La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Suite de la discussion d'un projet de loi
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 1033, 1234 rectifié).
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 546 au rapport annexé à l'article 2.
Sur les amendements identiques n° 915 et 916 , ainsi que sur le sous-amendement n° 1823 , je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de quatre amendements, n° 546 , 915 , 916 et 1722 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 915 et 916 , qui font l'objet d'un sous-amendement, n° 1823 , sont identiques.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l'amendement n° 546 .
Il vise à souligner un paradoxe : ce matin, les débats, tantôt intéressants, tantôt étonnants, ont porté sur la souveraineté européenne, la défense européenne, ou encore la stratégie européenne en matière de défense. Or, pour agir ensemble, plutôt que de faire de grandes déclarations d'amour ou de prétendre codévelopper des programmes qui n'aboutiront pas, nous devons avant tout être capables d'opérer ensemble. C'est pourquoi je m'étonne que le terme d'« interopérabilité » entre les différentes armées européennes n'apparaisse pas dans le texte.
Nous devrions pourtant prendre cet élément en considération, car il s'agit là d'un enjeu concret et quotidien, au-delà des visées fédéralistes que certains professent. Pour l'heure, la seule armée avec laquelle la France est interopérable est l'armée belge – je caricature à peine. Nous souhaitons donc modifier l'alinéa 61 du rapport annexé pour qu'il soit un peu moins politique et un peu plus concret.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l'amendement n° 915 .
Je profite de la reprise de la séance pour, après une semaine d'examen du texte, saluer l'ensemble des fonctionnaires de l'Assemblée nationale, qui fournissent un travail exemplaire et nous permettent de tenir nos débats.
Applaudissements sur tous les bancs.
J'adresse une pensée toute particulière à Mme Pascale Lauze, directrice adjointe au sein de la direction de la séance, qui prend sa retraite aujourd'hui.
Mêmes mouvements.
Pour en revenir à l'amendement, je me propose de vous en donner lecture, car chaque mot compte et que, d'une certaine manière, il résume en quelques lignes, l'ensemble de notre doctrine. Nous proposons de rédiger ainsi l'alinéa 61 du rapport annexé : « Il convient de penser un modèle de défense indépendant de l'Otan » – je suis prêt, ici, à accepter le sous-amendement de nos amis socialistes, qui privilégient la formule « allant au-delà de l'Otan », laquelle renforce même notre propos – « , condition nécessaire à une solidarité renforcée entre pays européens. Ces solidarités ne sont possibles que dans le cadre de programmes équitables, respectant les souverainetés et les intérêts de chacun. La France doit poursuivre des efforts de coopération avec ses voisins pour maintenir son indépendance militaire. La volonté d'indépendance de la France n'est pas un souhait de se couper du reste de l'Europe mais au contraire une condition permettant le développement de partenariats européens émancipés d'une vision d'un bloc occidental opposé au reste du monde. L'indépendance de la France rendrait possible l'émergence de solidarités européennes en mesure de répondre aux grands enjeux de notre temps : les conséquences du changement climatique et la nécessité d'une politique de défense au service de la paix. »
Tout est dit de la manière dont nous souhaitons que la France se mette au service de l'humanité tout entière pour répondre au défi du changement climatique et, évidemment, au service de la paix.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Dans la droite lignée de nos prédécesseurs socialistes, nous nous évertuons à démontrer nos capacités de synthèse.
Sourires sur les bancs des groupes RE et RN.
C'est dans cet état d'esprit que nous proposons ce sous-amendement visant, à l'instar des amendements n° 915 et 916 , à ce que la France ne se cantonne pas au cadre otanien pour développer son modèle de défense. En tant que puissance militaire, nous avons vocation à nouer des partenariats privilégiés dans le Pacifique Sud, en Océanie, ou encore dans les Caraïbes. Les autres membres de l'Otan ne manquent d'ailleurs pas de conclure de telles alliances.
Dans la lignée d'autres amendements précédemment adoptés, nous insistons sur l'importance des coopérations régionales, c'est-à-dire sur la nécessité de conclure des partenariats à la fois internes et externes à l'Otan. Nous entendons ainsi souligner combien la solidarité est importante, et même indispensable, à la fois pour la France et pour l'Union européenne.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La parole est à Mme Natalia Pouzyreff, pour soutenir l'amendement n° 1722 .
Il vise tout simplement à rappeler que la France « tient ses engagements pris au titre de la politique de sécurité et de défense commune et contribue activement à la construction d'un pilier de défense européen solide. » Je ne vois en effet aucune contradiction entre le respect de tous les engagements pris auprès de nos partenaires et notre doctrine nationale.
La parole est à M. Jean-Michel Jacques, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements et ce sous-amendement.
L'Otan favorise l'interopérabilité et n'empêche nullement la conclusion d'autres partenariats. Avis défavorable sur l'ensemble des amendements et sur le sous-amendement.
La parole est à M. le ministre des armées, pour donner l'avis du Gouvernement.
Je soutiens les amendements déposés par nos collègues de La France insoumise ainsi que le sous-amendement présenté par Mme Thomin pour le groupe Socialistes et apparentés. Ils me semblent en effet montrer, à l'image du travail réalisé par la NUPES sur l'ensemble du projet de loi de programmation militaire (LPM), comment cette coalition pourra fonctionner lorsqu'elle sera au pouvoir : bien que chacun reste très ferme et très clair dans ses prises de position – le groupe Écologistes a ainsi fait part de son attachement à l'Europe de la défense, au développement de coopérations entre les armées européennes et à la construction d'un partenariat équilibré dans le cadre de l'Otan –, cela ne nous empêche pas de travailler pour aboutir à des positions communes.
Les amendements et le sous-amendement que nous examinons actuellement sont l'illustration de ce travail, en ce que leur rédaction nous permet – même si les députés écologistes n'auraient pas forcément retenu cette formulation exacte – de nous retrouver autour d'une politique et d'une doctrine communes, mettant l'accent sur plusieurs éléments importants : la solidarité renforcée entre pays européens, la coopération avec nos voisins, et l'idée que l'émergence de solidarités européennes sera essentielle pour répondre aux enjeux de demain. Le groupe Écologistes votera donc en faveur de ces amendements et de ce sous-amendement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
L'amendement n° 546 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 52
Nombre de suffrages exprimés 52
Majorité absolue 27
Pour l'adoption 9
Contre 43
Le sous-amendement n° 1823 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 55
Nombre de suffrages exprimés 52
Majorité absolue 27
Pour l'adoption 5
Contre 47
L'amendement n° 1722 n'est pas adopté.
L'amendement n° 425 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Caroline Colombier, pour soutenir l'amendement n° 62 .
La France doit, même dans le cadre de coopérations, conserver une parfaite maîtrise du développement, de la mise en œuvre et de l'emploi de ses capacités d'action, qu'elles soient communes ou autonomes. Nous souhaitons donc ajouter, à la première phrase de l'alinéa 61 du rapport annexé, les mots « propres » et « souveraines » pour qualifier les capacités d'action de la France.
L'amendement n° 62 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Leur objet est de rebondir sur le contenu de l'alinéa 61, qui précise que la France pourra être amenée, demain, à développer des capacités d'action « communes » avec ses alliés européens. Qui commandera ces actions ? La France dispose clairement, à l'heure actuelle, de l'armée la plus puissante, la mieux organisée et la mieux équipée de l'Union européenne. Afin de préserver notre souveraineté, nous voulons préciser que ces actions seront menées « sous la responsabilité du commandement français » aux termes de l'amendement n° 355 , ou, à défaut, « dans le respect de la souveraineté et des intérêts français » si l'amendement de repli n° 356 devait lui être préféré. Soyons enfin clairs : parle-t-on ici de la France ou de l'Union européenne ?
M. Emeric Salmon applaudit.
La parole est à Mme Natalia Pouzyreff, pour soutenir l'amendement n° 1721 .
L'amendement n° 1721 est retiré.
La parole est à Mme Caroline Colombier, pour soutenir l'amendement n° 61 .
Il s'agit d'un amendement rédactionnel, tendant à rédiger l'alinéa 61 au présent et non au futur, dont l'usage apparaît ici superfétatoire : il est inutile d'annoncer que les forces françaises « auront un rôle majeur à jouer » alors qu'elles le font déjà. Nous proposons donc d'indiquer qu'elles « jouent un rôle majeur ».
Sourires.
En l'occurrence, il est question de l'objectif que le Parlement, à travers la LPM, assigne aux forces françaises pour l'avenir. Il est vrai que ces dernières jouent déjà un rôle majeur, mais s'agissant de programmation, l'emploi du futur semble préférable.
L'amendement n'étant pas uniquement rédactionnel, j'émets un avis défavorable.
L'amendement n° 61 est retiré.
Sur les amendements n° 1381 et 1480 , je suis saisie par le groupe Renaissance de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les amendements identiques n° 1159 de M. Bastien Lachaud et 1219 de M. Aurélien Saintoul sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
La parole est à Mme Mélanie Thomin, pour soutenir l'amendement n° 1381 .
Cet amendement déposé par notre collègue Isabelle Santiago a fait l'objet d'une réécriture entre les travaux de la commission et la séance publique. La notion de nation-cadre a été adoptée par l'Alliance atlantique en 2014, au sommet de Newport. Elle désigne une puissance d'équilibre capable de conclure des partenariats avec des alliés européens et otaniens voisins.
D'après une analyse du Centre des études de sécurité (CSS), l'Italie, l'Allemagne et le Royaume-Uni peuvent être considérés comme des nations-cadres, car les pays qui constituent leur voisinage direct dépendent fortement d'eux en matière de défense. La France commence, elle aussi, à multiplier les coopérations européennes, comme en témoigne l'accord intergouvernemental CaMo – capacité motorisée – conclu avec la Belgique. Ces efforts doivent toutefois être accentués pour que la France remplisse davantage son rôle de nation-cadre au sein de l'Otan.
Même avis. On ne peut qu'être favorable à cet amendement. Nous ne pourrions plus avoir le statut de nation-cadre si nous quittions le commandement intégré de l'Otan. C'est un fait. On pourrait en discuter pendant des heures mais c'est ainsi que cela fonctionne.
Dans la mesure où nous tenons à conserver ce rôle de moteur – comme en Roumanie mais aussi dans d'autres pays, sans forcément le statut de nation-cadre –, cette précision me semble utile. Dans le passé, elle n'aurait peut-être pas eu sa place dans le rapport annexé mais au vu des circonstances et de nos débats, elle me semble pertinente.
J'espère que les problèmes de connectivité des boîtiers de vote électronique sur certains bancs sont résolus, ce qui nous permettra de procéder à un beau scrutin public – car, la publicité du vote des parlementaires, sur un sujet clé pour la nation, c'est important.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 51
Nombre de suffrages exprimés 50
Majorité absolue 26
Pour l'adoption 37
Contre 13
L'amendement n° 1381 est adopté.
L'amendement n° 1574 de M. Benjamin Haddad est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis de sagesse car, après l'adoption de l'amendement précédent, celui-ci apparaît comme un peu redondant.
Avis de sagesse. Sur le fond comme sur la forme, il alourdit considérablement le texte. Il est en partie satisfait par l'excellent amendement déposé par le groupe Socialistes et voté, si j'ai bien compris, par l'ensemble des députés de la NUPES – sauf ceux qui ont oublié d'appuyer sur le bouton
Sourires
–, ce qui témoigne d'une certaine unité.
J'irai finalement jusqu'à demander le retrait pour ne pas alourdir davantage le texte.
L'amendement n° 1574 est retiré.
Cet amendement du rapporteur de la commission de la défense est le fruit des discussions que nous avons eues en commission pour préciser la nature même des coopérations.
Nous nous trouvons à présent face à un moment de vérité parce que la version retenue est la plus consensuelle.
Je me permets de lire à l'attention de la représentation nationale la rédaction choisie par le rapporteur parce que c'est important pour l'avenir et parce que cela fera écho aux interventions de M. Sitzenstuhl et d'autres députés en fin de matinée : « Les programmes en coopération sont pertinents pour se doter de capacités militaires communes » – jusque-là, cela me semble consensuel – « en favorisant l'interopérabilité opérationnelle » – cela va dans le sens d'un amendement du Rassemblement national dont nous avons discuté il y a quelques minutes – « en mutualisant les financements » – je pense que personne n'est favorable à une addition des financements, il faut faire attention à l'argent du contribuable, y compris en matière de dépenses militaires – « en particulier quand l'acquisition de ces capacités auprès de la BITD, la base industrielle et technologique de défense française » – là encore, nous sommes tous d'accord – « ne permet pas d'atteindre des coûts soutenables et des délais cohérents avec les besoins opérationnels » – autrement dit, il faut être conscient de la réalité des armées au quotidien ou, si j'ose dire, bienvenue dans la vraie vie.
Le rapporteur fait œuvre utile et vient mettre à l'épreuve la sincérité de chacun. Au fond, si l'on n'est pas favorable à cette rédaction, cela signifie que l'on refuse toute forme de coopération par principe et par dogmatisme ; dans ce cas, autant déposer des amendements pour prôner l'isolement stratégique du pays, cela fera gagner du temps à tout le monde.
À cet amendement du rapporteur, qui vise à préciser la finalité des partenariats, s'ajouteront plus tard deux amendements très spécifiques explicitant comment le Gouvernement entend faire des points d'étape pour donner au Parlement toutes les informations nécessaires, qu'il s'agisse des projets Scaf, le système de combat aérien du futur, ou MGCS, Main Ground Combat System, le système principal de combat terrestre – sur lesquels nous reviendrons plus tard. En effet, cette question a fait l'objet de bien des réflexions, demandes, explications et débats en commission – je me tourne vers le député Thiériot qui avait participé à ces discussions.
Au nom du Gouvernement de la République, j'estime que le dispositif auquel nous avons ainsi abouti est consensuel. Si votre vote laissait apparaître que ce n'est pas le cas, je le respecterais mais cela signifierait que le sujet des coopérations prend une tournure plus politicienne et ne se limite plus à sa dimension très pratique, concrète et opérationnelle. Dès lors, ce n'est pas dans le cadre de la loi de programmation militaire que nous pourrions régler cette question complexe.
Avis favorable.
Je vois dans cet amendement un véritable plaidoyer pour une Europe de la défense qui soit concrète et pragmatique, qui parte d'en bas.
Depuis un an, on observe que l'industrie de défense européenne connaît des transformations majeures – un phénomène qui s'est accéléré avec la crise ukrainienne.
Il faut donc se demander si la France sera ou non au rendez-vous. Je considère qu'il est dans l'intérêt de notre pays, de nos entreprises de défense et de nos armées de participer à cette reconfiguration de l'industrie de défense européenne grâce aux programmes de coopération militaire et industrielle.
L'explication donnée par le ministre m'apparaît comme un beau plaidoyer pour l'Europe de la défense – c'est en tout cas aussi ainsi que je l'entends.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Mon intervention aurait été beaucoup plus claire si M. Sitzenstuhl ne s'était pas exprimé.
Ça ne change rien au vote sur l'amendement !
Nous sommes bien d'accord. Cependant, si, au cours de sa réflexion, on entend, de la part d'un orateur, un éclairage qui dévoile les dessous de l'opération, on est en droit de s'inquiéter. Qui dois-je écouter pour me forger mon point de vue : le ministre des armées ou le représentant d'Emmanuel Macron ?
La rédaction de l'amendement ! La pureté du travail !
Avant d'entendre mon collègue, je nourrissais déjà quelques doutes, par exemple s'agissant de l'assertion : « Les programmes en coopération sont pertinents […] ». Car il se trouve que j'ai dans ma musette quatre ou cinq exemples – que vous connaissez – qui pourraient démontrer le contraire. Dont acte.
D'autre part, je ne comprends pas, un peu plus loin, l'emploi de « en particulier ».
L'intervention de M. Sitzenstuhl me laisse circonspect. Cependant, nous allons jouer la confiance parce qu'un travail a été mené en commission et parce que plusieurs amendements présentés par M. le rapporteur ou par le Gouvernement ou donné lieu à des modifications.
Toutefois il serait bon que vous vous mettiez d'accord entre vous. Si certains veulent absolument que la défense européenne prime sur la souveraineté nationale tandis que d'autres défendent au contraire notre souveraineté, nous risquons d'être un peu perdus.
Finalement, nous voterons tout de même pour cet amendement.
Je serai bref, je m'en tiendrai à « l'épure du texte » comme l'a suggéré notre collègue Studer.
Cet amendement est tout à fait acceptable. Non, la question des coopérations n'est pas un tabou, il n'y a aucun problème de ce point de vue. Dans la rédaction choisie, je ne vois aucune contorsion au sujet de la souveraineté, aucun artifice rhétorique, comme l'emploi d'un concept de substitution tel que l'autonomie stratégique. Ce texte nous convient parfaitement.
En revanche, nous avons bien perçu la volonté de notre collègue Sitzenstuhl d'aller au-delà de ce qui est écrit dans l'amendement.
Il n'empêche que, si l'on s'en tient à la lettre, le texte reste bien dans une logique de coopération.
Je remercie les trois orateurs car leurs prises de parole couvrent l'ensemble de ce qui est contenu dans la rédaction de l'amendement.
Par ailleurs, il faut bien se demander ce qu'est l'Europe de la défense. Comme je le disais tout à l'heure aux députés Lachaud et Saintoul, depuis trente ans les uns et les autres ont affirmé tout et son contraire à ce sujet. Je suggère donc à tous, et singulièrement aux commissaires à la défense, de placer un point-virgule après chaque occurrence de l'expression « Europe de la défense » pour laisser à chacun le soin d'en donner sa définition. Sinon nous légiférerons mal et informerons mal ceux qui suivent nos débats dans les tribunes ou en lisant le compte rendu.
Au fond, l'Europe de la défense, qu'est-ce que cela signifie ? Abandonner notre armée au profit d'une armée qui rassemble toute l'Europe ? On le voit bien, ce n'est pas de cela qu'il s'agit – certains pourraient y être favorables, j'y suis très opposé. Partager notre dissuasion nucléaire ? Là encore, certains pourraient y être favorables, j'y suis très opposé.
Même dans cet hémicycle, nous serons d'accord sur certains points. Bien sûr, on peut toujours couper les cheveux en quatre pour essayer de créer des clivages entre les différentes sensibilités politiques. Il n'empêche qu'il existe une souveraineté à la française…
…et que notre pays a, en la matière, toute une histoire qui lui est propre.
Il faut d'ailleurs la revendiquer d'un bout à l'autre de cet hémicycle car c'est notre histoire. Ne nous prétendons pas plus malins que nos grands anciens, lesquels nous ont permis de tracer une grande voie en matière, sinon de souveraineté, du moins d'autonomie. Soyons très humbles de ce point de vue.
Mais il est possible d'avancer, monsieur Saintoul ! On peut imaginer par exemple la mise en commun d'unités comme c'est le cas avec la brigade franco-allemande, laquelle est toujours, selon les règles d'engagement des forces, sous l'autorité du chef des armées et – même en cas d'engagement – toujours sous l'autorité du Parlement. Ensuite, les uns peuvent juger qu'on va trop loin et les autres pas assez, mais en aucun cas un tel projet ne revient à suggérer un abandon de souveraineté.
Lors de la séance de ce matin, au détour d'une phrase, M. Jacobelli a expliqué que son groupe refuserait tout schéma dans lequel une armée serait soumise à des personnes qui ne sont pas élues – je n'avais pas réagi pour ne pas l'interrompre ni rallonger le débat. Or cette idée me semble parfaitement consensuelle. Je ne veux pas m'exprimer au nom des groupes politiques mais il me semble que personne, dans l'hémicycle, ne propose un abandon de souveraineté.
On trouve en tout cas dans cette assemblée des députés qui défendent la Constitution de la V
Je tenais à apporter ces précisions, non pas pour faire œuvre de synthèse – je laisse à Mme Thomin le soin d'accomplir cette tâche, son groupe, auquel je souhaite au passage bon courage pour la synthèse à venir, ayant une longue histoire en la matière – mais parce que, plus sérieusement, l'écriture du rapporteur permet de poser un principe.
Nous évoquerons ensuite – puisque vous voulez nous présenter ce que vous avez dans votre musette, monsieur Jacobelli – les programmes européens en cours. Je serai moins bavard.
Une fois que nous aurons ainsi défini le principe et exposé les projets, nous aurons éclairé la nation de manière satisfaisante.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 68
Nombre de suffrages exprimés 68
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 68
Contre 0
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Sur les amendements identiques n° 360 , 631 et 723 , je suis saisie par les groupes Renaissance et Rassemblement national d'une demande de scrutin public
Sur l'amendement n° 1414 , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Mélanie Thomin, pour soutenir l'amendement n° 1382 .
Il vise à affirmer notre fort attachement à l'intégration européenne et au rôle moteur de notre nation en matière de programme de coopération.
Le Conseil européen a adopté sa boussole stratégique en 2022 et notre amendement y fait référence. L'enjeu du renfort de notre sécurité et de notre défense à l'échelle de l'Union européenne pour la prochaine décennie est une ambition partagée qu'il faut faire vivre concrètement.
Le contexte hostile nous impose d'accroître notre capacité collective. Or l'Europe peut être en mesure de mieux protéger ses citoyens et de contribuer à la paix et à la sécurité internationale. Favoriser les coopérations, c'est aussi stimuler l'innovation technologique, optimiser certaines dépenses, renforcer des partenariats indispensables et défendre, à travers l'Europe de la défense, les valeurs démocratiques – un fil rouge auquel nous sommes particulièrement attachés.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Cyrielle Chatelain applaudit également.
L'amendement n° 1382 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1422 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
C'est une question que nous avons déjà évoquée de nombreuses fois et je serai donc bref. La deuxième phrase de l'alinéa 62 précise que les programmes en coopération contribueront « à l'objectif de renforcer… » Devinez quoi ? La souveraineté française ? Pas du tout. L'autonomie stratégique française ? Pas du tout. La réponse est : « l'autonomie stratégique européenne ». La revoilà ! Chassée par la porte, elle revient par la fenêtre ! Nous proposons par cet amendement d'être enfin clair : le but de ces coopérations, c'est d'abord de doter nos armées de matériels efficaces avant de participer à la défense de nos alliés si besoin. Nous demandons donc le retrait de cette phrase. Il est grand temps !
C'est en effet un sujet auquel nous avons déjà consacré beaucoup de temps. J'observe que la deuxième phrase de l'alinéa 62, qui précise que ces programmes contribueront « à l'objectif de renforcer l'autonomie stratégique européenne notamment via sa BITD », est en porte-à-faux avec l'amendement du rapporteur que nous venons de voter à l'unanimité.
Et puis, comme j'ai déjà eu l'honneur de vous le dire, monsieur le ministre, il nous semble, au groupe LFI – NUPES, que l'autonomie stratégique européenne n'est au mieux qu'une formule vaine, vide de sens, au pire une dissimulation d'autres aspirations, sachant qu'une telle autonomie piétine allègrement le concept de souveraineté. La rédaction de cette phrase renvoie peut-être à une manœuvre tactique ou diplomatique vis-à-vis de nos partenaires, mais on affaiblit la position française à force d'utiliser des mots qui ont si peu de sens – ou qui en ont trop. Cette formulation causera un problème à un moment ou à un autre car c'est bien la question de la souveraineté qui doit être posée, et en termes clairs, alors que l'autonomie stratégique européenne n'est pas en soi un objectif politique, mais éventuellement une réalité technique nécessaire pour échapper à une dépendance de cet ordre vis-à-vis d'autres organisations ou d'autres nations.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 67
Nombre de suffrages exprimés 66
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 23
Contre 43
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain, pour soutenir l'amendement n° 1414 .
Dans la continuité de nos débats, cet amendement vise à souligner que pour avoir une solidarité européenne en matière de défense, ce qui passe par des coopérations renforcées entre les pays concernés, on a besoin d'une base industrielle et technologique européenne, ce qui suppose le développement de capacités de production également européennes. Or aujourd'hui, sur les 37 milliards d'euros de dépenses d'équipement militaire réalisées en 2020 par les pays européens, seuls 4,1 milliards d'euros ont concerné des projets impliquant au moins deux États européens. Cet état de fait montre qu'on doit aller plus loin et, pour y parvenir, des capacités de production européennes accrues seraient un point extrêmement positif, d'autant plus qu'elles seront plus résilientes en cas de choc lié au retour des conflits de haute intensité.
Je serais tenté de m'en remettre moi aussi à la sagesse de l'Assemblée, d'autant que vous aviez retiré votre amendement en commission pour un problème de rédaction. Mais, sur le fond, il est intéressant puisqu'il invite à raisonner à nouveau à partir de la notion de stocks alors que l'on est trop souvent obnubilé par la notion de livraison de produits finis. L'amendement participe ainsi à la clarification de la rédaction et j'émets un avis favorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 59
Nombre de suffrages exprimés 59
Majorité absolue 30
Pour l'adoption 43
Contre 16
L'amendement n° 1414 est adopté.
M. Charles Sitzenstuhl applaudit.
Une fois de plus, voici un amendement qui vise à encourager le développement de partenariats avec d'autres pays européens, sur le modèle de ce qui se fait déjà depuis 2018 avec la Belgique dans le cadre de l'accord intergouvernemental CaMo – qui permet à nos voisins de mandater la France pour passer des marchés d'acquisition de matériels en son nom et pour son compte. Cet accord permet également un partenariat stratégique dans le domaine de la défense pour une interopérabilité maximale sur le long terme entre les armées de terre française et belge.
L'amendement est trop restrictif : il empêcherait l'ouverture de ce type de partenariat à d'autres pays. L'avis est donc défavorable.
Je vois ce que veut dire le rapporteur et il a raison : il s'agirait en fait d'inciter à l'exportation du programme Scorpion au-delà de la Belgique. Mais j'émettrai un avis de sagesse parce que la coopération franco-belge dans le domaine terrestre a clairement des vertus sur d'autres interopérabilités, notamment entre des armées de terre techniquement compatibles.
