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Intervention de Marc Fesneau

Réunion du vendredi 3 mai 2024 à 21h30
Commission des affaires économiques

Marc Fesneau, ministre :

Cet article complète les dispositifs que nous avons instaurés ces derniers mois, en particulier le fonds de portage du foncier. Nous pensons qu'il sera utile, car un grand nombre de terrains agricoles vont changer de propriétaires dans les dix prochaines années. Outre le fait que cela représente un volume important, ces transmissions s'effectueront beaucoup moins qu'auparavant dans un cadre familial, ce qui pose un problème de portage du foncier.

L'objet du fonds de portage du foncier, qui sera déployé en juin ou début juillet, est d'éviter, pendant le temps que dure l'installation, qui est variable selon les exploitations, d'avoir à supporter la charge du foncier, laquelle est de plus en plus lourde.

L'augmentation du prix du foncier est déjà une réalité : elle n'est pas le résultat du projet de création des GFAI. On constate d'ailleurs que le prix du foncier en France, plus bas que dans le reste de l'Europe, était jusqu'à présent l'un de nos rares éléments de compétitivité. C'est la rareté des terres qui est à l'origine de l'augmentation des prix.

Par ailleurs, un certain nombre de gens qui ne font pas du tout partie du monde agricole investissent de plus en plus dans les terres agricoles. Beaucoup d'entre eux refusent de louer ces terres et préfèrent recourir au travail à façon. De cette manière, ils peuvent exploiter plusieurs milliers d'hectares sans que cela apparaisse comme une grande structure.

Vous avez élaboré des dispositifs afin de réguler l'accès au foncier, dont notamment la loi Sempastous. Il est sans doute nécessaire de dresser le bilan de celle-ci, mais nous aurons de toute manière besoin que des fonds privés soient investis dans l'agriculture. Cela n'enlève rien à la nécessité de lui apporter des fonds publics et je rappelle que le fonds Entrepreneurs du vivant est doté de 400 M€.

Telles sont les raisons qui ont conduit à proposer la création des GFAI.

En effet, dans la réalité, les GFA rencontrent des difficultés pour collecter des capitaux auprès des particuliers. Ils ne peuvent pas procéder à une offre publique pour la vente de leurs parts sociales, la responsabilité des associés est illimitée, il n'existe pas de marché des parts sociales de GFA et les négociations sont difficiles lorsqu'un associé veut en sortir.

En créant les GFAI, nous faciliterons l'accès au foncier pour les futurs exploitants, en particulier les nouveaux installés, et encore plus ceux qui ne sont pas issus du monde agricole. Cet article permet donc de lever des capitaux en vue d'acquérir, détenir et conserver des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole et de les mettre à disposition. Nous estimons à environ 100 M€ par an la taille de ce marché.

Comme l'a rappelé le rapporteur général, cette mesure ne constitue pas une surprise. Elle résulte des concertations organisées dans le cadre du pacte et de la loi d'orientation et d'avenir agricoles.

Le Gouvernement et le ministre de l'agriculture n'ont en aucune manière l'intention de déréguler le foncier. Si tel avait été notre souhait, nous aurions dit qu'il suffisait de s'en remettre au privé et nous n'aurions pas pris la peine de créer le fonds Entrepreneurs du vivant et d'accorder des moyens aux établissements publics fonciers et aux Safer. Nous avons pris notre part de responsabilité, mais nous avons aussi besoin du privé en raison de la masse des capitaux qui va être nécessaire du fait de l'arrivée sur le marché d'une grande quantité de terres agricoles et de la diminution des transmissions familiales. D'ailleurs, même lorsqu'elles interviennent dans un cadre familial, les transmissions d'exploitation deviennent difficiles.

Avec le rapporteur général et les rapporteurs, nous avons entendu les craintes qui se sont exprimées. Nous proposons donc de prévoir plus explicitement que les GFAI sont destinés à faciliter l'installation, comme le souhaitent un certain nombre de groupes. C'était bien entendu l'objet de la mesure, mais il est utile de le souligner. Tel est l'objet de la nouvelle rédaction qui vous sera proposée tout à l'heure.

Certains, en particulier au groupe Horizons et apparentés, voulaient aussi que ce dispositif soit l'occasion de renforcer la loi Sempastous. Ce souhait est déjà satisfait selon nous, mais l'amendement de réécriture globale du rapporteur général en tient également compte.

Enfin, les dispositions en matière de vente des biens immobiliers évitent de courir le risque que l'exploitant agricole se trouve dépossédé.

Notre intention est donc bien de favoriser la levée de capitaux privés pour aider à l'installation et à la transmission, en complément des fonds publics. La puissance publique ne pourra pas fournir à elle seule les sommes dont l'agriculture a besoin. Si nous n'attirons pas des fonds privés, au bout du compte, seuls ceux qui en ont les moyens pourront, comme aujourd'hui, s'agrandir – et vous ne pourrez pas les empêcher d'acquérir du foncier. Les GFAI permettent d'éviter cet écueil que nous avons déjà sous les yeux.

Je termine en évoquant les groupements forestiers d'investissement, créés en 2014 par la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt présentée par le ministre Stéphane Le Foll. Que l'on me donne un exemple de dévoiement de ce dispositif, qui existe depuis dix ans ! Je n'en ai vu aucun et je ne partage pas l'opinion de M. Potier sur leur compte. Le prix des forêts a augmenté, mais pour des raisons liées aux enjeux du stockage de carbone. Les groupements forestiers d'investissement n'y sont pour rien et ils ne sont pas des instruments de spéculation.

On cherche parfois à se faire peur avec des dispositifs dont on a pourtant des exemples réussis sous les yeux. Ce qui a marché pour la forêt doit aussi pouvoir marcher pour l'agriculture. C'est la raison pour laquelle je donne un avis défavorable à ces amendements de suppression, en attendant de pouvoir discuter du fond avec les amendements.

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