La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
Suite de la discussion d'un projet de loi
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (n° 1514 rectifié, 1674).
Mercredi 11 octobre, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 676 portant article additionnel après l'article 10 bis A.
Cet amendement des députés du groupe La France insoumise vise à mieux encadrer les entités de traitement des données bancaires, en matière de stockage des données de sécurité des personnes physiques. En 2019, le ministre de l'économie et des finances a confié au Conseil général de l'économie une mission visant à étudier la mise en œuvre d'une politique de localisation des données de paiement en Europe. Celui-ci a notamment recommandé « d'instituer à l'échelle de l'Espace économique européen une obligation de localisation sur le sol européen des données relatives à des paiements intra-européens, lorsque ces données sont liées aux données de sécurité personnalisées d'une personne physique. » Nous proposons également d'agir en ce sens. Nous pensons par ailleurs que la France devrait proposer un espace de stockage souverain pour les données de sécurité des personnes physiques.
Sur l'amendement n° 676 , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Sur l'amendement n° 1047 et sur l'article 10 bis B, je suis saisie par le groupe Horizons et apparentés de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Anne Le Hénanff, rapporteure de la commission spéciale pour le titre III, afin de donner l'avis de la commission.
Madame Chikirou, nous avons longuement débattu de la rédaction de l'article 10 bis A mercredi soir. Il ne prend pas en compte les données bancaires. Je vous invite donc à retirer l'amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du numérique, pour donner l'avis du Gouvernement.
Il est regrettable que ce projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique – un texte relativement dense – ne traite pas de sujets fondamentaux en matière de souveraineté numérique. Ces sujets sont évacués alors qu'ils sont centraux et décisifs pour la protection des Français. Depuis le début de l'examen du texte, je n'ai cessé de le souligner et je le répéterai : nous avons le sentiment que le projet de loi n'a pas comme objectif sincère, réel et précis de sécuriser l'espace numérique et de protéger les Français, les entreprises et les collectivités territoriales. Si c'était le cas, vous auriez intégré une mesure comme celle que nous proposons ici.
Vous savez l'importance du sujet, madame la rapporteure, puisque vous avez rédigé sur la souveraineté numérique un rapport pour la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP). Je ne partageais sans doute pas l'ensemble de vos recommandations, mais un bon nombre d'entre elles. Je m'adresse donc au Gouvernement : monsieur le ministre délégué, vous manquez aujourd'hui une occasion d'avancer sur la question de la souveraineté numérique, et c'est fort dommage.
S'il était adopté, notre amendement permettrait de faire un petit pas, de lancer un signal, dans le sens d'une souveraineté numérique accrue. J'appelle donc l'Assemblée à le voter.
Je l'ai dit mercredi soir : le texte nous fait faire un grand pas vers la souveraineté numérique qui vous est chère, madame Chikirou, tout comme à nous tous ici. L'article 10 bis A traite des données publiques. Nous allons bientôt aborder les données de santé. Quant aux données bancaires, ce sont des données privées. Pour les sauvegarder sur un cloud souverain, il est d'abord nécessaire de les hiérarchiser selon leur sensibilité. Nous avançons progressivement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 23
Nombre de suffrages exprimés 23
Majorité absolue 12
Pour l'adoption 7
Contre 16
L'amendement n° 676 n'est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 1047 , qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.
Il porte sur un sujet très important pour chacun de nous : les données de santé. Notre collègue Philippe Latombe a présenté en commission spéciale un amendement visant à conserver les archives de santé dans un cloud certifié SecNumCloud. Je me suis prononcée contre cette mesure en raison des contraintes d'un tel hébergement et surtout parce que les données de santé sont actuellement sauvegardées dans des clouds bénéficiant du référentiel hébergeur de données de santé (HDS). Celui-ci garantit un traitement spécifique pour des données personnelles d'une sensibilité particulière. Nous nous accordons tous, évidemment, quant à la nécessité de garantir aux Français une protection maximale pour leurs données de santé.
Le présent amendement vise à imposer aux hébergeurs d'archives de données de santé d'obtenir la certification HDS. Il s'inspire du dispositif proposé par M. Latombe et constitue un premier pas important. Étant donné la sensibilité des données de santé, l'agrément délivré par le ministère de la culture – dont relève leur archivage – aux prestataires qui fournissent un service d'archivage numérique devra désormais être subordonné à l'obtention de la certification HDS.
L'amendement de Mme Le Hénanff ne correspond pas à celui que j'avais déposé en commission spéciale. Le véritable problème auquel nous sommes confrontés est la protection des données de santé, en base active comme en archivage.
Il y a plus de deux ans, à l'Assemblée et au Sénat, le Gouvernement s'était engagé à transférer dans un délai de deux ans la Plateforme des données de santé (PDS - Health Data Hub) vers un cloud souverain. Ce n'est toujours pas le cas aujourd'hui et, d'après les prévisions du Health Data Hub, ce ne sera possible qu'au troisième trimestre de l'année 2025, soit un délai beaucoup trop long. Dès que l'occasion m'en est donnée, je rappelle au Gouvernement sa promesse car il est urgent que les données de santé de nos concitoyens soient protégées.
L'intérêt de la certification SecNumCloud est précisément de garantir une immunité aux règles extraterritoriales. Si elle s'appliquait au Health Data Hub, alors celui-ci ne pourrait plus utiliser le serveur Microsoft Azure. La certification SecNumCloud pourrait concerner également les start-up qui recourent à Amazon Web Services (AWS), le principal cloud dans le domaine de la recherche médicale.
Je m'étonne que la délégation au numérique en santé s'oppose systématiquement aux mesures que nous proposons. C'est une mauvaise nouvelle pour nos concitoyens qui expriment pourtant une forte défiance à l'égard du stockage de leurs données personnelles et qui sont de plus en plus nombreux à refuser l'utilisation de leurs données de santé. L'hébergement de ces données est une question préoccupante. Le Health Data Hub s'est enkysté depuis trois ans, ce qui est révélateur de la difficulté du Gouvernement à tenir son engagement, que nous ne cessons de lui rappeler. Les Français ne croient plus dans ce dispositif, comme le montre leur défiance à l'égard du dossier médical partagé (DMP).
L'amendement de Mme la rapporteure renvoie à un décret : le sous-amendement n° 1122 précise le délai dans lequel ce décret doit être pris, soit au plus tard un an après la promulgation de la loi ; le sous-amendement n° 1120 prévoit que ce décret intègre des mesures d'immunité aux règles extraterritoriales. Certes, la certification SecNumCloud constitue un processus compliqué, puisqu'il faut satisfaire 250 critères exigeants, mais le référentiel HDS n'est pas suffisamment robuste – une simple certification ISO 27001 et une seule journée d'intervention des consultants ! Nous proposons donc, à tout le moins, d'intégrer dans le décret les mesures d'immunité aux règles extraterritoriales prévues par SecNumCloud.
Si les deux sous-amendements sont adoptés, je voterai en faveur de l'amendement de Mme Le Hénanff. Dans le cas contraire, j'appelle l'Assemblée à le rejeter.
La parole est à Mme Agnès Carel, pour soutenir le sous-amendement n° 1084 .
Il vise à clarifier le texte et précise la date maximale fixée par le décret, à savoir le 1er juillet 2025.
La parole est à M. Frédéric Zgainski, pour soutenir le sous-amendement n° 1101 .
Après l'examen du projet de loi en commission spéciale, j'ai été alerté par des entreprises de ma circonscription du délai très court accordé à l'industrie pour se mettre en conformité avec la loi. Tous les acteurs économiques sont conscients de la nécessité de garantir la sécurité des données de santé, mais un délai de trente-six mois maximum me paraît plus raisonnable, soit la date limite du 1er juillet 2028 pour basculer sur un cloud souverain.
Monsieur Latombe, je tiens à saluer le travail que vous menez sur la souveraineté numérique depuis des années, notamment sur les données de santé. Votre engagement constant permet de faire évoluer le projet de loi, comme le montre ce matin notre discussion autour de l'amendement n° 1047 .
Je suis favorable au sous-amendement n° 1084 de Mme Carel et j'invite MM. Latombe et Zgainski à s'y rallier. Il a le mérite de trouver un juste milieu entre l'application de la loi un an au plus tard après sa promulgation et la date du 1er juillet 2028, trop éloignée. Celle du 1er juillet 2025 est en revanche réaliste – le sous-amendement de Mme Carel offre donc un bon compromis. Je précise que la migration des données d'un cloud vers un autre ne se fait pas d'un claquement de doigts : elle est techniquement compliquée et prend dix-huit à vingt-quatre mois au minimum.
L'amendement n° 1047 ainsi sous-amendé irait dans votre sens, monsieur Latombe, et dans le sens de tous ceux ici qui sont engagés en faveur de la souveraineté numérique.
J'émets donc un avis défavorable sur les sous-amendements n° 1122 , 1120 et 1101 et un avis favorable sur le sous-amendement n° 1084 .
Mme Le Hénanff a eu raison de saluer votre travail, monsieur Latombe : avec celui d'autres députés et de plusieurs sénateurs, il a conduit à l'adoption mercredi soir d'un amendement sous-amendé de Mme la rapporteure relatif à la protection des données sensibles détenues par les administrations.
Nous débattons ce matin des données de santé. L'amendement que vous avez défendu en commission spéciale, qui a conduit à la rédaction d'un nouvel article, visait à ce que les données de santé soient stockées dans des clouds considérés comme SecNumCloud. Vous vous étonnez que la délégation au numérique en santé repousse ce type d'évolution. Notre objectif de garantir la souveraineté numérique est inchangé, mais elle a sans doute des raisons légitimes d'éviter que des contraintes trop lourdes ne pèsent sur les acteurs de la recherche qui recourent aux bases de données en santé.
Nous avons un objectif de souveraineté numérique, mais nous avons aussi un objectif de souveraineté en matière de santé. Or la crise de la covid a mis en lumière notre dépendance aux fournisseurs étrangers, y compris pour des molécules très basiques. Si nous voulons nous réapproprier notre capacité de concevoir et de fabriquer en France des médicaments, nous devons valoriser, avec toutes les garanties nécessaires, ce patrimoine exceptionnel que constituent les données de santé. Voilà pourquoi la mesure que vous proposez suscite quelques réticences.
Cependant, le Gouvernement suivra l'avis de Mme la rapporteure, en vous recommandant de retirer vos amendements, messieurs Latombe et Zgainski, au profit de celui de Mme Carel, qui resserre le dispositif en fixant une date limite de parution du décret.
Pour vous en convaincre, je prends un engagement devant vous. Il faut noter que l'amendement de Mme la rapporteure, sous-amendé par Mme Carel, représentera une avancée considérable. En effet, les bases actives de données de santé sont hébergées dans des solutions infonuagiques conformes à la norme HDS. Or, s'il est adopté, cet amendement imposera également le stockage des bases de données archivées dans des solutions certifiées HDS. C'est une évolution majeure qui entraînera la migration de ces archives vers des solutions beaucoup plus sécurisées.
Au fond, monsieur le député, vous suggérez d'aller plus loin encore dès à présent, en imposant des solutions certifiées non seulement HDS, mais plutôt SecNumCloud. Une telle mesure nous paraît cependant à la fois trop précoce et contraignante.
Toutefois, sous votre impulsion, le Gouvernement s'engage dès à présent devant l'Assemblée à faire évoluer le référentiel HDS. Cette nouvelle version inclura des exigences nouvelles en matière de souveraineté numérique. Cette évolution sera également l'occasion de clarifier le périmètre de certaines activités d'hébergement, d'offrir une matrice de correspondance entre les qualifications HDS et SecNumCloud et de simplifier les démarches de certification HDS pour les hébergeurs SecNumCloud.
Autrement dit, grâce à cette harmonisation, certaines bases d'archives qui ne sont actuellement pas sauvegardées dans des clouds qualifiés HDS migreront vers des hébergements certifiés SecNumCloud. Cinq ans après la mise en œuvre de la certification HDS, les remontées des établissements de santé et des industriels ont en effet conduit l'Agence du numérique en santé (ANS), en collaboration avec la délégation au numérique en santé, à réviser le référentiel de certification pour l'hébergement de données de santé à caractère personnel. Cette démarche a associé la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), le haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère de la santé ainsi que les hébergeurs de données de santé, les fédérations d'industriels de l'écosystème et les organismes certificateurs. Ce projet de révision a également fait l'objet d'une concertation publique par l'ANS fin 2022, à l'occasion de laquelle 247 contributions ont été reçues, analysées et traitées.
Les principales évolutions apportées à ce référentiel HDS clarifient d'abord les activités pour lesquelles les hébergeurs ont obtenu la certification – notamment en précisant la définition de l'activité d'administration et d'exploitation des systèmes de santé –, les obligations contractuelles de l'hébergeur, ensuite, et, enfin, l'articulation entre les exigences de la certification HDS et celles de la qualification SecNumCloud définie par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) pour faciliter le travail des candidats qui souhaitent l'obtenir.
Il nous importe, comme à vous, d'intégrer des exigences de souveraineté des données afin de mieux les protéger au regard des transferts vers des pays situés en dehors de l'Union européenne ou d'accès non autorisé par des pays tiers. Cette version révisée du référentiel HDS, qui va s'imposer à tous, ajoute ainsi de nouvelles exigences qui seront dévoilées dans les prochaines semaines.
Pour conclure, le référentiel prévoit également un renforcement des exigences de souveraineté lorsque les discussions européennes sur le schéma européen de certification des services clouds – EU Common criteria (EUCS) – auront abouti, au plus tard en 2027.
Une prochaine étape sera franchie dans les prochains jours lorsque sera pris l'arrêté approuvant la version révisée de ce référentiel. Cette évolution sera également notifiée à la Commission européenne, comme l'exige le droit européen. À compter de la publication de l'arrêté approuvant les référentiels, prévue pour début 2024, les organismes certificateurs bénéficieront d'un délai de six mois pour adapter leurs procédures de certification et ce nouveau référentiel sera applicable aux demandes de certificat de conformité présentées aux organismes certificateurs six mois à partir de la publication de l'arrêté. À l'issue de ce délai de six mois, les organismes ne pourront donc plus délivrer que des certificats de conformité au nouveau référentiel.
Voilà en quelques mots, monsieur le député, de quelle manière le Gouvernement prend en compte ce sujet important, sous l'impulsion du Parlement, considérant qu'il répond également à votre préoccupation légitime en la matière. C'est la raison pour laquelle je vous demande une nouvelle fois de retirer ces sous-amendements, au profit du sous-amendement n° 1084 de Mme Carel.
Le sous-amendement n° 1101 est retiré.
Vous m'excuserez, messieurs, de tenir un discours moins technique que le vôtre. Je tiens tout d'abord à vous signaler que Mme la rapporteure s'est sans doute emmêlé les pinceaux : la date limite du 1er janvier 2025 ne concerne pas la migration des données, mais l'obtention de la certification HDS. Notre collègue soulignait en effet que ce délai ne serait pas suffisant pour que les entreprises puissent effectuer cette migration.
Je rappelle ensuite que les données de santé, dont il est ici question, représentent une manne financière monstrueuse et touchent au plus intime des individus. Ayant moi-même travaillé pour une société d'assurance, je peux vous dire que ces entreprises ne rêvent que d'une chose : savoir exactement – et, dans l'idéal, même avant vous – à quel moment vous tombez enceinte, que vous commencez à avoir du cholestérol, ou toute autre information de la sorte. C'est bien là le problème : pour les assurances, le fait de disposer de telles données est une occasion d'augmenter les cotisations, mais c'est aussi une aubaine pour d'autres entreprises promptes à vous vendre des couches et des petits pots, des solutions contre le cholestérol, ou tout autre produit. Bref, elles veulent connaître vos besoins avant vous.
Par ailleurs, l'été dernier – mais c'était déjà le cas auparavant –, des données de santé ont été volées, notamment au sein de plusieurs hôpitaux victimes de cyberattaques. Nous ne pouvons plus repousser les décisions, au prétexte qu'elles seraient trop compliquées à appliquer : nous devons voter pour l'interopérabilité, afin de pouvoir transférer nos données de santé et les protéger.
M. Bastien Lachaud applaudit.
Monsieur le ministre délégué, je prends acte de vos engagements et vous fais confiance. Il n'empêche que, ce faisant, je repense à la promesse qui avait été faite devant cette assemblée, le Sénat, la Cnil et le Conseil d'État, il y a maintenant plus de deux ans et demi, de faire migrer le Health Data Hub hors de Microsoft et de lancer un appel d'offres – or cela n'a toujours pas eu lieu.
Je le répète : c'est un kyste dans la promesse du Gouvernement. Au-delà de la seule question des données de santé, cela est de nature à remettre en question l'adhésion de nos concitoyens au système de santé et par conséquent de perturber votre action sur les données de santé – d'où l'amendement que j'avais déposé.
À la lumière de vos engagements, je retire mes deux sous-amendements…
…et propose de voter l'amendement de Mme Le Hénanff sous-amendé par Mme Carel.
En revanche, je serai des plus vigilants sur les délais et sur le contenu. L'article 10 bis A, que nous avons discuté mercredi, représente une avancée ; mais le fait qu'il prévoie des dérogations potentielles à la main de la Première ministre m'invite à une grande prudence. En effet, le Health Data Hub était par exemple exclu de votre circulaire sur les données sensibles. Ce n'est plus possible ! Nous ne pouvons tolérer que le Health Data Hub ne se conforme pas aux règles décidées par la représentation nationale et aux engagements du Gouvernement. C'est inacceptable : cela se finira au Conseil d'État, et cela se finira mal, monsieur le ministre délégué. Sortez le Health Data Hub de Microsoft : tout le monde vous en saura gré et vous en accordera le crédit. L'engagement du Gouvernement devant la représentation nationale et la Cnil sera ainsi honoré ; cela me paraît nécessaire.
Madame Amiot, vous avez évoqué les données de santé des hôpitaux. Souvent, les hôpitaux sauvegardent leurs données sur site, et bénéficient dans ce cadre du soutien de l'Anssi, à laquelle je rends ici hommage.
Il ne faut pas confondre la protection des données et celle des systèmes d'information. L'hôpital est de plus en plus considéré comme un opérateur d'importance vitale (OIV) ; ce sera davantage encore le cas dans le cadre de l'application de la directive européenne Network and Information Security 2 (NIS 2). La sécurisation des systèmes d'information des hôpitaux, afin d'éviter le vol de données, fait donc partie des prérogatives de l'Anssi.
La protection des données, quant à elle, est un autre sujet : c'est cela dont il est question ici.
Si on récapitule, le présent amendement impose l'hébergement des bases archivées de données de santé des Français dans des solutions correspondant au référentiel HDS. Par ailleurs, je viens d'annoncer que le référentiel HDS va évoluer pour se rapprocher de la qualification très exigeante SecNumCloud de l'Anssi. J'ajoute, en réponse à la dernière intervention de Philippe Latombe, que le Gouvernement entend bien que le Health Data Hub soit hébergé dans des solutions garantissant la sécurité des données des Français ; mais cela prend du temps, pour les raisons que j'ai précédemment évoquées.
En effet, nous sommes nombreux ici à considérer que nous avons un impératif de souveraineté numérique ; mais n'oublions pas que d'autres acteurs, bien que préoccupés par cette exigence, sont également attachés à la souveraineté en matière de santé : ils craignent que des décisions trop rapides et contraignantes privent la France d'entreprises qui développent des solutions innovantes dans la détection des cancers ou la prévention personnalisée, par exemple, et de ce fait suscitent de leur part une certaine réticence.
C'est l'une des raisons pour lesquelles ces solutions prennent du temps – et non pas parce que le Gouvernement aurait des accords cachés avec Microsoft sur le Health Data Hub : il existe en France un certain nombre de réticences que nous nous attachons à lever. Le présent débat, comme d'autres que nous avons eus précédemment, est l'occasion de rappeler l'objectif très clair du Gouvernement : héberger le Health Data Hub dans des conditions qui garantissent la sécurité des données – et, ainsi, la confiance de nos concitoyens – tout en permettant, à terme, à toutes les entreprises innovantes dans ce domaine de réaliser leurs activités en France, pour ne pas créer de dépendance à l'égard de pays étrangers.
Applaudissements sur les bancs des commissions. – M. Frédéric Zgainski applaudit également.
Le sous-amendement n° 1084 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 42
Nombre de suffrages exprimés 32
Majorité absolue 17
Pour l'adoption 32
Contre 0
Nous souhaitons réécrire l'article 10 bis et ainsi réintégrer toutes les obligations de transparence adoptées au Sénat et que vous avez choisi d'écarter par le biais de votre amendement de nouvelle rédaction de l'article, madame la rapporteure.
Il s'agit d'informations concernant l'emplacement physique de toute l'infrastructure informatique déployée pour le traitement des données de leurs services individuels, l'existence d'un risque d'accès gouvernemental aux données de l'utilisateur du service d'informatique en nuage et une description des mesures techniques, juridiques et organisationnelles adoptées par le fournisseur d'informatique en nuage afin d'empêcher l'accès gouvernemental aux données lorsque ce transfert ou cet accès créerait un conflit avec le droit de l'Union européenne ou le droit national de l'État membre concerné.
Nous sommes preneurs d'explications car nous n'avons toujours pas compris ni accepté votre réécriture qui va à l'encontre de la volonté des sénateurs et de nombre de députés de conserver ces éléments de transparence.
La parole est à M. Aurélien Lopez-Liguori, pour soutenir l'amendement n° 549 .
Nous voulons revenir à la version initiale de l'article 10 bis – totalement réécrit en commission spéciale. Beaucoup plus stratégique à l'origine, il obligeait notamment les fournisseurs d'informatique en nuage à une transparence concernant les mesures techniques prises pour éviter les risques d'accès de gouvernements étrangers aux données. Pourquoi ce retour en arrière ? En outre, si ma mémoire est bonne, cet article avait été adopté à l'unanimité au Sénat. Vous vous mettez donc en porte-à-faux vis-à-vis du Sénat en cas de commission mixte paritaire (CMP). Nous ne comprenons pas votre position.
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir l'amendement n° 1008 .
Nous proposons aussi de rétablir l'article tel qu'adopté au Sénat pour les mêmes raisons que celles invoquées par les orateurs précédents. Dans sa nouvelle version, il ne répond plus aux exigences de transparence, auxquelles il me semble que nous tenons tous, car il ne prévoit de les imposer qu'à une sélection restreinte de services d'informatique en nuage, ceux qui bénéficient d'une certification de cybersécurité. Nous demandons donc le rétablissement de la version élaborée au Sénat, notamment par notre collègue Florence Blatrix Contat.
La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir l'amendement n° 116 .
Il procède du même esprit que les amendements précédents, mais sa rédaction est un peu différente : c'est une totale retranscription du règlement sur les données, le Data Act, adopté en « trilogue ». Pourquoi avoir fait ce choix, madame la rapporteure, alors que vous nous dites que nous devons coller au Data Act à la virgule près et l'appliquer sans l'interpréter ?
Contrairement à ce que vous avez prétendu en commission spéciale, le présent article ne correspond pas exactement au Data Act car il n'intègre pas certains éléments – et cela ressemble à un choix délibéré.
Vous ne pouvez pas demander aux parlementaires de coller à ce règlement et ne pas le faire vous-même. Vous nous demandez d'être très prudents concernant les conventions et de rester le plus près possible du droit européen. Et pour une fois que nous vous proposons de nous aligner complètement sur le droit européen, vous nous dites qu'il faut s'en écarter.
Lorsqu'il entrera en vigueur, le Data Act s'imposera de toute façon aux entreprises. Anticipons-le mais de façon correcte, c'est-à-dire dans sa version originale, sans en faire une interprétation. Certains me semblent gênés par une transposition directe. Or, soit nous le transposons complètement tout de suite, soit nous ne le transposons pas. Quoi qu'il en soit, nous devons faire un choix. Pour ma part, je pense que nous devons le transposer complètement, quitte à déplaire à certaines grandes entreprises, notamment françaises, spécialistes de l'information en nuage ou autres.
Alors que nous nous acheminons vers la fin de l'examen du titre III, et alors que les données de santé ont occupé une large part de nos débats, je tiens à redire que nous accordons la plus grande importance à la transparence.
Pourquoi la commission spéciale n'a-t-elle pas repris exactement l'article tel que rédigé au Sénat ? La raison majeure est que le Data Act, qui n'était pas adopté au moment où les sénateurs ont rédigé leur texte, a été validé dans l'intervalle au niveau européen. Il s'agit donc de coller vraiment à ce règlement.
Monsieur Latombe, nous avons exactement la même position que vous à un détail près – peut-être estimerez-vous qu'il est essentiel, en réalité c'est epsilon – : vous voulez renvoyer au décret la totalité des modalités prévues à l'article 10 bis alors que nous ne voulons y renvoyer que la première partie. Quand on vous écoute, on a l'impression que votre amendement est à des années-lumière de l'article. Ce n'est pas la réalité.
Venons-en à la précision géographique. Lors des auditions, les fournisseurs de services informatiques en nuage – qu'ils soient extraterritoriaux, européens ou français – ont été clairs : en matière de sécurité, il serait dangereux d'indiquer la localisation dans un article. Pour des raisons évidentes, nous avons donc décidé de ne pas faire état de la localisation géographique. Quant à l'impact environnemental, nous aurons l'occasion d'en débattre dans quelques instants.
Pour ces raisons, j'émets un avis défavorable à tous ces amendements, en vous proposant d'adopter le mien, l'amendement n° 1048 , que nous examinerons ensuite.
Il est louable que les auteurs de ces amendements essaient de rapprocher la rédaction de l'article 10 bis de celle du règlement sur les données, le Data Act. Je leur propose de retirer leurs amendements au profit de l'amendement n° 1048 de Mme la rapporteure.
Pour ma part, je vois quand même une très grande différence entre la rédaction que vous avez proposée en commission spéciale et celle que vous proposez aujourd'hui, et entre les amendements n 116 et 1048 . Pourquoi ne pas renvoyer la totalité des modalités à un décret, ce qui permettrait de décliner tous les points, pas seulement le premier ? Mon amendement n° 116 retranscrit l'article 24 c du Data Act à la virgule près, ce que ne fait pas tout à fait votre amendement n° 1048 . Je ne vais donc pas le retirer, et je vous propose de l'adopter de préférence à l'amendement n° 1048 .
Sur l'amendement n° 1048 et sur l'article 10 bis, je suis saisie par le groupe Horizons et apparentés d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme la rapporteure.
Par rapport au vôtre, mon amendement apporte deux précisions essentielles concernant les obligations à la charge des fournisseurs de service : identifier la juridiction à laquelle les infrastructures qu'ils utilisent pour offrir leurs services sont soumises ; détailler toutes les mesures qu'ils prennent pour empêcher l'accès gouvernemental aux données sauvegardées. Pour des raisons de sécurité que j'ai déjà mentionnées, il n'est donc pas question de localisation géographique mais de juridiction.
Pour vous inciter à retirer votre amendement, monsieur Latombe, je vais revenir sur ce qui le distingue de celui de Mme la rapporteure. Pour votre part, vous voulez supprimer le décret à la fois pour les obligations de transparence déjà prévues dans le règlement sur les données et pour les questions environnementales qui ont été ajoutées par la commission spéciale.
Quant à Mme la rapporteure, elle propose de conserver le décret pour la transparence sur les données environnementales, ce qui me paraît indispensable à l'application de la mesure : nous devrons travailler à la définition de certains critères concernant un champ qui n'est pas traité par le règlement sur les données. Si nous retenions votre amendement, nous n'aurions plus cette possibilité d'y travailler dans le cadre de la préparation du décret, ce qui serait un peu regrettable.
C'est à peu près la seule différence entre les deux propositions visant à se rapprocher le plus possible du Data Act. La commission spéciale a voulu introduire des questions environnementales auxquelles il faut nous laisser le temps de travailler par décret.
L'amendement n° 677 n'est pas adopté.
L'amendement n° 116 n'est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 1048 .
M. le ministre vient de compléter les explications que j'ai déjà données concernant cet amendement dont l'objectif est de préciser et même de revendiquer la transparence, tant cet élément est essentiel. Les Français et les organisations ont besoin d'avoir confiance dans le numérique. Le premier but de la transparence est donc de susciter cette confiance. Son deuxième but est d'apporter les éléments nécessaires pour éclairer les décisions et les choix des utilisateurs. J'estime que la rédaction issue de la commission spéciale est incomplète par rapport à l'article 24 c du Data Act. C'est pourquoi je vous propose d'adopter mon amendement qui retranscrit fidèlement ce règlement.
Pour montrer qu'il y a une vraie différence entre l'amendement de Mme la rapporteure et le mien, je vais comparer les deux rédactions.
Dans le vôtre, madame la rapporteure, vous faites référence aux « informations relatives aux juridictions compétentes eu égard à l'infrastructure déployée pour le traitement des données dans le cadre de leurs différents services ». Dans le mien, je fais référence à « la juridiction à laquelle est soumise l'infrastructure informatique déployée pour le traitement des données de leurs services individuels ». Ma rédaction est beaucoup plus précise que la vôtre.
L'amendement n° 116 ayant été repoussé, je n'ai d'autre choix que de vous suivre sur l'amendement n° 1048 , qui est un moindre mal. Il n'empêche que vous ne transcrivez pas fidèlement le Data Act, que votre proposition est même très éloignée de celle du règlement. C'est un véritable recul : nous serons beaucoup moins transparents que nous aurions dû l'être en appliquant le Data Act. Dans ces conditions, comment pourrions-nous dire à l'Union européenne que la France montre l'exemple et joue un rôle moteur dans ce domaine en transposant le règlement à l'avance ? Elle ne transpose pas totalement l'article 24 c.
L'amendement n° 1048 est beaucoup moins bien-disant que le n° 116, qui visait à transposer fidèlement l'article 24c du Data Act. Nous serons bien forcés de le voter – ce sera toujours mieux que rien –, mais la rédaction proposée est moins bonne que celles que nous proposions.
M. Arthur Delaporte applaudit.
J'y vois un vrai problème de cohérence de l'ensemble du texte : alors que vous expliquez depuis le début que nous devons nous conformer au Data Act et aux textes européens à la virgule près, on s'en éloigne ici de façon substantielle. Je le répète : je ne sais pas qui vous a tenu la main pour transposer ainsi l'article 24c, mais cette rédaction ne me plaît pas. Quelque chose ne va pas.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Sourires
dans sa véhémence. Vous assurez, madame la rapporteure, répondre à notre demande de transparence en prévoyant que les fournisseurs de cloud publieront des informations sur les juridictions compétentes. Mais de quelles juridictions s'agira-t-il ? De celles dont relèvent les data centers, où sont localisées les données, ou de celles dont relève le siège de la société concernée ? Ce sont là deux choses très différentes, vous le savez bien.
Ainsi, non seulement votre proposition ne répond pas aux exigences du Data Act, comme l'a rappelé notre collègue Latombe, mais votre réécriture de l'article adopté au Sénat est empreinte d'une certaine hypocrisie. Nous avons beaucoup de mal à comprendre pourquoi vous-même et le Gouvernement êtes si frileux – ou plutôt, nous craignons que les raisons de cette frilosité ne soient pas très louables. N'ayant pas réussi à faire adopter les précédents amendements, même si un certain nombre de députés décomptés comme s'y étant opposés n'avaient pas réellement voté – nous demanderons à l'avenir des scrutins publics pour nous assurer que cela ne se reproduise pas –, nous voterons par défaut pour le vôtre, bien qu'il reste très en deçà de ce qu'il devrait être et qu'il ne réponde pas à nos exigences en matière de transparence. Je le dis toutefois très clairement : il y a un loup. Nous voterons l'amendement, mais avec beaucoup de méfiance et en nous interrogeant sur vos intentions réelles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Aurélien Taché applaudit également.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 34
Nombre de suffrages exprimés 33
Majorité absolue 17
Pour l'adoption 33
Contre 0
Sur les amendements n° 684 et 683 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l'amendement n° 684 .
Nous proposons de rendre plus transparent le bilan écologique des entreprises du cloud. Si ces dernières doivent communiquer à leurs clients des données techniques et des informations quant à leur capacité à garantir la sécurité des contenus, nous souhaitons que la transparence s'étende à l'impact environnemental des hébergeurs de cloud, notamment en matière de consommation d'eau et d'électricité. Les clients doivent pouvoir faire leur choix en connaissance de cause et savoir quelles entreprises adoptent un comportement vertueux sur le plan écologique, lesquelles font des efforts pour proposer les solutions les plus durables possible et lesquelles n'en ont au contraire rien à faire, consommant toujours plus sans se poser de question.
Il est défavorable. Je vous renvoie à l'amendement n° 260 de Mme Belluco, spécifiquement consacré à l'impact environnemental du numérique et de l'industrie du cloud en particulier. Par ailleurs, l'amendement n° 684 , qui vise à prévoir l'information des utilisateurs sur la consommation énergétique et la consommation en eau des services d'informatique en nuage, n'est pas conforme au Data Act en ce qu'il élargit excessivement le périmètre des obligations de transparence. Nous aborderons ces questions ultérieurement, au moment, donc, de l'examen de l'amendement n° 260 .
Il est identique à celui de la rapporteure. Le Gouvernement et les rapporteurs ont travaillé, après le dépôt par Mme Belluco de l'amendement n° 260 , à une nouvelle rédaction, proposée à l'amendement n° 1146 , qui donne à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) de nouveaux pouvoirs de collecte de données auprès des fournisseurs d'hébergement en nuage et me paraît satisfaire très largement l'objectif de l'amendement n° 684 , dont je demande donc le retrait.
Je partage l'avis de la rapporteure et du ministre délégué : l'amendement n° 260 a été retravaillé de façon à répondre à la demande de Mme Amiot. Je propose donc d'adopter l'amendement qui en découle, en précisant que la transmission de ces données aux entreprises qui utilisent des services informatiques est un véritable enjeu, ne serait-ce que pour permettre à ces dernières de remplir leurs propres obligations réglementaires. Lorsqu'une entreprise doit dresser un bilan énergétique et écologique de ses activités, elle a le plus grand mal à obtenir les informations pertinentes auprès des fournisseurs de cloud, lesquels se montrent incapables de les transmettre, volontairement ou non. Certains hyperscalers, notamment, retiennent sciemment ces données car ils savent qu'ils ont une empreinte écologique désastreuse et qu'ils ne font pas les efforts nécessaires pour la réduire.
À ce titre, je salue l'ensemble de la filière de l'infonuagique française, qui fournit des efforts considérables pour réduire l'impact – énergétique et en eau – de ses data centers et alléger son empreinte autant que possible. Le secteur de l'infonuagique ne pourra jamais être totalement vert, mais la filière de cloud française est techniquement très bonne – il faut cesser de la dénigrer – et les data centers implantés sur le territoire national sont les moins consommateurs en énergie et en eau d'Europe.
L'amendement écologiste me semblant être le bon vecteur pour traiter cette question, je vous propose de le préférer au vôtre.
Si j'entends ce qui nous est dit, j'ai le sentiment que les amendements n° 260 et 684 ne traitent pas exactement du même sujet. Il est question ici d'un secteur qui consomme 20 % de l'électricité mondiale et qui émettra bientôt 5 % des gaz à effet de serre de la planète. Ce n'est pas neutre ! À en entendre certains, on a le sentiment que le secteur du numérique n'a pas de réalité concrète. Or il a un impact non négligeable sur le climat : la numérisation à tout-va ne permet pas de lutter contre le réchauffement climatique – je le dis en passant à ceux qui entendent supprimer les services publics de proximité et en finir avec le papier pour passer au tout-numérique, alors même que cette solution est bien souvent moins vertueuse.
Pour en revenir à l'amendement n° 684 , il vise – en ce sens, M. Latombe devrait d'ailleurs le soutenir – à améliorer l'information du consommateur. Si les clouds français sont, comme vous l'indiquez, les plus vertueux, ils bénéficieront de cette transparence accrue. L'amendement est donc utile et n'est pas équivalent aux amendements n° 260 et 1146 , qui ne prévoient pas l'information du consommateur : les différents amendements me semblent complémentaires plutôt que contradictoires. Dans la mesure où l'adoption de l'amendement n° 260 ne satisferait pas l'objectif du n° 684, nous le maintenons et nous vous invitons à le voter – puisqu'il est censé être satisfait de toute façon, autant l'adopter dès maintenant, ce qui ne nous empêchera pas d'en faire de même pour les suivants.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – M. Aurélien Taché applaudit également.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 33
Nombre de suffrages exprimés 33
Majorité absolue 17
Pour l'adoption 10
Contre 23
L'amendement n° 684 n'est pas adopté.
Nous abordons une série d'amendements relatifs à l'empreinte carbone du cloud. Si je suis ravi d'apprendre que certaines avancées pourront être apportées après l'article 10 bis, il me semble que nous pouvons commencer par améliorer ce dernier. Rappelons que le secteur numérique représente 2,5 % de l'empreinte carbone française et que son poids augmente très rapidement : depuis 2010, les émissions de gaz à effet de serre des data centers ont connu une hausse de 40 %.
Par cet amendement, nous proposons d'imposer aux fournisseurs de services informatiques de transmettre autant d'informations que possible et de confier à l'Agence de la transition écologique (Ademe) le soin de fixer un barème cohérent, pour promouvoir des solutions numériques moins polluantes que dans le monde physique – même si le rapporteur général appelle parfois à ce que les deux univers se rejoignent, je suis sûr qu'il s'accordera avec moi sur ce point. Fournissons ces informations à l'Ademe et donnons-lui la possibilité de définir un barème clair, afin de réduire l'empreinte carbone du secteur numérique.
Grâce au travail effectué, depuis le premier examen du texte en commission spéciale, pour inscrire dans le texte l'enjeu de l'impact environnemental de l'industrie du cloud, vous avez déposé un amendement, n° 1146 , auquel j'ai joint un amendement identique, afin que ce débat puisse se tenir en séance publique. Je dois ainsi reconnaître que votre ténacité sur ces questions nous permettra d'engager ce débat lors de l'examen des amendements portant article additionnel après l'article 10 bis . Je suggère donc le retrait de l'amendement, non en raison d'un quelconque désaccord, mais parce que j'estime que votre demande sera satisfaite par l'adoption du n° 1146.
L'amendement n° 813 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
Ils visent eux aussi à réintroduire les garanties de transparence adoptées par le Sénat, que vous avez supprimées en commission spéciale. Ces amendements, dont j'espère que vous les adopterez, concernent notamment la question décisive de la territorialité et les garanties de souveraineté numérique en matière de stockage de données. Je rappelle en effet que le principe de transparence du lieu de traitement des données ne figure pas dans le règlement général sur la protection des données (RGPD), lequel mentionne uniquement les lieux du stockage des données, et non les endroits où elles transitent pour être traitées. Le groupe La France insoumise insiste pour rétablir cette exigence dans le projet de loi.
Pour rendre plus concrets les débats sur l'empreinte environnementale du numérique – dont nous avons déjà discuté en commission des affaires économiques, madame Chikirou –, je rappelle que, d'après l'excellente étude de Green IT, les data centers représentent une part assez faible de l'empreinte du secteur numérique. Lorsqu'on souligne, comme vous l'avez fait, que le numérique représente 20 % de la consommation électrique globale, il convient de rappeler que 80 % de cette consommation est attribuable aux terminaux.
Alors que des solutions existent pour réduire le poids environnemental de ces derniers, je regrette que nous ayons surtaxé les appareils reconditionnés à travers la redevance pour copie privée. Une réflexion étant en cours pour étendre cette taxation aux ordinateurs, j'en profite pour signaler qu'il serait bon de renoncer à ce genre d'initiatives, afin d'encourager les filières à la sobriété et de favoriser le reconditionnement.
Rappelons tout d'abord que la disposition qui figure dans l'amendement n° 678 avait été introduite par le Sénat avant d'être supprimée par la commission spéciale de l'Assemblée. Peut-être devrions-nous parfois nous inspirer de la sagesse des sénateurs et considérer que leurs apports ne sont pas nuls et non avenus.
Par ailleurs, il convient d'évoquer le risque d'un usage extraterritorial du droit, en particulier de la part des États-Unis, spécialistes en la matière. Cet amendement offrirait des garanties, sinon de sécurité, du moins de transparence, ce qui permettrait aux entreprises de protéger leurs propres activités. Car, comme vous le savez, les États-Unis ont une conception très extensive, pour ne pas dire impériale, du champ d'application de leur droit.
Je regrette un peu que les bancs des Républicains soient totalement vides car c'est un sujet sur lequel, habituellement, le président Marleix aime à s'exprimer et sur lequel ce groupe est en pointe.
Vous comprenez bien que l'enjeu est grave et le risque important car les États-Unis s'estiment toujours fondés à attaquer des entreprises ou à mener des procédures judiciaires dès lors qu'ils ont été un tant soit peu atteints, par exemple si des transactions ont été effectuées en dollars ou même, tout simplement, si des données ont transité par leur territoire.
Par conséquent, le fait de fournir ce type d'informations aux entreprises les prémunirait contre une éventuelle action agressive de la part du ministère de la justice américain, comme celle dont a été victime Alstom, entreprise bien connue. Je suis donc très étonné que vous puissiez balayer d'un revers de la main une disposition introduite par le Sénat qui protège nos entreprises.
Ce type de propos me conduit à rappeler qu'il faut distinguer la réalité du fantasme. La réalité, c'est que l'ensemble de la filière cloud, que ce soit en France, en Europe ou dans le reste du monde, nous demande instamment de ne pas faire figurer dans la loi l'obligation d'indiquer la localisation des infrastructures où sont hébergées les données, et ce pour d'évidentes raisons de sécurité.
Or la sécurité physique ou périmétrique est tout aussi importante que la sécurité numérique. Dans le cadre de nos auditions, nous avons demandé à un fournisseur de cloud, situé en Europe et dont l'activité est extraterritoriale, si l'État américain avait déjà sollicité une autorisation d'accès à ses données. Sa réponse a été très claire.
Je peux même vous donner des chiffres si vous me laissez terminer mon propos. L'État américain a formulé vingt-trois demandes auprès de ce fournisseur, lequel a systématiquement répondu qu'il refusait d'accorder un accès à ses données. Eh bien, sachez qu'il a obtenu satisfaction dans vingt et un cas.
J'imagine que, dans les deux autres cas, des questions de sécurité majeures se posaient. Voilà quelle est la réalité du monde du cloud.
Plutôt que d'imaginer, ce serait mieux de savoir ce qu'il en est vraiment !
L'amendement n° 678 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 38
Nombre de suffrages exprimés 37
Majorité absolue 19
Pour l'adoption 13
Contre 24
L'amendement n° 683 n'est pas adopté.
L'amendement n° 679 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 34
Nombre de suffrages exprimés 33
Majorité absolue 17
Pour l'adoption 33
Contre 0
L'article 10 bis, amendé, est adopté.
Sur les amendements n° 1140 et 1146 , je suis saisie par le groupe Horizons et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je vous signale par ailleurs que nous avons examiné seulement vingt amendements en une heure. À ce rythme, près de vingt heures seront nécessaires pour terminer l'examen du projet de loi. Je vous invite donc à accélérer.
Ce n'est pas de notre faute si l'on a prévu à peine deux semaines pour l'examen du texte !
Ce n'est qu'une indication, madame Amiot.
Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 1140 et 1146 , portant article additionnel après l'article 10 bis .
Je vous précise que l'amendement n° 260 , qui faisait l'objet d'une discussion commune avec ces deux amendements, a été retiré avant d'être soumis à notre examen.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 1140 .
Cet amendement, qui porte spécifiquement sur l'impact environnemental, existe grâce au travail accompli par le groupe Écologiste. Je laisse donc à M. Taché le soin de présenter les deux amendements identiques.
La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir l'amendement n° 1146 .
Cet amendement, sur lequel nous avons en effet commencé à travailler ensemble en commission, prévoit une avancée importante en matière de mesure de l'empreinte carbone des clouds, lesquels consomment 9 % d'énergie supplémentaire chaque année.
Certains, parmi les plus gros d'entre eux – je veux parler des Gafam –, s'engagent à atteindre une neutralité carbone d'ici à 2030. Cependant, je fais partie de ceux qui estiment qu'on ne peut s'en remettre à ces entreprises ni leur faire confiance – je suis heureux d'entendre que vous le pensez également.
Par cet amendement, nous proposons que l'Arcep ait accès à davantage de données et que ses compétences soient étendues. Vous avez remarqué, au cours de l'examen de ce texte, que j'étais rarement favorable à l'extension des compétences des autorités administratives indépendantes mais, en l'occurrence, il serait utile que l'Arcep puisse collecter davantage de données auprès des fournisseurs de services en nuage.
Une telle mesure assurerait en outre une plus grande transparence au profit des citoyens car l'Arcep réalise chaque année une enquête, rendue publique, à partir de ces données. Les Français pourraient ainsi savoir quels sont les clouds dont l'empreinte carbone est la moins élevée.
Comme nous l'avons indiqué tout à l'heure, nous sommes favorables à ces deux amendements qui ont fait l'objet d'un travail important et qui permettent de résoudre une grande partie des problèmes soulevés.
Néanmoins, j'aimerais répondre à Mme la rapporteure que je suis totalement en désaccord avec les propos qu'elle a tenus au sujet des amendements précédents.
Ce que vous ont dit les hyperscalers à propos des demandes d'accès de la part de l'État américain est faux. Le Fisa – Foreign Intelligence Service Act – comme le Cloud Act – Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act – et le nouveau décret présidentiel, prévoient des clauses de discrétion.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cela signifie que l'État peut demander aux hyperscalers une autorisation d'accéder à leurs données tout en leur interdisant de transmettre cette information à leurs clients ou de l'indiquer dans leur bilan ou dans tout autre document.
La réponse que vous a donnée l'entreprise auditionnée portait sur les réquisitions formulées dans un cadre non discret. Or des clauses de discrétion sont désormais prévues de façon systématique et le Président américain peut même modifier son décret sans que ces changements soient rendus publics ni publiés. Le nouveau décret présidentiel autorise d'ailleurs le transfert des données personnelles entre l'Union européenne et les États-Unis – vous savez que je suis ces questions attentivement depuis quelques mois.
Vous mesurez bien à quel point vos propos ne reflètent pas la réalité. Nos concitoyens doivent savoir ce qu'il en est. C'est pourquoi ces explications doivent figurer dans le compte rendu de la séance.
Nous voterons évidemment ces amendements relatifs à l'empreinte environnementale des données, même si la pertinence des amendements que nous avons déposés à l'article 10 bis n'est absolument pas remise en cause puisqu'ils visaient à informer les clients. Votre refus d'adopter ces amendements nous semble étrange. En effet, alors même qu'un de nos collègues expliquait que nos entreprises étaient exemplaires en la matière, vous avez décidé de ne pas leur donner la possibilité de jouir de leur avantage compétitif – mais passons.
J'en viens aux arguments que vous avez donnés à propos des amendements précédents. M. Latombe est entré, avec beaucoup de brio, dans les détails techniques mais un problème de principe se pose également. Vous nous dites que vous faites la loi en fonction des fournisseurs de cloud. Or ce n'est pas ce qu'on nous demande. L'Assemblée nationale se prononce en fonction de l'intérêt général, pas de celui des fournisseurs de cloud.
Nous considérons que la transmission d'informations relatives à la territorialité des données est une mesure d'intérêt général et que nous devons permettre aux entreprises qui ont recours aux fournisseurs de cloud de savoir si elles s'exposent, ou non, à une procédure agressive de la part des États-Unis – il y va de l'intérêt de l'ensemble des entreprises.
On peut certes supposer que les fournisseurs de cloud ont intérêt à maintenir une certaine discrétion et à laisser planer un doute s'agissant de leurs infrastructures. Toutefois, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser une grande entreprise, comme Alstom ou d'autres, aux prises avec une procédure lancée par le ministère de la justice américain et de nous retrouver, de ce fait, dans l'obligation de la vendre par petits morceaux.
Je vous rappelle que des banques ont dû payer des amendes de plusieurs milliards dans le cadre de telles procédures. Par conséquent, imaginez-vous que, dans les dossiers de ce type, les procédés décrits à l'instant par M. Latombe ne soient pas utilisés ? Il est évident que les États-Unis mobilisent dans ces cas-là des moyens agressifs, discrétionnaires et discrets, et que personne ne viendra vous expliquer que, curieusement, le fournisseur de cloud a transmis ces données parce que les États-Unis considéraient que c'était légitime.
Décidément, votre réponse n'était pas à la hauteur.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 39
Nombre de suffrages exprimés 39
Majorité absolue 20
Pour l'adoption 39
Contre 0
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l'amendement n° 687 .
Je suis très déçue qu'au moment de l'examen de nos amendements à l'article 10 bis, vous nous ayez renvoyés à ceux que nous venons d'adopter, car nos demandes n'avaient absolument rien à voir.
Je vous donne un exemple très simple. Lorsque vous achetez un réfrigérateur, un autocollant vous indique sa classe énergétique, de A à G. C'est exactement ce type d'informations dont il était question dans nos amendements. Or vous nous renvoyez à une enquête de l'Arcep qui – pour reprendre mon exemple – serait l'équivalent de l'étude annuelle UFC-Que choisir ? portant sur l'ensemble des réfrigérateurs de l'année. Cela n'a donc absolument rien à voir.
Dans ce cas, la prochaine fois nous ne ferons rien !
J'en viens à l'objet de l'amendement n° 687 . Il prévoit que nul ne puisse obliger les opérateurs et les équipementiers de l'informatique en nuage à installer des portes dérobées dans leurs systèmes. Car ces dispositifs apparaissent comme des failles – certes prévues – dans la barricade que constitue leur système de sécurité. Ils permettent de s'affranchir des procédures d'authentification et d'outils tels que la clé de chiffrement. Certes, les portes dérobées offrent un accès particulier mais, de fait, elles affaiblissent la sécurité des données.
L'amendement n° 687 n'est pas adopté.
Je vous informe que, sur cet article, je suis saisie par le groupe Horizons et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements, n° 689 et 614 , pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement n° 689 de M. Andy Kerbrat est défendu.
La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour soutenir l'amendement n° 614 .
Vous nous avez certifié avant-hier que la Cnil et l'Arcep travailleraient de façon coordonnée dans le cadre d'un dispositif dont vous avez vanté la souplesse. Nous estimons pour notre part qu'il est trop minimaliste et sommes surpris que vous n'ayez pas prévu de consulter la Cnil, conjointement à l'Arcep, sur les projets de loi et de décret relatifs aux services d'intermédiation de données. Nous proposons donc, par cet amendement, de combler cette lacune. Rien ne s'oppose à ce que les deux autorités soient consultées.
Nous avons très longuement abordé cette question en commission spéciale. Un équilibre a été trouvé ; la Cnil et l'Arcep travaillent très bien ensemble, même si cette dernière est l'autorité compétente.
L'avis est défavorable sur cet amendement ainsi que sur tous les amendements qui évoquent le même sujet. Je pense aux amendements à l'article 11 et portant article additionnel après l'article 11 mais aussi aux amendements aux articles 12 et 13.
Je remercie la rapporteure pour son argument. Mais il est tout de même problématique que, sur l'amendement n° 687 , on ne nous en est donné aucun : on ne peut pas faire comme si l'existence de portes dérobées ne soulevait pas une véritable question. Cela fait une semaine que Mediapart révèle l'ampleur du problème révélé par les Predator Files.
Nous avons ainsi appris qu'un service de renseignement français négociait – peut-être même est-ce directement l'Élysée – la vente de logiciels espions et que la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) profitait probablement de ce type de marchés pour installer elle-même des portes dérobées. On laisse ainsi une grande partie de la population mondiale se faire espionner, y compris par des régimes despotiques.
Certes, en France, le contrôle des pratiques du renseignement est, j'ose l'espérer, plus strict qu'au Vietnam ou en Arabie Saoudite, mais ce n'est pas une raison pour mettre ce sujet sous le boisseau et vous dispenser de donner un argument justifiant que l'État français puisse avoir table ouverte chez les fournisseurs de services en nuage, auxquels il pourrait demander d'installer des portes dérobées aussi souvent qu'il le juge nécessaire, au cas où il aurait besoin de consulter telle ou telle donnée.
Le recul des libertés publiques en France a été documenté par un intellectuel qui n'est pas a priori un bolchevique, puisqu'il s'agit de François Sureau, lequel était d'ailleurs un proche du Président de la République. C'est la question fondamentale du respect des libertés qui est en jeu ici. Or personne ne répond. La rapporteure, le rapporteur général, le président de la commission et le ministre délégué regardent leurs souliers et se contentent de dire : « Avis défavorable ». Autrement dit, circulez, y'a rien à voir !
Je pense pourtant qu'il y a là une vraie question démocratique, qui méritait au moins une réponse argumentée. Je ne dis pas que notre amendement était parfait, mais il valait la peine en tout cas d'être discuté. Il n'est pas sérieux de traiter ce problème par-dessus la jambe et en toute discrétion.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 32
Nombre de suffrages exprimés 32
Majorité absolue 17
Pour l'adoption 27
Contre 5
L'article 11 est adopté.
Sur les articles 12, 13 et 14, je suis saisie par le groupe Horizons et apparentés d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l'amendement n° 691 portant article additionnel après l'article 11.
J'ai vraiment hâte d'arriver à l'article 15, mais je me dois de soutenir cet amendement, qui a pour objet de renforcer les garanties de protection des données personnelles dans le cadre des nouvelles compétences attribuées à l'Arcep, en instaurant la possibilité pour la Cnil de saisir cette autorité.
Ainsi, nous demandons non seulement que la consultation de la Cnil soit obligatoire, et pas simplement facultative, mais aussi qu'elle puisse saisir l'Arcep en cas de manquements de cette dernière. En effet, les articles 11 à 13 attribuent à l'autorité de régulation des télécoms des pouvoirs tellement larges que la frontière avec ceux de la Cnil en devient floue.
Étant donné l'ampleur des données auxquels elle pourra accéder, il faut renforcer le mécanisme de son contrôle par la Cnil, qui estime elle-même que ces garde-fous sont nécessaires. Vous ne pouvez pas bouleverser le champ d'intervention de l'autorité de régulation des télécoms sans apporter les garanties nécessaires à la protection des données personnelles, donc des citoyens. J'insiste vraiment sur ce point ; je ne vois pas pourquoi vous vous opposeriez à cet amendement, qui reprend une recommandation de la Cnil.
L'amendement n° 691 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements n° 616 de Mme Emeline K /Bidi et 692 de M. Jean-François Coulomme sont défendus.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 30
Nombre de suffrages exprimés 27
Majorité absolue 14
Pour l'adoption 26
Contre 1
L'article 12 est adopté.
L'amendement n° 693 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Rémy Rebeyrotte, pour soutenir l'amendement n° 590 .
En raison des délais imposés par les textes et afin de maintenir une coopération efficace entre l'Arcep et la Cnil, les observations devraient pouvoir être formulées par le président de cette dernière en s'appuyant sur la doctrine élaborée par son collège. Le président pourra toujours consulter le collège sur un dossier soulevant une question nouvelle. Il s'agit à la fois d'être efficace et de respecter les délais.
Je suis ravie de clôturer l'examen du titre III par un avis favorable !
L'amendement n° 590 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 26
Nombre de suffrages exprimés 25
Majorité absolue 13
Pour l'adoption 25
Contre 0
L'article 13, amendé, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 29
Nombre de suffrages exprimés 29
Majorité absolue 15
Pour l'adoption 29
Contre 0
L'article 14 est adopté.
Cet amendement vise à préciser l'objet de la régulation qui sera mise en œuvre et à réécrire en conséquence l'intitulé du titre IV. En effet, en mentionnant dans cet intitulé les objets de jeux numériques monétisables et non les jeux qui les proposent, on laisse entendre qu'il s'agit, non pas de réguler ces derniers, mais bien d'assurer le développement d'un modèle économique.
Or on peut s'interroger sur la présence de telles dispositions dans un projet de loi dont l'objectif est de « sécuriser et réguler l'espace numérique ». La nouvelle rédaction que nous proposons paraît donc plus conforme à l'esprit du texte.
La parole est à M. Denis Masséglia, rapporteur de la commission spéciale pour les titres IV et VII, pour donner l'avis de la commission.
Bonjour à toutes et à tous ! Nous abordons l'examen du titre IV, qui comporte les très beaux articles 15 et 15 bis . Comme je l'ai dit lors de la présentation du projet de loi, de nombreux travaux ont été menés entre l'examen du texte en commission et sa discussion en séance publique. Nous nous efforcerons ainsi de répondre aux attentes exprimées en commission. Je m'y emploie dès maintenant, en donnant un avis favorable.
Je demande une suspension de séance de cinq minutes, madame la présidente.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix heures vingt-cinq, est reprise à dix heures trente.
La parole est à M. Aurélien Saintoul, premier orateur inscrit sur l'article 15.
L'article 15 est l'un des plus importants du texte : c'est le fameux article « Sorare », taillé sur mesure pour cette prétendue licorne française. Cette entreprise n'emploie quasiment pas de salariés au regard du chiffre d'affaires qu'elle brasse et n'a donc guère d'intérêt pour l'économie réelle. Mais il faut absolument la cajoler car l'un de ses grands actionnaires se trouve être Xavier Niel, qui est même à l'origine de son financement, grâce à une levée de fonds de 555 000 euros réalisée dès 2019. On voit bien au service de qui se met le Gouvernement.
Nous connaissons les Uber Files. Sorare s'inscrit dans la même stratégie que Uber. Voilà une entreprise qui déploie ses activités dans un secteur sans respecter le droit,…
…en l'occurrence le droit fiscal, et qui devient si importante que le Gouvernement se met à son service. Il conçoit donc une loi d'exception afin de mettre le droit en conformité avec le fait – en règle générale, on attend des citoyens et des entreprises qu'ils se conforment au droit.
Ainsi, vous inventez, pour Sorare, le statut ad hoc des jeux à objets numériques monétisables (Jonum) alors que cette entreprise devrait être soumise au droit applicable aux jeux d'argent et de hasard. Mais parce que son modèle économique ne résisterait pas si elle était assujettie à la fiscalité des entreprises de jeux d'argent et de hasard, vous décidez de la cajoler.
Je vous le dis : non seulement cela pose un problème de fond, de principe – bref, un problème grave –, mais la situation est grave car, bien que ces jeux provoquent une addiction, aucune des mesures de protection qui sont normalement liées aux jeux d'argent et de hasard ne profitera aux utilisateurs des Jonum.
C'est pourquoi nous entendons mener contre l'article 15 une bataille de fond très importante. Il est en effet essentiel de refuser la création d'un statut spécialement conçu pour Sorare.
Le Rassemblement national reste ouvert aux discussions : ce sont les débats qui détermineront notre position. Lorsque nous avons étudié les Jonum en commission, nous avons bien vu qu'il existait un flou juridique. En effet, ils ne se rapportent pas exactement aux jeux d'argent mais ils pourraient s'en rapprocher, ce qui suscite l'hésitation dans nos rangs.
Comment ferez-vous la différence entre les entreprises de jeux d'argent et les Jonum, qui vont finalement imiter les casinos et se trouver ainsi sur la ligne ? On a bien compris que le Sénat vous avait mis dos au mur en vous forçant à rédiger ce projet de loi très rapidement. Pour notre part, nous craignons qu'il ne laisse des trous dans la raquette.
En tout état de cause, nous ne voterons pas pour les amendements de suppression de l'article 15 car, je l'ai dit, nous nous déterminerons à l'issue de la discussion. Toutefois, nous pouvons dire d'emblée que la durée de trois ans prévue pour l'expérimentation nous semble trop longue : la technologie progresse très vite et les entreprises concernées, en plein essor, risquent de devoir s'adapter rapidement. Nous préférerions donc que l'expérimentation dure dix-huit mois.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
On pourrait presque se demander ce que fait l'article 15 dans ce projet de loi. En effet, celui-ci a pour objet de réguler l'espace numérique. Or cet article pourrait presque être considéré, dans sa rédaction actuelle, comme un article de dérégulation – à l'opposé, donc, de l'ambition globale du texte. Aussi défendrons-nous des amendements qui visent à empêcher les acteurs du secteur des Jonum de bénéficier d'un permis de faire n'importe quoi.
En l'état actuel des choses, cela a été dit, il y a un flou, qui ne contribue pas à la protection des individus ; il faut donc que nous restions extrêmement vigilants. Le secteur des jeux d'argent est, quant à lui, très bien encadré – même s'il pourrait l'être davantage. Nous devons donc nous en inspirer pour ériger les mêmes barrières dans le secteur des Jonum, lesquels présentent des mécanismes similaires à ceux des jeux d'argent.
Des études, notamment australiennes, démontrent même que les Jonum exposent à des risques d'addiction supérieurs à ceux des jeux d'argent. Bref, nous devons nous efforcer de protéger les consommateurs, en particulier les mineurs. En tout cas, l'article 15, en l'état, ne peut pas être adopté car, s'il l'était, il créerait une faille dans les dispositions assurant la protection des individus.
Je dois bien l'avouer : au départ, l'article 15 m'inspirait beaucoup de scepticisme. Mais de quoi parle-t-on exactement ? En se prononçant contre l'article, M. Delaporte vient en fait de présenter, dans une démonstration limpide, tous les arguments qui devraient nous conduire à voter pour. Les Jonum existent bel et bien, tout le monde en convient. Or aucune législation, aucune protection ne s'applique dans ce domaine.
Ce n'est pas vrai. On peut les soumettre au régime fiscal des jeux d'argent !
Non, monsieur Saintoul, il n'y a rien ! Aucune législation ne vient encadrer ces jeux et protéger les consommateurs : c'est un vide juridique. Si nous décidons de ne rien faire, alors nous maintenons le statut actuel et nous renonçons à protéger nos enfants, à légiférer sur les bonnes pratiques, etc.
M. Aurélien Saintoul s'exclame.
L'enjeu, c'est d'abord d'adopter une législation qui protège nos enfants. Au sein du groupe Démocrate, nous nous sommes posé un certain nombre de questions. La présidente de la délégation aux droits des enfants a souhaité que nous améliorions la protection des utilisateurs ; nous défendrons donc des amendements en ce sens.
Par ailleurs, nous devons définir un cadre juridique pour mettre fin au flou actuel. Car, comme le disait un membre de la famille politique de M. Delaporte, quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup !
Sourires.
Pour conclure, je rappelle qu'aucun État n'a encore légiféré en la matière, de sorte que, si nous ne faisons rien, il est certain que nous finirons par être exposés à l'action de plateformes étrangères, qui seront peut-être encore plus puissantes.
Cet article contribue à créer un premier niveau de protection. Il faudra sans doute y revenir ultérieurement pour améliorer l'encadrement, mais il marque une première avancée.
L'article 15 nous pose problème parce que nous considérons que les Jonum présentent des risques d'addiction et sont propices au blanchiment d'argent et à la fraude. Nous saluons bien évidemment votre volonté d'accompagner le développement de ce nouveau secteur, monsieur le ministre, mais nous estimons que le cadre proposé est beaucoup trop souple et trop léger. Plusieurs personnes ont d'ailleurs sonné l'alerte à ce sujet, dont la présidente de l'Autorité nationale des jeux (ANJ), qui a signé une belle tribune dans Le Monde en juillet dernier, nous invitant à nous interroger collectivement sur la place croissante qu'occupent les jeux d'argent.
Nous estimons que la régulation doit être beaucoup plus stricte que celle que vous proposez dans le projet de loi, lequel ne nous semble pas suffisant pour prendre en compte toutes les problématiques de santé publique, surtout en ce qui concerne les enfants. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé plusieurs amendements, dont l'un tend à supprimer l'article 15.
Sur les amendements identiques n° 139 et suivants, je suis saisie par les groupes Renaissance, Écologiste – NUPES et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de trois amendements identiques, n° 139 , 621 et 696 , tendant à supprimer l'article.
La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir l'amendement n° 139 .
Puisque nous entamons la discussion des amendements à l'article 15, qui crée un cadre dérogatoire pour les Jonum, peut-être faut-il rappeler ce qu'ils sont, en partant du plus connu d'entre eux : Sorare – si nous désignons cet article comme l'article « Sorare », c'est bien parce qu'il s'agit du jeu qui fait le plus débat.
Concrètement, il s'agit d'acheter des cartes virtuelles correspondant à des joueurs de football, à des prix qui varient selon la valeur des joueurs mais peuvent être très élevés. La valeur des cartes elle-même évolue en fonction de ce qui se passe dans le monde physique. Vous pouvez, par exemple, acheter une carte de Kylian Mbappé plusieurs dizaines de milliers d'euros, voire plus de 100 000 euros. Mais s'il se casse la cheville lors d'un match le week-end suivant, vous perdez tout. Il ne s'agit donc pas de jeux vidéo tout à fait classiques. Les NFT – jetons non fongibles –, qui sont au cœur des Jonum, sont des objets de spéculation et peuvent coûter très cher.
Ce qu'ajoute le jeu Sorare à ce que je viens de décrire – et ce n'est déjà pas rien ! –, c'est un mécanisme très proche de celui des jeux d'argent. Il permet, en faisant jouer les joueurs de football les uns contre les autres, d'engranger des gains en cryptomonnaie – en bitcoins, par exemple. Les Jonum produisent donc un effet similaire aux jeux d'argent, mais il est difficile d'en estimer l'ampleur compte tenu du phénomène spéculatif lié aux bitcoins. Vous comprendrez donc, chers collègues, que nous ne parlons pas de quelque chose de neutre.
Je vois d'ailleurs les Jonum se développer très rapidement à Cergy, dans ma circonscription, parce que les jeunes des quartiers populaires se trouvent être la cible des sites de paris sportifs et de jeux spéculatifs – et ils ne viennent pas des familles qui possèdent le plus d'argent. Nous devons donc être particulièrement vigilants.
Du reste, les Jonum, je l'ai déjà dit au rapporteur, devraient faire l'objet d'une loi spécifique et être soumis à un régime beaucoup plus strict que le cadre dérogatoire dans lequel on voudrait les inscrire. Ils devraient au minimum relever des mêmes règles que celles applicables aux jeux d'argent, de sorte qu'on puisse empêcher les mineurs d'y jouer et empêcher le blanchiment d'argent – ce type de jeux s'y prête parfaitement – ainsi que toutes les dérives liées à la spéculation.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour soutenir l'amendement n° 621 .
La suppression de l'article 15 se justifie par le manque de contrôles prévus dans le texte. Encore une fois, il y a véritablement un flou juridique : il ne peut s'agir pour les pouvoirs publics de simplement reconnaître l'existence des Jonum, et encore moins d'y voir un secteur d'avenir pour notre pays. Nous ne pouvons pas ouvrir sans cesse de nouveaux secteurs d'activité sans s'interroger sur leur régulation.
La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l'amendement n° 696 .
L'article « Sorare » est le vrai scandale de ce projet de loi ! L'ANJ elle-même est vent debout contre cet article ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
conçu pour une entreprise qui pose problème.
J'ai été approchée – et je ne suis sans doute pas la seule, chers collègues : l'avez-vous été également ? – par le cabinet de conseil Taddeo – qui défend Uber, Amazon et Sorare, donc –, qui avait pour intention de tenter d'influencer mon vote sur cet article. Je trouve cela scandaleux : c'est arrivé cette semaine !
Allons-nous légiférer dans l'intérêt général, c'est-à-dire en suivant les recommandations de l'ANJ, pour laquelle les Jonum correspondent en tout point à des jeux d'argent et de hasard et sont donc problématiques du point de vue de la santé et de la protection des consommateurs ?
De fait, vous contournez les dispositifs légaux existants. Votre seule préoccupation est de sortir les Jonum du régime fiscal des jeux d'argent et de hasard. Ainsi, vous allez offrir à Sorare un taux de TVA de seulement 20 % et un taux d'imposition sur les sociétés de 25 %, alors que toutes les entreprises de jeux d'argent et de hasard sont imposées à hauteur de 40 %, voire de 60 % !
C'est une injustice flagrante.
Vous êtes sous influence. Il n'est pas normal de céder à des lobbies.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il n'est pas normal de légiférer au profit d'une société qui a eu la chance de partir en voyage avec Emmanuel Macron et d'influencer la décision du législateur.
Mêmes mouvements.
Il n'est pas normal d'adopter un article qui n'a rien à faire dans ce projet de loi.
M. Vincent Thiébaut s'exclame.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
…en rappelant ce dont il est question.
Il existe actuellement une entité, le Jonum, qui n'est ni du jeu vidéo ni du jeu d'argent. Nous travaillons à la définition d'un cadre spécifique. En proposant de supprimer l'article, ce que vous dites, c'est tout simplement que vous ne voulez pas qu'on définisse un tel cadre.
En effet, l'article 15 se contente de définir ce qu'est un Jonum. Vous refusez cette définition, ainsi qu'une expérimentation. Concernant cette dernière, il peut y avoir débat, ainsi que des désaccords, mais refuser toute définition, cela me semble quand même poser un problème.
D'autre part, à l'heure actuelle, des enfants de 6 ou 8 ans peuvent jouer aux Jonum. Nous y sommes opposés. Nous souhaitons que ces jeux soient réservés aux majeurs.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe RE.
En supprimant cet article, vous allez ouvrir la porte aux Jonum destinés à des mineurs.
Nous sommes, au sein de la majorité, des députés responsables. Nous souhaitons fixer un cadre qui permette une expérimentation tout en étant le plus protecteur possible.
M. Aurélien Saintoul s'exclame.
J'espère que vous allez changer d'avis, parce qu'en supprimant l'article, vous allez permettre à des enfants de 8, 10 ou 12 ans de jouer aux Jonum. Je ne suis pas d'accord.
D'où vient l'idée de concevoir un cadre de régulation pour ces nouveaux jeux fondés sur la blockchain qu'on appelle les Jonum ? Eh bien, c'est la même idée que celle qui a conduit un certain nombre de parlementaires du Sénat et de l'Assemblée nationale à proposer de réguler les casinos en ligne en les autorisant sous certaines conditions. En effet, les casinos en ligne ne sont pas autorisés dans notre pays mais ils sont accessibles, notamment à nos enfants, par l'intermédiaire de certaines techniques, même lorsqu'ils sont proposés par des opérateurs implantés hors de France.
Pourquoi y a-t-il eu tant d'amendements sur les casinos en ligne jugés irrecevables au Sénat comme à l'Assemblée ? C'est parce que nombre de parlementaires sont très inquiets que le développement non régulé de ces pratiques expose nos enfants aux jeux d'argent et de hasard, suscite des comportements d'addiction et facilite le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Il en est de même pour les Jonum, qui se développent depuis quelques années et qui vont continuer à se développer, que nous le voulions ou non, que nous adoptions cet article ou non. Si nous ne créons pas en France un régime plus protecteur, nos enfants y accéderont.
Ce ne sera pas le cas si les Jonum sont soumis à la réglementation sur les jeux d'argent !
Afin que toutes les protections et les garanties entourant le dispositif soient prêtes le moment venu, le Gouvernement avait proposé, suivant l'avis du Conseil d'État, de légiférer par ordonnance, de manière à prendre le temps des consultations. Le Sénat a souhaité avancer en écrivant dans le dur la première partie du dispositif, c'est-à-dire la définition des Jonum. La commission spéciale – et je salue le travail du rapporteur général et du rapporteur – a adopté un article 15 bis qui introduit toutes les garanties et sécurités nécessaires. Le travail se poursuit et je peux d'ores et déjà vous annoncer que, sur un total de 175 amendements déposés sur le dispositif, le Gouvernement émettra un avis favorable sur 51.
Le dispositif est donc en train d'être conçu chemin faisant par les parlementaires. À mon avis, à l'issue de cet examen en séance publique, il offrira toutes les garanties nécessaires en matière de protection des mineurs, de lutte contre les addictions et de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. C'est pourquoi je vous demande de repousser ces amendements de suppression ; ainsi, les amendements tendant à modifier l'article, sur lesquels, je le répète, le Gouvernement émettra un avis favorable dans la proportion d'un tiers, pourront être examinés.
J'ai reçu de nombreuses demandes de parole. Je prendrai deux interventions pour et deux contre.
La parole est à M. Arthur Delaporte.
Je pense qu'il faut éclairer le public, parce que les Jonum, je ne suis même pas sûr que tout le monde ici sache de quoi il s'agit.
Exclamations sur les bancs du groupe Dem.
On a parlé de Sorare, mais on pourrait tout aussi bien prendre l'exemple du PMU. En l'espèce, il s'agit de chevaux, mais c'est comme si l'on avait des cartes à jouer : on est propriétaire, dans le monde numérique, d'un cheval unique – on ne peut pas le copier –, que l'on fait courir et grâce auquel on peut obtenir des gains. Ce cheval, on l'achète à une valeur fixe – 100 euros – mais s'il réalise de bonnes performances, on peut le revendre beaucoup plus cher. Un mécanisme de spéculation se met ainsi en place autour de la valeur du cheval.
Ce que montrent les études, nombreuses, qui sont en train d'être publiées sur le sujet, c'est qu'on note chez les jeunes des effets d'addiction s'apparentant voire dépassant ceux liés aux jeux d'argent.
L'encadrement de ces jeux doit être impérativement renforcé. Si les amendements de suppression ne sont pas adoptés, il faudra améliorer la protection, car la version du Sénat n'est pas satisfaisante.
Comme le soulignait Mme Chikirou, d'énormes intérêts financiers sont en jeu. En France, le secteur est en plein développement, et les entreprises concernées font remarquer, à juste titre, que s'il n'y a pas de régulation, elles n'obtiendront pas de financements pour développer leur business. Elles ont donc besoin d'une régulation et d'une expérimentation pour exister. Mais le cadre proposé n'est pas suffisant ; il est fortement soumis à des pressions extérieures. Je le répète : si ces amendements de suppression ne sont pas adoptés, il sera nécessaire d'améliorer le texte.
Vous présentez le problème à l'envers, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre. La chronologie n'est pas celle-là.
Il ne s'agit pas de créer un cadre législatif. Il s'agit au contraire de transformer le cadre législatif qui devrait s'appliquer…
…pour l'adapter à Sorare. Voilà ce que vous êtes en train de faire.
En réalité, Sorare relève bien de la compétence de l'Autorité nationale des jeux. Et si cet article arrive maintenant dans ce texte, alors qu'il n'a rien à y faire, c'est parce qu'il y a peu, l'Autorité nationale des jeux a mis en demeure Sorare de lui fournir la preuve qu'elle n'était pas une entreprise de jeux de hasard et d'argent.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Comment peut-elle y parvenir alors qu'il s'agit d'une espèce de Panini 3.0 dans laquelle la valeur des cartes ou des personnages est indexée sur la performance sportive, exactement comme pour un pari sportif ? Vous voyez bien qu'il y a du jeu, de l'argent et du hasard : ne nous dites pas que cela ne relève pas du secteur des jeux de hasard et d'argent, cela n'a pas de sens !
Vous prenez un risque très important, parce que vous créez un cadre spécial qui ne protégera pas les jeunes. Déjà, le régime des jeux de hasard et d'argent ne les protège pas assez – tous les professeurs qui sont dans cet hémicycle savent que les élèves de lycée parient en permanence en ligne. C'est un des graves problèmes de notre époque et de cette génération. Dans les classes, des jeunes, en général issus de catégories populaires, jouent au moins une fois par semaine – je peux vous le dire, je les ai vus faire.
M. Éric Bothorel s'exclame.
Vous allez nourrir le phénomène ; vous allez piquer de l'argent à des familles modestes ; vous allez mettre des gamins dans des situations d'addiction au jeu ; vous allez faciliter l'extension de ce type de jeux, qui sont certes nouveaux dans leur technique, mais qui ne le sont absolument pas dans leur principe. Et tout ça pourquoi ? Pour rendre service à ces amis du macronisme que sont Xavier Niel et les autres. Vous faites un texte sur mesure pour ces spéculateurs de Sorare.
M. Bastien Lachaud applaudit.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix heures cinquante-cinq, est reprise à onze heures.
La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour un rappel au règlement.
Sur quel fondement le formulez-vous, chère collègue ?
Celui de l'article 100 du règlement, pour la bonne tenue de nos débats. Je tiens à souligner deux points, que je souhaite voir figurer au compte rendu.
Premièrement, nous avons tous ici été approchés, cette semaine, par le cabinet de lobbying qui travaille pour Sorare.
Certains, ici présents, ont rencontré des représentants de ce cabinet. Je consulterai la fiche de déclaration correspondante. Pour ma part, j'ai bien évidemment refusé de les rencontrer. Je pense que nous sommes en train de légiférer sous la pression de ce lobby.
Deuxièmement, au cours de la suspension de séance a eu lieu une rencontre entre des membres du groupe Rassemblement national, le Gouvernement et les rapporteurs. Ils ont refusé de parler devant les autres groupes. Je souhaite savoir ce qu'ils ont négocié alors. Y a-t-il eu un accord entre le Rassemblement national, Renaissance et le Gouvernement ? Il faut que les Français sachent comment se fabrique la loi, notamment en ce qui concerne cet article 15, qui pose problème.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous sommes sous la pression d'un lobby. Le Gouvernement s'entend avec le Rassemblement national, en toute discrétion mais au vu et au su de tous les autres groupes. Nous voulons connaître la teneur des négociations.
Mêmes mouvements.
Madame Chikirou, des règles très strictes relatives aux lobbys s'appliquent à l'Assemblée nationale. D'autre part, des discussions peuvent avoir lieu entre le Gouvernement, les rapporteurs et un groupe politique, et cela peut concerner chacun des groupes, en fonction du texte examiné.
Nous avons le droit de dire que nous sommes intéressés par le contenu !
Je le formule sur le même fondement que celui invoqué par Mme Chikirou.
Je trouve insupportable que l'on dise que nous avons tous ici été démarchés par un cabinet de lobbying, en sous-entendant que nous sommes sous son influence.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. le rapporteur général et M. le rapporteur applaudissent aussi.
C'est un mensonge, madame Chikirou ! Vous avez l'habitude de mentir ! Vous le faites sans arrêt !
Il est possible que vous ayez reçu un message électronique, madame Chikirou. Pour ma part, je n'en ai pas reçu.
Vous avez pu y donner suite ou non ; cela regarde chacun d'entre nous. En tout cas, vous ne pouvez pas jeter ainsi le discrédit sur les députés en séance.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
J'interviens à mon tour sur le même fondement.
Chère collègue, vous feignez de découvrir que le lobbying existe. Lorsque nous avons examiné des textes relatifs au bien-être animal, vous n'avez pas dénoncé les pressions que nous avons subies de la part d'ONG ou de personnes organisées en plateformes.
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pourtant, c'est du même ressort. Cessons de dire que l'Assemblée nationale vit en permanence sous la pression des lobbys ! D'ailleurs, les lobbys plaident dans des sens très divers.
Nous, nous défendons l'intérêt général, pas l'intérêt des entreprises !
Nous, nous défendons l'intérêt général, pas l'intérêt des entreprises !
Vous nous reprochez en outre de discuter avec d'autres députés lors d'une suspension de séance. C'est d'une hypocrisie !
Pour la bonne tenue de nos débats, qui portent sur un sujet essentiel et sur lequel il nous faut avancer, cessez de jeter la suspicion sur les parlementaires que nous sommes ! Nous ne vivons pas en permanence sous la pression des lobbys. Qui plus est, la définition des lobbys ne doit pas être à géométrie variable. Tout le monde fait du lobbying ici.
Madame Chikirou, vous ne pouvez pas vous étonner des réactions suscitées par votre rappel à règlement : vous avez visé tous les députés présents dans l'hémicycle. En ce qui me concerne, je n'ai été approchée par aucun lobby.
Chacun ayant pu s'exprimer à ce sujet, je vous invite à revenir au texte.
Nous avons entendu, avant la suspension, deux orateurs favorables aux amendements de suppression. Nous allons à présent entendre deux orateurs qui y sont opposés, Mme Guévenoux, puis M. Sabatou – s'il est toujours contre ces amendements.
La parole est à Mme Marie Guévenoux.
Quelque chose m'a mise mal à l'aise dans la présentation de ces amendements : que l'on puisse jeter ainsi en pâture le nom d'entreprises.
M. le rapporteur général et M. le rapporteur applaudissent. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous en sommes fiers, et je trouve insupportable la méthode qui consiste à désigner à la vindicte populaire, en sollicitant le contenu d'un article, des sociétés qui travaillent, créent de la richesse et des emplois. Cessez s'il vous plaît de jeter le discrédit sur elles.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. le rapporteur général et M. le rapporteur applaudissent aussi. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je reviens au fond de l'article. M. Saintoul a dit qu'il fallait adapter le cadre législatif. Or le cadre législatif actuel ne peut pas s'appliquer aux entreprises actives dans le domaine des Jonum, parce qu'elles sont sur une ligne frontière : elles peuvent être assimilées à des entreprises du secteur des jeux vidéo – dont la définition dans le code général des impôts est très claire ; je vous invite à vous y reporter –, mais elles présentent aussi des caractéristiques, vous avez raison, qui les font tomber dans la catégorie des jeux de hasard.
Bref, il manque une définition législative pour ces entreprises. C'est pourquoi nous proposons de fixer un cadre, travail qui a été fait en commission. Vous dites que cela ne protège pas les mineurs et qu'il y a des efforts à faire en matière de lutte contre le blanchiment, et nous sommes d'accord avec vous sur ces deux points, mais vous ne proposez rien, hormis la suppression du cadre légal.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Pour notre part, nous vous avons proposé ce cadre légal et nous sommes disposés à le renforcer ici, en séance publique. Votre position est incompréhensible. Nous rejetterons ces amendements de suppression.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Veuillez écouter les orateurs des autres groupes, s'il vous plaît !
La parole est à M. Alexandre Sabatou.
Nous parlons ici d'une nouvelle technologie, les Jonum. Or, une fois n'est pas coutume, nous pouvons faire la loi avant que les entreprises de ce secteur se développent. Faisons-le !
Nous y voilà ! En une semaine, ils ont été retournés comme des crêpes !
Nous sommes toujours en retard : chaque fois, nous légiférons sur des technologies vieilles de cinq ou dix ans. En l'espèce, nous avons le temps de le faire, en anticipant. Il faut au contraire donner à ces entreprises une direction de développement, pour protéger les mineurs et éviter le phénomène d'addiction.
Sorare est une entreprise quasi pionnière dans ce domaine, mais les acteurs se multiplient ; vous en avez cité d'autres. Il faut, grâce à la loi, leur donner une direction, afin de protéger nos mineurs. La question est de savoir si la loi est bien écrite, si elle protège effectivement du phénomène d'addiction. Comme vous l'avez expliqué, l'addiction est possible : nous savons à quel point les supporters sont attachés à leur club ; ils risquent de miser plus d'argent qu'ils ne le devraient sur certaines personnalités.
Nous pensons qu'il faut avoir le débat. C'est pourquoi nous nous opposerons aux amendements de suppression.
La parole est à M. Paul Midy, rapporteur général de la commission spéciale.
Pour ma part, j'aime bien savoir ce que les textes de loi que nous examinons vont changer concrètement dans la vie réelle. En l'espèce, ce sera très simple.
Les activités dans le domaine des Jonum existent depuis des années, mais elles ne sont pas réglementées. Ce ne sont ni des jeux vidéo, ni des jeux d'argent et de hasard. Le seul impact qu'aura l'article 15, c'est de les réguler.
Cette régulation vise trois objectifs : la protection des mineurs – ces jeux leur seront interdits ; la protection contre les addictions ; la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Si vous supprimez l'article 15, vous supprimerez ces protections. Ayons bien en tête que l'article 15 apporte une seule chose : une régulation très forte qui protégera nos jeunes et ceux qui sont sensibles à l'addiction.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 68
Nombre de suffrages exprimés 68
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 23
Contre 45
Je le formule sur le fondement de l'article 100 du règlement, pour la bonne tenue de nos débats.
Nous devons tout de même nous entendre sur ce que signifie le terme « lobby ». Au niveau français comme au niveau européen existe une liste des représentants d'intérêts ; le critère est qu'ils représentent des intérêts privés. Or vous confondez l'action d'entreprises qui servent leurs intérêts privés et celle d'ONG qui défendent une vision de l'intérêt général. Eu égard aux débats qui viennent d'avoir lieu et au vote qui vient de se tenir, il est très important de bien se rappeler cette distinction. Il ne faut pas confondre ceux qui militent au nom d'idées et de l'intérêt général et ceux qui, en sous-main, demandent des rendez-vous pour promouvoir les intérêts et les bénéfices des entreprises pour lesquelles ils travaillent.
Les amendements de suppression ayant été rejetés, le cadre dérogatoire et expérimental applicable aux Jonum va demeurer dans la loi. Il convient donc désormais de le renforcer autant que possible.
Vous l'avez dit, madame Guévenoux, les Jonum relèvent pour partie des jeux vidéo, pour partie des jeux d'argent et de hasard. Néanmoins, il s'agit quasiment de casinos en ligne : les actifs peuvent être très chers ; les mécanismes font intervenir le hasard, comme l'a rappelé notre collègue Saintoul ; il y a une espérance de gain, notamment sous forme de cryptomonnaie. Dès lors, pourquoi ne seraient-ils pas soumis à la même législation que les casinos ? Cela permettrait d'imposer aux acteurs concernés une série d'obligations ; ils devraient par exemple vérifier que les joueurs sont majeurs et ne sont pas surendettés ou interdits de jeu. N'adoptons pas une législation low cost pour ces Jonum ; soumettons-les au cadre applicable à tous les jeux d'argent, pour que la législation soit la plus protectrice possible. C'est le minimum que nous puissions faire et c'est ce que nous proposons par cet amendement.
La liste des entreprises avec lesquelles nous avons échangé figure dans le rapport ; la transparence est totale en la matière. Ces entreprises pouvaient d'ailleurs être favorables ou défavorables à l'article 15 ou à l'article 15 bis . Je précise que de nombreux amendements ont été élaborés en fonction de ces échanges.
Établissons une comparaison entre les Jonum et ce qui existe dans le monde réel : les Jonum sont l'équivalent des cartes Pokémon.
Lorsque vous achetez dans un bureau de tabac un paquet de cartes Pokémon – appelé booster –, les cartes peuvent avoir plus ou moins de valeur. Vous pouvez ensuite participer à des tournois, lesquels peuvent donner lieu à des gains. En fin de compte, les Jonum sont la version dématérialisée des cartes Pokémon.
Autrement dit, monsieur Taché, vous plaidez pour que les cartes Pokémon soient assimilées à des jeux d'argent et de hasard.
C'est un mensonge ! Vous êtes en train de mentir, et avec un tel aplomb !
Je ne suis pas d'accord avec vous, monsieur Taché. J'émets donc un avis défavorable.
Je n'ai pas pu m'exprimer lors de l'examen des amendements de suppression. À titre personnel, j'ai voté en leur faveur, car je considère que l'article 15 n'est pas suffisamment bien construit. Il soulève un véritable problème de constitutionnalité, car il crée une rupture d'égalité devant la loi.
Mme Ségolène Amiot, M. Arthur Delaporte et M. Aurélien Taché applaudissent.
Si nous n'avions pas légiféré, le cadre légal aurait été très simple : ils auraient été soumis au contrôle de l'ANJ, ce qui ne posait aucun problème.
Nous allons désormais examiner une série d'amendements qui visent à rendre la législation aussi protectrice que possible. Ceux dont nous discutons tendent à classer les Jonum dans la catégorie des jeux d'argent et de hasard. Le principe, en France, est celui de la prohibition des jeux d'argent. Il s'agit d'instituer une nouvelle dérogation pour les Jonum, sans quoi ils entreront en concurrence avec les casinos.
Monsieur le ministre délégué, vous vous êtes étonné du dépôt d'une série d'amendements relatifs aux casinos en ligne. En réalité, il aurait fallu ouvrir un débat sur l'intégralité des jeux en ligne, et non sur les seuls Jonum ou sur Sorare.
Si vous avez voulu légiférer par ordonnance, c'est parce que le Conseil d'État a estimé que la définition que vous lui aviez soumise n'était pas constitutionnelle, qu'elle présentait un vrai risque de ce point de vue. Vous avez donc prévu une ordonnance, mais le Sénat a répondu qu'il n'était pas question pour lui de vous confier son pouvoir de législateur et vous a donc obligé à proposer une définition. Vous l'avez fait au dernier moment, raison pour laquelle le texte soumis à la commission spéciale de notre assemblée n'était pas abouti. Vous vous êtes dit prêt à accepter 50 des 150 amendements en discussion. En réalité, il serait nécessaire de reporter l'examen de l'article 15…
…afin que nous menions une réflexion, pour le long terme, sur l'intégralité des jeux en ligne. À défaut, il faut absolument adopter ces amendements ; c'est le minimum du minimum.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Soumya Bourouaha et M. Aurélien Taché applaudissent aussi.
Je ne voudrais pas qu'on travestisse les motivations qui nous ont poussés à déposer des amendements de suppression. Nous ne considérons absolument pas qu'il est inutile de réguler et de sécuriser ces pratiques. Au contraire, nous considérons que ce que vous proposez fait tout l'inverse.
M. Arthur Delaporte applaudit.
Vous les régularisez sans aller au bout du sujet, c'est-à-dire sans établir un cadre légal aussi protecteur que celui qui existe pour d'autres jeux déjà cités, comme les paris sportifs, les PMU ou les casinos terrestres.
Ce qui est surprenant, c'est que vous semblez vouloir les mettre sur le même plan, jusqu'à comparer la valeur de Pikachu avec celle de certains joueurs.
Je suis allé voir sur Internet : Cristiano Ronaldo est en ce moment à 7 649 000 euros, si cela intéresse certains d'entre vous. Nous ne discutons pas de cartes Pokémon qui n'ont pas de valeur monétaire ; l'argument que vous venez de nous servir est absurde.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – MM. Arthur Delaporte et Aurélien Taché applaudissent.
Les comparaisons que vous établissez sont d'autant plus surprenantes qu'un certain nombre de jeux, dont les casinos terrestres, contribuent à la richesse locale et à l'économie nationale par leur contribution à l'impôt. Je n'en fais ni la promotion, ni la défense, mais vous créez une concurrence avec des jeux qui sont, eux, très régulés et très encadrés. On voit bien qu'il y aura deux poids, deux mesures. S'agissant de Sorare, je crois que vous avez surtout très envie de faire plaisir à certains de vos petits camarades
M. le rapporteur général et M. le rapporteur protestent
dont vous vantez les performances technologiques et le caractère pionnier. Or je rappelle que ces pionniers ne rapporteront quasiment aucun argent à la puissance publique ni à l'économie nationale et qu'ils coûteront beaucoup, notamment aux plus faibles.
La promotion en direction des mineurs, qui pullule sur les réseaux sociaux ,
Mme Ségolène Amiot applaudit
dit clairement que l'on peut réaliser des opérations financières très rapides et d'un montant extrêmement élevé.
La parole est à M. Pierre Cazeneuve, puisque les deux orateurs précédents étaient pour les amendements en discussion ; j'ai été induite en erreur par M. Latombe.
Sourires.
Puisque M. Latombe était pour, je voudrais faire entendre une parole contre et corriger une inexactitude : il existe des cartes Pokémon qui s'échangent pour plusieurs centaines de milliers d'euros, ainsi qu'en NFT.
Non, ce n'est pas une seule carte ; vous ne connaissez pas le marché des cartes Pokémon. Nous avons pris cet exemple en commission, même s'il ne s'applique pas parfaitement, pour montrer que la frontière est mince entre le jeu et la spéculation sur la rareté. Le marché des cartes Pokémon peut faire sourire, parce qu'on fait inopinément arriver Pikachu dans l'hémicycle ,
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES
Un deuxième argument est celui qu'a avancé M. le rapporteur général : que se passera-t-il si nous n'adoptons pas cette législation ? Vous pensez vraiment que vous allez arrêter les NFT en France en repoussant ce projet de loi ? Évidemment que non.
M. le rapporteur général applaudit.
Fortnite, Mario Kart… Les exemples vont se multiplier. Tous les développeurs de jeux vidéo vont se diriger vers ce modèle mixte entre le physique – le réel – et la valorisation de certains actifs.
Il faut faire comme les Belges : nous devons nous montrer fermes dès le début.
Si nous ne le faisons pas, d'autres le feront. Il serait dommage de passer à côté de cette révolution technologique. Il faut évidemment mettre des barrières pour limiter les problèmes liés aux mineurs et à l'addiction, mais ne disons pas « non » bêtement, car cela se fera quand même, et cela se fera sans nous. Ce serait deux fois bête.
M. le rapporteur général et M. le rapporteur applaudissent.
Si vous me le permettez, madame la présidente, je défendrai ensemble les amendements n° 708 , 705 et 706 . Ces amendements de repli visent tous à réduire la durée de l'expérimentation. Les expérimentations, avec la Macronie, c'est le pied dans la porte : chaque fois que vous en lancez une, c'est pour la déployer ensuite sans même en attendre les résultats. Nous en avons encore voté une en début de semaine.
Les entreprises de Jonum existent déjà. Il est donc très simple d'obtenir les données nécessaires. Nous proposons de réduire au maximum la durée de l'expérimentation – six mois, douze mois, dix-huit mois ou deux ans, à votre convenance – pour reprendre ensuite ce débat sur le fond, au lieu de l'insérer entre le cloud et l'accès des mineurs à la pornographie. Nous devons créer un cadre spécifique pour tous les jeux en ligne, y compris les NFT et les Dropbox. Il faut arrêter de faire croire qu'une carte Pikachu qui, comme n'importe quel objet de la pop culture, peut devenir un objet de collection, est similaire à une carte Sorare, car ce n'est absolument pas le cas : l'une est faite pour la spéculation, pas l'autre. La carte Pokémon est faite pour jouer. Je vous mets au défi de jouer dans votre salon avec votre carte Sorare.
Le seul intérêt d'une carte Sorare réside dans le fait de pouvoir revendre le joueur, et de le revendre cher. L'entreprise fait sa publicité là-dessus. Des familles entières sont mises sur la paille parce que les règles sur les jeux d'argent et de hasard ne s'appliquent pas, alors même que l'ANJ a demandé à l'entreprise de se mettre en conformité avec la loi existante. Cette entreprise ne joue pas le jeu, et vous êtes en train de faire une loi d'exception pour lui permettre de continuer.
Nous pensons, au Rassemblement national, qu'un délai de six mois ou d'un an est beaucoup trop court. Ce sont de vraies entreprises, qui ont besoin de temps pour s'adapter et se mettre en conformité avec la législation, ne serait-ce que pour la comprendre – comme nous l'avons fait remarquer hier, la loi est très bavarde. Un délai de dix-huit mois nous semble adapté, car la technologie évolue très vite. On a découvert, il y a un mois ou deux, qu'une intelligence artificielle était capable d'imiter la voix de quelqu'un ; quelques jours après, on entendait des génériques de Pokémon chantés par Johnny Hallyday.
La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour soutenir l'amendement n° 609 .
Il s'agit aussi, pour le groupe GDR – NUPES, d'un amendement de repli. La durée d'expérimentation de trois ans nous paraît véritablement excessive. Nous proposons de la réduire à deux ans, mais on pourrait tout à fait retenir une durée inférieure. Trois ans, c'est beaucoup, et il risque d'y avoir énormément de dégâts, surtout chez les jeunes.
Par ailleurs, je voudrais exprimer le regret du groupe GDR concernant l'autorisation donnée à ces nouveaux jeux de déroger au régime des jeux d'argent et de hasard. Nous considérons que c'est un jeu d'argent, qui est néfaste pour les utilisateurs et pour les enfants.
L'amendement n° 706 de Mme Sophia Chikirou a été défendu.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements ?
Les sénateurs ont prévu une expérimentation de trente-six mois, soit trois ans. En commission spéciale, nous y avons ajouté un point d'étape à dix-huit mois. Je donnerai plus tard un avis favorable à un amendement ajoutant à ce point d'étape une mesure du niveau d'addiction lié à la pratique des Jonum, car les données que nous citons dans nos échanges concernent les jeux d'argent et de hasard et ne sont pas liées aux entreprises de Jonum. Il nous faut des éléments tangibles.
Une autre raison pour laquelle je ne suis pas favorable à ces amendements est qu'il faut du temps pour que les décrets d'application soient publiés. En outre, nous avons adopté, en commission, des dispositions relatives à la LCB-FT, c'est-à-dire la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, en laissant dix-huit mois aux Jonum pour les appliquer. Vous voulez donc mettre fin à l'expérimentation au moment précis où ces dispositions entreront en vigueur. Donnons-nous le temps de bien faire les choses et suivons entre-temps l'évolution de la situation grâce à des indicateurs qui nous permettront, si nous le souhaitons, de réfléchir à des évolutions dans des propositions de loi.
M. le rapporteur général applaudit.
Personne ne souhaitant argumenter contre les amendements, je donne la parole à deux orateurs qui sont pour.
La parole est à M. Arthur Delaporte.
Je renvoie M. le rapporteur à une étude publiée en 2023 dans la revue Health Addiction par Delfabbro et King, laquelle évoque des mécanismes de play to earn qui s'apparentent à ce que l'on retrouve dans les Jonum que nous sommes en train de réguler.
Ce qui, selon vous, doit être démontré, est déjà démontré par cet article et par des études antérieures. Il y a donc bien des mécanismes d'addiction.
L'un des arguments que l'on nous oppose est que les Jonum ne présentent pas de risque de perte. J'ai été convié à un petit-déjeuner avec des lobbies et des acteurs du jeu –…
…je n'ai pas de problème à le reconnaître ! –, où ceux-ci expliquaient qu'on ne peut pas perdre de l'argent en jouant avec ces cartes : soit on ne gagne rien, soit on gagne 10, 20, 30 euros, ou bien des invitations. Cela n'est pas vrai car, puisque la valeur des cartes peut varier en fonction d'un aléa, il y a un risque de perte sur cette valeur, notamment en raison de mécanismes de spéculation.
J'irai plus loin en disant que, à la différence de Pikachu, dont la carte peut être échangée sur un marché secondaire, ces cartes uniques doivent être échangées sur un marché tenu notamment par Sorare et sur lequel Sorare prélève un pourcentage de 2 ou 3 %. Cela veut dire que si l'on revend une carte à 600 000 euros – et cela arrive –, Sorare engrange 20 000 euros. C'est la réalité de ce qui se passe aujourd'hui.
Merci de me donner la parole pour défendre ces amendements. Dans son communiqué de presse, la Fédération addiction dit très exactement qu'« [A]u-delà des opérateurs actuels […], n'importe quel acteur pourra s'engouffrer dans ce système dérogatoire et contourner la réglementation en proposant des cryptomonnaies plutôt que des gars en euros : l'Autorité nationale des jeux ne serait plus en mesure de contrôler les pratiques des opérateurs. La Fédération addiction appelle à ne pas ouvrir cette nouvelle boîte de Pandore. » Il y a une addiction phénoménale, on le sait ; c'est fait pour, c'est pour cela que l'on utilise des joueurs de foot.
Vous dites qu'on ne perd pas d'argent car on a toujours la propriété du NFT. Si vous voulez établir une comparaison avec le monde réel, il faut prendre l'exemple des bons au porteur du Trésor russe avant la première guerre mondiale ,
Mme Ségolène Amiot applaudit
qui ont fini sur les murs d'un certain nombre de familles françaises parce que leur valeur était tombée à zéro. Vous aviez le papier, vous n'aviez pas perdu ; il n'avait simplement plus de valeur. Puisque M. le rapporteur général adore les comparaisons avec le monde réel, faisons la comparaison avec les emprunts russes. Elle est plus explicite et elle fera parler dans les chaumières.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – MM. Arthur Delaporte et Aurélien Taché applaudissent également.
Concernant l'addiction, il faut absolument que nous ayons des points d'étape plus rapprochés. Une expérimentation de trois ans, ce n'est pas possible. L'addiction à ces jeux est telle qu'il y a un vrai risque de santé publique…
…chez les jeunes majeurs, puisque nous allons en exclure les mineurs – et encore, nous ne sommes pas sûrs d'y parvenir, puisque l'on n'appliquera pas les règles de vérification d'âge comme on le fait pour la pornographie –, avec des risques sociaux très importants ,
M. Arthur Delaporte applaudit
comme celui de ne plus aller travailler, ainsi que des risques financiers. Il faut absolument que l'expérimentation soit beaucoup plus courte ; c'est le minimum pour un article que nous aurions dû supprimer. Sinon, le Conseil constitutionnel va commencer à trouver que cela fait beaucoup.
La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l'amendement n° 709 , sur lequel je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Cet amendement vise à conditionner l'autorisation des jeux à objets numériques monétisables à un agrément de l'Autorité nationale des jeux, comme c'est le cas pour les opérateurs de jeux ou de paris sportifs.
Par ailleurs, je tiens à revenir sur la question de l'expérimentation, car nous vous connaissons ! Vous prétendez qu'elle durera trois ans, mais nous savons très bien qu'avant que ce délai ne soit atteint vous aurez définitivement inscrit dans la loi le statut spécial que vous avez concocté pour, avec et au service de Sorare. Nous n'avons pas confiance.
Je reprendrai aussi les arguments de notre collègue Latombe s'agissant des enjeux de santé publique. Votre hypocrisie est telle en ce domaine que je comprends le silence du ministre délégué depuis le début de l'examen de cet article 15.
M. le ministre délégué proteste.
Vous commettez une telle faute morale que vous discréditez l'intégralité de votre projet de loi. Vous prétendez réguler les plateformes proposant des contenus à caractère pornographique ou encore prévenir le harcèlement numérique sous toutes ses formes, mais en ce qui concerne les Jonum, vous allez ouvrir la porte en grand au pire.
L'ANJ ne cesse pourtant de nous alerter, tout comme la Fédération addiction. Tout le monde a parfaitement conscience du fait que vous êtes en train de mettre volontairement en danger certains publics parmi les plus fragiles, les plus concernés par les jeux d'argent : je pense aux classes populaires, mais surtout aux jeunes. Ils ne fréquentent pas les casinos ni même peut-être les PMU, mais ils vont se retrouver directement ciblés par des gens et une industrie sans scrupule. Je vous invite d'ailleurs à regarder le documentaire diffusé sur Arte…
…et décrivant ce secteur qui diffuse des publicités manipulatrices et qui profite des gens en les rendant dépendants au jeu et en détruisant leur vie. Voilà ce que vous êtes en train de faire : tout le reste, c'est du blabla !
Nos collègues ont indiqué que les Jonum ont un potentiel addictif absolument phénoménal, celui-ci étant même décuplé en comparaison avec celui des jeux d'argent traditionnels.
Pour ma part, j'évoquerai un autre élément. Comment, en tant que société, avons-nous fait face à l'addiction aux jeux d'argent ? Nous avons surtaxé les entreprises qui en vivent et, en partie grâce à ces recettes, nous avons financé des programmes de lutte contre les addictions. Les répercussions de ces dernières sont en effet multiples et nécessitent un accompagnement aussi bien psychologique que social car, quand on perd de l'argent, on peut ne plus être en mesure de subvenir aux besoins de son foyer.
Je le répète, en tant que société, nous avons décidé de fiscaliser très largement les jeux de hasard et d'argent, notamment parce que nous ne souhaitons pas voir ce modèle se développer de façon exponentielle. Or, alors que le potentiel addictif des Jonum est encore plus élevé, les entreprises de ce secteur ne seront pas autant mises à contribution que celles de l'industrie des jeux d'argent et de hasard.
Pourtant, au même moment, des services de pédopsychiatrie se ferment partout en France. Sur l'ensemble du territoire, ferment des hôpitaux de jour qui accueillent des patients qui ont besoin d'être accompagnés pour soigner une addiction. Il est impossible d'accéder à un psychiatre avant des mois.
Nous disposons de moins en moins d'assistants sociaux. Plus généralement, nous détricotons l'ensemble du système public d'accompagnement des gens mais, dans le même temps, nous permettons aux Jonum de ne pas contribuer à l'effort.
Vous m'excuserez, mais ce que vous faites est profondément hypocrite et montre bien votre vrai visage !
Qu'il s'agisse de l'addiction, de la protection des mineurs ou, plus généralement, des risques liés aux Jonum, je comprends et partage entièrement vos arguments. Mais je suis pragmatique. Quelle est la situation ? Il n'existe, dans ce domaine, absolument aucun cadre légal.
Non, il n'y a pas de cadre légal relatif aux Jonum, qui sont considérés comme un secteur hybride.
Dans ces conditions, légiférer me semble être plutôt une bonne idée. Une première version de l'article 15 a été adoptée à l'issue de nos travaux en commission spéciale – version que nous étions nombreux à vouloir amender et retravailler. Le ministre délégué l'a dit tout à l'heure, 150 amendements relatifs aux Jonum ont été déposés en séance, ce qui est beaucoup pour un petit dispositif et ce qui montre que nous avons bossé. Parmi ces amendements, M. Barrot a indiqué qu'il donnerait un avis favorable à cinquante et un d'entre eux :…
…cela prouve que nous avançons, y compris sur les problématiques d'addiction et de santé publique. Je vous assure que ces sujets nous préoccupent, d'autant plus que, personnellement, je n'aime pas les jeux d'argent.
Moi aussi je me fous parfois de ce que vous dites, madame Chikirou, mais j'essaie de rester poli !
Je disais que nous avancions et que nous allions établir un premier cadre, qui sera plus protecteur que le néant.
La réglementation des jeux d'argent et de hasard, ce n'est pas le néant !
Je m'étonne d'ailleurs de votre position très libérale, pour ne pas dire libertarienne, sur ce sujet, madame Chikirou, ainsi que vos collègues insoumis.
Si vous ne voulez pas légiférer, cela signifie que vous souhaitez laisser la grande main invisible du marché numérique diriger nos vies.
On ne veut pas légiférer ? Mais c'est de mon amendement qu'on est en train de débattre !
J'insiste, je trouve cela étonnant alors que l'idéologie que vous défendez est généralement celle du contrôle.
M. le rapporteur général applaudit.
« Ah ! » sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je souhaite simplement vous rassurer et vous appeler à repousser cet amendement, à moins que son auteure accepte de le retirer. Il est vrai que le régime de la déclaration préalable, que nous avons préféré à celui de l'agrément, est un processus un petit peu moins lourd, mais c'est celui que nous avions choisi il y a cinq ans au moment de réguler le marché des cryptoactifs, et cela avait plutôt bien fonctionné. Surtout, je rappelle qu'aux termes de l'alinéa 56 de l'article 15 bis, l'ANJ peut à tout moment – j'insiste sur ce point – décider de fermer un jeu qui contreviendrait aux obligations déjà prévues dans le texte et à celles qui y seront ajoutées aujourd'hui par voie d'amendement.
Je le répète, certes, nous avons opté pour une déclaration préalable, mais l'ANJ peut à tout moment fermer un jeu. L'amendement me paraît donc satisfait.
Sourires.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 49
Nombre de suffrages exprimés 49
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 19
Contre 30
L'amendement n° 709 n'est pas adopté.
L'amendement n° 142 de M. Christophe Blanchet est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Cet amendement de notre collègue Blanchet, qui vise à ce que les Jonum soient réservés aux adultes, mérite que nous nous y attardions un peu plutôt que de nous contenter d'un simple avis « défavorable ».
Pouvons-nous avoir l'assurance que les amendements devant être adoptés ultérieurement interdiront bien l'accès à ces jeux aux mineurs, et ce avec un contrôle complet de l'âge des joueurs et non une simple case à cocher ?
En effet, en tant que parlementaire – même de la majorité –, je ne trouve pas convenable de ne pas avoir obtenu d'explications sur cet amendement. Entendre seulement qu'il s'agit d'un avis « défavorable », alors que nous sommes au cœur du sujet…
Il faut expliquer les choses pour que nous ayons de la perspective et que nous sachions ce qui sera accepté. Il nous a été dit au début de l'examen de l'article 15 qu'un tiers des 150 amendements relatifs aux Jonum seraient approuvés, mais il eût fallu commencer par nous dire lesquels : cela nous aurait permis de gagner du temps et de savoir ce qui est jugé acceptable par le Gouvernement.
M. Blanchet étant absent, monsieur Latombe, Mme Folest, cosignataire de l'amendement, l'a simplement déclaré défendu. Cela explique, me semble-t-il, les avis défavorables sans plus d'explications de la part de la commission spéciale et du Gouvernement.
La parole est à Mme Ségolène Amiot.
Je tiens à mettre en lumière l'hypocrisie de ce texte. Nous avons passé des heures et des heures à décider de la manière de vérifier l'âge des utilisateurs des sites pornographiques, parce qu'il était primordial de garantir que les mineurs ne puissent y accéder, mais alors que nous abordons un domaine soumis à la même obligation légale, la loi disposant que seules les personnes majeures peuvent jouer à des jeux d'argent, on nous dit qu'on se fout d'établir pareille garantie.
Avoir accès à des images à caractère sexuel est donc manifestement bien plus grave que de perdre l'argent de ses parents ou de développer une addiction avant même d'être devenu majeur. Rappelons à cet égard qu'une addition, quelle qu'elle soit, ne dure pas qu'une journée et, quand on en développe une, on doit la combattre jusqu'à la fin de ses jours. Vous m'excuserez donc, mais j'estime que votre souci de la protection des mineurs est quelque peu à géométrie variable !
Tout d'abord, je rappelle que l'accès aux Jonum est interdit aux mineurs. Ensuite, je répète que nous allons accepter de nombreux amendements sur cette question.
J'entends que vous souhaitiez savoir lesquels, aussi sachez que ce sera le cas de l'amendement n° 1010 du groupe Socialistes et apparentés, qui vise justement à rappeler que l'accès aux Jonum est réservé aux personnes majeures. Les choses sont donc très claires et nous continuerons de tout faire pour que les mineurs ne puissent y accéder. Cela étant, n'oublions pas que si nous supprimons des dispositions du texte, ils le pourront.
Si on applique la réglementation sur les jeux d'argent et de hasard, les mineurs n'y auront plus accès !
Si vous souhaitez des explications, monsieur Latombe, nous pouvons vous les donner. Nous demandons le retrait du présent amendement au profit des amendements n° 1010 de M. Delaporte et 144 de M. Blanchet, qui portent sur l'article 15, ainsi que des amendements identiques n° 849 , 966 et 1053 de Mme Guévenoux, de Mme Carel et de M. le rapporteur, et des amendements identiques n° 847 , 909 , 920 et 1051 de Mme Guévenoux, de Mme Goulet, de Mme Carel et de M. le rapporteur qui, eux, portent sur l'article 15 bis .
M. le rapporteur général et Mme Agnès Carel applaudissent.
Voilà les amendements qui ont notre préférence afin de s'assurer que les mineurs n'auront pas accès aux Jonum.
L'amendement n° 142 n'est pas adopté.
La parole est à M. Victor Habert-Dassault, pour soutenir l'amendement n° 1045 .
Il vise également à répondre aux inquiétudes légitimes des parlementaires que nous sommes s'agissant des phénomènes addictifs pour les mineurs, et à mettre en cohérence le début de l'expérimentation avec l'instauration effective de la vérification de l'âge des joueurs. Nous souhaitons éviter tout écart de temps qui leur serait néfaste.
Je demande le retrait de l'amendement, pour les mêmes raisons que précédemment.
Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement au profit de ceux que je viens d'énumérer, monsieur le député.
L'amendement n° 1045 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l'amendement n° 710 .
Il vise à exclure les casinos et les jeux d'argent en ligne du cadre de l'expérimentation des Jonum afin d'éviter un effet d'aubaine leur permettant de se soustraire à leurs obligations actuelles. Nous avons le sentiment que cette loi est faite de manière – si vous me permettez l'expression – quasi expérimentale. Nous n'avons pu prendre la mesure de toutes les conséquences de certaines dispositions qu'elle contient, mais vous passez outre toutes les mises en garde qui vous sont adressées, y compris celles de l'étude d'impact. Par cet amendement, nous vous mettons en garde sur le risque d'allégement des obligations des entreprises de casinos et jeux d'argent en ligne.
Un sociologue, Thomas Amadieu, rappelle, dans une tribune du Monde – c'est un sujet qui fait beaucoup réagir : « En dix ans, le nombre de joueurs dépendants a plus que doublé, passant de 600 000 à 1,4 million. Encore plus inquiétant, les jeunes sont désormais davantage touchés, y compris les mineurs – dont 40 % […] ont déjà misé de l'argent malgré l'interdiction. » Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé que ces jeux sont interdits aux mineurs, mais nous constatons que cette interdiction n'est pas respectée.
Les jeux et les paris en ligne font des ravages alors que ce secteur affiche des records de chiffres d'affaires, avec un doublement en deux ans. Ces entreprises, comme Sorare, qui brassent beaucoup d'argent – on parle de centaines de millions d'euros –, créent très peu d'emplois. Vous favorisez donc la spéculation, que mon collègue Aurélien Saintoul a dénoncée tout à l'heure. Je rejoins Philippe Latombe : nous sommes choqués par ce que vous êtes en train de faire et nous continuerons à essayer, par tous les arguments possibles, de vous empêcher d'aller jusqu'au bout de cette folie.
Je vous enjoins à adopter cet amendement pour, au moins, limiter la casse.
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l'amendement n° 138 , par le groupe Écologiste – NUPES ; sur l'amendement n° 989 , par les groupes Renaissance et Écologiste – NUPES ; sur l'amendement n° 638 par le groupe Renaissance.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
Nous ne faisons pas une loi pour réguler l'activité d'une seule entreprise, mais pour l'ensemble du secteur des Jonum, qui représente aujourd'hui plus de 2 000 projets. Vous souhaitez faire une distinction nette entre les casinos en ligne et les Jonum. Je vous rejoins sur ce point mais je vous invite à retirer votre amendement au profit des amendements identiques, n° 831 de Mme Estelle Folest, et 912 de M. Éric Woerth, déposés à l'article 15 bis, qui répondent à votre préoccupation.
Même avis. Je précise que les amendements cités par M. le rapporteur proposent d'exclure explicitement les casinos en ligne.
Madame la députée, vous avez parlé des emplois. Je rappelle que le PMU, qui est concerné au premier chef par cet article, compte 1 000 collaborateurs et génère 60 000 emplois indirects. Il est présent dans 14 000 points de vente et je suis certain que chacune des circonscriptions des députés ici présents en compte au moins un. Vous ne pouvez pas réduire le débat à une entreprise jeune et innovante comme Sorare. Il doit être élargi puisqu'il concerne d'abord le PMU.
L'amendement n° 710 n'est pas adopté.
Vous ne pouvez pas nous reprocher de ne pas vouloir légiférer : nous avons soumis une série d'amendements proposant d'instaurer une régulation plus forte de l'accès des mineurs aux Jonum en soumettant ceux-ci à la législation en vigueur sur les casinos et autres jeux d'argent du type PMU. Cette législation prévoit en effet des contrôles très stricts de l'identité et permet donc de protéger les mineurs ainsi que les majeurs souffrant d'une addiction. Le Gouvernement a affiché sa volonté d'avancer sur la protection des mineurs, alors pourquoi ne pas avoir soutenu ces amendements ?
Ceux-ci n'ayant pas été adoptés, nous soumettons celui-ci, qui est très simple, puisqu'il propose d'ajouter le mot « majeurs » après le mot « joueurs » à l'alinéa 2 et d'imposer aux entreprises concernées une obligation de moyens pour vérifier l'âge des joueurs.
Puisque nous partageons le même objectif de protection des mineurs, j'espère, monsieur le ministre délégué, que vous donnerez un avis favorable à cet amendement.
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir l'amendement n° 1010 .
Monsieur le rapporteur, vous pourrez faire l'économie d'un avis, puisque vous avez déjà donné un avis favorable à cet amendement.
Je note que les mineurs ne sont mentionnés qu'une seule fois dans le texte de l'article 15, dans son alinéa 4 qui précise que les entreprises de Jonum doivent s'assurer de la protection des mineurs. Pourquoi ne pas mentionner que ces jeux leur sont interdits ? Il me semble nécessaire de le graver dans le marbre et pas simplement de le déclarer au cours de nos débats. Le risque d'addiction est en effet colossal et certains experts soulignent que, pour les mineurs, les Jonum représentent un véritable danger de prédation.
Nous proposons donc par cet amendement de préciser dès le premier alinéa que les expérimentations ne sont autorisées que pour les joueurs majeurs. Cela ne règle pas le problème de manière définitive, puisque la vérification de l'âge dans le cadre de ces expérimentations se fait en cochant une case, mais cette précision clarifie les choses, et un avis favorable du Gouvernement expliciterait sa volonté de protéger les mineurs.
Je suis très heureuse que notre collègue Taché n'ait pas retiré son amendement, car il est plus protecteur que l'amendement n° 1010 . Monsieur le rapporteur, vous semblez vous contenter d'une protection minimale alors que nous souhaitons mettre en place une protection renforcée, notamment par un système de vérification d'âge similaire à celui qui a été voté dans le titre Ier . Pourquoi n'êtes-vous pas plus ferme ? Nous ne voulons pas d'une loi light, que des mineurs pourraient facilement contourner, s'exposant ainsi au risque de devenir addicts avant même leur majorité.
Je rejoins mon collègue Saulignac pour regretter que l'article 15 ne mentionne pas de façon explicite que les Jonum sont interdits aux mineurs. Cette interdiction doit être effective, notamment grâce à un système de vérification de l'âge. Je rappelle que la Fédération addiction compare la capacité addictive de ces jeux à celle de la cigarette ou de la pornographie. Nous devons intégrer ce fait à notre réflexion. Il ne suffit donc pas de dire que ces jeux sont réservés aux majeurs : il faut explicitement dire qu'ils sont interdits aux mineurs. Vous n'aimez pas la loi bavarde, mais notre expression doit être forte, car leurs effets délétères sont très importants.
Par ailleurs, mon collègue Habert-Dassault a raison : des mesures effectives de contrôle sont nécessaires, car si les mineurs peuvent facilement franchir les barrières de déclaration d'âge, nous verrons rapidement arriver devant les tribunaux, à la même vitesse que ce que l'on constate pour la pornographie, des requêtes de mesures de contrainte.
Je le répète : l'addiction liée à ces jeux, qui est déjà bien documentée, est phénoménale. La Fédération addiction et 80 % des centres d'addictologie en France nous le rappellent. Prenez-le en compte, s'il vous plaît.
Lors des travaux en commission, le groupe Renaissance a fortement œuvré pour une meilleure protection des mineurs : nous avons soutenu la nouvelle rédaction de l'article 15 adoptée en commission et nous nous sommes prononcés pour un renforcement de ce dispositif lors des débats en séance publique. À ce titre, nous avons déposé l'amendement n° 849 , visant à imposer l'obligation de la vérification de la majorité préalablement à la connexion au site, et l'amendement n° 847 , visant à imposer l'obligation de la vérification de l'identité lors du retrait du gain. Ce système à double vérification serait très protecteur pour les mineurs.
Je souhaite demander une suspension de séance, bien que je ne possède pas de délégation pour le faire, pour que nous puissions nous informer de la situation à Arras avant, le cas échéant, de réagir collectivement.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à douze heures dix.
La séance est reprise.
Nous venons de prendre connaissance d'événements terribles qui se sont déroulés dans un établissement scolaire de la ville d'Arras. Nous attendons de savoir ce qui s'est passé exactement, mais l'Assemblée nationale formule d'ores et déjà sa solidarité à l'égard des victimes, de leurs proches et de la communauté éducative, puisqu'un enseignant a été tué et plusieurs personnes blessées. Nous réagirons comme il se doit dès que nous aurons confirmation de ce qui s'est produit.
Eu égard aux circonstances et après avoir consulté les représentants des groupes et M. le ministre délégué pendant la suspension de séance, je lèverai la séance après la prise de parole de M. le ministre délégué.
La parole est à M. le ministre délégué.
Le Gouvernement s'associe à l'élan de solidarité que vous venez d'exprimer et partage le deuil des familles, de la communauté éducative et de la communauté nationale. Même si nous attendons que l'enquête nous en dise plus, nous saluons l'héroïsme de celles et ceux qui se seraient interposés pour tenter d'éviter le drame qui s'est produit il y a quelques heures à Arras.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique.
La séance est levée.
La séance est levée à douze heures quinze.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra