La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 1538 à l'article 10 bis .
Nous revenons par cet amendement sur la question de la définition d'un taux d'encadrement permettant de répondre aux besoins fondamentaux des enfants.
En France, le taux d'encadrement est plus faible que la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui est de cinq enfants par adulte. Les données montrent que des taux d'encadrement plus élevés sont systématiquement associés à des relations de meilleure qualité entre le personnel et les enfants dans les établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE).
Selon l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), le niveau de normes en termes de taux d'encadrement ne répond pas aux standards dégagés par le consensus scientifique et ne permet pas à ce jour de garantir un accueil de qualité. Je cite le rapport de l'Igas : « Ces normes doivent être considérées comme un plancher réglementaire permettant d'assurer la sécurité des enfants, et non comme un optimum. »
Il est donc urgent de faire du taux d'encadrement et de son respect un critère primordial du respect des besoins fondamentaux de l'enfant.
La parole est à Mme Christine Le Nabour, rapporteure de la commission des affaires sociales pour les titres III, IV et V, pour donner l'avis de la commission.
La parole est à Mme la ministre des solidarités et des familles, pour donner l'avis du Gouvernement.
Votre amendement aurait pour effet de réduire les référentiels au taux d'encadrement, alors qu'ils portent aussi sur d'autres indicateurs. Par conséquent, avis défavorable.
L'amendement n° 1538 n'est pas adopté.
Il propose de soumettre l'ensemble des établissements et services d'accueil du jeune enfant à un régime d'autorisation quel que soit leur statut juridique, conformément à l'une des recommandations du rapport de l'Igas diligenté après le décès tragique d'une petite fille dans une crèche lyonnaise il y a un peu plus d'un an. Il vise également à rendre plus lisible l'instauration d'une autorisation préalable pour la création, l'extension ou la transformation de ces établissements, qui sera délivrée par l'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant.
Le décès de cette petite fille et plusieurs cas de maltraitance nous le rappellent, il est important de suivre les recommandations du rapport de l'Igas en renforçant ces pouvoirs de contrôle et en les organisant mieux.
La parole est à M. Didier Le Gac, pour soutenir le sous-amendement n° 1968 .
Il vise à préciser que le préfet aura un rôle de coordination dans l'élaboration du plan annuel départemental d'inspection et de contrôle des établissements et services d'accueil de jeunes enfants. Les mots « sous la coordination du » remplaceraient donc les mots « par le » à l'alinéa 10, tandis que les mots « en lien » remplaceraient le mot « conjointement » à l'alinéa 14.
La parole est à M. Romain Daubié, pour soutenir le sous-amendement n° 1969 .
Nous nous souvenons tous du décès tragique de cette enfant à Lyon en juin 2022. Le rôle du législateur est de mettre en place les outils de contrôle pour que tout parent qui laisse son enfant le matin dans une crèche avant d'aller travailler puisse le faire en toute sécurité, sans être pris d'un doute sur les conditions d'accueil de son enfant.
Le contrôle du préfet est l'un de ces outils et cet amendement vise à préciser que le préfet aura un rôle de coordination dans le processus de délivrance de l'autorisation préalable.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et les sous-amendements ?
Il me semble que l'adoption de l'amendement n° 1570 ferait tomber plusieurs amendements, notamment l'amendement n° 421 , que je devais présenter et qui se trouverait satisfait par cette adoption. Pour la clarté de nos débats, pourriez-vous, madame la présidente, préciser quels sont les amendements qui tomberaient ?
Je souhaite en effet m'assurer que l'amendement n° 1570 répond à notre préoccupation de mettre en cohérence les responsabilités et les missions, car cela n'a pas été clairement exposé par Mme la ministre dans la défense de son amendement.
Toujours pour la clarté de nos débats, je voudrais rappeler que l'article 10 bis, dans sa version initiale, exige un avis favorable de l'autorité organisatrice pour l'ouverture d'un EAJE. Il permet donc d'éviter qu'une crèche privée s'installe sur un territoire sur lequel une collectivité a elle-même un projet d'ouverture de crèche.
Madame la ministre, je me permets de décrypter votre amendement : il étend la nécessité de l'avis favorable aux établissements publics, ce à quoi nous nous opposons. Nous sommes en effet favorables au maintien de la rédaction initiale de l'article, qui apporte une solution à la difficulté que nous rencontrons sur certains territoires face aux grands groupes de crèches. Ceux-ci ouvrent des microcrèches un peu partout, au risque de déstabiliser les projets des collectivités.
Nous sommes donc défavorables à cet amendement, car le contrôle doit être centré sur le privé, ainsi que vous l'aviez proposé initialement.
Notre objectif est de renforcer le contrôle, quel que soit le modèle économique ou le statut juridique de l'établissement. Comment peut-on s'opposer à un renforcement des contrôles ?
L'amendement exige un avis préalable du maire. S'il a un projet de création d'une crèche ou de gestion en régie directe, il ne donnera évidemment pas un avis défavorable à son propre projet ! L'amendement ne déstabilise donc pas les projets des communes : au contraire, il renforcera leur pouvoir de contrôle sur l'installation d'établissements sur leur territoire.
Je n'en suis plus à une surprise près dans ce débat, mais je serai très étonnée si cet amendement n'était pas adopté.
Il vise à fixer le délai d'autorisation d'ouverture des EAJE privés à cinq ans, au lieu des quinze ans prévus dans la rédaction actuelle de l'article. Vous vous posez en défenseurs des normes alors que vous vous acharnez à les remettre en cause. C'est assez savoureux !
Je suis tombé sur une tribune rédigée par la coprésidente du syndicat national des médecins de protection maternelle et infantile (PMI). Elle y dénonce les conséquences de la réforme précédente, issue de l'ordonnance du 19 mai 2021, que vous aviez soutenue. Cette réforme autorise un taux d'encadrement d'un adulte pour six bébés, alors que ce taux est d'un pour quatre en Allemagne et d'un pour trois au Danemark. Elle transfère aussi, à titre expérimental, le contrôle et l'évaluation des crèches des services départementaux de PMI, lesquels sont exsangues, aux caisses d'allocations familiales (CAF). Cette tribune cite une note de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) qui préconise, tenez-vous bien, une approche qui industrialise l'exercice de la compétence agrément et suivi des crèches dans un objectif d'efficience et qui prévoit, pour le suivi et le contrôle des crèches, y compris privées, des grilles d'autoévaluation.
Lâcher la bride aux opérateurs privés en leur laissant la main sur leur évaluation, nous savons où cela mène ! Ma collègue Caroline Fiat a rappelé le désastre des Ehpad privés. Avec le modèle que vous préconisez, nous nous dirigeons pour les crèches vers un désastre de même ampleur. Nous combattons ce modèle et, pour éviter ce désastre annoncé, nous vous proposons de voter notre amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Mickaël Bouloux, pour soutenir l'amendement n° 1320 .
Cet amendement, qui est une variante du précédent – je reprends donc à mon compte les arguments que vient d'exposer notre collègue –, propose de réduire la durée de la validité de l'autorisation d'un EAJE de quinze à sept ans. Nous craignons que la rédaction actuelle ne relativise, aux yeux des acteurs concernés, la pertinence d'une fréquence accrue des contrôles. Faute de moyens, les départements risquent en effet de se caler sur la durée proposée de quinze ans, qui deviendrait donc plus formelle qu'efficace. Nous proposons que la durée d'autorisation soit de sept ans maximum, afin de resserrer les contrôles.
L'élaboration de l'article 10 bis a fait l'objet d'un important travail de concertation avec l'ensemble des acteurs du secteur. Il est nécessaire que l'autorisation d'ouverture d'un établissement soit délivrée pour une durée suffisamment longue, afin de ne pas freiner la mise en œuvre des projets. La durée de quinze ans me semble adaptée à cet objectif.
Je précise qu'il s'agit de la durée de l'autorisation d'ouverture délivrée aux établissements sociaux et médico-sociaux. Je rappelle aussi qu'à l'heure actuelle, cette durée n'est pas limitée. Le texte marque donc une avancée. Enfin, gardonc à l'esprit que la question de la durée d'ouverture n'est pas corrélée à celle de la fréquence des contrôles.
Avis défavorable.
Aujourd'hui, l'autorisation est valable indéfiniment. S'il est adopté, le texte régulera – pour la première fois – cette autorisation en la limitant à quinze ans. Il impose en outre une évaluation quinquennale.
C'est donc un grand bond en avant que nous faisons avec ce projet de loi. Prenez-en la mesure avant de prétendre empiler de nouvelles normes, de nouvelles mesures et de nouveaux contrôles. Essayons d'abord de mettre en place un nouveau régime d'autorisation qui, je le répète, n'existait pas jusqu'à présent.
Avis défavorable.
Il est quand même audacieux de la part de Mme la ministre de nous demander, dans le cadre de la discussion sur le projet de loi « France Travail », d'attendre la fin des expérimentations !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous proposez une durée d'autorisation de quinze ans. Il nous semble préférable de la caler, par exemple, sur la durée de l'agrément des assistantes maternelles : cinq ans après l'agrément initial, puis dix ans. Dans un souci de clarté, mais aussi d'égalité, nous souhaitons comprendre d'où vient cette durée de quinze ans. Qu'est-ce qui peut expliquer cette disparité entre les assistantes maternelles et les EAJE privés ? La durée de cinq ans que nous proposons nous semble bien mieux répondre à ce souci de clarté et d'égalité.
La parole est à M. Mickaël Bouloux, pour soutenir l'amendement n° 1245 .
Il vise à prévoir l'avis du médecin de la protection maternelle et infantile lors de l'exercice de sa compétence de contrôle par le département. En effet, en l'état, le texte ne prévoit pas cet éclairage, malgré l'expertise que pourraient apporter les services de la PMI. Il faut remédier à cet oubli.
L'intervention du médecin responsable du service de la protection maternelle et infantile est déjà prévue dans la partie réglementaire du code de la santé publique. Le Gouvernement a par ailleurs indiqué qu'un décret précisera que les services départementaux concernés continueront à concourir au contrôle des établissements d'accueil du jeune enfant. Je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 1245 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l'amendement n° 1727 .
Il vise à préciser les critères du contrôle des établissements accueillant de jeunes enfants. Accolons à celui de « bien-être physique ou mental », déjà présent dans la version actuelle de l'article, celui de sécurité, qui paraît tout aussi important.
Ces précisions complètent de manière bienvenue les critères de contrôle. Avis favorable.
« Ah ! » sur les bancs du groupe SOC.
L'amendement n° 1727 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l'amendement n° 1404 .
Je suis surprise que l'adoption de l'amendement précédent ne fasse pas tomber celui-ci, car les deux sont très similaires. Nous voulons inclure dans les critères du contrôle des établissements d'accueil du jeune enfant celui du bien-être émotionnel. Cela nous semble à propos, vu la crise de la santé mentale que traverse notre pays. Autant traiter celle-ci dès le plus jeune âge.
J'émettrai le même avis pour les amendements n° 1404 et 1216 . Le texte prévoit déjà que le président du conseil départemental vérifiera « que les conditions d'installation, d'organisation ou de fonctionnement d'un établissement ou d['un] service d'accueil […] ne présentent pas de risques susceptibles de compromettre ou menacer la santé, la sécurité, le bien-être physique ou mental ou l'éducation des enfants accueillis ». Cette rédaction me semble suffisamment englobante pour satisfaire votre demande. Avis défavorable.
L'amendement n° 1404 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l'amendement n° 1216 .
Nous avons déjà abordé les notions de bien-être et de sécurité de l'enfant ; venons-en à celle, essentielle, d'épanouissement. Les établissements qui accueillent les jeunes enfants et ont pour mission de les faire grandir, de les éduquer, doivent consacrer l'épanouissement comme une priorité. À défaut, ils risquent de faillir à leur mission. Il faut donc inscrire cette notion noir sur blanc dans la loi.
Avis défavorable.
Un établissement d'accueil de la petite enfance ne doit pas être une consigne à bébés, ni une garderie, au sens premier du terme, mais doit contribuer à l'éveil de l'enfant et à son épanouissement.
En somme, vous voulez les laisser faire ce qu'ils veulent ! Ce n'est pas à vous que je confierais des enfants !
C'est pour cela que nous voulons instituer un service public de la petite enfance, émancipé des intérêts lucratifs, dans l'intérêt de l'enfant.
Nous soutenons donc cet amendement, qui est au cœur de notre projet. S'il faut des structures de la petite enfance, c'est à la fois au nom du féminisme et de l'émancipation des femmes, mais aussi parce qu'elles sont fondamentales pour l'éveil des enfants et leur épanouissement. Ces structures sont très liées à un projet de société ; elles doivent relever d'un service public disposant de moyens – tout autre chose qu'une coquille vide où le lucratif peut s'engouffrer.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 1216 n'est pas adopté.
Afin de renforcer l'efficacité des contrôles visés et des autorités qui les mènent, mais aussi de favoriser les démarches d'autocontrôle et d'autocorrection, nous demandons que les points de contrôle et leurs modalités soient fixés dans une liste publique et exhaustive, à l'échelon national. Ces points seraient ainsi opposables aux établissements comme aux autorités de contrôle.
Votre amendement pose une difficulté. La notion de grille nationale de contrôle des établissements d'accueil du jeune enfant n'existe pas. Cela étant – et cela devrait apaiser vos inquiétudes –, un guide national formulant des recommandations pour l'organisation des contrôles devrait être élaboré sur le modèle du guide pour la préparation d'un contrôle d'établissements ou de services sociaux ou médico-sociaux établi par l'Igas. Avis défavorable.
Vous avez raison, monsieur Cinieri, nous devons disposer de critères objectifs – c'est la raison pour laquelle je n'étais pas favorable aux amendements précédents –, et de grilles d'évaluation à l'échelle nationale, ce qui pose une vraie difficulté.
Toutefois, votre amendement, tel qu'il est formulé, créerait un risque de contentieux pour les départements. Mieux vaut donc en rester à un décret, qui permettra d'organiser les contrôles.
Je rappelle que si vous l'adoptez, cet article permettra de passer d'un régime d'autorisation délivré pour une durée indéfinie, à un régime où les autorisations devront être renouvelées tous les quinze ans, avec une évaluation tous les cinq ans. Cela nous donnera de nouveaux outils de contrôle.
Veillons toutefois à préserver leur souplesse, en passant tant par la loi que par les outils réglementaires, qui permettront de préciser les choses. Même si nous ne sommes pas en désaccord sur le fond, je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 899 n'est pas adopté.
La parole est à M. William Martinet, pour soutenir l'amendement n° 1536 .
Il concerne le contrôle des crèches privées lucratives. La représentation nationale doit prendre conscience de l'ampleur du développement de ces crèches. Quand le secteur de la petite enfance a été ouvert au privé en 2002, des entrepreneurs puis des fonds d'investissement se sont engouffrés dans la brèche, profitant d'un modèle financier extrêmement rentable.
En effet, une crèche privée lucrative bénéficie non seulement des mêmes financements de la CAF que les autres crèches, publiques par exemple, mais aussi du crédit d'impôt famille – très mal nommé, puisqu'il ne profite pas aux familles, mais aux entreprises. Ce business extrêmement rentable est donc biberonné à l'argent public. Cela explique que depuis dix ans, 80 % des places en crèche ouvertes relèvent du privé lucratif. J'espère que tout le monde retiendra ce chiffre.
Le problème est que ces crèches ne coûtent pas seulement cher au contribuable ; les enfants y sont aussi maltraités.
Protestations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Si ! Je vous invite à lire les travaux de l'Igas, les témoignages des parents et les enquêtes des journalistes. Ils montrent la maltraitance à laquelle aboutit le souci d'atteindre un haut niveau de rentabilité – les repas sont rationnés, les couches ne sont pas changées, le personnel, parfois sous-qualifié, est présent en nombre insuffisant. Cette réalité, la maltraitance de nos enfants, nous explose à la figure, après que les pouvoirs publics ont laissé se développer ce secteur privé lucratif pendant vingt ans.
Cet amendement tend du moins à contrôler financièrement les grands groupes concernés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
La précision demandée nous semble superfétatoire. Une fois le présent texte adopté, le V de l'article L. 2324-2 du code de la santé publique renverra à un décret le soin de préciser « les modalités de mise en œuvre » des contrôles dont nous débattons, comme indiqué à l'alinéa 17 de cet article. Avis défavorable.
Non, je ne suis pas biberonnée aux fonds d'investissement. Je ne laisserai pas dire dans cet hémicycle que par principe, certaines crèches sont mauvaises et d'autres bonnes. Cela ne fonctionne pas comme ça !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Différents modèles de crèches doivent pouvoir coexister. Dans ce secteur, les chefs d'établissement n'ont créé et ne gèrent souvent qu'une ou deux crèches, pour accueillir les enfants dans nos communes.
Le présent article renforce le contrôle pour tous les établissements, car nous le devons à nos enfants. Comme le montre le rapport de l'Igas, penser que la maltraitance ne concerne qu'un type de crèches est une erreur. C'est même dangereux, car avec une telle idée, nous risquerions de ne contrôler que certaines crèches, celles auxquelles vous êtes opposés pour des raisons idéologiques, et de négliger le contrôle des autres. Pourtant, c'est le contrôle de toutes les crèches du pays que nous devons à nos enfants !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur Martinet, nous ne vous avons pas encore entendu accuser le personnel des crèches de racisme.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous nous avez pourtant habitués à ce couplet – encore dernièrement, à propos des recruteurs, des policiers, des douaniers, des militaires, bref de tout le monde.
Madame la présidente, M. Dessigny n'a pas le droit d'invectiver ses collègues !
Vous prétendez que les enfants seraient maltraités dans toutes les crèches privées. Au contraire, ils seraient bien traités dans les crèches publiques.
Votre systématisme concernant les enfants, le racisme ou tout autre sujet, est de plus en plus insupportable. Vous êtes caricaturaux ; vous dites n'importe quoi. C'est lassant.
Mêmes mouvements.
Vous devriez prendre de la hauteur et arrêter de jeter l'opprobre sur toutes les professions et sur tous ceux qui ne sont pas de votre bord. Non, tous ceux qui travaillent dans le privé ne maltraitent pas les enfants.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Madame la ministre, vous faites un choix politique : celui de défendre les crèches qui dégagent des bénéfices ; vous défendez de même les fonds d'investissement qui y ont investi. C'est votre droit, mais souffrez que nous soyons en désaccord.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
La marchandisation doit rester limitée ; elle ne doit pas concerner toute la vie, notamment quand il s'agit des plus anciens, des plus jeunes, de l'éducation et de la santé. Le marché n'a même rien à faire dans ces domaines. Cette position procède du réel, de ce qui se passe dans ces établissements.
C'est vrai, il n'y a pas d'un côté de bonnes crèches, de l'autre de mauvaises crèches. En revanche, certaines crèches – celles des secteurs public et privé associatif – fonctionnent dans l'intérêt général, quand d'autres, notamment celles contrôlées par des fonds d'investissement, ne sont régies que par le souci de rentabilité.
Vous citez l'Igas. Elle explique très bien que les grands groupes de crèches, qui accueillent des milliers d'enfants, appartiennent à des fonds d'investissement, dont la capitalisation atteint des milliards d'euros – nommons-les pour qu'ils ne passent pas entre les mailles du filet : ce sont Antin infrastructure partners, pour Babilou, et Infravia, pour Les Petits Chaperons rouges.
Il est prouvé et documenté que dans ces établissements, la recherche de rentabilité a un effet néfaste sur les conditions d'accueil – c'est l'Igas elle-même qui le dit.
En outre, elle alerte sur les difficultés à suivre l'utilisation de l'argent public au sein de telles structures. La CAF finance ces établissements privés, mais ils font remonter ce qu'on appelle des frais de siège au niveau du groupe, frais qui servent ensuite à verser des dividendes. En l'état actuel du droit, l'Igas ne peut contrôler que les établissements, et les groupes restent une boîte noire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Pourriez-vous affirmer qu'aucune crèche associative ou publique n'a besoin d'être contrôlée, contrairement aux crèches privées ? Vous comme moi, nous ne pouvons affirmer qu'il n'y a jamais de problèmes d'effectifs, de surbooking ou de maltraitance dans les crèches publiques et associatives.
Il n'y a pas d'actionnaires dans les crèches associatives ! Et nous parlons du contrôle et de l'utilisation de l'argent public !
Votre amendement réduit drastiquement le périmètre des contrôles, aux seules crèches privées, alors qu'un tel dispositif est nécessaire pour tous les établissements.
Vous évoquez les crèches, mais que dire des Ehpad ou des établissements pour les personnes en situation de handicap ?
Tous ces établissements, qui travaillent avec des personnes fragiles, doivent être contrôlés ! Ne rétrécissez pas le périmètre des contrôles pour répondre à une particularité : si vous faites votre travail dans les départements, vous savez qu'il peut aussi y avoir des problèmes dans les crèches associatives et publiques !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Danièle Obono proteste.
L'amendement n° 1536 n'est pas adopté.
Le présent amendement vise à préciser que les résultats des contrôles annuels des crèches seront rendus publics selon les mêmes modalités que ceux des évaluations quinquennales.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir le sous-amendement n° 1950 .
Monsieur Cinieri, je suis favorable à votre amendement sous réserve de l'adoption du sous-amendement du Gouvernement, qui prévoit la publication des résultats du plan annuel départemental d'inspection et de contrôle. Il s'agit d'un amendement de clarification, précisant la manière dont ces résultats seront présentés.
Avis favorable à l'amendement n° 909 , sous réserve de l'adoption du sous-amendement du Gouvernement.
Le sous-amendement n° 1950 est adopté.
L'amendement n° 909 , sous-amendé, est adopté.
L'amendement n° 914 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit de préciser que les résultats des contrôles annuels des crèches seront rendus publics selon les mêmes modalités que ceux des évaluations quinquennales. Cet amendement a été rédigé avec la Fédération française des entreprises de crèches.
L'amendement n° 1446 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous souhaitons préciser que les demandes complémentaires des différentes autorités de contrôle doivent aboutir à la fourniture de documents complémentaires établis selon des modèles nationaux, et non en fonction des exigences locales.
L'alinéa 22 du présent article dispose déjà que la liste des pièces de nature comptable et financière transmises aux CAF est fixée par décret. Votre demande est donc pleinement satisfaite. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 918 est retiré.
Il prévoit que les évaluations des établissements d'accueil du jeune enfant s'opèrent sur la base de référentiels nationaux. Il s'agit de mettre en cohérence l'évaluation des établissements avec l'introduction de référentiels, que nous saluons. Nous souhaitons que la base des référentiels nationaux qui seraient créés par cet amendement soit fixée par le ministre en charge de la famille. Par conséquent, nous proposons qu'à la première phrase de l'alinéa 23, après le mot « évaluation », soient insérés les mots « sur le fondement des référentiels mentionnés à l'article L. 214-1-1 du code de l'action sociale et des familles ». Cet amendement a été rédigé avec le collectif Petite enfance.
L'amendement n° 1253 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l'amendement n° 1355 .
Nous proposons que les contrôles des établissements d'accueil soient réalisés tous les trois ans, plutôt que tous les cinq ans, afin de garantir la sécurité et le bien-être des jeunes enfants accueillis.
Vous avez oublié de dire comment vous financez cette mesure ! Certains amendements n'ont pas passé le filtre de l'article 40 pour moins que cela…
Il ne fait pas de doute que le régime de l'inspection, du contrôle et de l'évaluation des EAJE doit être revu pour être rendu plus strict. C'est l'objet de cet article. Veillons cependant à ne pas faire peser trop rapidement sur les établissements et les professionnels une charge excessive, et à ne pas les placer dans une situation d'évaluation ou de contrôle permanents. Le délai retenu est le fruit de la concertation entre les parties prenantes et traduit un équilibre entre les propositions des différents acteurs.
Au demeurant, il importe que la périodicité retenue pour l'évaluation soit de nature à garantir la bonne application du dispositif. Prévoir une évaluation des établissements selon une fréquence trop élevée pourrait s'avérer difficile à mettre en œuvre, compte tenu des moyens à la disposition des organismes qui rempliront cette mission.
Indépendamment de la périodicité retenue pour l'évaluation, des contrôles ponctuels pourront également être organisés. Avis défavorable.
Je le répète, l'évaluation n'existait pas. Nous la créons et elle aura lieu une fois tous les cinq ans. Ce pas en avant est déjà une bonne chose. J'entends que vous voudriez aller plus loin – moi aussi, j'aurais beaucoup aimé aller plus loin, notamment sur l'article 10, mais je n'y reviens pas…
Sourires.
Sourires.
En l'espèce, le délai de cinq ans n'a pas été choisi au hasard. Il est le résultat d'une concertation avec les services de PMI, les départements, les communes et les gestionnaires privés, publics ou associatifs. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Nous soutenons cet amendement, car une périodicité de cinq ans nous paraît insuffisante. Dans ce type de structures, un enfant est en moyenne pris en charge deux ans à deux ans et demi. Avec un contrôle tous les cinq ans, beaucoup de cohortes y échapperont donc.
On ne parle pas de contrôles !
À trois ans, la maille est un peu plus serrée, ce qui permettra une meilleure prise en charge des enfants. Quelles sont les raisons techniques et professionnelles qui expliquent votre choix, madame la ministre ?
Vous évoquez les contrôles, mais ce qui est visé ici, c'est l'évaluation de l'établissement. Quant aux contrôles, ils peuvent être diligentés à tout moment. J'ai convoqué tous les préfets et toutes les directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) afin que, pour la première fois, ils croisent les données accessibles en la matière – celles des directions départementales des finances publiques (DDFIP), celles de l'Urssaf, celles des inspections du travail. On pourra ainsi vérifier si certains établissements, ayant fait l'objet de plusieurs alertes, doivent être contrôlés en urgence.
En l'espèce, nous parlons des évaluations et la concertation avec les professionnels – les PMI et les gestionnaires, qu'ils soient privés, publics ou associatifs – a permis de trouver le bon rythme pour donner du sens à cette évaluation. Ils ont considéré qu'un délai de cinq ans était nécessaire, mais aussi raisonnable, dans la mesure où l'évaluation s'ajoute aux contrôles et aux renouvellements d'autorisation.
L'amendement n° 1355 n'est pas adopté.
Le projet de loi prévoit que le responsable du régime de sanctions est le président du conseil départemental ou le préfet. Nous plaidons pour que seul le préfet soit compétent, après avis éventuel du président du conseil départemental.
Si un tel pouvoir de sanction est donné au président du conseil départemental, cela risque en effet de créer un mélange des genres avec les compétences d'organisation et de financement du département.
L'amendement n° 1578 de M. Yannick Monnet est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Le projet de loi dote le président du conseil départemental d'un pouvoir de sanctions, lesquelles pourront prendre plusieurs formes. Toutefois, vous aurez noté qu'il ouvre au préfet de département la possibilité de prononcer les mêmes sanctions, en cohérence avec les dispositions qui lui reconnaissent la faculté de diligenter des contrôles. La solution retenue garantit la mise en œuvre effective des dispositions relatives au contrôle d'une part, aux sanctions d'autre part. Avis défavorable.
Il ne faut pas opposer la responsabilité du préfet et celle du président du conseil départemental. Aucun président de conseil départemental ne sera dans l'obligation de fermer un établissement. Les services de PMI des départements sont déjà compétents en matière d'autorisations et de contrôles. Il est donc logique qu'ils puissent agir sur l'ensemble de la chaîne et, si besoin, lorsque le contrôle diligenté par les services de PMI révèle des fragilités au sein d'un établissement, le département doit pouvoir fermer celui-ci sans attendre que le préfet le fasse.
Une telle précision vient renforcer le dispositif de contrôle et la chaîne de sanctions potentielles. Elle va donc clairement dans le bon sens. Il faut faire confiance aux élus et aux présidents des conseils départementaux.
Avis défavorable.
Il est fréquent que les services de PMI mélangent les fonctions de contrôle de la réglementation et d'accompagnement des établissements en prodiguant des conseils ou en édictant des recommandations locales supraréglementaires.
Cet amendement vise à empêcher la destruction de places de crèches autorisées avant le référentiel bâtimentaire d'août 2021 et à interdire les injonctions sur des recommandations extraréglementaires.
Le texte prévoit que l'injonction revêtira une durée limitée, fixée par le président du conseil départemental ou le préfet de département. En outre, le fait de lier la limitation de la capacité d'accueil à la seule insuffisance de professionnels est réducteur. En effet, la limitation de la capacité d'accueil peut être justifiée pour d'autres raisons. Avis défavorable.
L'amendement n° 924 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Ces propos, adressés à des tout-petits, sont tirés du rapport de l'Igas publié le 11 avril dernier, qui qualifie de « très disparate » la qualité d'accueil dans les crèches à la suite de la visite de plus de trente-six établissements publics et privés. Cet amendement, déposé par les membres du groupe LFI – NUPES, vise à fixer le plafond des astreintes à 10 000 euros par jour au lieu de 1 000.
Vous êtes hostiles aux sanctions contre les bénéficiaires du RSA, mais en revanche, vous êtes prêts à taper fort sur les crèches !
Ces astreintes peuvent être prononcées par le président du conseil départemental ou le représentant de l'État dans le département en cas de non-respect des injonctions par les établissements accueillant de jeunes enfants après un délai raisonnable et tant qu'ils n'ont pas remédié aux risques ou aux manquements identifiés. Elles sont toujours proportionnées aux manquements, mais il est bel et bien nécessaire de rehausser ce plafond. La santé de nos enfants est en jeu et ces astreintes doivent avoir une force dissuasive.
Vos exemples sont très mauvais ! Ce ne sont pas des astreintes qui régleront le problème des violences verbales ! Il faut des sanctions disciplinaires !
Le défaut d'attention et de soins apportés aux enfants, les dépassements des capacités d'accueil, la non-conformité des protocoles de sécurité : tous ces faits, sur lesquels vous fermez les yeux, sont le quotidien de milliers d'enfants. Par votre inaction, vous êtes en train de fabriquer des générations d'enfants maltraités.
Vivement que la commission d'enquête sur les crèches demandée par le groupe LFI – NUPES entame ses travaux, afin que toute la lumière soit faite, que vous ouvriez enfin les yeux et que vous admettiez les faits !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je ne peux pas laisser passer les mots qui viennent d'être employés.
Mme Karen Erodi s'exclame.
Je suis ministre, mais je suis aussi mère de famille : je dépose tous les jours ma fille à la crèche, comme des milliers de Français. Non, nous ne créons pas des générations d'enfants maltraités parce que nous déposons nos enfants à la crèche et parce que nous faisons confiance à des professionnels qualifiés et formés ! Nous ne créons pas des générations d'enfants maltraités alors que pour la première fois, nous renforçons les contrôles grâce à l'action des départements, des PMI et de l'État !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Vous jetez l'opprobre sur l'ensemble d'un secteur en souffrance, qui a des difficultés à recruter !
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Il y parviendra encore moins, à force de vous entendre et de laisser penser qu'il n'y aurait dans les crèches que de la maltraitance et des souffrances !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Madame la ministre, vous n'êtes pas la seule ici à déposer vos enfants à la crèche tous les matins.
Leur modèle de société consiste à fermer toutes les crèches et à mettre les parents au RSA !
…votre refus de prendre des mesures fortes pour contrôler les établissements d'accueil des jeunes enfants, notamment ceux qui sont gérés par le secteur privé lucratif.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Vous estimez que les mots de ma collègue Erodi sont inadmissibles, mais elle n'a fait que reprendre ceux de l'Igas : c'est votre administration qui parle de maltraitance institutionnelle !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur Martinet, vous avez la parole pour revenir sur le fond de cet amendement.
Permettez-moi de parler du contrôle de l'administration sur les entreprises qui gèrent des crèches, puisque cet amendement vise à augmenter le montant de l'astreinte lorsque celles-ci refusent de communiquer les documents nécessaires à ce contrôle.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
À la suite de la visite de plusieurs établissements, l'Igas a expliqué qu'il existait de la maltraitance institutionnelle. J'ai beaucoup lu ce rapport et je l'évoque de mémoire : il souligne que dans certains établissements, des logiques financières préjudiciables à la qualité de l'accueil des jeunes enfants sont à l'œuvre. Voilà ce qu'écrit l'Igas, dans des termes administratifs ; si je les traduis, ils signifient que certaines entreprises qui gèrent des crèches maltraitent les enfants parce qu'elles font de l'argent.
Il ne s'agit évidemment pas d'affirmer que tous les établissements sont concernés, encore moins de pointer du doigt les professionnelles sur le terrain ! Au contraire, celles-ci essaient bien souvent de résister à la pression financière pour tenter de préserver les enfants le mieux possible.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Elles font ce qu'elles peuvent, mais la logique financière – la machine à cash – finit par les écraser et les malmener et par maltraiter les enfants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit aussi.
L'amendement n° 1532 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l'amendement n° 1484 .
Dans un objectif de dissuasion et de transparence, cet amendement vise à rendre publiques les sanctions prises à l'encontre des établissements d'accueil qui n'auront pas rempli leurs obligations.
L'amendement n° 909 de M. Dino Cinieri, que nous avons adopté, répond à votre préoccupation puisqu'il vise à rendre publics les résultats de l'évaluation des établissements conduite tous les cinq ans – qui est distincte des contrôles. L'injonction faite à un établissement de remédier aux difficultés identifiées pourra faire l'objet d'un affichage à l'entrée de ses locaux, sur décision du président du conseil départemental ou du préfet. Avis défavorable pour votre amendement, qui va un peu plus loin.
L'amendement n° 1484 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur les amendements n° 422 et identiques, je suis saisie par le groupe Les Républicains et par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de dix amendements identiques, n° 422 , 468 , 583 , 672 , 804 , 854 , 858 , 867 , 1165 et 1613 .
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 422 .
L'alinéa 36 de l'article 10 bis prévoit que « le représentant de l'État dans le département peut décider la suspension ou la cessation de tout ou partie des activités de ces établissements ou services en application du II de l'article L. 2324-2, après avis du président du conseil départemental à l'égard des établissements et services mentionnés aux deux premiers alinéas de l'article L. 2324-1. »
Mais la seconde phrase de cet alinéa semble de trop, puisqu'elle ajoute : « Il peut également prendre les décisions prévues au premier alinéa du présent V en cas de carence du président du conseil départemental, après mise en demeure restée sans résultat. » Cela me semble contradictoire avec la volonté de faire collaborer l'État et les départements. On peut faire confiance à ces derniers comme aux maires : ils sauront prendre leurs responsabilités en cas de problème avec ces établissements. Il n'est donc pas utile de maintenir la seconde phrase de l'alinéa 36, que le présent amendement vise à supprimer.
Nous avons nous aussi pour objectif la qualité de l'accueil, mais nous faisons confiance aux conseils départementaux, qui ont déjà compétence en matière de PMI et qui sont experts en la matière.
Il s'agit d'un amendement de mon collègue Pierre Cordier. Le texte prévoit que le préfet pourra prendre des décisions de suspension ou de cessation totale ou partielle d'activité, en cas de carence du président du conseil départemental, après une mise en demeure restée sans résultat. Cette possibilité est contradictoire avec la volonté de faire collaborer l'État et les départements : ces derniers sauront prendre leurs responsabilités en cas de problème avec les établissements concernés. En outre, la mise en demeure d'un président de conseil départemental par un préfet serait contraire à l'esprit de la décentralisation.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement n° 583 .
Je voudrais rappeler un élément fondateur : on ne peut pas en même temps – vous en faites la preuve assez régulièrement depuis 2017 – créer une relation de confiance entre le représentant de l'État et le président du conseil départemental, par le biais d'une convention de collaboration, et donner aux préfets un pouvoir de sanction.
Par ailleurs, que sous-entendez vous par « carence du président du conseil départemental » ? Ce dernier organise l'ensemble des services de PMI et cette défiance vis-à-vis de lui est plutôt malvenue dans ce texte, d'autant que la décentralisation est passée par là. Il est anormal que vous cherchiez à reprendre le pouvoir sur les départements, notamment dans leur champ de compétences, à chaque fois que vous en avez l'occasion !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – M. Joël Aviragnet applaudit aussi.
Les orateurs précédents l'ont évoqué : nous voyons dans la logique du Gouvernement une volonté de recentralisation. Vous avez élaboré ce texte en vous appuyant sur la capacité des services publics de l'emploi à travailler de concert avec les départements s'agissant du RSA. Mais bizarrement, dans cet article, vous envisagez que le préfet puisse suppléer à la défaillance – pour ne pas reprendre le terme de carence – du président du conseil départemental. Nous estimons qu'une telle possibilité envoie un mauvais signal ; c'est pourquoi cet amendement vise à supprimer la seconde phrase de l'alinéa 36.
Je vais vous faire une confidence : je crois profondément à la décentralisation. Je crois également, pour l'avoir vécu pendant la période du covid, en la faculté des départements – ces collectivités de proximité – à s'adapter et à répondre aux besoins de la population. Je considère d'un mauvais œil cette volonté d'établir une sorte de tutelle préfectorale sur le président du conseil départemental – de le mettre en demeure –, alors même qu'il a la compétence s'agissant de la PMI et qu'il fait bien son travail. Madame la ministre, je vous demande de faire confiance aux collectivités et aux départements.
Mes arguments seront les mêmes pour défendre cet amendement dans un esprit de décentralisation. Cet amendement a été élaboré avec l'Assemblée des départements de France (ADF), qui est très attachée à leur autonomie de décision.
En cohérence avec la solution consistant à faire du président du conseil départemental l'autorité chargée d'autoriser l'ouverture des établissements publics ou privés, le texte lui confie également le soin de décider de la suspension ou de la cessation de tout ou partie de leurs activités dès lors qu'il n'aurait pas été satisfait aux injonctions.
En cohérence avec la solution consistant à conférer au préfet de département des prérogatives identiques à celles du président du conseil départemental en matière de sanctions, le texte reconnaît au premier la faculté de décider de la suspension ou de la cessation de tout ou partie des activités des établissements publics ou privés, après avis du second.
Le texte reconnaît également au préfet la faculté de prendre les mêmes décisions, dès lors qu'il n'aurait pas été satisfait aux injonctions, en cas de carence du président du conseil départemental. Il y a là un moyen de s'assurer qu'un établissement qui méconnaîtrait ses obligations et mettrait en danger la santé des enfants serait contraint de cesser son activité. Ce dispositif constitue un filet de sécurité qui mérite d'être conservé, même s'il ne fait pas de doute que les présidents de conseils départementaux sauront prendre leurs responsabilités. Avis défavorable.
Je l'ai dit tout à l'heure, lorsque certains députés ont proposé de supprimer la prérogative du président du conseil départemental en matière de fermeture des établissements pour la confier au seul préfet : il n'est pas question de retirer la moindre prérogative au président du conseil départemental.
Les présidents de conseils départementaux nous font part de la nécessité de disposer de davantage de moyens afin d'assurer des contrôles. La moitié des départements ne disposent pas d'un plan de contrôle et ne sont pas en mesure de contrôler ces établissements. Or la sécurité des enfants accueillis doit être garantie – c'est tout l'enjeu de cet article. Si un département ne dispose pas de plan de contrôle car il n'a pas réussi à recruter – c'est ce qu'indiquent plusieurs d'entre eux –, qu'il n'a pas la capacité de recruter ou que, dans son bassin de vie, il n'arrive pas à trouver les personnes qu'il souhaiterait recruter, il faut que quelqu'un puisse fermer ces établissements.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
En effet, on ne peut prendre le risque que seule une personne puisse décider de la fermeture d'un établissement qui fait l'objet d'une alerte sur le risque de maltraitance.
À un moment, l'État doit pouvoir prendre ses responsabilités face aux risques de maltraitance. Tel est le seul objet de cet article. Il ne s'agit pas de retirer une prérogative au président du conseil départemental. Néanmoins, en l'absence de plan de contrôle, nous ne pouvons prendre le risque de laisser ouverts des établissements qui n'assureraient pas la sécurité de nos enfants.
Mêmes mouvements.
Au bout du compte, les parents ne regarderont pas si c'est le président du conseil départemental ou l'État qui a pris la décision : ils constateront que leur enfant a été accueilli alors que les risques de maltraitance étaient avérés. C'est la raison pour laquelle ce dispositif doit être conservé.
Madame la ministre, je suis très étonné de vos propos. Vous semblez dire que s'il n'y a pas de plan de contrôle, aucun contrôle n'aura lieu. C'est une vision très bureaucratique des choses, car des contrôles peuvent tout à fait être réalisés en l'absence de plan de contrôle. Le lien que vous établissez est donc très réducteur.
Je suis encore plus inquiet de vous entendre prendre, en votre qualité de représentant du gouvernement, une position qui va à l'encontre du principe constitutionnel de libre administration des collectivités.
Encore une fois, votre vision des choses montre clairement que vous ne voulez pas que les collectivités territoriales exercent pleinement leurs responsabilités. C'est assez choquant.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Jean-Paul Lecoq applaudit également.
De prime abord, nous aurions tendance à nous opposer à ces amendements, mais nous avons besoin d'être davantage éclairés sur vos intentions, madame la ministre. On ne peut pas défendre le « en même temps » dans tous les domaines.
Vous êtes en train de nous dire que parce que certains départements ne sont pas en mesure de contrôler, il faut inclure les préfets dans le processus. Mais de deux choses l'une : soit les préfets sont tout à fait compétents, et le président du conseil départemental n'a plus besoin d'assurer cette mission ; soit ils ne le sont pas, et il faut renforcer le contrôle au niveau du département. Bref, nous avons du mal à comprendre où vous voulez en venir.
Cette disposition est un décalque du dispositif en vigueur pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), par exemple les Ehpad.
Or les départements ne s'opposent pas à ce dispositif : ils ne refusent pas que l'État intervienne en présence d'un risque.
Je le répète, ce dispositif vient uniquement garantir qu'en cas de risque, soit le président du conseil départemental, soit le préfet prenne ses responsabilités. En ma qualité de ministre des solidarités et des familles, je ne peux venir ici en disant que l'État ne prendra pas ses responsabilités en cas de risques dans certains établissements. Il faut qu'il puisse les prendre en fermant ces établissements…
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.
Madame Lavalette, je ne peux pas répondre aux députés de votre groupe si vous m'interpellez en même temps !
Sur le même modèle que ce qui existe pour les ESSMS, l'État doit pouvoir prendre ses responsabilités lorsqu'il y a un risque pour les publics les plus vulnérables, qu'il s'agisse des personnes en situation de handicap, des personnes âgées ou des enfants. Cette disposition vient garantir que nous prendrons ensemble nos responsabilités ; c'est là son seul objectif.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 222
Nombre de suffrages exprimés 218
Majorité absolue 110
Pour l'adoption 50
Contre 168
Cet amendement vise à lutter contre la destruction de places construites avant l'entrée en vigueur du référentiel bâtimentaire et à permettre aux établissements de poursuivre leur activité autorisée en conservant les capacités maximales d'accueil fixées dans les arrêtés d'ouverture.
Votre intention est satisfaite par l'amendement n° 1570 du Gouvernement, que nous avons adopté tout à l'heure. Je vous invite donc à le retirer ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Votre amendement est justifié. C'est la raison pour laquelle le texte prévoit des modalités spécifiques transitoires qui s'appliqueront jusqu'au 1er janvier 2035 à tous les établissements ayant obtenu une autorisation avant le mois de septembre 2022. L'amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement n° 927 est retiré.
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l'amendement n° 1549 .
Il vise à rendre automatique la fermeture immédiate d'un établissement par le président du conseil départemental en cas d'urgence. Il est nécessaire de protéger les jeunes enfants qui sont accueillis.
Il me semble préférable de conférer à l'autorité décisionnaire un pouvoir d'appréciation plutôt que de lui imposer le prononcé d'une décision de fermeture qui ne lui laisserait pas la possibilité de tenir compte des circonstances de l'espèce.
En outre, le fait de rendre automatique la fermeture d'un EAJE en cas d'urgence supposerait de définir la notion d'urgence au niveau réglementaire, ce qui ferait courir le risque d'oublier certaines situations. Avis défavorable.
En cohérence avec mes propos précédents, il ne s'agit pas de forcer la main des présidents de conseils départementaux, mais de leur laisser la liberté d'exercer ces prérogatives. Surtout, il est difficile de définir la notion d'urgence dans la loi. Mieux vaut assumer de prévoir la compétence du président du conseil départemental et celle du préfet, qui concourent également à la sécurité et au contrôle. Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement n° 1549 est retiré.
Les conclusions du rapport de l'Igas sur la qualité de l'accueil et la prévention de la maltraitance dans les crèches le montrent, il serait pertinent d'autoriser les députés à visiter à tout moment les crèches et les EAJE. Vous venez de nous expliquer qu'au niveau départemental, les capacités de contrôle étaient insuffisantes. Avec cet amendement, nous vous offrons 577 contrôleurs supplémentaires potentiels. Il va donc dans le bon sens, et j'espère qu'il recevra un avis favorable.
Nous avons tout loisir de visiter un établissement, que ce soit un Ehpad ou un EAJE, et nous le faisons tous régulièrement. Compte tenu du public accueilli, il me semble en revanche préférable de réserver le droit de visiter un établissement de façon impromptue aux autorités de contrôle. Avis défavorable.
Avis défavorable. Oui, le rapport de l'Igas a révélé des faits scandaleux, qui ne peuvent nous laisser insensibles et qui doivent nous inciter à l'action.
Précisément, nous agissons : pour la première fois, cet article prévoit de donner le pouvoir à l'Igas et à l'IGF – Inspection générale des finances – de contrôler les sièges sociaux des groupes, ce qui n'était pas possible jusqu'à présent.
En ce qui les concerne, les parlementaires ne disposent ni d'un pouvoir de police, ni d'un pouvoir de sanction. Ils ne sont pas formés pour procéder à des contrôles inopinés, ignorant la plupart du temps ce qui se passe dans ces établissements. En revanche, les PMI et les DDETS – et, de manière générale, toutes celles et ceux qui disposent de la qualification adéquate – sont formés à cette mission.
En ma qualité de ministre des solidarités et des familles, je me dois aussi de souligner que l'enjeu majeur est la pénurie de professionnels. Instaurer une culture du contrôle ne doit pas nous conduire à nourrir une culture de la défiance ou du soupçon à l'égard des professionnels qui travaillent dans ces établissements. Si demain, on leur dit que n'importe quel parlementaire pourrait venir les contrôler sans avoir la qualification nécessaire ni disposer d'un pouvoir de police, on alimente le soupçon à l'égard de ces professionnels. Ce n'est sans doute pas ce que vous souhaitez. Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je suis défavorable à cet amendement qui procède d'une conception erronée du rôle des parlementaires. Nous n'avons pas vocation à entrer dans tous les lieux de vie économique et sociale, nous ne sommes pas formés pour comprendre ce qui s'y passe. Nous bénéficions d'un droit de visite dans les lieux de privation de liberté. C'est un droit essentiel, que nous devons conserver pour vérifier que rien d'anormal ne s'y déroule. Mais de quel droit pourrions-nous pénétrer dans l'ensemble des établissements ? Cette conception erronée du rôle des parlementaires est à bien des égards révélatrice.
Madame la ministre, je ne crois pas qu'un parlementaire soit formé pour se rendre dans une prison.
Il n'y a pas de raison qu'il soit davantage formé pour visiter une crèche. Contrôler le fonctionnement de ces établissements nous paraît une bonne idée, car des dysfonctionnements existent. L'épouvantable rapport de l'Igas sur la qualité de l'accueil et la prévention de la maltraitance dans les crèches a révélé que certains enfants avaient été accrochés au radiateur, que d'autres n'étaient pas changés ou ne buvaient pas suffisamment.
Tous autant que vous êtes, vous avez fait preuve de lâcheté, le 12 janvier, en refusant de voter ma proposition de loi visant à étendre le droit de visite des parlementaires et parlementaires européens élus en France aux établissements sociaux et médico-sociaux. Nous, parlementaires, sommes la famille de ceux qui n'en ont pas, nous avons une obligation de résultat envers ces enfants qui sont en crèche et ceux qui sont placés – nous avons évoqué cette question ce matin avec Mme Goulet et Mme la secrétaire d'État Charlotte Caubel. Cessez d'être lâches : nous ne sommes pas davantage formés pour aller dans les prisons que dans les crèches. Faites face à vos responsabilités !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Madame la députée, notre responsabilité est d'abord de voter la loi avant de nous rendre dans tous les établissements.
N'importe quel parlementaire qui souhaite visiter une crèche a la faculté de le faire. Je ne doute pas que nous l'ayons tous fait.
Permettez-moi de vous dire que le parallèle que vous établissez entre le lieu de privation de liberté qu'est la prison et une crèche ne me paraît pas pertinent.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Les enfants accueillis en crèche ou les personnes âgées prises en charge dans les Ehpad ne sont en rien comparables aux personnes enfermées dans des établissements pénitentiaires. Ce n'est pas le bon signal à envoyer ce soir.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 197
Nombre de suffrages exprimés 196
Majorité absolue 99
Pour l'adoption 43
Contre 153
L'amendement n° 795 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à encadrer les contrôles départementaux des crèches par les principes suivants : garantie d'absence de sanction en cas de non-respect de recommandations extraréglementaires, création d'une échelle nationale de sanctions en lien avec les manquements constatés, sans risque de divergences locales, garantie de mise en œuvre d'une procédure contradictoire.
Comme pour toute décision administrative, le principe du contradictoire s'applique de plein droit. Votre amendement est donc satisfait. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.
L'amendement n° 930 n'est pas adopté.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l'amendement n° 936 .
Changez de feuille, cher collègue.
Sourires.
Nous proposons que le régime de sanction pour non-respect des conventions de subvention d'investissements soit public, national, exhaustif et opposable afin de garantir l'homogénéité du traitement, quels que soient le département d'implantation, le statut juridique ou le modèle économique du gestionnaire.
Le conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales adoptera une circulaire relative aux sanctions en cas de manquement aux règles conventionnelles. Le régime de sanction sera intégré au modèle national de convention. Votre amendement me semble donc satisfait. Aussi vous demanderai-je de le retirer ; sinon, avis défavorable.
L'amendement n° 936 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 10 bis, amendé, est adopté.
L'amendement n° 1569 du Gouvernement est un amendement de coordination.
L'amendement n° 1569 , accepté par la commission, est adopté.
Il s'agit de renforcer les contrôles annuels des services aux familles, en permettant à ces derniers de faire valoir les certifications de service et labellisations réalisées par un organisme extérieur contrôlant les mêmes points que les autorités de contrôle.
La possibilité de considérer le contrôle externe comme valant contrôle interne ne serait pas nouvelle dans le secteur des services à la personne car, pour les entreprises et associations d'aide à domicile, l'article R. 7232-8 du code du travail dispose déjà que « la demande de renouvellement est déposée, au plus tard, trois mois avant le terme de la période d'agrément auprès du préfet du département du lieu d'implantation du principal établissement de la personne morale ou de l'entrepreneur individuel ».
Chaque organisme agréé et certifié bénéficie d'un renouvellement automatique de son précédent agrément, à condition que l'ensemble de ses activités et des établissements concernés soient couverts par une certification, laquelle doit être fondée sur un référentiel des services à la personne qui respecte les exigences fixées par le cahier des charges mentionné à l'article R. 7232-6 du code du travail. Cet article a été complété par la circulaire du 11 avril 2019, qui précise que « la certification de service permet un renouvellement automatique de l'agrément ».
Par le présent amendement, nous proposons donc qu'une expérimentation soit menée pour une durée limitée afin d'évaluer la qualité et l'efficacité des contrôles réalisés par des organismes externes.
Sourires et applaudissements
À l'article 10 bis, le Gouvernement propose un dispositif complet et bien encadré qui me semble répondre à votre demande. Je vous invite donc à retirer ces amendements. À défaut, avis défavorable.
Il n'est actuellement possible d'externaliser les contrôles qu'en matière d'évaluation. Il me paraît souhaitable que cette possibilité reste circonscrite à cette matière, de sorte que les contrôles soient exercés sous la responsabilité de ceux qui sont pleinement compétents dans ce domaine, à savoir les conseils départementaux. Sinon, nous prendrions le risque que, demain, le traitement soit différent selon l'organisme qui réaliserait le contrôle.
Par ailleurs, puisque nous examinons les derniers amendements déposés sur ma partie du texte – nous sommes allés un peu plus vite que prévu… –, je veux vous redire combien il est nécessaire que nous avancions collectivement – sans doute dans le cadre d'une concertation avec l'ensemble des groupes qui en manifesteront la volonté – vers un véritable service public de la petite enfance.
Nous partageons tous l'objectif de susciter à nouveau des vocations dans ce secteur, car la pénurie de professionnels s'auto-entretient, engendre perte de sens et souffrance au travail et contribue à dégrader la qualité de la prise en charge de nos enfants. Je demeure persuadée que nous avons besoin d'un pilote et que ce pilote doit être la commune, laquelle doit être reconnue et valorisée comme telle et bénéficier d'un soutien beaucoup plus important de l'État.
Nous avons pris, dans le cadre de la convention signée avec la Cnaf, l'engagement de consacrer à la petite enfance 6 milliards d'euros entre 2023 et 2027. J'espère que nous pourrons y retravailler ensemble, car l'intérêt qui doit primer ici est celui de nos enfants.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il s'agit en effet, madame la ministre, de notre dernier échange sur les articles relatifs à la petite enfance. J'espère que vous entendrez le vote de la représentation nationale et sa volonté de supprimer l'article 10. Bien entendu, vous prenez ce vote comme une défaite politique, et c'en est une. Mais ce n'est pas un scandale, comme l'a dit un député de la majorité. C'est la vie de la démocratie : la représentation nationale vous dit que, dans le secteur de la petite enfance, ça ne va pas.
Or je suis convaincu que, lors de vos déplacements sur le terrain, nombre de professionnels vous disent la même chose. Il est donc peut-être temps de reconnaître que c'est vrai, que le secteur de la petite enfance est en train de s'effondrer et que votre proposition politique, n'est, pour l'instant, pas à la hauteur.
M. Louis Boyard applaudit.
Encore une fois, j'espère que le vote souverain de l'Assemblée nationale sera entendu par le Gouvernement, que vous réviserez votre feuille de route et que vous nous ferez une proposition sérieuse pour construire un service public de la petite enfance.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
L'adaptation des lois et des règlements aux spécificités ultramarines doit être une préoccupation constante dans la mise en œuvre des politiques publiques outre-mer. « Vous devez anticiper les adaptations nécessaires des lois. » Ces mots ne sont pas les miens ; ce sont ceux de la Première ministre, Élisabeth Borne, et ils ont été prononcés lors du comité interministériel des outre-mer (Ciom) qui s'est tenu il y a quelques mois.
Or, s'agissant du projet de loi pour le plein emploi, vous n'avez pas pris la mesure des adaptations nécessaires pour l'outre-mer : vous n'avez pas adapté le texte aux spécificités ultramarines.
De deux choses l'une : soit la Première ministre ne croit pas elle-même à ses propos, qui sont une tentative d'enfumage des populations et des députés ultramarins, et cela pose la question de la crédibilité du Gouvernement ; soit, monsieur le ministre du travail, vous n'avez pas l'intention d'appliquer les consignes de la Première ministre et, là encore, cela pose la question de la crédibilité du Gouvernement.
Dès lors que vous dites tout et son contraire, nous ne sommes plus en mesure de vous faire confiance. Les populations d'outre-mer attendent du Gouvernement qu'à tout le moins il respecte sa parole lorsqu'il reconnaît les réalités spécifiques de leurs territoires et la nécessité d'y adapter la loi.
Adapter la loi, monsieur le ministre, cela ne veut pas dire légiférer par voie d'ordonnance !
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
L'article 11 vise à autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour les outre-mer. Quel manque de respect pour les députés ultramarins, pour nos électeurs, pour nos territoires ! Je vis cela comme une atteinte à la démocratie parlementaire. Cette question, vous l'avez entendue à maintes reprises, mais elle se pose véritablement : sommes-nous des sous-députés ? Nos territoires sont-ils des sous-territoires de la République ? Y a-t-il les députés qui font la loi et ceux qui doivent attendre les ordonnances ?
Lorsque je rentrerai à La Réunion, que dois-je dire aux électeurs ? Vous, députés des Hauts-de-France ou du Grand Est, accepteriez-vous qu'on légifère par voie d'ordonnance pour ce qui touche à vos régions ?
Certainement pas, car c'est inacceptable ! Nous voulons le respect, nous voulons tout simplement légiférer dans l'intérêt de nos territoires ultramarins.
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et GDR – NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
L'article 11 vise à organiser et à faciliter, de la même manière qu'en métropole, le retour à l'emploi, dans les territoires d'outre-mer, des personnes en difficulté, en situation de handicap ou vulnérables, et ce en recourant à la méthode des ordonnances. Nous devons donc être vigilants : il s'agit d'assurer l'équité dans le cadre d'une différenciation, en tenant compte de la situation du territoire, des ressources disponibles ainsi que des possibilités d'emploi et d'accompagnement pour que les dispositions soient opérantes en fonction des besoins et de l'offre. C'est pourquoi des échanges doivent avoir lieu entre le ministère et les représentants d'outre-mer.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Avec l'article 11, on atteint le paroxysme de votre malaise. Pourquoi voulez-vous éviter de débattre devant la représentation nationale des effets d'une loi inique, effets que vous savez catastrophiques pour les outre-mer ? Une fois de plus, une fois de trop, leur situation sera traitée en catimini, dans l'opacité de vos ordonnances.
Pourquoi vous entêtez-vous à nous maintenir dans cette nébuleuse ? Parce que vous savez pertinemment que votre objectif d'atteindre le plein emploi en 2027 n'est pas réalisable dans les outre-mer.
Parce que vous êtes les mieux placés pour savoir que, depuis des années, vos politiques publiques, en matière d'emploi, de formation, d'éducation et de santé, ne sont pas à la hauteur des enjeux cruciaux de nos territoires, et ne l'ont jamais été.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Votre texte est inapplicable outre-mer, et vous le savez très bien. Votre stratégie qui consiste à légiférer par ordonnance traduit à la fois votre échec durable et votre indignité permanente !
Mêmes mouvements.
Le projet de loi, qui prévoit la création de France Travail, est quasi exclusivement tourné vers les demandeurs d'emploi. Il ne concerne pas les salariés qui souhaitent se reconvertir et qui sont encore plus limités dans leurs possibilités de le faire, faute de financements suffisants. Les moyens publics alloués aux organismes de formation, qu'il s'agisse des groupements d'établissements publics d'enseignement (Greta), de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) ou des organismes privés qui répondent aux appels d'offres des régions et de Pôle emploi, sont insuffisants.
Plusieurs situations sont à déplorer, notamment dans le cadre du dispositif de transition professionnelle lancé par le Gouvernement ; je pense au projet de transition professionnelle lui-même ainsi qu'aux dispositifs démission-reconversion et transitions collectives. Le premier bénéficie de moyens limités – la problématique concerne tant le nombre des prises en charge que leur durée –, le deuxième explose et le troisième ne fonctionne pas, malgré les financements alloués.
À titre d'exemple, des difficultés ont été signalées par des aides-soignants qui souhaitent s'orienter vers la formation d'infirmier ou d'infirmière. Ces formations, longues, durent deux à trois ans, et le financement de la formation elle-même comme la question du salaire sont problématiques.
Ces dysfonctionnements ont des conséquences très négatives sur l'emploi en France et sur l'attractivité des métiers, en particulier dans la fonction publique hospitalière.
Chers collègues, comment peut-on accepter l'inacceptable ? Le Gouvernement affirme qu'il écoutera les représentants de nos territoires. Mais qui sommes-nous, nous, députés, ultramarins, sinon des représentants de nos territoires ?
Comment accepter que vous puissiez légiférer pour nos territoires par ordonnances, alors que vous êtes loin de nos réalités ? Si vous en étiez proches, eh bien, non, vous n'auriez pas entrepris cette démarche. Nous qui sommes des représentants de la nation, représentants de nos territoires, nous sommes les mieux à même de les comprendre. Et si vous aviez eu la décence de discuter au préalable avec nous, nous n'en serions pas là.
Comment pouvons-nous accepter ce mépris vis-à-vis de la représentation nationale ? Comment pouvons-nous accepter, nous qui avons été élus, nous qui avons battu le pavé, entendu les acteurs de l'emploi, qu'on puisse nous dire : non, vous ne devez pas participer au débat au sein de cet hémicycle ? Nous estimons, je le répète, que c'est du mépris pour les députés.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Évidemment, nous demandons la suppression de l'article car il est précisément l'incarnation de ce manque de respect pour notre population, pour nos peuples, pour nous qui représentons le peuple, pour nous qui avons été élus au suffrage universel.
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l'amendement n° 148 .
Nos collègues ultramarins ont tout dit. Une de leurs forces est précisément de représenter une bonne partie des territoires concernés par l'application de la loi. Dès lors qu'il y a un consensus chez ces collègues contre l'article 11, il est de notre devoir, en tant que collègues respectueux de la réalité qu'ils vivent au quotidien sur le terrain, de les écouter et de voter comme eux ces amendements de suppression.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Jean-Victor Castor applaudit également.
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement n° 149 .
Le conseil départemental de La Réunion a voté une motion à l'unanimité, en mai dernier, regrettant que le présent projet de loi ne prenne pas en compte les spécificités réunionnaises et que le régime des sanctions prévu soit inadapté à la situation du territoire. On peut de fait s'interroger sur les effets de l'action de France Travail dans ces territoires particulièrement défavorisés, alors même que des études ont établi que lesdites sanctions allaient inciter à ne pas demander le RSA et qu'il n'était absolument pas garanti que France Travail fasse mieux que Pôle emploi concernant l'accompagnement à l'emploi.
En tout état de cause, le conseil départemental de La Réunion le souligne, c'est d'un accompagnement social renforcé qu'ont besoin les 96 000 allocataires réunionnais du RSA. La Cour des comptes indique également qu'à La Réunion « [t]rop de bénéficiaires, les deux tiers, sont directement orientés par le département vers un parcours professionnel géré par Pôle emploi. Or, en raison de leurs freins sociaux, ils relèvent d'abord de l'accompagnement social et socio-professionnel départemental. » Ainsi, la Cour admet elle-même qu'un renvoi vers un dispositif d'accompagnement professionnel est inadapté dans la majorité des cas, ce qui remet fortement en cause la pertinence de France Travail dans un tel contexte.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons supprimer l'article 11.
Sur les amendements identiques n° 19 , 148 , 149 , 1098 et 1401 , je suis saisie par les groupes Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour soutenir l'amendement n° 1098 .
J'ai l'impression d'un dialogue de sourds. Ce n'est pas la première fois que nous abordons ici l'adaptation normative. Et, pour être entendus, il nous faudrait, en face, avoir des gens qui écoutent. À défaut d'être entendue par le ministre, je m'adresserai à vous, chers collègues, d'autant que c'est vous qui allez voter ce texte. Or peut-il s'appliquer de la même façon dans n'importe quel territoire ? Les Martégaux, les Aixois, les Vosgiens que vous représentez n'auraient-ils pas quelque légitimité à demander que la loi soit adaptée à leur territoire ? Eh bien, c'est ce que nous demandons : qu'on prenne en considération le fait que chez nous les réalités sont différentes. Et nous avons été élus pour représenter nos territoires.
Dans les Vosges, votre population accepterait-elle que vous n'ayez pas voix au chapitre, que vous veniez siéger sur ces bancs sans être écoutés ni entendus, que les textes que vous votez ne concernent pas votre territoire et que les lois et règlements qui s'appliquent chez vous ne soient pas décidés par vous ? Votre population accepterait-elle de voter pour des députés dénués de pouvoir ? Bien sûr que vous ne l'accepteriez pas. Alors pourquoi ce que vous n'acceptez pas pour vous-mêmes, nous l'imposez-vous ? C'est la question que nous sommes en droit de vous poser.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES ainsi que sur de nombreux bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Si vous êtes un tant soit peu honnêtes avec vous-mêmes et avec vos convictions, si vous pensez qu'être député revient à défendre les habitants, le territoire qui vous ont élus, si vous pensez qu'être député revient à siéger dans cette assemblée pour voter des lois adaptées à vos territoires, alors votez cette série d'amendements.
Mêmes mouvements. – M. Davy Rimane se lève pour applaudir.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement n° 1401 .
La grande question que nous vous posons, chers collègues, est la suivante : allez-vous faire sans nous ? Allez-vous voter contre notre volonté, celle de presque tous les députés d'outre-mer, de supprimer l'article 11 ? Nous y sommes opposés car vous voulez calquer la situation de l'Hexagone sur celle de nos territoires. Or le contexte est différent, la situation étant plus grave chez nous à cause du chômage de masse. Pire, à La Réunion, nous n'avons aucun chiffre, aucun bilan, rien, au bout de six mois d'une expérimentation de France Travail.
J'ai rencontré hier des responsables de Pôle emploi : ils sont incapables de donner des éléments sur cette expérimentation, éléments sans lesquels on se demande comment vous pouvez envisager d'appliquer la loi. Comment pouvez-vous envisager dans ces conditions de légiférer par ordonnances ?
Vous avez affirmé à plusieurs reprises, monsieur le ministre, que votre objectif était d'atteindre le plein emploi en 2027. Je vous pose donc encore une fois la question : alors que vous demandez à l'ensemble des bénéficiaires du RSA de signer un contrat d'engagement, êtes-vous prêt à signer un contrat d'engagement avec l'ensemble des parlementaires d'outre-mer, aux termes duquel vous vous engagez à atteindre le plein emploi en 2027 partout dans nos territoires ? Toutefois…
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
La parole est à M. Paul Christophe, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements identiques.
Nous n'avons pas écarté les spécificités des territoires d'outre-mer. Vous avez d'ailleurs été nombreux, au cours de l'examen du texte, à faire valoir ces spécificités et, régulièrement, à nous inviter à en tenir compte. Ce sera le cas dans le cadre du fonctionnement en réseau du service public de l'emploi, jusqu'à la territorialisation – c'est aussi cela l'intérêt de l'approche territoriale, qui nous permet de coller aux territoires, ce que vous appelez de vos vœux. De même, les ordonnances ne contenant pas de principes différents de ceux présentés au cours de l'examen du texte, elles permettront de s'assurer de la pleine applicabilité de la loi, au plus près des spécificités des territoires, en fonction, en particulier, de leurs statuts particuliers.
Je tiens en outre à rappeler, mais il y reviendra sans doute dans un instant, l'engagement pris au banc par le ministre Dussopt de rédiger ces ordonnances en vous y associant pleinement. J'émets donc un avis défavorable. Je considère même que supprimer l'article 11 ne permettrait pas de traduire dans la réalité l'intérêt que nous portons aux territoires d'outre-mer, en particulier à leurs populations défavorisées.
Vous n'écoutez pas les représentants du peuple, en l'occurrence ceux de l'outre-mer !
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, pour donner l'avis du Gouvernement.
J'ajouterai trois arguments à ceux de M. le rapporteur – que bien évidemment je partage.
Tout d'abord, nous sommes bien conscients des spécificités de l'économie en outre-mer et conscients aussi que d'un territoire ultramarin à l'autre, les différences peuvent être très grandes tant en ce qui concerne les difficultés sociales ou de mobilité qu'en ce qui concerne l'emploi. Nous savons que les caractéristiques économiques de ces territoires nécessitent une adaptation des textes et nous avons fait le choix, sur lequel nous nous sommes déjà exprimés depuis le début du débat – j'ai à l'esprit quelques échanges avec Mme K /Bidi –, de procéder à ces adaptations par ordonnances et vous nous avez indiqué ne pas approuver cette méthode. Je l'entends mais nous avons maintenu notre choix.
Ensuite, M. le rapporteur l'a rappelé, je me suis engagé à ce que les ordonnances soient préparées non seulement avec les parlementaires d'outre-mer, mais avec les collectivités concernées, qui seront associées à leur rédaction. Et c'est une bonne chose car travailler avec les collectivités, avec les exécutifs locaux – conseils départementaux, collectivités régionales, intercommunalités –, est la meilleure façon de prendre en considération les particularités locales, notamment les modalités d'action, et pas uniquement dans le cadre des expérimentations. Je réitère donc l'engagement pris devant vous d'associer les parlementaires de chacun des territoires.
J'ajoute sur ce point un argument que M. le rapporteur n'a pas évoqué : l'article 11, s'il est adopté ainsi qu'il est rédigé, prévoit qu'un projet de loi de ratification sera déposé dans un délai de six mois à compter de la publication des ordonnances. Ce qui signifie, dans l'hypothèse où le projet de loi serait adopté définitivement et promulgué avant la fin de l'année 2023 et dans l'hypothèse où les ordonnances seraient publiées dans la foulée, que ce projet de ratification serait déposé avant la fin du premier semestre 2024, pour un texte dont l'entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2025. Ce qui signifie aussi que si vous considérez que les ordonnances ne sont pas fidèles au principe de différenciation, il vous sera possible de ne pas les ratifier avant l'entrée en vigueur de la loi.
Enfin, troisième argument, les signataires de cette série d'amendements sont confrontés à un dilemme. Je comprends que déposer des amendements de suppression de l'habilitation à légiférer par ordonnances est un moyen de rappeler votre opposition à cette méthode, mais je tiens à souligner que si l'article 11 était supprimé, le principe d'identité législative conduirait à ce que la loi telle que votée serait appliquée sans possibilité de différentiation dans les territoires ultramarins. Je sais pertinemment que ce n'est pas ce que vous souhaitez en déposant ces amendements, mais ce serait une des conséquences de la construction juridique de nos textes.
Pour ces raisons, je donne un avis défavorable.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Plusieurs d'entre vous souhaitent s'exprimer ; je commence par donner la parole à M. Hervé de Lépinau.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, visiblement vous n'écoutez rien et vous ne comprenez rien. L'intérêt de la constitution de l'Assemblée est qu'y siègent des élus des territoires ; ceux des territoires d'outre-mer vous ont très clairement exprimé leur point de vue, lequel est le fruit d'une expérience locale. Monsieur le ministre, vous nous faites un cours de droit public pour nous expliquer que si nous ne vous suivons pas, nous nous planterons. Reste qu'il me semble que les interventions des collègues ont été riches d'enseignement et, je le répète, d'expériences ; de toute évidence, le texte tel qu'il est rédigé portera préjudice aux territoires ultramarins.
En tant que membre de la délégation aux outre-mer, j'ai bien compris que, sous ce second mandat Macron, les territoires d'outre-mer resteront toujours le parent pauvre des politiques publiques. C'est pourquoi les députés de mon groupe voteront bien évidemment ces amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je suis persuadé, comme plusieurs de nos collègues siégeant sur tous les bancs, que nous ne faisons pas assez pour les territoires d'outre-mer. Toutefois la nature même de ce projet de loi, c'est une approche locale de l'emploi. On ne peut pas imaginer une approche locale de l'emploi sans y associer les collectivités ; il faut donc une déclinaison fine.
Je suis sûr que la structure de l'emploi – vous avez déjà évoqué le taux de chômage –, le tissu des associations et des acteurs de l'emploi ne sont pas forcément les mêmes que dans l'Hexagone. Le fait que le ministre s'engage, ce qui est un fait nouveau pour moi, pour se concerter avec les parlementaires des territoires concernés est, me semble-t-il, la meilleure des garanties …
…pour que les dispositions soient adaptées à vos territoires respectifs. Je suis certain en effet qu'entre la Guyane, La Réunion, les Antilles et La Nouvelle-Calédonie, et j'en oublie, il y a encore des différences. Ce format est le plus pertinent pour tenir compte de manière fine des spécificités.
Je veux revenir sur les propos qu'a tenus à l'instant le ministre : si l'habilitation à légiférer par ordonnances n'est pas adoptée, alors une même règle s'appliquera pour tous, nous a-t-il dit. C'est bien le problème. À l'article 1er , à l'article 2, à l'article 3 et aux suivants, les députés de tous les bancs vous ont dit leur regret devant le choix du Gouvernement de recourir aux ordonnances. Ici, nous légiférons pour que, dans la France entière, hexagonale ou ultramarine, les réalités soient prises en compte. Les indicateurs socio-économiques montrent qu'à l'évidence, la pauvreté est plus grande dans un certain nombre de territoires d'outre-mer et cela justifie une adaptation. Cependant l'adaptation ne doit pas passer par les ordonnances, elle doit être garantie par la plasticité induite par le texte de loi lui-même.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. Paul Molac applaudit également.
Notre travail, en tant que législateur, n'est pas de créer un précédent qui reviendrait à dire à nos collègues ultramarins : venez siéger, venez voter ; vos territoires, eux, seront pris en compte dans des ordonnances. C'est un très mauvais signal pour la démocratie.
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Le groupe Gauche démocrate et républicaine est convaincu que les effets de ce texte seront néfastes partout et qu'ils seront plus catastrophiques encore dans les territoires dits d'outre-mer.
Monsieur le ministre, je vous ai écouté attentivement : vous voulez nous faire aimer les ordonnances. Vous n'y parviendrez pas, c'est peine perdue. Toutes et tous, nous voulons légiférer en tenant compte des spécificités de certains territoires. C'est ce que disent nos collègues ultramarins et que nous disons avec elles et avec eux. Nous ne voulons pas laisser la main au Gouvernement.
Vous affirmez que l'adoption des amendements de suppression de l'article 11 aurait des effets plus graves encore puisque ce seraient les dispositions de ce mauvais texte qui s'appliqueraient à l'outre-mer. Or le texte ainsi amendé poursuivrait son parcours législatif et nous aurions tout loisir de préciser la manière dont nous entendons que les choses se passent dans ces territoires. Ce que nous aurions souhaité, c'est que, dès le départ, des dispositions claires permettent de débattre avec l'ensemble de l'Assemblée nationale de ce qui doit être appliqué dans les outre-mer.
Tel est le sens de ces amendements de suppression.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Monsieur le ministre, vous tentez de justifier votre position hermétique à l'égard de nos amendements en évoquant l'hétérogénéité de nos territoires, mais ce soir, nous faisons la démonstration de l'homogénéité de nos positions au sein de cet hémicycle.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
À trop vouloir nous diviser, vous nous avez unifiés.
Vous prétendez finalement, sans l'admettre, que vous savez mieux que nous ce qui est bon pour nous.
Vous vous êtes engagé à consulter les parlementaires d'outre-mer pour la suite, mais pourquoi ne l'avoir pas fait en amont de ce projet de loi ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
Pourquoi ne pas le faire maintenant, en acceptant notre position commune ? Quand allez-vous enfin comprendre et admettre que nous sommes les meilleurs spécialistes des affaires de nos territoires ? Toute autre position relèverait du colonialisme le plus absolu.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
En vous écoutant, monsieur le ministre, on aurait presque été convaincus. Finalement, les ordonnances, c'est beau, efficace, parfait et elles font même l'objet d'une concertation. Le problème, c'est que la concertation, ce n'est pas après le vote du texte qu'il faut la faire, c'est avant ! Avec l'article 11, nous voyons bien que le problème tient à votre méthode et à votre incapacité à préparer des textes rassembleurs et cohérents.
M. Inaki Echaniz applaudit.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 203
Nombre de suffrages exprimés 200
Majorité absolue 101
Pour l'adoption 97
Contre 103
Brouhaha.
Je suis saisie de deux amendements, n° 417 et 1188 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur le vote de l'amendement n° 417 , je suis saisie par le groupe Écologiste – NUPES d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Davy Rimane, pour soutenir l'amendement.
Cet amendement vise à exclure nos territoires de l'application de cette loi.
Le brouhaha continue.
S'il vous plaît, chers collègues. Veuillez poursuivre, monsieur Rimane.
Je donnerai quelques chiffres pour que notre assemblée comprenne dans quelle situation nous nous trouvons. Dans les territoires d'outre-mer, la part de la population se situant en dessous du seuil de pauvreté varie entre 30 % et 77 %. Le seuil de pauvreté se situe en moyenne à 600 euros alors qu'il est fixé à 1 053 euros dans l'Hexagone. Les industries n'y sont pas aussi développées et le tissu économique et social n'est pas le même. Il existe de grandes disparités.
Après la réforme de l'assurance chômage, vous demandez à nouveau que nos territoires soient mis à l'écart. Si vous y appliquez le texte, cela aura des effets dévastateurs sur nos territoires, qui vivent une catastrophe sociale : un actif sur deux est sans emploi. Des milliers de personnes arrivées à l'âge de la retraite ne toucheront rien car elles n'auront pas cotisé. Si on relevait les mêmes chiffres dans l'Hexagone, tout le monde crierait au scandale. Ce qui se passe chez nous répond au proverbe « Loin des yeux, loin du cœur ».
Prenez en compte ce que nous disons, excluez nos territoires du champ d'application de cette loi qui ne fera qu'accentuer les inégalités avec l'Hexagone !
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à M. Frédéric Maillot, pour soutenir l'amendement n° 1188 .
J'allais dire que je souhaitais – que nous souhaitions – que cette loi ne soit pas appliquée outre-mer, mais force est de constater que cette loi est plutôt votre loi, puisqu'elle n'a pas été décidée avec nous. En décidant d'appliquer ce texte dans les territoires ultramarins, vous nous avez mis de côté, vous avez nié la démocratie qui nous a menés jusqu'aux bancs de l'Assemblée.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Si des expérimentations ont été menées, notamment à La Réunion, aucun, je dis bien aucun, rapport n'a été publié. Tous les acteurs sociaux et tous les acteurs économiques que nous avons rencontrés – y compris ceux de votre camp, ma collègue Bassire vous l'a rappelé – sont sceptiques quant à l'efficacité des dispositions de ce projet de loi dans nos pays dits ultramarins.
L'exécutif n'inclut pas les outre-mer dans ses projets et sa méthode revient à appliquer un dispositif décidé dans le huis clos du bureau du ministre. Vous privez les députés ultramarins de la capacité de décider eux-mêmes. Vous ne nous prenez pas au sérieux. C'est du mépris, monsieur le ministre !
Mes chers collègues ,
M. Frédéric Maillot se tourne vers les rangs de la majorité
c'est à vous que je m'adresse : faites un vote de bon sens, un vote dicté par la morale et non un vote clanique !
Michel Debré – et cela me fait de la peine de le citer dans cet hémicycle – disait : « Créole un jour, créole toujours » ; ce soir, nous constatons que c'est « colon un jour, colon toujours ».
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES. – Vives protestations sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Monsieur le ministre, tout ce qui est fait pour nous est fait contre nous et à force de vouloir nous diriger par ordonnance et par décret, vous êtes en train de vous décrédibiliser.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES.
Je me fonde sur l'article 100 relatif à la bonne conduite de nos débats. Notre collègue, sûrement dans la passion qu'il a mis dans la défense de son amendement, a employé des mots qui, je l'espère, ont dépassé ce qu'il avait dans sa conscience.
Je lui demande de présenter des excuses. Nous pouvons avoir une discussion sereine tout en exprimant des points de vue différents, et c'est l'honneur de notre hémicycle, mais honnêtement, monsieur Maillot, les propos que vous avez tenus sont insupportables.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Je vais vous donner la parole, monsieur Maillot, mais il est vrai qu'il ne faut pas aller trop loin dans ses mots.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous sommes là pour que les débats se tiennent de manière sereine. Vous avez la parole, monsieur Maillot.
Je vais citer Thomas Sankara : « Un esclave qui n'assume pas sa révolte ne mérite pas qu'on s'apitoie sur son sort. ».
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES. – Mme Ségolène Amiot et M. Louis Boyard se lèvent pour applaudir. – Protestations sur les bancs du groupe RE.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt-cinq, est reprise à vingt-trois heures trente-cinq.
Compte tenu de la hauteur des débats, je me contenterai de donner un avis défavorable sur ces deux amendements.
Même avis.
J'ai entendu, monsieur le ministre, votre avis et les raisons pour lesquelles vous l'émettiez. Vous nous assurez qu'une concertation sera menée avec les territoires ultramarins ; cependant, nous ne voulons pas être simplement consultés, nous voulons voter.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Vous affirmez que les collectivités seront associées ; nous ne voulons pas être associés, nous voulons voter.
Vous nous demandez de vous faire confiance ; nous ne voulons pas vous faire confiance, nous voulons voter.
Vous nous expliquez que nous pourrons ratifier les ordonnances ; mais, encore une fois, nous ne voulons pas ratifier, nous voulons voter.
J'ai l'impression de me tenir devant vous, monsieur le ministre, telle une suffragette au début du XX
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Or, que vous le vouliez ou non, l'outre-mer a le droit de voter, et un jour ce sera dit !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Nous avons entendu de la part de nos collègues sur les bancs d'en face des propos qui ne sont pas acceptables dans cette enceinte. Il n'y a pas de colons dans cette assemblée.
Monsieur Dessigny, c'est moi qui préside la séance. Les propos sont en effet inacceptables et j'en référerai demain à Mme la présidente. Néanmoins, vous avez demandé la parole sur l'amendement : soit vous y revenez, soit nous passons au vote.
Nous sommes tous des représentants de la nation. Étant donné les propos que nous avons entendus, nous nous abstiendrons sur cet amendement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 182
Nombre de suffrages exprimés 152
Majorité absolue 77
Pour l'adoption 51
Contre 101
L'amendement n° 417 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1188 n'est pas adopté.
Je ne reviendrai pas sur ce qui a été évoqué par mes collègues ultramarins depuis plusieurs heures, voire plusieurs jours, depuis que nous avons entamé l'examen du projet de loi pour le plein emploi. Comme cela a déjà été dit, ce texte fait totalement l'impasse sur les réalités sociales et économiques de nos territoires. La concertation n'existe pas, sans parler du fait qu'elle aurait dû être menée avant.
Il s'agit d'un amendement de repli, qui vise à prolonger de six à douze mois le temps de la concertation avant la prise d'ordonnances par le Gouvernement. Cette concertation doit être menée avec les acteurs locaux et les parlementaires, afin de prendre en considération la réalité de nos territoires, qui est différente de celle de l'Hexagone.
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement n° 153 .
Comme notre collègue Naillet, nous proposons de décaler la publication des ordonnances relatives à l'application du présent projet de loi en outre-mer, afin de tenir compte des expérimentations qui sont actuellement menées pour préfigurer l'avènement de France Travail. Il convient en effet d'attendre qu'une évaluation des expérimentations soit réalisée avant de prendre des ordonnances visant à appliquer la loi dans les territoires ultramarins.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Comme l'a souligné le ministre précédemment, repousser la concertation au-delà de six mois reviendrait à empêcher l'examen des ordonnances par le Parlement avant la promulgation de la loi. Ce serait donc contre-productif par rapport à l'objectif d'en débattre. Je m'engage à être présent ici même le jour où nous examinerons lesdites ordonnances. Avis défavorable.
Encore une fois, il s'agit d'un amendement d'une parlementaire qui souhaite que les règles qui régiront son territoire soient présentées au Parlement. J'ai déjà invoqué les raisons pour lesquelles nous défendons ce type d'amendements. De repli en repli, nous en venons à nous recroqueviller sur nous-mêmes et à demander que le Gouvernement nous accorde le droit de décider, en tant que parlementaires, des lois qui devraient s'appliquer dans nos territoires. C'est toujours la même chose, encore et encore !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR – NUPES.
L'amendement n° 96 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Appliquer une loi majoritairement orientée vers les sanctions dans des territoires où le taux de pauvreté atteint 60 %, comme en Guadeloupe ou en Guyane, et 40 % en Martinique et à La Réunion, et où le taux de chômage est très élevé – 24 % à La Réunion, 38 % à Mayotte – n'a pas grand sens.
La levée des freins à l'emploi dépend d'un accompagnement social bienveillant et non d'un renforcement des sanctions qui n'entraînera que du non-recours. L'une des spécificités des territoires ultramarins est qu'ils concentrent 96 000 allocataires du RSA, sans disposer en face des structures à même de les accueillir ou de soutenir le rythme proposé de quinze heures hebdomadaires d'activité, sur une durée que l'on ne mesure pas actuellement. Cela conduirait à mettre dans l'embarras aussi bien France Travail que les allocataires.
C'est pourquoi le présent amendement prévoit que les ordonnances ne reprennent pas les dispositions relatives aux sanctions envers les allocataires du RSA, prévues dans le projet de loi.
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l'amendement n° 293 .
Il est similaire à celui qui vient d'être très bien défendu par notre collègue Bassire, à ceci près qu'il n'inclut pas la consultation des parlementaires. Il s'agit donc presque d'un amendement de repli.
M. le ministre s'est exprimé précédemment sur la rédaction des ordonnances et s'est engagé à associer au plus près les parlementaires et à écouter les territoires concernés. Avis défavorable.
Sur l'article 11, je suis saisie par les groupes La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et Écologiste – NUPES d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Max Mathiasin, pour soutenir l'amendement n° 824 .
Je constate ce soir que certains mots ou certaines expressions font frémir. Pour notre part, ce qui nous a fait frémir – nous, députés ultramarins – à la découverte du texte, c'est que le Gouvernement ait osé l'intituler « projet de loi pour le plein emploi ». En effet, de 1948 à nos jours, y compris pendant les années qu'on appelle les Trente Glorieuses, l'outre-mer n'a jamais connu l'ombre d'une situation approchant le plein emploi.
Nous ne connaissons pas le plein emploi : dans nos pays, 50 % des adultes sont sans activité ou ont peu d'activité. C'est pourquoi, lorsque je vois mes collègues de la majorité relative voter comme un seul homme, comme à l'accoutumée, contre les amendements soutenus par nos collègues venant tant d'outre-mer que de l'Hexagone, j'en suis profondément choqué et je comprends que cela suscite leur colère.
En découvrant que la législation qui s'appliquera à notre population et à notre jeunesse sera définie par ordonnance, force est de constater que le Gouvernement n'a pas tenu compte de nos demandes et de nos interventions dans cette assemblée. C'est bafouer les sentiments, l'économie et les efforts de la France périphérique – appelons-la ainsi, puisque vous refusez d'autres expressions –,…
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé. L'orateur continue à s'exprimer sans micro. – Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LIOT ainsi que sur de nombreux bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Avis défavorable. Les ordonnances seront précisément rédigées dans l'esprit de l'amendement.
Même avis.
Permettez-moi de lire l'amendement à voix haute, car il ne propose rien d'extravagant – avec tout le respect que je dois à M. Mathiasin, il aurait pu être rédigé par Olivier Dussopt lui-même.
Assentiment sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES.
« Cette adaptation est mise en œuvre de façon différenciée dans chacune de ces collectivités en coopération étroite avec les élus locaux, les parlementaires et les acteurs économiques et sociaux. » C'est exactement ce que vient de dire M. le ministre : n'ayez pas peur, nous tiendrons compte des spécificités de chaque territoire, nous consulterons les élus locaux, les parlementaires et les acteurs économiques et sociaux, nous y associerons chacun dans chaque territoire…
Nous sommes privés de notre droit de voter, mais vous, chers collègues de la majorité, vous l'avez. Puisque l'amendement correspond exactement aux promesses de M. le ministre, vous ne prenez aucun risque en le votant ! Je vous invite donc à le faire.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES. – M. Max Mathiasin applaudit également.
L'amendement n° 824 n'est pas adopté.
Protestations sur quelques bancs du groupe SOC.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 190
Nombre de suffrages exprimés 186
Majorité absolue 94
Pour l'adoption 97
Contre 89
L'article 11 est adopté.
Je suis saisie de cinq amendements, n° 1297 , 193 , 43 , 352 et 389 , portant article additionnel après l'article 11 et pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 43 , 352 et 389 sont identiques.
Les amendements n° 1297 de M. Philippe Juvin, 193 de Mme Katiana Levavasseur et 43 de M. Benjamin Saint-Huile sont défendus.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l'amendement n° 352 .
Il s'agit d'un amendement de repli visant à prévoir une évaluation de France Travail d'ici à 2027. J'en profite pour souligner que nombre de nos questions sont demeurées sans réponse ; j'espère qu'on nous répondra avant 2027 !
L'amendement n° 389 de M. Thibault Bazin est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable. L'une des missions du comité national consistera justement à proposer des évaluations accessibles aux parlementaires. Je ne doute pas que nous les analyserons.
Même avis.
Les amendements nous semblent répondre à plusieurs objections formulées par M. le rapporteur, M. le ministre du travail et Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées. En effet, ils tendent à doubler le rapport dont vous prévoyez la remise par le comité national France Travail d'un second rapport remis par le Gouvernement, ce qui permettrait d'accéder à davantage de données et à des perspectives plus diverses, voire contradictoires. De plus, le rapport gouvernemental prévu par les amendements identiques serait remis dans un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur du texte, ce qui ne correspond pas forcément à la date de remise du rapport du comité national.
On ne souffre jamais de recevoir davantage d'informations. Au contraire, le texte pâtit d'avoir été rédigé sans attendre la fin des expérimentations.
Nous vous proposons donc une rapide séance de rattrapage. Ce n'est pas difficile, il suffit de voter oui ! Moyennant cela, nous oublierons que vous avez caché ce qu'ont révélé ou auraient pu révéler les expérimentations engagées depuis huit mois. Ainsi, nous aurons au moins accès à cette information dans les années qui suivront. Vous avez abdiqué le passé ; prévoyez au moins l'avenir !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 160
Nombre de suffrages exprimés 160
Majorité absolue 81
Pour l'adoption 76
Contre 84
Il vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport complet évaluant les moyens humains et financiers nécessaires à l'accompagnement des personnes inscrites sur la liste des demandeurs d'emploi.
Monsieur le ministre, vous avez fait beaucoup d'annonces que vous n'avez pas étayées par des éléments factuels et précis. Vous avez évoqué des modes de financement reposant notamment sur l'Unedic, contre l'avis de plusieurs organisations concernées. Nous vous demandons donc qu'il nous soit remis un rapport à ce sujet.
Même avis.
L'amendement est crucial, puisqu'il aborde la question des moyens humains et financiers, au sujet desquels nous vous interrogeons régulièrement. Il s'agit de savoir quels moyens seront déployés pour chaque demandeur d'emploi. Chers collègues, si nous ne votons pas aujourd'hui cet amendement, vous demanderez un tel rapport d'ici un an ou deux !
Il nous incombe de contrôler l'action du Gouvernement. Nous demandons ce rapport dès à présent pour prendre de l'avance dans cette mission et préparer le contrôle des lois que vous votez – car au risque de vous surprendre, nous ne voterons pas celle-ci. Il vous paraît peut-être futile de réclamer des moyens humains et financiers pour chaque demandeur d'emploi,…
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Depuis huit jours que nous parlons de demandeurs d'emploi, d'allocataires du RSA et de personnes en détresse psycho-sociale, nous n'avons cessé de mettre l'accent sur leur besoin fondamental d'accompagnement. C'est pourquoi un tel rapport est indispensable : si vous ne le votez pas, c'est que vous ne croyez pas en ce projet de loi !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Madame Fiat, soyons honnêtes : si le Gouvernement vous remet un rapport attestant que les moyens humains déployés sont suffisants pour accompagner les demandeurs d'emploi, vous le contesterez.
Vives protestations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Faites votre boulot et demandez une mission parlementaire pour contrôler l'action du Gouvernement !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et RE.
Vous demandez un rapport, pas une mission. Ce n'est pas la même chose !
L'amendement n° 466 n'est pas adopté.
Madame Fiat, s'il vous plaît…
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l'amendement n° 1738 .
Nous demandons un rapport évaluant les effets de l'inscription automatique des personnes en situation de handicap sur la liste des demandeurs d'emploi.
L'amendement est satisfait par les amendements relatifs aux alinéas 4 et 9 de l'article 1er , que nous avons adoptés. Demande de retrait ou avis défavorable.
L'amendement n° 1738 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l'amendement n° 636 .
Il concerne un sujet d'importance évoqué à plusieurs reprises tant en commission qu'en séance : le cumul des indemnités. En effet, la RSFP, rémunération des stagiaires de la formation professionnelle, et la RFPE, rémunération des formations de Pôle emploi, sont cumulables avec le RSA, mais ont pour effet d'en réduire le montant car elles sont comptabilisées comme revenus.
Ce système est illisible pour les allocataires. Nous demandons donc un rapport visant à le clarifier et à en évaluer les effets sur les ressources dont disposent les personnes concernées. Cela nous paraît important.
Même avis.
…car, parvenant à la fin du débat, nous ne savons toujours pas exactement ce qu'il en sera des quinze heures d'activité obligatoire. C'est tout de même incroyable !
Vous avez tous voté cette mesure les yeux bandés, faisant aveuglément confiance aux rapporteurs – qui inspirent, certes, beaucoup de sympathie, mais il n'empêche que nous ne connaissons toujours pas la nature des activités en question ! On nous a expliqué qu'il y aurait des stages par-ci, des mises en situation en milieu professionnel par-là, du recrutement par simulation… Bref, un panel de situations qui n'ont rien en commun, si ce n'est l'opacité de la rémunération !
L'amendement de M. Delaporte vise à clarifier au moins le seul point au sujet duquel nous avons quelques informations, à savoir la rémunération perçue par les stagiaires de la formation professionnelle.
Cette rémunération est cruciale, parce qu'elle permet l'accès à des qualifications. Lorsqu'une personne cherche à se qualifier, c'est le signe qu'elle se projette à long terme, qu'elle envisage une reconversion ou recherche une promotion. Une telle formation professionnelle doit être soutenue financièrement, ce à quoi ne sauraient servir vos quinze heures d'activité obligatoire qui, pour partie, ne donneront lieu à aucun autre revenu que le RSA.
C'est l'occasion de revenir sur les exemples précis que nous avons évoqués. À La Réunion ou à Tourcoing, alors que les personnes placées en activité de travail effectuent les mêmes actes que les salariés, les « bénéficiaires » de votre dispositif ne sont pas rémunérés pour le travail qu'ils accomplissent. Ni les différentes formations, qu'elles soient académiques, extra-académiques ou continues, ni la MRS, la méthode de recrutement par simulation, ne font l'objet d'un encadrement national ni d'une rémunération fixe. Non seulement cela décourage les personnes qui y participent, mais cela nuit aux formations elles-mêmes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
L'amendement n° 636 n'est pas adopté.
L'amendement n° 605 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
« Il est minuit ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vives exclamations.
Si je suspends à la séance à minuit, nous ne reprendrons pas les débats. Soit nous continuons, comme nous en avons évoqué la possibilité, soit je lève la séance.
Aux termes de l'article 50 du règlement et conformément à ce qui a été décidé en conférence des présidents, soit nous prolongeons la séance pour finir l'examen du texte, soit nous arrêtons de débattre à minuit.
Par conséquent, madame la présidente, soit vous décidez de prolonger les débats, mais alors nous examinons les soixante-dix-sept amendements qui restent en discussion, soit nous arrêtons là, mais nous n'examinerons pas quelques amendements seulement. Cette décision doit faire l'objet d'une réunion avec tous les présidents de groupe.
Le projet de loi est inscrit à l'ordre du jour de demain.
Nous considérons donc que les soixante-dix-sept amendements peuvent être examinés demain à quinze heures.
Je voulais prolonger la séance et terminer l'examen du texte. Je suspends la séance pour deux minutes afin de réunir les présidents de groupe pour prendre une décision commune.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue le mercredi 4 octobre 2023 à zéro heure trois, est reprise à zéro heure cinq.
La séance est reprise.
Dans la mesure où tous les groupes ne veulent pas continuer, je vais lever la séance.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, aujourd'hui, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi pour le plein emploi ;
Discussion du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique.
La séance est levée.
La séance est levée, le mercredi 4 octobre 2023, à zéro heure cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra