique.
Le Conseil d'État considérait que le texte initial était anticonstitutionnel dans la mesure où il portait atteinte à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle. Qu'en est-il de celui dont nous sommes saisis ?
Les agriculteurs sont des entrepreneurs. La liberté d'entreprendre est un principe constitutionnel. Croyez-vous qu'une personne qui veut se lancer dans une activité ne fait pas d'évaluation préalable ? Il faut accompagner nos entrepreneurs au lieu de leur imposer encore des contraintes, qui sont la raison des problèmes actuels d'installation.
Je suis également sceptique. On semble considérer que quelqu'un qui va reprendre une activité ne s'intéresse ni à la manière dont elle est composée ni à sa viabilité économique et qu'il ne sait pas ce qu'il va en faire. Nous parlons de gens qu'il s'agit d'aider, pas de grands capitaux. Ces personnes auront des emprunts bancaires. Or, les banques demandent des garanties ; elles vont examiner la viabilité du projet.
Par ailleurs, dans les articles précédents, nous avons fait en sorte que les nouveaux agriculteurs sachent manager et aient plus de compétences. C'est d'autant plus étonnant de ne pas les estimer capables de faire cette analyse.
Enfin, je crains que ce diagnostic ne conduise à discriminer certaines pratiques.
Je voterai toutefois contre les amendements de suppression pour laisser une chance au débat.
La plupart du temps, les transactions se font sur la base de la valeur patrimoniale, souvent très éloignée de la valeur économique, donc de la valeur d'usage. Le diagnostic proposé peut permettre d'opérer une correction ou, à tout le moins, de donner des éléments d'évaluation afin de trouver un juste milieu.
Ce diagnostic est assez comparable aux dispositifs proposés dans d'autres activités économiques par BPI France ou par l'Agence de la transition écologique et qui consistent à soutenir les entreprises pour qu'elles puissent s'adapter au changement climatique et améliorer leur efficacité énergétique et leur éco-compétitivité. Le changement climatique est un phénomène exogène à toutes ces entreprises. Ni les banques, ni les assurances, ni la plupart des acteurs du monde économique ne sont encore capables de mesurer ses effets. C'est pourquoi il est tout à fait logique de soutenir les entrepreneurs agricoles grâce à ce dispositif d'accompagnement.
Ce « diagnostic modulaire » est en réalité un audit. Je suis assez d'accord avec le rapporteur général. J'ai été témoin d'une installation, il y a quelques semaines, dans ma circonscription. Le cédant avait son centre de gestion, le jeune le sien, et chacun défendait son intérêt. Le diagnostic permettrait de disposer d'une expertise réalisée par un organisme neutre, qui offrirait un conseil éclairé et objectif pour favoriser la reprise. Mais, de grâce, monsieur le ministre, il faut quelque chose de simple ! Ici, le risque, c'est qu'on en rajoute après 2026. Soyons très précautionneux !
Il y a en effet beaucoup de diagnostics en agriculture. Le diagnostic modulaire conduirait à examiner différents points au moment de l'installation. On ne ferait pas un jour le carbone, le lendemain la biodiversité, le surlendemain la haie, puis le stress test climatique et enfin le sol. Il faut grouper les sujets. Nous sommes bien d'accord : l'intention du législateur ne peut pas être d'en rajouter tous les matins. J'avais déjà compris, avant la crise, que la complexité des normes était un problème important.
Deuxièmement, l'interrogation, globale, doit intégrer la donnée climatique. Nous produisons un peu de noix dans le Loir-et-Cher et j'ai peur que l'on vous fasse concurrence, monsieur Dubois ! La géographie de la production va changer. Certains territoires ne produiront plus les mêmes choses. Ne pas en tenir compte au moment de l'installation serait tragique.
Monsieur Alfandari, je comprends vos doutes. Mais tous les jours, je rencontre des jeunes qui viennent de s'installer et qui sont déjà dans une impasse. Manifestement, on ne les a pas conseillés.
Ce n'est pas la seule raison. Installer un jeune sans accès sécurisé à l'eau, c'est l'envoyer en trois ans dans le mur. Ne pas accompagner des jeunes dans des zones où l'on sait qu'il y a régulièrement des épisodes de grêle, c'est pareil : trois années de chute quand vous venez de vous installer, et c'en est fini.
Je partage le point de vue de monsieur Benoit ; reste à savoir comment le traduire dans la loi. Nous avons tous de bonnes intentions, mais je sais comment cela se passe après dans la tuyauterie. Voyons donc comment rationaliser ce dispositif, mais il est indispensable.
Le Conseil d'État s'est principalement prononcé sur la globalité du texte. Ses doutes concernaient surtout France Services agriculture. Il lui semblait excessif de demander au cédant de déclarer qu'il voulait partir.
Je le répète, ceux qui voudront s'installer sans diagnostic le pourront. Cela étant, il ne faudra pas qu'ils demandent à être accompagnés financièrement si nous constatons que le projet n'est pas viable. C'est ce qui se passe dans les collectivités en pareil cas.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CE3513 de la commission du développement durable et CE2133 de M. Dominique Potier, amendements identiques CE277 de M. Julien Dive, CE969 de M. Francis Dubois, CE1892 de M. Charles de Courson, CE2498 de Mme Louise Morel et amendement CE970 de M. Francis Dubois (discussion commune)
Nous souhaiterions améliorer la lisibilité de l'article, notamment en isolant chaque module du diagnostic par un tiret. Les premières lignes de notre amendement sont très proches de celles du rapporteur, qui s'est inspiré de son dialogue avec les Jeunes agriculteurs – les auteurs de cette initiative. Ce sont essentiellement des améliorations de forme, à l'exception d'une proposition plus politique – nous faisons de ce diagnostic la première étape d'un conseil agronomique global universel.
L'idée est bien de faire de ce diagnostic un outil et non une contrainte. Il paraît indispensable de déployer d'autres modules : analyse de la performance, de la production et de ses débouchés – dans notre quête de souveraineté alimentaire, il ne faut pas avoir peur de dire qu'il faut produire et qu'il y ait des débouchés –, ainsi que des capacités de diversification et de restructuration et de l'environnement fiscal et social.
Le diagnostic modulaire s'appliquerait au plus tard en 2026. Nous proposons de reformuler l'article et d'en supprimer le module d'évaluation de la qualité et de la santé des sols, qui n'est pas souhaité par les Jeunes agriculteurs. Pour ceux qui louent des terres, un état des lieux est fait à l'entrée. Ce serait redondant. Nous souhaitons également que l'État travaille au développement d'autres modules, sur la performance de l'exploitation et l'analyse des productions et de leurs débouchés.
Nous proposons de mettre en avant la transition agronomique nécessaire pour être résilients face au changement climatique et de prendre en compte la spécificité des zones d'élevage.
Les amendements CE3513 et CE2133 proposent un grand nombre de modules, en précisant que le diagnostic constitue la première étape d'un conseil agronomique global universel et obligatoire, périodiquement actualisé. Cela ne correspond pas à ce que nous recherchons. Mon amendement CE3398 devrait simplifier le diagnostic et en clarifier la finalité, qui doit être d'aider l'agriculteur, notamment dans certaines phases clés de la vie de l'exploitation. Ce doit être un outil, pas une contrainte.
La rédaction des amendements CE277 et identiques est très complète – j'y retrouve d'ailleurs la « patte » des JA, que j'ai moi-même rencontrés. Ils comportent des formulations intéressantes, ce qui me conforte dans l'idée que nous pouvons arriver à une position plus consensuelle autour du diagnostic modulaire. Toutefois, la liste des modules est trop longue. N'allons pas effrayer les agriculteurs : limitons-nous à l'essentiel pour atteindre nos objectifs communs.
Monsieur Dubois, vous proposez de supprimer le diagnostic des sols. Je vous suggère d'en parler aux alinéas 3 et 4. Ne nous privons pas d'une discussion alinéa par alinéa.
Demande de retrait au profit de mon amendement ; à défaut, avis défavorable.
Votre rapporteur a proposé un certain nombre de réécritures dans ses amendements CE3398, CE3399 et CE3400, lequel apporte des précisions sur l'analyse des sols, votre principal sujet d'inquiétude. Demande de retrait au profit de ces amendements ; sinon, avis défavorable.
Je crains que l'examen de cet article ne soit l'occasion de refaire tous les débats que nous avons déjà eus. Notre amendement est purement technique, exception faite de la mention du conseil agronomique universel, que vous pouvez refuser. Monsieur le rapporteur, ne serait-il pas possible de synthétiser vos amendements et le nôtre en un amendement de réécriture globale qui nous ferait gagner deux heures ?
Je vais essayer de répondre de manière synthétique, technique et non politique.
Mes amendements sont très simples. Ils clarifient plusieurs points, notamment les trois aspects clés du diagnostic – économique, environnemental et social : l'objet de l'évaluation de l'exploitation sous l'angle de sa résilience face aux conséquences du changement climatique ; celui de l'évaluation des sols, qui est de mieux connaître la matière organique présente ; enfin, le fait que l'État puisse étudier les conditions dans lesquelles la réalisation de ces modules pourrait conduire à la modulation ou au conditionnement des aides.
Deux cents amendements ont été déposés à l'article 9. Monsieur Potier propose de prendre quelques minutes pour voir s'il est possible de récrire ensemble cet article, ce qui pourrait nous faire gagner du temps.
Je ne garantis jamais que l'on gagne deux heures de débat… Il faudra prendre un peu de temps pour récrire l'article ; cela ne va pas se faire en un quart d'heure sur un coin de table. Monsieur Potier, vous parlez de simplification, mais vous introduisez aussi des éléments qui ne sont pas dans le texte.
Cela ne me gênerait pas. Mais il faudrait au moins une heure d'interruption pour récrire le texte proprement. Et je ne suis pas sûr que vos collègues soient d'accord avec l'intégralité de votre amendement, monsieur Potier.
Malgré toute ma bonne volonté, je ne vois pas comment ce serait possible. Tout le monde ne part pas du même point et l'amendement n'est pas une synthèse.
Nous pourrions peut-être le récrire pour la séance publique, en tenant compte de tous les points. L'un d'entre eux me paraît important : le nom. Quand vous dites « diagnostic modulaire », les trois quarts des agriculteurs ne comprennent pas. Il faut des éléments très simples qui facilitent l'installation.
Je ne crois pas à une longue suspension qui nous mènerait à l'accord ultime sur une rédaction synthétique, parce qu'en effet, nous ne partons pas du même point. Le plus raisonnable est de travailler sur une nouvelle version pour la séance. Le rapporteur a fait trois propositions qui peuvent nous permettre de trouver un premier consensus.
Monsieur Potier, votre proposition est sympathique. Mais sommes-nous d'accord sur le module d'expertise des sols ? Les Jeunes Agriculteurs disent, à juste titre, qu'il est inutile qu'un locataire fasse réaliser celle-ci deux fois. Est-on d'accord pour rendre ce module facultatif ? Par ailleurs, qui prend en charge tous ces coûts ?
Compte tenu du grand nombre d'amendements qu'il nous reste à examiner, il faut éviter de nous enliser.
L'amendement CE2498 ayant été retiré, la commission rejette successivement les autres amendements.
Amendement CE3398 de M. Pascal Lecamp et sous-amendements CE3593 de M. Dominique Potier, CE3639 de M. Charles de Courson, CE3665 de Mme Aurélie Trouvé, CE3660 de Mme Manon Meunier, CE3637 de M. Grégoire de Fournas, CE3666 de Mme Manon Meunier, CE3591 de M. Dominique Potier, CE3663 de Mme Aurélie Trouvé, CE3592 de M. Dominique Potier, sous-amendements identiques CE3601 de M. Dominique Potier et CE3664 de Mme Mathilde Hignet et sous-amendements CE3600 de M. Dominique Potier et CE3661 de Mme Aurélie Trouvé
Pour la clarté du diagnostic, l'amendement a pour finalités de faciliter les transmissions en mettant fin aux incertitudes, tant pour le cédant que pour le repreneur, sur les caractéristiques de l'exploitation à transmettre, de faciliter la construction des projets d'installation et de renforcer la viabilité économique des projets dans un contexte climatique de plus en plus incertain. Ces précisions méritaient d'être apportées pour partir sur une base saine de discussion et montrer sans ambiguïté que le seul bénéficiaire de cet outil doit être l'exploitant agricole.
Je rappelle par ailleurs que le diagnostic n'est pas obligatoire, ce qui répond aux demandes exprimées par la plupart des personnes que nous avons auditionnées.
Mon sous-amendement CE3639 tend uniquement à remplacer le mot « cadre » par le mot « dispositif ».
L'amendement CE3665 est retiré.
Le sous-amendement CE3660 vise à apporter aux exploitants un accompagnement humain et technique durable, indispensable pour que le diagnostic soit utile sur le terrain.
Afin de ne pas mettre en péril les projets de transmission ou de reprise, le diagnostic ne doit pas être communiqué à des tiers, notamment aux banques et établissements de crédit. Le sous-amendement CE3637 tend à en assurer le caractère privé.
Le sous-amendement CE3666 vise à ajouter aux objectifs d'installation et de transmission ceux de diversification et de restructuration.
Le sous-amendement CE3664, travaillé avec les coopératives d'utilisation de matériel agricole – la France est leader européen des charges de mécanisation –, a pour objet de faire participer le diagnostic à l'amélioration de la maîtrise des coûts et à la stratégie liée à la mécanisation.
Le sous-amendement CE3661 vise à spécifier que le diagnostic, bien que recourant à l'expertise d'entreprises privées, relèvera bien d'une mission de service public exercée sous la responsabilité de l'État et qu'il sera accessible à toutes les exploitations agricoles.
Avis défavorable au sous-amendement CE3593, favorable au sous-amendement CE3639, défavorable aux sous-amendements CE3660, CE3637, CE3666, CE3591, CE3663 et CE3592, favorable aux sous-amendements identiques CE3601 et CE3664 et défavorable aux sous-amendements CE3600 et CE3661.
Avis défavorable à tous les sous-amendements, à l'exception du CE3639, pour lequel je m'en remets à la sagesse de la commission, comme au sujet des sous-amendements CE3600 et CE3601.
La commission rejette successivement les sous-amendements CE3593, CE3639, CE3660, CE3637, CE3666, CE3591, CE3663 et CE3592.
Elle adopte successivement les sous-amendements identiques CE3601 et CE3664 et le sous-amendement CE3600.
Elle rejette le sous-amendement CE3661.
Elle adopte l'amendement CE3398 sous-amendé.
En conséquence, les autres amendements se rapportant aux alinéas 1 et 2 tombent.
Amendement CE2060 de M. David Taupiac
Les diagnostics pourraient constituer une charge financière trop importante pour certains agriculteurs. L'amendement vise donc à ce qu'ils soient rendus optionnels, à moins de faire l'objet d'un financement public dédié. Plus globalement, il demande au Gouvernement de clarifier le financement de ce nouveau dispositif.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CE652 et CE705 de Mme Anne-Laure Blin.
Amendements identiques CE3256 de Mme Marie Pochon et CE3465 de Mme Manon Meunier
Il s'agit d'ajouter la gestion durable des haies aux pratiques évaluées lors du diagnostic.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.
Amendement CE2409 de Mme Lisa Belluco
Il vise à ajouter au module un volet relatif à la résilience de l'exploitation face à l'érosion de la biodiversité. Le diagnostic étant facultatif, il ne s'agirait que d'un outil de plus mis à la disposition des exploitants, et portant plus particulièrement sur les haies.
La multiplication des objets de l'évaluation, qui traduit certes des préoccupations légitimes, rendrait le dispositif illisible et trop complexe. Avis défavorable.
Il importe de prendre en compte la biodiversité au même titre que le changement climatique, car ce sont les deux facteurs qui, selon sl'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, provoquent des baisses de rendement. Je vous renvoie aux conclusions de notre mission d'information sur le sujet. Si cet amendement n'est pas adopté, nous nous bornerons un peu plus loin à demander l'insertion du mot « biodiversité » dans une liste. En tout cas, cette mention est fondamentale.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE3399 de M. Pascal Lecamp et sous-amendements CE3617 de Mme Marie Pochon et CE3668 de Mme Aurélie Trouvé
L'objectif de cet amendement est de dissiper toute ambiguïté quant à l'objet de l'évaluation de l'exploitation du point de vue de sa résilience face aux conséquences du changement climatique. Il s'agit bien de s'assurer du potentiel économique de l'exploitation dans un contexte de changement climatique, notamment pour s'assurer que le porteur de projet d'installation ait toutes les cartes en main pour bâtir un projet viable. L'outil ne doit pas pouvoir être utilisé à des fins contraires à l'intérêt des exploitants agricole, notamment en alimentant des spéculations sur le foncier agricole.
La formulation initiale du projet de loi prévoit une attention aux spécificités territoriales relatives aux sols, qui ne se limitent pas aux caractéristiques pédoclimatiques de ces derniers. Il est donc important d'ajouter au diagnostic la question des sols au-delà de leurs seules conditions de température, d'humidité et d'aération. Une meilleure connaissance de la qualité et de la santé des sols est un véritable atout pour connaître les éventuelles vulnérabilités d'une exploitation et pouvoir renforcer sa résilience face aux chocs à venir. Ainsi, la communauté de communes du Diois s'est dotée de la compétence en matière de diagnostic sur les sols et en fait bénéficier les agriculteurs.
Le module d'évaluation ayant pour objet de fournir une information claire et transparente sur l'état des sols est proposé à l'alinéa 4. Avis défavorable.
Le sous-amendement CE3668 vise à ajouter parmi les spécificités territoriales des exploitations la biodiversité, qui est un atout essentiel pour ces dernières.
À force de ne pas changer grand-chose, cela va faire beaucoup ! Nous sommes tous convenus que nous devions parvenir à un texte lisible et clair et qu'il ne fallait pas rajouter plus que le nécessaire. Avis défavorable.
Il est probable que l'adoption de cet amendement fera tomber mon propre amendement CE3220. L'enjeu de la biodiversité est essentiel ; les exploitants agricoles connaissent bien le sujet. Faire un diagnostic simple qui soit néanmoins assez global pour embrasser l'ensemble des problèmes est un exercice difficile. Je propose d'y intégrer la biodiversité et la question du mode d'exploitation de l'eau, envisagée ici en termes qualitatifs, sur un terrain donné.
Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous ayez eu le temps de lire cette nuit le rapport de la mission d'information sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles, que je vous ai remis hier soir… Il ne faut certes pas faire de liste à la Prévert, mais je ne vois pas comment vous pouvez dissocier la biodiversité de la ressource en eau ou des caractéristiques pédoclimatiques. La biodiversité est une caractéristique essentielle, qui doit être prise en compte dans les diagnostics et dont la chute provoque des pertes de rendement, par manque de vivant dans les sols et de pollinisateurs.
Monsieur le rapporteur, comment s'articule la prise en compte de la qualité pédoclimatique envisagée par cet amendement avec l'« information claire et transparente sur l'état des sols » prévue par votre amendement CE3400 ? N'y a-t-il pas là une redite ?
La commission rejette successivement les sous-amendements.
Elle adopte l'amendement.
En conséquence, les amendements CE3220 de Mme Stella Dupont, CE115 de Mme Christelle Petex, CE3257 de Mme Marie Pochon et CE3477 de Mme Manon Meunier, CE1740 de M. Bertrand Petit, CE3258 de Mme Marie Pochon et CE3324 de Mme Anne-Laurence Petel tombent.
Amendement CE1447 de M. Charles Fournier
Il vise à garantir la compatibilité du nouveau diagnostic avec les méthodologies existantes qui intègrent déjà ces enjeux et ont fait leurs preuves sur le terrain. Ainsi, le diagnostic « durabilité » du réseau des centres d'initiative pour valoriser l'agriculture et le milieu rural (Civam), le diagnostic « agriculture paysanne » de la Fédération des associations pour le développement de l'emploi agricole et rural (Fadear), le double outil « diagnostic climat » et « prix de revient » de la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab) ou le diagnostic « reconception de système » du GAB 44 (Groupement des agriculteurs bio de Loire-Atlantique) sont autant de réussites dont bénéficient les agriculteurs sur le terrain. Il serait regrettable qu'en voulant encadrer la démarche de diagnostic, l'État n'aboutisse qu'à réduire l'offre d'accompagnement disponible pour les agriculteurs.
Vous énoncez une évidence. Le dispositif doit être cohérent avec ceux qui ont déjà été développés par les acteurs de l'accompagnement et devrait même les intégrer dans son champ d'étude. Avis défavorable.
Vous dites que ces initiatives et les dispositifs existants sur les territoires devraient tous être intégrés dans la définition du cadre, mais je ne crois pas que ce soit prévu. La loi permettrait de le garantir.
Il y aurait lieu de compiler les dispositifs existants, notamment ceux qu'ont instaurés les chambres d'agriculture et les régions. Les nombreux amendements proposés pourraient ajouter de la complexité là où, face à la crise que connaissent les agriculteurs, nous devons viser à plus de simplicité et à moins de formalités administratives. Il serait bon de faire dépendre la réalisation du diagnostic des études qui existent déjà. Je pense aussi à la feuille de route Néo Terra, en Nouvelle-Aquitaine, qui éco-conditionne les aides, y compris à l'agriculture. Il faut savoir où nous allons.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CE317 de M. Julien Dive, CE476 de Mme Françoise Buffet, CE751 de M. Jean-Pierre Vigier, CE982 de M. Francis Dubois, CE1361 de M. Charles de Courson, CE1416 de M. Grégoire de Fournas et CE2471 de M. Nicolas Pacquot
Malgré les appels à la simplification lancés par le ministre, l'amendement du rapporteur que nous avons adopté rend l'alinéa 3 plus complexe. Quant à l'alinéa 4, il est dangereux, car il ouvre la porte à de nombreux contentieux. L'amendement CE317 vise donc à sa suppression.
Nous sommes en train de charger lourdement la barque pour les agriculteurs, qui ont besoin de choses simples. Au lieu d'empiler les dispositifs, il faut les laisser produire : ils savent très bien faire.
L'amendement du rapporteur que nous avons adopté tout à l'heure complique plus qu'il ne simplifie. On peut prendre en considération la teneur en matière organique, mais il faut s'arrêter là.
Le module d'observation des sols risque de se traduire par de nouvelles contraintes normatives, à contresens des objectifs de simplification et d'attractivité du reste du texte.
Par ailleurs, est-il utile, au moment où l'on reprend des terres à un propriétaire bailleur, en succédant par exemple à ses parents, de procéder à un état des sols après l'état des lieux déjà réalisé à cette occasion ? Il faudrait au moins soustraire au diagnostic des sols toutes les parcelles qui font déjà l'objet d'un état des lieux dans ce cadre. C'est d'ailleurs ce que demandent les Jeunes Agriculteurs, qui souhaitent que nous cessions de compliquer le dispositif.
À l'heure où nos agriculteurs réclament de la simplification normative, on va leur imposer une obligation supplémentaire qui aggravera encore leurs difficultés, alors même que l'Union européenne travaille à l'élaboration d'une directive relative à la surveillance des sols sans diagnostic. C'est donc, là encore, une sur-transposition.
En ce qui concerne l'alinéa 3, je comprends les critiques. Mais nous avons réduit la taille de l'article, qui est désormais plus simple.
Pour ce qui est de l'alinéa 4, je propose une rédaction d'une phrase et demie : « Il comporte un module d'évaluation ayant pour objet de fournir une information claire et transparente sur l'état des sols, en particulier concernant la matière organique présente. » Cette formulation lisible se justifie par le fait qu'il est indispensable de connaître la matière organique présente dans les sols de l'exploitation sur laquelle s'installe un agriculteur.
Avis défavorable aux amendements, au profit de cette rédaction.
Vos collègues Benoit, Vigier et Dive ont raison : si nous nous en sommes tenus jusqu'à présent à la simplification, ce n'est pas le cas pour cet article. D'une manière générale, tout ce qui viendra compliquer le dispositif recevra donc un avis défavorable du Gouvernement.
Il serait dommage de supprimer purement et simplement l'alinéa 4 et de se priver ainsi d'une connaissance des sols. Le rapporteur propose une première réécriture, qu'il est peut-être possible de simplifier encore, mais sur laquelle j'aurais tendance à donner un avis favorable. Globalement, nous devons veiller à la simplification – et le Gouvernement s'y emploiera. De fait, même si le diagnostic proposé est facultatif – car il n'est pas question de le rendre obligatoire –, si nous le dotons de tant de modules, personne n'y recourra. Veillons donc à ne pas dénaturer le dispositif, même avec les meilleures intentions du monde.
Je demande par conséquent le retrait des amendements identiques. À défaut, avis défavorable.
Le premier alinéa de l'article 9 soulève une vraie difficulté, car il crée, pour 2026, un dispositif qui n'est pas précisé et qui – puisque la région en sera partenaire – sera différent dans chaque région. Un diagnostic, soit ! Mais il faut savoir quel est cet outil, qui le met en œuvre, combien il coûte et dans quelles conditions il est employé. Or, les multiples alinéas de l'article 9 le rendent trop complexe. Puisque nous en sommes à l'examen en commission, qui est le moment d'en débattre, je ne le voterai pas en l'état. Le Gouvernement a le temps d'ajuster et de préciser le dispositif d'ici à l'examen en séance publique.
Vous l'avez dit, monsieur le ministre : nous devons simplifier la vie des agriculteurs, notamment des jeunes agriculteurs candidats à l'installation ; or nous n'en prenons pas le chemin, même si un audit peut être utile. En l'espèce, nous ne savons pas où le rédacteur du premier alinéa veut nous mener et, si nous le votons, nous ne saurons pas expliquer ce que nous aurons voté.
J'entends que le diagnostic ne serait pas obligatoire, mais je comprends aussi qu'il serait une condition de l'attribution des aides de l'État : est-ce bien ce qui est prévu ?
Quels sont donc, parmi les amendements qui ont été adoptés – c'est-à-dire ceux du rapporteur… –, ceux qui rendraient plus complexe le diagnostic ? Celui-ci est désormais seulement un « cadre », qui plus est facultatif. Je vois surtout, en tant qu'écologiste, qu'on est en train de réduire les critères. En ce qui concerne les sols, l'amendement est plutôt moins-disant, comme le reste de la nouvelle rédaction de l'article 9.
Il n'est pas écrit que le diagnostic est facultatif – mais il n'est pas précisé non plus qu'il est obligatoire. Je partage le point de vue de notre collègue Thierry Benoit. En Nouvelle-Aquitaine, par exemple, quels diagnostics modulaires la région proposera-t-elle aux agriculteurs ? Je suis extrêmement inquiet. Les diagnostics seront différents d'une région à l'autre. Et qui prendra en charge les diagnostics ? L'État va-t-il payer la région pour, au bout du compte, quelque chose d'autre que ce que prévoit la loi ?
Nous sommes dans une impasse. Il y avait, au départ, un large consensus sur la nécessité de trouver un outil pour assurer la transition entre le cédant et l'entrant. Les organisations que nous avons auditionnées l'ont demandé, en particulier les Jeunes Agriculteurs, qui souhaitent que le repreneur sache ce qu'il reprend.
Nous ne sommes manifestement pas parvenus à un consensus sur l'article, mais il ne faut pas le supprimer, sous peine de ne répondre à aucune des attentes des organisations syndicales agricoles. Je suis prêt à mener tous les travaux nécessaires, avec qui il faudra – une réécriture est sans doute requise –, mais il faut un outil pour fluidifier la transmission entre les générations.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE3400 de M. Pascal Lecamp et sous-amendement CE3640 de M. Charles de Courson
Mon amendement prévoit simplement que le diagnostic « comporte un module d'évaluation ayant pour objet de fournir une information claire et transparente sur l'état des sols, en particulier concernant la matière organique présente ».
Le sous-amendement revient sur le problème que j'ai soulevé tout à l'heure, à savoir l'articulation avec l'état des lieux obligatoirement réalisé en cas de conclusion d'un bail rural. Je propose de sortir du dispositif les parcelles ayant déjà fait l'objet d'un état des lieux dans ce cadre.
Je vais essayer de vous répondre. Les états des lieux d'entrée et de sortie ne sont réalisés que dans 20 % des cas en ce qui concerne les exploitations de grandes cultures et 50 % des cas pour l'élevage, bien que le code rural rende ces documents obligatoires. Par ailleurs, les transmissions de terre ne coïncident pas toujours avec les reprises de bail. Il est donc important qu'un diagnostic soit réalisé au moment de la transmission. Avis défavorable, mais nous pourrons retravailler la question en partant de ce qui existe déjà dans le code rural.
Sagesse. Le sous-amendement permettrait d'éviter de faire les choses deux fois, tout en soulignant que le diagnostic est facultatif.
J'aimerais savoir ce que le rapporteur entend par « une information claire et transparente sur l'état des sols, en particulier concernant la matière organique présente ». Il aurait fallu ne mentionner que le dernier point, mais, en l'état, visez-vous les caractéristiques culturales des sols – le fait qu'ils sont argilo-calcaires, par exemple ?
Monsieur le rapporteur, si des propriétaires ne réalisent pas un état des lieux, comme vous en avez évoqué la possibilité, c'est leur problème et il faudra dès lors que les parcelles fassent l'objet du diagnostic prévu par cet article. Mon sous-amendement précise bien que ce sera « à défaut de réalisation d'un état des lieux au sens de l'article L. 411-4 du code rural et de la pêche maritime ».
Comment les états des lieux sont-ils réalisés ? Beaucoup de propriétaires ne sont pas très compétents en la matière et ils demandent donc à un expert de faire un diagnostic, parcelle par parcelle, sur ce qui reste dans les sols, pour savoir s'ils ont été correctement entretenus – sinon, on demande au sortant de les remettre en état.
Je rejoins notre collègue Charles de Courson. Les terres qui ont déjà fait l'objet d'un état des lieux ne doivent pas repasser sous les fourches caudines du diagnostic. Je suis donc favorable au sous-amendement.
La commission adopte successivement le sous-amendement et l'amendement sous-amendé.
En conséquence, les autres amendements se rapportant à l'alinéa 4 tombent.
Amendements identiques CE1451 de M. Charles Fournier, CE2210 de M. David Taupiac et CE2350 de M. Loïc Prud'homme
L'amendement CE1451 vise à intégrer dans les diagnostics un module relatif à la reconception de système, qui vise à explorer des hypothèses de diversification des productions agricoles, notamment par la mise en place d'ateliers complémentaires de production et l'adoption de pratiques agroécologiques.
Des études sur des fermes ainsi restructurées et diversifiées ont confirmé que cela permettait d'augmenter le nombre d'actifs, de faciliter les installations, d'améliorer les conditions de travail, d'augmenter l'autonomie alimentaire dans l'élevage et, en général, la durabilité et la résilience des exploitations et de contribuer au dynamisme et à la souveraineté alimentaire des territoires.
Ce type de diagnostic pourrait être utilisé pour certains publics, surtout les personnes non issues du milieu agricole qui s'installent – elles représentent désormais 60 % des candidats à l'installation. L'accompagnement doit évoluer avec les profils des agriculteurs. Le dispositif pourra servir à restructurer des exploitations. Quatre jeunes agriculteurs se sont installés, par exemple, dans une exploitation de mon département, le Gers, qui était tournée vers la polyculture et l'élevage de porcs ; ils font désormais de l'élevage de porc noir gascon, de la production pour des boissons végétales, du maraîchage et du fromage. On voit là les enjeux de la diversification.
J'ai visité, avec notre collègue Aurélie Trouvé, une ferme de vaches laitières située à Sérent, dans le Morbihan, où se sont installés des jeunes. Alors qu'il y avait jusque-là un exploitant pour 80 hectares, le nombre d'UTH (unités de travail humain) est passé à 8,5 ; il y a des cultures, un atelier de volaille, des bovins viande et des porcs plein air et la ferme produit du jus de pomme. Cette diversification a eu sur le territoire l'impact positif que madame Pochon a évoqué : augmentation du nombre d'actifs, amélioration des conditions de travail – les remplacements le week-end, par exemple, sont plus faciles – et de l'autonomie alimentaire, notamment dans l'élevage.
Vous faites une confusion avec l'accompagnement des projets d'installation ou de restructuration, qui relève de l'article 10, relatif au réseau France Services agriculture. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE2292 de Mme Mélanie Thomin
Il s'agit d'ajouter un module d'analyse de la performance de l'exploitation, qui permettra notamment au repreneur de mieux anticiper le potentiel de son projet d'activité et d'envisager des scénarios de diversification. Cette proposition a été travaillée avec les Jeunes Agriculteurs du Finistère.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE2032 de M. David Taupiac
Cet amendement tend à créer un module permettant d'évaluer la viabilité économique de l'exploitation, en tenant compte non seulement de sa valeur vénale, mais aussi de la rentabilité du projet d'installation. L'analyse de la performance sera fondée sur les productions et leurs débouchés, les capacités de diversification et de restructuration ainsi que l'environnement fiscal. Une évaluation sociale y sera adossée.
Beaucoup de nouveaux installés font énormément d'heures, mais leur engagement évolue dans la durée et le modèle économique peut donc être altéré. Son adéquation avec le modèle social nous semble déterminante ; le module que nous proposons serait l'occasion de travailler la question en amont.
Ce module supplémentaire correspond à une idée exprimée par beaucoup d'acteurs lors des auditions et séduisante en première approche. Toutefois, je ne suis pas convaincu qu'elle conduise à un cadre homogène pour le diagnostic au niveau national et il existe un risque que les moyens ainsi mobilisés soient disproportionnés par rapport à l'intérêt concret qui pourrait en résulter pour les exploitants agricoles. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Avant d'avoir une exploitation familiale individuelle, j'ai installé pas mal de jeunes en tant que conseiller agricole. Nous sommes en train de prévoir dans la loi de quelle façon les conseillers agricoles et en entreprise doivent s'occuper de ceux qui veulent s'installer. Faisons plutôt confiance à nos institutions, aux chambres d'agriculture, aux Civam, à France Services agriculture demain, et à tous les techniciens qui sont en mesure de dire si les exploitations seront viables.
Amendements identiques CE1012 de Mme Chantal Jourdan, CE2290 de Mme Mélanie Thomin et CE3261 de Mme Marie Pochon et amendement CE244 de M. Dominique Potier (discussion commune)
Nous proposons d'ajouter un module d'évaluation de la durabilité sociale de l'exploitation : il s'agit d'emploi, de qualité de vie, de conditions de travail et de développement des compétences.
Je profite de cet amendement pour redemander si le diagnostic sera obligatoire. Cela aurait un sens, étant entendu qu'il faudra alors un accompagnement financier.
Mon amendement vise à enrichir le diagnostic modulaire en lui ajoutant l'évaluation de la durabilité sociale, liée à la résilience des systèmes d'exploitation. Cela permettra de travailler à une meilleure intensité et qualité de travail et de réfléchir au recours au travail mutualisé, au développement des compétences et à une meilleure gestion des ressources humaines des non-salariés et salariés au sein de l'exploitation.
Nous avons deux grandes revendications : aborder les relations humaines et les conditions de travail dans ce module et faire le lien avec l'accompagnement des paysans dans la transition par le conseil agronomique. Pour le reste, nous n'interviendrons plus, car nous voulons sortir rapidement de ce bourbier pour passer aux vrais sujets.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE3260 de Mme Marie Pochon
Cet amendement vise à ajouter au diagnostic un module permettant faire un état des lieux des haies. Il n'est pas rare qu'elles soient détruites à l'occasion de la transmission ou de l'installation.
La question de la simplification des règles relatives à la gestion des haies sera abordée à l'article 14. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CE2291 de Mme Mélanie Thomin.
Amendement CE2096 de Mme Aurélie Trouvé
Le présent amendement vise à prévenir un usage privé lucratif des données collectées dans le cadre du dispositif de diagnostic modulaire. C'est une préoccupation dont nous a fait part une partie du monde agricole. Nous voulons préciser que l'État veillera à limiter l'usage des données au bénéfice de l'intérêt général et de l'intérêt des exploitants. Cela permettra notamment de protéger ces derniers.
Vous touchez là un point sensible. Toutefois, nous fixons une orientation qui conduira à la définition d'un cadre pour le diagnostic. C'est, selon moi, lors de la conception de ce cadre qu'il faudra veiller à cette question, qui peut s'avérer très technique puisqu'elle concerne le secret des affaires. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CE1449 de M. Charles Fournier.
Amendements CE1973 et CE1971 de M. Max Mathiasin (discussion commune)
Nous souhaitons préciser que le service de conseil et d'accompagnement des personnes ayant un projet d'installation ou de transmission sera gratuit. La question du coût des diagnostics se pose, ainsi que celle de leur caractère obligatoire ou non.
Même avis, et je répète que le diagnostic sera facultatif.
Madame Buffet m'interrogeait tout à l'heure sur le sujet de la conditionnalité des aides. La situation est la même que pour de nombreux chefs d'entreprise qui ont besoin d'aide. On demande alors une étude économique ou un diagnostic. Prendre le risque de s'installer sans avoir de recul, c'est s'y prendre à l'aveugle : ce serait comme installer un commerce sans étude de marché.
Je partage tout à fait cette analyse. Seulement, on dit que le diagnostic n'est pas obligatoire alors qu'il le sera dans les faits.
Je suis d'accord. Le diagnostic modulaire est une bonne chose, mais nous insistons sur la nécessité d'en faire un service gratuit. La forte mobilisation des agriculteurs était notamment liée aux charges extrêmement lourdes qui pèsent sur eux, notamment sur le plan administratif. Ils doivent, par exemple, payer de plus en plus des services pour la gestion des aides de la PAC, qui sont d'une complexité croissante.
Il faut répondre à deux questions avant d'aller plus loin : combien cela coûtera-t-il et qui paiera ? Vous nous répondez qu'on verra plus tard. Pourquoi pas maintenant ?
La commission rejette successivement les amendements.
L'amendement CE381 de Mme Annie Genevard est retiré.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CE2018 de M. Loïc Prud'homme.
Amendement CE2020 de M. Loïc Prud'homme
Nous demandons que l'État évalue la proposition de création d'un service public du conseil stratégique. Je rappelle que la séparation des activités de conseil et de vente en matière de pesticides est difficilement applicable sur le terrain. Un service public de conseil serait utile en la matière, ainsi que pour la réalisation des diagnostics modulaires. Nous devons faire en sorte que les agriculteurs aient le moins de charges administratives et financières possible.
Votre proposition ne s'articule pas bien avec la création, prévue à l'article 10, du réseau France Services agriculture. Avis défavorable.
Ce que nous faisons dans le cadre de cet article, depuis le début, m'inquiète vraiment.
Lorsque j'étais le directeur du syndicat des Jeunes Agriculteurs, le taux de réussite au bout de cinq ans était bien plus élevé dans l'agriculture que dans tous les autres secteurs économiques ; je ne pense pas que cela ait beaucoup changé. Un jeune qui s'installe dans l'agriculture a beaucoup plus de chances de garder son entreprise et de vivre de son métier que partout ailleurs. Vous envisagez qu'on mobilise des compétences publiques, qu'on va trouver je-ne-sais-où, pour apprécier les choix des entreprises et les conditions d'exercice du métier à la place des acteurs concernés ; je considère que c'est une dérive.
Il est question, dans ce texte, de souveraineté nationale. Nous avons eu hier un débat « qui avait de la gueule » et il y a matière à avoir aussi en séance un beau débat parlementaire sur ce que la nation attend de son agriculture. Nous avons parlé du foncier, un enjeu crucial, et nous avons ouvert la porte à des évolutions très attendues en matière de fiscalité et de transmission d'entreprise. Mais là, nous nous racontons de belles histoires au sujet de compétences publiques qu'on va inventer pour garantir je-ne-sais-quoi à des entrepreneurs qui n'en ont pas besoin.
La commission rejette l'amendement.
Suivant les avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CE2398 et CE2415 de Mme Lisa Belluco et l'amendement CE301 de M. Dominique Potier.
Amendement CE1346 de M. Nicolas Meizonnet
L'objectif de cet amendement est de clarifier le rôle du diagnostic qui risque, sinon, de compliquer la situation des agriculteurs souhaitant s'installer, alors que la profession dénonce déjà les difficultés administratives auxquelles elle doit faire face en permanence. Il s'agit que le diagnostic fasse simplement office d'avis consultatif, d'outil d'orientation et d'assistance à l'investissement au lieu d'être considéré comme une garantie ou une évaluation. Je rappelle, par ailleurs, le désastre provoqué par le diagnostic de performance énergétique (DPE) dans le secteur du logement. Il ne faudrait surtout pas qu'un modèle s'en approchant s'applique à l'agriculture…
L'esprit du dispositif est que le diagnostic doit avant tout être au service des agriculteurs, des porteurs de projets d'installation ou de cession. Votre amendement est donc satisfait. Avis défavorable.
Il me semble, en effet, que l'amendement est satisfait.
J'ajoute que c'est du processus d'installation dont il est question : le diagnostic n'a pas forcément vocation à être utilisé dans un autre contexte, par exemple au niveau bancaire. Cela étant, si les systèmes bancaire et assurantiel font leurs choix stratégiques sans un tel diagnostic, ils n'en évaluent pas moins les risques. Dans les zones qui ont subi quatre fois la grêle, qui ont connu la sécheresse trois ou quatre années consécutives ou là où l'argile se rétracte, il est plus compliqué d'accéder à un prêt ou à une assurance. Ce n'est pas explicite, mais on en tient compte dans le calcul du risque. Des responsables d'un énorme réseau bancaire – pas forcément celui auquel vous pourriez penser – m'ont expliqué qu'ils utilisaient déjà pour cela une cartographie, la même que nous – à savoir la cartographie du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec), qui est publique.
Cela ne veut pas dire que le diagnostic n'a pas son utilité, malgré des défauts qu'il faudra corriger en séance. Il est conçu non pas pour dire qu'il ne faudrait pas s'installer dans certains cas, mais pour indiquer comment faire pour que l'installation réussisse, ce qui n'est pas exactement la même chose.
Si les banques ont déjà des informations, quelle est l'utilité d'apporter, par ce diagnostic, des éléments qui pourraient se retourner contre l'agriculteur ? On pourrait concevoir le diagnostic comme un outil d'aide à la décision pour lui ; mais, dans cette situation, il le mettra en difficulté.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE692 de Mme Anne-Laure Blin
Les craintes que j'avais au début du débat sur cet article étaient fondées. Ma conviction que ce dispositif est mauvais pour nos agriculteurs ne fait que se renforcer.
Le présent amendement vise à supprimer un alinéa qui subordonne, comme vous l'avez dit et répété, les aides sociales à certains critères. C'est, là aussi, opaque : cette disposition conduira nécessairement à du clientélisme ou à une sélection arbitraire, ce qui ne correspond pas du tout à la simplification que les agriculteurs attendent.
Le texte, je le rappelle, ne prévoit pas d'obligation et seule une étude d'une conditionnalité des aides est prévue. La rédaction que je vous proposerai prévoit une modulation des aides sociales selon différents critères. L'objectif est que le diagnostic aide le candidat à l'installation. Avis défavorable, si votre amendement n'est pas retiré.
L'alinéa 6 prévoit de mettre à l'étude « les conditions dans lesquelles la réalisation de certains modules d'évaluation pourrait conditionner le bénéfice de certaines aides publiques ». Le législateur ne peut pas adopter une telle disposition qui inquiéterait tout le monde : on ne sait pas où on ira. Il faut tout simplement supprimer cet alinéa qui n'est pas normatif et risque donc de ne pas être constitutionnel.
Quel est l'objectif de l'article 9, largement inspiré d'échanges avec, notamment, les Jeunes Agriculteurs ? Nous ne sommes plus tout à fait dans la situation que M. Descrozaille a connue. Il y a maintenant beaucoup d'échecs, en raison du dérèglement climatique dont l'accentuation date de cinq ou sept ans – pas plus – et qui obère les possibilités d'installation, y compris dans la durée. Les Jeunes Agriculteurs voient donc toute la pertinence de cet article.
Le débat, pour résumer, porte sur le caractère facultatif du diagnostic – il le sera, mais certains disent que la conditionnalité pourrait, en réalité, le rendre obligatoire –, sur la question des sols, évoquée à l'alinéa 4, et sur l'utilité ou non d'ajouter des éléments – je crois que nous ne l'avons fait qu'assez marginalement. Par ailleurs, je l'ai dit, certains aspects méritent d'être retravaillés, nos échanges ayant été éclairants.
L'objectif est de donner à celui qui va reprendre une exploitation un outil lui permettant de mesurer le risque, en particulier climatique et économique. Il s'agit d'accompagner : la philosophie du dispositif est de faire en sorte que celui qui s'installe puisse s'assurer que le cadre, notamment climatique, dans lequel il va essayer de faire prospérer son exploitation est tenable, sur le plan économique mais pas seulement.
J'aurais tendance, en première intention, à faire droit à ce que vient de dire Charles de Courson, pour lever le doute sur le caractère obligatoire qui pourrait être induit par la conditionnalité. Je préfère donc l'amendement de Mme Blin à celui qu'a déposé le rapporteur. Reste néanmoins la question de savoir comment on incite.
Les systèmes bancaire et assurantiel, je l'ai dit, n'ont pas besoin qu'un tel diagnostic existe, mais il faut un dispositif permettant à un jeune qui s'installe de rassurer son financeur sur la viabilité du projet, notamment dans le contexte du dérèglement climatique.
Je m'en remets à la sagesse de la commission au sujet de l'amendement de Mme Blin, qui permettra de dissiper une inquiétude. Il faudra veiller en séance à mieux décrire l'intention du législateur – j'ai l'impression que nous avons la même.
Je répète des questions déjà posées par monsieur de Courson. Qui financera le dispositif et combien coûtera-t-il à l'État ? Qui prodiguera le service ? Sera-t-il payant pour les agriculteurs ? Si oui, à combien estime-t-on le coût pour eux ? Puisque nous n'avons pas adopté l'amendement précisant qu'il s'agira d'un service gratuit, nous ne pouvons certainement pas prévoir une conditionnalité des aides publiques. Tant que nous n'aurons pas de réponses à ces questions, nous, députés de La France insoumise, resterons très sceptiques.
Si par hasard l'amendement de madame Blin n'était pas adopté, j'ai déposé un sous-amendement à l'amendement CE3401 du rapporteur afin de supprimer la conditionnalité des aides, ce qui résoudrait la difficulté évoquée par le ministre.
Nous avons le sentiment d'avoir longuement débattu sur des détails, alors qu'un dispositif aussi fondamental que le diagnostic modulaire a été insuffisamment préparé. Je n'en fais le reproche à personne, mais je le regrette vivement, car nous avons ainsi été privés d'un débat de fond sur une belle idée des Jeunes Agriculteurs. En cédant aux injonctions de la droite et de M. de Courson, le Gouvernement renonce à l'ambition initiale de l'article 9, à laquelle nous sommes très attachés, même si ses conditions d'application restent à préciser. Ne lâchons pas l'affaire trop rapidement : préservons l'essentiel pour pouvoir, en séance, rebâtir un mécanisme équilibré et efficace.
Au nom du groupe Socialistes, j'appelle par ailleurs officiellement le président à demander, sur le fondement de l'article 98-1 de notre règlement, que l'amendement CE3395 déposé il y a quelques jours par Éric Girardin en vue de créer le groupement foncier agricole d'épargne (GFAE) fasse l'objet d'une évaluation préalable, afin que nous puissions en mesurer tous les impacts juridiques, économiques et systémiques et nous prononcer en toute connaissance de cause le moment venu. Le rapporteur général s'honorerait d'ailleurs à se joindre à cette demande.
La commission adopte l'amendement CE692.
En conséquence, tous les amendements se rapportant à l'alinéa 6 tombent.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du vendredi 3 mai 2024 à 15 heures
Présents. – M. Henri Alfandari, M. Antoine Armand, Mme Anne-Laure Babault, Mme Nathalie Bassire, Mme Delphine Batho, Mme Lisa Belluco, M. Thierry Benoit, Mme Anne-Laure Blin, M. Philippe Bolo, Mme Françoise Buffet, M. Charles de Courson, M. Frédéric Descrozaille, M. Julien Dive, Mme Stella Dupont, M. Frédéric Falcon, M. Grégoire de Fournas, M. Éric Girardin, Mme Florence Goulet, Mme Mathilde Hignet, Mme Chantal Jourdan, M. Luc Lamirault, M. Pascal Lavergne, Mme Nicole Le Peih, M. Pascal Lecamp, M. Hervé de Lépinau, M. Aurélien Lopez-Liguori, Mme Sandra Marsaud, M. Éric Martineau, M. Nicolas Meizonnet, Mme Manon Meunier, Mme Louise Morel, M. Philippe Naillet, M. Nicolas Pacquot, Mme Anne-Laurence Petel, Mme Marie Pochon, M. Loïc Prud'homme, M. Charles Rodwell, M. Jean-François Rousset, Mme Danielle Simonnet, M. David Taupiac, Mme Mélanie Thomin, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier
Excusés. – Mme Hélène Laporte, M. Jiovanny William
Assistaient également à la réunion. – Mme Géraldine Bannier, M. Inaki Echaniz, M. Laurent Esquenet-Goxes, M. Guillaume Garot, Mme Annie Genevard, Mme Sandrine Le Feur, M. Bertrand Sorre, M. Antoine Villedieu