La commission des affaires économiques a poursuivi l'examen du projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture (n° 2436) (M. Éric Girardin, rapporteur général, Mme Nicole Le Peih et MM. Pascal Lavergne et Pascal Lecamp, rapporteurs).
Lors de la réunion précédente, M. Potier a sollicité, en vue de la séance publique, une évaluation préalable de l'amendement CE3395 du rapporteur général à l'article 12 relatif aux groupements fonciers agricoles d'épargne (GFAE), sur le fondement de l'article 98-1 du règlement de l'Assemblée nationale. Or, ce dernier indique qu'une telle évaluation ne peut intervenir que dans deux cas : à la demande du président ou du rapporteur de la commission saisie au fond, s'agissant d'un amendement de la commission, ou à la demande de l'auteur de l'amendement et avec l'accord du président de la commission saisie au fond, s'agissant d'un amendement déposé par un député. Il ne vous appartient donc pas de faire cette demande, Monsieur Potier. Le rapporteur général et le ministre pourront apporter les explications attendues sur la réécriture proposée.
Je tiens à vous remercier pour l'excellente façon dont vous conduisez les débats, Monsieur le président. Sans doute me suis-je mal exprimé : je sollicitais de votre part – ou de celle de monsieur le rapporteur – l'exercice de cette prérogative, car il est indispensable d'éclairer la commission sur le sujet majeur que constituent les GFAE et les groupements fonciers agricoles d'investissement (GFAI). C'est une demande solennelle, il y va de la qualité de nos débats.
TITRE III – FAVORISER L'INSTALLATION DES AGRICULTEURS AINSI QUE LA TRANSMISSION DES EXPLOITATIONS ET AMÉLIORER LES CONDITIONS D'EXERCICE DE LA PROFESSION D'AGRICULTEUR
Chapitre Ier – Orientations programmatiques en matière d'installation des agriculteurs et de transmission des exploitations
Article 9 (suite) : Mise en place d'un diagnostic modulaire des exploitations
Amendements identiques CE1893 de M. Charles de Courson et CE3118 de Mme Louise Morel, et sous-amendement CE3534 de M. Pascal Lecamp ; amendement CE2293 de Mme Mélanie Thomin (discussion commune)
Dès 2025, en lien avec le déploiement de France Services agriculture, le diagnostic modulaire sera inséré dans le dispositif, afin que la situation de l'exploitation à transmettre soit analysée dans sa globalité. L'objectif est, à terme, que tout projet d'installation ou de transmission en bénéficie. La réalisation d'un diagnostic par le cédant ne pourra qu'aider le repreneur dans la conception de son projet de reprise.
Nous souhaitons préciser que les structures de conseil et d'accompagnement devront sensibiliser les porteurs de projet à la nécessité de réaliser un module d'évaluation prévu à l'article 9. Ces structures seront agréées par l'autorité administrative compétente sous réserve de satisfaire aux conditions prévues par un cahier des charges, qu'elles s'engageront à respecter.
Nous souhaitons également que les structures de conseil et d'accompagnement fassent la promotion, auprès des porteurs de projet, d'un des modules d'évaluation mentionnés à l'article 9.
Je suis favorable à ces amendements sous réserve qu'ils renvoient plutôt à l'article 8, qui traite de France Services agriculture. C'est l'objet de mon sous-amendement.
La commission adopte successivement le sous-amendement et les amendements sous-amendés.
En conséquence, l'amendement CE2293 tombe.
Amendement CE3480 de M. David Taupiac
Les diagnostics prévus à l'article 9 devront servir de base à des scénarios de développement et d'installation, au regard de la situation du marché ainsi que de la structuration et de l'évolution des filières.
Les structures de conseil et d'accompagnement prendront évidemment en considération les diagnostics. Leurs cahiers des charges pourront le préciser, mais il est superflu de l'inscrire dans cet article. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE2098 de Mme Aurélie Trouvé
Une séparation claire devra être prévue entre les entités qui réaliseront les diagnostics et celles qui mettront en œuvre les recommandations qui en sont issues. Nous attendons des réponses sur ce sujet en séance, mais il est important de le préciser dès à présent dans le projet de loi.
Cette disposition ne me semble pas s'imposer : le risque de conflit d'intérêts n'est pas flagrant, et les structures d'accompagnement et de conseil n'abondent pas.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE3316 de Mme Brigitte Klinkert
J'en demande le retrait, car il est satisfait par l'amendement CE3402 du rapporteur général que nous avons adopté à l'article 8.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CE2021 de M. Loïc Prud'homme
Nous souhaitons revenir sur l'exemption d'obligation de conseil stratégique dont bénéficient les exploitations certifiées « Haute valeur environnementale » (HVE) au même titre que les exploitations en agriculture biologique. En effet, la certification HVE ne contient aucune mesure ambitieuse relative aux pesticides.
Nous ne souhaitons pas opposer les exploitations HVE et la filière biologique : tous les modèles vertueux d'agriculture doivent être favorisés. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Nous avons un point de désaccord sur l'article 9, dont nous pensions qu'il contribuerait à une simplification, conformément à la demande de Jeunes Agriculteurs. Ces derniers sont sensibles à l'utilité de mener un diagnostic avant la reprise d'une exploitation, cette évaluation économique devant anticiper les contraintes liées au changement climatique. Nous avions une « ligne rouge » : l'alinéa 4, relatif à l'évaluation de la qualité et de la santé des sols. Nous voterons contre l'article 9, mais nous déposerons des amendements en séance pour réintroduire une évaluation économique des exploitations qui intègre les effets du changement climatique.
Bien que certains points restent en débat, comme le diagnostic des sols prévu à l'alinéa 4, les dispositions de l'article 9 aideront les jeunes agriculteurs à affronter les effets du dérèglement climatique et certains aléas économiques. Le diagnostic modulaire a son utilité et répond à leurs besoins. Nous devons aussi veiller à satisfaire leur demande de simplification. Reconnaissez enfin que nous avons avancé en ce qui concerne la modulation des aides.
Nous regrettons que l'article 9 ait été partiellement vidé de sa substance et que certaines de nos questions restent sans réponse : le diagnostic sera-t-il payant ? Devra-t-il être organisé par les agriculteurs ? De notre point de vue, l'État doit en assumer la charge : nous ne voulons pas d'une machine vide qui constitue un coût supplémentaire pour les agriculteurs. Nous nous abstiendrons en commission et, en l'absence de réponses claires d'ici là, nous voterons contre l'article 9 en séance.
L'accélération du changement climatique rend toujours plus difficile d'assurer la viabilité des exploitations. La loi de 2022 relative à l'assurance récolte était d'ailleurs censée en tenir compte : les assureurs devaient effectuer un diagnostic de territoire, à l'échelle du bassin, pour identifier les risques qui deviendraient non assurables. Malheureusement, les décrets d'application n'ont pas respecté l'esprit de cette loi. Je pense que nous en convenons tous que l'article 9 doit être réécrit pour se concentrer sur l'adaptation au changement climatique.
Pour améliorer l'article 9, encore faut-il le voter. Peut-être est-il mal ficelé, mais l'intention de réaliser un diagnostic modulaire qui intègre l'environnement et les défis contemporains de l'agriculture – plutôt que des stages consacrés à la seule économie des exploitations – est bonne. Nous voterons cet article et le retravaillerons en vue de la séance.
La commission adopte l'article 9 modifié.
Le débat en séance sera l'occasion de faire œuvre de simplification et de clarifier la question du diagnostic des sols, avec ses modalités pratiques. Ainsi que le souligne M Potier, cet article doit se concentrer sur l'adaptation au dérèglement climatique ; n'y mettons pas tout à la fois, sans quoi le dispositif deviendra inopérant.
Chapitre II – Mesures en matière d'installation des agriculteurs et de transmission des exploitations
Article 10 : Création du réseau « France services agriculture »
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement de suppression CE1998 de Mme Hélène Laporte.
Amendement CE3573 de M. Pascal Lecamp ; sous-amendements CE3678 de Mme Manon Meunier, CE3687 de M. Dominique Potier, CE3619 de Mme Marie Pochon, CE3648 de M. Charles de Courson, CE3685 de M. Dominique Potier, CE3673 et CE3674 de Mme Aurélie Trouvé, CE3688 et CE3686 de M. Dominique Potier, CE3654 de M. David Taupiac, CE3609 de Mme Marie Pochon, CE3676 de Mme Aurélie Trouvé, CE3679 de Mme Mathilde Hignet, CE3675 de Mme Aurélie Trouvé, CE3624 et CE3622 de Mme Marie Pochon, CE3680 de Mme Mathilde Hignet, CE3623 de Mme Marie Pochon, CE3681 de Mme Mathilde Hignet, CE3615 de Mme Marie Pochon, CE3616 de M. Charles Fournier, CE3635 de Mme Marie Pochon, sous-amendements identiques CE3610 de Mme Marie Pochon, CE3677 et CE3682 de Mme Mathilde Hignet, sous-amendement CE3658 de Mme Nathalie Bassire
Je propose de réécrire les alinéas 2 à 15 de cet article, afin : de mieux présenter le réseau France Services agriculture, plateforme d'accueil regroupant l'ensemble des services et des acteurs qui œuvrent déjà au service des agriculteurs ; de décrire les niveaux 1 et 2 du guichet, qui conseillent et orientent les sortants et les entrants ; et de préciser l'obligation de déclarer les projets de cession cinq ans avant le départ.
Par ailleurs, la référence aux seuls établissements publics serait supprimée pour la formation.
L'objectif est que, dans l'ensemble des chambres d'agriculture de métropole et d'outre-mer, les agriculteurs aient accès à tous les services existants, quel que soit leur profil, dans un esprit de pluralité et d'équité.
L'entrée en vigueur du dispositif serait reportée au 1er janvier 2026, échéance qui paraît plus raisonnable.
Outre ses vertus de clarification, cet amendement a le mérite de répondre aux demandes de certains d'entre vous : il insiste sur le pluralisme des structures d'accompagnement et de conseil, prévoit un équilibre entre les services de formation, qu'ils soient publics ou privés, et reporte la date d'entrée en vigueur. J'y suis favorable.
Par le sous-amendement CE3678, nous proposons de créer un comité de pilotage départemental du réseau France Services agriculture, qui veillera au pluralisme des acteurs et organisera la mise en œuvre du dispositif. Le département est le bon échelon pour cela.
Nous défendons également le pluralisme des parcours d'installation et de l'accompagnement, alors que la situation actuelle est marquée par un quasi-monopole syndical.
Nous souhaitons par ailleurs que le point d'accueil départemental unique informe les candidats sur le schéma directeur régional des exploitations agricoles (Sdrea) et veille à ce que les projets d'installation le respectent.
Il importe enfin d'assurer la publicité des déclarations d'intention de cessation d'activité agricole (Dicaa).
Sous réserve de ces précisions, le groupe Socialistes défend la création du réseau France Services agriculture.
Nous partageons le souhait que, dans un souci de pluralisme, France Services agriculture présente l'ensemble de l'offre d'accompagnement des organismes nationaux à vocation agricole et rurale, pour accompagner au mieux les candidats à l'installation, tout particulièrement ceux qui ne sont pas issus du monde agricole.
France Services agriculture devra assurer un rôle non seulement de concertation, mais aussi de pilotage. Il devra promouvoir l'agroécologie, présenter aux candidats l'opportunité de s'installer en agriculture biologique, former à la reconception des systèmes des exploitations, informer les candidats sur les Sdrea et veiller à ce que leurs projets s'y conforment.
Il nous paraîtrait utile que les exploitants dont le départ en retraite est prévisible soient relancés, en cas de silence, par un agent du point d'accueil. Ce dernier pourrait aussi proposer une visite de l'exploitation par un conseiller trois ans avant l'âge théorique de départ à la retraite de l'exploitant.
L'amendement mentionne un délai de cinq ans avant le départ à la retraite des exploitants : mais certains ne prennent jamais leur retraite, ce n'est pas obligatoire ! Pour que ce délai veuille dire quelque chose, je propose de prendre comme référence l'âge légal de départ à la retraite.
Notre sous-amendement CE3654 vise à garantir une présentation exhaustive des structures d'accompagnement.
L'amendement du rapporteur améliore effectivement le texte initial. Mes différents sous-amendements visent les objectifs suivants : que les porteurs de projet soient orientés vers l'ensemble des structures de conseil et d'accompagnement existantes, en fonction de leurs besoins ; que le cahier des charges de ces structures tienne compte de la diversité des projets à accompagner, mais aussi des profils de leurs porteurs ; que les structures veillent au renforcement de l'égalité de genre en agriculture et à l'installation d'agricultrices nombreuses ; que les structures valorisent les pratiques agroécologiques et étudient les possibilités de s'installer en agriculture biologique – ou de s'y convertir ; qu'elles informent les candidats sur les critères du Sdrea et n'accompagnent que les projets qui s'y conforment ; et que chaque porteur de projet agricole dispose du choix final de la structure qui l'accompagnera dans son installation.
Nous souhaitons également que France Services agriculture participe à la lutte contre les discriminations. La place des femmes reste un combat, y compris en agriculture. Quelques chiffres en témoignent : 132 000 épouses d'exploitants n'ont pas de statut et leur action directe ou indirecte sur l'exploitation est totalement invisibilisée. Les autres sont souvent réduites au statut de conjointes collaboratrices, avec des droits sociaux réduits. Elles sont trop souvent lésées en cas de séparation. Seules 57 % des femmes qui travaillent dans l'agriculture prennent un congé de maternité. Partout en France, le manque de remplaçants est un frein à l'émancipation des femmes.
Afin de renforcer l'effectivité de la loi du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer, dite loi « Letchimy », nous proposons de renforcer les mesures de publicité relatives aux propriétés agricoles concernées par une procédure de revente. Le guichet unique devra participer à la publicité des biens agricoles concernés par les procédures, afin de mieux protéger les héritiers non identifiés par les notaires et de limiter le risque que des héritiers omis se manifestent tardivement.
Je vous remercie de considérer que mon amendement clarifie les choses. J'avoue avoir eu plaisir à le rédiger, ayant déjà, dans une vie précédente, créé un guichet unique pour les exportateurs (Team France Export). En l'occurrence, l'objectif est de mettre en réseau tous les services existants, au bénéfice de l'ensemble des agriculteurs : les entrants, les sortants, ceux qui sont en exercice, ceux qui veulent se convertir. Nous n'inventons aucune nouvelle structure, tout existe ; seulement, les acteurs seront accessibles dans un lieu unique et seront représentés de façon équitable et pluraliste : l'agriculteur restera donc libre de ses choix. Depuis les banques jusqu'à Terre de liens, toutes les structures du réseau seront agréées sur la base d'un cahier des charges établi en concertation avec les comités régionaux à l'installation et à la transmission (Crit) et le Comité national d'installation-transmission (Cnit).
Il a été décidé de localiser ces structures au sein des chambres d'agriculture, placées sous la tutelle de l'État. Le pilotage régional sera opéré en coordination avec les Crit, en lien avec les collectivités territoriales et tous les autres acteurs composant ces comités. Cette organisation constitue un gage de neutralité.
La mise en place de ce réseau nécessitera sans doute un peu de temps, car les acteurs de terrain devront apprendre à se connaître, mais le monde agricole ne pourra que tirer profit de la mise à disposition, en un lieu et un instant uniques, de l'ensemble des services utiles à chaque étape de la vie de l'exploitation. Les agriculteurs y trouveront tous les acteurs dont ils ont besoin pour construire leur parcours professionnel. C'est en tout cas dans cet esprit que j'ai rédigé mon amendement, qui reste peut-être perfectible.
Toutes les propositions que vous avez formulées sont de facto satisfaites par la rédaction de mon amendement, à l'exception du sous-amendement CE3654, qui apporte une amélioration en garantissant une « présentation exhaustive » des structures d'accompagnement, et donc la pluralité recherchée pour France Services agriculture. Je donne donc un avis favorable à ce sous-amendement CE3654 et défavorable à tous les autres.
La réécriture opérée par l'amendement de monsieur Lecamp permet de prendre en compte un certain nombre de demandes – c'est le rôle d'un rapporteur. En revanche, je vous invite à ne pas ajouter dans le texte des mots, des phrases, des alinéas superfétatoires. Cela dit, je pense comme le rapporteur que le sous-amendement de M. Taupiac permet de conforter l'exigence de pluralité des acteurs et de respect de la diversité des projets. Je donne donc un avis défavorable à tous les sous-amendements, à l'exception du CE3654.
L'« autorité administrative compétente de l'État », à savoir le ministère de l'agriculture ou ses représentants, validera donc une liste d'intervenants possibles pour accompagner les différentes phases de l'exploitation. La région, de son côté, dressera sa propre liste. En cas de conflit, qui sera l'arbitre ? La question n'est pas tout à fait anodine.
On recrée d'une certaine manière, avec des moyens puissants, le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (Cnasea), qui était le lieu de la réorganisation liée aux mutations démographiques du monde agricole. C'est le grand retour de la politique de reconquête et d'installation ! Quoi qu'il en soit, il me semble intelligent de piloter toutes ces transformations ensemble, comme le faisait le Cnasea.
Le dispositif de notification obligatoire de cessation d'activité constitue pour nous une difficulté majeure. Le Conseil d'État y voit d'ailleurs une nouvelle complexité administrative « de nature à contraindre l'exercice de l'activité d'exploitant agricole dans des proportions inédites », ce qui contredit votre volonté affichée de répondre à la demande de simplification administrative exprimée par les agriculteurs. L'amendement du rapporteur réécrit certes cette disposition de manière un peu différente, mais sans réduire sa complexité.
Je ne crois pas, monsieur de Fournas, que cela représente une complexité administrative majeure. Si l'on veut mettre un cédant en relation avec un repreneur sans disposer des éléments d'identification nécessaires cinq ans avant le départ à la retraite, autant dire qu'on ne fera rien et que, six mois avant l'échéance, l'exploitation sera reprise pour en agrandir une autre. Outre la mise en relation entre les acteurs, il convient d'anticiper les mutations et, le cas échéant, d'organiser une transition douce. Il ne me paraît pas particulièrement lourd de demander à un agriculteur d'indiquer s'il a l'intention de céder son exploitation dans les cinq années à venir. Croyez-moi, j'ai suffisamment travaillé, depuis deux ans, sur la question de la simplification pour y être vigilant. Je respecte le Conseil d'État, mais je ne partage pas son avis sur ce point.
La rédaction du rapporteur ne modifie pas le délai dans lequel les exploitants doivent effectuer cette déclaration : « sauf impossibilité, cinq ans au moins avant leur départ en retraite ». Or tout le monde ne connaît pas la date à laquelle il souhaite partir à la retraite ! Voilà pourquoi j'ai déposé le sous-amendement CE3648, selon lequel ce délai se calcule en fonction de l'âge légal de départ à la retraite, à savoir 62, 63 ou 64 ans. Sans cette précision, l'alinéa est inapplicable. Comment pourriez-vous reprocher à un agriculteur de réfléchir, d'hésiter, d'envisager de prolonger son activité, puis de décider tout à coup de partir à la retraite dans un an ?
À la suite des observations du Conseil d'État qui portaient sur le conditionnement de la possibilité d'exploiter d'une parcelle de subsistance tout en bénéficiant d'une retraite agricole, le Gouvernement a décidé de supprimer du projet de loi ces dispositions relatives à la Dicaa. Là encore, nous simplifions ! L'exploitant n'aura plus qu'à se présenter au guichet de France Services agriculture.
Successivement, la commission rejette les sous-amendements CE3678, CE3687, CE3619, CE3648, CE3685, CE3673, CE3674, CE3688 et CE3686, adopte le sous-amendement CE3654 et rejette les sous-amendements CE3609, CE3676, CE3679, CE3675, CE3624, CE3622, CE3680, CE3623, CE3681, CE3615, CE3616, CE3635, CE3610, CE3677, CE3682 et CE3658.
Elle adopte l'amendement CE3573 sous-amendé.
En conséquence, tous les autres amendements se rapportant aux alinéas 2 à 15 tombent.
Amendement CE2300 de Mme Mélanie Thomin
Cet amendement prévoit un temps d'échange collectif entre les différents porteurs de projet, organisé avant leur installation par les structures de conseil et d'accompagnement. Il pourra avoir lieu, par exemple, dans le cadre du stage obligatoire de vingt et une heures préalable à l'exercice du métier de responsable d'exploitation agricole qui est prévu par le plan de professionnalisation personnalisé.
Les porteurs de projet sont divers. Par exemple, 50 % d'entre eux choisissent une exploitation bio, les autres se tournent vers l'agriculture conventionnelle. Il est donc nécessaire de créer des ponts et des liens plutôt que d'opposer les différentes phases de l'agriculture. Cette rencontre permettra aussi à chaque futur installé de connaître la composition de son territoire.
Je conviens de l'intérêt de cette pratique, inspirée des stages de vingt et une heures actuels. Aux guichets de France Services agriculture, les structures de conseil et d'accompagnement auront bien entendu la possibilité d'organiser ces temps d'échange, qui pourront être envisagés dans le cahier des charges de l'agrément. Votre amendement étant satisfait, je vous demande de le retirer, faute de quoi je donnerai un avis défavorable.
Avis défavorable, car cette possibilité tombe sous le sens. Il n'est pas nécessaire de tout écrire dans la loi. Nous sommes d'ailleurs en train de travailler sur les modalités d'application de l'article 10 en lien avec les structures de France Services agriculture et « en avance de phase », si je puis dire.
Monsieur Potier, les structures seront agréées au niveau national. Dans le cadre des instances régionales, viendront s'y ajouter d'autres structures que certains acteurs, notamment les régions, estimeront devoir solliciter. Il n'y a donc pas lieu de craindre un conflit.
C'est la logique des choses. Nous sommes très clairs là-dessus : c'est ainsi que nous avons voulu nous organiser avec les régions.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CE1210 de Mme Anne-Laure Blin et CE1761 de Mme Hélène Laporte
Nouvelle illustration d'une bureaucratisation à outrance, l'alinéa 16 dispose que « les personnes ayant eu recours au dispositif de conseil et d'accompagnement (…) reçoivent une attestation qu'elles doivent être en mesure de présenter sur demande de l'autorité administrative ». Comme si les agriculteurs ne devaient pas fournir suffisamment de papiers, à maintes et maintes reprises et même parfois en doublon ! Et cela alors qu'un projet de loi est en cours d'élaboration afin d'éviter de demander aux administrés plusieurs fois la même chose. Puisque je ne comprends pas la raison de cet alinéa, j'en demande la suppression.
Si vous avez vraiment à cœur de simplifier, monsieur le ministre, vous devez donner un avis favorable à ces amendements. On ne peut pas, à chaque nouveau dispositif, avoir encore ce réflexe d'aggraver les aspects coercitifs et la complexité de l'installation des jeunes agriculteurs. Ne tombez pas dans ce piège.
Nous parlons d'une attestation de passage par France Services agriculture, émise par le réseau lui-même. La présentation de ce document pourra être nécessaire pour obtenir, dans certains cas, des aides conditionnées ou modulées en fonction du passage du bénéficiaire par le réseau. Avis défavorable.
Cette discussion permet de clarifier le rôle de France Services agriculture. Ce sont les jeunes agriculteurs qui demandent sa création. Il s'agit de permettre à chacun de bénéficier d'un accompagnement. Certains voulaient même aller plus loin en imposant à tous le passage par ce réseau ; certains, y compris parmi les membres de votre commission, déplorent que l'on aide des gens à s'installer sans avoir réalisé aucun diagnostic économique, climatique…
J'ai failli le dire, Monsieur Dive ! Est-ce vraiment une demande de votre part ? J'avais cru comprendre que c'était l'inverse…
(Sourires.)
Notre objectif est que personne ne puisse s'installer sans qu'un regard ait été porté sur la viabilité de l'exploitation.
Pas du tout. Cela rejoint une demande unanime de la profession agricole. Nous parlons d'une attestation produite par le réseau France Services agriculture lui-même et dont la présentation, qui ne sera d'ailleurs pas demandée systématiquement, ne me paraît pas illégitime. Vous connaissez le fonctionnement des collectivités locales : quand un porteur de projet demande une subvention, il doit présenter une attestation produite par le centre de gestion relative à la viabilité de son projet ; personne ne considère cela comme une surcharge administrative : il s'agit simplement de s'assurer que quelqu'un a vérifié quelque chose quelque part. En l'occurrence, il ne me paraît pas déraisonnable que, quand l'État ou les régions décident d'accorder des moyens à un agriculteur, ils lui demandent si un guichet a étudié la viabilité économique de son exploitation. C'est la logique de France Services agriculture que de faire en sorte que chacun puisse bénéficier d'un accompagnement personnalisé, dans le cadre du pluralisme revendiqué par tous. Sinon, il est inutile de créer ce réseau !
Ma question sera certainement naïve… Que le bénéfice des aides à l'installation soit conditionné au passage par un point d'accueil et d'accompagnement, cela se comprend, mais puisqu'il existe un répertoire unique départemental des exploitations et que le dispositif en question est agréé par l'État, pourquoi les agriculteurs devraient-ils détenir une attestation et la présenter à une autorité administrative qui dispose déjà de l'information ? Cela ne tourne pas rond !
Après un long débat, nous avons supprimé de l'article 9 le conditionnement des aides à la réalisation d'un diagnostic de performance énergétique. La même question se pose à l'alinéa 16 de l'article 10. Ce n'est pas la première phrase qui pose problème, mais la deuxième : « Dans les conditions prévues par les dispositions qui leur sont applicables, le bénéfice de certaines aides publiques accompagnant l'installation ou la transmission peut être subordonné à la condition d'avoir bénéficié du conseil ou de l'accompagnement ». Il serait sage de la supprimer, en cohérence avec notre vote à l'article 9 et pour éviter le risque de recours lié à la liberté d'entreprendre soulevé par le Conseil d'État.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE507 de M. Dominique Potier
L'amendement CE507, relatif au pluralisme du dispositif France Services agriculture, est satisfait. Je le retire donc, ainsi que les amendements CE252 et CE250, qui viennent juste après.
L'amendement est retiré.
Amendement CE306 de M. Dominique Potier
L'attestation dont nous parlons constitue-t-elle bien une pièce justificative du dossier de demande de retraite ? Cet amendement vise à confirmer le lien juridique entre la déclaration d'intention de cessation d'activité et le droit à la retraite de l'exploitant concerné. Autrement dit, la retraite doit être conditionnée par cette déclaration que je pourrais qualifier de « post-Dicaa ». Cette clarification, que nous demandons depuis longtemps, me paraît fondamentale pour assurer la transparence du marché foncier, avec toute la discrétion qui s'impose pour éviter d'encourager l'agrandissement d'exploitations existantes plutôt que l'installation de nouveaux agriculteurs.
Le Conseil d'État a expliqué, dans son avis, qu'une telle conditionnalité serait disproportionnée et contraire à nos principes constitutionnels.
Le Conseil d'État a effectivement exclu une telle condition. Par ailleurs, que dire de la charge administrative que l'on ferait peser sur l'exploitant demandant à bénéficier de son droit à la retraite, si l'on exigeait ce genre de document ? D'autant que nous avons prévu des exceptions… Votre amendement va beaucoup trop loin dans la suradministration. Avis défavorable.
Cette mesure peut vous paraître excessive ou autoritaire, mais si nous ne la prenons pas, les exploitants ne feront pas de déclaration. Or, si nous voulons assurer la transparence du marché foncier pour encourager les installations, nous devons connaître les fermes qui vont être cédées. Peut-être faut-il lier la démarche à autre chose qu'au droit à la retraite… mais il faudra trouver, d'ici à la séance, une incitation forte, faute de quoi nous n'obtiendrons pas de résultats. En l'état actuel du texte, nous nous faisons plaisir ! Pourquoi un exploitant irait-il déclarer qu'il va cesser son activité, alors qu'il est peut-être en train de négocier avec un fonds de pension ou un groupement foncier agricole d'investissement (GFAI) ? La transparence est une condition du libéralisme. Soyons donc authentiquement libéraux, dans l'esprit du XIXe siècle, et trouvons des moyens proportionnés pour atteindre nos objectifs.
La rédaction de l'amendement pose problème. On veut que l'attestation constitue une pièce justificative du dossier de demande de retraite ; or celui qui prend sa retraite n'est pas le preneur, mais le cédant, et je ne vois pas de quel droit ce dernier détiendrait l'attestation du preneur ! Par ailleurs, il serait inconstitutionnel de priver quelqu'un de son droit à la retraite. Il faut retirer cet amendement, Monsieur Potier.
La commission rejette l'amendement.
L'amendement CE2199 de Mme Mathilde Hignet est retiré.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CE1253 de Mme Christine Engrand.
Amendement CE2208 de Mme Aurélie Trouvé
Vous avez dit, monsieur le ministre, qu'il n'était pas question de créer des charges administratives supplémentaires pour les agriculteurs. Nous tenons à inscrire ce principe dans le projet de loi. Il sera ainsi tout à fait clair qu'il incombera aux administrations opératrices et gestionnaires d'internaliser la procédure permettant de vérifier que les conditions d'éligibilité sont remplies par le jeune agriculteur souhaitant percevoir des aides.
Avis défavorable. Les personnes ayant recours au dispositif de conseil et d'accompagnement n'ont pas de demande à formuler, puisqu'elles reçoivent, aux termes de l'alinéa 16, une attestation qu'elles mettent à la disposition de l'autorité administrative. Cela ne me paraît pas très compliqué. En outre, je ne vois, dans la deuxième phrase de l'alinéa, aucune surcharge administrative. J'aimerais qu'il en soit ainsi dans tous les amendements que nous sommes amenés à examiner.
Il importe en effet de ne pas créer d'obligations administratives supplémentaires. Or tout projet est soumis à l'examen de la commission départementale d'orientation de l'agriculture (CDOA) : je ne vois donc pas d'intérêt à ce que l'administration, qui siège dans cette instance, demande une attestation.
Effectivement… et c'est sur le fondement de cette information qu'elle formule son avis lors de la réunion de la CDOA.
Monsieur le ministre, vous ne cessez de dire que vous avez compris, lors des récentes manifestations agricoles, qu'il fallait de la simplification. Les articles 9 et 10 compliquent les choses !
Tout l'alinéa semble avoir été rédigé dans un temps où il n'existait ni outils informatiques, ni systèmes de traitement des données. Il faut vraiment revoir cette mesure. Il n'est pas nécessaire de produire une attestation papier que le bénéficiaire devra conserver afin de la montrer à l'administration ultérieurement. Ce sera très facile à gérer sans ces tracasseries.
Lorsque vous faites une déclaration, par exemple en tant que contribuable, vous devez conserver les documents correspondants.
Non ! Chaque année, on fait sa déclaration de revenus sans que l'administration fiscale redemande les mêmes documents.
Est-il écrit quelque part, à l'alinéa 16, que l'on vous demande quelque chose ?
Nous devons tous être en mesure de présenter les éléments qui justifient d'une déclaration. Si vous demandez la défiscalisation des dépenses de travaux que vous avez fait effectuer chez vous, il faut bien que vous déteniez les pièces justificatives correspondantes !
Je ne vois vraiment pas où est la surcharge administrative à l'alinéa 16. L'ensemble des syndicats agricoles souhaitent que l'on ne puisse bénéficier de toutes les aides si l'on n'est pas passé par France Services agriculture. Nous demandons simplement aux exploitants de conserver une attestation qui leur est envoyée par l'administration.
Je ne comprends pas pourquoi vous vous obstinez à défendre cette disposition. Nous venons de vous démontrer qu'il ne servait strictement à rien que les exploitants présentent cette attestation – une obligation que l'alinéa 16 prévoit très clairement – puisque l'administration la détient déjà. Vous voulez faire encore grossir le dossier d'installation des jeunes agriculteurs, qui fait déjà trente centimètres d'épaisseur… Pourquoi n'accédez-vous pas à cette demande, appuyée par une démonstration que vous n'avez pas contestée ?
La surcharge n'est pas à l'alinéa 16, mais dans tout l'article. Vous réinventez la roue ! France Services agriculture, ce n'est rien d'autre que les chambres d'agriculture, de même que France Travail n'est rien d'autre que Pôle emploi. S'il y a des failles dans l'accompagnement des jeunes agriculteurs ou dans la transmission des exploitations, alors réarmons les chambres d'agriculture ! Elles ont pignon sur rue depuis des décennies, elles sont connues et reconnues de tous. Clarifions leurs missions, donnons-leur les moyens de les exercer : là, ce sera de la vraie simplification !
Moi aussi, je m'interroge sur la nécessité de cette attestation. Je suis favorable à la suppression de la première phrase de l'alinéa 16, mais pas de la seconde, car il me semble important de maintenir le principe de la conditionnalité des aides. Comme l'a très bien dit M. Potier, il faut que ces dispositions gardent un peu de substance, sinon elles ne servent plus à rien ! Quoi qu'il en soit, nous sommes un certain nombre de groupes parlementaires assez différents à penser que cette attestation ne devrait pas être obligatoire. Nous souhaitons donc que cette question soit réexaminée d'ici à la séance.
Je suis étonné de l'esprit de déconstruction dont fait preuve M. Dive, qui ne nous avait pas habitués à cela. Nous ne sommes pas en train de créer une nouvelle institution, mais une nouvelle mission, qui est clairement déléguée aux chambres d'agriculture. Ce sont elles qui vont agir – en tout cas, c'est comme cela que j'ai compris le texte.
Monsieur de Fournas parle de complexité administrative. Pour ma part, quand je vois des centres de gestion agréés, des cabinets d'avocats et des cabinets de conseil de toute nature dépenser des dizaines de milliers d'euros pour élaborer des montages visant à contourner toutes les lois agricoles, cela ne me gêne pas de prévoir quelques documents administratifs pour défendre la transparence du marché foncier et la liberté d'entreprendre de jeunes agriculteurs désireux de s'installer. Sans ces attestations, ce sont les cabinets d'affaires qui vont organiser le marché agricole. Je préfère que ce rôle incombe à la loi, et cela passe par un minimum de contraintes.
À la réflexion, j'estime que les remarques de Mme Batho sont justifiées. Le jour où la plateforme informatique fonctionnera, couplée avec un répertoire unique des exploitations, toute personne franchissant la porte de France Services agriculture verra son passage enregistré et pourra recevoir automatiquement une attestation dématérialisée, comme cela se fait déjà pour les avis d'imposition. Il est donc inutile de passer des heures sur cette question. Une solution informatique légère et ne faisant perdre de temps à personne doit pouvoir être trouvée. Nous allons y réfléchir d'ici à la séance.
Aucun amendement ne demande la suppression de la précision « qu'elles doivent être en mesure de présenter sur demande de l'autorité administrative ». Si c'est cela que vous voulez, travaillons-y d'ici à la séance.
S'agissant plus largement de l'article 10, je suis en désaccord avec vous, Monsieur Dive : la création du réseau France Services agriculture, qui répond à une demande unanime, vise à éviter que, du fait de l'émiettement des structures, certains porteurs de projet – en particulier, ceux qui ne sont pas issus du monde agricole – échappent à tout accompagnement à l'installation. En effet, les nouveaux entrants ne se dirigent plus spontanément vers les chambres d'agriculture.
L'objectif est de créer un lieu d'accueil unique où ceux qui souhaitent s'installer en tant que chef d'exploitation pourront trouver une structure d'accompagnement. Les chambres d'agriculture restent les points d'entrée. La question n'est pas celle des moyens : les structures qui ont été créées en parallèle n'avaient ni les mêmes objectifs ni les mêmes modalités d'action. Je rappelle en outre que le Gouvernement a fait des efforts, abondant de 7 millions d'euros (M€) l'accompagnement à l'installation-transmission en agriculture et faisant droit aux demandes fiscales des chambres d'agriculture – ce que celles-ci reconnaissent elles-mêmes.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CE1254 de Mme Christine Engrand
Il existe déjà dans toutes les chambres d'agriculture, Monsieur le ministre, des points accueil installation vers lesquels l'ensemble des acteurs renvoient les jeunes souhaitant s'installer. Notre collègue Julien Dive l'a dit, vous êtes en train de réinventer ce qui existe déjà !
Certes, ces points existent déjà, mais le réseau France Services agriculture apportera plus de transparence et de fluidité. Sur cette plate-forme neutre, comme il en existe dans de nombreux autres secteurs d'activité, on trouvera l'ensemble des acteurs. Il ne paraît pas aberrant que l'État et les régions veillent à ce que les fonds publics alloués sous forme d'aides soient destinés à des projets d'autant plus robustes et durables qu'ils auront bénéficié d'un conseil et d'un accompagnement. Avis défavorable.
France Services agriculture répond à l'une des préoccupations évoquées par les acteurs, y compris par les chambres elles-mêmes, lorsque nous avons établi le diagnostic des difficultés à l'installation. Une grande partie des nouveaux installés ne bénéficient pas de la dotation jeunes agriculteurs (DJA) : c'est dommage ! Peut-être pouvons-nous au moins nous accorder, monsieur de Fournas, sur la nécessité que les nouvelles installations soient durables ? Si cette préoccupation est partagée par l'ensemble des professionnels, il faut peut-être les écouter. Nous avons manifestement un dysfonctionnement dans l'accompagnement, en particulier pour les personnes qui ne sont pas issues du monde agricole. Un lieu unique est une nécessité. Avis défavorable.
Une chambre d'agriculture, c'est comme un conseil municipal : certaines sont ouvertes et pluralistes quand d'autres sont très fermées et prennent parfois des décisions sectaires, refusant d'accompagner les projets qu'elles jugent farfelus. France Services agriculture garantira une forme de pluralisme et laissera leur place à des conceptions plus diverses de l'agriculture. Ne perdons pas de temps ici comme nous l'avons fait avec l'alinéa 16, concentrons-nous sur l'essentiel !
Ce n'est pas nous qui avons perdu du temps, c'est le ministre qui s'est obstiné sur la question de l'attestation !
Il faut tout de même garantir la liberté de s'installer sans recevoir les conseils de qui que ce soit. De jeunes agriculteurs m'ont expliqué que, s'ils avaient su quel bazar représentait l'accompagnement – et il n'y avait pas encore d'attestation ! – ils s'en seraient passés, quitte à ne pas percevoir la DJA ! Conservons cette liberté.
Nous ne perdons pas de temps, Monsieur Descrozaille, nous parlons de France Services agriculture. Par ailleurs, c'est vrai, certaines chambres rejettent sans doute les projets qu'elles jugent farfelus, mais ce dysfonctionnement ne doit pas nous conduire à créer un autre dispositif à côté ! Réformons les chambres, donnons-leur des moyens – et pas uniquement financiers !
La commission rejette l'amendement.
Les amendements CE252 et CE250 de M. Dominique Potier sont retirés.
Amendements identiques CE2219 de M. David Taupiac et CE2399 de M. Loïc Prud'homme
Cet amendement vise à rendre obligatoire la publication par Chambre d'agriculture France et par les chambres départementales et régionales d'agriculture d'un bilan des actions menées à leur échelle et dans le cadre de leurs missions. Nous souhaitons aussi que les chambres départementales rendent compte de leur action à des instances de pilotage départementales, notamment quant à la mise en œuvre des points d'accueil. Ces remontées d'information sont importantes pour adapter les politiques publiques d'accompagnement à l'installation.
Je rejoins les propos de M. Taupiac. Ces informations permettraient aussi de mieux objectiver la politique d'installation et la réussite de France Services agriculture. Il existe aujourd'hui de fortes disparités entre les chambres en termes d'information.
L'agrément des structures du réseau reposera sur un cahier des charges. Les chambres d'agriculture demeurent des établissements publics sous tutelle du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. On ne peut pas confier des missions de contrôle aux instances de concertation que sont le Cnit et les Crit, qui sont des structures neutres de concertation. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements CE3229 de M. Jean-François Rousset et CE3139 de M. Stéphane Mazars (discussion commune)
Nous proposons que les chambres d'agriculture puissent déléguer la mise en place du lieu d'accueil des porteurs de projet à des centres de formation professionnelle agréés, lesquels sont ancrés dans la réalité du monde agricole local.
La définition d'un point d'entrée unique sur tout le territoire améliore la lisibilité du dispositif, donc son accessibilité. Demande de retrait ou avis défavorable.
C'est un vrai problème. Dans la Marne comme dans cinq autres départements je crois, c'est l'Association de développement, d'aménagement et de services en environnement et en agriculture qui prend en charge l'accompagnement à l'installation. Il y a aussi quelques cas de délégation à des syndicats de jeunes agriculteurs. Permettons aux chambres de déléguer : adoptons le présent amendement, qui est sans doute imparfait, mais qui va dans le bon sens.
La commission adopte l'amendement CE3229. En conséquence, l'amendement CE3139 tombe.
Amendements identiques CE141 de M. Julien Dive, CE373 de M. Inaki Echaniz, CE637 de M. Jean-Pierre Vigier, CE909 de M. Francis Dubois, CE2064 de M. David Taupiac et CE3287 de Mme Anne-Laurence Petel
Il s'agit de prévoir des temps collectifs dans le parcours des porteurs de projet, pour qu'ils aient une meilleure connaissance de leur milieu socioprofessionnel.
Les échanges permettent aux futurs installés de tisser un environnement socioprofessionnel solide dans leur territoire et de confronter leurs projets.
La rédaction actuelle du texte permet l'organisation de temps collectifs, qui n'a pas à être inscrite dans la loi. Cela fait partie de l'activité courante des structures d'accompagnement. Avis défavorable.
Les temps collectifs sont bien sûr importants et il en existe déjà, mais ces modalités pratiques d'application ne relèvent pas de la loi.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE2980 de Mme Marie Pochon
Les effets des politiques en faveur de l'installation et de la transmission demeurent trop mal documentés, tant au niveau national qu'au niveau local. Nous savons seulement que cent mille fermes ont disparu au cours des dix dernières années et qu'une part importante des candidats à l'installation abandonnent en cours de route – ce que nous ne pouvons plus nous permettre.
Aussi proposons-nous que Chambre d'agriculture France, ainsi que les chambres régionales et départementales, publient chaque année un bilan des actions menées à leur échelle et dans le cadre de leurs missions. Nous proposons par ailleurs que les chambres départementales rendent compte de leur action pour mettre en œuvre le point d'accueil départemental unique à des instances de pilotage associant l'ensemble des parties concernées.
Votre amendement est déjà satisfait. Les chambres d'agriculture dressent le bilan de leur action en matière d'installation. En outre, l'Observatoire national de l'installation analyse en permanence les données relatives aux installations, et l'alinéa 21 étend ses missions à la transmission. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, successivement, elle rejette l'amendement CE508 de M. Dominique Potier, les amendements identiques CE142 de M. Julien Dive, CE374 de M. Inaki Echaniz, CE638 de M. Jean-Pierre Vigier et CE910 de M. Francis Dubois, et les amendements CE2139 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, CE2981 de Mme Marie Pochon et CE1143 de M. Hubert Brigand.
Amendement CE3397 de M. Pascal Lecamp
Cet amendement vise à reporter l'entrée en vigueur de France Services agriculture au 1er janvier 2026 au lieu du 1er janvier 2025, pour répondre à la demande des acteurs de terrain.
Même si le travail a déjà commencé, ce report nous semble logique. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Amendements identiques CE282 de M. Julien Dive, CE307 de M. Dominique Potier et CE1897 de M. Charles de Courson ; amendement CE2301 de Mme Mélanie Thomin (discussion commune)
Le texte prévoit que seuls les exploitants se trouvant à plus de trois ans de l'âge théorique de la retraite au 1er janvier 2025 soient soumis aux nouvelles dispositions. Nous proposons de ramener ce seuil à deux ans.
Nous souhaitons nous aussi élargir à un plus grand nombre d'agriculteurs les dispositifs du présent projet de loi en matière de transmission.
Seraient ainsi soumis aux dispositifs du présent projet de loi les exploitants se trouvant entre deux et six ans avant l'âge de la retraite au 1er janvier 2025.
Je trouve plus raisonnable d'en rester à la version actuelle et de ne pas modifier les règles du jeu pour des personnes qui sont très proches de l'âge de la retraite.
J'appelle votre attention sur le fait que cette question est traitée à l'alinéa 25 et qu'il faudra sans doute le modifier compte tenu de l'amendement que vous venez d'adopter. Il est prévu que les agriculteurs auxquels restent entre trois et six ans avant la retraite demeurent soumis au régime ancien. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette les amendements identiques CE283 de M. Julien Dive et CE1898 de M. Charles de Courson.
Amendements identiques CE1896 de M. Charles de Courson et CE2065 de M. David Taupiac
Dans l'optique de renforcer l'efficacité du guichet unique et l'accompagnement des cédants, et afin de rendre incontournable le dispositif France Services agriculture pour tous les acteurs, il est proposé que l'attestation constitue une pièce obligatoire du dossier de demande de retraite.
Pour le Conseil d'État, cela serait contraire aux principes constitutionnels. Avis défavorable.
Le Conseil d'État a considéré que cette disposition serait excessive, raison pour laquelle le texte a été modifié. Elle irait, en outre, à l'encontre de l'objectif de simplification. Avis défavorable.
Les amendements sont retirés.
Vous avez écarté les amendements visant à la publication du bilan annuel de l'Observatoire de l'installation, Monsieur le rapporteur, en considérant qu'ils étaient satisfaits : vous pourrez donc sans doute nous présenter l'un de ces rapports – pour notre part, nous n'avons jamais rien vu d'autre qu'une ligne dans le code rural. À défaut, vous aurez l'opportunité de donner un avis favorable aux amendements que nous déposerons de nouveau en ce sens pour la séance.
La commission adopte l'article 10 modifié.
Après l'article 10
Amendement CE500 de M. Dominique Potier
Cet amendement du groupe Socialistes vise à corriger une incohérence à l'article L. 123-1 du code rural et de la pêche maritime. Celui-ci favorise en effet le regroupement des parcelles, à rebours de la politique d'installation et de déconcentration des exploitations agricoles qu'il faut mener pour réussir le défi du renouvellement des générations.
Le contrôle des structures et l'action des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) sont déjà orientés vers l'installation. Nous développons dans ce projet de loi d'autres outils qui nous permettront de défendre notre modèle d'exploitation familial. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CE1808 de M. Charles Fournier et CE2444 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)
Ces deux amendements, qui ont le même objet, sont parmi les rares ayant été jugés recevables parmi ceux portant sur la question foncière. Nous regrettons que le projet de loi ne traite pas davantage de cette question, qui est centrale s'agissant d'installation et de transmission. Les nouveaux exploitants ont besoin de terres qui soient abordables financièrement, donc pas trop étendues. En outre, la réduction du nombre de paysans est une conséquence de l'accaparement et de la financiarisation des terres, ainsi que de l'agrandissement accéléré des exploitations.
Dans ma circonscription, la société Agro Team a pu prendre le contrôle fin 2022 de 2 122 hectares. Cette opération est heureusement exceptionnelle mais il ne faudrait pas continuer sur cette lancée, au risque de ne jamais atteindre l'objectif de quatre cent mille exploitants. Ce type d'opérations illustrent parfaitement les failles du système de régulation : même la loi portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires, dite loi « Sempastous », ne peut les réguler, puisqu'elle ne prévoit pas de plafond en matière de surface.
Nous proposons donc que la surface maximale qu'une même société peut contrôler soit fixée à trois cents ou cinq cents hectares, selon l'amendement – nous sommes ouverts à la discussion.
La liberté d'entreprendre ne peut pas être la liberté de tout prendre. La terre contribue à la production de notre alimentation. Elle est un commun dont toute loi agricole devrait fournir les modalités de partage.
Ce projet de loi, qui pose un objectif plancher de quatre cent mille exploitations, est orienté vers la défense du modèle agricole familial. Rien n'est prévu spécifiquement pour le foncier, certes, mais nous mettons des choses en place, comme les outils de portage ou les mesures fiscales pour les transmissions. La fixation d'un seuil unique, quels que soient la région et le type de production, ne me semble pas pertinente. Avis défavorable.
L'avis du Gouvernement est également défavorable. Vous mêlez trois concepts différents, Madame Belluco : le contrôle de l'aliénation à titre onéreux des biens à usage ou à vocation agricole opéré par les Safer ; le contrôle de la mise en valeur ; et le contrôle de la concentration au travers des opérations sociétaires. Il sera utile, à cet égard, de dresser un bilan de la loi Sempastous, dont nous sommes dans la première année d'application réelle.
Par ailleurs, introduire un plafonnement de la surface pouvant être possédée par une personne physique, assortie d'une obligation de cession au-delà, constituerait une atteinte disproportionnée au droit de propriété, que le Conseil constitutionnel ne manquerait pas de nous rappeler.
Fixer un seuil à trois cents hectares pour toute la France n'a aucun sens. En montagne, cela ne représenterait pas grand-chose. Vous ne tenez pas compte non plus des regroupements : j'ai dans ma circonscription beaucoup de fermes qui dépassent les trois cents hectares, parce que plusieurs agriculteurs ont mis leurs terres en commun.
La rédaction de nos amendements est imparfaite, mais nous devrons débattre en séance publique des moyens de limiter la concentration des terres. Il faut permettre à des jeunes qui s'installent d'accéder à des surfaces raisonnables – il ne suffit pas de leur donner les moyens d'emprunter toujours plus ! Je nous invite tous à y réfléchir d'ici à la séance publique.
Notre collègue Belluco a tout à fait raison, et il est heureux qu'elle ait réussi à évoquer le gouffre béant dans cette loi qu'est la régulation du foncier. Nous sommes face à un véritable problème démocratique : nous avions une dizaine d'amendements sur ce thème mais ils ont été jugés irrecevables, alors qu'ils étaient pour certains plus précis, moins ambitieux, plus techniques. Nous avons été privés d'un débat.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CE2435 de M. Loïc Prud'homme et CE3283 de Mme Marie Pochon ; amendement CE3284 de Mme Marie Pochon (discussion commune)
Nous proposons la création d'observatoires régionaux des marchés fonciers ainsi que d'un observatoire national opérationnel des marchés fonciers, accessible à tous, qui réunirait les observatoires régionaux.
Les données sont aujourd'hui dispersées : les Safer disposent d'informations sur les ventes de biens agricoles et de parts de sociétés agricoles, l'État de données sur une partie des projets de location… Elles doivent être rassemblées, mises à disposition des acteurs concernés et rendues publiques. Ces observatoires seraient notamment destinataires des déclarations d'intention de cessation d'activité et des résiliations de baux ruraux.
Les Safer auraient ainsi accès aux informations du marché des locations et auraient une vue globale des biens agricoles à reprendre. La diffusion des opportunités d'installation et d'agrandissement faciliterait la recherche de terres et de bâtiments des porteurs de projet.
Je ne suis pas certain que la régulation du marché foncier passe par la création de nouvelles entités administratives… Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CE1775 de Mme Lisa Belluco et CE2434 de Mme Mathilde Hignet
Cet amendement travaillé avec l'association Terre de liens vise à créer un registre des exploitations agricoles, afin de mieux connaître la structure de la production agricole en France – et notamment le niveau de concentration foncière.
L'article 10 crée un répertoire départemental unique des exploitations agricoles, dont les données seront évidemment agrégées au niveau national, ce qui nous permettra certainement de répondre aux questions que vous posez.
Qu'est-ce qu'un exploitant agricole ? C'est tout simplement quelqu'un qui est immatriculé à la Mutualité sociale agricole. Il y a déjà un fichier : inutile de réinventer ce qui existe déjà.
Notre demande porte sur un registre non pas des exploitants, mais des exploitations. Ce n'est pas la même chose : ainsi, si une exploitation rassemble cinq sociétés civiles d'exploitation agricole, les statistiques comptent cinq unités alors qu'il n'en existe qu'une seule. Les chiffres sont donc surestimés.
La commission rejette les amendements.
Amendements CE309 de M. Dominique Potier, CE3213 de Mme Anne-Cécile Violland et CE3152 de M. Lionel Vuibert (discussion commune)
Mon amendement vise à définir dans la loi le droit à l'essai, qui permet à quelqu'un de vivre une expérience concrète d'association, de présence dans une exploitation agricole. C'est un projet défendu par de nombreux acteurs, notamment de l'agriculture de groupe, et par de nombreux syndicats agricoles, dont les Jeunes Agriculteurs.
C'est un amendement de consensus. Nous créons un statut qui facilite l'accès à cette expérience : il ne faut pas seulement des institutions, mais aussi des processus.
Les amendements CE3213 et CE3152 visent également à concrétiser le droit à l'essai, dont j'espère que nous le maintiendrons dans l'article 1er. Il s'agit de permettre à des exploitants agricoles de tester des projets communs. Les installations se font de plus en plus souvent en société, ce qui n'est pas toujours simple. Une période de test est judicieuse.
Je suis convaincu de l'intérêt de donner un cadre au droit à l'essai. L'expérimentation menée en ce sens par Gaec & Sociétés est très intéressante, on le voit en Savoie et en Haute-Savoie depuis longtemps. Il peut aussi s'agir d'essayer le travail en commun en vue d'un regroupement d'exploitations dans un groupement agricole d'exploitation en commun (Gaec).
Mais je sais aussi que le Gouvernement travaille activement sur ce sujet pour tenter de définir un cadre juridique attrayant et robuste : je laisserai le ministre vous le confirmer.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer vos amendements pour que le législateur intervienne si nécessaire sur ce sujet une fois le travail gouvernemental achevé.
Même avis. Nous avons inséré la notion de droit à l'essai à l'article 1er : la politique d'installation et de transmission en agriculture aura entre autres pour finalité d'« encourager les formes d'installation collective et les formes d'installation progressive, y compris le droit à l'essai ». Nous disposons ainsi d'une accroche, ce qui évitera qu'on nous oppose l'irrecevabilité.
Mais nous avons besoin de saisir le Conseil d'État, car le droit à l'essai pose des questions très complexes de droit des sociétés. Le travail est en cours et il est trop tôt pour inscrire une rédaction dans la loi. Demande de retrait.
Je peux témoigner du succès de l'année à l'essai en Haute-Savoie, depuis 1991, et donc de l'intérêt d'un tel dispositif. C'est exactement ce que nous cherchons à faire : faciliter l'installation, notamment l'arrivée dans le milieu agricole de personnes qui n'en viennent pas forcément, et par là retrouver des chances de préserver notre souveraineté alimentaire.
J'entends aussi qu'un travail est en cours et je comprends que le Gouvernement s'engage à instaurer ce dispositif dès qu'il le pourra, par une loi ou par le règlement, afin qu'il profite à l'ensemble du territoire.
C'est ce qu'on appelait les « Gaec à l'essai ». Cela existe depuis 1991 : ce n'est plus une expérimentation…
Il serait bon, Monsieur le ministre, d'inscrire dans ce texte le statut juridique du droit à l'essai, mais aussi le statut de ces jeunes qui ne sont ni apprentis, ni apprenants, mais qui bénéficient d'un tutorat. Je regrette que cette loi d'orientation n'ouvre pas de perspectives. Depuis mardi, nous passons notre temps à réécrire des articles, à débattre de dispositions mal emmanchées, mal préparées. Une loi d'orientation devrait donner des directions, notamment pour la jeunesse !
L'essai est une bonne idée. On nous a expliqué qu'il existe un vide juridique et que le Gaec n'est qu'une solution parmi d'autres pour le combler, les CDD en étant une autre. Envisagez-vous plusieurs solutions ? Le cas d'un entrepreneur individuel n'entre pas dans le cadre de l'amendement de monsieur Potier, par exemple. Mais un cadre juridique est nécessaire pour sécuriser un exploitant qui veut prendre un jeune à l'essai.
Monsieur le ministre, vous n'avez pas envisagé l'hypothèse d'adopter cet amendement, puis de l'améliorer au cours de la navette. Vous demandez plus de temps, et je comprends la difficulté technique qui se pose. Plusieurs groupes parlementaires sont passionnés par ces questions : nous garantissez-vous de nous associer à la recherche de solutions et à la rédaction d'amendements que nous pourrions déposer de façon collégiale ?
Oui, Monsieur Potier. Vous serez tous associés.
Monsieur de Courson, nous envisageons toutes les formes de droit à l'essai.
Monsieur Benoit, il sera évidemment tenu compte du statut de celui qui use de ce droit à l'essai.
Si c'était facile, nous disposerions depuis longtemps d'un dispositif opérationnel ! Si nous avons mis une accroche à l'article 1er, c'est bien pour traiter le sujet, mais le problème juridique est immense. Le Conseil d'État a été saisi de la question.
La commission adopte l'amendement CE309. En conséquence, les amendements CE3213 et CE3152 tombent.
Amendements identiques CE2278 de M. David Taupiac, CE2447 de M. Loïc Prud'homme et CE3275 de Mme Marie Pochon
Il s'agit de créer un réseau d'expérimentation pour soutenir les projets de restructuration-diversification, dans l'idée de s'adapter à ceux qui souhaitent s'installer sans être issus du milieu agricole.
La diversification, de nombreux agriculteurs vous le diront, est l'assurance d'une meilleure résilience économique, au moment où nous affrontons le changement climatique et la chute de la biodiversité. Nous proposons donc que l'État s'engage dans la création d'un réseau d'expérimentation pour soutenir ces projets au sein d'exploitations agricoles volontaires.
Ce réseau faciliterait l'installation de nouveaux porteurs de projet. Des exploitations considérées comme difficiles à transmettre du fait de leur importante spécialisation, d'un manque d'ergonomie ou d'une production peu attrayante pourraient trouver un repreneur. La diversification renforce en outre la résilience face aux perturbations économiques et climatiques.
L'agriculture française est forte de ses expérimentations. Ce réseau national pourrait les mettre en avant et les accompagner, ce qui n'a jamais été si nécessaire.
C'est au réseau France Services agriculture qu'il reviendra d'accompagner ces projets innovants de restructuration et de diversification. C'est pourquoi il est important de concentrer sur lui les moyens nécessaires. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE3223 de Mme Lisa Belluco
Cet amendement pose la question des modalités de financement des Safer. Elles assurent une mission de service public primordiale pour la transition agroécologique comme pour notre souveraineté alimentaire, mais elles sont financées non par de l'argent public, mais par des excédents sur les opérations qu'elles mènent, ce qui peut les soumettre à des intérêts contradictoires. Pourquoi les Safer ne pourraient-elles bénéficier d'un financement public, puisqu'elles exercent une mission d'intérêt général ?
L'État s'engage financièrement au côté des Safer sur le portage du foncier agricole. Il devra le faire encore davantage – j'en ai parlé à propos de l'article 8. Mais le financement des Safer, personnes privées chargées de missions de service public, ne peut pas reposer entièrement sur l'État. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE3276 de Mme Marie Pochon
Nous aimerions qu'un bilan soit dressé de la dotation Jeune Agriculteur.
Ce dispositif va dans le bon sens, il est souvent une aide essentielle, mais il rencontre des écueils de plus en plus nombreux. Il serait temps de le faire évoluer. Selon la Cour des comptes, la moitié de ceux qui y seraient éligibles ne demandent pas la DJA. Par ailleurs, un tiers des personnes qui s'installent ont plus de quarante ans – souvent des gens qui ne sont pas issus du milieu agricole et qui ont connu auparavant un autre parcours professionnel. Ce sont des candidats à l'installation qui peuvent avoir des idées novatrices, qui disposent de ressources spécifiques et dont les projets sont intéressants, au-delà du fait qu'ils viennent repeupler nos villages ; mais ils ne peuvent prétendre qu'à 9 % des aides publiques à l'installation.
Par ailleurs, la DJA n'est pas bien adaptée aux salariés-associés éligibles des sociétés coopératives d'intérêt collectif ou des sociétés coopératives de production, et ne correspond pas bien non plus à la nouvelle donne climatique ou à la féminisation des métiers agricoles.
Il nous paraîtrait pertinent de la faire évoluer vers une dotation « Nouvel Agriculteur ».
Ce bilan existe : l'article L. 330-1 du code rural prévoit déjà que les régions l'établissent chaque année, et il est consolidé par l'État. Quant au non-recours, on peut espérer que la création de France Services agriculture et des structures qui l'accompagneront permettront de le faire diminuer.
Nous ne remettons pas en cause la mission de France Services agriculture, mais les données actuelles montrent qu'il faut repenser la DJA pour l'adapter à de nouveaux publics et à la nouvelle donne démographique.
La commission rejette l'amendement.
Article 11 : Privilèges d'un groupement d'employeurs en cas de défaillance d'un utilisateur de ce groupement
La commission adopte l'article 11 non modifié.
La séance, suspendue à 23 heures 45, est reprise à 23 heures 55.
Article 12 : Création de groupements fonciers agricoles d'investissement
Amendements de suppression CE450 de M. Dominique Potier, CE1286 de M. Francis Dubois, CE1784 de Mme Lisa Belluco, CE2005 de Mme Hélène Laporte, CE2046 de M. David Taupiac, CE2379 de M. André Chassaigne, CE2402 de Mme Mathilde Hignet et CE3285 de Mme Marie Pochon
Je parle très rarement à l'Assemblée nationale de mon métier, de mon identité, de ma vie privée – cela me paraît toujours un peu impudique. Je vais déroger ce soir à cette règle pour vous dire qu'issu d'une famille de petits paysans, j'ai pu travailler, hors cadre familial, avec quatre associés dont aucun n'était fils de paysan. Si nous avons pu nous lancer, c'est parce qu'il existait une politique de régulation du foncier. Sans CDOA, sans Safer, sans droit de fermage, mes associés – ce sont des amis, des frères – ne seraient jamais devenus paysans. Cette génération de notre Gaec prépare la relève, elle fait le Tour de France agri, elle milite pour l'installation et le partage de la terre, pour la plus-value et pour l'agroécologie. Cette aventure humaine, c'est la mienne comme celle de dizaines de milliers de paysans. Elle est fondée sur le partage et l'esprit d'entreprise, le second étant permis par le premier. Et ce partage, ce n'est pas seulement de la bonne volonté, de la charité ou de la fraternité : c'est d'abord le droit, la loi.
Or ce droit a été fragilisé depuis une quinzaine d'années. Le droit de préemption des Safer est fragilisé par les démembrements de propriété ; le fermage est contesté par les fonds spéculatifs, par les libéraux, par tous ceux qui veulent une dérégulation ; quant aux CDOA, elles ne sont parfois plus que l'ombre d'elles-mêmes, mal gouvernées et impuissantes à réguler des manœuvres sociétaires dilatoires et des montages d'une extrême complexité.
La priorité devrait être de réparer cette régulation du foncier et de garantir des systèmes de portage. Ce devrait être l'article 1er de cette loi, voire son article unique : que la liberté d'entreprendre soit garantie pour tous afin de renouveler les générations, d'assurer la compétitivité par un prix maîtrisé du foncier et l'accès de chacun à la possibilité d'entreprendre. Or ce projet de loi non seulement omet cela, mais il contient des dispositions dont tous les experts nous disent qu'elles risquent d'accélérer une dérégulation dont nous constatons déjà les effets et dont nous dénonçons les conséquences.
Dans notre pays, entre 65 % et 75 % des terres sont en fermage et les propriétaires ruraux possèdent en moyenne 7 hectares de terrain. On ne constate pas d'augmentation de la mise sur le marché des biens fonciers ; le marché est assez bien régulé, les familles et les amis acceptent les règles du fermage et continuent la grande aventure d'un foncier maîtrisé au service d'une agriculture nourricière qui a fait les paysages et la force de la France.
Et puis, il y a les ultralibéraux que cette originalité française agace. Depuis des années, ils cherchent des montages différents. Il y a la voie de la dérégulation. Il y a aussi la voie du portage. Ces alternatives prennent aujourd'hui la forme du GFAI, rebaptisé GFAE sans que cela change quoi que ce soit sur le fond.
C'est une rupture. Nous disposons de tous les moyens du portage. Il y a la propriété rurale. Il y a le fonds Elan du Gouvernement et de la Caisse des dépôts, qui permettra de canaliser des fonds privés, avec une gestion publique partagée, au service du portage transitoire du foncier ; cette très belle initiative annoncée aux Terres de Jim par le Président de la République a tardé à se concrétiser, mais elle grandira, j'en suis convaincu. Il y a les groupements fonciers agricoles mutuels : j'en connais un qui a permis de remembrer des friches afin que des viticulteurs puissent s'installer ; ce sont ainsi deux cents citoyens qui possèdent deux entreprises de viticulture qui enrichissent le paysage et apportent de l'innovation. Il y a Terre de liens et les formules associatives de l'économie sociale. Bref, en matière de portage du foncier, nous disposons d'un éventail de solutions très complet.
Le GFAI est une rupture, parce qu'il fait appel au financement public sans partir de la demande d'un agriculteur, mais aussi parce que, comme tous les groupements fonciers agricoles – mais avec une vision spéculative –, il échappe à toutes les formes de contrôle des structures. Par sa nature même, il ne sera pas géré de façon associative et autogérée, mais par une banque ou une assurance. L'expérience des GFAI forestiers nous a montré qu'ils terminent en montage de titrisation au Luxembourg ou dans d'autres paradis fiscaux, pour le seul bénéfice de ces banques et assureurs. Le GFAI bénéficie enfin – et c'est le comble – d'une fiscalité qui était réservée aux formes associatives et familiales et qui soutiendrait, ici, la spéculation.
Cet article 12 fait le contraire de ce que nous voulons. Nous proposons donc de le supprimer.
La création des GFAI suscite de nombreuses interrogations. On peut notamment craindre un renchérissement du foncier, qui est essentiel au bon fonctionnement de notre secteur agricole et crucial pour la souveraineté alimentaire, comme pour l'entretien et la conservation des paysages – notamment en zone d'élevage. Ce projet de loi ne traite pas suffisamment cette question.
L'article 12 pourrait réduire le rôle du chef d'exploitation sans apporter de garantie suffisante quant à l'efficacité des mesures qu'il contient ou leur adaptation aux besoins des agriculteurs. Et, dans un contexte d'utilisation croissante des terres agricoles à des fins financières au détriment de leur vocation première, les groupements fonciers agricoles d'investissement peuvent aggraver la situation.
Cet article ne répond pas aux défis réels de notre agriculture, notamment en zone d'élevage ; il pourrait constituer un danger pour nos zones rurales et ramener le grand métayage. Nous souhaitons sa suppression.
La surface agricole utile du pays est déjà contrôlée à hauteur de 14 % par des sociétés financiarisées. Cela peut paraître peu, mais c'est le double d'il y a vingt ans. Cela freine l'installation de nouveaux paysans, car ces firmes accroissent la tension sur le foncier en achetant les parts sociales des entreprises agricoles à des prix bien au-dessus du marché. En outre, elles échappent le plus souvent au contrôle des Safer, dont le rôle est d'éviter la flambée des prix des terres agricoles.
En créant ces GFAI, vous n'allez faire que renforcer cette logique de financiarisation des terres. Tous les acteurs auditionnés nous l'ont dit ; de Terre de Liens aux Safer, tous sont vent debout contre cette proposition. Les Françaises et les Français ne comprendront pas que des acteurs privés, parfois étrangers, investissent dans des terres agricoles avec la rentabilité économique pour seul objectif.
Nous souhaitons vivement la suppression de cet article parce que nous pensons que la terre est absolument nécessaire à notre survie alimentaire et qu'elle ne doit pas être financiarisée.
Cet article repose sur le postulat selon lequel il est souhaitable d'aider les agriculteurs à s'installer en leur permettant d'accéder au foncier grâce à aux investissements réalisés par des tiers. Mais on aborde le sujet par le mauvais côté : c'est la rémunération qui constitue le fond du problème. Si les agriculteurs étaient rémunérés correctement, il y aurait beaucoup moins de difficultés d'accès au foncier. En effet, comme cela a déjà été dit, de nombreux outils existent et pourraient être améliorés.
En réalité, le système que vous proposez conduira les agriculteurs à être locataires à vie d'un outil de production qu'ils ne posséderont plus. Ce n'est pas normal car, si nombre d'agriculteurs ne vivent pas de leur métier, au moins se constituent-ils un patrimoine. Cela peut faire la différence lorsque l'on est amené à discuter avec une banque en raison d'une mauvaise récolte ou d'une conjoncture défavorable.
En outre, dans le contexte actuel de déséquilibre des relations commerciales, il ne faut pas croire que le fait de ne pas avoir la charge du remboursement du foncier bénéficiera aux agriculteurs : cette marge de manœuvre sera récupérée par l'agro-industrie et par la grande distribution.
Sans vouloir porter atteinte à la sérénité du débat, on peut tout de même se demander d'où vient l'idée d'une telle mesure. Notre groupe est donc totalement défavorable à cet article.
Nous l'avons déjà dit, il manque dans ce projet de loi un volet concernant la régulation du foncier et un volet destiné à faciliter la transmission dans un cadre familial.
Notre groupe est hostile à l'article 12 dans sa rédaction actuelle, car il risque d'aboutir à une financiarisation de l'agriculture. Le nouveau dispositif est un moyen de contourner la loi Sempastous – lors de l'adoption de laquelle on savait déjà que la mise en société ne permettrait plus de réguler grand-chose.
Nous redoutons aussi le renchérissement du prix du foncier. En effet, la rentabilité agricole est très limitée : elle est fixée par des barèmes préfectoraux entre 1,2 % et 1,4 % : ce n'est pas avec cela que l'on attirera des capitaux. Le risque est donc que les investisseurs intéressés se rémunèrent par la plus-value tirée de la hausse du prix du foncier.
Par ailleurs, l'impact fiscal de la mesure n'est pas vraiment évalué et les collectivités locales risquent de perdre des droits de mutation. Il est également prévu un abattement de 18 % ou 25 % sur le revenu imposable, ce qui pourrait créer une distorsion de concurrence entre les GFAI et les agriculteurs qui achètent du foncier.
Quant au fermier, il ne pourra plus bénéficier de son droit de préemption.
Nous avons d'autres propositions, dont celle de moderniser les groupements fonciers agricoles mutuels. Il en existe vingt dans mon département. Grâce à des groupes d'une centaine d'investisseurs locaux, ils disposent chacun en moyenne d'un stock d'environ deux cents hectares, loués à quinze ou vingt agriculteurs dans le cadre de baux à long terme.
Plus que tout le reste, cette financiarisation de l'agriculture traduit votre incapacité à garantir des revenus aux agriculteurs. La question de la transmission est en effet étroitement liée à celle des revenus agricoles. Et comme vous renoncez à garantir ces derniers, vous préférez faire entrer des capitaux.
C'est précisément un modèle économique reposant sur une forme de transfert du travail des agriculteurs vers le capital qui met l'agriculture à genoux. Or, vous renforcez ce système. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons supprimer cet article.
Nous en venons à l'article scélérat de cette loi, qui vise tout simplement à tuer l'agriculture familiale au profit de l'agriculture capitaliste.
Après la seconde guerre mondiale, l'objectif constant des politiques publiques a été de s'appuyer sur des exploitations détenues par un ou deux agriculteurs d'une même famille, employant parfois un ou plusieurs salariés. Vous ouvrez une brèche énorme pour favoriser l'agriculture capitaliste, dans laquelle les facteurs de production ne seront plus possédés par l'exploitant agricole mais par d'autres acteurs, en l'occurrence financiers, n'appartenant pas au monde agricole.
Cette mesure délétère conduira à une perte de souveraineté du monde agricole en ce qui concerne le premier des facteurs de production, qui est bien évidemment la terre.
Je rappelle que, si le capital des GFAI peut être détenu par des sociétés d'investissement à capital variable (Sicav) ou des sociétés privées d'assurance, ces groupements peuvent surtout, et c'est nouveau, faire appel aux épargnants. Ces derniers détiendront des titres financiers, toucheront des dividendes et bénéficieront des mêmes avantages fiscaux que les GFA, ce qui constitue une concurrence déloyale.
La quasi-totalité des acteurs agricoles sont opposés aux GFAI, qu'il s'agisse de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, de la Coordination rurale, de la Confédération paysanne, des Safer ou du Mouvement de défense des exploitants familiaux.
Comment peut-on défendre un tel article dans un texte censé faciliter le renouvellement des générations agricoles ? Lorsque l'on soumet le sigle « GFAI » à un moteur de recherche, les deux premiers résultats sont les sites de France Valley Investissements, société de gestion de portefeuille qui se félicite de la création des GFAI, et celui de Boursier.com. Voilà quels sont les véritables bénéficiaires de la financiarisation du monde agricole !
Adopter cet article nous conduira directement au modèle britannique, dans lequel les grands investisseurs ont accaparé les terres – avec pour conséquence une explosion du prix du foncier qui pénalise toute l'agriculture. Le Royaume-Uni importe massivement des denrées alimentaires et moins de 1 % de sa population active travaille dans le secteur agricole : voilà ce vers quoi nous allons tout droit !
La seule mesure concernant le foncier dans ce texte vise donc à attirer des capitaux privés pour contribuer à l'effort d'investissement lors d'une installation en agriculture. Surtout, l'alinéa 2 précise que les capitaux ainsi levés sont investis dans l'intérêt des investisseurs.
Pour notre groupe, ces GFAI sont une impasse. Le dispositif risque d'aggraver la financiarisation, qui a déjà doublé depuis vingt ans, et la concentration des terres agricoles. Cela dépossédera encore davantage les agriculteurs de leur premier outil de travail que sont les terres agricoles.
Si le foncier n'est actuellement pas accessible, ce n'est pas uniquement par manque de capital, mais aussi en raison de son prix et de la spéculation. Or les GFAI ouvrent précisément la voie à davantage de spéculations, en pleine contradiction avec l'objectif de la loi – à savoir le renouvellement des générations et le maintien, voire l'augmentation, du nombre d'agriculteurs et d'agricultrices. C'est pour cela que les Safer, Terre de Liens et la quasi-totalité des syndicats agricoles s'opposent à cet article que tant de groupes politiques veulent supprimer.
Je vais rappeler un certain nombre d'éléments de contexte.
L'article dont nous discutons est issu d'un rapport sur la transmission familiale du foncier et des exploitations viticoles et l'encouragement à l'installation des jeunes, que j'avais remis au Premier ministre il y a deux ans.
Je vous ai présenté cet après-midi la traduction d'un certain nombre de mes propositions en matière d'allègement de la fiscalité des droits de mutation. Le deuxième volet concernait la création d'un outil de portage du foncier, dans un contexte d'accélération indéniable de la mise sur le marché des terres prochainement libérées. Ce phénomène va nécessiter des fonds importants et il convient de canaliser les flux financiers afin de pouvoir mieux installer les jeunes.
Dans le cadre de la concertation qui a précédé la rédaction du projet de loi, le groupe de travail n° 2 a souhaité que soit développé un outil de portage du foncier – chacun peut consulter la synthèse de ses propositions.
J'avais moi-même proposé la mise en place d'un tel outil s'agissant de la viticulture. Je rappelle également que le Sénat a adopté en première lecture la proposition de loi visant à associer les épargnants à la transmission des exploitations agricoles françaises, laquelle prévoit la création de GFAE.
Il me semble nécessaire de dépassionner le débat et d'éviter les excès, par exemple en nous accusant de chercher à tout financiariser. Loin de moi l'idée de mettre en place un système où la terre serait instrumentalisée pour servir les intérêts d'investisseurs, quels qu'ils soient. Ce n'est pas du tout l'objet du dispositif qui vous est proposé, dont je rappelle qu'il est similaire à celui voté par le Sénat.
Ce dispositif complémentaire a pour but d'attirer de l'épargne, afin de permettre aux groupements d'acheter du foncier pour ensuite le louer à des agriculteurs qui s'installent, dans un contexte où un nombre croissant de nouveaux exploitants ne sont pas issus du milieu agricole et ne reprennent pas une installation familiale – c'est une réalité.
J'avais déposé une proposition de loi qui consistait simplement à reprendre l'architecture des groupements forestiers d'investissement pour créer les « GFAI » – que je propose de renommer « GFAE » dans l'amendement CE3395 qui viendra plus loin – car cela permettait de recevoir des fonds publics, qui constituent une garantie. Ni plus, ni moins.
Lors de nos auditions, j'ai bien compris que ce projet suscite des irritations et des inquiétudes, en particulier s'agissant de la financiarisation. C'est ce qui m'a conduit à proposer une nouvelle rédaction pour mieux expliquer le but, le fonctionnement et les garanties des GFAE.
Ces groupements ont pour objet de lever des capitaux en vue d'acquérir, détenir et conserver des biens immobiliers à usage ou vocation agricole et de les mettre à disposition d'exploitants agricoles, pour l'exercice d'une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, dans le cadre de baux à long terme. Un GFAE « conclut en priorité les baux à long terme qu'il signe avec des porteurs de projets d'installation » : la priorité est donc bien donnée à l'installation.
Le droit commun en matière de protection de l'usage des terres agricoles s'applique, avec le statut des baux ruraux, le contrôle des structures ainsi que le contrôle par les Safer en cas de cessions de parts. Tout cela apporte des garanties. Le dispositif que nous proposons est très proche de celui des GFA.
En outre, un certain nombre d'acteurs, notamment publics – à commencer par les régions, les établissements publics de coopération intercommunale et les communes – pourront investir dans les GFAE pour assurer un portage du foncier agricole, ainsi que les sociétés ayant pour objet le portage du foncier agricole qui sont majoritairement détenues par des personnes publiques, comme le fonds Elan.
Je ne vois donc pas comment appeler cela de la « financiarisation » : nous ne faisons que renforcer le contrôle et transposer des dispositifs qui existent dans le cadre des GFA. La seule chose qui change est l'ouverture du financement de ces nouvelles structures à des investisseurs extérieurs, aussi bien individuels qu'institutionnels. Le volume de leurs investissements est limité puisque, comme pour les GFA, il ne peut pas dépasser 30 SMA (surfaces minimales d'assujettissement). Tout cela est également protégé par un dispositif fiscal.
Je ne vois encore une fois dans ce dispositif ni aberration, ni financiarisation. Nous avons prévu des outils de contrôle. Nous ouvrons les GFAI à des investisseurs extérieurs par le biais de l'appel public à l'épargne parce qu'il faut doper ces structures afin de faire face aux importants enjeux financiers qui sont devant nous concernant le portage du foncier agricole.
Bien entendu, la réécriture que je propose pourra faire l'objet d'améliorations.
Cet article complète les dispositifs que nous avons instaurés ces derniers mois, en particulier le fonds de portage du foncier. Nous pensons qu'il sera utile, car un grand nombre de terrains agricoles vont changer de propriétaires dans les dix prochaines années. Outre le fait que cela représente un volume important, ces transmissions s'effectueront beaucoup moins qu'auparavant dans un cadre familial, ce qui pose un problème de portage du foncier.
L'objet du fonds de portage du foncier, qui sera déployé en juin ou début juillet, est d'éviter, pendant le temps que dure l'installation, qui est variable selon les exploitations, d'avoir à supporter la charge du foncier, laquelle est de plus en plus lourde.
L'augmentation du prix du foncier est déjà une réalité : elle n'est pas le résultat du projet de création des GFAI. On constate d'ailleurs que le prix du foncier en France, plus bas que dans le reste de l'Europe, était jusqu'à présent l'un de nos rares éléments de compétitivité. C'est la rareté des terres qui est à l'origine de l'augmentation des prix.
Par ailleurs, un certain nombre de gens qui ne font pas du tout partie du monde agricole investissent de plus en plus dans les terres agricoles. Beaucoup d'entre eux refusent de louer ces terres et préfèrent recourir au travail à façon. De cette manière, ils peuvent exploiter plusieurs milliers d'hectares sans que cela apparaisse comme une grande structure.
Vous avez élaboré des dispositifs afin de réguler l'accès au foncier, dont notamment la loi Sempastous. Il est sans doute nécessaire de dresser le bilan de celle-ci, mais nous aurons de toute manière besoin que des fonds privés soient investis dans l'agriculture. Cela n'enlève rien à la nécessité de lui apporter des fonds publics et je rappelle que le fonds Entrepreneurs du vivant est doté de 400 M€.
Telles sont les raisons qui ont conduit à proposer la création des GFAI.
En effet, dans la réalité, les GFA rencontrent des difficultés pour collecter des capitaux auprès des particuliers. Ils ne peuvent pas procéder à une offre publique pour la vente de leurs parts sociales, la responsabilité des associés est illimitée, il n'existe pas de marché des parts sociales de GFA et les négociations sont difficiles lorsqu'un associé veut en sortir.
En créant les GFAI, nous faciliterons l'accès au foncier pour les futurs exploitants, en particulier les nouveaux installés, et encore plus ceux qui ne sont pas issus du monde agricole. Cet article permet donc de lever des capitaux en vue d'acquérir, détenir et conserver des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole et de les mettre à disposition. Nous estimons à environ 100 M€ par an la taille de ce marché.
Comme l'a rappelé le rapporteur général, cette mesure ne constitue pas une surprise. Elle résulte des concertations organisées dans le cadre du pacte et de la loi d'orientation et d'avenir agricoles.
Le Gouvernement et le ministre de l'agriculture n'ont en aucune manière l'intention de déréguler le foncier. Si tel avait été notre souhait, nous aurions dit qu'il suffisait de s'en remettre au privé et nous n'aurions pas pris la peine de créer le fonds Entrepreneurs du vivant et d'accorder des moyens aux établissements publics fonciers et aux Safer. Nous avons pris notre part de responsabilité, mais nous avons aussi besoin du privé en raison de la masse des capitaux qui va être nécessaire du fait de l'arrivée sur le marché d'une grande quantité de terres agricoles et de la diminution des transmissions familiales. D'ailleurs, même lorsqu'elles interviennent dans un cadre familial, les transmissions d'exploitation deviennent difficiles.
Avec le rapporteur général et les rapporteurs, nous avons entendu les craintes qui se sont exprimées. Nous proposons donc de prévoir plus explicitement que les GFAI sont destinés à faciliter l'installation, comme le souhaitent un certain nombre de groupes. C'était bien entendu l'objet de la mesure, mais il est utile de le souligner. Tel est l'objet de la nouvelle rédaction qui vous sera proposée tout à l'heure.
Certains, en particulier au groupe Horizons et apparentés, voulaient aussi que ce dispositif soit l'occasion de renforcer la loi Sempastous. Ce souhait est déjà satisfait selon nous, mais l'amendement de réécriture globale du rapporteur général en tient également compte.
Enfin, les dispositions en matière de vente des biens immobiliers évitent de courir le risque que l'exploitant agricole se trouve dépossédé.
Notre intention est donc bien de favoriser la levée de capitaux privés pour aider à l'installation et à la transmission, en complément des fonds publics. La puissance publique ne pourra pas fournir à elle seule les sommes dont l'agriculture a besoin. Si nous n'attirons pas des fonds privés, au bout du compte, seuls ceux qui en ont les moyens pourront, comme aujourd'hui, s'agrandir – et vous ne pourrez pas les empêcher d'acquérir du foncier. Les GFAI permettent d'éviter cet écueil que nous avons déjà sous les yeux.
Je termine en évoquant les groupements forestiers d'investissement, créés en 2014 par la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt présentée par le ministre Stéphane Le Foll. Que l'on me donne un exemple de dévoiement de ce dispositif, qui existe depuis dix ans ! Je n'en ai vu aucun et je ne partage pas l'opinion de M. Potier sur leur compte. Le prix des forêts a augmenté, mais pour des raisons liées aux enjeux du stockage de carbone. Les groupements forestiers d'investissement n'y sont pour rien et ils ne sont pas des instruments de spéculation.
On cherche parfois à se faire peur avec des dispositifs dont on a pourtant des exemples réussis sous les yeux. Ce qui a marché pour la forêt doit aussi pouvoir marcher pour l'agriculture. C'est la raison pour laquelle je donne un avis défavorable à ces amendements de suppression, en attendant de pouvoir discuter du fond avec les amendements.
Comme les autres rapporteurs, j'ai assisté à toutes les auditions et nous nous sommes très vite aperçus que ce dispositif de GFAI ne donnait pas satisfaction. N'oublions pas que le monde agricole et la société nous regardent et que nous sommes responsables de l'avenir de notre agriculture.
Le foncier est un élément essentiel pour produire des denrées alimentaires. Nous avons pris la mesure des critiques formulées contre cet article. Un amendement de réécriture est proposé. Il offre un angle différent, en insistant sur la notion d'épargnants et en liant le dispositif à l'octroi de baux de long terme, ce qui sécurise l'installation des jeunes agriculteurs.
Il serait regrettable d'adopter ces amendements de suppression, car cela nous priverait de la possibilité d'améliorer encore la proposition du rapporteur général, si tant est qu'il en soit encore besoin.
Dans cette affaire des GFAI, le problème est que l'on aborde par le biais du prix la question du foncier, alors qu'il manque dans ce texte un véritable volet destiné à réguler ce dernier.
Or c'est la régulation qui permet aux éleveurs de Bretagne de pouvoir encore acquérir des terres destinées à l'élevage, pour un prix compris entre 4 000 et 10 000 euros par hectare. Le dispositif qui nous est proposé est certainement utile dans des régions où les terres ont atteint une telle valeur qu'elles sont devenues inaccessibles pour une personne physique, avec un prix qui peut s'élever à un million d'euros par hectare.
Dans ma région et en l'état actuel des choses, tous les éleveurs et toutes les organisations professionnelles agricoles sont opposés à cet outil – d'aucuns disent ici que c'est le cas dans toute la France.
Les conditions ne sont pas réunies ce soir pour adopter ce dispositif. Je ne le voterai pas.
Je souhaite, Monsieur le ministre, que l'on travaille plutôt sur les Safer, qui ont jusqu'à présent joué un rôle majeur en matière de régulation, de préemption et de partage des terres agricoles. J'avais d'ailleurs déposé un amendement qui visait à expérimenter la fusion des Safer et des CDOA en leur accordant plus de missions et de moyens, en échange de davantage de transparence.
Mais il faut traiter le sujet du partage et de la régulation, pour permettre à de nouveaux exploitants d'acquérir des terres et de s'installer. Plus tard, on pourra sans doute envisager un outil comme le GFAI, mais en le réservant dans un premier temps aux grandes régions viticoles.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article 12 est supprimé et les autres amendements tombent.
Je prends acte de ce vote, mais le problème n'en reste pas moins entier. D'abord, il faut sécuriser les choses. C'est d'ailleurs ce que proposait l'amendement de réécriture du rapporteur général. Ensuite se pose la question de la régulation, évoquée par Monsieur Benoit, et singulièrement de sa gouvernance.
Certains d'entre vous, y compris parmi ceux qui ont voté pour la suppression de l'article, pensent que nous avons bel et bien besoin de fonds privés pour faire face au défi du renouvellement des générations. Je propose que l'on travaille à une rédaction qui s'appuie sur le travail de vos rapporteurs en reprenant les deux éléments soulevés par Monsieur Benoit. Cela nous permettrait d'avoir un débat un peu plus serein sur un sujet primordial pour l'agriculture.
Monsieur le ministre, nous sommes disponibles depuis des années pour travailler sur une grande loi foncière. Le vote de ce soir exprime une très forte attente des professions agricoles, de la société et des politiques. Lançons ce chantier !
Je salue le travail du rapporteur général et des rapporteurs pour réécrire l'article à la sortie de leurs auditions.
Nous ne pouvons pas demeurer dans la situation qui résulte de ce vote et nous laver les mains de la suite. D'ici à la séance publique, il va falloir trouver les compromis nécessaires et de nouveau améliorer le texte, en tenant compte des amendements déposés par les membres de cette commission. Il faut sortir par le haut de cette affaire : l'urgence commande que nous apportions des solutions, que nous devons construire avec les services du ministre et avec le ministre lui-même.
Après l'article 12
Amendement CE1903 de M. Charles de Courson
L'article 12 ayant été supprimé, cet amendement n'a plus d'objet, puisqu'il portait sur le GFAI. Il est retiré.
L'amendement est retiré.
Amendements identiques CE1200 de M. Hubert Brigand et CE2266 de M. Thierry Benoit
Ces amendements donnent la possibilité à toute personne physique ou morale, publique ou privée, d'intégrer une entreprise de travaux agricoles. Il me semble important de conserver une prééminence pour les exploitants agricoles. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
L'amendement CE1370 de M. Charles de Courson est retiré.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CE3334 de M. Henri Alfandari
Amendement CE3111 de M. Jean-Paul Mattei
Il s'agit de permettre à une personne prévoyant de cesser son activité agricole de se maintenir dans un Gaec pourvu qu'elle s'engage à transmettre ses terres à un nouveau membre du Gaec, dans des conditions et dans un délai définis par décret.
C'est une idée très séduisante, un peu comme si deux vaisseaux spatiaux se rencontraient au moment où l'un arrive et l'autre part, et que le second accompagnait le premier un petit moment. Cela permet une transition plus douce et la réduction des charges au moment de la transmission. Sagesse.
Je voudrais dire aussi que la suppression de l'article 12 et du dispositif du GFAI n'est pas grave : ce qui importe, c'est que nous trouvions les bonnes conditions économiques pour le rachat des exploitations. Le besoin de financement pour les dix prochaines années est de 25 milliards d'euros (Md€). Nous avions prévu avec le rapporteur général, dans un amendement de réécriture de l'article 12, que les banques publiques d'investissement puissent participer à un GFAE pour pouvoir réaliser des portages public-privé. Nous n'aurons pas d'autre choix que de passer par des partenariats public-privé pour assurer la transmission, en particulier pour les personnes qui ne sont pas issues du milieu agricole. Il faut y réfléchir ensemble. Je rappelle que nous devons être capables de financer en dix ans l'installation de 170 000 exploitants nouveaux sur des terres qu'ils n'ont pas les moyens d'acheter.
Le Gaec, dont l'objet est la mise en commun par les associés de l'ensemble ou d'une partie de leur activité de production agricole, est une structure très encadrée par le droit. Il repose sur le principe fondamental de la participation effective des associés aux travaux en commun, à titre exclusif et à temps complet. Ces spécificités font que le Gaec est la seule forme sociétaire à bénéficier de la transparence des aides, nationales ou de la PAC. Cela n'a pas été facile à obtenir s'agissant des aides de la PAC, car la Commission européenne a du mal à comprendre les Gaec, spécificité française.
Permettre qu'une personne reste membre d'un Gaec, voire continue donc à toucher des aides, alors qu'elle a cessé toute activité agricole remettrait en cause le statut même du Gaec, y compris au niveau européen. Pour répondre à la préoccupation du président Mattei, je rappelle que des dispositions permettent déjà d'assurer une transition pendant un délai d'un an.
Pour ces raisons, je demande le retrait de l'amendement. À défaut, avis défavorable.
On voit bien en effet, sur le terrain, que des transmissions progressives se font au sein de Gaec.
L'amendement de réécriture de l'article 12 ne prévoit pas du tout un modèle d'économie mixte : il n'y est pas dit que les organismes publics doivent participer au capital des GFAE, mais simplement qu'ils le peuvent. Dans le contexte de prédation financière des terres, il faut garantir à la terre un statut particulier de bien commun avec des régulations spécifiques allant bien au-delà du cadre actuel.
Si je peux me permettre, je pense que la loi ne peut pas utiliser le verbe « devoir », car cela revient à une injonction.
La voie choisie par le président Mattei ne nous semble pas être la bonne, mais il en existe sans doute d'autres qui permettraient d'atteindre le même objectif.
Cette discussion rejoint celle que nous avions tout à l'heure sur le droit à l'essai : il y a sans doute quelque chose à construire autour de notre volonté commune de favoriser un processus de cession dans la durée.
L'amendement est retiré.
Amendement CE2732 de M. Charles Fournier
Cet amendement vise à démocratiser la prise de décision dans les groupements fonciers agricoles. En l'état du droit, le droit de vote doit y être proportionnel à la quotité de capital que représentent les parts détenues lorsque les statuts obligent le groupement à donner à bail la totalité de son patrimoine immobilier, même en présence d'une clause contraire. Cette modalité de prise de décision peut créer un effet repoussoir qui ne favorise pas l'installation en agriculture.
Cet amendement élaboré avec Terre de liens garantit la liberté contractuelle des associés tout en leur conférant une plus grande flexibilité dans l'administration de leur groupement. Il permet par exemple une prise de décision plus démocratique selon le principe « un associé, une voix », comme dans les sociétés civiles immobilières.
La création des GFAE ne doit pas être l'occasion de déstabiliser ce qui fonctionne bien, comme c'est le cas des GFA. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CE363 de M. Julien Dive, CE447 de Mme Véronique Louwagie, CE949 de M. Francis Dubois, CE1516 de M. Dominique Potier, CE1522 de M. Jean-Pierre Vigier, CE1566 de M. Charles de Courson et CE3350 de Mme Anne-Cécile Violland
Il s'agit d'apporter une certaine souplesse s'agissant des activités commerciales exercées par les sociétés civiles agricoles, en autorisant ces dernières à pratiquer des activités commerciales accessoires, mais seulement à hauteur de 10 000 euros et dans la limite de 50 % du chiffre d'affaires, avec application de la transparence Gaec pour le seuil de 10 000 euros, sans remise en cause de la structure Gaec, comme c'est déjà le cas pour les travaux de déneigement ou de salage. Au-delà de ces seuils de tolérance, la constitution d'une société commerciale demeurera requise.
Cet amendement est inspiré par le cas de deux jeunes éleveurs de Corrèze qui m'ont alerté sur les difficultés qu'ils rencontraient pour satisfaire leur clientèle en complétant leur gamme par l'achat et la revente d'œufs.
Les exploitants agricoles, sous forme de Gaec ou sous forme traditionnelle, voient leur activité commerciale limitée, ce qui est normal puisque leur régime fiscal est différent. Toutefois, il peut sembler aberrant de créer une société ad hoc pour gérer une activité commerciale de cinq mille ou sept mille euros de recettes. Nous proposons donc d'autoriser les exploitants agricoles à exercer une activité commerciale accessoire à hauteur de 10 000 euros – montant qui peut être discuté.
L'idée est de donner un peu de souplesse. Il ne s'agit pas d'une mesure de défiscalisation au profit des plus puissants : elle bénéficiera à ceux qui se donnent la peine, à côté de leur élevage, de faire un peu de yaourt ou de saucisson.
La situation est assez bizarre. Fiscalement, les revenus tirés des activités accessoires peuvent atteindre 100 000 euros et 50 % du chiffre d'affaires, mais en droit civil, les sociétés civiles n'y ont pas droit dès lors qu'il s'agit d'actes d'achat-revente de complément.
Pour éviter aux exploitants d'avoir à constituer une société commerciale, la solution consiste à autoriser les sociétés civiles agricoles à pratiquer, à la marge, des activités commerciales accessoires, mais seulement à hauteur de 10 000 euros – dans le cas d'un Gaec, ce montant serait multiplié par le nombre de membres – et dans la limite de 50 % du chiffre d'affaires.
Il me semble plus simple, pour les associés d'un Gaec souhaitant mener une activité commerciale accessoire, de créer une société commerciale distincte, afin de préserver la spécificité du Gaec. Avis défavorable.
Le problème n'est pas simple – il se pose d'ailleurs depuis longtemps.
Les activités agricoles ont un caractère civil. Les formes juridiques des sociétés civiles agricoles sont spécifiques : exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL), Gaec, SCEA, GFA… Le cadre des sociétés commerciales est différent, leur régime fiscal également et je ne pense pas que la séparation entre les deux permette d'appliquer la solution proposée par ces amendements. Mais j'entends votre demande et je vais regarder ce qui est envisageable d'ici à la séance.
Avis défavorable.
Ces amendements ne posent aucun problème en droit fiscal, puisqu'ils prévoient une limite très basse de 10 000 euros. En dessous, les bénéfices sont considérés comme des bénéfices agricoles. Au-delà, ils deviennent des bénéfices industriels et commerciaux et il faut créer une société commerciale.
Je rappelle en outre que les activités énergétiques d'une exploitation agricole peuvent bénéficier, jusqu'à un montant beaucoup plus élevé, du régime des bénéfices agricoles. Ces amendements sont donc très raisonnables.
Les amendements sont adoptés.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du vendredi 3 mai 2024 à 21 h 35
Présents. – M. Antoine Armand, Mme Anne-Laure Babault, Mme Nathalie Bassire, Mme Delphine Batho, Mme Lisa Belluco, M. Thierry Benoit, Mme Anne-Laure Blin, M. Philippe Bolo, M. Benoît Bordat, Mme Françoise Buffet, M. Charles de Courson, M. Frédéric Descrozaille, M. Julien Dive, M. Francis Dubois, M. Frédéric Falcon, M. Grégoire de Fournas, Mme Florence Goulet, Mme Mathilde Hignet, M. Alexis Izard, Mme Chantal Jourdan, M. Luc Lamirault, M. Pascal Lavergne, Mme Nicole Le Peih, M. Pascal Lecamp, M. Aurélien Lopez-Liguori, Mme Sandra Marsaud, M. Éric Martineau, M. Nicolas Meizonnet, Mme Manon Meunier, M. Yannick Monnet, Mme Louise Morel, M. Philippe Naillet, Mme Marie Pochon, M. Dominique Potier, M. Jean-François Rousset, Mme Danielle Simonnet, M. David Taupiac, Mme Mélanie Thomin, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier