Je vais rappeler un certain nombre d'éléments de contexte.
L'article dont nous discutons est issu d'un rapport sur la transmission familiale du foncier et des exploitations viticoles et l'encouragement à l'installation des jeunes, que j'avais remis au Premier ministre il y a deux ans.
Je vous ai présenté cet après-midi la traduction d'un certain nombre de mes propositions en matière d'allègement de la fiscalité des droits de mutation. Le deuxième volet concernait la création d'un outil de portage du foncier, dans un contexte d'accélération indéniable de la mise sur le marché des terres prochainement libérées. Ce phénomène va nécessiter des fonds importants et il convient de canaliser les flux financiers afin de pouvoir mieux installer les jeunes.
Dans le cadre de la concertation qui a précédé la rédaction du projet de loi, le groupe de travail n° 2 a souhaité que soit développé un outil de portage du foncier – chacun peut consulter la synthèse de ses propositions.
J'avais moi-même proposé la mise en place d'un tel outil s'agissant de la viticulture. Je rappelle également que le Sénat a adopté en première lecture la proposition de loi visant à associer les épargnants à la transmission des exploitations agricoles françaises, laquelle prévoit la création de GFAE.
Il me semble nécessaire de dépassionner le débat et d'éviter les excès, par exemple en nous accusant de chercher à tout financiariser. Loin de moi l'idée de mettre en place un système où la terre serait instrumentalisée pour servir les intérêts d'investisseurs, quels qu'ils soient. Ce n'est pas du tout l'objet du dispositif qui vous est proposé, dont je rappelle qu'il est similaire à celui voté par le Sénat.
Ce dispositif complémentaire a pour but d'attirer de l'épargne, afin de permettre aux groupements d'acheter du foncier pour ensuite le louer à des agriculteurs qui s'installent, dans un contexte où un nombre croissant de nouveaux exploitants ne sont pas issus du milieu agricole et ne reprennent pas une installation familiale – c'est une réalité.
J'avais déposé une proposition de loi qui consistait simplement à reprendre l'architecture des groupements forestiers d'investissement pour créer les « GFAI » – que je propose de renommer « GFAE » dans l'amendement CE3395 qui viendra plus loin – car cela permettait de recevoir des fonds publics, qui constituent une garantie. Ni plus, ni moins.
Lors de nos auditions, j'ai bien compris que ce projet suscite des irritations et des inquiétudes, en particulier s'agissant de la financiarisation. C'est ce qui m'a conduit à proposer une nouvelle rédaction pour mieux expliquer le but, le fonctionnement et les garanties des GFAE.
Ces groupements ont pour objet de lever des capitaux en vue d'acquérir, détenir et conserver des biens immobiliers à usage ou vocation agricole et de les mettre à disposition d'exploitants agricoles, pour l'exercice d'une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, dans le cadre de baux à long terme. Un GFAE « conclut en priorité les baux à long terme qu'il signe avec des porteurs de projets d'installation » : la priorité est donc bien donnée à l'installation.
Le droit commun en matière de protection de l'usage des terres agricoles s'applique, avec le statut des baux ruraux, le contrôle des structures ainsi que le contrôle par les Safer en cas de cessions de parts. Tout cela apporte des garanties. Le dispositif que nous proposons est très proche de celui des GFA.
En outre, un certain nombre d'acteurs, notamment publics – à commencer par les régions, les établissements publics de coopération intercommunale et les communes – pourront investir dans les GFAE pour assurer un portage du foncier agricole, ainsi que les sociétés ayant pour objet le portage du foncier agricole qui sont majoritairement détenues par des personnes publiques, comme le fonds Elan.
Je ne vois donc pas comment appeler cela de la « financiarisation » : nous ne faisons que renforcer le contrôle et transposer des dispositifs qui existent dans le cadre des GFA. La seule chose qui change est l'ouverture du financement de ces nouvelles structures à des investisseurs extérieurs, aussi bien individuels qu'institutionnels. Le volume de leurs investissements est limité puisque, comme pour les GFA, il ne peut pas dépasser 30 SMA (surfaces minimales d'assujettissement). Tout cela est également protégé par un dispositif fiscal.
Je ne vois encore une fois dans ce dispositif ni aberration, ni financiarisation. Nous avons prévu des outils de contrôle. Nous ouvrons les GFAI à des investisseurs extérieurs par le biais de l'appel public à l'épargne parce qu'il faut doper ces structures afin de faire face aux importants enjeux financiers qui sont devant nous concernant le portage du foncier agricole.
Bien entendu, la réécriture que je propose pourra faire l'objet d'améliorations.