L'amendement n° 1383 n'est pas adopté.
Cet amendement demande que le Gouvernement conçoive et mette en œuvre un plan de relocalisation – et donc de nationalisation, selon notre pente naturelle – de la production des munitions de petit calibre. Ce sujet a été mis en exergue durant la législature précédente par nos collègues du groupe GDR notamment et nous en avons à nouveau discuté en commission. Nos amendements suivants n° 1461 et 1462 ayant le même objet, j'en annonce par avance le retrait en raison de leur redondance avec ceux que nous venons de défendre.
Demande de retrait car la rédaction issue des travaux en commission me semble meilleure.
La parole est à M. Julien Rancoule, pour soutenir l'amendement n° 440 .
Cet amendement vise à rétablir une vérité : il existe déjà au moins un projet de relocalisation de munitions de petit calibre en France ; il est soutenu par le ministère de l'intérieur pour des munitions de 9 millimètres et, déjà en cours de finalisation, il devrait aboutir en 2024, d'après les échanges que nous avons eus avec le ministère de l'intérieur dans le cadre des auditions pour la mission d'information sur les stocks de munitions. Il s'agit d'un projet ambitieux qui pourrait déboucher à l'avenir sur la relocalisation d'autres types de munitions de petit calibre encore davantage utilisés dans les armées. C'est une question de souveraineté importante. Même si le ministère des armées n'a pas pour le moment fait le choix de s'intéresser particulièrement à ce sujet, il est donc faux d'évoquer seulement « les éventuels projets » dans la rédaction actuelle de la sixième phrase de l'alinéa 62 du rapport annexé. Cette phrase donne l'impression que le Gouvernement veut nous faire plaisir et satisfaire à nos revendications en indiquant qu'éventuellement, sous réserve de compétitivité, on va peut-être relocaliser une filière de petit calibre… Nous, nous pensons que ce sujet doit être appréhendé de manière plus sérieuse et c'est pourquoi nous vous demandons, monsieur le ministre, d'être plus ambitieux et de vous engager davantage en affirmant clairement que vous soutiendrez les projets de relocalisation en France.
La rédaction actuelle de cette phrase n'a pas été choisie pour vous faire plaisir ou pour vous satisfaire, monsieur le député :…
…elle est tout simplement satisfaisante. On n'est pas là pour se faire plaisir les uns les autres, mais pour définir des objectifs liés à la compétitivité. Pardon de vous rappeler que si on n'a plus de production de munitions en France, c'est précisément parce que la question de la compétitivité n'a pas été posée par le passé. Quant à y revenir pour faire comme avant, cela ne relève pas d'un rapport annexé. En plus, la rédaction que vous critiquez est issue du travail que vous avez vous-même fait.
Vous avez refusé nos amendements pour en faire passer de similaires après !
Je suis un peu basique, mais ce qui compte pour moi, c'est la version d'un texte de loi examinée en séance publique. Et je vous relis la rédaction du rapport annexé : « Les éventuels projets industriels de relocalisation de munitions de petit calibre seront encouragés et accompagnés, sous réserve de leur compétitivité. » Comme à ce stade, je n'ai toujours pas compris quel était l'opérateur industriel concerné, il s'agit donc d'une éventualité. Il y a certes un projet politique en l'occurrence – cela tombe bien puisque vous et vos collègues passez votre temps à dire au Gouvernement qu'il faut des projets politiques en matière d'industrie –, mais pas dans la vraie vie ; autrement dit, il n'y a pas de projet industriel. Ou alors peut-être dans une autre vie qui relève d'un autre modèle économique… et d'autres interlocuteurs.
Défendre la souveraineté, c'est aussi intégrer la notion de compétitivité. J'ai 36 ans, et quand je me renseigne pour savoir pourquoi il n'y a plus de filière petits calibres dans le pays, c'est parce que certains acteurs des générations précédentes ont trop souvent méprisé le critère de la compétitivité… On connaît la suite de l'histoire.
Je suis d'accord avec vous sur le fond, j'estime que vous avez raison, mais je vous propose de légiférer avec sérieux sur cette question. Vous voulez modifier une phrase pour un mot alors que la rédaction qui a été trouvée en commission, fruit de votre boulot en plus, est satisfaisante.
Le débat ouvert par cet amendement est bien précis : il porte sur le mot « éventuels » à propos des projets.
Il faut bien qu'il y en ait au moins un !
Il y a factuellement déjà un projet. On a mené des auditions assez poussées avec le ministère de l'intérieur qui a évoqué la production des premières munitions à la fin de 2024. Les opérateurs ont été sélectionnés, on les a même auditionnés, le projet est vraiment abouti. Le mot « éventuels » n'est plus adapté aujourd'hui et n'a dès lors pas sa place dans ce rapport.
L'amendement n° 440 n'est pas adopté.
La parole est à M. Quentin Bataillon, pour soutenir l'amendement n° 1662 .
Cet amendement est très important puisqu'il vise à préciser l'enjeu extrêmement stratégique des armes légères de petit calibre. Il n'est pas anodin que ce soit le député de Saint-Étienne qui vous le présente puisqu'on sait tous ici que cette ville a longtemps été l'armurerie royale et la capitale française de l'armement de par sa manufacture. Aujourd'hui, l'entreprise Verney-Carron fait preuve d'un savoir-faire particulier ; elle sait le transmettre, et je salue ici l'ensemble de son personnel. La production d'armes légères de petit calibre est aussi un enjeu industriel et, chez nous, un enjeu d'emploi et d'aménagement du territoire, tout en étant avant tout un enjeu de souveraineté nationale. J'en profite, monsieur le ministre, pour vous convier dans le département de la Loire, plus spécifiquement à Saint-Étienne.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Monsieur le député Bataillon, s'il y a un élu qui sait combien l'absence de prise en compte des critères économiques a pu créer comme difficultés industrielles sur votre territoire, c'est bien vous. Il faut mener cette affaire avec méthode, engagement et sérieux.
Mon avis aurait pu être de sagesse, mais il sera favorable c'est en étant capable de faire émerger une filière ou des entreprises avec un modèle compétitif qu'on fixera sur un territoire et les emplois, et la richesse, et la souveraineté qui va avec. Je sais que vous partagez cette conviction.
L'amendement n° 1662 est adopté.
La parole est à M. Julien Rancoule, pour soutenir l'amendement n° 441 .
La relocalisation d'une filière de munitions de petit calibre doit avant tout être considérée une question de souveraineté ! Peut-on accepter sur le long terme que la France soit le seul pays membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU à ne pas avoir sa filière nationale ? Les gouvernements successifs ont fait preuve de naïveté ces dernières années s'agissant de la production de masques sanitaires, de médicaments ou encore de poudre, autant de filières stratégiques que l'on avait abandonnées et qui nous ont manqué lors des crises récentes. Désormais, il y a un projet de relocalisation de fabrication de poudre en France et nous saluons l'initiative. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire de nouveau preuve de naïveté s'agissant de la production de nos munitions de petit calibre. Et l'exemple de la guerre en Ukraine, qui a provoqué de lourdes difficultés d'approvisionnement au ministère de l'intérieur en munitions de calibre 9 millimètres doit nous alerter, alors même que nous nous fournissons dans un pays européen allié.
Il faut donc encourager la relocalisation d'une telle filière, sachant que son coût resterait relativement faible en comparaison d'autres grands programmes de munitions. De plus, je ne suis pas convaincu qu'à l'heure actuelle, le coût de la relocalisation d'une filière de munitions de petit calibre ne serait pas compétitif.
Le ministère de l'intérieur semblait en tout cas convaincu du contraire. C'est pourquoi, par un amendement ultérieur, je formulerai une demande de rapport sur le sujet.
Même avis. Pour compléter, dans les situations d'urgence, c'est aussi la question de la relocalisation de la poudre qui se pose, puisqu'elle est nécessaire pour produire des munitions. Sachez que nous y veillons. Une fois de plus, il faut de la méthode sur ces sujets ; en l'espèce, nous devons préserver la compétitivité, car c'est comme cela que les choses fonctionnent.
L'amendement n° 441 n'est pas adopté.
La parole est à M. Julien Rancoule, pour soutenir l'amendement n° 415 .
Cet amendement vise à encourager le rapprochement interministériel pour mener à bien un projet stratégique de relocalisation de munitions de petit calibre. La semaine dernière, nous avons voté à l'unanimité un texte qui avait pour objet d'améliorer la coordination interministérielle en matière de prévention et de gestion du risque incendie – il s'agit concrètement de rapprocher l'action des différents ministères concernés. Nous nous réjouirions si le présent amendement était, lui aussi, adopté à l'unanimité.
Encore une fois, il existe un projet de relocalisation de munitions de petit calibre – celles de 9 millimètres – qui est conduit par le ministère de l'intérieur. Dès lors, il serait dommage que le ministère des armées laisse passer cette opportunité en ne s'y associant pas. Nous le répétons, un tel projet de relocalisation de munitions de 9 millimètres pourrait être un tremplin pour faciliter celle d'autres munitions de ce type, davantage utilisées dans les armées. Nous pourrions d'ailleurs envisager un rapprochement avec le ministère de la justice et le ministère de l'économie, qui disposent eux aussi de fonctionnaires utilisant des munitions de petit calibre : je pense notamment aux membres des forces pénitentiaires et aux douaniers.
Ce que vous proposez relève davantage d'échanges interministériels et n'a pas lieu de figurer dans la future loi de programmation militaire.
J'émettrai un avis défavorable, car votre amendement est satisfait : un rapprochement interministériel est déjà en cours. Comme l'a dit le rapporteur, cette question n'a pas sa place dans le rapport annexé.
Monsieur le ministre, je ne pense pas que mon amendement soit satisfait. Songez à ce que vous m'avez répondu tout à l'heure : vous n'étiez pas au courant de l'évolution du projet conduit par le ministère de l'intérieur !
Si ! Je le suis probablement un peu plus que vous !
Il y a peut-être un manque de communication à revoir. Tel est l'objet de cet amendement.
L'amendement n° 415 n'est pas adopté.
Nous sommes très heureux que le rapport annexé prévoie éventuellement une relance de la production de munitions de petit calibre. Comme l'a rappelé M. le ministre, depuis 1999, nous n'avons plus la mainmise sur la production de ces munitions, notamment celles de 5,56 millimètres, qui sont pourtant très utiles à nos armées. Nous nous voyons ainsi contraints de les acheter auprès des États-Unis, d'Israël, du Brésil et du Royaume-Uni, essentiellement. Cette relance de la production de munitions correspond à la sixième proposition du rapport que Julien Rancoule et moi-même avons écrit. Nous nous réjouissons donc de la formulation suivante : « Les éventuels projets industriels de relocalisation de munitions de petit calibre seront encouragés et accompagnés, sous réserve de la compétitivité de ceux-ci. »
En revanche, la phrase suivante ne me semble pas suffisamment claire : « Des partenariats avec des pays proches pourront également être envisagés. » C'est surtout la notion de « pays proches » qui ne me paraît pas très heureuse. Aussi préférerions-nous la formulation suivante : « Des partenariats européens, notamment avec des pays limitrophes, pourront également être envisagés. »
Le terme « proche » est intéressant, car il recouvre aussi bien la proximité géographique que celle des intérêts. Cela dit, travailler avec des pays limitrophes en Europe me semble aussi être une proposition de bon sens. C'est pourquoi j'émets un avis de sagesse.
Je comprends votre intention, mais je crains que nous ne soyons trop restrictifs. Une fois n'est pas coutume : sur les munitions de petit calibre, nous pourrions même imaginer des coopérations plus larges, dont des coopérations européennes. Je pense qu'il est inutile de se restreindre. Je m'en remets à la sagesse de cette assemblée.
Je vois que nous suivons les recommandations du rapport… Pour ma part, je suis convaincu qu'il faut une solution française car, l'année dernière, au début de la guerre en Ukraine, le ministère de l'intérieur a rencontré des difficultés d'approvisionnement, si bien que nos forces de l'ordre ne bénéficiaient plus que de deux mois d'autonomie. La République tchèque, quant à elle, n'a pas réussi à se fournir auprès de nos fournisseurs classiques. C'est pourquoi je considère qu'il est vraiment important de s'appuyer sur une solution souveraine française. En l'occurrence, la notion de « pays proches », dans la rédaction actuelle du texte, peut prêter à confusion.
L'amendement n° 1641 est adopté.
Les amendements identiques n° 1160 , de M. Bastien Lachaud, et 1222, de M. Aurélien Saintoul, sont défendus.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l'amendement n° 108 .
Nous avons beaucoup parlé des coopérations qui ne fonctionnent pas, mais nous n'avons pas parlé de celles qui fonctionnent ! Je pense en particulier à la coopération militaire franco-britannique. Ce n'est pas complètement un hasard si elle fonctionne mieux que la moyenne. D'abord, nous sommes des puissances militaires assez comparables : nous sommes en effet dotés de l'arme nucléaire et possédons les deux seules véritables armées complètes d'Europe. Par ailleurs, nous avons signé les accords de Lancaster House, qui s'avèrent plutôt fructueux, notamment en matière nucléaire.
Lorsque les coopérations fonctionnent avec des pays amis, nous sommes pour. Mais étrangement, elles n'apparaissent pas dans le rapport annexé. Ainsi, nous souhaiterions insérer, après l'alinéa 62, un alinéa sur la coopération militaire franco-britannique, qui s'effectue notamment grâce au centre hydrographique et radiographique Epure, dédié aux programmes nucléaires. Cette coopération fonctionne bien : aussi pourrions-nous l'étendre au spatial et au cyber.
Encore une fois, la doctrine du Rassemblement national est claire : quand ça marche et que c'est bon pour la France, c'est oui ; quand ça ne marche pas et que ça nous ralentit, c'est non !
La coopération avec le Royaume-Uni, à laquelle la France est ouverte, est citée à l'alinéa 63. C'est pourquoi je sollicite le retrait de cet amendement.
Cet amendement est juste, et tout à la fois il m'amuse.
« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.
Il est juste parce que la coopération avec les Britanniques est de bonne qualité. D'ailleurs, elle est de différente nature. Vous avez cité le centre Epure dans l'exposé sommaire… Si j'étais taquin, je dirais qu'il y a eu d'autres amendements de votre part pour proposer que la dissuasion reste à 100 %, afin qu'elle soit souveraine.
Dans les faits, elle l'est – cela veut bien dire que c'est possible que cela trouve grâce à vos yeux, monsieur Giletti ! Encore une fois, je ne suis pas là pour être taquin inutilement.
Oui, mais cela vaut pour tous les pays, tous les voisins, sinon les choses ne fonctionnent pas. J'insiste, soit les choses fonctionnent, soit elles ne fonctionnent pas : c'est cela, le pragmatisme ! À l'époque, le projet Epure avait reçu beaucoup de critiques – c'est toujours pareil. Mais mine de rien, il n'était pas banal. Le centre a été implanté sur le territoire national et, comme a semblé le murmurer M. Giletti, il fonctionne en silo convenablement.
Nous parlons beaucoup de coopérations, mais je suis étonné que nous n'évoquions plus MBDA, notamment avec les Italiens et les Britanniques, qui est pourtant le modèle typique de coopération qui fonctionne.
Certes, il n'a pas que des avantages – il est parfois lourd. Mais il ne faut pas non plus sublimer les choses simplement parce que la coopération se fait outre-Manche, et non pas outre-Rhin. De fait, elle fonctionne bien. Pourquoi décrier l'Allemagne, comme vous le faites ? Je vous trouve plus dur lorsque la coopération se fait avec Berlin que lorsqu'elle peut se faire avec Londres, avant comme après le Brexit. Si vous pouviez me rassurer en affirmant qu'il y a bien des coopérations qui vont dans le bon sens, je vous en saurais gré !
Sur le fond, le texte de l'amendement est assez long. Le rapport annexé fait déjà référence au Royaume-Uni, à un autre endroit ; en commission, j'avais d'ailleurs répondu à vos questions à ce sujet. Il existe aussi des partenariats intéressants pour nos marines nationales, cela va sans dire : c'est vrai non seulement dans l'Indo-Pacifique – surtout dans l'océan Indien, pour être plus précis –, mais aussi dans la Manche et dans l'Atlantique pour les enjeux de sécurité qui peuvent nous réunir, y compris en mer du Nord. Le Royaume-Uni est également un partenaire très sérieux en termes de culture des forces spéciales. Pour ces raisons, je m'efforce, avec mon homologue britannique, Ben Wallace, de resserrer l'ensemble de ces liens.
Je suis plutôt enclin à vous demander de retirer votre amendement, car le dispositif est long et vient alourdir le texte. Mais s'il permet de rééquilibrer les choses politiquement et de montrer que la majorité ne s'enferme pas dans des coopérations qui seraient prétendument mauvaises, comme il m'a semblé l'entendre avant le déjeuner, je suis prêt à formuler un avis de sagesse.
Je vous remercie pour votre réponse, monsieur le ministre, qui me semble aller dans le bon sens. Vous dites que nous préférons le Royaume-Uni à l'Allemagne. Eh bien non ! Je préfère le projet Epure au Scaf. Ce qui m'intéresse, c'est que le projet puisse fonctionner, indépendamment du pays avec lequel nous travaillons.
M. Mounir Belhamiti agite son bras en signe de dénégation.
J'insiste, nous sommes ravis de mener les projets qui fonctionnent et qui sont bons pour notre pays, peu importe s'ils passent par une collaboration avec les Britanniques, les Allemands ou les Estoniens !
C'est la méthode que nous critiquons. Nous devons travailler avec tel ou tel pays, c'est certain. Reste à trouver un projet qui nous corresponde.
En définitive, nous ne sommes pas loin d'être d'accord ; d'autres amendements seront sûrement encore défendus sur ce sujet-là. S'entêter sur un projet en particulier donne l'impression que c'est le pays d'origine qui est plus important que la réussite du projet. Là, nous ne comprenons plus ! Qu'en est-il du projet même, surtout quand il fonctionne ? Par exemple, nous avons de très bonnes coopérations militaires avec les Belges, dont nous n'avons pas parlé :…
Nous parlons bel et bien de ces coopérations ! Un amendement de Mme Thomin y est même dédié !
Alors tant mieux, parce que cette coopération fonctionne, et c'est une très bonne chose. Encore une fois, arrêtons avec l'idéologie européiste et soyons pragmatiques ! Tel est le sens de cet amendement.
Je parle sous le contrôle des parlementaires de la majorité, mais aussi du rapporteur et du président de la commission : je veux que nous puissions acter quelque chose ; nous verrons tout à l'heure ce qu'il adviendra des amendements que je présenterai, au nom du Gouvernement, sur le Scaf et le MGCS.
Vous dites : « Si cela fonctionne, nous sommes pour ; si cela ne fonctionne pas, alors il ne faut pas s'entêter ! » Les critiques que vous portez sur ces programmes sont précisément les mêmes qui étaient formulées au moment de fonder MBDA et de signer les accords de Lancaster House, en particulier en ce qui concerne les intérêts vitaux de dimension commune. Idem pour le projet Epure : pour certains, il n'était pas question de mélanger les deux dissuasions.
En la matière, il faut persévérer, et l'on ne doit pas se comporter en inspecteur des travaux finis – pardonnez-moi cette expression triviale, mais elle a le mérite d'être comprise.
D'autres amendements sont à venir sur le sujet, ne soyez pas impatient !
Il y a une réalité qui s'impose. Persévérer, c'est cela aussi le gaullisme militaire. Il est certain que ce n'est qu'à la fin que nous pourrons savoir si c'était utile ou non. La vraie ligne rouge, sur laquelle nous reviendrons plus tard, c'est d'éviter de mettre en danger nos intérêts militaires et souverains. On ne peut pas faire un tri en fonction de ce qui a fonctionné ou non – c'est trop facile.
Je tiens à une certaine cohérence et je ne veux pas qu'on caricature la majorité présidentielle en ce qui concerne la défense des intérêts souverains du pays. Ce qui vaut pour le Royaume-Uni vaut pour l'Allemagne !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
J'abonderai dans le sens des propos de M. le ministre. Chers collègues du Rassemblement national, soit vous faites preuve de malhonnêteté, soit vous tombez dans l'anachronisme naïf.
« Les deux ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Simplement parce que vous constatez qu'un projet fonctionne, vous souhaitez renforcer la coopération sur laquelle il repose. Or nous vous présentons des coopérations pour lesquelles vous voulez faire courir à la France une véritable perte de chance de succès ! C'est bien cela qui vous est reproché. Contrairement à nous, vous souhaitez torpiller les coopérations a priori, avant même de leur donner une chance de succès.
Pour notre part, nous voulons donner sa chance au produit, tout en fixant les lignes rouges, et aller jusqu'au bout du processus. En cas d'échec, nous avons bien évidemment des plans pour y remédier. J'insiste, donnons sa chance au produit, donnons sa chance à la France !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
L'amendement n° 108 n'est pas adopté.
Sur l'amendement n° 212 , l'amendement n° 1505 et les amendements identiques n° 632 et 724 , je suis saisie par le groupe Renaissance de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 212 de M. Hubert Julien-Laferrière est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
La commission est favorable à l'amendement. À titre personnel, j'y suis défavorable.
Vous souhaitez préciser : « La France défendra une harmonisation des équipements des armées européennes associée à une priorité donnée aux fournisseurs européens. » Selon moi, c'est une déclaration de principe et elle serait source d'incompréhension. Ce qui figure plus haut dans le rapport annexé, notamment le terme « interopérabilité », nous permet déjà de fonctionner. L'avis du Gouvernement est donc défavorable – et c'est également le mien à titre personnel.
Sourires.
Le Gouvernement parle d'une seule voix, c'est une très bonne chose !
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Le ministre m'a convaincue que la rédaction de l'amendement n'était pas des plus adaptées. Compte tenu de l'adoption de notre amendement n° 1414 , relatif au développement des capacités de production européennes, nous le retirons.
L'amendement n° 212 est retiré.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l'amendement n° 358 .
S'agissant du Scaf et du MGCS, si j'étais taquin à mon tour, je dirais que, comme nos partenaires et nous n'avions pas, sur le papier, les mêmes besoins ni la même stratégie, on pouvait imaginer que les choses n'iraient pas très loin. Néanmoins, comme l'a dit M. Belhamiti, « donnons sa chance au produit » – même si le matériel militaire n'est pas un produit qui se vend au supermarché !
Vraiment ? C'est nouveau, il faut le noter !
J'en viens à l'amendement, proposition concrète qui répond à la question que vous nous avez posée, monsieur le ministre. Il vise à imposer, à chaque passage de phase d'un projet mené en coopération, une réévaluation, que nous appellerions « jalon décisionnel ». Il s'agirait de faire le point à la fin de chaque phase, en se fondant sur des éléments concrets et mesurables : nos objectifs sont-ils remplis ou non ? S'ils ne le sont pas, est-ce occasionnel, conjoncturel ou structurel ? Nous pourrions ainsi faire le tri entre les bons et les mauvais projets. Je le reconnais, un projet paraissant farfelu à l'origine pourrait très bien se révéler intéressant, auquel cas cela permettrait de créer une cohésion nationale autour de ce projet.
De tels jalons décisionnels rendraient les débats moins théoriques, plus concrets. Ils seraient l'occasion de faire un point d'étape, comme on le fait dans la plupart des entreprises.
Sur le fond, monsieur Jacobelli, vous proposez un bon amendement, qui correspond à ce que j'avais proposé en commission. Toutefois, il tend à insérer dans le rapport annexé un principe général, qui ne serait pas appliqué, nous le savons très bien, pour chaque coopération.
J'ai évoqué précédemment le système de croisière conventionnel à longue portée (Scalp) mis au point par MBDA. Prenons un autre exemple, d'actualité : le système sol-air moyenne portée terrestre (SAMP/T) développé avec l'Italie. Je suis transparent avec vous : s'il n'y a pas de problème, certaines phases de ce programme sont franchies sans que cela remonte jusqu'à moi. D'ailleurs, si tel était le cas, on basculerait dans un modèle bureaucratique, et je ne suis pas certain que notre BITD s'en trouverait bien.
Deux programmes, le Scaf et le MGCS, ont été évoqués par presque tous les groupes, y compris ceux de la majorité. Vous voulez vous assurer que tout se passe bien, et je comprends cette attente. Comme je l'ai dit en commission – je suis donc heureux que le présent amendement aille dans ce sens –, il faut de la clarté, à chaque passage de phase.
À cette fin, je présenterai tout à l'heure deux amendements du Gouvernement. L'amendement n° 1169 , relatif au Scaf, vise à insérer la phrase suivante après la première phrase de l'alinéa 66 : « À la fin de la phase 1B et avant la décision de lancement de la phase 2, le Gouvernement présentera au Parlement, en amont de la discussion du projet de loi de finances, un rapport de point d'étape sur les travaux réalisés pendant la phase 1B. »
L'amendement n° 291 , relatif au MGCS, vise à compléter l'alinéa 66 par deux phrases : « Ce programme devra préparer la succession du char Leclerc au-delà de 2040, répondre aux besoins opérationnels de l'armée de terre et consolider les compétences de la filière de l'industrie terrestre. » Vous aviez évoqué ce dernier élément, monsieur Jacobelli. « Un point de situation sur le programme MGCS sera transmis au Parlement en 2025. »
Je crois utile d'évoquer dès maintenant le Scaf et le MGCS de manière plus détaillée.
Sur le Scaf, je le répète, l'un des objectifs de la mutualisation de la phase 1A, puis de la phase 1B, désormais en cours, est de réduire la facture. Plus personne n'en parle, comme si cela n'avait pas d'importance ! Le coût de la phase 1B s'élève tout de même à 3 milliards d'euros, répartis à parts égales entre l'Espagne, l'Allemagne et la France. Je suis donc surpris lorsque l'on affirme que nous pourrions mener ce projet à bien seuls. Nous le pourrions, certes, mais le coût supplémentaire serait de 1 milliard à 1,5 milliard. On peut balayer cette considération d'un revers de la main, mais tel n'est pas mon point de vue.
D'autre part, il y a des enjeux d'interopérabilité, question qui a fait l'objet de plusieurs amendements. Il y a donc un intérêt à réaliser ces programmes en coopération. D'ailleurs, le tropisme sur l'Allemagne est tel que l'on ne parle même plus de nos amis espagnols.
Pourtant, nous avons avec l'Espagne des intérêts de défense majeurs, comme nous l'avons constaté sur le programme A400M, au sujet duquel des amendements ont été présentés hier soir. Il y a des enjeux de sécurité en Méditerranée, à Gibraltar et sur la façade atlantique. L'Espagne est un partenaire important, notamment parce qu'elle est frontalière ; elle compte tout autant que le partenaire allemand.
Pour faire suite aux interventions de plusieurs d'entre vous, je précise quelles sont les lignes rouges sur le Scaf. Premièrement, le projet devra correspondre à ce que nous attendons de l'avion des points de vue opérationnel et militaire. Je l'ai dit à de nombreuses reprises mais je pense utile de le préciser pour la première fois devant l'Assemblée nationale, notre dissuasion nucléaire et nos forces aériennes stratégiques (FAS) déterminent un cahier des charges spécifique pour l'avion : il devra être en mesure de participer à la force aéronavale, donc d'apponter sur un porte-avions – point qui n'a pas été consensuel dans l'hémicycle l'autre soir. Je n'entre pas davantage dans les détails, car j'en viendrais très vite à des éléments plus secrets ou plus discrets. En tout cas, il est exclu que l'avion ne trouve pas sa place sur le terrain opérationnel.
Deuxième point important : la soutenabilité. C'est précisément l'un des grands succès du Rafale : le ratio entre son prix d'achat et le coût de son maintien en condition opérationnelle (MCO) est objectivement très bon, et je ne dis pas cela parce qu'il est français ! Certains avions américains présentent un intérêt à l'achat, mais deviennent rapidement très coûteux en MCO.
J'y viendrai dans un instant, monsieur Giletti.
Il faut préserver cet équilibre dans l'avenir, y compris, dans notre intérêt, pour notre propre cible en matière de flotte de chasse ; c'est un point clé. Le risque, en raison des sauts technologiques successifs, serait d'obtenir un appareil extraordinaire mais dont on ne parviendrait pas à assurer ou assumer convenablement la maintenance ou le MCO. Il faut intégrer cette exigence dès à présent ; sinon, on s'expose à des problèmes.
Troisième point : notre liberté à l'export. Nous menons ce programme en partenariat, mais cela ne signifie pas que nous allons abandonner une partie de notre souveraineté en limitant notre capacité à l'exporter. Et pour cause : j'espère que certains des pays acheteurs du Rafale seront intéressés par le standard F5 de cet avion, puis, demain ou après-demain, par le Scaf – même si je ne serai plus là pour en être témoin. L'exportation des avions de chasse a aussi une vertu diplomatique, et il faut intéresser ces pays au Scaf.
Quelle est la suite des événements pour le Scaf ? Il est très important de rappeler que la France est chef de file parmi les États, et Dassault, chef de file industriel ; cela figure dans les textes. Dès lors, si critiquer le Scaf avant la signature de la phase 1B pouvait avoir quelque vertu, continuer à le faire pourrait finir par gêner l'industriel et le leadership français – je le dis comme je le pense. S'il y a un problème demain, les commentateurs diront en toute logique que c'est la faute de la partie française, puisqu'elle est chef de file. Comme je l'ai dit hier à propos d'Ariane 6, il faut que nous soutenions les équipes industrielles, pour la réussite de la phase 1B.
Au Sénat, devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le président-directeur général de Dassault Aviation, Éric Trappier, a indiqué que la phase 1B se déroulait bien. C'est une bonne nouvelle car, je le rappelle, nous aurions dû de toute façon passer par cette phase, même si nous n'avions pas mené le projet en coopération avec les Allemands et les Espagnols. Autrement dit, il faut qu'elle se passe bien, dans l'intérêt de tous, au premier chef dans notre intérêt.
La phase 1B nous emmènera jusqu'en 2026. Nous, acteurs français, avons donc devant nous trois ans de travail. Nous dresserons un bilan de la phase 1B et déciderons ensuite d'enclencher ou non la phase 2 dans le format de coopération tel que nous le connaissons aujourd'hui. Je précise « ou non » parce que, à chaque phase, nous avons examiné si les critères que je viens de mentionner – l'efficience du projet, sa soutenabilité, les caractéristiques de l'avion – étaient satisfaits. C'est une nécessité absolue.
La nouveauté, avec l'amendement n° 291 , c'est que nous prévoyons une information du Parlement. Cela permettra de créer une forme de consensus non pas sur les partenariats, mais sur l'action de l'industriel et des services de l'État – la France étant chef de file, c'est la direction générale de l'armement (DGA) du ministère qui pilote le projet. Ce sera en outre l'occasion de dégonfler les rumeurs et les éventuelles légendes.
L'amendement n° 291 permettra donc aux différents acteurs – l'industriel, les services de l'État, le cas échéant notre réseau diplomatique – d'éclairer la représentation nationale avant l'engagement de la phase 2. Cette décision dépend par définition de l'exécutif, mais aussi du législatif, qui vote les crédits en loi de finances.
Je souhaite dédramatiser cette affaire. À moins, je l'ai dit à de nombreuses reprises, que l'on ne veuille faire du Scaf un paratonnerre politique destiné à recevoir la foudre des élections européennes ! Je le dis parce que j'ai un doute à ce sujet.
Si je fais les mêmes réponses, c'est parce que les amendements portent peu ou prou sur le même sujet ! Qui plus est, je réponds sur le fond.
Sur le MGCS, autrement dit le char du futur, l'exercice est un peu différent. D'abord, il convient de tirer les conclusions de l'aventure du char Leclerc, qui ne sont pas identiques, vous en conviendrez, à celles que l'on peut tirer de l'aventure du Rafale. C'est ainsi.
Ensuite, même s'il s'agit d'un projet franco-allemand à parité, ce sont l'Allemagne et les industriels allemands qui sont meneurs, de même que la France et l'industriel français le sont sur le Scaf. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je vous ai invités à être plus précautionneux lorsque vous vous exprimez sur ce dernier.
Enfin, nous avons pris du retard dans l'expression des besoins. Il serait faux de dire que ce retard est imputable aux seuls industriels, ou qu'il l'est aux seuls partenaires. En tout cas, les deux armées de terre doivent formaliser leurs attentes pour ce char.
S'agissant du Scaf, je suis en mesure de vous faire part en détail de nos besoins. S'agissant du MGCS, j'ai donné mandat au chef d'état-major de l'armée de terre de formuler des propositions, en lien avec son homologue allemand, pour définir clairement ce que l'on attend de ce char de demain : doit-il être habité ou non ? Doit-il être accompagné ou non d'un essaim de drones ? Quel doit être le niveau de durcissement de son armement ?
Le sujet est opérationnel avant d'être industriel. Je vous confie le fond de ma pensée : sans faire offense à qui que ce soit, les premiers à dire leur mot doivent être les militaires de l'armée de terre, et non les industriels. C'est le besoin opérationnel qui doit primer. Cela évitera à mon successeur ou ma successeure d'avoir à répondre, dans dix ou quinze ans, à la question : « Pourquoi donc avez-vous achevé un programme déjà dépassé, comme sur les drones ? »
Je veux donc que l'on accomplisse correctement ce travail, y compris en ce qui concerne la connectivité du char, car on ne peut pas le dissocier du programme Scorpion (synergie du contact renforcée par la polyvalence et l'infovalorisation).
Cela me permet de vous annoncer que je me rendrai à Berlin le 12 juin prochain pour un premier attendu des besoins des deux armées de terre concernant le char du futur.
J'ai été volontairement complet, ce qui me permettra de ne pas reprendre la parole après avoir éclairé l'Assemblée nationale sur ces programmes majeurs.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Nous sommes d'accord avec vous pour dire que le Scaf doit d'abord répondre aux besoins de l'armée de l'air et à ceux de la France. Mais, de fait, ces besoins n'excluent-ils pas l'Allemagne ? On parle d'un avion qui doit porter la bombe, qui doit apponter, se vendre facilement pour être exportable…. Nous adhérons tout à fait à ces exigences, et c'est tant mieux, mais ce sont des critères qui, jusqu'à présent, bloquent les coopérations avec l'Allemagne. Nous avons peu d'espoir pour ce programme.
Quant au MGCS, c'est typiquement l'idéologie qui prévaut : le programme a été conçu il y a quelques années, et ce n'est que maintenant que l'on se demande ce qu'il faut y mettre. C'est l'inverse qu'il faut faire. C'est à partir de l'expression des besoins que l'on élabore un programme. Il est un peu tard pour se dire : « Il faut absolument faire une coopération : que va-t-on mettre dans ce char ? Un tankiste, un essaim de drones ? ». Si l'on avait évalué auparavant les besoins communs, on aurait trouvé de quoi faire ce programme.
Deux questions précises, deux réponses précises.
Premièrement, le fait que nous possédions des forces aériennes stratégiques et un porte-avions était connu du partenaire allemand au moment où il a signé avec nous pour le Scaf. Il n'y a donc pas de nouveauté. La question est légitime, mais je ne crois pas que nos conditions excluent l'Allemagne par principe, d'autant que les Allemands savent pertinemment qu'il n'y a aucun schéma, aucun espace dans lequel nous remettrions en cause l'efficience et la performance de la dissuasion nucléaire de nos forces aériennes stratégiques, pour ne citer qu'elles. Enfin, ce n'est pas pour dire du bien du Rafale ou de Dassault, mais il est clair que la réussite du Rafale intéresse aussi sur le terrain militaire, ce qui est une bonne nouvelle pour la France.
Deuxièmement, la question de savoir ce que nous attendons du char se serait posée, que nous soyons seuls ou à plusieurs. Je rappelle que nous sommes encore très en amont du projet, avant la phase 1A. C'est le moment de définir nos attentes. Je prends votre question comme vous l'avez posée : est-ce avant tout de l'idéologie ? Non. La réalité, c'est que les Allemands ont le même problème que nous. Pour eux, c'est la succession du Leopard ; le problème s'accélère parce qu'ils en donnent beaucoup à l'Ukraine, ce qui redonne, d'ailleurs, une vitalité au projet. Pour nous, comme vous le savez, puisque vous connaissez bien le dossier, c'est la succession du char Leclerc rénové. L'élément déclencheur du programme MGCS, c'est donc le constat que deux pays voisins et alliés – c'est factuel –, par ailleurs membres des mêmes alliances et partageant des intérêts de sécurité communs, doivent régler la succession de leur segment de cavalerie blindée au même moment, même si nous ne sommes pas complètement dans la même situation ; comme je l'ai dit de manière pudique, parce que la séance est retransmise, il faut aussi tirer les conclusions de l'aventure du Leclerc. Quoi qu'il en soit, je vous remercie pour ces propos techniquement plus précis.
Nous aurons bien le temps de débattre de ce qu'il convient de faire de ces deux programmes en 2025-2026. L'essentiel, comme l'a dit le député Mounir Belhamiti, c'est qu'il ne faut pas tuer les coopérations a priori ; ce n'est pas notre histoire que de faire ça.
Oui, et je m'en tiens à ce que j'ai dit.
L'amendement n° 358 n'est pas adopté.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l'amendement n° 1505 .
Il vise à fixer l'objectif de garantir les intérêts de la France dans le cadre de coopérations militaires industrielles européennes dont notre pays prendrait l'initiative, mais également celui de permettre aux nations européennes de se fournir en matériel européen. Nombre de pays européens achètent du matériel américain alors qu'il existe des solutions alternatives européennes. Force est de constater que les nations européennes n'achètent pas l'avion A400M, pour ne citer que lui.
Mme Cyrielle Chatelain et M. François Piquemal applaudissent.
La commission a émis un avis favorable. À titre personnel, j'émettrai un avis défavorable car je trouve la formule « aux autres États européens » trop restrictive. Nous pourrions envisager des partenaires sur d'autres continents tout restant proeuropéens.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 75
Nombre de suffrages exprimés 74
Majorité absolue 38
Pour l'adoption 45
Contre 29
L'amendement n° 1505 est adopté. – Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Vous ne votez pas tous pour les partenariats européens au sein de la majorité. Ce n'est pas clair…
Je commencerai par présenter les amendements n° 725 et 726 et je finirai avec le n° 724.
L'amendement n° 725 vise à rétablir la Belgique, avec laquelle notre proximité n'est pas que géographique, dans la liste des partenaires privilégiés de la France. Je ne m'appesantis pas sur le sujet, puisque vous avez déjà parlé du programme CaMo. J'ai aussi souhaité ajouter, à l'amendement n° 726 , la République tchèque, avec laquelle notre partenariat est déjà relativement dense, par exemple pour la fabrication de Titus ; elle a également participé à la task force Takuba. Il me semble que ces deux pays mériteraient de figurer dans la liste des partenaires privilégiés.
S'ils n'y figuraient pas, c'est très abusivement que l'on y inscrirait l'Allemagne. Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, le Scaf et le MGCS n'en sont encore qu'à leurs débuts ; ils n'ont pas encore porté leurs fruits et, même si nous avons des réserves, on peut considérer que ces projets offrent des perspectives. Néanmoins, le bilan concret, permettez-moi l'expression, n'est pas flambard.
La commande allemande d'avions A400M, par exemple, est passée de 73 à 53 unités.
Le programme de missiles Mast-F avait fait l'objet d'un accord en 2017 pour équiper le Tigre ; il a été abandonné un an plus tard au profit du Spike israélien.
En novembre 2017, l'Allemagne commande 2 satellites optiques OHB, en trahison des accords de Schwerin, dont mon collègue Lachaud se fera fort de vous rappeler la teneur.
Le 20 avril 2020, l'Allemagne commande 45 F/A-18 Super Hornet de Boeing pour environ 9 milliards d'euros qui doivent, à partir de 2025, commencer à remplacer une partie des Tornado ; sur ces 45 avions, 30 serviront à l'emport de la bombe nucléaire. On voit qu'il y a déjà quelque chose de bizarre pour l'avenir du Scaf.
Il y a, évidemment, les commandes des Eurofighter Typhoon ; il y a aussi, en novembre 2020, la déclaration de la ministre de la défense de l'époque, Annegret Kramp-Karrenbauer : « Les illusions d'autonomie stratégique européenne doivent cesser. » Je passe sur les différentes avanies liées au développement du Scaf…
En juin 2021, c'est l'épisode des avions de patrouille maritime du programme Maws.
En décembre 2022, la signature d'un contrat avec Lockheed Martin pour 35 F-35 américains. Il y a évidemment la question de la modernisation du Tigre Mk3, ou encore celle de l'Eurodrone ; je m'appesantirai plus tard sur la question du char de combat MGCS.
Il y a aussi les rivalités au sein de l'Agence spatiale européenne, avec la promotion accordée indûment, à nos yeux, à Isar Aerospace, alors même que l'Allemagne possède ArianeGroup qui est, de fait, une entreprise franco-allemande. Il y a une recherche d'hégémonie au sein de l'Agence spatiale européenne. Il est aussi utile de rappeler qu'en réponse à un questionnaire de la Commission européenne concernant le domaine spatial, en avril 2021, l'Allemagne écrivait : « L'Allemagne ne voit pas la Commission européenne et l'Union européenne se charger de la mission d'assurer un accès indépendant, fiable et rentable à l'espace. Jusqu'à aujourd'hui, il n'y a pas de concurrence européenne possible dans les catégories actuelles de lanceurs Ariane et Vega, alors qu'une concurrence vivante émerge dans le domaine des microlanceurs dans toute l'Europe. La prochaine étape logique serait de développer cette concurrence sur des systèmes de lancement et de charges utiles plus lourds. » Je n'ai pas besoin de vous faire un dessin.
Le clou du spectacle, c'est évidemment la Zeitenwende, avec l'ambition de l'Allemagne de devenir la première armée conventionnelle du continent. J'ai bien l'impression que l'Allemagne n'est pas un partenaire privilégié, mais bien un compétiteur qui a l'intention de tailler des croupières à la France.
M. Bastien Lachaud applaudit.
Tels que les amendements sont rédigés, il suffirait que les deux premiers soient adoptés pour que l'on ne puisse plus ajouter la Belgique puisque vous proposez de l'ajouter « après " Allemagne " » que vous voulez rayer de la liste. Si l'on supprime l'Allemagne, il est impossible d'ajouter la Belgique… Voilà pour le rédactionnel !
J'essaierai de ne pas être trop long ; je suis trop bavard, cet après-midi. Toutefois, puisqu'il y a un scrutin public, je veux rappeler le texte initial aux parlementaires qui ne l'auraient pas regardé : « Des pistes complémentaires de coopération seront explorées, en particulier avec l'Italie, l'Espagne, la Grèce, l'Allemagne et le Royaume-Uni, qui constituent des partenaires privilégiés. » Que l'on soit pour l'Otan, contre l'Otan, pour le commandement intégré, contre le commandement intégré, que l'on soit très communautaire ou pas très communautaire au sein de l'Union européenne, que l'on croie en l'Europe des nations ou que l'on n'y croie pas, dire que nous aurons des coopérations, en particulier avec l'Italie, l'Espagne, la Grèce, l'Allemagne et le Royaume-Uni, et que ces pays constituent des partenaires privilégiés, c'est le minimum.
En outre, La France insoumise ne veut pas supprimer la phrase entière, ce que l'on pourrait à la rigueur comprendre comme l'expression d'un « on est chez nous » que, d'habitude, on entend plutôt de l'autre côté
« Oh ! » sur quelques bancs du groupe RN
– c'est vrai ! –, mais seulement supprimer l'Allemagne de la liste. Supprimer l'Allemagne !
Cela veut dire que l'on aurait : « Des pistes complémentaires de coopération seront explorées, en particulier avec l'Italie, l'Espagne, la Grèce et le Royaume-Uni, qui constituent des partenaires privilégiés. » Il est certain qu'il n'y a aucune relation à avoir avec l'Allemagne ! Il est certain que la liste des difficultés que vous avez détaillées n'existe pas pour le Royaume-Uni, l'Italie et la Grèce ! Il est absolument évident qu'au XX
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Jean-Louis Thiériot applaudit également.
Je n'ai pas abusé de la colère depuis le début de ce débat ; toutefois, comme je vous l'avais déjà dit en commission, je trouve cet amendement profondément déplacé.
Mêmes mouvements.
À quels amendements, monsieur le ministre ? Avis défavorable à la suppression de l'Allemagne à la liste, mais à l'ajout de la Belgique et de la République tchèque ?
Favorable à la première, défavorable à la seconde.
La voilà, la différence entre une opposition raisonnable et une opposition dogmatique ! Nous, nous vous disons que pour chaque projet, il faut des jalons décisionnels qui doivent permettre d'objectiver la décision – nous l'avions écrit, d'ailleurs, dans notre rapport sur la LPM précédente. En effet, il y aura toujours un fanatique venu d'ici ou d'ailleurs qui nous dira qu'il faut absolument – ou au contraire qu'il ne faut absolument pas – travailler avec tel ou tel pays, quoi qu'il en coûte. Pourquoi enlever l'Allemagne de la liste de nos partenaires privilégiés ?
M. François Piquemal s'exclame.
Oui, nous avons de gros doutes concernant le Scaf et le MGCS ; et oui, nous pensons que ça ne marchera pas. Mais l'Allemagne n'en demeure pas moins un allié ! Pourquoi la rayer de la liste ? Ce serait un signal diplomatique et stratégique complètement aberrant. Une fois encore, l'hémicycle n'est pas le lieu de parole adapté pour exprimer vos névroses !
Sourires.
Nous sommes des gens sérieux – j'insiste : sérieux ! Je souligne donc de nouveau l'importance de ces jalons décisionnels, pour que de tels discours ne puissent plus être tenus à l'avenir. Vraiment, objectivons nos décisions et arrêtons le délire !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Sur le fondement de l'article 70, alinéa 3, de notre règlement, pour mise en cause personnelle. Évidemment, M. Jacobelli voit des névroses et des psychoses partout ;…
…il nous en a fait part hier et il le fait de nouveau maintenant. Je lui suggère respectueusement et amicalement – disons presque amicalement
Sourires et exclamations sur divers bancs
…de se lancer dans la psychanalyse plutôt que dans la politique, s'il le souhaite ; il y rencontrera peut-être un peu plus de succès.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, je reviens sur le fond. Vous avez surjoué l'indignation,…
Et vous, vous surjouez la provocation !
…c'est évident : tout le monde s'en sera aperçu, et ce n'est pas la première fois. N'étant pas à la tribune, vous nous avez néanmoins offert un effet de tribune.
En effet, je m'apprête à répondre sur le fond. Ce que vous nous avez dit…
Après le rappel au règlement, M. Saintoul a deux minutes pour prendre la parole sur l'amendement. Ce sont les règles.
Vous m'avez dit, monsieur le ministre, que vous vous faisiez fort de nous présenter l'équivalent du long chapelet d'avanies que j'ai énoncé concernant l'Allemagne pour tous les autres partenaires privilégiés cités dans le rapport annexé. Je vous dis : chiche ! Présentez-nous une liste du même calibre. Montrez-nous à quel point nous avons été manœuvrés par l'Italie, par la Grèce ou par le Royaume-Uni ; à quel point nous nous sommes engagés – très loin – dans des coopérations pour que finalement, le partenaire…
Ce n'est plus un rappel au règlement ! Sur quel article du règlement vous fondez-vous ?
Mais monsieur Jacques, écoutez la présidence ! Si vous ne m'écoutez pas, écoutez au moins Mme la présidente, qui vous a dit qu'après mon rappel au règlement, j'avais droit à deux minutes pour m'exprimer sur le fond.
Monsieur le rapporteur, il n'est nul besoin de fonder son intervention sur un article du règlement pour prendre la parole. Quand un amendement a été défendu, un orateur peut s'exprimer pour l'amendement, et un autre contre ; et l'orateur dit ce qu'il veut, pourvu qu'il respecte le règlement.
« Oh ! » et « Quelle arrogance ! » sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le ministre, si vous disposez d'une liste de toutes les manœuvres, comme je les ai qualifiées, dont la France aurait pu pâtir de la part de nos alliés privilégiés, fournissez-la et je retirerai immédiatement l'amendement,…
…considérant que ce sont les aléas normaux de la vie diplomatique et des partenariats industriels et militaires ! Mais si vous n'en disposez pas, si vous ne la fournissez pas, alors je vois bien que vous surjouez l'indignation. Soyez sérieux : nous n'avons pas de problème avec l'Allemagne et nous n'avons pas proposé d'envahir ou de vitrifier Berlin !
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
La parole est à Mme Sabine Thillaye, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
J'hésite un peu à prendre la parole parce que cela crée chez moi une vraie émotion. J'ai l'impression de revenir des dizaines d'années en arrière. Tout de même, il est ici question de « supprimer l'Allemagne » ! C'est assez incroyable quand on considère la vision que la France a eue grâce à Jean Monnet et à Robert Schuman, après les horreurs de la seconde guerre mondiale. Elle a ainsi pu tendre la main vers l'Allemagne et quand j'étais adolescente, cette histoire m'a fascinée ! Il faudrait peut-être que chaque État membre de l'Union européenne arrête de regarder l'autre uniquement à travers son propre prisme. Il faudrait prendre conscience du fait que chaque État membre a une histoire, une culture différente et des priorités qui sont effectivement différentes. Oui, nous sommes aussi concurrents ; c'est vrai !
Pas plus avec l'Allemagne qu'avec les autres !
Il ne faut pas le cacher. Mais on ne cherche pas à détruire : on cherche la complémentarité !
En prononçant de telles paroles, on détruit des partenariats ; on détruit l'Union européenne.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Jean-Louis Thiériot applaudit également.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 85
Nombre de suffrages exprimés 85
Majorité absolue 43
Pour l'adoption 9
Contre 76
M. François Piquemal applaudit.
Il vise à ajouter Chypre à la liste de nos partenaires stratégiques privilégiés en Europe. En effet, d'après le programme de Marine Le Pen, « au-delà du cercle des alliés, la France [doit chercher] à affermir et à approfondir l'ensemble des partenariats stratégiques qu'elle a déjà conclus dans les zones clés du monde et cherchera à en conclure de nouveaux », notamment avec « Chypre, en Europe ». La coopération entre Chypre et la France est stratégique. Un accord de coopération en matière de défense a été signé en avril 2017, en vertu duquel la marine française effectue des exercices réguliers avec la marine chypriote, parfois conjointement avec d'autres marines européennes. La France fait aussi partie des principaux fournisseurs d'armement de Chypre.
En conséquence, Chypre, de par sa situation géographique et compte tenu des accords militaires déjà entérinés, doit être considérée comme un partenaire privilégié de la France en Europe et intégrer la liste préconstruite par le Gouvernement à l'alinéa 63 de cette LPM.
Cela fait quelque temps que nous assistons à une instrumentalisation assez politicienne de tout ce qui concerne notre intergroupe de la NUPES. Je sais que vous aimez bien faire des commentaires sur nos relations, mais votre intérêt pour ce sujet devient de plus en plus gênant.
On a vu où se trouvait la véritable opposition, puisque c'est systématiquement de notre côté que vous portez vos attaques. Néanmoins, je crois que le débat qui nous occupe est lié à une mauvaise rédaction initiale du texte. On peut faire un inventaire à la Prévert, mais je n'en vois pas très bien l'intérêt : il suffit d'affirmer, tout simplement, que « nos voisins européens » sont nos partenaires privilégiés. Ce serait tellement plus simple !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
L'amendement n° 1736 n'est pas adopté.
Cet amendement d'appel vise à alerter sur le fait que les partenariats se passent de discours et doivent avant tout privilégier les actes concrets. En matière de défense, cela doit se traduire en particulier par l'achat réciproque de matériel. Nous avons trop vu certains de nos partenaires – je ne les citerai pas de nouveau, car nous en avons parlé à plusieurs reprises – privilégier du matériel américain alors que la France proposait des offres équivalentes.
À offre égale, un partenaire doit privilégier la France pour l'achat de son matériel militaire.
L'amendement n° 59 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Isabelle Santiago, pour soutenir l'amendement n° 1384 .
Il vise à préciser la teneur de la coopération européenne en matière de cyberdéfense. Actuellement, la solidarité européenne dans ce domaine favorise les bonnes pratiques, mais il faut encore aller plus loin. L'accord de novembre 2022 signé à Bruxelles par les ministres de la défense de dix-huit pays de l'Union européenne, dont la France, qui vise à lutter contre les attaques informatiques, est un exemple de bonne pratique. L'articulation entre les échelons national et européen est nécessaire, même si nous devons en même temps conserver une souveraineté nationale en matière sécuritaire.
L'amendement vise donc à renforcer la résilience des pays européens.
Il est satisfait dans les faits, mais je donnerai un avis de sagesse.
L'amendement n° 1384 est adopté.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l'amendement n° 286 .
Il vise simplement à évoquer nommément l'Eurocorps dans le rapport annexé.
M. Emmanuel Fernandes demande la parole.
Je vois mon collègue strasbourgeois qui lève la main : en effet, l'Eurocorps est basée à Strasbourg, capitale européenne. Cette année, il a trente ans. C'est une création que l'on doit à Helmut Kohl et à François Mitterrand ; c'est donc au départ un projet franco-allemand visant à constituer un corps d'armée multinational, qui s'est ensuite étendu à six nations-cadres que sont, outre la France et l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, le Luxembourg et, plus récemment, la Pologne, ainsi que cinq nations associées. L'Eurocorps ne dépend pas directement de l'Union européenne : il est constitué aux termes d'un traité ad hoc. C'est donc un projet concret, pragmatique, de défense européenne.
Je considère que la France, qui a une responsabilité historique vis-à-vis de ce corps d'armée, doit continuer à le soutenir et à le développer. S'y déploie d'ailleurs un niveau de compétence très élevé, puisqu'il est constitué d'officiers, de sous-officiers et de soldats de très bon niveau qui sont envoyés par leurs nations d'origine. L'Eurocorps est intervenu en Yougoslavie, en Afghanistan, au Mali ou en Centrafrique ; c'est un embryon de défense européenne et nous devons continuer à le soutenir.
La difficulté, c'est que si vous citez un corps d'armée, il faut aussi citer les autres, par exemple la brigade franco-allemande (BFA) ou l'état-major de l'Union européenne (Emue).
C'est un peu tard ! Avis de sagesse.
Par souci de clarté, je voulais simplement signaler que si nous adoptions l'amendement, la mention de l'Eurocorps ne se situerait pas à la bonne place dans le rapport annexé : l'alinéa 63, qu'il vise à compléter, précise que « les coopérations de la France avec ses partenaires européens continueront de s'appuyer […] sur les dispositifs mis en place par l'Union européenne » ; or, comme vient d'ailleurs de le signaler le collègue Sitzenstuhl, l'Eurocorps n'a pas été mis en place par l'Union européenne, mais bien par une initiative franco-allemande. Une telle mention n'a donc rien à faire à cet endroit.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est précisément pour cette raison, parce que l'Eurocorps n'émane pas de l'Union européenne, que l'amendement est rédigé de manière que la nouvelle rédaction soit la suivante : « les coopérations […] continueront de s'appuyer […] sur les dispositifs mis en place par l'Union européenne […] et l'Eurocorps. » C'est un ajout dans le texte.
L'amendement n° 286 est adopté.
La parole est à M. Benjamin Haddad, pour soutenir l'amendement n° 1575 , qui fait l'objet de deux sous-amendements.
Il vise à valoriser un progrès concret de nos instruments de souveraineté européenne, qui a été développé ces dernières années : la Facilité européenne pour la paix (FEP). C'est un budget qui, au niveau européen, a permis notamment de financer les livraisons d'armes et les soutiens défensifs à l'Ukraine dans sa défense face à l'agression russe.
La France prend toute sa part dans cet instrument, puisqu'elle le finance à hauteur de 18 %, ce qui signifie qu'elle finance en partie les livraisons d'armes de certains de nos partenaires à l'Ukraine.
Au cours des derniers jours, nous avons eu beaucoup de débats théoriques très intéressants sur la défense européenne, l'Otan ou la souveraineté européenne. Voilà un instrument de cette souveraineté que nous bâtissons, brique par brique, qu'il convient de valoriser.
Dans le sous-amendement n° 1804 , mon collègue Belhamiti propose de retirer la mention « soutenue à hauteur de 18 % par la France ». L'idée n'est pas d'inscrire le niveau du financement de la France dans le rapport annexé, mais de valoriser cet instrument qui fonctionne et qui représente une avancée promue par la France pour la défense européenne et celle de l'Ukraine.
Le sous-amendement n° 1804 de M. Mounir Belhamiti est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
La Facilité européenne pour la paix, financée à hauteur de 18 % par la France, figure-t-elle dans le budget de cette LPM ?
J'ai déjà répondu dix fois à cette question !
J'ai déjà répondu plusieurs fois en commission.
M. le ministre répond hors micro mais, en fait, le budget de la FEP ne figure pas dans la LPM, car il relève du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et non pas de celui des armées.
Monsieur le ministre, vous nous avez refusé des amendements en rapport avec des questions diplomatiques, visant notamment à avancer sur des traités de désarmement. En intégrant ce qui est proposé ici dans le rapport, nous fragilisons le budget de la défense alors qu'il y a unanimité sur ces bancs pour approuver le financement de la FEP, notamment pour soutenir les Ukrainiens.
M. Aurélien Saintoul et Mme Anna Pic applaudissent.
Cela me semble malheureusement relever d'une vision un peu politicienne des choses. En l'état, puisque cela n'a aucun rapport avec le budget de la défense, nous serons contraints de nous abstenir sur cet amendement. C'est un mauvais signal envoyé au monde.
Disons-le clairement : il s'agit pour nous d'un franchissement de la ligne rouge. Lisons la définition de la souveraineté dans le Petit Robert – qui n'est pas, que je sache, un adhérent du Rassemblement national.
Oui, vous vous serez fait remarquer, mais probablement pas comme vous le souhaitiez.
Le terme « souveraineté » a deux acceptions. Voici la première : autorité suprême d'un souverain ou d'une nation. De ce que j'ai compris, la nation française avait exprimé ce qu'elle pensait de cette Union européenne : elle avait dit « non ».
Deuxième définition : caractère d'un État qui n'est soumis à aucun autre État. L'Union européenne n'est pas un État. Si vous parlez de souveraineté européenne, cela veut dire que vous allez vers le fédéralisme européen. Et croyez-moi, pour nous, c'est une ligne qu'il ne faut absolument pas franchir dans cette LPM.
La contribution de la France à la FEP relève du programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde, donc du budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Cependant, nous en recevons en quelque sorte les dividendes sous forme de ressources extrabudgétaires de cette LPM. En effet, chaque fois que nous apportons une aide à l'Ukraine, la FEP nous rend une contribution qui intègre les ressources extrabudgétaires de la LPM. C'est pour cette raison que la FEP a toute sa place dans cette LPM. Elle contribue d'ailleurs aux éléments de transparence sur la manière dont nous soutenons l'Ukraine et sur ce que cela nous coûte très précisément.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Tout d'abord, je tiens à redire que je suis à la disposition du Parlement, et il me semble l'avoir démontré.
Rappelons que la FEP a été créée pour aider certains États africains à lutter contre le terrorisme, avant la guerre en Ukraine. Rappelons aussi que tout ce qui est létal est pris en charge par le budget du ministère des armées, et que tout ce qui est non létal relève du budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Je vous l'ai déjà dit lors de l'examen des crédits pour l'année 2023, et j'imagine que Florence Parly l'avait fait avant moi. Ce n'est pas nouveau, il n'y a aucun changement de doctrine en la matière, je me suis donc permis de dire depuis le banc que j'avais déjà répondu en commission. Pour ce qui est létal, je vous ai aussi indiqué en commission que nous revenions au droit commun pour l'Ukraine.
En ce qui concerne l'amendement et le sous-amendement des députés Haddad et Belhamiti, je propose un sous-amendement à la majorité, car il ne faudrait pas introduire un doute alors que nous avons déjà eu un large débat pour clarifier les choses. Vous ne serez pas non plus d'accord si vous vous opposez à l'amendement, mais vous serez moins en colère s'il n'y a pas de doute.
« La France continuera à prendre toute sa part aux instruments de souveraineté européenne dans le domaine de défense… », est-il écrit dans l'amendement n° 1575 . En fait, il fallait comprendre « autonomie stratégique européenne ».
Je sais que vous le réfutez, mais je n'ai pas de doute sur le fait que les députés de la majorité voulaient dire cela.
Rires sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et SOC.
Comme d'habitude, vous faites un procès d'intention : quand vous voulez rayer l'Allemagne de la liste des partenariats, vous me dites que je feins la colère ; quand il y a une coquille dans un amendement, c'est évidemment volontaire.
Pour que la rédaction soit la plus nette possible, je propose un sous-amendement pour remplacer les mots « souveraineté européenne » par « autonomie stratégique européenne ». La première phrase venant compléter l'alinéa 63 sera donc ainsi rédigée : « La France continuera de prendre toute sa part aux instruments d'autonomie stratégique européenne dans le domaine de défense comme la facilité européenne pour la paix. » Il me semble que cette nouvelle rédaction pourra recueillir une majorité de suffrages.
Je raye donc « souveraineté » et je mets « autonomie stratégique » à la place ?
Pour que tout le monde comprenne bien la modification, je précise que dans l'amendement n° 1575 , le terme « souveraineté » est remplacé par « autonomie stratégique ». Êtes-vous d'accord, monsieur Haddad ?
Évidemment, je suis d'accord, d'autant que ces deux termes sont souvent utilisés de façon un peu interchangeable dans le langage courant.
La souveraineté implique des instruments plus larges comme le contrôle des frontières ou la défense de nos intérêts économiques, technologiques ou industriels. Cela étant, je pense que les termes « autonomie stratégique » sont moins bien compris que celui de « souveraineté » par nos partenaires, en particulier ceux d'Europe centrale. D'un point de vue politique, le message pourrait être plus compréhensible avec la notion de souveraineté. Dans ce cas précis, où il est question d'instruments de défense, la notion d'autonomie stratégique est tout à fait appropriée.
M. Bastien Lachaud proteste.
Comme il est toujours difficile de corriger comme ça, en direct, si j'ose dire, je vais relire le début de la phrase : « La France continuera de prendre toute sa part aux instruments d'autonomie stratégique européenne… ». Êtes-vous d'accord ?
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq.
La séance est reprise.
Le sous-amendement n° 1825 rectifié du Gouvernement est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Au moins, au sein de la NUPES, les désaccords sont assumés : ils figurent dans le programme présenté aux électeurs et font ensuite l'objet de compromis permettant de gouverner et d'avancer ensemble. Dans la majorité, les désaccords ne sont pas assumés. Voilà que l'un de ses députés nous explique que l'autonomie stratégique européenne et la souveraineté européenne, c'est la même chose : nous débattons donc d'autonomie stratégique européenne depuis quatre jours, alors que le ministre nous affirme que nous défendons l'indépendance et la souveraineté française et non pas la souveraineté européenne. Que devons-nous penser ? Tout cela est flou.
M. Haddad, qui s'est vanté tout à l'heure d'avoir écrit de nombreux ouvrages sur la question, sait exactement de quoi il parle ; cela ne peut pas être une erreur. Il y a donc un loup.
M. Aurélien Saintoul applaudit.
Monsieur le ministre, vous devez être beaucoup plus clair et nous expliquer ce qu'est l'autonomie stratégique européenne.
Contrairement aux deux sous-amendements, l'amendement n° 1575 fera bien l'objet d'un scrutin public, qui a été annoncé tout à l'heure.
La parole est à M. Laurent Jacobelli.
Nous voici à un point critique de l'examen de ce projet de LPM, qu'on peut voir comme un point de bascule. Soit nous parlons de la défense de la nation française, soit nous parlons d'une nation rêvée, l'Union européenne, dotée de son autonomie stratégique, voire de sa souveraineté.
Qui croire, dans ce débat ? Les députés du groupe Renaissance, qui à la moindre occasion ressortent l'idée d'une défense européenne liée à une souveraineté européenne ? Un ministre et une commission, à l'honnêteté intellectuelle desquels je veux bien croire, qui nous garantissent qu'il n'y a pas de souveraineté européenne ? Les indices qui nous parviennent sont trop dissemblables, c'est déroutant.
Quand je pense que la majorité a voté les amendements de Mme Châtelain, d'Europe Écologie-Les Verts !
Rires et exclamations sur les bancs du groupe RN.
Après nous avoir expliqué qu'elle était favorable à une armée européenne, celle-ci a proposé un amendement portant sur la défense européenne, qui a été voté comme un seul homme par la majorité !
J'ai peur que le signal soit clair et que la ligne de rupture soit bientôt franchie.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Revenons-en aux faits, rien qu'aux faits. Existe-t-il une Facilité européenne pour la paix ? La réponse est oui. Est-ce que le projet de LPM vient la conforter ? La réponse est oui. Est-ce que vous vous servez cet hémicycle pour préparer les élections européennes ? La réponse est oui.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 75
Nombre de suffrages exprimés 69
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 53
Contre 16
L'amendement n° 1575 , sous-amendé, est adopté.
L'amendement n° 479 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il va vous faire plaisir, monsieur le ministre, car il reprend une proposition du rapport sur le contrôle des exportations d'armement de Jacques Maire et Michèle Tabarot. Cet amendement vise à donner au Parlement les moyens d'appréhender l'ensemble des déterminants des exportations d'armements, grâce à un rapport annuel qui donnera lieu à un débat en séance publique à l'Assemblée nationale.
Il paraît essentiel de contrôler, au moins a posteriori, l'exportation d'armements, à l'image de ce que l'on devrait faire pour les opérations extérieures (Opex). C'est d'autant plus nécessaire au regard de partenariats stratégiques qui ne respectent pas le droit international, comme la coopération militaire avec l'Arabie Saoudite, à l'origine d'une crise humanitaire au Yémen. Le Gouvernement a également choisi de poursuivre ses coopérations avec l'Égypte du président al-Sissi, qui utilise des armes livrées par la France pour réprimer le peuple égyptien.
Si vous refusez de subordonner l'exportation des armements au respect des principes du droit international et des valeurs démocratiques défendues par la France, ou au simple respect du traité sur le commerce des armes ratifié en 2014, nous souhaitons avoir accès à un rapport annuel qui permettra à la représentation nationale de débattre en toute transparence des exportations d'armement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 729 de M. Aurélien Saintoul est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Deux rapports annuels, sur les exportations d'armes et les biens à double usage, sont rendus publics et présentés aux parlementaires. Le président de la commission de la défense peut aussi prendre des initiatives, telles que des missions d'information ou des auditions. Enfin, en tant que députée, vous avez accès à différentes informations. Avis défavorable sur ces amendements et les suivants concernant les exportations d'armes.
Ces amendements ne sont pas issus de la gauche, de la NUPES ou de La France insoumise en particulier, mais de La République en marche et des Républicains. Je salue d'ailleurs les collègues du groupe LR, qui très courageusement ont décidé d'aller à la buvette. Je salue également les députés du groupe RE, qui vont faire le choix très courageux de désavouer Jacques Maire, leur collègue de la précédente mandature, en validant l'absence de débat sur la politique d'exportation d'armes en séance publique. Vous êtes à deux doigts de vous montrer les parangons de la démocratie transparente – à l'allemande, ai-je envie de dire –, à laquelle vous aspirez !
Blague à part, je ne comprends pas comment vous pouvez, matin et soir, nous donner l'Allemagne en exemple, tout en refusant, comme vous l'avez fait en commission, la mesure minimale de transparence que nous vous proposons sur un sujet aussi important que les politiques d'exportation d'armement. Il y a là une contradiction, voire une forme d'hypocrisie particulièrement choquante.
Vous avez pu vous dérober tout à l'heure, monsieur le ministre, mais M. Haddad nous a expliqué que l'autonomie stratégique et la souveraineté européenne sont des notions interchangeables. Il se targue d'avoir écrit des livres sur le sujet, mais il n'a pas apporté d'explications quand l'occasion s'est présentée il y a quelques minutes. L'autonomie stratégique européenne, dont la mention traverse l'ensemble du rapport annexé, est-elle ou non un synonyme de la souveraineté européenne ? La réponse à cette question aura une implication très forte sur la portée de ce rapport annexé. Monsieur le ministre, je prendrai la parole autant de fois que nécessaire pour entendre votre interprétation et pour que vous nous expliquiez si M. Haddad a eu tort ou raison.
Je suis très frustré, car nous sommes passés très rapidement sur l'amendement n° 479 de Mme Tabarot, visant à créer une délégation parlementaire au contrôle des exportations d'armes, et que M. Thiériot n'a pas présenté, se contentant de dire « défendu ».
La moindre des choses est que le Parlement choisisse d'assumer son rôle de contrôle des exportations d'armes, surtout après que des faits gravissimes ont été commis. En effet, en Égypte, un dictateur a retourné les armes exportées contre son peuple et, en Arabie Saoudite et aux Émirats arabes unis, elles ont été utilisées contre des enfants, notamment au Yémen, pour organiser une famine et commettre des crimes contre l'humanité.
Aussi, je trouve navrant que certains députés, comme M. Thiériot, choisissent de dire « défendu » sans présenter leurs amendements, ce qui revient à ne pas défendre le rôle de contrôle des exportations d'armes que le Parlement pourrait avoir. Les présents amendements sont des amendements d'appel. Mes collègues proposent de donner au Parlement les moyens d'appréhender l'ensemble des déterminants des exportations d'armement. On ne peut pas faire moins. Donc, par pitié, votons cet amendement d'appel, assumons notre rôle et garantissons que les droits humains soient respectés lors des ventes d'armes.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC, et GDR – NUPES.
La parole est à M. le président de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Je ne souhaite pas que les personnes qui nous suivent se fassent de fausses idées. Rappelons que l'exportation d'armes répond à plusieurs objectifs. Le premier est de conclure des partenariats stratégiques avec d'autres pays ; le second est que la BITD atteigne une taille critique, à laquelle elle ne pourrait parvenir si seules nos armées lui passaient commande. Si nous avons une si belle base industrielle et technologique de défense qui nous permet de garantir notre souveraineté, c'est parce que nous exportons des armements.
Comment cela fonctionne-t-il ? Je rappelle qu'en principe, il est interdit d'exporter des armes. La commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) instruit de manière très rigoureuse – plus que dans bien d'autres pays – les dossiers d'exportation d'armes, afin d'autoriser ou non l'exportation.
Un rapport relatif aux exportations d'armes est remis chaque année au Parlement, dont le volume – plusieurs centaines de pages – et le degré de précision étonnent mes collègues européens.
Le rapport de Jacques Maire et de Michèle Tabarot sur le contrôle des exportations d'armement a permis d'avancer sur certains points, et des recommandations ont déjà été mises en œuvre, notamment la publication du rapport relatif aux biens à double usage, civil et militaire, ainsi que l'organisation d'une audition sur le thème des exportations d'armement où sont entendus le ministre des armées, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Je ne suis pas sûr qu'on aille au fond des choses en auditionnant trois ministres en deux heures !
Ces avancées garantissent une bonne information et le respect de la fonction de contrôle du Parlement.
En ce qui concerne la commission de la défense et des forces armées, nous disposons d'une marge de manœuvre pour que le Parlement bénéficie d'un meilleur éclairage sur ces questions – M. le rapporteur l'a souligné. Je suis favorable pour en discuter lors d'une réunion du bureau.
Le silence du ministre est éloquent. Vous n'avez manifestement pas l'intention de répondre sur la question des exportations d'armement.
Votre micro a peut-être un problème de connexion, ainsi que vous l'avez indiqué tout à l'heure.
Écoutez, j'ai quand même le droit d'interpeller le ministre de la façon qui me paraît appropriée. Vous avez tendance à ne pas suffisamment défendre les prérogatives du Parlement. Vous devriez défendre le Parlement plutôt que l'exécutif, chère collègue – chacun son rôle.
Vous n'avez manifestement pas d'avis sur la politique d'exportation d'armes ni sur le fait qu'elle ne soit soumise à aucun vote. Monsieur le président Gassilloud, vous avez dit que la CIEEMG est plus rigoureuse que les autres instances comparables en Europe. Comment le savez-vous ? Les avez-vous auditées ? Avez-vous rencontré leurs membres ? Avez-vous entendu des ONG critiquer aussi sévèrement la politique d'exportation d'armements d'autres États que celle de la France ? Pensez-vous que toutes ces ONG soient instrumentalisées par je ne sais quel service de renseignement étranger ?
Ou alors, êtes-vous d'accord pour dire que le traité sur le commerce des armes a fait l'objet de violations caractérisées ? N'avez-vous pas entendu ou lu que nous avons continué à livrer des armes à l'Arabie Saoudite, par exemple, alors qu'on savait que les canons Caesar étaient pointés vers le Yémen et que, très certainement, ils ont été utilisés ? Une note de la DRM – direction du renseignement militaire –, révélée par le média d'investigation Disclose, l'indique très clairement. Comment savez-vous que d'autres commissions du même type auraient fait un moins bon travail ? D'autres ONG ou d'autres médias ont-ils diffusé des informations de même nature ? Bien sûr que non ! En effet, en Europe, nous sommes l'un des rares pays exportateurs d'armes dont le Parlement ne vote pas sur ces questions.
Je le répète, c'était l'une des propositions du rapport de Mme Tabarot et de M. Maire ; vous les avez désavoués. Dans vos propres rangs, vous n'êtes donc pas d'accord sur l'essentiel, à savoir le contrôle démocratique de cette politique majeure qu'est l'exportation d'armements. Monsieur le ministre, il est curieux que vous ne répondiez ni à la première question sur les exportations ni à la seconde sur la souveraineté européenne et l'autonomie stratégique européenne – qui seraient interchangeables, je le répète, selon M. Haddad.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je serai de moins en moins bavard puisque, lorsque je le suis, on en abuse – je le dis comme je le pense. J'émets un avis défavorable sur ces amendements pour deux raisons. Premièrement, le débat a eu lieu en commission – on ne peut pas faire comme si cela n'avait pas été le cas. Deuxièmement, un alinéa entier du rapport annexé est consacré à cette question, ce qui n'était pas obligatoire, dans la mesure où le rapport annexé concerne avant tout le format des armées et les contrats opérationnels.
Du reste, quand vous avez adopté il y a quelques instants un amendement relatif à la Facilité européenne pour la paix, les députés de la NUPES ont affirmé que, relevant du Quai d'Orsay, la FEP n'avait pas sa place dans la LPM. Dès lors, je comprends mal pourquoi vous voulez maintenant y faire figurer les exportations d'armement. Cette question est sans lien avec celle des prélèvements des armements, qui relèvent du format des armées – à l'exception du prélèvement au bénéfice des forces ukrainiennes, un sujet à part, qui a suscité des questions auxquelles j'ai répondu.
Vous voulez traiter ce sujet. Très bien. Bientôt, une commission ad hoc se réunira au Parlement. Doit-elle évoluer ? Nous pouvons en discuter. Nous voulons accélérer l'examen du rapport annexé à la LPM, je donnerai donc un avis défavorable sur les amendements qui suivent.
Vous répondez en partie sur le fond, en disant que cette question n'a pas sa place dans le rapport annexé.
Si, mais vos amendements sont satisfaits !
Or elle l'a, pour une raison simple : les ventes d'armements ne sont pas neutres pour le budget de l'État, en particulier pour celui du ministère des armées.
Figurez-vous qu'un de vos prédécesseurs se faisait fort de boucler ses budgets par des ventes d'armes. Il se trouve que votre budget n'est pas entièrement bouclé non plus, car il dépend de ressources extrabudgétaires, lesquelles…
Je ne sais pas, prouvez-le-moi ! Pour l'instant, les ressources extrabudgétaires s'élèvent à 7 milliards. Il nous reste grosso modo 6 milliards à trouver. Rien ne nous interdit de penser que vous espérez vendre des armes pour pouvoir boucler votre programmation budgétaire. Permettez qu'on lie la question de l'exportation d'armements à celle du budget, après avoir évoqué le respect des traités.
Vous pouvez nous répondre que ces ventes ne représenteraient qu'une ressource marginale pour le budget des armées s'élevant à plusieurs centaines de millions, voire à plusieurs milliards. J'en prendrais acte – la question du respect du traité sur le commerce des armes et des droits humains de nos clients ne serait pas réglée pour autant. En tout cas, vous ne pouvez pas nier le lien avec la programmation financière.
Il n'y a pas une ligne relative à la cession d'armes dans tous les documents que je vous ai présentés en commission, détaillant précisément l'origine des 13 milliards. Vous avez donc déjà la réponse à cette question – je peux vous la redonner par écrit si vous le souhaitez. Le projet de loi ne prévoit aucune recette affectée ou tirée de ventes d'armes au titre des ressources extrabudgétaires, mais uniquement des produits de cession d'éléments du patrimoine immobilier – c'est écrit noir sur blanc. Pourquoi le laisser entendre ? Vous avez très bien travaillé le projet de loi, vous le savez. Poursuivons notre travail ensemble, en continuant à faire preuve d'honnêteté intellectuelle.
Vous le savez, cela n'a rien à voir avec les 13 milliards ; à la rigueur, c'est une question relative à l'industrie ou à la diplomatie – je vous le concède bien volontiers. La rédaction de l'alinéa 64 du rapport annexé est satisfaisante, dans la mesure où cette question n'entre pas dans le champ de la LPM.
S'agissant du rôle et des prérogatives du Parlement, cette discussion ne doit pas avoir lieu dans le cadre de l'examen du projet de loi. Quand bien même les amendements seraient votés, nous savons que le rapport annexé ne produit pas d'effet. Nous ne devons pas nous détourner des autres sujets que nous avons à traiter dans le cadre du présent débat.
Sur les amendements identiques n° 917 et 918 , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 636 et 728 .
L'amendement n° 636 de M. Bastien Lachaud est défendu.
La parole est à M. Aurélien Saintoul, pour soutenir l'amendement n° 728 .
Pour ne pas prolonger inutilement nos débats, il s'agit d'un amendement sur les biens à double usage. La logique étant la même, la réponse devrait être similaire. J'ai obtenu la démonstration que j'escomptais, je n'en rajouterai pas.
Je comprends qu'on souhaite avancer ; pour ma part, j'aimerais que la France avance sur le respect des droits humains. Or vous avez dit que le rapport annexé ne produirait pas d'effet. Le fait que le Parlement refuse de se donner à lui-même des pouvoirs de contrôle a un impact très négatif.
Lorsqu'on vend des armes, en général, on s'assure qu'aucun transfert technologique n'aura lieu. Mais à aucun moment on ne s'assure qu'on n'en a pas vendu à des régimes autoritaires, qui pourraient retourner ces armes contre leurs populations. C'est le travail d'Amnesty International, qui a montré que l'Égypte avait retourné des armes contre sa population. Nous avons failli vendre des armes à la Libye de Mouammar Kadhafi et nous en avons bien entendu vendu aux Émirats arabes unis et à l'Arabie Saoudite. Les industriels qui les ont vendues font l'objet d'une plainte pour complicité de crimes de guerre, déposée par Sherpa et Amnesty International – ce qui devrait nous amener à nous interroger. Amnesty International souligne que les procédures de contrôle sont rigoureusement insuffisantes en raison de leur opacité.
Vous avez esquivé la question de la délégation parlementaire et refusé de transmettre des informations minimales sur les ventes. Voici une solution toute faite, très pratique, que nous vous suggérons : dressons la liste rouge des pays et des régimes autoritaires, accusés de crimes de guerre, auxquels nous ne pouvons pas vendre d'armes. Un vote favorable nous permettra de garantir les droits humains.
Je rappelle le principe : les exportations d'armes sont interdites. La CIEEMG autorise ou non les exportations – les autorisations sont très strictes, comme le montre le rapport de Jacques Maire et de Michèle Tabarot, lisez-le bien. Il ne faut donc pas sous-entendre qu'il n'y a pas de contrôle. Au contraire, la France est très stricte en la matière : chaque exportation est contrôlée.
Même avis, pour des raisons de forme. Sur le fond, en quoi la liste rouge que vous avez évoquée serait-elle différente de la liste de l'ONU des embargos sur les armes, que la France respecte ? Je ne comprends pas ce point.
Pour répondre à l'objection un peu facile du rapporteur, un contrôle existe, mais il n'est pas parlementaire. Nous le réclamons. Nous sommes entre adultes, nous pouvons nous dire les choses. Par ailleurs, lisez le rapport de Jacques Maire et Michèle Tabarot : vous constaterez que les informations sont partielles et transmises tardivement, ce qui rejoint les observations d'Amnesty International.
Pour répondre au ministre, que je remercie d'avoir pris le temps de répondre, nous vendons à l'Arabie Saoudite et au Qatar, qui ne sont pas sur la liste de l'ONU des embargos sur les armes, et je le regrette. L'utilisation du droit de veto par certains pays au sein du Conseil de sécurité de l'ONU empêche d'obtenir l'inscription de certains pays.
Bien sûr, mais certains États sont, c'est désormais avéré, complices de crimes de guerre. Il est évident qu'aucun pays ne devrait leur vendre des armes et faciliter ainsi la commission de ces crimes. Cela finira, du reste, par se retourner contre nos industriels.
Nous gagnerions donc à établir une liste rouge des États concernés, pour lesquels, monsieur le rapporteur, aucune dérogation ne serait possible.
L'amendement défendu par M. Bayou est un bon amendement. Cette liste rouge se conçoit assez simplement, monsieur le ministre : y seraient inscrits tous les pays qui ne respectent pas les articles 6 et 7 du traité sur le commerce des armes, donc ceux qui commettraient ou risqueraient de commettre des crimes de guerre avec les armes qu'on leur aurait vendues. Nous pourrions ainsi respecter les engagements internationaux que la France a pris. Rendre publique une telle liste serait la moindre des choses.
L'amendement n° 154 n'est pas adopté.
Les amendements identiques n° 917 de M. Bastien Lachaud et 918 de M. Aurélien Saintoul sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 69
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 8
Contre 61
Les amendements identiques n° 638 de M. Bastien Lachaud et 730 de M. Aurélien Saintoul sont défendus.
Les amendements identiques n° 1026 de M. Bastien Lachaud et 1091 de M. Aurélien Saintoul sont défendus.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l'amendement n° 361 .
Il est indiqué, à l'alinéa 65, que « le contrôle des investissements étrangers sera poursuivi » ; je préfère, pour ma part, qu'il soit renforcé. Nous avons en effet essuyé un certain nombre d'échecs ces dernières années. M. le ministre nous a rappelé sa position sur le rachat de Segault, et nous l'en remercions, mais la décision finale dépend de Bercy. Or, c'est parfois là, hélas ! que le bât blesse.
Pour être certains que nous allons dans le bon sens, nous proposons donc de remplacer le mot : « poursuivi » par le mot : « renforcé ».
Le débat a eu lieu : avis défavorable.
L'amendement n° 361 n'est pas adopté.
Nous reprenons ici un amendement adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale lors de l'examen de la loi de 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte. Il a pour objet de créer une délégation parlementaire chargée d'évaluer la mise en œuvre des politiques publiques relatives à la sécurité économique et aux investissements stratégiques.
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir le sous-amendement n° 1826 .
Si vous me le permettez, madame la présidente, je défendrai également le sous-amendement n° 1827 .
Je m'étonne que l'on oppose les députés qui seraient attachés à la realpolitik, d'un côté, et ceux qui défendraient les droits humains, de l'autre. Nous sommes toutes et tous attachés à la défense des droits humains, dans le respect de la protection de nos intérêts économiques vitaux.
En ce qui concerne les sous-amendements, nous sommes favorables à la création de la délégation parlementaire proposée dans les amendements, mais nous souhaitons exclure de son champ de compétence le contrôle des investissements étrangers en France, et ce pour différentes raisons.
Tout d'abord, ce contrôle existe d'ores et déjà. Il a d'ailleurs été renforcé par la loi Pacte, qui a abaissé le seuil qui le déclenche et étendu les possibilités de refus. Ce contrôle est exercé par des fonctionnaires très compétents de la direction générale du Trésor, qui rendent compte annuellement de leurs travaux dans un rapport que chacune et chacun d'entre nous peut consulter.
Par ailleurs, il faut cesser de jeter le discrédit sur ce type de contrôle, qui permet précisément de préserver nos intérêts économiques dans un contexte de tensions internationales accrues.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je ne m'oppose pas à mon collègue M. Lefèvre mais je crois, quant à moi, que la délégation parlementaire dont nous proposons la création doit être compétente dans les deux domaines : la protection de nos intérêts économiques et le contrôle des investissements étrangers. Ce serait un signe de maturité démocratique que le Parlement prenne toutes ses responsabilités en la matière. Nous l'avons vu avec la délégation parlementaire au renseignement : le chemin a été long, mais sa création a marqué un progrès. En outre, ce contrôle démocratique permettrait de protéger nos fonctionnaires.
Il s'agit donc de créer, sur le modèle de la délégation parlementaire au renseignement, une délégation parlementaire chargée de suivre l'action du Gouvernement en matière de protection et de promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la nation ainsi qu'en matière de contrôle des investissements étrangers. Cette délégation, composée de cinq députés et de cinq sénateurs, serait commune à l'Assemblée nationale et au Sénat. Il ne s'agit en aucun cas, j'y insiste, de contester les prérogatives de l'exécutif, puisque cette délégation exercerait un contrôle a posteriori, mais plutôt de renforcer l'accès à l'information du Parlement.
Le sous-amendement n° 1827 de M. Mathieu Lefèvre est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Certains amendements qui avaient été déposés sur la partie normative du projet de loi ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 45 – je le dis pour éclairer l'Assemblée sur le contexte dans lequel s'inscrivent ceux qui viennent d'être défendus.
Il est bon de ne pas cibler un dispositif précis du code monétaire et financier : au fond, c'est la politique globale qui doit être évaluée. Je vois tout cela d'un très bon œil, pour dire les choses clairement. Toutefois, puisqu'il s'agit de créer une délégation parlementaire, je ne prononcerai pas, par respect du principe de la séparation des pouvoirs, le mot : « favorable ». Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.
Je constate que la realpolitik s'arrête aux frontières du pays, mais peut-être parviendrons-nous à la faire progresser.
Nous voterons bien entendu pour l'amendement, mais pas forcément pour le sous-amendement, car il n'y a pas de raison d'exclure le contrôle des investissements étrangers du champ de compétence de la délégation.
Les deux versions du dispositif, sous-amendé ou non, sont parfaitement acceptables et sont dans le droit fil de la loi Pacte. Le sous-amendement présente l'intérêt de préserver le rôle spécifique de Bercy en matière de contrôle des investissements étrangers en France, contrôle qui est exercé par le service de l'information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE), qui accomplit un travail remarquable et respecte le secret défense, sachant qu'une grande partie des éléments qu'il examine sont soumis à ce secret ou peuvent donner lieu à des délits d'initiés.
Quant à la version proposée dans l'amendement, elle a également son intérêt puisqu'elle est plus complète. Le groupe LR sera donc satisfait, quel que soit le vote final.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je souhaite vous faire part, à titre personnel, de mes doutes quant à la proposition qui nous est soumise. Tout d'abord, l'efficacité de la délégation parlementaire au renseignement tient en partie au fait que ses membres sont habilités à connaître d'informations relevant du secret de la défense nationale, ce qui ne serait pas le cas des membres de la délégation que nous nous apprêtons à créer.
Ensuite, l'expérience m'a convaincu que l'efficacité du contrôle parlementaire naît d'abord de la stricte séparation des tâches : pour être un bon contrôleur, il faut ne pas avoir pris part à la décision ni l'avoir validée, même a posteriori.
Le sous-amendement n° 1826 est adopté.
Monsieur le ministre, le 11 avril dernier, je vous ai alerté sur les risques que présentait le rachat de l'entreprise stratégique Segault par les États-Unis. Ce mardi, vous avez officiellement annoncé, devant la représentation nationale, avoir opposé votre veto à cette transaction, ce dont nous nous réjouissons.
Cependant, si nous avons temporairement guéri le symptôme, la maladie persiste. Elle n'est pourtant pas nouvelle ; elle est due à une certaine faiblesse face aux prédations industrielles et, si elle n'est pas soignée à temps, elle peut occasionner déficit économique et désindustrialisation et, à terme, entraîner une perte totale de souveraineté et d'indépendance.
À défaut de revenir à la charge contre le Gouvernement, dont certains ministres commissaires-priseurs, je vous propose, par cet amendement, un vaccin ou, à tout le moins, une solution pérenne. Il s'agit en effet, comme le proposait Marine Le Pen en 2022, d'instaurer un fonds souverain qui permettrait, grâce à l'épargne des Français, de préempter, au moment de leur vente, les entreprises considérées comme stratégiques.
Défavorable, car l'amendement est satisfait. Je pense notamment à l'Agence des participations de l'État (APE), à la Banque publique d'investissement, BPIFrance… Nous avons déjà eu le débat.
L'amendement n° 458 n'est pas adopté.
Il s'agit de revenir sur la question du programme MGCS qui, nous en avons la conviction, hélas ! n'aboutira pas. En effet, symptôme de la crise que nous allons traverser, l'Allemagne a récemment passé commande de chars Leopard : jusqu'à 141 exemplaires. Or, cette commande, avez-vous dit, monsieur le ministre, modifie le calendrier des besoins de notre voisin. Je ne vous le fais pas dire !
Que fait donc Rheinmetall, en la circonstance ? Il oblige son concurrent, KMW-Nexter, à mobiliser ses ressources dans un projet qui n'aboutira pas, de sorte que la France – qui, à la fin du processus, sera incapable de produire réellement un char, faute d'avoir pu conserver les savoir-faire nécessaires – n'aura plus qu'à acheter sur étagère, en Europe, à un producteur capable : j'ai nommé Rheinmetall.
Pourquoi peut-il se permettre d'agir de la sorte ? Pourquoi l'Allemagne ne bougera-t-elle pas ? Parce que les Leopard sont en partie construits par KMW. Elle gagne donc sur toute la ligne. À la fin du processus, le MGCS aboutira à un produit que l'Allemagne ne sera pas prête à acheter et que l'on ne pourra pas exporter, les compétences se seront perdues et Rheinmetall aura la possibilité, le cas échéant, de racheter un concurrent européen. C'est tout bénef ! La stratégie est déjà fléchée : c'est clair et net.
Nous vous proposons donc de ne pas vous entêter : lancez dès à présent une commande ferme aux industriels français capables, sans perdre de temps à contempler un miroir aux alouettes.
Je me suis exprimé suffisamment longuement sur toutes ces questions pour donner à présent l'avis du Gouvernement sans plus de commentaire : défavorable. Nous aurons l'occasion d'y revenir en commission.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 65
Nombre de suffrages exprimés 62
Majorité absolue 32
Pour l'adoption 19
Contre 43
Ces amendements concernent le Scaf, dont il a déjà été largement débattu. De toute façon, qui sait si, demain, c'est encore nous qui déciderons de l'avenir de notre matériel, dans le cadre de cette défense européenne qu'on nous annonce.
Il s'agit de faire voter le Parlement à chaque nouvelle phase du programme Scaf. Nous ne devons pas avoir ni la démocratie ni la construction européenne honteuses, et il est important que le Parlement puisse s'en saisir ; cela aidera également les citoyens à s'y impliquer.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l'amendement n° 1550 .
Ces amendements identiques rassemblent des signataires de tous les groupes la NUPES…
…pour exiger un contrôle parlementaire sur le programme Scaf, au-delà de ce que propose le Gouvernement. Nous sommes heureux d'être informés, c'est toujours mieux qu'avant, mais ce que nous voulons, c'est que le Parlement soit et demeure souverain. Nous demandons donc que, à chaque phase du programme, le Parlement puisse se prononcer en toute souveraineté. Cela a une utilité, comme le montre l'exemple allemand.
Le Bundestag valide chacune des phases du Scaf, ce qui donne au Gouvernement et aux industriels allemands un moyen de pression supplémentaire lors des négociations avec les industriels français. Savoir qu'un Parlement peut bloquer le programme vous aidera à négocier au mieux pour les intérêts de la nation.
Ces amendements servent donc les intérêts de la nation et les intérêts du Parlement, bref, la démocratie et la défense de notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 1554 de M. Aurélien Saintoul est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Je citerai deux phrases du dernier Livre blanc, c'est-à-dire celui de 2013, qui disait une chose qui me semble tout à fait adaptée :…
Oui, que le budget de la défense devait baisser !
…« La défense et à la sécurité nationale sont l'affaire de tous les Français. Elles requièrent leur confiance dans l'action que mènent les pouvoirs publics et la certitude que ces derniers mettent tout en œuvre pour garantir l'indépendance de la France et assurer la protection de sa population. L'appropriation collective de la stratégie de défense et de sécurité nationale est la condition sine qua non de la résilience de la nation. » Il me semble que c'est bien le but de ces amendements, qui visent à démocratiser la politique de défense en y associant la représentation nationale, ce qui contribue à légitimer ces coopérations et favorise ainsi la résilience de la nation, que nous avons souvent appelée de nos vœux.
Il s'agit simplement du corollaire des amendements précédents, c'est-à-dire qu'en cas de vote négatif du Parlement, le développement d'une solution souveraine devra évidemment être engagé.
Je suis saisie de plusieurs amendements, n° 1234 , 1169 , 1518 , 1536 , 1650 , 1652 , 1653 et 1506 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 1169 , 1518 , 1536 , 1650 , 1652 et 1653 sont identiques. Ils font l'objet de deux sous-amendements n° 1809 de M. Laurent Jacobelli et 1828 de M. Bastien Lachaud.
La parole est à M. Jean-Louis Thiériot, pour soutenir l'amendement n° 1234 .
Notre groupe a demandé en commission que le Parlement puisse exercer un contrôle sur les différentes étapes du Scaf, sachant qu'une coopération prend tout son sens si, d'une part, elle permet de répondre aux besoins opérationnels et si, d'autre part, elle n'aboutit pas à brader des actifs stratégiques nationaux – c'est le problème des droits de propriété sur les brevets – et qu'elle laisse à la France sa totale liberté sur le grand export, qui est un élément de la souveraineté française. Dès lors que ces principes sont respectés et que cela ne coûte pas plus cher, le Scaf est pleinement justifié.
Notre amendement, qui est à peu près le même que celui du Gouvernement, demande qu'avant le passage de la phase 1B à la phase 2, un rapport soit présenté au Parlement, en amont de la loi de finances pour 2026. Cela permettra un contrôle parlementaire sur la poursuite du programme Scaf, sans aller jusqu'à ce qui se pratique en Allemagne, où la plupart des programmes d'armement, en tout cas au-dessus d'un certain seuil, sont soumis au contrôle du Parlement.
L'une des forces de la France, c'est que c'est une prérogative gouvernementale. C'est la direction générale de l'armement qui est à la manœuvre, et nous ne souhaitons pas ressembler nécessairement à l'Allemagne dans ce domaine-là, où je découvre le tropisme soudain de La France insoumise pour Berlin.
En défendant cet amendement, j'ai également défendu les amendements n° 1518 et 1506 . On avance !
Sur les amendements n° 1169 et identiques, je suis saisie par les groupes Renaissance et Horizons et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les amendements identiques n° 1169 du Gouvernement, 1518 de M. Jean-Louis Thiériot, 1536 du rapporteur, 1650 de Mme Anne Genetet, 1652 de M. Jean-Charles Larsonneur et 1653 de Mme Delphine Lingemann sont défendus.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir le sous-amendement n° 1809 .
Il est prévu qu'à la fin de la phase 1B, le Gouvernement présente un rapport d'étape au Parlement. C'est une première avancée, mais que fait-on si le programme prend trois ans de retard ? On attend ? Nous proposons qu'en cas de retard de plus de six mois dans l'avancée de la phase 1B, le rapport soit néanmoins remis à la représentation nationale, ne serait-ce que pour l'éclairer sur les causes de ce retard. On imagine bien que si le retard s'étirait jusqu'à cinq ans, le Parlement ne pourrait passer ce temps en supputations.
Je suis évidemment favorable à l'amendement du Gouvernement, mais je voudrais surtout répondre à M. Jacobelli. En réalité, il ne pourra y avoir trois ou cinq ans de retard, car le contrat de la phase 1B inclut une clause de délai – d'où l'intérêt d'être chef de file –, et en tout état de cause on imagine mal Dassault prenant un retard aussi important. Là où il peut y avoir un aléa, c'est sur les crédits de paiement entre 2026 et 2027. On risque d'autant moins un tel retard qu'il ne s'agit pas encore à proprement parler d'une phase de construction en tant que telle.
Je précise que je suis défavorable aux sous-amendements, ainsi qu'à l'amendement n° 1234 – pour ce qui est de ce dernier, c'est simplement pour une question de rédaction, et j'espère que M. Thiériot ne m'en voudra pas. Enfin, je n'ai rien contre l'amendement n° 1506 , puisqu'il est quasiment identique à celui du Gouvernement, mais j'ai tout de même une préférence pour ce dernier.
Peu importe l'amendement adopté, que ce soit un amendement Marleix, un amendement Thiériot, un amendement Tartemuche ou Tartemolle. .
Sourires
Ce qui importe, ce sont les idées. Ce qui importe, c'est que la France avance et c'est ce que nous avons obtenu avec ces amendements !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
L'amendement n° 1234 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 73
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 73
Contre 0
Sur les amendements identiques n° 1769 et 1770 , je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 362 et 1107 .
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l'amendement n° 362 .
Il s'agit encore une fois du MGCS. Nous proposons de supprimer la dernière phrase de l'alinéa 66 : « De même, le projet de système principal de combat terrestre (MGCS), conduit en coopération avec l'Allemagne, doit préparer l'avenir du combat terrestre. » Cela ne nous empêchera pas de travailler sur le projet mais, au cas où il capoterait, cela nous empêcherait de nous sentir honteux.
Il est identique à celui que vient de soutenir M. Jacobelli. Je ne reviendrai pas sur les propos du camarade Lachaud sur les différences de tempo entre l'industrie et l'armée française d'une part, et l'industrie et l'armée allemande d'autre part, ni sur le besoin pressant de remplacer le char Leclerc : j'évoquerai plutôt le fait que nos deux pays, en raison de leurs positions géographiques et de leurs histoires respectives, ont des doctrines différentes. En effet, l'Allemagne est un pays continental, dont les menaces se trouvent à l'Est, tandis que nous disposons d'une armée complète, pensée pour les Opex.
Voilà pourquoi nous ne croyons plus en ce projet. Je l'ai dit tout à l'heure, il sera difficile aux états-majors français et allemand de trouver un dénominateur commun sur ce point. Nous voyons là une nouvelle illustration de la nécessité de définir le besoin avant de construire les coopérations.
Défavorable. Adopter ces amendements reviendrait à supprimer toute mention au MGCS.
Ces amendements tendent à concrétiser notre conviction, que j'ai exposée tout à l'heure, selon laquelle le MGCS ne pourra pas aboutir en raison des décisions prises par l'Allemagne. Il s'agit donc de lancer dès à présent un projet souverain dans le domaine des chars.
Je précise que les amendements identiques n° 1463 rectifié et 1465 rectifié devant être examinés sous peu sont redondants avec ceux-ci : je ne les présenterai donc pas en détail.
L'amendement n° 1770 de M. Bastien Lachaud est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 70
Nombre de suffrages exprimés 57
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 8
Contre 49
L'amendement n° 291 du Gouvernement est défendu.
Cet amendement fait l'objet des sous-amendements n° 1801 et 1829 , ainsi que d'une demande de scrutin public de la part du groupe Renaissance.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir le sous-amendement n° 1801 .
Il vise à remplacer les mots « en 2025 » par les mots « avant le 31 décembre 2023 ». J'espère en effet que nous savons désormais où nous allons avec ce projet lancé il y a quelque temps et que nous n'allons pas avoir besoin de trois années supplémentaires pour y réfléchir. Voilà pourquoi nous demandons de recevoir les informations relatives au MGCS d'ici à la fin de l'année.
La parole est à M. Aurélien Saintoul, pour soutenir le sous-amendement n° 1829 .
Par cohérence avec ce que nous avions proposé s'agissant du Scaf, ce sous-amendement vise à ce que l'Assemblée ne soit pas seulement informée de l'évolution du projet, mais qu'elle puisse se prononcer lors d'un vote.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux sous-amendements et sur l'amendement ?
Il est défavorable sur les deux sous-amendements et favorable sur l'amendement du Gouvernement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 67
Nombre de suffrages exprimés 66
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 64
Contre 2
L'amendement n° 291 est adopté.
Les amendements identiques n° 1463 rectifié de M. Aurélien Saintoul et 1465 rectifié de M. Bastien Lachaud sont défendus.
Les amendements identiques n° 1463 rectifié et 1465 rectifié , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l'amendement n° 469 .
Cet amendement porte sur le programme Eurodrone. En effet, si nous utilisons actuellement beaucoup de drones américains et qu'il est temps de se doter d'une solution souveraine, ce programme pose néanmoins plusieurs questions : son chef de file est allemand, il accuse un retard de quatre ans au moment où nous nous parlons, et sa motorisation est italo-américaine – donc partiellement américaine. À l'image du Scaf, ce programme présente de nombreuses incertitudes : c'est pourquoi nous proposons cet amendement.
L'amendement n° 469 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 365 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 25 de M. Jean-Pierre Cubertafon est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je demande le retrait de l'amendement : nous débattrons de ce sujet plus tard au cours de l'examen du rapport annexé.
L'amendement n° 25 n'est pas adopté.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l'amendement n° 547 .
Je serai bref, car nous avons également déjà discuté de ce point. Afin d'enfoncer le clou, ce qui est toujours utile, cet amendement vise à compléter le sous-titre « Des forces prêtes au combat », qui figure à l'alinéa 68, par les mots « grâce à une préparation opérationnelle renforcée qualitativement et quantitativement ».
Il me semble que les choses sont claires et que votre amendement est tout à fait satisfait, mais je lui donne tout de même un avis de sagesse.
L'amendement n° 547 n'est pas adopté.
L'amendement n° 219 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
En moyenne, les parachutistes militaires d'active de l'armée de terre accomplissent chaque année entre quatre et six sauts, soit autant que pour obtenir le brevet de parachutiste militaire, pourtant passé en deux semaines. Un saut bimestriel ou trimestriel est néanmoins insuffisant pour maintenir une capacité aéroportée complète et cette périodicité fragilise l'octroi de la prime de l'air, pourtant déjà fortement entamée, portant ainsi atteinte à l'attractivité de cette arme d'élite. Cet amendement vise donc à introduire un indicateur fixant à quatorze par an, c'est-à-dire plus d'un par mois, le nombre de sauts à réaliser dans les unités parachutistes.
Les six sauts que vous avez évoqués correspondent à la cible de qualification de sécurité : il s'agit donc d'un plancher et non d'un plafond. De plus, lorsque cette cible n'a pas été atteinte, ce fut en raison d'un manque d'avions disponibles. Cela nous renvoie à notre conversation d'hier au sujet des Airbus A400M : leur montée en puissance permettra de régler ce problème. Je demande donc le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
L'amendement n° 1261 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à insister sur l'importance de la préparation opérationnelle et sur la nécessité de renforcer les exercices interarmées et interalliés en conditions réelles, afin d'atteindre les niveaux attendus de préparation et d'interopérabilité.
Les amendements étant satisfaits, je leur donne un avis défavorable.
À la deuxième phrase de l'alinéa 71, après le mot « simulation », je propose d'ajouter les mots « en complément d'un socle d'entraînements réels ». En effet, si la simulation est à la fois bienvenue et nécessaire, elle ne doit toutefois pas empiéter sur un socle fondé sur les entraînements réels, qu'ils soient terrestres, maritimes, aériens, seuls à même de garantir une préparation opérationnelle complète. C'est la combinaison des entraînements réels et des entraînements simulés qui permet une préparation opérationnelle de qualité.
La parole est à M. Yannick Chenevard, pour soutenir l'amendement n° 1600 .
Les avantages de la simulation sont bien connus, mais la seule simulation ne saurait garantir une préparation opérationnelle de qualité, l'entraînement réel étant fondamental. Cet amendement vise ainsi à affirmer l'importance d'un socle d'entraînements réels.
Le rapport d'information sur le bilan de la LPM 2019-2025, dont je suis l'un des auteurs, a mis en évidence le fait que la préparation opérationnelle réelle, c'est-à-dire non simulée, présentait une indéniable faiblesse. Dans la mesure où nous avons approuvé l'ajout de truismes et d'évidences dans le rapport annexé, il nous semble important d'y faire figurer des points d'attention tels que celui-ci. Nous proposons en effet de compléter l'alinéa 71 par les mots « afin que celui-ci complète les entraînements réels indispensables à la préparation opérationnelle de nos forces ». Si des préparations par simulations sont nécessaires pour certains entraînements, rien ne vaut le réel pour ceux du quotidien.
Je me suis déjà exprimé sur le sujet des simulations, indiquant qu'elles doivent toujours être complémentaires des entraînements réels. Il s'agit d'un outil pédagogique : le commandement évalue ses possibilités en fonction des participants à l'entraînement.
Je donne un avis favorable aux amendements identiques n° 1548 et 1600 , qui prévoient les deux types d'entraînement,…
…et je demande le retrait des deux autres amendements, qui ne portent que sur les entraînements réels et qui apparaissent donc plus restrictifs.
Je veux bien que les amendements n° 1548 et 1600 soient acceptables parce qu'issus de la majorité et que les deux autres de cette discussion commune viennent de l'opposition, mais honnêtement, à bien regarder les différentes rédactions proposées, je ne suis pas certain que vous fassiez le bon choix.
J'ai dit que j'étais favorable aux quatre amendements !
C'est un problème que nous avons déjà évoqué : il est un peu gênant que certains de nos amendements se fassent doubler par ceux de la majorité même lorsqu'ils sont mal écrits.
Ce n'est pas vrai ! Nous avons accepté beaucoup de vos amendements !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 62
Nombre de suffrages exprimés 54
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 49
Contre 5
C'est un peu plus qu'un amendement d'appel. Il vise à préciser à l'alinéa 71 que « l'entraînement en contexte nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) sera accentué ».
Dans la période que nous traversons, je pense notamment aux événements de la centrale de Zaporijia, l'actualité du risque NRBC – « actualité du risque », c'est un oxymore – est on ne peut plus vivace.
Nous devons continuer de monter en puissance dans le domaine de la prévention du risque NRBC et de l'entraînement en la matière. Il semblerait que, ces dernières années, le volume de personnels réellement entraînés ait diminué. J'ai peut-être été mal informé, mais je crains que ces informations ne soient fiables.
Sans doute cet amendement se situe-t-il à un niveau de précision qui ne convient pas au rapport annexé, mais le sujet mérite d'être porté à la connaissance de nos collègues comme du Gouvernement, si ce dernier a pu l'ignorer.
Dans l'ensemble, monsieur le député, le sujet est couvert. Nous lancerons la discussion sur la préparation des forces de manière globale.
De fait, vous n'avez pas été mal informé : le volume de personnels entraînés a en effet diminué ces dernières années. Je ne vais pas revenir sur la discussion concernant l'équilibre entre cohérence et masse, mais l'enjeu est bien de ne pas trop diminuer le volume d'entraînement car il est, à bien des égards, aussi important que le capacitaire.
La remontée en puissance se trouve bien dans la LPM, mais il ne me paraît pas souhaitable de la faire figurer telle quelle dans le rapport annexé. Je demande donc le retrait de votre amendement, d'autant plus que nous pourrons aussi débattre de cette question lorsque nous parlerons du SSA – service de santé des armées –, qui est, en grande partie, meneur en ce domaine.
Je retire l'amendement, mais je souhaite nourrir encore un peu la discussion. Si je me place de votre point de vue de ministre des armées, qui vise l'excellence et à faire de la France un allié exemplaire au sein de l'Otan, je vois dans nos centres d'entraînement, qui font partie des rares à avoir été certifiés par l'Otan, un levier d'influence au sein de l'Alliance qui mérite d'être mobilisé. J'entends votre réponse sur la cohérence, mais il serait souhaitable de remplir davantage ces infrastructures avec des personnels venant de pays partenaires, plutôt qu'avec des nationaux. Vous pouvez voir que je suis aussi capable d'adopter un point de vue qui n'est pas a priori le mien.
Sourires.
Lors de l'examen en commission, j'avais présenté un amendement visant à donner la préférence, dans la préparation opérationnelle de nos armées, aux munitions réelles plutôt qu'aux munitions d'entraînement lorsque cela est possible. M. le ministre avait alors expliqué que cette décision relevait de l'autorité des chefs de corps. J'ai donc réécrit l'amendement afin d'ajouter que cette préférence s'exerce « tout en soulignant que la hiérarchie militaire reste décisionnaire du modèle de préparation opérationnelle ».
Demande de retrait, car l'amendement est satisfait par l'alinéa 71, modifié par un amendement proposé par M. le rapporteur et adopté en commission. Je vous rappelle sa rédaction ainsi modifiée : « La gestion des stocks de munitions continuera à être optimisée afin de favoriser l'utilisation de munitions, y compris complexes, en conditions réelles, au service d'une préparation opérationnelle réaliste et durcie. »
L'amendement n° 1477 est retiré.
La parole est à M. Jean-Louis Thiériot, pour soutenir l'amendement n° 1519 .
J'ai déposé une longue série d'amendements. Madame la présidente, je vous propose de les défendre ensemble. Si vous en êtes d'accord, je dépasserai un peu le temps de parole de deux minutes, mais je pense que ce n'est pas illégitime pour une présentation groupée.
Tous nos échanges sur cette LPM ont été l'occasion de parler de cohérence. La cohérence exige d'abord de chacun de ne pas s'en tenir à ses marottes et d'éviter de formuler des demandes de chars, d'avions ou de bateaux en fonction de la présence de tel régiment ou de tel industriel sur son territoire. Ce qui importe, c'est de construire une armée cohérente, efficace et prête à l'emploi pour accomplir ses missions.
Ce qui permet à une armée d'accomplir ses missions, c'est son niveau d'entraînement et sa préparation aux opérations. L'alinéa 72 prévoit que nos armées n'atteindront le taux optimum de préparation qu'en 2030 alors qu'il est aujourd'hui de 70 %. C'est tard, très tard pour renforcer la capacité opérationnelle de nos armées. Ce débat rejoint celui sur le MCO.
Je rappelle aussi que l'entraînement est un facteur de motivation majeur pour former des troupes qui y croient, prêtes à y aller : rien n'est plus frustrant d'être privé d'armes et de munitions pour s'entraîner sur le terrain. Cette série d'amendements vise donc à avancer la date à laquelle sera atteint l'optimum de préparation à 2027, 2028 ou 2029. Ils opèrent une distinction entre les différentes armées afin que vous puissiez choisir les dates vous paraissant les plus opportunes pour chacune d'entre elles.
Comparées aux 413 milliards d'euros de la LPM, les sommes en jeu sont relativement faibles : en commission, le chef de votre cabinet militaire, le général Giraud, avait avancé le chiffre de 300 millions pour l'armée de terre. Nous sommes donc dans l'épaisseur du trait !
Monsieur le ministre, je sollicite un avis favorable, au moins pour l'un des amendements relatifs à l'armée de terre. Cela éviterait de faire des propositions déraisonnables sur les marches budgétaires et permettrait en conséquence de préserver la soutenabilité de notre trajectoire, toute en la gageant sur un élément réel : le niveau d'entraînement de nos troupes. Nous répondrions à un impératif d'efficacité en même temps qu'à la demande des femmes et des hommes de notre défense.
Vous aurez peut-être l'occasion d'améliorer la rédaction de l'alinéa 72 au Sénat, mais il me semble extrêmement important de donner un signe dès aujourd'hui.
Quel est l'avis de la commission sur les douze amendements qui viennent d'être présentés ?
Sourires.
M. le rapporteur me passe en quelque sorte le ballon puisqu'il faudrait, de toute façon, choisir !
Sourires.
Je remercie M. Jean-Louis Thiériot d'avoir déposé ces amendements. Ils viennent enrichir le débat qui repose sur trois pieds les contrats opérationnels – pour lesquels j'ai suffisamment dit qu'il n'y avait pas d'amendements –, le tableau capacitaire et l'entraînement. Incidemment, je regrette que le mot « activité » soit parfois employé abusivement dans les armées comme synonyme d'« entraînement ». Le mot « activité » recouvre en effet les Opex, la guerre et l'entraînement proprement dit et devrait donc, petit à petit, sortir de notre langage.
Si nos forces ne sont pas en Opex, elles doivent s'entraîner. C'est une réalité. L'entraînement peut être réalisé par de grands exercices – vous avez d'ailleurs assisté à Orion avec certains de vos collègues, dont Mme Nathalie Serre et d'autres députés présents –, mais les entraînements ne sont heureusement pas tous réalisés au niveau divisionnaire. Il existe des entraînements plus classiques, par exemple autour d'un équipement – un bateau pour un marin ou l'équipement de combat confié à un terrien dans son unité.
Pour être honnête, j'ai analysé attentivement les anciennes lois de programmation militaire avec le Cema – chef d'état-major des armées – et j'ai constaté que l'entraînement y a toujours été un énorme angle mort, même lorsque les moyens augmentaient. Dans la période post-guerre d'Algérie, qui s'étend des années 1960 aux années 1970, les moyens étaient essentiellement absorbés par le capacitaire et par la dissuasion au détriment du volet entraînement. Peu de missions expéditionnaires ont été décidées par le général de Gaulle et Georges Pompidou. Dans les années 1990, au moment où l'armée se professionnalise et devient une armée de métier et où les crédits commencent à diminuer, la notion d'entraînement prend une place beaucoup plus importante pour des raisons liées au métier des armes et à l'apparition du numérique.
Je poursuis mon raisonnement. Qu'est-ce qui, aujourd'hui, fait la différence pour le succès d'une opération comme l'opération Sagittaire, d'évacuation de Khartoum de ressortissants nationaux et de pays alliés ? C'est précisément que l'ensemble des forces impliquées – aviateurs, forces spéciales entre autres, je ne rentre pas dans les détails – sont très entraînées.
Nous allons donc consacrer beaucoup plus d'argent à l'entraînement dans la période à venir, et je souhaite partager ici certains chiffres que je n'avais jusqu'alors jamais communiqués. Il faut dire que vos amendements n'ont pas été présentés en commission, mais vous avez bien fait de les déposer en séance, car nous n'avons pas encore eu de débat très poussé sur l'entraînement. Sur les 413 milliards d'euros, 69 milliards sont consacrés sur la période de la LPM à ce qui peut s'apparenter à l'entraînement, soit une augmentation de 40 % par rapport à la période précédente.
Parmi ces crédits, on retrouve ceux affectés au MCO. Certains – comme le député Giletti lorsqu'il a pris la parole avec sa casquette de rapporteur du budget de l'armée de l'air et de l'espace – se sont demandé pourquoi le MCO coûtait cher alors qu'il n'y a pas d'Opex. La réponse est la suivante : l'entraînement consomme, entre autres, des pièces détachées, et donc du MCO.
L'entraînement consomme également, bien sûr, des munitions. Nous avons eu l'occasion d'en discuter lors de l'examen des nombreux amendements sur les munitions réelles et les munitions d'entraînement. Ces munitions ont un coût, mais le coût d'une balle de 9 millimètres n'est pas comparable à celui d'un missile Aster utilisé par la marine. Il faut en tenir compte et il est important de le souligner.
N'oublions pas le coût du carburant opérationnel représenté par un exercice comme celui d'Orion, mais nous pourrons y revenir lorsque nous en viendrons aux chiffres. Tous ces éléments constituent l'agrégat des 69 milliards de crédits.
J'en viens à vos demandes. Historiquement, le traitement de nombreux sujets relevait de l'armée et impliquait des services tels que la Simmt – structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres – pour l'armée de terre ou la DMAé – direction de la maintenance aéronautique. J'ai saisi la DGA et, avec le Cema, nous avons travaillé afin d'avoir une vision plus panoramique. Je peux essayer – non pour satisfaire vos amendements, mais pour faire avancer le débat dans le cadre de la navette – d'assembler un tableau fixant au moins des objectifs.
Un tel tableau manque à ce moment précis de notre discussion. Vous pouvez me croire sur parole, mais vous pouvez aussi vous demander comment être sûrs que, d'ici à 2027 ou 2030, l'entraînement des forces aura prospéré. Bien sûr, le Cemat – chef d'état-major de l'armée de terre –, le Cemm – chef d'état-major de la marine – et Cemaae – chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace – pourront vous tenir informés, mais la question est de savoir comment quantifier les efforts d'entraînement.
Je voudrais partager certains chiffres intéressants, qui sont peut-être encore inédits. Dès 2024, ce qui signifie que nous n'y sommes pas encore, nous atteindrons enfin la norme de jours en mer – soit110 jours – pour les navires hauturiers.
Lors de nos discussions sur l'outre-mer, il a été souligné que c'est une chose d'avoir un bateau au port et une autre qu'il prenne la mer pour exécuter ses missions. Nous sommes ici dans l'épure de notre modèle d'armée, qui est celui d'une armée d'emploi.
Le raisonnement est le même pour l'aéronautique : c'est une chose que d'acheter des avions neufs, c'en est une autre que d'avoir un plan de formation et d'entraînement qui fonctionne. Je prends un exemple de première partie de LPM, celui de l'A400M : le volume d'heures de vol va quasiment doubler entre 2024 et 2027, soit avant la fin du quinquennat. Dans le même temps, la simulation – élément clé de l'entraînement de l'aéronautique – va se développer.
Pour l'entraînement terrestre, l'objectif est d'atteindre en 2030 pratiquement 100 % de la norme. Il y a aussi la modernisation du char Leclerc. Tout cela reprend plusieurs agrégats.
En tant que législateurs, si vous souhaitez davantage de visibilité concernant le niveau d'entraînement, le Gouvernement, en s'appuyant sur les états-majors – car ces questions sont très techniques –, peut documenter le rapport annexé en fixant des cibles à terme, mais aussi, éventuellement, certains points de passage – ce pourrait être l'année 2027, par exemple, car le rapport annexé prévoit plusieurs bilans d'étape cette année-là.
Ne nous racontons pas d'histoire, ce sujet ne passionne pas les foules, mais il intéresse de nombreux militaires qui suivent nos débats derrière leurs écrans, parce que l'entraînement est crucial pour la fidélisation des forces – il est tout aussi important que les questions indemnitaires et indiciaires dont nous avons beaucoup débattu hier. Un jeune soldat de 22 ou 23 ans n'a pas envie d'attendre pour pouvoir s'entraîner au maniement de son armement, il veut comprendre et apprendre le métier des armes.
Je vous demande toutefois de retirer vos amendements, car les objectifs y sont formulés selon des critères trop larges. Par exemple, vous prévoyez d'atteindre un nombre de jours de mer pour l'ensemble de la marine, or ce nombre n'a pas la même valeur selon qu'il s'agit d'un porte-avions ou d'un sous-marin nucléaire d'attaque. Il faut donc réfléchir à des agrégats de critères, qui pourraient servir d'étalonnage et être combinés avec des objectifs datés – votre intuition est la bonne à cet égard.
En tout cas, vos amendements nous placent au cœur même de la fonction du rapport annexé ; je vous en remercie. Si mon avis est défavorable sur l'ensemble, c'est donc seulement à cause de leur rédaction et non de ce qu'ils proposent. Outre l'allocation de fonds nouveaux, c'est, entre autres, grâce à la valorisation de l'entraînement que ce projet de LPM pourra être un succès et transformer les choses – nous serions en tout cas de piètres programmateurs militaires si nous en faisions l'économie trop vite.
Monsieur le ministre, il est effectivement nécessaire de connaître les points de passage prévus par les états-majors, pour éventuellement les amender. La navette parlementaire – c'est tout son intérêt – nous donnera le temps de travailler sur ces questions.
Je retire la quasi-totalité des amendements. Pour maintenir le principe que j'ai posé, je maintiens simplement, sans me faire d'illusions, l'amendement n° 1519 – qui vise à avancer la date d'atteinte des normes d'activité à 2027 pour toutes les armées – et le n° 1522 – qui tend à n'avancer cette date à 2027 que pour l'armée de terre, car c'est là où l'urgence se fait le plus sentir, en tout cas d'après mon expérience auprès de ses membres.
Je compte sur votre parole, que vous avez toujours tenue, pour que nous soyons tenus informés lors de l'examen du texte au Sénat, sachant qu'il reviendra à nos collègues sénateurs d'améliorer la copie sur ce point, en respectant l'esprit de cohérence de ce projet de LPM.
Il vise à insérer l'alinéa suivant après l'alinéa 72 : « Afin d'assurer la préparation optimale des armées, le ministère s'assure de la livraison des simulateurs nécessaires des blindés médians Jaguar et avions de combat Rafale. » Nous reprenons ici une proposition qui figure dans le bilan de l'exécution de la LPM en vigueur, qui indique que la préparation de nos forces fait parfois défaut et recommande de recourir à des simulateurs.
L'amendement n° 1211 de M. Vincent Bru est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement n° 1211 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
On l'a bien compris, le MCO occupe une place prépondérante dans ce projet de LPM – c'est tant mieux et cela participe de la cohérence voulue pour celle-ci.
Le présent amendement, de bon sens, vise à préciser que « dès la phase de conception d'un programme », il convient de prendre en compte « non seulement la phase dite de soutien initial, dont est responsable la DGA, mais également la stratégie de soutien en service pour toute la durée de vie du programme. »
En effet, il est crucial de s'intéresser à ces questions dès la phase de préparation de l'organisation du NSI – niveau de soutien de la responsabilité de l'industriel –, pour s'assurer, financièrement que le coût du programme au cours de son cycle de vie restera maîtrisé, notamment que les éventuelles réductions de prix accordées par l'industriel lors de l'acquisition ne seront pas compensées lors de la phase de soutien, comme c'est trop souvent le cas, malheureusement. Cela permettra en outre, sur le plan opérationnel, de garantir que les spécifications du programme ne portent pas préjudice à l'efficacité du maintien en condition opérationnelle.
Demande de retrait. L'amendement est satisfait car ces questions sont déjà prises en compte ; en outre, la rédaction proposée fixerait trop précisément les choses.
L'amendement n° 1114 n'est pas adopté.
Ce projet de LPM prévoit le passage du maintien en condition opérationnelle à un niveau supérieur de performance, ce qui est encourageant et souhaitable. Toutefois, les industriels ne disposent d'aucune visibilité concernant les arbitrages entre les différentes armées quant à l'affectation du matériel et les priorités retenues. Pour qu'ils gagnent en visibilité, le présent amendement vise simplement à préciser que ces éléments soient communiqués aux entreprises concernées par le moyen jugé le plus opportun par le ministère des armées.
Même avis. Ces questions entrent dans le cadre des procédures de passation des marchés publics.
L'amendement n° 1043 n'est pas adopté.
C'est du bon sens, comme je l'ai dit précédemment à M. Giletti, en particulier du côté de la DGA, et cela ne mérite pas d'être précisé dans le texte. Demande de retrait ou avis défavorable.
L'amendement n° 1214 est retiré.
Nous n'avons manifestement pas encore atteint le même niveau de sagesse que M. Bru.
Sourires.
L'hétérogénéité des flottes complexifie fortement le MCO tout en augmentant les coûts, car l'existence de parcs comprenant un nombre très réduit de bâtiments limite les économies d'échelle. De même, le maintien de flottes anciennes obère l'efficacité du MCO à cause des problèmes d'obsolescence. Le présent amendement vise donc à préciser que « pour que le MCO gagne en efficacité, les efforts d'homogénéisation et de renouvellement des flottes déjà entrepris seront poursuivis et accentués ».
Satisfait ; cette politique est déjà mise en œuvre par la DGA.
L'amendement n° 1225 n'est pas adopté.
Il convient de mettre réellement fin à l'utilisation d'amiante dans le cadre du maintien en condition opérationnelle des matériels. Vous m'avez affirmé que c'était une évidence puisque notre pays a pris la décision d'interdire l'amiante dès 1996. Néanmoins, il reste des pays à travers le monde où cette interdiction n'est pas effective. Durant mes permanences, des salariés m'ont alerté sur le fait qu'il leur arrivait de devoir travailler sur des pièces amiantées, de surcroît sans y avoir été préparés. Or l'amiante est cancérogène quel que soit le niveau d'exposition – une seule fibre suffit.
Je réitère donc ma demande et je souhaite compléter l'alinéa 73 du rapport annexé par la phrase suivante : « Par ailleurs, le ministère de la défense s'engage à ne pas avoir recours directement ou indirectement à des matériaux composés en tout ou partie d'amiante dans le cadre du MCO. »
Madame la députée, je sais bien que dans votre circonscription, la question est très sensible ; de fait, elle est importante. Je vous assure donc de nouveau que le ministère fait très attention au respect des normes en la matière ; je ne veux pas laisser penser le contraire. L'amendement est donc satisfait.
L'amendement n° 1386 n'est pas adopté.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l'amendement n° 368 .
Le groupe Rassemblement national est très sensible aux efforts prévus dans le présent texte concernant le MCO. Cet amendement porte toutefois sur l'un de ses angles morts. En effet, si l'alinéa 73 du rapport annexé prévoit à raison la prise en considération de l'amélioration du MCO avec les industriels, il ne mentionne nullement les hommes et les femmes qui permettent que le MCO soit efficace : les mécaniciens. Pourtant, lors de l'élaboration du rapport d'information sur le bilan de la LPM 2019-2025, nous avons constaté que ce secteur souffrait d'un problème de recrutement et de fidélisation des mécaniciens. Ces professionnels sont très recherchés et font l'objet d'une concurrence entre employeurs ; ils deviennent une denrée rare. Afin de les fidéliser, il convient de préciser qu'outre les entreprises, les mécaniciens, ces chevilles ouvrières indispensables, essentielles au MCO, feront l'objet d'efforts particuliers.
Outre le maintien en condition opérationnelle, pour lequel 16 milliards d'euros sont prévus, il faut maintenir les compétences, continuer à former régulièrement le personnel, car le matériel change. Cela correspond à un besoin opérationnel tout en nous permettant de valoriser les carrières et de contribuer à l'émancipation des personnels concernés. Nous menons déjà ce travail au long cours. Votre amendement étant satisfait, je vous demande de le retirer.
L'amendement est satisfait. Je vous renvoie aux alinéas du rapport annexé portant sur la fidélisation dont nous avons déjà traité hier. Pour fidéliser ces personnels, il convient de travailler sur la grille indiciaire – de fait, le MCO concerne souvent des sous-officiers – et sur les indemnités – notamment pour les savoir-faire spécifiques –, particulièrement dans l'armée de terre. De fait, ce travail a déjà été mené pour la marine nationale et l'armée de l'air au fil des dernières décennies, parce que la culture du MCO y est très intégrée, notamment. Avec l'arrivée d'un matériel terrestre technologiquement plus avancé, l'enjeu gagnera en importance dans l'armée de terre.
L'amendement n° 368 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1101 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Puisque nous adhérons tous à l'idée que nous appartenons à l'Otan, il faudrait respecter ses normes. Il est en particulier prévu qu'un pilote de chasse doit voler au moins 180 heures par an, alors qu'en France il ne vole que 147 heures, et cette durée est en constante diminution. Puisque l'Otan est notre référence, autant suivre ses recommandations jusqu'au bout.
« Autant, oui ! » et sourires sur plusieurs bancs.
Il faut traiter cette question dans la navette, au sein du tableau d'objectif de niveau d'entraînement que j'ai présenté tout à l'heure, qui pourrait faire l'objet d'une jolie initiative.
Je vous précise que notre cible est d'atteindre 160 heures de vol annuel par pilote de chasse en 2024 ou 2025 – soit au début de la période couverte par ce projet de LPM ; puis 180 heures de vol en 2029 – soit avant 2030. Cette trajectoire sera retravaillée pendant la navette parlementaire.
Ces sujets sont intéressants et touchent au cœur du rapport annexé. Pourquoi toutefois apporter cette précision pour les seuls pilotes de chasse et pas pour d'autres, alors qu'il faudrait regrouper plusieurs items dans un tableau ? Je vous demande de retirer l'amendement, à la faveur de l'engagement que j'ai pris tout à l'heure auprès de M. Thiériot de travailler sur un tel tableau.
L'amendement n° 561 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1711 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
C'est le fruit d'un des engagements que j'avais pris devant la commission de la défense et des forces armées. Je propose une rédaction qui, j'espère, conviendra à tous.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 62
Nombre de suffrages exprimés 56
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 50
Contre 6
L'amendement n° 1100 est adopté.
Là aussi, il s'agit d'un engagement pris devant la commission visant en quelque sorte à détailler le patch SSA.
Il tend à insérer les mots « et renforcées » après le mot « renouvelées ».
Dans la discussion commune, il y a ensuite deux amendements identiques.
La parole est à Mme Martine Etienne, pour soutenir l'amendement n° 921 .
Il vise à réinvestir dans le service de santé des armées et à faire cesser la constante déflation de ses personnels. Le SSA est à l'image de l'hôpital public : il est démantelé et progressivement laissé à l'abandon. C'est une source d'économies de bouts de chandelle pour le Gouvernement. En 2022, il comptait moins de 10 000 personnels, qui doivent couvrir à la fois les besoins des opérations extérieures et ceux du territoire national, notamment outre-mer où ils sont de moins en moins nombreux.
Vous appliquez l'austérité au SSA, comme vos collègues à l'hôpital public. L'intensification des conflits et la reconnaissance croissante de nouvelles formes de blessures – comme les blessures psychiques – mènent automatiquement à une augmentation du nombre de blessés, qui se reconnaissent comme tels.
Le service de santé des armées mérite de bénéficier d'investissements et d'évoluer ; c'est ce dont nos soldats ont besoin. Nos armées doivent pouvoir s'appuyer sur un service de santé complet, efficace et solide, qui investit dans la recherche, qui recrute et qui fidélise ses personnels en augmentant la partie indiciaire de leur rémunération.
La parole est à M. Aurélien Saintoul, pour soutenir l'amendement n° 922 .
Il s'agit ici de reprendre le dialogue entamé en commission sur ce sujet. Les propos de ma collègue expriment dans quel esprit nous avons entamé le travail, par la critique légitime de l'austérité qui a frappé très durement le SSA – nous pouvons largement en convenir.
Cela nous amène à accepter l'amendement du Gouvernement, probablement motivé par une prise de conscience liée à vos convictions propres, monsieur le ministre, mais aussi, évidemment, par l'épidémie de covid-19.
Nous regrettons néanmoins que cet amendement arrive seulement en séance : c'est un peu dommage, même si c'est une preuve d'ouverture. Sans doute la copie n'était-elle pas prête avant, mais cela ne nous a pas laissé le temps que nous aurions souhaité pour analyser votre proposition. Ainsi, vous nous demandez d'acter la spécialisation d'établissements comme Desgenettes et Robert-Piqué. Est-ce vraiment une bonne idée ? J'avoue qu'à cet instant, je ne suis pas tout à fait en mesure de prendre une décision.
J'aurais préféré avoir la possibilité d'en discuter avec le SSA et les organisations syndicales. Je note d'ailleurs que nous avons là affaire à l'un des rares domaines, en matière de défense, dans lequel on peut se tourner vers une forme d'expertise indépendante, et c'est précieux.
J'ai tout de même la sensation qu'on nous demande de prendre nos pertes. Le SSA a beaucoup perdu, y compris du bâti – tout le monde connaît l'histoire du Val-de-Grâce. On ne nous propose peut-être pas tant de remonter en puissance que d'accepter de rester à l'étiage. Si la rédaction de l'amendement est rassurante – je vois bien les verbes « renforcer », « consolider » ou « spécialiser » –, admettez qu'il y a, malgré tout, de quoi rester légèrement sceptique.
La prise de conscience tient aussi à l'effort de cohérence. Le service de santé des armées a parfois été détaché de la vie des forces ou affecté à des missions dont nous avons déjà débattu. Désormais, il est le premier sollicité lors de tous les engagements majeurs – certains diront de haute intensité.
La réflexion, et c'est intéressant, n'est pas que sociale – si vous me permettez l'expression. Elle est aussi venue de l'état-major des armées – on en revient à nos affaires de divisions et de brigades. En 2030, nous ne pouvons prétendre disposer d'un état-major dans un format corps d'armée à plusieurs si un pays comme la France n'apporte pas de soutien sanitaire.
Je tente une comparaison malheureuse, mais elle a le mérite de bien illustrer mon propos sur le terrain militaire : c'est comme si nous plaidions pour un corps d'armée, mais sans défense sol-air, ni services de soutien ou de santé. Nous ne serions plus la France ! C'est toute la noblesse du point de départ de notre réflexion.
Pourquoi en séance et pas en commission ? Car l'amendement est, justement, issu de nos débats en commission. Pourquoi cela ne figurait-il pas dans le texte initial ? Assez curieusement, on ne peut pas dire que le SSA a fait l'objet de beaucoup de détails dans les rapports annexés des LPM précédentes. Pour de bonnes raisons, le débat a germé parce que le service de santé des armées a souffert – c'est perceptible pour tous les parlementaires qui s'intéressent à ce sujet.
Dernier point, certains de vos amendements visent à préserver la militarité de la DGSE – direction générale de la sécurité extérieure. Comparaison n'est pas raison, mais il faut aussi réaffirmer que le SSA est un service de santé militarisé. C'est également un de ses spécificités, quand d'autres pays sous-traitent la médecine de leurs forces, dans d'autres formats ou à d'autres logiques, parfois d'ailleurs au secteur libéral. Il est important de rappeler le caractère public et militaire du SSA.
Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer vos amendements au profit de celui du Gouvernement.
S'agissant du sous-amendement n° 1810 , ajouter « renforcées » après « renouvelées » me semble tautologique – on ne va pas renouveler pour affaiblir. Le peu de succès que je rencontre lorsque je demande le retrait m'amène finalement à donner un avis défavorable.
Enfin, vous m'interrogez sur l'avenir des différents sites en région. Nous pourrons y revenir en commission. Nous apportons déjà certaines précisions dans le rapport annexé, que d'autres services du ministère pourraient revendiquer. Pourquoi le service des essences n'est-il pas mentionné ? Il faut trouver un équilibre, j'espère que vous le comprendrez.
Je partage certaines des remarques de notre collègue Saintoul concernant la place des sujets sociaux dans nos auditions avant l'examen de la LPM. Je pense notamment aux représentants des personnels civils de la défense, au Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) ou à la réception, un peu tardive, du service de santé des armées, à des heures ou des jours où, peut-être, il y a un peu moins de monde pour débattre de ces sujets, ce qui ne nous a pas permis de les mettre véritablement en valeur.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir mis en avant et reconnu l'investissement sans faille des agents et des soignants du SSA. Mon sous-amendement s'articule avec l'amendement gouvernemental, proposé à l'issue de nos débats en commission. Votre amendement, notre collègue Saintoul l'a salué, fait état d'une volonté de moderniser, de consolider et de spécialiser les différents services. En reconsidérant les grandes orientations de la feuille de route du SSA, vous faites le choix d'un engagement fort pour mettre en avant ce service de santé en soutien aux forces armées, dans le cadre des opérations, mais aussi sur le territoire national. Notre sous-amendement, rédactionnel, vise à réaffirmer le rôle essentiel et stratégique des services du SSA et à renforcer leurs moyens, et donc leurs capacités.
Enfin, monsieur le ministre, je compte sur vous pour nous apporter de bonnes nouvelles concernant les oubliés du Ségur : ceux de la pharmacie centrale, du ravitaillement et de l'Institut de recherche biomédicale des armées (Irba).
Le sous-amendement n° 1810 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 64
Nombre de suffrages exprimés 62
Majorité absolue 32
Pour l'adoption 57
Contre 5
La parole est à Mme Stéphanie Galzy, pour soutenir l'amendement n° 449 .
Le service de santé des armées est un dispositif indispensable au maintien de la confiance des militaires. Le SSA soutient les armées dans le cadre des opérations extérieures, comme Barkhane ou Chammal, mais il est également mobilisé face aux crises sanitaires, de l'épidémie de chikungunya à La Réunion en 2008 à la campagne vaccinale durant l'épidémie de grippe H1N1 en 2009 ou, plus récemment, face à la pandémie de covid-19.
Pourtant, le SSA a connu une très forte déflation de ses effectifs – 10 % en cinq ans – et la trajectoire de la dernière loi de programmation militaire n'a fait que commencer à inverser cette tendance à la baisse depuis vingt-cinq ans. Pour ces personnels épuisés, et surengagés, les missions du SSA s'accroissent et s'intensifient. Le taux de projection des équipes médicales est de 106 %, malgré l'apport des réservistes, et de 200 % pour les équipes chirurgicales.
Ce surengagement ne doit plus être la norme, mais l'exception. C'est pourquoi l'amendement vise à promouvoir une nouvelle politique des talents qui devrait mettre en valeur les hommes et les femmes ayant choisi de s'engager. Il faut conserver l'identité militaire des soignants du SSA, et la valoriser, afin qu'elle devienne un facteur d'attractivité pour les jeunes médecins désireux de s'engager.
Je vous remercie pour cette intervention en défense des personnels du service de santé des armées, qui le méritent bien. Le rapport annexé évoque les questions de ressources humaines (RH), ce qui inclut, de facto, le service de santé. Je vous rappelle que 97 milliards d'euros sont affectés aux RH dans cette LPM. Demande de retrait.
L'amendement n° 449 n'est pas adopté.
De janvier à avril-mai 2020, la France a connu une pénurie d'équipements de protection individuelle. Une période de pandémie s'ensuivit, qui a progressivement entamé les stocks stratégiques de produits de santé. Le ministère de la santé et de la prévention doit prendre en charge les combattants blessés, tout en assurant la continuité des soins pour les patients civils, mais cela reste un défi de taille.
Il faut renforcer les passerelles entre le SSA et les services civils. En effet, la fonction publique hospitalière ne pourra affronter seule à une crise de haute intensité. Il faut donc construire le parcours du blessé avec le territoire de santé et avec le système de santé civil. Il faut prendre des mesures, et plusieurs questions restent à étudier. Pour l'heure, le présent amendement vise à pallier les manques en renouvelant et renforçant les stocks stratégiques, entamés par la crise liée au covid-19.
Il est satisfait. Les stocks stratégiques nationaux de produits de santé relèvent du ministère de la santé et de la prévention. Cette mesure n'a pas sa place dans le projet de LPM.
L'amendement n° 461 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Votre projet de loi anticipe l'avenir des armées, mais pas celui du monde combattant. Les grandes associations peinent à intégrer la quatrième génération du feu ; elles constatent une faible présence de nouveaux anciens combattants parmi leurs adhérents. Pourtant, chaque année, de nombreux soldats quittent l'armée, après avoir vécu un engagement opérationnel qui ouvre différents droits, en particulier d'obtenir la carte du combattant. Cela s'explique par la fracture générationnelle et par le retour à la vie active, qui empêche de consacrer du temps aux activités associatives. L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) souhaite prendre en considération l'ensemble des mémoires, dans leur pluralité. Or les acteurs historiques du monde combattant risquent de disparaître à moyen terme. Il faut réinventer le modèle, passer de la réparation à un modèle fondé sur la mémoire et sa transmission à toute la société.
L'amendement vise à consacrer l'attribution de cette mission essentielle à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.
L'amendement n° 1467 de M. Aurélien Saintoul est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
La mémoire du monde combattant constitue un sujet important. Il est vrai que la quatrième génération du feu entre moins facilement dans le monde associatif, ou le fait autrement, en participant à des amicales de régiment fondées sur la camaraderie. Toutefois, l'Office national se réorganise et travaille sur cette question. Je vous demande donc de retirer vos amendements ; à défaut, l'avis de la commission sera défavorable.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire, pour donner l'avis du Gouvernement.
Il n'y a pas de monde combattant de l'avenir. Le 1er janvier 2023, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre est devenu l'Office national des combattants et des victimes de guerre : le mot « anciens » a été supprimé, précisément pour que la quatrième génération du feu puisse y être intégrée dans son ensemble. Elle en fait désormais partie. Depuis de nombreuses années, l'Office est engagé dans la transition du monde combattant ; cela faisait partie de son contrat d'objectifs et de performance. Il n'y œuvre pas seul : les armées, en particulier la direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA), participent à cette évolution, qui dépasse le seul ministère des armées.
Votre amendement est donc satisfait. Je vous demande de le retirer, sinon l'avis du Gouvernement sera défavorable.
Les amendements identiques n° 641 de M. Bastien Lachaud et 733 de M. Aurélien Saintoul sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Les associations sont autonomes ; il ne me revient pas de décider à leur place. En revanche, je reçois régulièrement les dix-sept associations nationales. Dès la première réunion de leur regroupement constitué en G12, elles m'ont interrogée sur les moyens à déployer pour se rajeunir et faire participer la quatrième génération du feu. Ils y travaillent et on constate des progrès : de plus en plus de jeunes combattants adhèrent aux associations, alors qu'auparavant, ils participaient plutôt aux amicales de leur régiment. Je pourrais de temps en temps vous faire un bilan de ces très intéressants G12.
Les amendements identiques n° 1161 de M. Bastien Lachaud et 1392 de M. Aurélien Saintoul sont retirés.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l'amendement n° 369 .
L'alinéa 78 prévoit qu'un « effort particulier sera consacré à l'entretien courant et à la remise à niveau des infrastructures opérationnelles ». Cela fait sans doute écho sans le dire à la mesure que j'ai proposée afin de mettre une enveloppe à disposition des chefs de corps. À mon sens cette formulation reste vague et il faut être plus précis.
C'est pourquoi l'amendement vise à indiquer que l'effort sera « budgétaire ». Il importe de définir une trajectoire précise, car le système est, depuis des années, l'objet de critiques relatives à ses nombreux inconvénients pour nos soldats. Il est temps de leur envoyer un signe positif.
Le texte prévoit 16 milliards d'euros de crédits pour les infrastructures. En outre, il est prévu de changer l'organisation des services d'infrastructure et d'instaurer la subsidiarité du chef de corps, comme nous l'avons évoqué tout à l'heure. L'effort n'est donc pas seulement budgétaire, c'est un tout. Je vous propose de retirer votre amendement, sinon l'avis de la commission sera défavorable.
Même avis. Je le répète, pour la clarté des débats : le chantier de simplification sera doté de 4 milliards supplémentaires.
L'amendement n° 369 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1387 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'engagement militaire ne se résume pas au combat. Améliorer les conditions de vie et de travail des armées permet de rendre les effectifs plus opérationnels et de les fidéliser. Il faut en priorité travailler sur les infrastructures, en particulier sur les logements, car les militaires vivent sur leur lieu de travail. De bonnes installations constituent une condition sine qua non de leur bien-être, donc de leur bonne santé physique et mentale. En réhabilitant les infrastructures, vous ferez des économies d'énergie ainsi que dans le domaine de la santé.
Par ailleurs, nous devons tirer les enseignements de l'exercice Orion : le manque d'entraînement constitue un problème pour l'armée de terre, en particulier avec le canon Caesar. Le manque de préparation altère la capacité opérationnelle des armées et peut également provoquer un stress facteur d'accident ou de maladie. À l'inverse, la qualité de l'entraînement permet à nos militaires de bénéficier de bonnes conditions de travail.
L'état militaire impose de nombreuses contraintes, qu'il nous incombe d'alléger. La mobilité fréquente déstabilise les familles ; leurs vies sociale, professionnelle et médicale en sont particulièrement affectées. Cet amendement vise donc à améliorer les conditions de vie et de travail de nos militaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Comme nous l'avons dit, un budget de 16 milliards d'euros sera consacré au redéploiement et à la rénovation des infrastructures. Deux plans, Ambition logement et Hébergement, y pourvoiront. L'amendement est satisfait. Je vous demande de le retirer, sinon l'avis de la commission sera défavorable.
Nous nous préoccupons de l'offre de restauration. Bastien Lachaud, rapporteur des crédits relatifs au soutien et à la logistique interarmées du projet de loi de finances, a déjà obtenu du Gouvernement certaines avancées. La pédagogie est fondée sur la répétition :…
…en défendant cet amendement, nous nous répétons pour que l'effort de l'exécutif afin de proposer à nos soldats une restauration de qualité s'inscrive dans la durée.
Il est satisfait. Je vous demande de le retirer ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Jean-Marie Fiévet, pour soutenir l'amendement n° 1757 .
Avec plus de 270 000 hectares, dont plus de 70 % sont des espaces naturels à vocation d'entraînement opérationnel, le ministère des armées est le premier propriétaire terrien de l'État. Grâce à l'absence d'urbanisation et de pressions exercées sur leurs milieux, ces terrains abritent une biodiversité exceptionnelle : 80 % appartiennent à des zones de biodiversité remarquable et 44 000 hectares sont classés Natura 2000. Le ministère s'assure également de la bonne gestion des cours d'eau qui traversent ses emprises.
Grâce à l'Union européenne, le plan Life NaturArmy a ainsi permis de protéger et de laisser prospérer les crapauds sonneurs à ventre jaune, dans le camp militaire d'Avon, dans les Deux-Sèvres, ainsi que de réintroduire l'outarde canepetière dans le camp de la Valbonne, dans l'Ain. Les exemples abondent.
À l'échelle mondiale, le réchauffement climatique et la diminution brutale de la biodiversité constituent deux crises qui interagissent ; pour les résoudre, il convient d'adopter une approche commune et globale. Le présent amendement tend à réaffirmer que le ministère s'engage résolument pour préserver et restaurer la biodiversité.
Votre amendement se situe dans la droite ligne de votre investissement dans ce domaine au sein de la commission de la défense, notamment avec le rapport d'information sur les enjeux de la transition écologique pour le ministère des armées, que vous avez présenté en mai 2021. Avis favorable.
Votre amendement est important, car il est l'occasion de rappeler que le ministère des armées prend bien en considération les deux composantes de la transition écologique : d'un côté, la lutte contre le changement climatique ; de l'autre, la préservation et la restauration de la nature.
Comme vous l'avez souligné, les emprises du ministère des armées constituent des refuges exceptionnels de biodiversité. Je me trouvais il y a quelques semaines au camp d'Auvours, à Champagné, un havre de préservation accueillant vingt-six espèces protégées – je pourrais en énumérer quelques-uns comme le rossolis intermédiaire, la laîche allongée, la fauvette pitchou, ou encore l'insecte sympétrum vulgaire.
Sourires.
Après le programme LIFE Défense Nature 2Mil, qui avait concerné, entre autres, le camp de Chambaran, nous mettons actuellement en œuvre deux plans ambitieux dans le cadre du programme européen LIFE : l'un spécifique au camp de la Valbonne et le second, le programme LIFE NaturArmy, incluant par exemple les camps d'Avon, de Cazaux, ou encore d'Auvours. Nous avons également noué des partenariats forts avec les conservatoires d'espaces naturels (CEN). Enfin, nous renouvellerons prochainement notre convention avec le Muséum national d'histoire naturelle (MNHN).
L'adoption de votre amendement permettrait de mettre l'accent sur ce travail. Avis favorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 67
Nombre de suffrages exprimés 66
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 55
Contre 11
L'amendement n° 1757 est adopté.
Il est en quelque sorte le pendant de l'amendement n° 1094 , qui concernait la restauration, puisqu'il vise à reformuler les ambitions ministérielles en matière de logement, notamment sur le plan écologique, en prévoyant que le ministère des armées « s'assure de la mise aux normes de l'ensemble du parc de logement des militaires et veille au respect des traités internationaux concernant la réduction de l'empreinte écologique ».
L'amendement n° 1426 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Ils portent tous deux sur un double enjeu. En premier lieu, il importe que l'armée contribue à l'effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre, dans l'intérêt national – car, dès lors que la baisse des émissions fait partie des intérêts fondamentaux du pays, comme le Conseil constitutionnel l'a affirmé dans sa décision du 12 août 2022, l'armée doit concourir à cet effort, au même titre que n'importe quel secteur d'activité. Au-delà, pour les armées elles-mêmes, le fait de réduire la consommation énergétique des véhicules ou des bâtiments et de construire de manière durable présente en lui-même un intérêt opérationnel, et même stratégique.
Pour ces raisons – dans l'intérêt du pays et dans l'intérêt opérationnel des armées –, nous proposons d'inscrire les deux exigences que je viens d'énoncer dans la LPM.
Sagesse. Votre demande est satisfaite : il va sans dire que, dès lors que nous consacrerons des crédits pour effectuer des travaux importants afin de rénover une épave thermique, qu'il s'agisse d'un logement ou d'une infrastructure opérationnelle, les nouveaux équipements devront obéir aux normes.
J'insiste sur un point : au-delà de la nécessaire transition énergétique, il y a là un énorme enjeu en matière d'économies d'énergie qui concerne la facture du ministère.
Vos amendements me semblent donc consensuels, ne serait-ce qu'au vu du poids des dépenses énergétiques sur les crédits du ministère des armées.
D'un mot, je rappelle que mon collègue Jean-Marie Fiévet et moi-même avons remis en mai 2021 le premier rapport d'information consacré à cette question, dans lequel nous notions avec beaucoup d'intérêt toutes les actions déjà entreprises dans le domaine de la transition écologique par le ministère des armées. Il me semblait intéressant de le rappeler, en précisant que nous avions également formulé de nombreuses préconisations. Si toutes n'ont pas été reprises, il est bon de préciser que ces questions font l'objet d'une réflexion très poussée au sein des armées.
L'amendement n° 1427 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1428 est adopté.
M. Benjamin Lucas applaudit.
L'amendement n° 450 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques n° 642 de M. Bastien Lachaud et 735 de M. Aurélien Saintoul sont défendus.
L'amendement n° 512 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l'amendement n° 370 .
Vous me pardonnerez s'il ne concerne pas les grenouilles ni les pâquerettes, mais les êtres humains.
Sourires sur les bancs du groupe RN.
Je tiens à revenir sur la mise à disposition d'une enveloppe discrétionnaire au bénéfice des chefs de corps. Je constate en effet que nous adoptons nombre d'amendements visant à défendre l'environnement. C'est formidable et parfaitement compréhensible, mais j'aimerais que nous défendions aussi, à l'occasion, nos soldats, qui vivent parfois dans des conditions d'hébergement difficiles.
Malgré les bonnes intentions qui semblent esquissées – et à peine davantage – dans ce texte, je tiens à ce que nous insistions sur ce point en prévoyant la création « d'une enveloppe discrétionnaire au bénéfice des chefs de corps ».
Je ne comprends pas pourquoi, sur cette question, vous tournez autour du pot depuis le début, promettant la main sur le cœur que cette enveloppe sera allouée tout en refusant de l'écrire dans la loi. Quand on refuse de mentionner une condition dans un contrat, c'est généralement qu'on ne compte pas la respecter. Je propose donc une nouvelle fois que cette enveloppe discrétionnaire soit mentionnée dans la LPM. S'il faut en passer par Europe Écologie-Les Verts pour que cette disposition soit adoptée, nous le ferons, car l'intérêt général prime. Je sollicite un avis favorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Cette demande étant satisfaite, je souhaite le retrait de l'amendement.
D'abord, quand je prends un engagement, je le tiens – je pense l'avoir démontré.
Ensuite, si je puis me permettre, et puisque vous assurez vouloir défendre notre Constitution cette décision relève malgré tout du pouvoir exécutif : il s'agit d'une mesure de commandement et d'organisation, que je délègue moi-même aux chefs d'état-major (CEM), lesquels les délèguent ensuite à leur tour. Je suis en effet l'ordonnateur principal en la matière, raison pour laquelle je suis responsable devant vous, à la fois comptablement – à certains égards – et politiquement, dans le cadre de la responsabilité gouvernementale.
Comptons-nous déconcentrer les systèmes de délégation des pouvoirs d'ordonnateur pour permettre aux chefs de corps de disposer d'enveloppes dédiées, comme nous l'avons déjà évoqué plus précisément hier ? Oui. J'ai même indiqué avoir missionné le major général des armées (MGA), Éric Autellet, pour ce faire. Cela étant dit, les choses doivent s'organiser : la situation d'un capitaine de vaisseau sur un navire n'est pas comparable à celle d'un colonel commandant un régiment d'armée de terre ou à celle d'un colonel dirigeant une base aérienne. Il ne faut d'ailleurs pas uniquement gérer des bases aériennes et des régiments : le ministère englobe aussi de nombreuses unités transversales. Certaines forces, comme les forces spéciales, méritent en outre d'être traitées de manière un petit peu différente, pour d'autres raisons.
En tout cas, le problème sera traité : je m'y engage de nouveau. Avis défavorable.
L'amendement n° 370 est retiré.
La parole est à M. Tematai Le Gayic, pour soutenir l'amendement n° 1060 .
Il vise à soutenir la rénovation du dock flottant de la marine française dans le port de Papeete. La question a son importance pour assurer la marine française et sa présence dans les eaux polynésiennes, mais également pour le secteur privé. Comme vous le savez, la Polynésie dépend fortement de la pêche et du transport maritime. Depuis plusieurs années, la rénovation des bateaux est difficile pour le secteur privé, le dock flottant étant très ancien et n'ayant pas été rénové dernièrement – il est même prévu qu'il arrête de fonctionner d'ici à 2030.
Nous profitons donc de l'examen de ce projet de LPM pour demander l'appui du Gouvernement en faveur de l'avenir du dock flottant de Papeete. Mauruuru – merci.
Sourires
pour votre amendement, qui est l'occasion de mettre en avant la nécessité d'investir en outre-mer. Le dock de Papeete pourra, me semble-t-il, bénéficier de l'enveloppe de 800 millions d'euros allouée à l'ensemble des outre-mer, même si un travail de coordination devra certainement être mené localement. Je ne connais pas précisément les tenants et aboutissants de ce dossier, mais il ne me semble pas nécessaire de le figer dans la LPM, même si je comprends bien votre appel.
Je vous demande de retirer votre amendement. Peut-être le ministre pourra-t-il vous fournir des éléments d'information supplémentaires.
Merci pour vos trois amendements, qui nous permettront d'évoquer la Polynésie française sous des angles différents. D'importants investissements y seront consentis en matière d'infrastructures portuaires, l'arrivée des patrouilleurs outre-mer (POM) induisant inévitablement l'adaptation desdites infrastructures.
S'agissant de l'amendement n° 1060 , peut-être vous en a-t-il parlé, mais le contre-amiral Geoffroy d'Andigné, commandant supérieur des forces armées en Polynésie française (COMSUP-PF), a constitué un groupe de travail réunissant les différents partenaires du territoire. Ce dossier est donc plutôt suivi localement. Néanmoins, si vous estimez qu'il doit faire l'objet d'une alerte, je me tiens évidemment à votre disposition.
Votre amendement me semble être un amendement d'appel, le tableau figurant à l'alinéa 82 n'ayant pas vocation à mentionner spécifiquement le dock du port de Papeete. Toutefois, comme cela a été dit – et nous aurons l'occasion d'y revenir lorsque nous évoquerons la Nouvelle-Calédonie – l'arrivée des POM supposera évidemment le développement de nouvelles infrastructures susceptibles de les accueillir, ce qui est une bonne nouvelle. Demande de retrait.
Je fais confiance au Gouvernement. Nous aborderons de toute façon la question avec le contre-amiral.
L'amendement n° 1060 est retiré.
La parole est à M. Tematai Le Gayic, pour soutenir l'amendement n° 1059 .
Il concerne la dépollution de sites militaires appartenant à deux catégories distinctes : les sites à vocation de caserne, et ceux qui ont été utilisés dans le cadre des travaux du Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP).
Les sites militaires utilisés comme casernes, qui ne sont plus en activité, ont été rendus aux communes, alors même que certains bâtiments restent très fortement amiantés. L'objectif est donc d'accompagner les communes dans le désamiantage et la dépollution de ces zones.
Pour ce qui est des sites militaires utilisés par le CEP, une dépollution a été entamée dans certains lieux, par exemple à Hao, à Tahiti, à Mangereva ou à Tureia, mais elle n'a pas été menée à terme dans d'autres atolls, comme Mururoa ou certaines parcelles de Hao, peut-être pour des raisons techniques. En tout état de cause, tant que cela sera nécessaire, nous viendrons à l'Assemblée nationale faire savoir que nous ne voulons pas conserver de déchets radioactifs dans un seul de nos atolls. Mauruuru.
Je vous remercie, monsieur le député, de nous donner l'occasion de revenir sur ces enjeux – que, par ailleurs, je ne découvre pas. J'aborderai les conséquences humaines et sanitaires lors de l'examen de l'amendement suivant et me concentrerai à présent sur l'autre type d'impact des essais, le volet environnemental et matériel, notamment la question de la dépollution et des infrastructures – les sujets que vous évoquez dans cet amendement.
Je veux d'abord vous dire, même si je sais que ça n'est pas consensuel, que, dans la mesure où la France est une puissance dotée, elle a une dette envers la Polynésie – une formule dont je ne suis pas l'auteur. Plus personne ne peut soutenir aujourd'hui que les essais réalisés jusqu'en 1974 étaient complètement propres. Dans un tel débat, il faut commencer pas cela.
Premièrement, la question du sort des infrastructures classiques, traditionnelles, bâtimentaires – vous en avez parlé – se pose dans tous les territoires de la République qui ont connu un désengagement de la République. On ne se rend pas compte – et c'est pourquoi je veux le rappeler à l'ensemble des députés – du nombre d'infrastructures qui ont été construites autour du Centre d'expérimentation du Pacifique, au-delà des atolls de Hao et de Moruroa. Évidemment, lorsque les armées sont parties, ce sont autant de logements, de casernes et d'infrastructures que l'on a fermés et qu'il faut donc dépolluer et remettre aux normes.
Un CRSD, un contrat de redynamisation de site de défense, a donc été signé, comme on l'aurait fait dans d'autres territoires, pour d'autres raisons – par exemple chez moi, à Vernon – mais celui-ci a été, il faut le reconnaître, d'une ampleur assez exceptionnelle, d'autant plus qu'il a fallu passer par une contractualisation à plusieurs en raison du système de répartition des compétences entre les communes et le pays.
En tant que ministre des outre-mer, j'avais plaidé en faveur du CRSD. Par conséquent, lorsque je suis devenu ministre des armées, j'ai décidé de le prolonger de deux ans mais aussi de l'abonder à hauteur de 6 millions supplémentaires – d'une certaine manière, je m'accordais ainsi ce que j'avais moi-même réclamé ! Sans faire de promesse de Gascon, je précise que si les projets des communes et des autres territoires l'exigent, cette somme sera évolutive, à la fois parce que cela participe de la reconnaissance globale que nous devons à la Polynésie, mais aussi, au-delà même de cet enjeu lié au passé, parce que de bons projets émergeront dans ce contexte. Vous avez en effet des besoins en logements et en infrastructures. Si les armées et le ministre des armées peuvent contribuer à redéfinir un avenir en soutenant certains projets, nous serons très heureux de les accompagner.
Deuxièmement, j'en viens à un sujet que vous n'avez pas développé mais dont je tiens à vous dire qu'il figure au programme de la LPM et qu'il n'en a pas disparu : la surveillance géologique et environnementale. Vous le savez, monsieur le député, mais je le dis à l'intention de tous ceux qui m'écoutent : on trouve toujours, sur l'atoll de Moruroa, de nombreux capteurs qui y avaient été placés. Des équipes sont présentes sur place en permanence.
D'ailleurs je suis heureux de m'y être rendu moi-même – cela faisait plus de trente ans qu'un ministre de la République n'y avait pas fait de visite – car cela m'a permis d'aller à la rencontre de populations qui vivent autour de l'atoll.
Il s'agit d'un système de surveillance géologique en direct afin de garantir la sécurité de l'atoll. Cela mobilise évidemment des moyens mais je tiens à dire qu'ils seront maintenus.
La troisième question que je souhaite évoquer, et qui se pose lorsqu'on se rapproche de Moruroa et de Fangataufa, est la dépollution pure des sols et des terres. Avant de traiter la situation à Moruroa – qui est toujours, et restera, un terrain militaire, pour plusieurs raisons que je pourrais expliquer hors micro – le ministère a toujours considéré, tout comme les hauts commissaires et les élus du territoire, que la priorité était de s'occuper de tous les atolls qui l'entourent, dont Hao, dont j'ai rencontré à de nombreuses reprises les deux tavana – les maires – successifs. Là-bas, il y a des urgences, qu'il s'agisse d'enjeux classiques comme l'état de certains bâtiments, ou de problèmes de pollution plus spécifiques qui se posent au bout de la piste d'atterrissage.
Les choses avancent. Cela demande du temps car il faut agir de façon précautionneuse, y compris pour la santé des personnes qui interviennent sur ces opérations, et cela demande un peu d'argent si l'on veut que ce soit bien fait. En tout cas, il est préférable d'agir.
À Mangareva et Pukarua, ces opérations sont, d'après mes informations, totalement achevées – je ne suis pas retourné sur place depuis deux ans. Celles qui sont prévues à Tematangi et Tureia devraient être terminées d'ici à la fin de cette année ou au début de l'année prochaine. Nous devrons évidemment faire un nouveau point sur l'état d'avancement de ces projets.
La plus grosse partie du travail concerne évidemment Hao. Pour ceux qui l'ignorent, cet atoll était la base de soutien principale de Moruroa et de Fantagofa. C'est donc là que se trouvaient, non pas l'essentiel des troupes, mais un grand nombre de forces et surtout des équipements destinés à l'aviation, dont on a pu suspecter qu'ils étaient à l'origine de pollutions dans certaines zones. Là encore, le travail est toujours en cours.
Pardonnez-moi pour cette réponse longue mais il s'agit d'un sujet très sensible et très important pour nous tous.
Demande de retrait parce que l'amendement est satisfait. J'ajoute que je me rendrai en Polynésie française pour évoquer les questions de sécurité liées aux Jeux olympiques et paralympiques. Nous aurons l'occasion de revenir sur tous les sujets que j'ai abordés, notamment le CRSD puisque je voudrais présider un comité de pilotage sur cette question, qui réunirait les élus et le nouveau président Moetai Brotherson.
Mauruuru, monsieur le ministre, pour votre réponse. Comme vous l'avez dit, c'est un sujet sensible. Il englobe d'ailleurs aussi la question des déchets radioactifs à Moruroa et à Fangatofa ainsi que la crainte de l'éboulement d'une façade à Moruroa, qui justifie la surveillance géomécanique de l'île. Par conséquent, pour le symbole, je maintiens mon amendement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 67
Nombre de suffrages exprimés 53
Majorité absolue 27
Pour l'adoption 14
Contre 39
L'amendement n° 1059 n'est pas adopté.
La parole est à M. Tematai Le Gayic, pour soutenir l'amendement n° 1061 .
Il porte également sur les essais nucléaires mais en évoquant cette fois le volet sanitaire. Comme vous le savez, des milliers de Polynésiens sont atteints de maladies radio-induites. Le Civen, le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires, décide de leur accorder, ou non, une indemnisation en fonction des critères d'éligibilité – mais je n'ouvrirai pas ici le débat sur ces critères.
Mon amendement porte plutôt sur le remboursement des dépenses de santé supportées par la caisse de prévoyance sociale, la CPS, pour l'ensemble des années pendant lesquelles ces dépenses auraient dû être prises en charge par l'État français.
Évidemment des questions pratiques se posent sur les modalités de la prise en charge, forfaitaire ou au cas par cas. C'est bien sûr un sujet politique. Le président Emmanuel Macron avait réuni il y a deux ans une table ronde autour de ces enjeux.
Dans un débat sur la dissuasion nucléaire, il m'aurait paru inconcevable que nous n'évoquions pas la question des maladies radio-induites, comme je l'avais d'ailleurs déjà fait dans la discussion générale. Mauruuru.
Je tiens tout d'abord à vous remercier de nouveau d'avoir présenté ces amendements successivement et de cette façon, ce qui nous permet de prendre le temps de revenir sur les conséquences des essais nucléaires.
Je l'ai dit, la dette à l'égard de la Polynésie est évidente. Pour s'en acquitter, il faut agir de deux manières. La première, qui n'a pas encore été évoquée, est la nécessité de poursuivre nos efforts en matière de transparence et d'accès aux archives. J'avais pris, avec Florence Parly – lorsqu'elle occupait le poste de ministre des armées et moi celui de ministre des outre-mer –, la décision de donner accès à ces archives, à la demande du Président de la République.
Cela me donne l'occasion de vous citer des chiffres que nous n'avons jamais donnés depuis. Quelque 130 000 archives relatives aux essais nucléaires ont été déclassifiées, un chiffre qui prouve que les choses avancent, d'autant plus que des historiens commencent à s'emparer de ces questions. Je précise que 159 documents ne seront pas communicables. Le ratio me semble éloquent. D'un côté, les 130 000 archives déclassifiées laissent le loisir de consulter de nombreux documents ; de l'autre, toutes les personnes qui ont travaillé sur ces questions savent ce que peuvent contenir les 159 documents non communicables, sur lesquels je ne m'étendrai pas davantage.
J'en arrive, deuxièmement, à la question de l'indemnisation qui a longuement occupé cet hémicycle il y a quelques années à la faveur des lois de finances et bien sûr de la fameuse loi Morin qui a ouvert différentes voies et a fait l'objet de mises à jour s'agissant de certains critères.
La procédure mise en place alors était un peu curieuse – je parle sous votre contrôle. Je ne veux pas critiquer le Civen car ses équipes font un travail remarquable. Néanmoins il était confronté à deux problèmes. Premièrement, il ne disposait pas d'assez de moyens pour instruire les dossiers et les suivre à hauteur d'homme. M. Alain Christnacht, le prédécesseur du président actuel de ce comité, m'avait d'ailleurs saisi de ces difficultés. Il s'était attelé à cette tâche avec succès et je l'en remercie.
Deuxièmement, le fonctionnement était marqué par une forme de centralisation puisqu'on demandait aux habitants des atolls les plus éloignés de se rendre jusqu'à Papeete pour déposer leur dossier et parfois d'y retourner une autre fois, en leur faisant subir tous les tracas administratifs, évidemment très contestables, que l'on peut imaginer.
Nous avons mis en place une politique de « l'aller vers » consistant à former des équipes qui se déplacent d'atoll en atoll, se rendant parfois dans des endroits où, pour être très clair, on n'avait pas vu arriver grand monde depuis bien longtemps. Je me suis assuré du bon déroulement de ce système qui commence à produire des effets. J'en veux pour preuve un chiffre qu'il me semble intéressant de communiquer à la représentation nationale – même si ce n'est qu'un chiffre : pour la seule année 2022, on compte 237 dossiers de demande d'indemnisation alors que, de 2010 à 2021, soit en onze ans, on en dénombrait en tout 579. Je salue au passage l'investissement des équipes en la matière.
Une autre question est celle du travail de la commission qui absorbe les dossiers et les étudie en fonction de certains critères – vous l'avez dit vous-même, ce n'est pas ici que nous la réglerons.
Il y a aussi la caisse de prévoyance sociale – encore un sujet qui me rajeunit un peu ! C'est une question plus politique, au sens noble du terme. Le Président de la République avait ouvert la voie lors de son déplacement officiel à Papeete.
Sur cette question, comme sur d'autres, je suis évidemment prêt à discuter avec le ministre de l'intérieur et des outre-mer, le ministre délégué chargé des outre-mer, le ministre de la santé et de la prévention, mais aussi l'ensemble des parlementaires. N'oublions pas que nous devons agir dans le cadre du respect des compétences en autonomie du pays, puisque la caisse est locale.
Laissons au président Brotherson le temps de s'installer. Ensuite, nous pourrons avoir une discussion qui sera forcément technique et longue puisque l'appréciation de l'impact est très variable. Je me tiens en tout cas à votre disposition.
Demande de retrait, même si je comprends bien que, pour son caractère symbolique, vous souhaitiez maintenir votre amendement.
Je remercie le ministre pour sa réponse détaillée. Nous reviendrons avec le président Brotherson pour discuter de toutes ces questions. Mauruuru.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 70
Nombre de suffrages exprimés 56
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 13
Contre 43
L'amendement n° 1061 n'est pas adopté.
Il s'agit d'une reformulation visant à inverser l'ordre des priorités sur lesquelles devront porter les efforts du ministère et à placer la transition écologique en premier pour en souligner l'importance.
Même avis. Si cela vous semble important, de notre côté cela ne pose pas de problème : ça ne changera pas la LPM.
L'amendement n° 1429 est adopté.
La parole est à Mme Delphine Lingemann, pour soutenir l'amendement n° 1622 .
Il vise à encourager les industriels de la défense à développer des filières de recyclage, notamment grâce à des efforts de R&D – recherche et de développement.
Je donnerai l'exemple de Constellium, dans le Puy-de-Dôme, qui a déjà engagé un processus de recyclage. Les raisons et les avantages sont nombreux. Tout d'abord, le recyclage de matériaux tels que l'aluminium, fort utilisé dans le secteur aéronautique, permet d'assurer à nos industriels une autonomie en approvisionnement. Or il est question, dans la LPM, de la constitution de stocks stratégiques.
Et puis le recyclage contribue à réduire l'empreinte carbone de ces industriels, un axe également présent dans le projet de loi de programmation militaire que nous examinons.
La rédaction de cet amendement cible certes les industriels de la défense, mais ce type de mesure n'entre pas dans le champ de la LPM. Je vous demanderai donc de le retirer, madame la députée. À défaut, l'avis serait défavorable.
L'amendement n° 1622 est retiré.
L'amendement n° 1782 de M. Michaël Taverne est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement n° 1782 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à une meilleure prise en compte des entreprises de taille intermédiaire, lesquelles sont un maillon essentiel de l'industrie de défense française. Car, souvent, ou elles sont trop petites pour bénéficier de l'attention de l'État comme les grands groupes ou, au contraire, trop grandes pour profiter des dispositifs de financement ouverts exclusivement aux PME et aux start-up. C'est dommage parce qu'elles peuvent être aussi innovantes qu'une start-up, mais les capacités de production en plus. Par conséquent, afin de les sortir de cette zone grise dans laquelle elles se trouvent actuellement, nous vous proposons de les mentionner explicitement à l'alinéa 86.
Les PME-PMI et les start-up ne sont tout de même pas dans une zone grise : les organismes concernés, en particulier la DGA, font beaucoup d'efforts pour se connecter avec le tissu économique local dans les différentes régions et dans les différentes agglomérations. J'émettrai un avis de sagesse.
C'est déjà satisfait… donc l'avis est favorable.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.
L'amendement n° 371 est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
L'amendement n° 1215 est retiré.
Cet amendement propose la création d'un comité d'experts dans le domaine de l'intelligence artificielle issus du monde de l'entreprise et de la recherche afin de réaliser non seulement un état des lieux sur l'utilisation actuelle de l'intelligence artificielle (IA) dans le domaine de la défense mais aussi de conseiller les hautes autorités du ministère sur ses possibilités d'évolution et d'utilisation à venir, et sur leurs conséquences notamment en matière de personnel, de culture, d'organisation et de technologie. Différent du modèle existant des comités d'éthique, ce nouveau comité aurait pour mission de faire valoir son expertise sur l'utilisation actuelle et sur les possibilités d'optimisation des utilisations futures de l'intelligence artificielle.
Si notre pays se veut un modèle d'utilisation maîtrisée de l'intelligence artificielle, il va en lui falloir entreprendre des chantiers importants en vue de favoriser les échanges et de partager avec les entreprises civilo-militaires, à l'image de notre stratégie d'innovation globale qui repose sur l'implication du secteur public et du secteur privé. L'IA doit être présentée comme une priorité pour notre défense nationale étant donné les possibilités d'évolution exponentielle et les nombreux domaines d'application existants.
L'Agence de l'innovation de défense a pris en compte, dès sa création, la question de l'intelligence artificielle. Je vous demanderai donc de retirer votre amendement.
Je ne reviens pas sur ce débat qui a déjà eu lieu. Avis défavorable.
L'amendement n° 1630 n'est pas adopté.
J'ai eu le plaisir d'accueillir récemment une délégation dont faisait partie le président la commission de la défense, M. Gassilloud ici présent, pour une visite du centre d'essai de missiles de la DGA à Biscarrosse, qui teste le missile mer-sol M51, mais pas seulement. À l'occasion de rencontres avec les personnels de la DGA, on s'aperçoit bien de la difficulté à maintenir aujourd'hui une forme d'attractivité au regard de la concurrence avec la BITD. Pourtant, la direction générale de l'armement est un modèle assez original en Europe comme au sein de l'Otan, un modèle qui doit être préservé. Je le rappelle d'autant plus que la DGA sera fortement sollicitée par les nouveaux enjeux que prévoit cette PLM et que l'on a donc besoin d'avoir suffisamment d'ingénieurs et de techniciens. Plus globalement, il faut renforcer la DGA.
Aussi, je vous propose, monsieur le ministre, mes chers collègues, un amendement ainsi rédigé qui devrait faire consensus : « Afin d'accompagner au mieux les évolutions de la DGA et l'accroissement d'activité à venir dû à une montée en puissance inédite du budget des armées, une politique de ressources humaines ambitieuse sera menée afin d'améliorer au mieux l'attractivité des métiers au sein de la DGA. »
Je pense que le plan de transformation de la DGA, supervisé par son délégué général, Emmanuel Chiva, va apporter ce que vous attendez. J'émettrai donc un avis de sagesse.
L'amendement est déjà en grande partie satisfait, mais je partage l'avis de sagesse du rapporteur.
L'amendement n° 1643 est adopté.
Cet amendement vise à supprimer, à l'alinéa 87, le mot : « historiques », et ce pour deux raisons. Tout d'abord, je n'aime pas beaucoup l'emploi de superlatifs dans de tels textes. Ensuite, s'il est vrai que le montant que vous annoncez, monsieur le ministre, est élevé, soit 413 milliards d'euros d'ici à 2030, la trajectoire proposée ne nous permet pas d'utiliser le terme « historique ».
D'abord, reconnaissez que la prise de conscience qu'un effort particulier était nécessaire remonte à 2014 – j'ai moi-même pu le constater à la lecture du rapport d'Écodef, l'observatoire économique de la défense, parue en automne dernier –, et ce après une période de baisse dont on a maintes fois parlé. Ensuite, je note que le plus gros de l'effort budgétaire annoncé est reporté après 2027 et que, malheureusement, nous vivons un contexte inflationniste majeur qui va nécessairement grever nos capacités en la matière.
Dès lors, le modèle d'armée complet induit que nous allons faire un peu de tout. Ainsi, le renforcement des forces dites de soutien obligera de reculer sur certains objectifs concernant les régiments dits de mêlée. Vous avez fait des choix qui transparaissent dans ce texte sans être tout à fait explicites. Cela peut se justifier dans le contexte actuel, mais notre modèle de défense en est changé.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l'amendement n° 372 .
Je vais proposer une voie médiane puisque mon amendement vise à remplacer le mot « historiques », par le mot « conséquents ». Tout d'abord parce que le terme « historique », de toute façon sujet à caution, est factuellement faux : en 1989, par exemple, la part de la défense dans le PIB était quasiment de 3 %. Et puis, comme je l'ai dit en commission, LPM signifie « loi de programmation militaire », pas « longue pub pour Macron ».
Sourires sur les bancs du groupe RN.
Évitons les superlatifs. Une fois encore, je rappelle que le marketing n'a pas sa place dans ce texte. Employer à cet alinéa le terme « conséquents », c'est reconnaître qu'il y a un effort, c'est souligner que ces nouveaux investissements vont réparer les dégâts des années budgétaires plus sombres, de même que nous avons reconnu que la loi de programmation militaire précédente avait été respectée financièrement. Mais restons modestes. Je vois bien que Jupiter hante ces lieux, mais tout de même ! Le choix du mot « conséquents » est plus raisonnable que celui du mot « historiques ».
L'amendement n° 192 , repoussé par la commission et le Gouvernement n'est pas adopté.
L'amendement n° 766 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est proposé de rédiger ainsi l'alinéa 89 : « La contribution de la France à la Facilité européenne de paix, les besoins liés au recomplètement des équipements cédés à l'Ukraine ainsi que les aides à l'acquisition de matériel ou de prestations de défense et de sécurité seront financés en plus du cadre budgétaire de la présente loi de programmation. Ces financements […] seront identifiés dans un programme spécifique au sein de la mission budgétaire Action extérieure de l'État. »
Une telle proposition s'inscrit dans une logique pragmatique et relève du domaine de l'initiative budgétaire gouvernementale. Aussi, l'inscription de cette disposition dans le prochain projet de loi de finances initiale permettrait d'améliorer le principe de spécialité budgétaire.
Il est aussi proposé d'instaurer un plafond des dépenses ainsi allouées par la France, ce qui permettrait non seulement d'éviter un effet de surenchère mais aussi d'obtenir une meilleure visibilité des dépenses militaires à venir. On conviendrait de ce plafond en Conseil des ministres et il pourrait être revu annuellement en fonction du contexte géopolitique.
La contribution française à la Facilité européenne pour la paix a été sortie de la trajectoire LPM… comme si elle allait évidemment être financée par les autres ministères. La représentation nationale est en droit d'exiger de la transparence de la part du Gouvernement sur ce point. Cela est évidemment aussi valable pour les besoins liés au recomplètement des équipements cédés à l'Ukraine à l'heure où nos armées font face à des défis capacitaires conséquents comme en témoigne le programme Scorpion.
Le Gouvernement a déposé un amendement visant à combler les manques engendrés par la cession de nos Jaguar et de nos Griffon à ce pays, est-ce que ce sera le cas pour tous nos matériels ? Il est impératif que le Parlement soit informé de ses décisions. Nous comptons sur le ministère des armées pour admettre cette nécessité en donnant un avis favorable à l'adoption du présent amendement.
Même avis ; le débat a déjà eu lieu.
L'amendement n° 1122 n'est pas adopté.
Dans un souci de transparence, le Gouvernement remettrait chaque année au Parlement un rapport faisant le bilan sur l'éventuel recours aux entreprises de services de sécurité et de défense, les ESSD.
Cet amendement renvoie évidemment à la question globale de l'externalisation et surtout à la question plus générale encore de la privatisation des conflits, qui est un sujet important. En commission, on a mis sur la table nombre de sujets qui pourraient faire l'objet de missions d'information. Je crois que la question de la privatisation des conflits en un qui mériterait que soit accompli un beau travail dans ce cadre. Il semblerait qu'en France, le recours aux ESSD ne soit pas important mais, en tout cas, on a besoin de transparence sur ce sujet qui justifie que le Gouvernement nous informe de manière régulière de ce qu'il en est.
La demande de rapport relève de l'exercice qui est le nôtre, mais l'information du Parlement pourrait prendre la forme d'auditions régulières ou d'autres procédures. Il reste qu'il est nécessaire de faire un point périodique sur le recours aux ESSD.
C'est un amendement d'appel et je pense que le sujet devrait être débattu à chaque projet de loi de finances parce que le sujet des ESSD est connecté d'une manière ou d'une autre à celui des crédits budgétaires. L'amendement sur les externalisations que nous avons examiné tout à l'heure renvoyait à des questions principielles, mais quand il s'agit d'un sujet plus précis, cela relève de l'exécution budgétaire et donc de la loi de finances. Dans le cadre de la documentation budgétaire sur des sujets spécifiques transmise en amont au Parlement, il pourrait alors être décidé d'inclure celui-là.
Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est un sujet de pure exécution : il renvoie tout de même à des questions de principe.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra