France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 1033, 1234 rectifié). Pour les explications de vote, l'orateur de chaque groupe politique dispose de cinq minutes.
413 milliards d'euros pour nos armées sur sept ans et 69 milliards rien que pour l'année 2030 : c'est le doublement du budget militaire que vous demandez au Parlement de voter, afin de suivre le Président de la République, qui a théorisé l'idée que la France devait avoir une guerre d'avance et participer à la course mondiale à l'armement. Pour financer ce budget, des coupes claires sont annoncées dans nos services publics et les Français sont appelés à se serrer la ceinture ou à travailler plus longtemps – nous en reparlerons demain.
Après les dividendes de la paix, voici venus ceux d'une économie de guerre et l'industrie de l'armement se frotte les mains en espérant les recueillir. Le financement de notre industrie de défense va aussi dépendre de plus en plus de l'export et de ventes d'armes dans le monde, au risque de nourrir encore plus les guerres et les conflits.
Alors oui, le débat est sérieux, car la sécurité de la nation et de nos concitoyens, en tout point du territoire, est non négociable. Nous devons avoir la même exigence de sécurité et de protection pour tous, qu'ils habitent dans l'Hexagone, en Polynésie, aux Antilles, en Guyane ou dans l'océan Indien. Nous devons garantir notre autonomie stratégique, protéger la deuxième surface maritime la plus importante au monde – tout comme nos fonds marins –, préserver l'espace de toute militarisation, prévenir les cyberattaques qui se développent, empêcher toute attaque terroriste, être aux côtés de nos soldats en leur fournissant le meilleur matériel, sans dépendre de technologies et de puissances étrangères.
Tout cela impose du sérieux, sans arrière-pensée politicienne : c'est bien ce qui a caractérisé nos débats, ici, à l'Assemblée nationale.
Mais, monsieur le ministre des armées, nous ne nous retrouvons pas dans cette loi de programmation militaire (LPM), dans votre modèle d'armée qui découle d'une stratégie militaire toujours au service de l'Otan et de la politique étrangère des États-Unis. Nous voulons, au contraire, garantir l'autonomie stratégique de la France et contribuer à celle de l'Europe – réellement –, investir dans la diplomatie et la coopération avec les peuples du monde, tout en veillant à ce que la France ait les moyens d'assurer sa défense.
Avec cette LPM, vous faites avant tout le choix d'investir dans une armée de projection, prête à faire la guerre partout, sans que nous nous interrogions sur ces vingt dernières années d'interventionnisme. Envoyer nos soldats en Libye, en Afghanistan ou au Sahel n'a pas fait reculer le terrorisme. D'ailleurs, nos soldats n'y sont pour rien : ce sont plutôt les choix politiques qui les ont conduits là-bas qui doivent nous interroger.
Ce modèle expéditionnaire que vous voulez développer, symbolisé par le porte-avions de nouvelle génération à 10 milliards d'euros, est non seulement dangereux politiquement, mais aussi coûteux, très coûteux. Les investissements qu'il requiert nous privent d'investir dans du matériel militaire comme des frégates, des patrouilleurs, des hélicoptères qui, par exemple, seraient nécessaires à la défense de nos territoires d'outre-mer. Nous ne sommes pas les seuls à le déplorer : certains militaires ont aussi exprimé leurs craintes à ce sujet.
Ce modèle d'armée que nous ne partageons pas, c'est aussi celui qui fait le choix de renforcer significativement notre arsenal nucléaire : 54 milliards d'euros au total ; près de 8 milliards par an et 22 millions par jour – du jamais vu ! Le fait est que les grandes puissances nucléaires n'ont pris aucune décision pour abandonner cette arme terrible, la plus dangereuse pour l'humanité et la planète.
Bien sûr, la France doit préserver sa capacité de dissuasion nucléaire : nous l'affirmons nous-mêmes. Mais de grâce, n'en rajoutons pas, ne participons pas à cette course à l'armement nucléaire ! Nous pouvons parler autant que nous le souhaitons d'écologie ou de dérèglement climatique : avec les 13 000 têtes nucléaires que les grandes puissances possèdent à travers le monde, notamment les dizaines d'entre elles qui circulent tous les jours, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dans les airs et dans les mers, il y a de quoi faire sauter plusieurs fois la planète en quelques secondes ! Pourquoi investir toujours plus dans des têtes nucléaires toujours plus meurtrières ? Oui, la France a un rôle politique majeur à jouer et devrait participer aux prochaines réunions du traité sur l'interdiction des armes nucléaires (Tian) en qualité d'État observateur.
Pour conclure, cette loi de programmation militaire nous expose davantage aux risques d'avoir une paix de retard plutôt qu'une guerre d'avance. C'est la raison pour laquelle, malgré les avancées notables que le texte comporte pour nos armées – nous les avons soulignées tout au long du débat et votées –, les députés communistes du groupe Gauche démocrate et républicaine voteront contre ce texte
« Oh ! » sur quelques bancs du groupe RE
et souhaitent que ce débat déborde de l'Assemblée nationale, pour que l'ensemble de nos concitoyens s'en saisissent pleinement.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Il faut le rappeler, le principal enjeu de ce projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 est avant tout d'assurer la sûreté de nos concitoyens et de tous nos territoires. Nous en avons parlé tout au long du débat : pensons à nos territoires d'outre-mer, qui font le rayonnement de notre pays. Poursuivre l'exécution de la LPM pour les années 2019 à 2025 sans nous remettre en question aurait relevé de l'apathie stratégique. Souvenons-nous que l'un des principaux échecs de l'entre-deux-guerres a été l'absence de réforme de la défense nationale et la lente désagrégation du modèle de l'armée, jusqu'au blocage stratégique.
La LPM pour les années 2024 à 2030 est marquée par deux ambitions bien distinctes qui adapteront notre stratégie militaire, en ses différentes capacités stratégiques, aux évolutions que le chef d'état-major des armées, le général Thierry Burkhard, a appelées de ses vœux. Par ailleurs, elle fixe une trajectoire financière de 413,3 milliards d'euros, dont 13,3 milliards d'euros de ressources extrabudgétaires.
Aussi impressionnant qu'il puisse paraître, l'effort financier est en partie absorbé par deux enveloppes : celle qui est consacrée à la dissuasion, d'un montant de 20 milliards, et celle qui est dédiée à l'inflation, de l'ordre de 30 milliards. C'est dans ce cadre financier qu'il nous faut regarder cette LPM non pas comme un texte de transformation, mais comme un texte d'évolution, caractérisé par de véritables choix opérationnels pour adapter nos armées aux évolutions observées depuis la guerre civile syrienne et l'intervention russe, c'est-à-dire plus précisément le contexte de la guerre menée par l'Azerbaïdjan contre l'Arménie et l'invasion de l'Ukraine par la fédération de Russie.
En ce sens, le nouveau modèle de l'armée de terre permettra, à effectifs constants, de renforcer les régiments d'appui et de soutien en prélevant des soldats sur les régiments dits de mêlée – artillerie, cavalerie, infanterie. L'idée maîtresse est de diminuer leur vulnérabilité face aux nouvelles menaces constatées et de renforcer leur aptitude à durer sur un théâtre, malgré toutes les atteintes qui pourraient être portées contre les différents échelons arrières ou centraux.
Monsieur le ministre, nous saluons votre engagement à pallier par de nouvelles ressources certaines des cessions effectuées au profit de l'Ukraine, après dépôt de la LPM, afin de ne pas les faire peser sur le budget de nos armées.
Cette LPM a aussi permis de renforcer la place et le rôle des parlementaires dans la définition de la politique de défense. Son examen a été l'occasion de consolider le pouvoir de contrôle des commissaires de la défense nationale sur l'exécution de la LPM, ce que nous saluons.
De façon responsable, nous voterons ce texte, car il a le courage de faire des choix. L'état des finances, il faut le dire, ne nous permet pas d'avancer puissamment. Mais le sérieux stratégique français permet d'entretenir des armées d'emploi qui sont jugées crédibles, tant par nos alliés que par nos adversaires.
Il faut aussi saluer le plan de 750 millions d'euros mis en place pour les familles de nos militaires. Je tiens à rappeler devant vous l'engagement quotidien de ces derniers pour la sécurité de notre pays. Pensez que lorsqu'on est militaire, on s'engage pour les autres ; il serait donc tout à fait anormal que les familles ne soient pas traitées comme il se doit. C'est pour cette raison que le plan « famille » est important : nous devons continuer à investir pour que les familles des militaires puissent vivre de manière convenable. Il convient que les militaires, lorsqu'ils se trouvent sur un théâtre d'opérations extérieures, n'aient pas l'esprit encombré par le souci d'assurer la sécurité de leur famille à l'intérieur même de nos casernes.
Comme je l'ai dit, notre groupe votera à la quasi-unanimité cette LPM.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe Dem, ainsi que sur les bancs de la commission.
S'il est un domaine où la programmation des dépenses sur plusieurs années est indispensable, c'est bien celui de la défense nationale. En effet, la conception, la réalisation, la livraison et la prise en main des équipements et des matériels s'étalent sur plusieurs années. La capacité de notre pays à se défendre ne peut pas dépendre des aléas de la conjoncture économique. La précédente loi de programmation militaire peut, à cet égard, faire figure d'exemple : malgré les crises qui ont frappé notre pays, elle a été respectée à l'euro près. Après des décennies de coupes budgétaires, notre majorité a tenu l'engagement qu'elle avait pris de réparer nos armées ; le texte qui nous est soumis aujourd'hui poursuivra ces efforts.
Garantir l'efficacité de nos armées nécessite de la détermination et de la constance dans l'effort budgétaire, sur la base d'une analyse fine et panoramique des risques à conjurer. Ces risques, nous avons pu les mesurer au fil de nos débats, dans une atmosphère de sérénité et de respect mutuel devenue trop rare dans notre hémicycle, et à laquelle votre sens de l'écoute a beaucoup contribué, monsieur le ministre. La nature des risques et des défis nous a aussi sans doute collectivement incités à une forme de gravité.
La réalité géopolitique est complexe et faite de menaces nouvelles, notamment celles qui sont liées aux nouveaux impérialismes : l'Ukraine est le terrain d'expression de ce phénomène qui menace l'Europe tout entière. Les conflits étant aujourd'hui hybrides, il nous faut assurer la protection de nos citoyens et de nos intérêts dans ces nouveaux espaces de conflictualité – de l'espace exoatmosphérique aux fonds marins, en passant par le cyber. Pour cela, il nous faut, bien évidemment, renforcer nos armées.
La trajectoire budgétaire de 413 milliards d'euros sur sept ans, que nous nous apprêtons à voter, apporte des réponses. Mes chers collègues, il n'est pas d'armée sans principes ni doctrine. Le présent projet de loi inscrit notre défense nationale dans une logique d'alliances qui, depuis des décennies, par-delà les alternances politiques, fondent notre stratégie diplomatique et de défense. La dissuasion nucléaire, clé de voûte de notre défense et de notre souveraineté, en sortira renforcée, notamment grâce à la construction du porte-avions de nouvelle génération et des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) de troisième génération. Ils assureront la crédibilité de notre dissuasion, corollaire indispensable de notre sécurité.
Nos choix d'équipement réaffirment aussi notre modèle d'armée complet en répondant aux défis des conflits d'aujourd'hui par l'acquisition de nouveaux véhicules terrestres, de Rafale de dernière génération, de munitions et de drones. Notre sécurité et les moyens de notre sécurité : c'est bien de cela qu'il s'agit aujourd'hui !
Avant de voter ce texte, il nous faut également répondre à une interrogation de beaucoup de nos concitoyens : tant d'argent pour l'armée, est-ce bien raisonnable ? La question est légitime et mérite une réponse de notre part, laquelle repose sur une réalité simple mais implacable : la paix est la condition de la survie de notre modèle social. Et la paix, pour être préservée, doit être garantie par un effort de défense à la hauteur des risques.
Le budget annuel des armées aura certes plus que doublé entre 2017 et 2030 : c'est le prix à payer pour notre sécurité ; il convient de le comparer à ce que la France consacre à sa protection sociale. La réalité, c'est que notre pays, chaque année, dépense quatorze fois plus pour la protection sociale des citoyens que pour la défense nationale.
Les dépenses militaires que nous nous apprêtons à voter constituent en outre un facteur puissant de développement économique et technologique : les investissements inscrits dans la LPM irrigueront l'ensemble de notre secteur industriel de défense, favorisant et accélérant la réindustrialisation de nos territoires.
Par notre vote de ce jour, nous contribuerons également à l'amélioration des conditions offertes à nos militaires et à leurs familles, ainsi qu'aux civils de la défense.
Le financement de cet effort en faveur de la défense suppose une économie puissante, car tout se tient : le retour au plein emploi et la croissance de l'économie procurent de nouvelles recettes publiques. C'est aussi parce que des réformes de nos comptes publics sont menées – réformes nécessaires à défaut d'être toujours populaires – que la France pourra dégager, dans la durée, les moyens de financer ces dépenses d'avenir. Cette LPM s'inscrit donc dans un projet politique cohérent.
Les députés du groupe Renaissance voteront bien évidemment en faveur de cette LPM pour les années 2024 à 2030,…
…avec l'espoir de rassembler le plus grand nombre de leurs collègues autour de cette ambition pour la France. Pour garantir la défense d'un pays, chacun le sait, au-delà des moyens financiers, des choix technologiques et des modes d'organisation, il est un impératif, une condition préalable à tout : l'unité de la nation autour de ses armées.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
À la serpe ! C'est à la serpe que les effectifs et les budgets de nos armées ont été taillés par les gouvernements successifs de toutes tendances – de droite, de gauche ou du centre. Nos armées ont été meurtries par des décennies de coupes budgétaires et d'abandon en rase campagne. Il s'agit là de l'œuvre de dirigeants au profil de gestionnaires étriqués, sûrement pas de visionnaires. Je tiens à saluer le courage de nos militaires qui, malgré cela, ont continué d'accomplir leur mission, admirablement.
Il devenait urgent d'inverser la tendance, et l'actuelle LPM a commencé à le faire. Oui, notre nation a besoin d'une LPM ambitieuse, à la hauteur de l'engagement des hommes et des femmes qui font nos armées et à la hauteur des dangers qui nous menacent.
Monsieur le ministre des armées, monsieur le rapporteur, je tiens à vous saluer, car vous avez su travailler avec l'ensemble des groupes de cette assemblée. Pour une fois, nos débats ont fait, je crois, honneur à cette enceinte. Entre une majorité peu habituée au dialogue, des LR absents et une NUPES dispersée façon puzzle sur les questions essentielles que sont l'Europe de la défense et le nucléaire, cela n'a pas été simple, mais nous y sommes arrivés. Monsieur le ministre, vous devriez d'ailleurs expliquer ce qu'est la démocratie parlementaire à vos collègues Darmanin, Le Maire, Dussopt et autres Dupont-Moretti ! Si j'osais, vous devriez aussi donner des cours particuliers à Mme Borne.
Une fois n'est pas coutume, vous avez écouté et intégré certaines de nos propositions, par exemple la révision à la hausse de la grille indiciaire ou la rénovation en urgence d'hébergements et de lieux de vie qui abritent nos soldats. Quant à la stratégie de placer la dissuasion nucléaire au cœur de notre défense et d'y consacrer les moyens nécessaires, c'est, vous le savez, un point essentiel du programme de Marine Le Pen en matière de défense.
Toutefois, le tableau n'est pas si rose. Augmenter les effectifs, améliorer l'entraînement, accroître les moyens capacitaires, c'est une très bonne chose et c'est ce que nous voulions. Mais pour quoi faire ? Défendre la France et les Français, ainsi que notre souveraineté ? Ou bien, au contraire, préparer la dissolution de notre défense dans une défense européenne fantasmée ?
Pour faire un cadeau aux écologistes radicaux, vous avez cédé à la fable de la défense européenne, une défense dont personne ne veut, ni à l'étranger ni en France, hormis peut-être trois députés de la majorité, Emmanuel Macron, deux écologistes et ce qu'il reste des socialistes. Vouloir une Europe de la défense quand nos alliés achètent américain ou coréen, quand nos coopérations avec l'Allemagne comme le système de combat aérien du futur (Scaf) ou le système principal de combat terrestre (MGCS) patinent, c'est illusoire, naïf et même dangereux.
Vouloir laisser les clés de la défense à l'Europe ! Chers collègues de la majorité, vous n'avez donc pas tiré les leçons de vos erreurs ? Vous lui avez laissé les clés pour gérer l'immigration ; regardez le résultat ! Vous lui avez confié le prix de l'énergie ; c'est un désastre ! Vous l'avez laissée gérer les échanges commerciaux ; c'est une catastrophe ! Fiasco, fiasco, fiasco, ils ont tout raté.
Non, nous ne laisserons pas les Européens confisquer aux Français les clés de leur défense ! Vous-même, monsieur le ministre, vous avez dû batailler pour contenir ceux qui, dans votre propre majorité, voulaient tout européaniser, même notre souveraineté. Quelle épreuve cela a dû être pour quelqu'un qui se réclame du gaullisme !
Pour le Rassemblement national, c'est l'heure du choix : voter cette LPM ou ne pas la voter ? Pour trancher cette question, nous nous sommes demandé si elle était compatible ou non avec le projet de Marine Le Pen pour 2027. Vous vouliez vous défausser sur vos successeurs en repoussant à 2027 la clause de revoyure et les principales marches budgétaires. Chiche ! Nous relevons le défi : ce sera pour nous l'occasion de réorienter cette LPM pour garantir notre souveraineté nationale, pour contrôler les coopérations européennes et pour relocaliser l'industrie de défense. Vous avez reporté l'essentiel des hausses d'investissement à l'après-2027. Eh bien, nous ferons bon usage de cet argent, pour une armée mieux équipée et mieux entraînée, pour des soldats mieux considérés.
C'est pourquoi, sans enthousiasme, avec vigilance, mais aussi avec la satisfaction de voir un certain nombre de nos mesures adoptées, nous voterons pour cette LPM.
Il y a, il faut le dire, de vrais morceaux de RN dedans ! Nous le ferons sans jamais oublier que le seul intérêt qui nous anime, c'est celui de la défense de notre nation, la France, et de ceux qui la font vivre.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Une LPM n'est pas un texte comme les autres : on ne peut se prononcer à son sujet sans avoir à l'esprit les hommes et les femmes de la défense, soldats et civils, techniciens, ingénieurs et ouvriers, dont l'héroïsme et l'ardeur à la peine suscitent notre respect, notre gratitude et notre admiration.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
À l'hommage que nous leur rendons, je veux adjoindre mes remerciements au ministre des armées, dont la façon d'agir contraste si nettement avec la brutalité et l'antiparlementarisme ordinaires du Gouvernement. Il a créé les conditions d'un débat digne et argumenté, qui nous permet de prendre acte des convergences comme des désaccords, sans procès d'intention ni remarques infamantes. Ces désaccords sont les biens les plus précieux de la démocratie : ils en sont la fin et le moyen. C'est pour nous garder la possibilité d'un désaccord respectueux que nos militaires, in fine, s'engagent, et c'est la vitalité de la controverse démocratique qui nourrit la force morale indispensable pour faire face aux crises et aux conflits.
Dès lors, je dois formuler nos désaccords. Pour cela, collègues, je vous prie de considérer le monde tel qu'il était il y a vingt ans ; vous aurez ainsi une idée des transformations qui l'attendent dans les vingt prochaines années. Souvenez-vous : 2003 est un autre monde ; un monde où les modems grésillent, où les États-Unis envahissent l'Irak, où la France souffre d'une canicule inédite, où le syndrome respiratoire aigu sévère (Sras) fait son apparition, où le Concorde quitte le service et où le Rafale prend à peine le sien ; un monde où Vladimir Poutine a finalement bonne presse dans les chancelleries ; un monde dans lequel le capitalisme se délocalise sans crainte en Chine. La distance avec notre monde n'est rien comparée à celle qui séparera 2023 et 2043.
Pour faire face et garantir à notre pays de pouvoir encore s'y faire entendre et se défendre, il ne peut s'agir de faire la même chose avec davantage de moyens ; il faut nous projeter. Or cette LPM ne le fait pas. Elle intervient alors que l'ancienne LPM court encore. Nous avions deux ans – nous avons toujours deux ans – pour proposer une véritable loi de planification et de protection de la souveraineté. C'est une occasion ratée : le saupoudrage se poursuivra ; nos entreprises resteront vulnérables aux rachats hostiles ; nous continuerons d'importer certains des composants les plus critiques de nos systèmes d'armes ; le contrôle démocratique sur le commerce des armes restera balbutiant ; nous resterons, hélas, tributaires de dictatures telles que l'Égypte ou le Tchad – au sujet duquel, monsieur le ministre, vous avez refusé de répondre.
Avec ce texte, quel est votre objectif le plus clair ? La revue nationale stratégique (RNS), ce texte fluet, nous l'apprend : être et demeurer un allié exemplaire. Or comment cela pourrait-il suffire ? Pour notre part, nous affirmons que nous devons être indépendants, refuser l'alignement et proposer une voie tierce aux peuples qui refusent l'embrigadement au service d'un quelconque hégémonisme. En définitive, l'intérêt de la France, c'est celui de l'humanité : la paix.
Vous parlez d'autonomie stratégique européenne, mais elle ne peut exister. Votre porte-parole, M. Benjamin Haddad, a même vendu la mèche au cours du débat en précisant qu'elle est un artifice employé à la place de l'expression « souveraineté européenne », que nul ne peut accepter. Vous écrivez une nouvelle fable : Le Flou et la Chimère. Vous persistez dans des partenariats idéologiques qui nous nuiront. Je vous alerte en particulier sur la menace que le projet de char franco-allemand fait désormais peser sur nos capacités industrielles : le dessein de Rheinmetall est de se débarrasser de toute concurrence ; il y parviendra bientôt si nous n'y mettons bon ordre.
Alors que la crise écologique va susciter toutes sortes de déstabilisations et de conflits du fait des pénuries, vous remettez à demain l'objectif indispensable et urgent : préparer l'après-pétrole. De même, vous préférez camper sur l'assurance que la dissuasion nucléaire est crédible aujourd'hui plutôt que de travailler à une solution alternative à l'horizon de plusieurs décennies, si jamais elle venait à ne plus l'être.
Pour étoffer notre modèle d'armée, vous faites le choix de la réserve. Pour atteindre vos objectifs de recrutement, il vous faudra d'abord généraliser le service national universel (SNU). Ce gadget folklorique est le spectre qui hante votre LPM et une menace de plusieurs milliards qui plane au-dessus de votre programmation budgétaire.
Vous avez repoussé les objectifs capacitaires de la précédente LPM pour faire un peu de place aux secteurs que nous disions prioritaires il y a déjà cinq ans : les nouvelles frontières de l'humanité que sont l'espace, la mer et le cyber. Mais en réalité, dans ces domaines aussi, les ambitions seront finalement limitées.
Je veux aussi évoquer les outre-mer. Ils auraient dû être le point de départ de la réflexion. Il s'agit non pas d'une case à cocher, mais d'une spécificité qui fait de la France une nation universelle – la riveraine de tous les océans, la voisine de tous les peuples, la porte-parole d'une cause qui la dépasse. Or les outre-mer demeurent plutôt considérés comme un point d'appui, un patrimoine, que comme la France elle-même.
Au terme du débat, je veux redire notre gratitude envers nos soldats. Nous serons vigilants et pressants pour que leur quotidien s'améliore et que les familles soient mieux accompagnées. Il y a encore trop d'incertitude autour de l'avenir du service de santé des armées (SSA), et nous ne comprenons pas pourquoi les avancées que nous proposons pour les blessés psychiques ont été une nouvelle fois écartées.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette LPM.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Au début de la discussion générale, j'avais indiqué que cette LPM n'était pas historique, mais qu'elle était raisonnable. Aujourd'hui, elle est plus raisonnable encore.
Une loi historique aurait permis de retrouver le niveau de financement de la guerre froide, 3 % du PIB, alors que nous n'atteindrons que 2 %. M. Poutine est certainement aussi dangereux que M. Brejnev.
M. Olivier Marleix et Mme Michèle Tabarot applaudissent.
Une loi historique aurait engagé la réécriture de nos contrats opérationnels pour disposer de moyens aéroterrestres accrus, notamment de moyens organiques de niveau corps d'armée et d'une flotte dotée de davantage de navires de premier rang. Une loi historique aurait exigé au moins 40 milliards complémentaires. Néanmoins, nous connaissons l'état de nos finances publiques : tant que nous n'aurons pas défini une trajectoire soutenable, 413 milliards d'euros, ce n'est déjà pas si mal.
Monsieur le ministre des armées, vous avez fait le choix de la cohérence sur la masse. Cette LPM renforce la dissuasion, garantit une armée réellement opérationnelle, traite des nouveaux champs de conflictualité, sauvegarde les grands programmes, assure la préparation de l'avenir. La copie n'est pas sans mérites. Elle préserve la sécurité de la France, même si elle ne nous offre pas la possibilité de gagner en influence. Au moment où l'on constate le gain politique lié à notre présence en Roumanie ou en Estonie, que j'eusse aimé que nos contrats opérationnels nous permissent de faire de même, par exemple, avec nos amis polonais !
Quel marqueur fort ! Il nous aurait permis de peser davantage sur l'échiquier européen.
Cela étant, durant ces débats, nous avons obtenu beaucoup. Monsieur le ministre, vous nous avez écoutés et vous avez donné un avis favorable à une vingtaine de nos amendements avec un respect qui pourrait servir de modèle pour d'autres textes, en ces temps de majorité relative.
Nous avons obtenu l'engagement de budgétiser les 13 milliards de ressources extrabudgétaires s'ils devaient ne pas être à la hauteur des espérances. C'est essentiel. C'est une garantie de sincérité qui fait l'unanimité et nous permet de parler avec certitude d'une loi de programmation militaire de 413 milliards. Nous avons obtenu qu'un rapport au Parlement fît le point sur le Scaf et le MGCS avant les engagements budgétaires. Nous avons obtenu, pour nos outre-mer, le lancement d'un nouveau programme de bâtiments amphibies Batral – bâtiment de transport léger – et des études sur un port en eau profonde à Mayotte. Nous avons obtenu une attention particulière au financement de notre BITD – base industrielle et technologique de défense – avec, notamment, la création d'un médiateur du crédit défense.
Alors oui, notre groupe votera cette loi de programmation militaire.
« Ah ! » sur les bancs du groupe RE.
Mais ce n'est pas un chèque en blanc. Vous n'avez pas accepté de faire évoluer les marches. Une loi de programmation militaire est un subtil assemblage qui dépend des contrats opérationnels. Loin de moi l'idée de la bouleverser en visant des cibles capacitaires qui aligneraient davantage d'avions ou de blindés pour se bercer des illusions de la puissance. En revanche, nous déplorons que l'optimum de la préparation opérationnelle ne soit atteint qu'en 2030. L'entraînement, c'est le quotidien du soldat, la raison de son engagement ; vous vous êtes engagés à produire au Sénat, lors de la navette parlementaire, des informations sur ce point pour l'améliorer. C'est là qu'un effort sur les marches aurait tout son sens. Nous avons entendu vos ouvertures ; de la copie qui sortira de la chambre haute dépendra notre position finale en commission mixte paritaire.
Avant d'achever, je veux saluer la qualité de nos débats. Elle tient à la gravité de la matière : derrière nos décisions, il y a des hommes et des femmes qui se battent, parfois jusqu'à l'ultime sacrifice. Tout au long de nos travaux, j'avais en tête un major du commando Hubert qui, sur la plage arrière de la frégate Aconit, me parlait de deux de ses frères d'armes tombés au Burkina Faso dans une opération de libération d'otages. Ensemble, nous avons murmuré la prière des paras, celle de l'aspirant Zirnheld : « Mon Dieu, donne-moi ce dont les autres ne veulent pas ». En pensant à lui, je pense à la compagnie des ombres, celles qui nous ont suivis tout au long de nos débats, celles de nos collègues, d'Abel Ferry au colonel Driant, qui, comme des millions de Français, ont fait le sacrifice de leur vie. Je pense surtout à ceux qui sont tombés ces dernières années, à leurs frères d'armes, aux veuves, aux orphelins, aux parents et aux blessés qui luttent contre la souffrance physique ou morale. Je crois qu'en ayant débattu comme nous l'avons fait et en votant aujourd'hui cette loi de programmation militaire, nous témoignons, en toute humilité, le respect qui est dû à ceux qui ont tout donné à la patrie.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Nous voici arrivés au terme des débats sur le projet de loi de programmation militaire 2024-2030. Je me réjouis, avec l'ensemble des députés du groupe Démocrate, du travail de qualité que nous avons réalisé ensemble.
Nous avons eu des débats constructifs et intéressants. Nous n'étions pas toujours d'accord sur le fond mais nous avons réussi à faire aboutir ce travail collectivement et avec sérieux, tant nous étions convaincus de la grandeur de la mission qui nous incombe : garantir un modèle d'armée ambitieux pour l'avenir et les moyens à mobiliser pour atteindre cet objectif. Je tiens ici à remercier nos deux rapporteurs, Jean-Michel Jacques pour la commission de la défense et Sabine Thillaye pour la commission des lois ; vous avez effectué un travail de grande qualité, en amont et tout au long de l'examen du projet de loi. Je remercie également M. le ministre, qui a été présent durant tous les débats en commission et dans l'hémicycle, ainsi que les deux secrétaires d'État ; vous vous êtes montrés disponibles et à l'écoute, vous avez contribué au bon déroulement des discussions et je tiens à saluer votre recherche du consensus qui a favorisé l'implication de tous les groupes.
Contrairement à ce que nous avons pu entendre parfois au cours des débats, il n'y a pas de renoncement dans cette programmation.
Mme Marina Ferrari applaudit.
La loi de programmation militaire prend en compte l'ensemble de notre territoire, et tout particulièrement les outre-mer, qui méritent une présence et une protection renforcées. C'est aussi un texte ambitieux et cohérent, qui demande un effort important à la nation mais qui nous permettra de renforcer considérablement la place de la France dans le monde et la pérennité de nos armées. La dissuasion nucléaire, composante essentielle de notre défense, sera modernisée. Nos compétences dans les nouveaux champs de conflictualité comme le cyber et l'espace seront développées afin de permettre à nos armées de faire face aux nouvelles menaces. Notre capacité à passer en économie de guerre, annoncée par le Président de la République, en sera facilitée. Nous avons mieux encadré les réquisitions de personnes, de biens et de services, mais aussi la constitution de stocks. Nous donnons ainsi une meilleure visibilité aux industriels français et européens. La mobilisation de notre BITD est indispensable.
Je tiens ici à réaffirmer, au nom du groupe Démocrate, tout l'attachement que nous avons pour les programmes de coopération européens, qui seront très importants pour renforcer l'indépendance de notre continent et de la France. Avec ces partenariats solides, nous renforçons l'interopérabilité des armées et l'autonomie stratégique européenne.
Nous avons également été très vigilants sur la question des réserves. Nous sommes convaincus que le renforcement de notre modèle d'armée et de la résilience de notre nation face aux crises passe par l'engagement de nos concitoyens. Notre groupe a donc défendu plusieurs amendements visant à accompagner la montée en puissance de la réserve opérationnelle, à étendre les possibilités de s'y engager et à valoriser cet engagement. Pour renforcer le lien armée-nation, nous avons mis en avant l'importance de l'engagement et de la communication autour des réserves et du SNU. Permettez-moi de saluer Christophe Blanchet pour sa mobilisation sur ce sujet.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Le groupe Démocrate a également défendu l'amélioration des conditions de vie des militaires et de leur famille. Cette loi de programmation militaire marque notre reconnaissance envers celles et ceux qui risquent leur vie pour défendre notre nation, mais aussi envers ceux qui vivent avec eux et qui acceptent les conséquences de l'engagement opérationnel. Ils ne doivent pas être oubliés. C'est pourquoi nous avons déposé plusieurs amendements visant à mieux prendre en compte des familles de militaires. J'y suis personnellement attachée, tout comme mes collègues de la commission de la défense.
Enfin, grâce aux pouvoirs de contrôle dont le Parlement disposera et à la clause de revoyure en 2027, nous veillerons à l'application de chacun de ces objectifs sur le long terme.
Vous l'aurez compris, cette loi est nécessaire. Nos armées en ont besoin pour engager leur transformation. Il y va de notre défense et de la sécurité nationale. La transformation du contexte stratégique et la guerre en Ukraine nous imposent de définir une nouvelle trajectoire pour nos armées. Nous devons être capables de détecter et d'anticiper les menaces, actuelles et futures, et de nous en protéger. C'est une programmation budgétaire cohérente qui nous permettra de garder notre rang de puissance d'équilibre, capable de mener une coalition internationale. Nous avons tous fait des concessions. Chaque groupe a pu inscrire dans cette loi de programmation militaire des dispositions qui lui tenaient à cœur. Nous pouvons être satisfaits du travail accompli pour nos armées.
Reconnaissant de l'engagement sans faille de nos militaires au service de la nation, le groupe Démocrate votera évidemment en faveur de ce texte. Nous vous invitons, chers collègues, à être cohérents, comme l'est cette loi, et à voter également en faveur de cette loi de programmation militaire historique.
« Bravo ! et applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR.
Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je souhaite saluer tous ceux qui travaillent au quotidien au service de la nation : militaires, civils de la défense, salariés de l'industrie.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem et Écolo – NUPES.
Nous voici réunis pour nous prononcer sur le projet de loi de programmation militaire, feuille de route pour nos armées jusqu'à la fin de la décennie. C'est un document législatif fondateur au service de notre sécurité et de nos intérêts vitaux. Je voudrais tout d'abord, monsieur le ministre, saluer votre effort constant pour répondre aux interrogations du Parlement dans le cadre des débats.
Dans un contexte d'affirmation des puissances, dans un monde en profonde mutation connaissant des ruptures technologiques majeures, cette loi de programmation militaire constitue une étape d'affirmation pour la nation française. Elle affirme notre profond attachement aux coopérations : européenne, au sein de l'Alliance atlantique, avec nos partenaires géographiques. Elle confirme la politique de dissuasion nucléaire, qui représente une garantie, celle de la paix sur l'ensemble du territoire national et européen.
Au cours du débat, nous avons trouvé des points d'entente que plusieurs de nos amendements, adoptés, sont venus consolider, mais aussi des points de renforcement et d'affirmation : la souveraineté nationale dans l'industrie de défense, nos services de renseignement, la lutte contre les influences étrangères, la protection de nos intérêts vitaux sur terre, en mer et sous la mer. Si des points de compromis existent, ils ne suffisent pas à éluder un certain nombre de nos divergences.
Dans les médias, monsieur le ministre, vous avez annoncé que cette loi de programmation militaire était aussi historique qu'ambitieuse.
Il est vrai que le Gouvernement investit 413 milliards d'euros pour nos armées, témoignant d'une réelle volonté d'action. Mais, dans ce cas, pourquoi cette loi historiquement ambitieuse reporte-t-elle l'effort financier massif après 2027 ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
Ne devrait-il pas intervenir dès le début de la programmation, plutôt qu'au début du mandat présidentiel suivant ?
Rappelons que les 413 milliards annoncés incluent 30 milliards pour absorber l'inflation et 100 milliards de reste à charge de dépenses déjà engagées. Cela ramène l'effort réel bien en deçà de la somme historique annoncée. À cet égard, nos doutes persistent.
« Nécessité d'un choc indiciaire » : c'est dans ces termes que le Conseil supérieur de la fonction militaire a formulé les attentes du personnel. On risque sa vie pour la nation, mais pour quelle reconnaissance ? À l'unanimité, les représentants du personnel pointent l'urgente nécessité d'améliorer le pouvoir d'achat. Quelle valorisation pour le personnel en mobilité chronique qui subit la crise du logement ? Comment moderniser les infrastructures des bases ? Nous nous félicitons du plan « famille » et du plan « blessés », dispositifs pérennes destinés à mieux les accompagner concrètement. Mais comment résoudre les grands enjeux de fidélisation ? Pérenniser les carrières, limiter la contractualisation, endiguer la fuite vers le privé : il faudrait surmonter la crise qui n'épargne pas les militaires et les civils de la défense.
En matière capacitaire, ce projet nous semble manquer d'ambition et les orientations proposées ne nous semblent pas dessiner un modèle d'armée suffisant. Vous déshabillez Pierre pour habiller Paul en démembrant certains de nos régiments – chars, infanterie – au profit d'autres branches de nos armées. Nous devons nous interroger sur notre capacité à nous engager dans un conflit de haute intensité. Sommes-nous aujourd'hui aptes à porter l'étendard d'une nation-cadre, à piloter l'effort de guerre européen ?
La guerre étant revenue sur notre continent, cette loi de programmation militaire représente un moment de réflexion dans un contexte géopolitique durablement marqué. Puisque nous sommes la deuxième nation maritime du monde, il faut nous donner les moyens de nos ambitions : politique, économique, environnementale.
M. Arthur Delaporte et Mme Anna Pic applaudissent.
L'actualité nous rappelle que les tensions sont vives sur les mers du globe pour contrôler ou piller les ressources que notre nation s'engage à protéger. Parce que l'urgence climatique est désormais une réalité, nous devons aussi anticiper ses conséquences dans des situations d'instabilité et prendre nos responsabilités. L'absence de Livre blanc ne nous permet pas de comprendre le récit fondateur de vos choix stratégiques. Dans un contexte chahuté, comment se raconter, comment s'affirmer ? Quelles priorités pour nos armées ? Nous avons besoin de tirer les leçons du conflit ukrainien.
Monsieur le ministre, si nous partageons plusieurs affirmations fortes pour nos armées, nous n'avons pas trouvé de réponses satisfaisantes à des questionnements majeurs. Notre vote intervient à l'issue d'une première lecture. L'examen de ce projet de loi se poursuit désormais au Sénat, où nos collègues du groupe socialiste vous ont déjà transmis une série de questions. Nous serons particulièrement attentifs à vos réponses. Au vu de l'ensemble de ces éléments, les députés socialistes s'abstiendront.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Pour examiner le projet de loi de programmation militaire, nous avons accompli un marathon de quatre semaines qui s'achève aujourd'hui. Nous pouvons nous féliciter de la bonne tenue des débats, mais aussi de leur exhaustivité. Chacun des groupes, au sein de l'hémicycle, a eu l'occasion de défendre sa conception, fût-elle contradictoire, de la place de la France dans le monde, en examinant les alliances et les choix stratégiques de notre pays pour les sept prochaines années.
Nous faisons le choix de renouveler notre engagement auprès de nos partenaires européens et atlantiques, et de nous engager tout aussi résolument en faveur de la modernisation de notre dissuasion nucléaire et du renouvellement d'un modèle d'armée robuste et cohérent, adapté à des engagements plus durs.
Notre groupe se félicite des réelles avancées qu'il a obtenues sur ce texte, grâce à la majorité qui a bien souvent travaillé dans un esprit constructif avec l'ensemble des sensibilités représentées au sein de l'Assemblée.
Ces avancées concernent d'abord et avant tout les femmes et les hommes qui se battent chaque jour pour préserver notre sécurité et celle de nos alliés, parfois jusqu'au sacrifice suprême. Pour les militaires, leurs conjoints et leurs enfants, nous avons porté haut les ambitions du plan « famille 2 ». C'est un investissement durable de 750 millions d'euros, réalisé au plus près des territoires et des collectivités. Nos militaires seront ainsi mieux protégés en opération extérieure : dès le premier jour passé sur un théâtre d'opérations, toute blessure ou maladie dont ils seraient victimes sera désormais considérée comme imputable au service.
Bruit de conversations.
De réels progrès ont aussi été consentis en faveur de notre base industrielle et technologique de défense (BITD), de nos capacités et de notre résilience cyber, mais aussi pour renforcer le contrôle parlementaire relatif à l'exécution de la future loi.
S'agissant de la BITD, nous assumons une orientation vers l'innovation de rupture tant au sein des grands groupes qu'au sein des petites et moyennes entreprises ; il importe que les armées profitent des innovations issues des entreprises du monde civil – les opérateurs de satellites par exemple. L'État pourra de même faciliter le financement des entreprises de la défense en encourageant l'orientation à son profit des investissements privés et de l'épargne des Français.
Bruit persistant.
Chers collègues, s'il vous plaît ! Je crois que vous détesteriez tous parler dans un tel brouhaha ; ayez donc un peu de respect pour l'orateur !
MM. Erwan Balanant et Laurent Croizier applaudissent.
Parce que notre BITD ne peut être souveraine et dynamique que grâce à la combinaison des commandes publiques et de l'export, nous garantissons à la fois, sur le volet capacitaire, une montée en puissance au niveau national et des partenariats renforcés au niveau européen. Grâce à notre assemblée, nos armées bénéficieront d'une filière souveraine en matière de protection des fonds marins et de navires de projection de forces pour nos outre-mer. Nous disposerons aussi, en 2028, d'une étude évaluant la possibilité de construire un deuxième porte-avions de nouvelle génération.
Nous renouvelons enfin, résolument et sans naïveté, nos partenariats privilégiés avec nos alliés les plus proches que sont la Belgique, l'Italie, l'Espagne, la Grèce, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Cette montée en puissance, dans une logique de cohérence, consent à des efforts prioritaires, parmi lesquels le nécessaire développement de notre résilience cyber. En faveur de cette dernière, nous avons ajouté de nombreuses garanties afin que les nouvelles prérogatives accordées à l'Anssi – Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information – protègent au mieux les données des utilisateurs des réseaux.
Mais c'est aussi pour renforcer le pouvoir de contrôle que nous exerçons en tant que parlementaires que nous avons su enrichir ce texte. L'actualisation de la loi de programmation militaire donnera lieu à un vote, et les commissions de la défense des deux chambres seront impliquées plus en amont dans les ajustements qui seront effectués chaque année en loi de finances.
Mes chers collègues, ne nous voilons pas la face : nous sommes confrontés à des stratégies d'affirmation de puissance accrues et à de dangereux révisionnismes. Depuis le 24 février 2022, la guerre d'agression est de retour sur notre continent ; de nouvelles conflictualités se font jour à l'est de l'Europe, en Afrique et dans l'espace indo-pacifique ; enfin, la menace terroriste n'a pas disparu, loin de là.
Le brouhaha ne diminue pas. – « Chut ! » sur divers bancs.
Nous avons donc le devoir, pour protéger nos concitoyens de l'Hexagone comme des outre-mer, de consentir à cet effort important pour nos armées. C'est aussi la garantie que la France restera un partenaire incontournable en Europe et à l'échelle internationale. Le groupe Horizons et apparentés approuve pleinement cet effort nécessaire et votera donc sans hésitation ce projet de loi de programmation militaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.
Je ne sais pas trop sur quel ton vous demander de mettre fin à vos conversations privées… Veuillez écouter dans le silence la présidente du groupe Écologiste, Mme Cyrielle Chatelain, à qui je donne maintenant la parole.
Nous ne pouvons pas ignorer le climat particulier dans lequel s'inscrit ce projet de loi de programmation. Suite à l'agression de l'Ukraine par la Russie, la guerre frappe à nouveau l'Europe. Hier, nous apprenions la destruction du barrage de Kakhovka, un acte qualifié par le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, de « catastrophe humanitaire, économique et écologique monumentale ».
Dès le début de l'invasion russe, les écologistes ont plaidé pour que la France et l'Europe s'engagent concrètement pour aider l'Ukraine à maintenir sa souveraineté, ce qui passe notamment par l'envoi d'armes et de matériel de défense et de secours. Ne vous y trompez pas, les écologistes n'ont pas oublié leurs engagements pacifistes et humanistes.
Au contraire, lorsqu'il s'agit de faire face à une agression militaire et à des crimes de guerre, à l'attaque d'un autocrate contre nos valeurs et contre tout un peuple, nous n'hésitons pas à prendre nos responsabilités. Je suis par ailleurs certaine que l'hémicycle peut faire silence pendant une minute, au moins, pour écouter ce que nous avons à dire sur la Russie, sur l'Ukraine et pour nos militaires…
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC. – Mme Natalia Pouzyreff applaudit également.
Alors oui, je vous le dis : c'est un esprit de responsabilité qui a guidé les écologistes lors de l'examen de cette loi de programmation. Et je souhaite souligner la qualité de nos débats et la capacité d'écoute dont a fait preuve M. le ministre, que je remercie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Nous avons eu le temps de confronter nos analyses et d'exposer nos divergences. Je pense par exemple à nos échanges sur la dissuasion nucléaire, qui fait bien trop souvent l'objet d'un évitement démocratique. L'inscription du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) dans le rapport annexé est un symbole fort, même si nous pensons bien sûr qu'il faut avancer encore plus clairement pour aboutir à une décision d'interdiction multilatérale de ces armes. Mais nous l'admettons : c'est une avancée.
Les écologistes défendent une vision humaniste de la sécurité, car la défense ne se limite pas à l'outil militaire. La paix et la stabilité se construisent politiquement, en prenant en compte les aspects diplomatiques, sociaux et économiques des questions géopolitiques. La vision que nous défendons est développée depuis 1994 par l'ONU, grâce au concept de sécurité humaine. Cette logique permet d'intégrer plus fortement les droits humains et la protection des populations, et c'est pourquoi nous avons défendu l'augmentation des moyens accordés à la diplomatie. Une telle approche permet de mieux répondre aux nouvelles insécurités de ce siècle, qui ne se limitent pas aux conflits étatiques. Terrorisme, troubles socio-économiques, catastrophes naturelles et climatiques, pandémies : la LPM comporte trop de points aveugles sur ces questions.
C'est pourquoi nous regrettons que le texte rate l'occasion d'adapter véritablement notre défense aux défis du temps. La question du climat en est l'exemple majeur : malgré des avancées – qui restent très timides –, les bouleversements stratégiques majeurs entraînés par le changement climatique sont encore largement sous-estimés, et les efforts de résilience et de sobriété consentis par nos armées pour décarboner leurs activités et pour limiter l'usage de ressources en voie de raréfaction sont bien trop timides.
Un autre regret ne nous quitte pas. Vous le savez, les écologistes sont pleinement engagés en faveur de l'Europe de la défense et c'est vrai, des avancées ont eu lieu grâce à nos amendements. Mais elles restent bien trop timides, elles aussi : nous l'affirmons, l'Europe de la défense est le seul chemin pour que l'Europe et la France conservent une voix forte dans le monde.
Avant l'agression russe, les pays de l'Union européenne disposaient de 2 millions de personnes sous l'uniforme et consacraient 200 milliards d'euros par an à leur défense ; cela représente un tiers des dépenses mondiales. Imaginez les gains d'efficacité, aussi bien financiers qu'opérationnels, que représenterait l'avènement d'une Europe de la défense ! C'est l'un des outils susceptibles de garantir la stabilité et la paix dans le monde.
Enfin, puisqu'il s'agit d'une loi de programmation, il nous faut tout de même parler de politique budgétaire. Cette loi augmente de 118 milliards d'euros sur six ans le budget de nos armées. Oui, c'est un besoin vital ; nous ne le contestons pas. Mais des besoins vitaux, il y en a tellement ! Et si l'armée a besoin d'investissements, nous plaidons également pour que des investissements soient réalisés dans l'ensemble des autres secteurs vitaux de l'État : l'école publique, l'hôpital et, bien évidemment, tout ce qui concerne la transition écologique.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Vous avez été incapables de faire voter une loi de programmation des finances publiques, et vous êtes tout aussi incapables de réunir une majorité pour voter vos projets de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes.
Mêmes mouvements.
Nous vous le disons : il existe une solution qui vous permettrait de réunir une majorité, et elle a trait aux investissements. Investissez autant dans l'école, dans l'hôpital et dans la transition énergétique que dans l'armée, et vous trouverez une majorité !
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC. – M. Sébastien Jumel applaudit également.
Vous l'aurez compris, les écologistes voteront dans un esprit de responsabilité : ils s'abstiendront, tout en nourrissant de nombreux regrets quant à cette loi de programmation militaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Mme Christine Arrighi et M. Benjamin Lucas, continuant d'applaudir, se lèvent.
Merci, madame Chatelain. Je ne sais pas si je dois me réjouir de voir que vos appels au silence ont été aussi peu entendus que les miens.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 548
Nombre de suffrages exprimés 495
Majorité absolue 248
Pour l'adoption 408
Contre 87
Le projet de loi est adopté.
De nombreux députés des groupes RE, RN, Dem et HOR se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures cinq.
L'ordre du jour appelle le débat consacré à la restitution des travaux des commissions des finances et des affaires sociales sur le Printemps de l'évaluation.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Le Printemps de l'évaluation a été institué en 2018 pour nourrir et renforcer l'évaluation des politiques publiques à l'Assemblée nationale. Il prend la forme de commissions d'évaluation des politiques publiques (CEPP) et vient compléter l'examen du projet de loi de règlement qui se déroule à la même période de l'année.
Constatant les limites du format précédent – un vrai pudding –, nous avons choisi, avec le rapporteur général, de le repenser légèrement afin d'améliorer la qualité du temps d'examen consacré à ces évaluations. Nous avons donc pris la décision conjointe, validée par le bureau de la commission des finances, de répartir sur deux ans l'examen des thèmes d'évaluation et de réduire ainsi, chaque printemps, leur nombre de moitié, de façon à se concentrer sur les sujets dont l'intérêt est particulièrement prégnant ou qui sont en lien avec l'actualité.
Les CEPP, qui se sont tenues en commission des finances depuis le 9 mai et jusqu'à ce matin, ont donc permis la présentation, en présence du ministre concerné, de vingt-cinq travaux d'évaluation d'une politique publique, tandis que l'exécution du budget 2022 a été évoquée au cours de vingt-deux discussions.
Au cours des quarante-deux heures consacrées à ces travaux en commission, nous avons donc pu nous pencher sur des sujets aussi variés qu'importants et dégager quelques grandes lignes de force. L'une d'elles est la situation inquiétante dans laquelle se trouvent un certain nombre de politiques publiques.
Citons la médecine scolaire, qui, selon le rapport de Robin Reda, manque cruellement de personnels et de moyens pour accomplir les missions qui lui incombent ; les écoles nationales d'architecture, qui peinent à offrir des conditions satisfaisantes à leurs étudiants, comme le constate Alexandre Holroyd ; les Services départementaux d'incendie et de secours, qui, selon Florian Chauche, ont grand besoin de voir leurs effectifs et leurs matériels renforcés compte tenu de la multiplication des situations d'intervention – feux, catastrophes naturelles etc. ; la recherche polaire, étudiée par Mickaël Bouloux, dont l'équilibre financier est précaire et qui souffre d'un conflit avec l'administration des Terres australes et antarctiques françaises ; la délivrance des cartes d'identité et des passeports, qui connaît une crise sans précédent marquée par des délais d'attente devenus insoutenables, comme le montre le rapport de M. Charles de Courson ; les transports collectifs, confrontés, selon Christine Arrighi et Eva Sas, à des enjeux de financement de moyen et long terme mal appréhendés. Je pourrais en citer d'autres. Dans toutes ces situations, analysées par des rapporteurs venant de tous les bancs, des améliorations sont nécessaires.
Autre ligne de force : les rapports permettent de dégager des propositions que l'exécutif gagnerait à prendre en compte et à appliquer.
Ainsi, le développement d'une plateforme favorisant le recours à l'ingénierie par les collectivités ultramarines en Guyane et en Martinique, proposé par Christian Baptiste et Karine Lebon, est une piste méritant d'être exploré. De son côté, Perrine Goulet, étudiant la contractualisation entre l'État et les collectivités pour la stratégie de lutte contre la pauvreté et la protection de l'enfance, a pu observer les grandes difficultés de coordination que connaissent les acteurs et l'abandon total par l'État du champ politique de la petite enfance. Autre exemple : en matière de statistiques, le rapport de Michel Sala met en lumière l'enjeu fondamental que constitue l'accès des services de statistique publique – et de l'Insee au premier chef – aux données privées. Quant aux dispositifs de soutien à la rénovation énergétique de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), ils doivent permettre un meilleur accompagnement et un meilleur traitement des demandes. François Jolivet, qui les a évalués, montre la nécessité de créer un cadre réglementaire et financier propice aux rénovations plus globales.
Troisième ligne de force : certains choix politiques peuvent se révéler peu évidents, voire contestables.
Le développement depuis 1998 des obligations assimilables du Trésor indexées sur l'inflation (OATI) a permis pendant une décennie de refinancer l'endettement à moindre coût, mais, dans la situation d'inflation forte que nous traversons, il devient, selon le rapport de Kévin Mauvieux, une source d'alourdissement brutal et imprévu de la charge de la dette. Les dépenses excessives engagées dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne… Retirons le qualificatif et disons que les dépenses engagées au premier semestre 2022 et la mise en place trop tardive du secrétariat chargé d'organiser cette présidence ont été pointées dans le rapport de Marie-Christine Dalloz. Enfin, la tentative du Gouvernement de transférer les compétences de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l'IRSN, à l'ASN, l'Autorité de sûreté nucléaire, pousse à s'interroger : plutôt que de remettre en question notre précieux système dual en matière de sûreté nucléaire, l'enjeu, selon Alma Dufour et Sébastien Rome, semble être d'articuler leur action de façon pertinente et efficace.
Conscient que la quantité de sujets abordés puisse paraître rébarbative au premier regard, je me permets de vous inviter malgré tout, chers collègues, à traiter à sa juste valeur la richesse des rapports qui ont été produits. Que vous soyez ou non membre de la commission des finances, n'hésitez donc pas à les consulter, dans la mesure où les sujets abordés peuvent concerner vos commissions ou vos circonscriptions – ou tout simplement parce qu'ils sont d'intérêt général.
Ayez en tête que chacun d'entre eux a été minutieusement choisi par un rapporteur conscient des enjeux de la mission dont il suit l'exécution, et a fait l'objet d'enquêtes et d'auditions riches en enseignements. Je tiens à féliciter leurs auteurs, ainsi que les administrateurs et administratrices dont l'investissement sans faille a rendu possible cette séquence enrichissante pour l'ensemble de notre assemblée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Institué en 2018 par notre majorité, le Printemps de l'évaluation est une démarche parlementaire transpartisane qui tend à répondre à une anomalie de notre calendrier budgétaire classique : alors que l'examen des crédits proposés dans le projet de loi de finances fait l'objet de débats approfondis à l'automne, celui du projet de loi de règlement ne donnait lieu à aucune analyse de leur exécution ni aucune évaluation des politiques publiques associées.
De ce constat est née l'idée qu'il fallait un temps parlementaire, en mai ou juin, au cours duquel chaque ministre serait tenu de rendre compte devant la commission des finances de son action au cours de l'année précédente. Les rapporteurs spéciaux seraient ainsi chargés de conduire la réflexion parlementaire en reliant la prévision budgétaire et son exécution et en faisant valoir des éléments d'évaluation des politiques publiques.
Je pense qu'un tel schéma est bon. Il est sain que chaque membre du Gouvernement soit confronté, en direct et en présence des députés, aux interrogations de tous les groupes politiques relatives à son action budgétaire et aux actions qu'il a menées.
Ce travail nécessite beaucoup d'organisation, de temps et d'implication. Cette année, nous aurons tenu vingt et une CEPP, une quarantaine d'heures de débats échelonnés sur un peu plus de quatre semaines. En commission des finances, vingt-cinq ministres auront répondu à toutes les questions posées. Presque cinquante fiches d'exécution des crédits, rédigées par les rapporteurs spéciaux, auront nourri ces débats. Vingt-cinq rapports d'évaluation ont été ou seront prochainement publiés.
Je voudrais revenir rapidement sur trois de ces rapports – choisis arbitrairement, je le dis avec sincérité, tant ils mériteraient tous d'être évoqués.
Stella Dupont et Mathieu Lefèvre nous ont présenté le bilan des deux premières années d'application du dispositif visant à répartir sur le territoire métropolitain l'accueil des primo-demandeurs d'asile, afin de corriger certains déséquilibres géographiques enregistrés lors du dépôt des demandes. Nos collègues ont ainsi mis en lumière qu'au-delà des grands débats nationaux, des politiques publiques liées à l'immigration sont possibles et peuvent être efficaces. Ils constatent une meilleure répartition de l'hébergement des primo-demandeurs d'asile sur le territoire national, malgré certains points de tension localisés. Leurs propositions visent notamment à améliorer l'action publique par l'implication d'autres acteurs : l'éducation nationale, les collectivités territoriales et, dans une certaine mesure, les employeurs.
Notre collègue Patrick Hetzel a choisi d'évaluer le programme immobilier pénitentiaire qui prévoit la création nette de 15 000 places de détention entre 2018 et 2027. Il constate un retard substantiel dans son exécution et son sous-dimensionnement face à l'augmentation constante de la population carcérale. Ce travail a donné lieu à des échanges stimulants avec le garde de sceaux et à des réponses précises sur des sujets très variés, qu'il s'agisse des raisons de la tendance à l'augmentation de la population carcérale, de la difficulté de décliner avec les élus locaux une politique nationale sur des territoires très différents les uns des autres ou de la difficulté de l'administration centrale à gérer l'ingénierie et les modalités juridiques et financières d'un programme immobilier massif et spécifique.
Nos collègues Christine Arrighi et Eva Sas ont présenté une étude relative aux modalités de financement des transports en commun et collectifs, en s'attachant particulièrement à la situation financière des autorités organisatrices de la mobilité, à la situation des trains d'équilibre du territoire ainsi qu'au lancement des RER métropolitains. Même si je reste réservé sur la volonté de nos collègues d'augmenter la fiscalité, je trouve que leurs constats sur les sujets de financement sont importants et seront utiles pour nos travaux à venir. Il n'y aura pas de transition écologique dans les transports sans une programmation des moyens, sous une forme ou sous une autre. Du reste, il est nécessaire de disposer d'une photographie du plus ou moins bon fonctionnement des outils ferrés dont nous disposons. Le travail de nos collègues y contribue et je les en remercie.
Je voudrais saluer à mon tour le travail de chacun des rapporteurs spéciaux et la volonté des ministres de répondre aux questions de tous les parlementaires. Je remercie également le bureau de la commission des finances et son président qui a conduit une réflexion pour moderniser l'indispensable exercice du Printemps de l'évaluation. Je remercie enfin tous les administrateurs pour la somme de travail colossale réalisée en si peu de temps.
Je vous donne rendez-vous à l'examen du projet de loi de finances pour 2024 afin d'appliquer certaines de ces recommandations, et à l'année prochaine pour tester de nouvelles idées afin de dynamiser et de fluidifier nos échanges et nos travaux en commission. Il nous faudra aussi élargir les débouchés du Printemps de l'évaluation en séance publique, sans doute par un usage plus large de l'exercice de la proposition de résolution. Nous allons en examiner deux cet après-midi, ce qui nous donnera l'occasion de constater qu'elles sont un moyen précieux de valoriser les travaux réalisés par les rapporteurs spéciaux.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Pour la commission des affaires sociales, l'exercice du Printemps de l'évaluation revêt un caractère particulier : non seulement il s'agit du premier de la législature, mais c'est aussi la première fois qu'est appliqué le calendrier prévu dans la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) défendue lors de la précédente législature par Thomas Mesnier, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales, à qui je tiens à rendre hommage pour la qualité du travail accompli.
L'enjeu n'a pas changé : si nous votons des LFSS riches de très nombreuses améliorations concernant des politiques publiques variées et importantes pour la vie de nos concitoyens – la santé, l'autonomie, la famille, la vieillesse, les accidents du travail et les maladies professionnelles –,…
…nous n'avons accompli, une fois ces textes adoptés, que la moitié de la mission que nous assigne l'article 24 de la Constitution, à savoir voter la loi, mais aussi contrôler l'action du Gouvernement et évaluer les politiques publiques. Nos concitoyens attendent de nous que nous évaluions mieux l'application des textes adoptés par le Parlement : une telle démarche est nécessaire pour renouveler leur confiance dans nos institutions démocratiques.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Or la commission des affaires sociales a la chance de disposer, depuis près de vingt ans, d'un organe dédié à l'évaluation des LFSS, la Mecss – mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. Si cette dernière procède, bien entendu, à des évaluations de long cours – elle a d'ailleurs déjà lancé, dans la perspective du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), un travail de contrôle de l'efficacité des exonérations de cotisations sociales, confié à nos collègues Marc Ferracci et Jérôme Guedj –, c'est aussi à elle que revient l'organisation du Printemps social de l'évaluation.
La Mecss est d'autant plus utile que, depuis son origine, elle est transpartisane, ce qui – encore davantage sous cette législature – permet des échanges et des débats sereins et constructifs. Elle est en effet coprésidée par un membre de la majorité et un membre de l'opposition. Je saisis d'ailleurs cette occasion pour saluer le travail des deux coprésidents, Cyrille Isaac-Sibille et Jérôme Guedj : avec la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, Stéphane Rist, que je remercie également pour son implication, ils ont mobilisé efficacement la Mecss et ses différents rapporteurs, issus de la quasi-totalité des groupes politiques qui composent l'Assemblée.
Certains orateurs, à commencer par la rapporteure générale, y reviendront plus en détail, mais les conclusions et propositions des rapporteurs thématiques méritent d'être entendues, d'autant qu'elles portent sur des questions qui touchent de très près nos compatriotes. Cette année, en effet, les rapporteurs ont évalué plusieurs mesures fortes adoptées par la majorité et déployées par le Gouvernement : les mesures relatives à la fiscalité comportementale prises à la faveur du virage de la prévention, notamment pour lutter contre l'obésité et des conduites addictives ; les nouvelles missions confiées à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et sa transformation en véritable branche de la sécurité sociale après la création de la cinquième branche dédiée à l'autonomie et à l'accompagnement de nos aînés ; la constitution du Fonds d'indemnisation des victimes de pesticides (FIVP), destiné à venir en aide aux professionnels exposés, dans le cadre de leur activité, à des produits nocifs pour leur santé ; les innovations récentes en matière de financement des établissements de santé, susceptibles d'ouvrir de nouvelles pistes pour permettre un meilleur accès aux soins ; l'instauration du dispositif MonParcoursPsy, qui permet à chacun de bénéficier chaque année de huit séances remboursées chez un psychologue ; ou encore la prise en charge des entretiens postnataux proposés aux jeunes mamans afin de les accompagner dans cette période de changements et surtout de prévenir les dépressions.
Sourires.
Après de nombreuses auditions qui ont nourri ces rapports thématiques, un échange a eu lieu en commission avec les responsables des caisses nationales et des administrations centrales. Je tiens d'ailleurs à remercier ces derniers pour leur participation active et constructive à nos travaux. Nos réunions ont également permis de procéder à un examen plus large de la situation des différentes branches – assurance maladie, autonomie et accidents du travail – ainsi que de l'équilibre général de la sécurité sociale. L'ensemble de ces évaluations et le compte rendu de nos réunions ont fait l'objet d'un rapport d'information qui contribuera à éclairer nos concitoyens.
Vous l'aurez compris : je suis convaincue que l'ensemble de ce travail émanant à la fois de la Mecss, de la commission des affaires sociales et de l'Assemblée réunie ici en séance publique, nous permettra de construire ensemble des politiques publiques qui répondront de manière plus efficiente aux attentes et aux inquiétudes des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. François Gernigon applaudit également.
La parole est à Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale de la commission des affaires sociales.
Après deux exercices menés en 2020 et en 2021, au cours de la précédente législature, la commission des affaires sociales a renoué cette année avec la pratique du Printemps social de l'évaluation, faisant ainsi la preuve de l'inscription de cette démarche dans la durée. Conscients de la rapidité avec laquelle les dispositions des lois de financement de la sécurité sociale sont parfois examinées à l'automne, les membres de la commission des affaires sociales s'assurent désormais, au printemps, de leur bonne application.
Comme au cours des exercices précédents, les évaluations ont abouti à l'audition, dans le cadre de tables rondes, des représentants des principales administrations et caisses chargées de l'application des dispositions examinées. Ces trois tables rondes ont été, grâce au travail préalable des rapporteurs, l'occasion d'échanges nourris et approfondis. Je me réjouis à la fois de la densité du travail d'évaluation qui a été conduit et de la diversité des questions abordées, lesquelles ont porté sur des politiques aussi variées que la prévention et la réparation de l'exposition aux pesticides, le rôle de la CNSA, le dispositif MonParcoursPsy, les entretiens postnataux obligatoires, ou encore la fiscalité comportementale.
Je me suis, pour ma part, concentrée sur les dispositions relatives aux innovations récentes en matière de financement des établissements de santé. Alors que le Président de la République a défini un objectif consistant à transformer le financement de ces établissements et à s'orienter vers une rémunération liée à des objectifs de santé publique, il me semble indispensable de faire le point sur les mesures que nous avons déjà adoptées en ce sens. Car la volonté de sortir du tout-T2A – tarification à l'activité – et l'ambition consistant à asseoir la rémunération des hôpitaux sur les besoins de la population et les parcours des patients en la soumettant à des objectifs de qualité, étaient déjà au cœur de la stratégie Ma santé 2022 que notre majorité défend depuis 2018. Nous sommes d'ailleurs loin d'avoir été attentistes en la matière : je me suis limitée à évaluer trois articles du PLFSS, mais j'aurais pu aussi bien en choisir quinze.
En effet, ces dernières années ont constitué une période d'évolutions rapides en matière de financement. Les établissements de santé ont fait l'objet de nombreuses réformes, que celles-ci aient concerné les services des urgences, la psychiatrie, les hôpitaux de proximité ou les soins de suite et de réadaptation. Ces réformes ambitieuses sont de nature à remodeler en profondeur le financement de pans entiers de l'activité hospitalière, en s'appuyant sur trois principes structurants : des modalités de financement communes pour l'ensemble des établissements, indépendamment de leur statut ; l'émergence d'une dotation populationnelle, c'est-à-dire calibrée en fonction des besoins du territoire ; la montée en charge d'un financement modulé en fonction de critères de qualité.
La réforme des hôpitaux de proximité me semble, à ce titre, particulièrement pertinente : leur financement par une dotation populationnelle leur confère un rôle vraiment stratégique à l'échelle locale, en lien avec les acteurs de la médecine de ville. Le modèle est lisible, relativement simple à appliquer et conçu en concertation avec les acteurs concernés.
Si nous avons donc fait preuve d'une réelle ambition réformatrice en matière de financement, celle-ci s'est malheureusement arrêtée aux frontières de l'hôpital. C'est là, à mon sens, que l'action entreprise jusqu'à présent trouve sa limite. Faute d'avoir fait converger les modes de rémunération des professionnels, notamment entre ceux exerçant en ville et ceux exerçant à l'hôpital, nous ne sommes pas parvenus à transformer véritablement le financement du système de santé. C'est pourtant ce vers quoi il faudrait tendre : pour développer la prévention, améliorer les parcours, renforcer la pertinence des actes et améliorer le bien-être au travail des professionnels, il importe de surmonter les cloisonnements. Je suis convaincue que nous devons aller dans cette direction. En ville comme à l'hôpital, les mêmes missions doivent être rémunérées de la même manière ; partout, l'engagement des professionnels doit être valorisé et leur rémunération doit être fixée au juste prix. C'est à l'aune de ces enseignements, me semble-t-il, que nous devrons aborder les futures réformes du financement dans le cadre des prochains PLFSS.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions.
Le Printemps de l'évaluation est un exercice permettant aux membres de la commission des finances d'abord, puis à l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale réunis en séance publique, d'exercer un véritable suivi de l'action du Gouvernement pendant l'année écoulée. L'audition des membres du Gouvernement et les rapports thématiques permettent d'interroger l'administration sur des aspects qui, sans leurs réponses, resteraient peu clairs. Tout cela s'inscrit dans le cadre du chaînage vertueux qui consiste à tenir compte de l'efficacité de la dépense publique lors des années passées avant de voter les crédits de l'année suivante.
S'agissant du contrôle de l'exercice budgétaire 2022, je reviendrai sur trois points. Le premier concerne les éléments transversaux que nous avons recueillis. D'abord, il est regrettable que les indicateurs de performance, censés mesurer l'efficacité des dépenses de l'État, soient parfois non pertinents et que, bien trop souvent, ils ne nous soient même pas transmis. Comment évaluer, par exemple, la politique de santé publique lorsque la représentation nationale ne connaît pas le taux de participation au dépistage du cancer colorectal ni la prévalence du tabagisme quotidien ?
Ensuite, l'importance des transferts, des annulations et des reports de crédits en cours d'exercice réduisent considérablement la lisibilité de l'exécution des crédits votés par le Parlement. Cette pratique contrevient, dans une certaine mesure, aux principes d'annualité et de spécialité budgétaires. Elle réduit par ailleurs de manière significative la marge de manœuvre des administrations et du Parlement. Je pense ici au montant des restes à payer, pour lesquels l'État s'est engagé financièrement et qu'il devra bien régler tôt ou tard.
Enfin, l'investissement reste un sujet particulièrement délicat. Les dépenses consenties dans le cadre du plan de relance et du plan France 2030 ont été inférieures à 20 milliards d'euros en 2022 et n'ont représenté que 4 % du budget général de l'État.
Deuxièmement, j'évoquerai pêle-mêle certains des grands motifs de préoccupation qui nous animent en vue de l'élaboration du projet de loi de finances (PLF) pour 2024 et des années à venir. La gestion immobilière du Quai d'Orsay est à parfaire : le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a cédé plus de 180 biens, d'un montant total de près de 800 millions d'euros, au cours des quinze dernières années, au point qu'on peut parler d'une dilapidation du patrimoine de l'État. L'efficacité des travaux du comité de programmation immobilière reste en outre à démontrer clairement.
Pour ce qui est de la mission "Administration générale et territoriale de l'État" , la diffusion de la propagande électorale reste perfectible : la numérisation espérée par certains pourrait constituer une avancée, à condition toutefois de ne laisser aucun public de côté – cette réserve vaut d'ailleurs pour la numérisation des autres services publics.
S'agissant du logement, la mobilité des locataires dans le parc social atteint un point bas particulièrement inquiétant de 5 % en zone A. Cet état de fait traduit la difficulté des ménages à intégrer le parc locatif privé et, plus encore, à accéder à la propriété. Pour mémoire, la hausse d'un point de mobilité dans le parc social réduirait le besoin de construction de près de 47 000 places. En ce qui concerne le second plan quinquennal pour le logement d'abord et la lutte contre le sans-abrisme, dit plan « logement d'abord », si l'annonce de 160 millions d'euros supplémentaires est à saluer, il faut également sanctuariser les places du parc d'hébergement d'urgence. Rappelons que la première édition du plan avait permis d'attribuer des logements sociaux à plus de 122 000 personnes entre 2017 et 2022.
Les résultats du soutien à l'apprentissage sont quant à eux inégaux : seuls deux apprentis sur trois occupent un emploi sept mois après la fin de leur formation, alors que l'aide à l'apprentissage a coûté plus 6 milliards d'euros en 2022.
Dans l'agriculture, les difficultés d'apurement des comptes dans le cadre des financements européens restent importantes et pèsent sur les finances publiques. Si l'enseignement agricole semble être en bonne voie, les résultats de l'éducation nationale sont par ailleurs très inquiétants : un élève sur quatre ne sait pas correctement écrire lors de son entrée au collège et le niveau en mathématiques en sixième se dégrade.
Alors que le Gouvernement promeut actuellement un plan de lutte contre la fraude fiscale et sociale, le coût du projet numérique Pilat pour le pilotage du contrôle fiscal, déployé par la direction générale des finances publiques (DGFIP) dans le but de faciliter les contrôles opérés par les vérificateurs, a vu son coût tripler et connaît un retard d'au moins quatre ans. Il n'est toujours pas opérationnel, alors que les effectifs de la DGFIP et de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) ont diminué de près de 4 000 équivalents temps plein depuis 2000.
S'agissant de la culture au sens large, la situation financière de la Bibliothèque nationale de France pourrait rapidement déraper en raison du poids des dépenses de personnel et des surcoûts liés aux grands travaux. Quant au pass culture, s'il constitue plutôt un succès, il ne permet pas de soutenir suffisamment le spectacle vivant.
En matière de sécurité, on peut s'inquiéter de l'ancienneté du parc des avions de la sécurité civile, qui engendre des indisponibilités et des surcoûts de maintenance, alors que les feux de forêts sont toujours plus nombreux et destructeurs. Le Président de la République a d'ailleurs annoncé la livraison de quatre nouveaux Canadair, d'un avion Dash et d'hélicoptères, mais leur positionnement géographique doit encore être précisé.
Pour ce qui est des Jeux olympiques et paralympiques, la crédibilité de l'indicateur de respect de l'équilibre budgétaire des ouvrages sportifs est faible, tant sa construction est biaisée. Savez-vous, chers collègues, qu'un ouvrage sur quatre n'entre pas dans son périmètre et que des dépassements de 10 % du budget initial sont considérés comme respectant la trajectoire de financement ?
Troisième – et, rassurez-vous, dernière – remarque : je tiens à m'attarder sur la situation de nos territoires insulaires, dont l'importance est si grande, à l'image des défis auxquels ils font face.
Tout d'abord, on peut saluer les différents plans d'investissements dans les infrastructures. Je pense à la nouvelle route du littoral à La Réunion, à la construction d'une piste et de bâtiments scolaires ainsi qu'au regroupement des services de la préfecture à Mayotte, ou encore à la construction d'un hôtel de police et d'une base hélicoptère en Guadeloupe.
Nous espérons la poursuite du soutien de l'État pour les communes en difficulté financière, par exemple en Corse, en Guadeloupe, à La Réunion et à Mayotte. Bien souvent, une aide annuelle ne suffit pas à retrouver un équilibre. En ce qui concerne la Guadeloupe, nous restons vigilants sur les actions de l'ARS, l'agence régionale de santé, pour la lutte contre le chlordécone. Nous suivons également avec attention les crédits et actions des agences des cinquante pas géométriques.
Par ailleurs, il n'est pas normal que les indicateurs de la mission "Enseignement scolaire" ne soient jamais renseignés pour Mayotte. Nous suivons de près les conséquences de l'ouverture d'une antenne de l'Ofpra, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, à Mayotte en octobre 2022 et le déploiement du contrat d'intégration républicain. Par ailleurs, la police nationale constate la forte augmentation des violences intrafamiliales et des cambriolages. Enfin, s'agissant de l'immigration, l'acquisition de nouveaux véhicules et d'un intercepteur ne permet pas de lutter contre les trafics des passeurs.
À Saint-Pierre-et-Miquelon, l'État s'engage dans le financement du second degré – deux collèges et un lycée sont concernés, un soutien matériel étant apporté à l'externat.
À La Réunion, la stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes permet une expérimentation du repérage précoce et de l'accompagnement des personnes en difficulté. D'autre part, l'île est redevenue la principale zone de mobilisation de l'aide à la continuité à la suite de la réforme du dispositif proposé par le conseil régional. Enfin, il faut saluer la mobilisation du fonds de secours après le passage du cyclone Batsirai.
En Corse, l'offre de soins hospitaliers est à parfaire et il n'est vraiment pas normal que l'État refuse de contractualiser avec les écoles immersives alors qu'il le fait en Bretagne et au Pays basque. Par ailleurs, il est étonnant que l'objectif de remise à niveau des équipements structurants de la Corse ne soit mesuré qu'à l'aune du raccordement à la fibre optique. Enfin, on peut se féliciter de la dotation exceptionnelle ouverte dans le cadre de la loi de finances rectificative afin de contribuer au financement des délégations de service public maritime et aérien dans un contexte inflationniste.
Un mot, pour conclure, sur l'exercice même auquel nous nous livrons. Les débats et les votes sur les finances publiques sont encore trop cloisonnés. Si la méthode actuelle du Printemps de l'évaluation est perfectible, c'est surtout son périmètre qui pose désormais question.
L'État continue de vouloir faire reposer le redressement des finances publiques sur l'ensemble des administrations plutôt que de se confronter à ses propres dérives budgétaires. Or, parmi toutes les administrations publiques, seul l'État creuse le déficit des finances publiques en 2022, à hauteur de 150 milliards.
Dans ce contexte, le Printemps de l'évaluation porte sur les crédits effectivement consommés, mais presque jamais sur les relations entre l'État et les collectivités d'une part, ni entre l'État et les organismes de protection sociale d'autre part. Le programme de stabilité se concentre sur les grands agrégats tandis que le débat d'orientation – auquel nous aurions dû associer une loi de programmation – est expédié et n'a même pas encore donné lieu à un document qui aurait pu servir de support.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
D'initiative parlementaire en 2018, le Printemps de l'évaluation est devenu un rendez-vous annuel transpartisan incontournable qui nous invite à lever le stylo de l'inflation législative – autant dénoncée qu'alimentée sur tous les bancs – pour concentrer notre attention sur l'évaluation de nos politiques publiques.
Outre la nécessaire appréciation portée à l'exécution des crédits votés dans nos lois de finances pour 2022 en amont du vote de la loi de règlement, ces travaux nous permettent surtout de mettre en avant ce qui fonctionne et de tirer les enseignements de ce qui doit être corrigé, dans un contexte – faut-il le rappeler ? – marqué par 150 milliards de déficit et 3 000 milliards de dette publique.
Cette culture de la qualité, du retour d'expérience et du résultat doit irriguer tous les niveaux de l'action publique en nous obligeant à nous placer du seul point de vue qui compte : celui de l'usager. À cet égard, je veux saluer le travail conduit par la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) pour publier le fort précieux baromètre de l'action publique.
Cette séance marque la fin d'un mois de mobilisation de cinquante rapporteurs spéciaux, qui se sont penchés sur vingt-six thématiques. Nous souhaitons saluer l'ensemble du travail réalisé. Sans viser une impossible exhaustivité, j'évoquerai quelques conclusions qui se distinguent plus particulièrement selon nous et qui nous paraissent utiles pour les débats des prochains mois.
S'agissant tout d'abord du logement, un effort budgétaire et fiscal de 38 milliards a été consenti. La mise en œuvre effective du plan « logement d'abord » a permis d'offrir une solution à 440 000 personnes sans sacrifier l'hébergement d'urgence. Outre le plafonnement des loyers à 3,5 %, notons le bilan très positif du dispositif du bail réel solidaire visant à faire baisser le prix des logements – une dynamique que nous devons encore amplifier.
La rénovation énergétique des bâtiments est sans précédent grâce à l'impulsion donnée par MaPrimeRénov', puisque 670 000 logements ont été rénovés en 2022 – un chiffre inédit. Nous ne nions pas pour autant certaines difficultés. Notre collègue David Amiel propose d'ailleurs un prêt avance mutation, un instrument innovant pour mobiliser le secteur bancaire au service de la rénovation.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La politique publique du logement nécessite-t-elle encore un travail de notre part ? À l'évidence. Il tient peut-être en un mot : décentralisation. Je donnerai un seul exemple : dans les zones tendues, la loi a ouvert la possibilité pour les maires de moduler les taxes sur les résidences secondaires et sur les logements vacants. Nous attendons le décret, mais regrettons d'ores et déjà une application uniforme du critère du prix au mètre carré sur l'ensemble du territoire national.
S'agissant de la politique migratoire, 48 000 demandeurs d'asile se sont vu proposer une orientation directive, acceptée dans trois cas sur quatre. Nos rapporteurs Mathieu Lefèvre et Stella Dupont plaident pour une pérennisation de ce dispositif. On peut également se demander comment mieux mettre à profit l'hébergement citoyen des demandeurs d'asile, comme cela se pratique d'ailleurs déjà dans les Hautes-Pyrénées – et pas seulement à Lourdes pour les réfugiés ukrainiens.
Pour ce qui est des étudiants, Thomas Cazenave a eu raison de rappeler que si la France n'est pas le seul pays à proposer des repas subventionnés, nous sommes bien les seuls à pratiquer des tarifs aussi bas et universels pour des repas complets et équilibrés – 3,30 euros le tarif social et 1 euro le tarif très social. S'y ajoute la revalorisation des bourses à hauteur de 500 millions.
J'en viens à la mère des batailles : le plein emploi et le travail pour tous. Nous sommes sortis du chômage de masse, le taux de chômage de 7,2 % à la fin 2022 est inédit.
Si le chef d'entreprise recrute d'abord, certes, en fonction de son carnet de commandes, les 25 milliards de la mission "Travail et emploi" ne sont pas pour rien dans ce résultat. Je rappelle que l'on dénombre 1,7 million d'emplois créés, 200 usines ouvertes et quelque 2,6 millions de bénéficiaires du plan « 1 jeune, 1 solution », dont près de 800 000 apprentis. Nous appelons aujourd'hui de nos vœux un certain recentrage de ce dispositif.
Par ailleurs, l'État est passé d'une logique de contrôle à une logique de service. Notre administration fiscale l'a démontré durant la crise et nous l'avons également observé avec la mise en œuvre effective du droit à l'erreur.
M. Pierre Dharréville s'exclame.
Les services publics, ce sont aussi – et peut-être d'abord – les collectivités territoriales. Nous tenons à saluer la bonne santé de leurs finances, qui résulte avant tout d'une bonne gestion, mais a aussi été stimulée par la croissance et par le soutien de l'État. En 2023, pour la première fois en treize ans, la DGF, la dotation globale de fonctionnement, augmente ainsi de 320 millions dont 200 sont destinés à la ruralité. Les maires sont les premiers maillons bénévoles de la République et notre majorité les soutient.
Ainsi, ce Printemps de l'évaluation est utile et la mine de propositions présentes doit maintenant servir à la coconstruction du PLF pour 2024. Non seulement ces travaux d'évaluation doivent être pérennisés, mais ils doivent probablement être encore renforcés en donnant par exemple au Parlement la possibilité de saisir les corps d'inspection interministériels ou encore en sanctuarisant, chaque mois, une semaine qui serait consacrée à des thèmes systématiquement transpartisans – comme le seraient également les rapporteurs.
« Il ne peut y avoir ni autonomie sans responsabilité, ni responsabilité sans évaluation, ni évaluation sans conséquence », comme nous le disait Michel Rocard.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Hier après-midi, notamment pendant la séance de questions au Gouvernement, la minorité présidentielle et le Gouvernement, manifestement revenus d'une réalité alternative, ont jugé bon de vanter la réussite de leur politique de réforme et leur sérieux budgétaire. Pourtant, l'inanité de votre politique économique n'a d'égale que la vacuité de cet autosatisfecit par lequel vous tentez de maquiller la réalité catastrophique de votre bilan.
Face au réel, vos mensonges s'écrasent contre un mur vers lequel vous foncez tête baissée, celui d'une dette abyssale que vous avez aggravée dans des proportions inédites : plus de 600 milliards en six ans. Plus que Nicolas Sarkozy, plus que François Hollande, plus que nos voisins pourtant frappés eux aussi par la crise sanitaire.
Exclamations sur les bancs des groupes RE et LR.
Vous aussi avez voté les aides pendant la crise du covid ! C'est un peu facile !
Que dire également de l'autre bien triste record que vous détenez désormais, celui du pire déficit commercial de notre histoire, 164 milliards l'an passé ? À l'image de l'orchestre du Titanic continuant de jouer en plein naufrage, notre président Mozart de la finance et ses ministres musiciens tentent de masquer par la litanie de leurs éléments de langage le bruit assourdissant du fracas de notre économie et de nos finances publiques.
Non, mesdames et messieurs du Gouvernement, le fait d'avoir à ce point dégradé nos finances publiques ne devrait pas être un motif d'autocongratulation.
Contraints de devoir donner sans cesse de nouveaux gages à ces agences, vous en êtes rendus de facto à un état de quasi-tutelle, puisque de leur bon vouloir dépendent en réalité les taux auxquels nous nous endettons et donc la soutenabilité de notre dette. Qu'en sera-t-il également d'une mise sous tutelle européenne lorsque Bruxelles relancera, dès le printemps 2024, des procédures de déficit excessif ?
Pour notre part, nous ne sommes dupes de rien et ne l'avons jamais été. Depuis de nombreuses années, nous dénonçons les politiques responsables de cette situation et proposons des solutions de bon sens. Nous avons ainsi été les premiers à mettre en lumière le scandale des obligations indexées sur l'inflation qui ruinent nos finances publiques, grâce notamment au travail de notre collègue Kévin Mauvieux. Quand écouterez-vous nos recommandations pour mettre fin à ce pari à tous les coups perdant pour le contribuable ?
Nous avons aussi été les premiers, et depuis bien longtemps, à dénoncer le coût exorbitant de la prise en charge par notre système de santé des clandestins, à commencer par l'AME, l'aide médicale de l'État, que notre collègue Véronique Louwagie dénonce, à son tour, dans son rapport. Ainsi, en 2022, ce coût pour l'État, mais aussi pour l'assurance maladie, aurait atteint près de 1,7 milliard. Quand mettrez-vous fin à cette gabegie et lutterez-vous contre cette immigration qui nous coûte tant ? Quand exécuterez-vous vraiment les OQTF, les obligations de quitter le territoire français, pour lesquelles vous refusez d'ailleurs de publier les chiffres d'exécution récents ?
Nous avons encore été les premiers à dénoncer le pillage que constitue la fraude, qu'elle soit fiscale, sociale ou sur les importations. Elles représentent des dizaines de milliards que vous auriez pu récupérer depuis six ans. Malheureusement pour les Français, il aura fallu que nous mettions ce sujet sur la table, d'abord avec Marine Le Pen lors de la campagne présidentielle, puis au sein de notre assemblée avec le dépôt d'une proposition de loi solide et sérieuse, pour qu'enfin vous daigniez présenter un plan petit bras conjuguant demi-mesures et effets d'annonce. Quand vous déciderez-vous donc à aller chercher sérieusement ces milliards dans les poches des fraudeurs plutôt que dans celles des contribuables ?
Nous avons enfin toujours affirmé que de nombreuses économies pouvaient être réalisées afin de réduire les coûts de fonctionnement de notre administration sans pour autant en réduire l'efficacité. Quand réaliserez-vous un audit complet de toutes ces agences administratives et de tous ces comités Théodule, parfois inutiles et dont certains font doublon ?
Ce Printemps de l'évaluation aura donc été pour nous l'occasion de redire que la politique du Gouvernement n'est pas à la hauteur, mais aussi de réaffirmer que nous avons des solutions et que nous sommes prêts, demain, à les appliquer.
Notre assemblée n'est pas une agence de notation, mais si je devais conclure cette évaluation par une note, votre copie ne pourrait espérer rien de mieux que quelques points pour l'encre et le papier gaspillés.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Le Printemps de l'évaluation est évidemment un moment très important, notamment en raison du symbole qu'il représente. Il montre en effet que le Parlement peut encore évaluer les lois à défaut de les voter.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je fais bien sûr référence à l'interdiction qui pèse sur nous d'examiner la proposition de loi visant à abroger la réforme des retraites, qui porte pourtant sur un sujet politique majeur. Elle prouve malheureusement que la présidence de l'Assemblée nationale est devenue une annexe de l'Élysée et que le pouvoir législatif, par la voix de la présidente du Palais-Bourbon, a capitulé en rase campagne.
Mêmes mouvements.
Notons d'ailleurs que les institutions internationales sont, elles aussi, assez épouvantées par le glissement que connaît notre république, puisqu'il n'y a pas d'autres parlements en Europe où l'on interdise ainsi aux parlementaires de proposer des textes de loi. Dès lors, oui, on peut affirmer que la démocratie est en péril !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Dans un tel contexte, nous ne sommes pas ici uniquement pour évaluer des dispositifs, mais aussi pour évaluer cette orientation politique qu'est le macronisme, sachant que, comme Janus, le macronisme a deux visages qui cohabitent sur une même tête sans jamais se parler ni se voir : il s'agit, d'un côté, de blablater sur de nouveaux droits théoriquement ouverts et, de l'autre, de les rendre inopérants dans le même mouvement. Cette contradiction, sur laquelle je vais revenir, suscite évidemment un certain ressentiment, que l'on constate devant les hygiaphones, devant les formulaires et dans les services publics, y compris chez les gens réduits à tenter de faire valoir leurs droits depuis leur domicile…
Bref, en proclamant des droits inopérants, vous avez réussi à créer du désespoir et du ressentiment. On reconnaît bien le macronisme dans tous les textes qui ont été évalués dans le cadre du Printemps de l'évaluation : de la main gauche, on ouvre un droit quand, de la main droite, on le referme. Ainsi, alors qu'on attendait des mesures de santé publique, on n'a que du vent – et en l'occurrence, un vent mauvais ! Tout cela, évidemment, par souci d'économiser chaque centime qui pourrait aller aux classes populaires afin que tout l'argent soit réservé à une poignée de grands bourgeois, j'ose le dire.
Regardons l'évaluation du programme MonParcoursPsy : le ministère de la santé proclame un accès aux soins, mais sans l'autoriser réellement.
Il y a huit séances ouvertes auprès d'un psychologue conventionné par le dispositif, mais encore faut-il que ce ne soit pas trop grave ! On a inventé le soin réservé aux gens les moins atteints, puisque sont exclus des affections prises en charge la dépression chronique, le deuil compliqué, le trouble anxieux généralisé, les troubles de stress post-traumatique et les individus sous traitement ou en post-hospitalisation. Bref, nous sommes dans un pays où l'on proclame soigner la psyché des gens, mais à condition qu'il n'y ait que peu à soigner !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Par ailleurs, le ministère a fait le choix de ne conventionner que 2 000 psychologues. En fait, votre dispositif soigne une personne sur cent avec un psychologue sur cinquante : comment appeler cela un accès aux soins, a fortiori au lendemain d'une pandémie dont le déclenchement, puis la gestion, ont occasionné une explosion de troubles psychiques – je m'appuie évidemment sur les données issues des travaux de nos collègues Sébastien Peytavie, Pierre Dharréville et Éric Alauzet dans le cadre du rapport d'information sur le Printemps social de l'évaluation ?
Il en va de même de l'usage du fonds d'indemnisation des victimes de pesticides, évalué par Paul Christophe dans le même rapport. Le ministère de la santé proclame, là aussi, le principe d'une indemnisation, tout en empêchant ses bénéficiaires potentiels d'y accéder. Dans ces conditions, il n'est guère étonnant que, depuis quelque temps, on voie Marc Fesneau se pavaner devant les caméras en faisant éhontément l'éloge des pesticides !
Je rappelle que ce fonds a pour objet de verser de l'argent aux gens tombés malades s'ils ont été exposés à des pesticides, qu'ils les aient touchés ou inhalés, et que ce soit à cause de leur métier ou pour une autre raison. Quel succès formidable ! 326 dossiers reçus, dont 11 en outre-mer où 10 000 travailleurs et travailleuses de la banane ont été exposées au chlordécone, cette molécule cancérogène, écotoxique et stérilisante produite par la société allemande Spiess und Sohn – on ne sait d'ailleurs toujours pas à qui d'autre que les Antilles françaises elle en a vendu et il faudrait bien un jour s'intéresser à ce sujet.
Le si petit nombre de bénéficiaires des versements du fonds s'explique par le fait que le droit à indemnisation est régi par les règles de prescription de droit commun, c'est-à-dire qu'il faut apporter une preuve médicale deux ans au plus après le premier constat des symptômes. Dès lors, toute personne ayant été victime du chlordécone durant sa carrière et ayant mis fin à celle-ci plus de deux ans avant l'entrée en vigueur de l'actuelle réglementation ne peut pas faire valoir ses droits à l'indemnisation… Bref, les victimes resteront non signalées et non indemnisées, en dépit de votre agitation et de celle des autres ministres concernés, madame la ministre déléguée.
Voyons également ce qu'il en est des entretiens postnataux précoces, mentionnés il y a quelques minutes par Mme la présidente de la commission des affaires sociales et dont j'ai eu l'honneur de faire l'évaluation dans le rapport qui m'a été confié. Le ministère de la santé proclame le droit à un entretien obligatoire de prévention… sauf que, de facto, il est impossible d'y accéder ! Censé être effectué entre quatre et huit semaines après un accouchement, cet entretien vise à détecter des troubles de dépression post-partum – un sujet extrêmement important, puisque la deuxième cause de mortalité maternelle est le suicide. Mais pourquoi seulement 8 % des mères y ont-elles réellement accès ? Parce que, par radinerie mesquine, on leur impose de payer pour ce rendez-vous obligatoire en leur appliquant un ticket modérateur évidemment non couvert par l'assurance maternité. Elles se retrouvent ainsi invitées – pour celles qui connaissent l'existence du dispositif – à un entretien obligatoire payant ! Soyons clairs : une partie conséquente des troubles psychiques et des dépressions qui les affligent est directement tributaire des choix budgétaires dont nous débattons dans le cadre de cette procédure d'évaluation.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Pierre Dharréville applaudit également.
À ce stade de mon intervention, une question se pose : pourquoi une telle situation ? Comment en est-on arrivé là ? C'est qu'une bonne partie de celles et ceux qui siègent ici n'apprécient pas la sécurité sociale ; ils n'apprécient pas ce qu'elle représente, son esprit et ses ambitions originelles, à savoir que nous ayons des droits ne dépendant pas du bon vouloir et des votes de certains dans cet hémicycle, mais uniquement du travail accompli par toutes et par tous !
Mêmes mouvements.
En effet, vous voudriez que la sécurité sociale ne soit qu'une instance de redistribution, conformément au mantra souvent entendu : « Il faut produire avant de distribuer. » Cela vous empêche de voir plus loin que le bout de votre nez et de reconnaître que la sécu produit d'ores et déjà beaucoup. C'est l'évidence, puisque notre système de soins financé à 80 % par la sécurité sociale contribue directement au PIB, donc à la production nationale de richesses. Sa production est même bien plus efficace et moins chère que celle de son équivalent privé : les complémentaires santé accomplissent en effet l'exploit de dépenser autant de frais de gestion que la sécurité sociale pour couvrir sept fois moins de pathologies et sept fois moins de frais de santé !
L'apport du système de soins public relève également de l'évidence historique : le doublement du taux de cotisation à l'assurance maladie entre 1944 et 1978 – passé sur cette période de 8 % à 16 % du salaire brut – a permis, sans aucun endettement public, de réaliser un investissement massif et formidable dans l'appareil hospitalier, notamment dans les centres hospitalo-universitaires (CHU).
J'entends parfois dire que nous voudrions baisser les salaires nets en appliquant une augmentation des cotisations, ce qui est évidemment absurde. Je rappelle tout d'abord que, depuis 1945, on a triplé les cotisations sans que, à ce que je sache, les salaires nets aient baissé : l'histoire prouve donc que l'argument est erroné. Par ailleurs, augmenter un taux de cotisation ne signifie pas rogner sur la part nette du salaire, mais orienter une partie de la richesse future vers le bien commun. Et je sais que si on propose demain à tous nos compatriotes de leur rembourser l'intégralité des médicaments, ils seront d'accord pour une augmentation de salaire de 110 euros seulement au lieu de 115.
La situation où nous nous trouvons résulte également d'une doctrine particulière : la fiscalisation de la sécurité sociale. On voit bien que, depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron en 2017, il y a substitution de l'impôt aux cotisations : la sécurité sociale, qui était initialement abondée aux deux tiers par des cotisations, ne l'est plus que pour à peine la moitié en 2022. Or la différence entre l'impôt et la cotisation est évidemment énorme et, puisque M. Attal a apparemment oublié de mentionner cette distinction sur le site qu'il a créé, je suis heureux de réparer cette omission. D'un côté, il y a l'impôt, versement obligatoire et sans contrepartie au budget de l'État, dont l'usage est décidé par le Parlement tous les ans ; de l'autre, il y a la cotisation sociale, versement obligatoire des travailleuses et des travailleurs, qui socialisent ainsi une partie de la richesse produite par la force de travail, seule source de richesse existant réellement dans ce pays, qui permet de financer la couverture des risques maladie, invalidité, accidents du travail, chômage, mais aussi bien sûr les retraites. Ce financement est assuré par une partie de nos salaires mise en commun et dans laquelle personne ici ne peut venir piocher, à moins de fiscaliser la sécurité sociale et de s'approprier ainsi les sources de financement pour mieux contraindre les dépenses en aval !
Finalement, cette question de la sécurité sociale pose la question de la citoyenneté. Aujourd'hui, dans une France économiquement très libérale, la citoyenneté se résume à s'acquitter d'impôts à proportion de son succès personnel sur le marché du travail ou de ses privilèges en matière patrimoniale, ce qui a certes permis par le passé une ouverture démocratique en abolissant la dépendance de l'État vis-à-vis de grandes aristocraties financières, mais qui exclut celles et ceux qui ne peuvent pas payer d'impôts directs et dont la contribution par la TVA est invisibilisée. La cotisation, elle, fonde une autre citoyenneté : en effet, pour exercer du pouvoir sur le monde qui nous entoure, c'est-à-dire pour être capable de décider d'un destin commun, il faut maîtriser le travail, et ce aux deux sens du terme : maîtriser la valeur d'usage dont on décide de l'affectation à partir du produit de ce que l'on a fait, et produire une valeur économique abstraite, une richesse monétaire qui part dans des caisses qui, elles, sont socialisées. L'un sans l'autre cause de la souffrance, car contrôler son travail sans partager les richesses, c'est renoncer à assurer les risques collectifs, et partager les richesses sans contrôler le travail signifie produire en raison et en fonction des besoins et des désirs d'autres, ceux que l'on nomme généralement des actionnaires.
Voilà donc ce qui est en jeu aujourd'hui. Il s'agit d'évaluer deux modèles de société : d'un côté, celui où une petite caste parvient à fiscaliser la sécurité sociale pour plonger sa main dedans et faire usage à son gré de notre argent, de l'autre, celui où le plus grand nombre administre directement la richesse collective pour assurer les lendemains de l'humanité – c'est ce qu'on appelle la sécurité sociale.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. le président de la commission des finances et M. Pierre Dharréville applaudissent également.
Le 16 mai 2023, le centre pénitentiaire de Gradignan a suspendu les admissions de nouveaux détenus. Cette décision s'explique par le taux d'occupation de cet établissement, qui atteignait en mars 2023 plus de 200 %. Cet exemple illustre parfaitement l'incapacité actuelle du Gouvernement à garantir des conditions dignes de détention, ce que confirment beaucoup d'observateurs et d'analystes depuis, hélas, déjà un certain temps. Pourtant, depuis la fin des années 1980, six programmes immobiliers pénitentiaires ont été lancés, auxquels s'est ajouté plus récemment le programme 15 000, annoncé en octobre 2018 par le président Macron et qu'il avait déjà évoqué durant sa campagne. En dépit de ces différents plans de construction, le taux d'occupation des prisons françaises s'est toujours maintenu au-dessus de 100 %, et atteint désormais 118 % en moyenne et plus de 140 % au sein des maisons d'arrêt. C'est pour comprendre les raisons de cet échec que j'ai décidé d'évaluer, dans le cadre du Printemps de l'évaluation, les programmes de construction pénitentiaire et d'analyser les raisons qui expliquent cette inexorable procrastination.
Les programmes immobiliers pénitentiaires ont tous un point commun : ils connaissent d'importants retards d'exécution et sont pratiquement tous revus à la baisse au cours de leur déploiement. Les outils dont a disposé l'administration pénitentiaire pour conduire ses programmes immobiliers ont pourtant évolué au fil du temps. Consécutivement à une certaine prise de conscience des difficultés auxquelles elle est confrontée, cette administration bénéficie depuis le début des années 2000 du concours de l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (Apij), chargée de gérer toutes les opérations immobilières de grande envergure du ministère de la justice, qu'il s'agisse des tribunaux ou des lieux de détention. Ces évolutions n'ont néanmoins pas eu une grande influence sur les résultats obtenus par le ministère s'agissant de l'état de nos prisons et des conditions de détention.
J'en viens plus précisément au programme 15 000, l'une des marques de fabrique du président Macron. Son coût prévisionnel s'élève à 4,5 milliards au total ; il a été conçu pour soulager les maisons d'arrêt, qui connaissent les taux d'occupation les plus élevés, et favoriser une meilleure réinsertion des détenus. Dès le lancement de ce plan, plusieurs risques ont été identifiés et, en tant que rapporteur spécial, j'ai systématiquement alerté – mais au vu de la réaction des gardes des sceaux successifs, on a l'impression que cela glisse comme l'eau sur les plumes d'un canard. Le secrétariat général pour l'investissement avait ainsi, sur la base de l'évaluation socio-économique du programme et de sa contre-expertise, émis un avis favorable, mais assorti de plusieurs réserves sur les bénéfices attendus du programme – c'est donc une instance étatique qui alertait déjà –…
Force est de constater que tous les objectifs de ce programme ne seront, hélas, pas atteints, contrairement à ce que vient d'affirmer une nouvelle fois le garde des sceaux au Sénat. En premier lieu, seules 2 441 places avaient été ouvertes à la fin de l'année 2022, un chiffre évidemment bien en deçà des 7 000 places initialement prévues. Et parmi ces places, près de la moitié, soit 1 127, avaient déjà été ouvertes en 2016 et 2017, bien avant l'annonce du programme 15 000 ! Globalement, 2 081 places ont été ouvertes depuis 2018 et relèvent de programmes de construction annoncés en 2012 et en 2014. Il s'agit donc d'un recyclage quantitatif. Certaines places relevant de la tranche des 7 000 seront donc livrées, je le souligne, avec un retard considérable. Ce sera notamment le cas du centre pénitentiaire de Gradignan, qui sera livré en 2026 au mieux, ou encore des centres pénitentiaires de Lille et de Basse-Terre, qui seront livrés en 2027. Tout porte donc à croire que l'échéance de 2027 ne sera pas tenue, ce que je démontre précisément dans mon rapport budgétaire, et que les places relevant de la tranche des 8 000 ne seront pas livrées avant 2030, contrairement à ce que veut nous faire croire la Chancellerie.
En effet, 13 415 places – sur les 15 000 prévues – restent à ouvrir. L'échéancier qui m'a été transmis par l'administration pénitentiaire elle-même montre que plus de la moitié de ces places ne seront pas livrées en 2027. En tout état de cause, le programme 15 000 est d'ores et déjà sous-dimensionné et ne permettra pas de résorber la surpopulation carcérale ni d'atteindre un taux d'encellulement individuel de 80 % en 2027, comme cela avait été initialement annoncé. En effet, à l'issue du programme 15 000, 75 000 places seront opérationnelles, ce qui correspondra tout juste, d'après les projections du ministère, au nombre de personnes détenues. Cependant, ces projections, très fortement volatiles, seront certainement révisées, ainsi que l'a souvent indiqué la Chancellerie.
Reprenons l'exemple de Gradignan : à la livraison du nouvel établissement en 2026, et à nombre de détenus inchangé, son taux d'occupation restera de 120 %. Ces constats sont partagés par Mme la contrôleure budgétaire et comptable ministérielle auprès du garde des sceaux, ministre de la justice, et des services du Premier ministre, qui représente Bercy au sein de la Chancellerie. Elle a réalisé un contrôle sur l'exécution du programme immobilier pénitentiaire pour conclure à son incapacité à limiter la surpopulation carcérale. Je recommande donc d'aller dans le sens de ses conclusions et d'étendre dès à présent le programme 15 000 en prévoyant la construction de places supplémentaires.
Les raisons du rallongement des délais de construction des prisons sont multiples. Tous les programmes immobiliers pénitentiaires ont été marqués par des difficultés importantes en matière de recherche foncière, mais les acquisitions foncières sont d'autant plus complexes que le ministère de la justice a fait des choix très restrictifs en matière d'implantation. Ainsi, certains projets stagnent, comme à Grasse ou à Châtillon-sur-Seine, situé dans la circonscription de M. Hubert Brigand. Je pense encore à Oermingen, dans ma circonscription, où M. le garde des sceaux s'était rendu et avait déclaré que son centre de détention pouvait faire l'objet d'un projet d'extension. C'était il y a déjà plusieurs années et nous n'avons toujours rien vu.
Trop peu de mesures ont été prises pour faciliter l'adhésion des élus locaux aux projets de construction de prisons. Plusieurs propositions ont été formulées, par exemple la modification des modalités de calcul de la dotation de solidarité urbaine (DSU) pour favoriser les communes accueillant un établissement pénitentiaire, ou la comptabilisation des places de détention au titre des obligations incombant aux communes en matière de logement social.
Mme la contrôleure budgétaire et comptable ministérielle fait également valoir que le coût du programme 15 000 dépassera de façon importante les prévisions, ce qui est préoccupant d'un point de vue budgétaire.
Enfin, la visibilité sur la manière dont l'administration pilote la dépense est insuffisante. Je propose donc qu'un échéancier d'ouverture des crédits figure dans les documents budgétaires et fasse l'objet d'une actualisation annuelle. Le débat avec M. le garde des sceaux en commission a montré que la question du pilotage entre la Chancellerie et l'Apij est loin d'être réglée.
Enfin, le contrôle sur le programme 15 000 démontre que l'administration pénitentiaire rencontre de grandes difficultés pour formaliser ses commandes auprès de l'Apij : les opérations qui lui sont confiées ne sont pour le moment pas assorties d'objectifs explicites en termes de calendrier ou de coût. Je recommande donc de déterminer des cibles claires, ce qui permettra de mieux évaluer le pilotage des programmes immobiliers du ministère de la justice. Là aussi, on constate un écart abyssal entre les discours de M. le garde des sceaux et ses actes.
Ma question est très simple : quand le Gouvernement prendra-t-il conscience de la nécessité de mettre en place un véritable pilotage du programme 15 000 ? Le risque est, une nouvelle fois, de voir les promesses du président Macron rester lettre morte. Les données contenues dans mon rapport sont très explicites et montrent l'ampleur du problème. C'est tout l'intérêt du Printemps de l'évaluation. Je souhaite vivement que les rapports parlementaires ne soient pas classés dès réception par les administrations : ils doivent servir de support à un dialogue et les recommandations d'amélioration issues du contrôle parlementaire et des débats en commission doivent être suivies d'effets.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je tiens tout d'abord à rappeler l'importance de l'évaluation des politiques publiques qui, loin d'être un luxe, est un moteur essentiel de la démocratie qui peut – et doit – nous permettre de relever plusieurs défis majeurs de notre pays : d'une part, la crise de défiance entre citoyens et responsables publics que nous traversons, en éclairant le débat public avec des analyses claires et objectives sur les effets des politiques publiques ; d'autre part, le redressement de nos finances publiques, lourdement impactées par les crises successives, en évaluant de manière plus systématique nos dépenses afin de les réduire et les rendre plus efficaces. C'est donc en analysant le passé que nous arriverons à mieux anticiper le futur. C'est tout le sens du Printemps de l'évaluation, que nous avons la responsabilité de faire vivre et qui arrive aujourd'hui à son terme. Cette séquence, qui a animé la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire et celle des affaires sociales pendant un mois de travaux très intenses, est, à nouveau, une belle réussite grâce à l'engagement de tous, que je tiens à saluer ici.
Dans un second temps, je souhaite porter à votre connaissance les principaux résultats des travaux de mes collègues rapporteurs spéciaux du groupe Démocrate, dont l'implication fut, une nouvelle fois, sans faille.
Je commencerai par évoquer la mission "Agriculture, forêt et affaires rurales," dont Pascal Lecamp est le formidable rapporteur spécial. Dans ses constats, il souligne notamment les limites du dispositif de provisions pour aléa, un levier de sincérité devenu obsolète quand, en 2022, l'action destinée à la gestion des crises et des aléas de la production agricole a connu une surexécution de plus de 1 million par rapport aux sommes initialement prévues, à savoir 8 millions. Il fonde beaucoup d'espoir sur l'assurance récolte, qui vise à mieux couvrir les aléas. Nous y verrons plus clair sur les avancées en la matière à la fin de l'année.
Notre excellente collègue Marina Ferrari a travaillé en tandem avec le non moins excellent Joël Giraud sur la mission "Relations avec les collectivités territoriales" . Ils ont notamment pu constater, dans le cadre d'un rapport thématique, le véritable succès du fonds Vert pour soutenir l'investissement communal en faveur de l'accélération écologique des territoires. Ils prônent la réalimentation de ce fonds largement plébiscité en mettant l'accent sur les projets favorables à la transition écologique qui ne présentent pas une rentabilité financière élevée. Par ailleurs, les travaux de nos rapporteurs spéciaux permettent de prendre un premier recul sur le programme Petites Villes de demain, lancé en octobre 2020 et plébiscité par les communes qui en bénéficient. Néanmoins, l'absence de pluriannualité des financements octroyés à ces communes suscite l'inquiétude de nombreux élus. Les rapporteurs proposent de remédier à ce manque.
De son côté, notre très pertinent collègue Mohamed Laqhila a évalué le compte d'affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l'État. Il en ressort que les recettes ont connu une baisse de 19 % par rapport à 2021, qui s'explique par la non-réalisation de la cession exceptionnelle d'un immeuble parisien. Dans un contexte général de raréfaction des biens facilement cessibles, M. le rapporteur spécial Laqhila prône une dynamisation plus forte des recettes issues des redevances et loyers afin d'assurer la pérennité du financement de ce CAS.
Je terminerai en évoquant les travaux de Perrine Goulet, brillante rapporteure spéciale de la mission "Solidarité, insertion et égalité des chances" . Dans ses conclusions sur la contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et de la stratégie de prévention et de protection de l'enfance, elle en dresse un bilan globalement positif. Elle pointe néanmoins quelques limites et suggère des axes de progrès. Parmi ceux-ci, la nécessité de refonder le pilotage financier de ces dispositifs. Elle propose notamment de donner plus de marges de manœuvre aux départements dans le choix des objectifs, de rendre plus fongibles les enveloppes budgétaires à disposition des départements et de pluriannualiser les financements de l'État.
Dans un esprit de responsabilité, les députés du groupe Démocrate en appellent à ce que les résultats de l'édition 2022 du Printemps de l'évaluation soient suivis d'actes concrets. Les fruits de nos travaux doivent permettre de corriger les angles morts des politiques publiques que nous avons votées, d'intensifier celles qui ont des impacts positifs avérés et, parfois, de supprimer les mesures qui se sont révélées inefficientes.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et HOR. – M. Benoit Mournet applaudit également.
Ce débat vient conclure les quelques semaines que nous avons passées dans le cadre du Printemps d'évaluation à évaluer l'exécution du budget de l'État et de la sécurité sociale par le Gouvernement. Elles ont conduit au rejet par la majorité des députés des projets de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour les années 2021 et 2022, ainsi que du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2022. Ces votes défavorables sont-ils le résultat du Printemps de l'évaluation ? Malgré la qualité du travail des rapporteurs spéciaux, je crois que l'exercice est encore perfectible.
Je rappelle que, si le printemps démarre le 21 mars et s'achève le 21 juin, pour notre commission, il n'a commencé que le 9 mai pour se terminer aujourd'hui, le 7 juin.
Avec le réchauffement climatique, le printemps arrivera plus tôt et l'hiver budgétaire sera plus court.
Comment travailler sur l'ensemble des missions budgétaires d'une grande nation comme la France en si peu de temps ? De fait, pendant cette évaluation, outre que certaines auditions de ministre ont été annulées, car ils ont un agenda chargé, nous avons rencontré des difficultés pour obtenir les informations demandées – pour ma part, en tant que rapporteur spécial pour le compte d'affectation spéciale "Participations financières de l'État" , je n'ai pu que remarquer que le Gouvernement n'avait pas envie de répondre à mes questions. La plupart des indicateurs ne nous sont pas fournis à ce stade de l'exécution budgétaire, comme le rappelait M. de Courson.
Outre ce peu d'entrain des ministres pour répondre à nos questions, je remarque, avec tout le respect que je dois aux deux ministres délégués présents, que les deux ministres directement concernés par le Printemps de l'évaluation, ceux que nous avons le plus souvent auditionnés, Gabriel Attal et François Braun, ne sont pas présents pour rendre compte du travail que nous avons mené ensemble.
C'est pas gentil, ça !
Nous, membres du groupe Socialistes, sommes convaincus de l'importance du Printemps de l'évaluation. Le Parlement vote la loi – il en vote d'ailleurs probablement trop, or les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. Le Parlement contrôle en outre l'action du Gouvernement et évalue les politiques publiques. Je le dis avec force, il est donc regrettable que les rapporteurs spéciaux n'aient pas pu avoir accès à l'ensemble des informations qu'ils demandaient. Ainsi, quelque 75 % des crédits du programme Opérations en capital intéressant les participations de l'État sont opaques. Alors que je suis rapporteur spécial pour celui-ci, à aucun moment le Gouvernement ne m'a donné d'informations sur les opérations en cours, justifiant cela par le secret des affaires. Cela jette le discrédit sur la qualité de notre travail : les auditions sans grand intérêt se succèdent, les prises de parole des groupes politiques ne permettant pas vraiment au Parlement de mener un travail d'évaluation du même niveau que celui des plus grandes démocraties du monde, telles que les Royaume-Uni ou les États-Unis – là-bas, il permet effectivement de vérifier le bon emploi des deniers publics et joue un rôle central.
Cela posé, nous, membres du groupe Socialistes formulons plusieurs propositions à l'intention du Gouvernement et de nos collègues députés. Tout d'abord, lors des auditions de ministre, il faudrait que ceux-ci répondent immédiatement à chaque question, alors qu'actuellement, ils commencent par prendre la parole avant de choisir, au sein d'une série de questions, celles auxquelles ils souhaitent répondre – combien de fois cela leur a-t-il permis d'esquiver les questions parfois dérangeantes posées par l'opposition sur la bonne exécution des crédits ? Il convient par ailleurs d'allonger la durée du Printemps de l'évaluation, de le commencer bien plus tôt et, pourquoi pas, de le finir bien plus tard.
Enfin, il faut s'interroger sur la sanction de l'évaluation parlementaire. La France ne prévoit pas de système de shutdown, contrairement aux États-Unis, où le défaut d'approbation du budget mène à l'arrêt des administrations. Nous ne pouvons que regretter que le défaut d'adoption du projet de loi de règlement et du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale n'empêche même pas le dépôt d'un nouveau budget. Si le législateur a bien prévu, dans la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale de 2022, dite loi Mesnier, de subordonner le dépôt d'un nouveau projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'adoption du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, le Conseil constitutionnel, par une réserve d'interprétation, a neutralisé cette disposition. Ainsi, le refus d'approuver les comptes, pourtant formulé de manière très solennelle et claire par l'Assemblée nationale, ne s'accompagne d'aucune sanction, ce qui dévalue le contrôle opéré par les rapporteurs spéciaux, que je salue.
De ce mois très intense de contrôle, nous, membres du groupe Socialistes, retenons en premier lieu …
…l'importance de la politique de désarmement fiscal organisée par le Gouvernement, – une récente note de l'Institut des politiques publiques confirme les inégalités créées par cette politique qui profite avant tout aux plus aisés d'entre nous, dont le taux d'imposition est dégressif – il baisse avec la hausse du niveau de revenus. Malgré ses atermoiements, ses hésitations et ses revirements incessants, le Gouvernement aura du moins fait preuve depuis 2017 d'une grande constance pour servir une minorité déjà bien dotée.
Le deuxième enseignement majeur de ce Printemps de l'évaluation tient à l'importance des réductions d'effectifs ou en tout cas aux difficultés de recrutement dans l'administration. Le budget pour 2022 prévoyait la création de 850 postes dans la fonction publique d'État. Or nous avons constaté que contrairement aux promesses faites devant cette assemblée, 5 844 postes ont été supprimés au sein de celle-ci en 2022. Ce fiasco résulte d'une politique de ressources humaines qui ne permet pas d'opérer les bons recrutements – par exemple, pour le ministère de l'éducation nationale. Dans l'académie de Versailles, alors que plus de 1 400 places étaient ouvertes au dernier concours, seulement 477 ont été pourvues.
Ces difficultés de recrutement doivent nous amener à nous interroger sur la rémunération des agents de la fonction publique. Il faut une politique salariale plus attractive. Est-il normal qu'un infirmier en France soit payé 40 % de moins qu'en Belgique, 25 % de moins qu'en Allemagne et 20 % de moins qu'au Royaume-Uni ? Madame et monsieur les ministres délégués, j'appelle votre attention sur le fait que la fonction publique ne peut fonctionner efficacement si elle est désarmée et qu'on lui retire ceux qui la font vivre : les fonctionnaires et les agents contractuels de droit public.
Le Printemps de l'évaluation a également montré les difficultés pour respecter l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) – en 2022, les dépenses constatées l'ont excédé de plus de 10 milliards d'euros. Interrogeons-nous en outre sur la disparition de 100 000 lits d'hôpitaux depuis le début des années 2000, alors que les Français étaient alors moins nombreux de plusieurs millions.
C'est tout simple : nous manquons de médecins ! Quant aux lits, pas besoin d'aller les chercher chez Ikea, nous les avons.
Évoquons également le budget de la justice – je le fais pour ma part en tant qu'ancien magistrat. Pouvons-nous nous satisfaire de la multiplication des procédures prévoyant un juge unique afin d'augmenter la productivité de l'activité juridictionnelle, alors que la collégialité de la délibération de juridiction est absolument essentielle ? De même, nous ne pouvons continuer à inventer des subterfuges pour que les magistrats traitent davantage de dossiers, tout en les examinant moins. De ces enseignements, nous concluons qu'il faut poursuivre de grands travaux.
Concernant, en général, l'action de l'État et de la sécurité sociale pendant l'année qui vient de s'écouler, tout semble prouver que les uns et les autres ne savent pas vraiment où ils vont. Le montant élevé des reports de crédits – de 23 milliards d'euros entre 2021 à 2022, de 18 milliards d'euros de 2022 à 2023 – montre que le Gouvernement éprouve de grandes difficultés à exécuter les politiques sur lesquelles il s'est engagé. Cela doit l'amener à redéfinir un programme de gouvernement. Le Président de la République a été élu sur un programme qu'il a désormais exécuté à 80 %, comme on le constate en relisant sa profession de foi du second tour de l'élection présidentielle.
Madame et monsieur les ministres délégués, nous, députés du groupe Socialistes, sommes à votre disposition, si vous cherchez des idées pour les quatre prochaines années,…
…concernant la désertification médicale, l'école, les hôpitaux et la justice, notamment.
M. le président de la commission des finances applaudit.
Nous débattons du Printemps de l'évaluation, un exercice annuel créé sous la précédente législature pour évaluer l'utilisation des crédits budgétaires alloués aux différentes actions de l'État, c'est-à-dire, au fond, la bonne utilisation de l'argent public. Ce temps politique reste, encore aujourd'hui, peu connu de nos concitoyens, comme plus généralement, je le pense, le rôle de contrôle et d'évaluation de notre assemblée. C'est pourtant un temps fort du calendrier budgétaire, particulièrement pour les commissaires aux finances, car ces discussions préfigurent souvent les échanges sur le budget à venir.
Si cette période d'évaluation est essentielle, il nous faut reconnaître qu'elle doit encore évoluer afin d'être plus efficace. C'est d'ailleurs en ce sens qu'en 2021, M. Éric Woerth, alors président de la commission des finances, relevait dans son rapport d'information sur le Printemps de l'évaluation, que les thèmes retenus pour celui-ci « sont probablement trop nombreux […]. Cela conduit à un volume très important qui empêche un examen approfondi […] et qui rend la communication sur ces travaux difficiles ». Le groupe Horizons et apparentés se félicite donc de la décision du bureau de la commission des finances de ne retenir pour thème d'évaluation du Printemps 2023 qu'un nombre restreint de rapports spéciaux destinés à faire l'objet de travaux d'évaluation thématique. Cela a permis un travail plus approfondi et a constitué un gage d'efficacité de nos discussions. Toutefois, des marges d'amélioration subsistent, notamment concernant les délais de transmission par le Gouvernement des fiches d'exécution budgétaire et la vulgarisation de nos travaux et analyses pour nos compatriotes. En effet, la lisibilité de nos travaux et la transparence de nos analyses sont essentielles pour continuer de rapprocher nos concitoyens du travail parlementaire, et plus largement de la politique.
Il serait par ailleurs intéressant que les discussions menées aboutissent de manière plus formelle à des échanges sur le budget de l'année à venir. Chacun d'entre nous est conscient que cet exercice d'évaluation sert en partie à identifier les pistes d'amélioration de l'action de l'État, et préfigure ainsi les discussions de l'automne sur le projet de loi de finances. Trouvons un chemin pour renforcer les liens entre les deux.
Soulignons enfin la qualité des travaux – importants – remis par les rapporteurs spéciaux, qui ont permis d'éclairer la lecture des fiches d'exécution budgétaire et de mener un débat de qualité sur les différentes missions.
L'évaluation des politiques publiques est essentielle, particulièrement lorsqu'il s'agit des finances publiques. Le sérieux et la rigueur sont indispensables en la matière, nous devons continuer de nous y astreindre chaque jour, car nous parlons ici de l'argent des Français.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et sur plusieurs bancs du groupe RE.
Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, l'alinéa 1er de l'article 24 de la Constitution prévoit qu'en plus de voter les lois et de contrôler l'action du Gouvernement – missions scandaleusement mises à mal ces derniers temps –, le Parlement « évalue les politiques publiques ». Je salue le travail mené par l'ensemble des rapporteurs spéciaux dans un temps contraint. Ils ont jonglé entre les différents aspects du travail parlementaire pour se conformer à l'exigence constitutionnelle d'une évaluation permanente des politiques publiques, par souci de responsabilité vis-à-vis des Françaises et des Français que nous avons l'honneur de représenter.
Je remercie également les administrateurs associés à ces rapports, toujours disponibles, en particulier Gabriel Aureau pour le rapport spécial sur la mission "Écologie, développement et mobilité durables" , dont je suis corapporteure.
Le Printemps de l'évaluation vise à évaluer de manière permanente et pertinente les politiques publiques de notre pays. Le travail réalisé sur l'ensemble des missions permet en effet d'éclairer utilement notre expertise sur de multiples sujets financiers et bien au-delà. Cette obligation constitutionnelle mériterait toutefois d'être enrichie.
En effet, face aux besoins de financement évoqués par les uns et les autres, face aux enjeux de transition écologique qui nécessitent des investissements majeurs, nous vous proposons l'intégration systématique dans le Printemps de l'évaluation d'une étude des politiques de contrôle fiscal, social et douanier ainsi que d'une étude sur les niches fiscales et sociales, car nous avons besoin de marges de manœuvre et je le rappelle, la fraude fiscale est évaluée à 80 milliards d'euros – ce sont autant de ressources qui manquent pour financer nos services publics, la transition écologique et bien entendu nos mobilités.
Cette évolution permettrait à notre assemblée de se saisir annuellement de ces sujets éminemment importants et d'apprécier la pertinence des politiques menées par le Gouvernement en matière de finances publiques, à l'heure où l'Institut des politiques publiques montre, dans une note, que les ultrariches soit les soixante-quinze foyers les plus riches du pays, ne sont imposés qu'à 26 % pour leurs revenus réels, et qu'ils ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu ni aux prélèvements sociaux. En outre, les entreprises bénéficient d'aides sans conditions sociales ni écologiques.
Cela étant dit, je ne reprendrai pas la liste des constats de sous-exécution et des entorses aux principes budgétaires observés dans les notes d'exécution budgétaire, déjà évoqués par mes collègues ; je partage leur analyse.
Je m'attarderai plutôt, vous n'en serez pas surpris, sur la politique publique des transports. Je ne développerai pas le fait que le Gouvernement n'a guère été allant pour nous communiquer les éléments et rapports nécessaires à cette évaluation, comme le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) sur les concessions autoroutières, dont nous avons découvert l'existence par la presse et qu'il a fallu demander pour qu'il soit mis à notre disposition. De même, nous avons demandé à deux reprises transmission de la lettre de saisine du Conseil d'État et elle ne nous a toujours pas été communiquée, malgré les engagements du ministre délégué chargé des transports en commission des finances.
La politique publique des transports est, hélas, caractérisée à ce stade par un sous-investissement de l'État dans les transports à faible impact environnemental, avec des conséquences néfastes pour les voyageurs et sur le report modal.
Les indicateurs de performance issus de la documentation budgétaire l'illustrent parfaitement. Ainsi, pour les voyageurs, l'indicateur 4.5 fixe une cible de trains en grand retard – retard supérieur à trente minutes – à 7,7 % pour 2023, soit un train sur treize. Or, en 2022, on atteignait 9,6 % et un train sur cinq de la ligne Bordeaux-Marseille accusait un retard supérieur à trente minutes. Pourtant, les trains de cette ligne sont en concurrence avec des vols directs proposés à des prix très attractifs, du fait des privilèges fiscaux dont bénéficie le transport aérien en application d'un principe de concurrence libre et complètement faussée. Ces retards sont donc extrêmement dommageables pour le climat car ils incitent au report vers un mode de transport qui émet 1 450 fois plus de gaz à effet de serre ! Nous ne pouvons donc nous satisfaire qu'en France, un train sur treize accuse un retard de plus d'une demi-heure si notre ambition est d'inciter, réellement, au report modal.
Les conséquences du sous-investissement de l'État sont également visibles dans le fret fluvial puisque la part modale du transport fluvial dans le transport intérieur terrestre de marchandises n'a pas significativement évolué, passant de 2 % en 2020 à 2,1 % en 2022.
Afin de rendre attractifs les trains d'équilibre du territoire, qui transportent chaque année plus de 9 millions de passagers, il conviendrait d'améliorer la qualité de service, en particulier l'équipement des cabines et la ponctualité, notamment pour les trains de nuit. Or, malgré le discours volontariste du Gouvernement, où sont les budgets ? Un rapport administratif estimait nécessaire d'investir 1,45 milliard d'euros. Le précédent gouvernement avait annoncé sa volonté d'investir 800 millions. Mais, d'après les éléments financiers qui nous ont été communiqués et que nous avons analysés, ni la budgétisation ni le financement ne sont, pour l'heure, connus.
Parler de politique publique de transport suppose également d'analyser l'accompagnement par l'État des autorités organisatrices de la mobilité : elles ont perdu 484 millions d'euros de recettes tarifaires en 2020 par rapport à 2019, alors que leurs dépenses explosent du fait de l'inflation et de l'augmentation des péages ferroviaires. Ce sont vos territoires et vos usagers, les Françaises et les Français auxquels nous devons rendre compte !
À l'heure où le Gouvernement lance un grand plan de réindustrialisation, encore faudrait-il donner au tissu industriel un véritable signal en faveur de la décarbonation afin qu'il puisse se projeter et que nous imaginions un dispositif permettant de financer de nombreux avantages.
Le choix politique d'augmentation des péages ferroviaires entraînera inévitablement une augmentation des tarifs pour les usagers, nuisible au report modal vers le train, pourtant l'un des modes de transport qui a le plus faible impact environnemental. Ce choix est contestable ; il est incompréhensible que le développement du report modal vers le transport ferroviaire, qui bénéficiera à tous grâce aux externalités positives sur l'environnement, ne soit pas financé par la puissance publique. C'est le cas dans de nombreux autres pays, mais pas en France.
Le financement des infrastructures de transport par leurs usagers est d'autant plus incompréhensible que les routes, hors autoroutes, sont financées par le contribuable alors qu'elles sont bien plus nuisibles à l'environnement que d'autres modes de transport. C'est, encore une fois, l'effet d'une concurrence libre et complètement faussée, comme celle avec le transport aérien, dévastateur pour la planète et financé indirectement par les nombreux avantages fiscaux dont il bénéficie.
Finissons sur une note positive et gageons que les annonces gouvernementales – qui ne sont encore que des annonces –, celles de la Première ministre annonçant un plan de 100 milliards, et plus récemment celles du ministre délégué chargé des transports, traduisent un changement de trajectoire en faveur du climat.
M. le président de la commission des finances et Mme Monique Iborra applaudissent.
Ce débat vient clôturer la période d'évaluation des dernières semaines en commission, dans le cadre de l'évaluation des politiques publiques mise en place en 2022. Ce fut un travail particulièrement intense qui, paradoxalement cette année, se retrouve amoindri en séance publique puisque chaque groupe n'a pas pu mettre à l'ordre du jour une proposition de résolution visant à évaluer une politique publique.
Nous regrettons qu'un tel dispositif ait été supprimé, alors qu'il donnait aux groupes d'opposition une opportunité d'expression supplémentaire. Cette année, seules la majorité et l'opposition de confort des Républicains l'exercent.
Pourtant, cette période d'analyse et d'évaluation est souvent un moyen de débusquer quelques loups, à commencer par celui de la charge de la dette, si souvent mise en avant au cours des dernières semaines. L'analyse de la mission "Engagements financiers de l'État " s'avère à ce titre particulièrement intéressante. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a déjà commencé à préparer les esprits grâce à des éléments de langage bien connus, car souvent répétés, selon lesquels la France n'a plus les moyens et qu'elle ne peut donc plus s'endetter. Le récit est simple : les taux d'intérêt de la dette française augmentent significativement, les agences de notations dévaluent la note de notre pays, engendrant une hausse exponentielle de notre charge d'intérêts. Pour l'empêcher, il faudrait donc réformer et restreindre la dépense publique pour tenir les engagements du Gouvernement, notamment ceux du programme de stabilité.
Ce récit pourrait être crédible, mais c'est sans compter l'analyse des crédits alloués au paiement des intérêts de la dette. À bien y regarder, la hausse de ces derniers provient certes en partie de celle des taux d'intérêt, mais surtout de la hausse des taux des obligations, indexées sur l'inflation. Cette année, la charge d'indexation du capital des obligations a ainsi atteint 15,5 milliards d'euros, un record !
Bien loin donc de traduire une inquiétude des créanciers sur les titres français, la hausse des taux est surtout le reflet d'une erreur sans commune mesure dans la politique d'émission de titres de notre pays. En effet, cette pratique s'avère particulièrement à risque au regard des gains théoriques et très incertains qu'elle peut engendrer. Elle relève même de l'inconscience lorsque l'inflation culmine à des taux proches de 5 %. Vous faites pourtant le choix de la poursuivre, comme l'ont démontré les récentes vagues d'émissions. Loin des faux-semblants, la hausse extraordinaire de notre charge d'intérêts n'est pas le fruit de politiques trop dispendieuses, mais bien celui de vos choix politiques !
C'est donc tout l'intérêt de ces notes d'exécution et de ces rapports spéciaux. Chacun d'entre eux devrait faire l'objet d'une intervention dans l'hémicycle. C'est le cas par exemple de l'exécution budgétaire des crédits de la mission "Outre-mer" , dont mes collègues Karine Lebon et Christian Baptiste sont corapporteurs spéciaux. Des moyens sont mis en œuvre par l'État en faveur de nos territoires éloignés, il faut le reconnaître. Mais leur éclatement géographique nuit malheureusement à leur compréhension et à leur efficacité.
En effet, la mission "Outre-mer " ne représente qu'une fraction assez faible de l'effort budgétaire de l'État, reparti dans 102 programmes et 31 missions ! Au sein de la mission "Outre-mer," l'importance du soutien aux entreprises a malheureusement une nouvelle fois été sous-évaluée, menant à l'ouverture de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative. De même, les montants prévisionnels des dépenses de fonctionnement doivent, à l'avenir, être beaucoup mieux calibrés car il n'est pas acceptable que se reproduisent, année après année, des écarts d'un à sept entre prévision et exécution.
Enfin, en 2022, les restes à payer engendrés par les actions de cette mission ont atteint le niveau record de 2 milliards d'euros. Un effort supplémentaire permettrait de résorber les facteurs structurels responsables d'une telle situation. Ainsi, un meilleur accompagnement des collectivités dans la réalisation de leurs projets et une amélioration des dispositifs seraient, en partie, en mesure de réduire de manière drastique ces restes à payer et participeraient à l'assainissement des comptes publics que vous appelez de vos vœux. Il ne s'agit donc pas de dépenser moins, mais de dépenser mieux !
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – M. le président de la commission des finances applaudit également.
La Mecss m'a confié, ainsi qu'à mes collègues Mme Farida Amrani et M. Paul Christophe, le soin d'évaluer le nouveau rôle de la CNSA et sa transformation en une branche de la sécurité sociale depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Longtemps annoncée, jamais réalisée, cette consécration témoignait d'une ambition nouvelle. Elle améliore la lisibilité du dispositif et son contrôle par le Parlement qui peut débattre annuellement des moyens alloués à l'autonomie.
L'ambition était forte. Quels étaient les objectifs de cette transformation ? Il s'agissait de garantir plus d'équité, notamment territoriale, dans l'accès aux services et aux prestations, de réduire la complexité, de parvenir à l'équilibre financier et de mettre en place une organisation plus efficiente.
S'il convient de noter la récente signature d'une convention d'objectifs et de gestion entre la CNSA et l'État pour la période 2022-2026 avec, notamment, la création d'un service public territorial de l'autonomie, la CNSA se distingue des autres caisses de sécurité sociale sur plusieurs points. Certaines clarifications semblent nécessaires, sans lesquelles la nouvelle branche pourrait apparaître illégitime aux yeux de certains.
Du fait de l'absence de caisses locales, la CNSA n'a ainsi aucun contact avec les assurés et doit s'en remettre aux collectivités – notamment les conseils départementaux – et aux agences régionales de santé (ARS) pour assurer les prestations ou mettre en œuvre les politiques d'autonomie.
En outre, la cinquième branche ne représente que très partiellement l'effort national consacré à l'autonomie, le budget alloué à la CNSA au sein du PLFSS ne représentant que 36 milliards en 2021, alors que l'effort national global s'élevait à 80 milliards d'euros, financés également par l'assurance maladie et la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Il en résulte un paysage institutionnel particulièrement complexe pour les usagers, qui n'ont pas d'interlocuteurs directs et ignorent souvent leurs droits.
La diversité des acteurs se traduit également par une application différenciée de la loi. C'est le cas de l'avenant 43 à la convention collective de la branche d'aide à domicile, appliqué différemment selon les territoires départementaux, ce qui nuit à l'égalité recherchée et contribue à l'ignorance du rôle de chacun des financeurs par les citoyens.
Les règles de gouvernance du conseil de la CNSA font également craindre que les acteurs soient juges et parties, puisque les membres du conseil votent les budgets qui leur sont octroyés. Alors que le financement de la branche provient majoritairement des cotisations sociales, la question de la place restreinte des partenaires sociaux au sein de ce conseil a également été soulevée lors des auditions.
En conséquence, des réformes à court et moyen terme seront sans doute nécessaires. À court terme, il convient de renforcer les pouvoirs de contrôle sur l'usage des dotations publiques en faveur de l'autonomie, votées par le Parlement, en instaurant par exemple un système de contractualisation entre la CNSA et les acteurs bénéficiaires de ce financement.
À moyen terme, il convient de s'assurer de la mise en œuvre effective et adéquate du service public territorial de l'autonomie, dispositif actuellement en discussion au Parlement. Il faut qu'il en résulte une véritable simplification pour les usagers, et que l'on ne se contente pas d'introduire une couche institutionnelle supplémentaire dans un paysage administratif déjà très complexe : maisons des solidarités, maisons de l'autonomie, maisons départementales des personnes handicapées, conseils départementaux de la citoyenneté et de l'autonomie… Certains auraient d'ailleurs souhaité que les structures existantes puissent être reconnues comme services publics territoriaux afin d'éviter la création d'une structure supplémentaire.
Les auditions n'ont pas permis de définir quelle forme pourrait prendre une déclinaison opérationnelle dans les territoires, au-delà de la conférence présidée par le président du conseil départemental, qui réunit de nombreux intervenants, notamment des services de l'État.
Je termine, monsieur le président.
En prévision de la croissance exponentielle des besoins dans les prochaines années, il faudra repenser le rôle de la CNSA, réformer sa gouvernance et le mode de financement de la branche. Cela nécessite un projet politique partagé et clairement défini, qui dépasse le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, vecteur budgétaire nécessaire mais insuffisant.
M. le président coupe le micro de l'oratrice. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Chaque année, le Printemps social de l'évaluation offre l'occasion de travailler de manière transpartisane à l'élaboration de rapports relatifs au contrôle des lois de financement de la sécurité sociale.
Cette année, nous avons évalué diverses mesures récentes concernant la fiscalité comportementale ; la branche autonomie ; la branche accidents du travail et maladies professionnelles ; le Fonds d'indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) ; MonParcoursPsy et les entretiens postnataux.
Je remercie les administrateurs pour leur aide précieuse et mes collègues députés pour leur participation : ils ont permis de remettre des travaux de qualité.
Évaluer la dépense publique dans le cadre de la sécurité sociale suppose un vaste travail, aussi avons-nous décidé de nous concentrer sur quelques éléments précis. Le bilan est unanime : les idées sont bonnes, il faut en améliorer certaines, parfois réformer leur application. Mon intervention concernera certains des sujets abordés en commission.
Le dispositif MonParcoursPsy constitue une évolution considérable dans le domaine de l'accompagnement psychologique ; toutefois, le premier bilan est très contrasté. En effet, même si le ministre de la santé et de la prévention se prévaut de 372 000 séances prises en charge dans l'année, les professionnels restent très frondeurs : près de 93 % des psychologues y sont totalement opposés et l'appel au boycott est massif : seuls 2 195 psychologues, sur 70 000, sont inscrits sur la plateforme. Ce constat invite à se demander s'il n'aurait pas mieux valu consacrer le montant de 50 millions alloué à ce dispositif à renforcer le service public, en créant des postes de psychologues, dans les centres médico-psychologiques (CMP) et les hôpitaux notamment. Pour maintenir ce dispositif, il faut peut-être mettre à niveau le prix des séances, leur durée, leur nombre et la prise en charge ; il est indispensable d'éviter de créer des consultations à bas coût.
Pour de nombreuses femmes, les profits de l'entretien postnatal sont évidents. Malheureusement, seuls 28 338 entretiens ont été facturés entre septembre et décembre 2022, ce qui correspond à 8 % des naissances environ. Pour soutenir ce dispositif, il faut améliorer l'information, simplifier les échanges avec les établissements de santé et peut-être instaurer une prise en charge intégrale par la sécurité sociale.
Enfin, j'ai eu le plaisir de travailler avec M. Cyrille Isaac-Sibille sur la taxation des boissons, qui entre dans le champ de la fiscalité comportementale. Très disparate, elle est peu lisible : il existe une panoplie de dix-huit taxes sur les boissons alcoolisées, sur les boissons apéritives – alcoolisées et sucrées – et sur les sodas – boissons sucrées. Nous avons été surpris par l'importance des recettes ainsi recouvrées, qui atteignent chaque année entre 4,5 et 5 milliards d'euros. Elles ne semblent pas amoindrir la consommation de boissons sucrées et alcoolisées ; il convient d'en réduire l'éventail.
J'aurais aimé évoquer tous les nombreux sujets abordés dans le rapport 2023 de la Mecss, notamment s'agissant des branches autonomie et AT-MP, mais le temps imparti ne me le permet pas.
Madame et monsieur les ministres délégués, ce rapport doit devenir le socle sur lequel corriger et ajuster les dispositifs, ou élaborer de nouvelles politiques de santé publique au service de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je suis ravi de m'exprimer sur les travaux du Printemps social de l'évaluation, comme d'y avoir participé. Inauguré en 2019, pendant la précédente législature, il est devenu un rendez-vous de contrôle important pour la commission des affaires sociales.
Cette initiative réunit annuellement les acteurs de l'application des lois de financement de la sécurité sociale, permettant d'organiser des discussions approfondies sur certaines dispositions emblématiques des dernières LFSS. Autant qu'un exercice de transparence et de responsabilité à l'égard de nos concitoyens, il s'agit d'un éclairage que nous nous apportons à nous-mêmes sur l'intérêt réel de nombreuses mesures.
Lors des travaux menés en commission, nous avons été particulièrement attentifs à la transformation de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie en une cinquième branche de la sécurité sociale. Les rapporteurs, Mme Monique Iborra, Mme Farida Amrani et M. Paul Christophe nous ont éclairés sur cette évolution majeure et sur les nombreux défis qu'elle soulève.
La CNSA joue un rôle fondamental pour soutenir les personnes en situation de dépendance. Toutefois, son organisation et son fonctionnement singuliers provoquent diverses difficultés. Par exemple, l'absence de caisses locales limite l'interaction avec les assurés. Sa dimension double possède certes des avantages, mais elle lui impose de relever des défis en matière de coordination et de cohérence, en particulier lorsqu'il s'agit de collaborer avec des institutions locales, régionales et nationales pour mener à bien ses missions. De plus, son cadre réglementaire complexe peut paraître opaque aux usagers et aux acteurs de terrain. La multiplicité des règles, des procédures et des critères d'éligibilité peut compliquer l'accès de certaines personnes aux services et aux aides de la CNSA, ainsi qu'entraîner des disparités de service en fonction du lieu de résidence. Il faut donc mener une réflexion approfondie sur cette question, qui pourrait aboutir à simplifier les procédures, à mieux communiquer sur les règles et critères d'éligibilité et à renforcer la coordination entre la CNSA et ses partenaires.
Les conclusions des rapporteurs ont éclairé nos débats ; elles nous fournissent des pistes concrètes pour améliorer la lisibilité de la politique de l'autonomie, afin de lui donner toute sa portée et de disposer d'une vision globale des dépenses qui lui sont consacrées, à l'heure où nous souhaitons emprunter le grand virage domiciliaire. Afin de mieux encadrer les acteurs, il est plus que nécessaire d'élaborer une réelle gouvernance territoriale, pour rapprocher les multiples intervenants des usagers, ainsi que la CNSA des acteurs locaux de l'autonomie, pour assurer l'accès aux droits des usagers et la cohérence de leur parcours, et pour renforcer le contrôle de l'usage des finances publiques.
Le Gouvernement a pris l'initiative de proposer la création d'un service public territorial de l'autonomie (SPTA) ; cette réforme importante est en discussion dans le cadre de l'examen de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France ; comme les autres réformes, nous espérons qu'elle entrera rapidement en application, pour améliorer l'efficacité et la lisibilité des dispositifs. Les débats ont montré que ce service territorial devra impérativement aboutir à une simplification concrète pour les usagers et non à l'ajout d'une entité supplémentaire dans un paysage administratif déjà bien fourni.
Cette édition du printemps social a réaffirmé l'importance d'une évaluation rigoureuse et constante, essentielle pour identifier les améliorations possibles, pour garantir la bonne efficacité de l'action publique et pour veiller à allouer justement les ressources à tous les usagers des services publics.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.
Madame et monsieur les ministres délégués, c'est l'heure de l'avis du conseil de classe : vous allez devoir vous reprendre rapidement !
L'hôpital est en crise ; l'accès aux soins est difficile ; Sanofi ferme des unités de production ; on fait toujours autant appel aux aidants ; les progrès attendus en matière de droit à l'autonomie ne sont pas au rendez-vous ; le tiers payant n'avance pas ; les pénuries de médicaments se pérennisent ; la radiologie déserte les hôpitaux publics ; des entreprises financières déploient des centres de santé dentaires ou optiques à but lucratif dans tout le territoire ; la tarification à l'activité fait toujours des dégâts.
À chaque examen du budget de la sécurité sociale, vous arrivez avec l'intention d'en lâcher le moins possible : votre objectif suprême est de tenir la promesse faite à vous-mêmes, à la finance et à Bruxelles, de contenir le plus possible les dépenses sociales et les dépenses de santé. Dès lors, pouvons-nous encore affirmer, avec le code de la sécurité sociale : « L'État […] garantit l'accès effectif des assurés aux soins sur l'ensemble du territoire » ?
Ce budget a servi à organiser le sous-financement de la sécurité sociale, dont l'État est le tuteur et le curateur, avec la fiscalité comme instrument. À force d'à force, la sécu est devenue de moins en moins protectrice, non parce que son modèle est défaillant, mais parce que ses fondements ont été fragilisés. Dès lors, pouvons-nous encore affirmer, avec le code la sécurité sociale : « La protection contre le risque et les conséquences de la maladie est assurée à chacun, indépendamment de son âge et de son état de santé » ?
Pour cet oral de rattrapage, beaucoup de questions pourraient vous être posées. En juillet 2022, l'assurance maladie a publié un rapport intitulé « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses » – sic. Note pour l'an prochain : maîtriser les recettes pourrait également s'avérer utile.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce rapport décrit une situation très préoccupante en matière de santé mentale, que la pandémie a aggravée, en particulier chez les jeunes. En 2020, le recours aux médicaments psychotropes a fortement augmenté et, en 2021, il en a été de même des traitements antidépresseurs, notamment pour des traitements initiaux, en particulier chez les plus jeunes. De manière surprenante, la conclusion du rapport concerne le développement de dispositifs de soins psychiques à bas coût et du numérique en santé.
Le dispositif MonParcoursPsy est manifestement un échec : il ne correspond pas aux besoins en soins psychiques et une large majorité des psychologues le critiquent sévèrement. Pendant ce temps, les files d'attente s'allongent aux portes des institutions publiques, des CMP, des CMPP – centres médico-psycho-pédagogiques – et des CAMSP – centres d'action médico-sociale précoce. Allez-vous en tirer les leçons et investir vraiment dans le service public ? Quand ?
Le taux de précarité des psychologues est très élevé. En début de carrière, leur indice majoré est celui d'une profession à bac +3 ; ils perçoivent alors 1 600 euros par mois, et 2 500 euros après vingt ans d'exercice. Quel plan de rattrapage des salaires, quel plan de déprécarisation, prévoyez-vous d'appliquer dans le secteur public pour les médecins, soignants, aides-soignants, personnels hospitaliers ?
En 2021, cinquante-huit start-up françaises du secteur de l'e-santé ont levé un total de 929,4 milliards d'euros, soit plus qu'au cours des deux années précédentes. Force est de constater que les moyens publics ont considérablement augmenté ces dernières années : ils se chiffrent en milliards.
Doctolib est un acteur privé puissant, qui s'est placé au carrefour de l'accès aux soins : cette situation vous semble-t-elle devoir perdurer ? Ramsay services propose une offre d'abonnement à 11,90 euros par mois « pour téléconsulter un médecin chaque fois que vous en avez besoin, tous frais compris ». Faut-il laisser se développer ces offres d'abonnements illimités sur des « plateformes Netflix » de télémédecine ?
Pour terminer, je prends le risque de vous lister quelques questions flash : après avoir plafonné les tarifs des intérimaires dans le public, envisagez-vous un dispositif de plafonnement dans le secteur privé ?
Que prévoyez-vous pour développer une offre de soins palliatifs qui soit enfin à la hauteur des besoins ? Selon un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), deux tiers des personnes qui devraient en bénéficier en sont privées et vingt et un départements sont dépourvus d'un service dédié – je m'en tiendrai là.
Que prévoyez-vous pour soutenir le don du sang et pour permettre à l'Établissement français du sang (EFS) de se déployer et de collecter le plasma en quantité suffisante pour la fabrication des médicaments biologiques dont nous avons besoin ? Que faites-vous pour développer la production hospitalière de ceux-ci ?
N'aurions-nous pas besoin d'un pôle public du médicament ? Le constat est sans appel : la marchandisation de la santé et de la protection sociale gagne du terrain, sans que cela ne produise de droit à la santé pour toutes et tous, tout au long de la vie ; bien au contraire.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – M. le président de la commission des finances applaudit également.
Merci à tous et à toutes pour ces débats très intéressants, répartis dans un peu plus de vingt séances de commission – j'ai eu l'honneur et le plaisir de participer à l'une d'entre elles. Ils ont permis de conduire une procédure votée par cette assemblée il y a maintenant cinq ans s'agissant de la commission des finances et un peu moins pour ce qui est de la commission des affaires sociales.
Je profite de cette intervention du Gouvernement pour remercier chaleureusement celles et ceux qui vous ont précédés sur ces bancs, à qui l'on doit ces procédures qui font honneur à l'Assemblée nationale. Elles rapprochent le Parlement français de grands parlements internationaux qui contrôlent l'action de leurs gouvernements, évaluent les politiques publiques et en tirent des conséquences pour l'avenir. Je pense en particulier à Amélie de Montchalin, à Joël Giraud, à Éric Woerth – qui vous a précédé sur ce banc, monsieur Coquerel, en tant que président de la commission des finances –, à Thomas Mesnier, à Brigitte Bourguignon, à Fadila Khattabi, à Stéphanie Rist et à Olivier Véran, le prédécesseur de cette dernière comme rapporteur général du budget de la sécurité sociale. Grâce à elles et grâce à eux, nous disposons désormais d'une procédure intéressante.
Il y en a encore pour longtemps avec les remerciements ? On se croirait à la soirée des César !
Je regrette personnellement que le Gouvernement prenne la parole en l'absence de plusieurs orateurs qui l'ont interpellé ; j'aurais préféré leur répondre directement.
Je répondrai donc à celles et ceux qui sont restés, notamment au président Éric Coquerel, qui a parlé d'un pudding dans son intervention. Grâce aux améliorations continues, en particulier celles que vous avez menées à bien, vous avez progressivement transformé ce pudding en millefeuille : un beau petit gâteau constitué de plusieurs évaluations verticales, qui produit finalement une évaluation assez globale et cohérente de la politique budgétaire et sociale du Gouvernement.
Certains d'entre nous reconnaîtront sans peine qu'elle a été efficace, notamment dans les périodes de crise sanitaire et de sortie de crise, au cours desquelles la politique publique a été très importante.
Je voudrais profiter de cette intervention pour répondre à certaines interpellations, du président de la commission des finances, mais aussi des députés Rimane et Allisio, sur les obligations indexées sur l'inflation. Depuis leur création il y a vingt-cinq ans, celles-ci permettent à l'État d'avoir une politique diversifiée en matière d'émission et de risques, en lui donnant notamment la possibilité d'indexer certaines recettes sur l'inflation. Depuis deux ans, elles nous ont évidemment coûté un peu d'argent – cela a été dit –, mais il ne faut pas oublier qu'elles nous en ont rapporté énormément au cours des vingt-trois années précédentes.
Les obligations assimilables du Trésor indexées sur l'inflation (OATI) constituent une belle politique de diversification des expositions de l'État aux marchés financiers. Elles représentent à peu près 10 % de l'encours de la dette et les émissions à venir resteront à ce niveau. Cela permet de placer la France sur la carte des pays les plus innovants en matière de gestion dynamique de ses recettes et de ses dépenses publiques.
S'agissant des documents d'identité, nous avons agi à la suite des dysfonctionnements que vous avez mentionnés, monsieur le président Coquerel. De nombreux pays ont été touchés par des problèmes semblables après la crise sanitaire. Le ministère de l'intérieur a mobilisé 10 millions en 2022 et 20 millions en 2023 pour accélérer la délivrance des papiers d'identité.
Je voudrais remercier les députés, singulièrement ceux de la majorité, qui ont passé en revue plusieurs rapports importants : M. le rapporteur général, mais aussi MM. Geismar et Mournet, ainsi que Mmes Gérard et Iborra. Ils ont cité des rapports très pertinents, qui nous permettront d'améliorer la gestion des politiques publiques en matière d'accueil des demandeurs d'asile, de relations avec les collectivités locales, de politiques de l'emploi, d'agriculture et d'économie. J'ai moi-même eu l'occasion de passer en revue, en commission des finances, le très important rapport d'un député de La France insoumise, M. Michel Sala. Loin des caricatures auxquelles nous avons eu affaire tout à l'heure, il a fait des propositions importantes et intéressantes sur l'évolution de la statistique publique, dont nous pouvons par ailleurs être fiers. Je ne serai pas plus long sur les remarques relatives à la qualité des indicateurs de performance, puisque les députés les ayant critiqués ne sont plus là,…
…mais sachez que nous recueillons l'ensemble des critiques constructives sur leur application, ce qui nous permettra d'améliorer encore cet exercice l'année prochaine.
M. Allisio nous a parlé de ministres musiciens, mais c'est plutôt lui qui joue du pipeau,…
…puisqu'il a raconté à peu près n'importe quoi sur l'état de la France : en réalité, le taux de chômage est au plus bas et le taux d'emploi des jeunes est au plus haut.
Il a parlé de la procédure de déficit public excessif, mais c'est la présente majorité qui a sorti la France de la procédure de déficit public excessif dès 2019, après trois budgets très rigoureux votés par cette même majorité ; les quelques députés de vos bancs s'y étaient opposés à l'époque.
Si vous voulez éviter que la France connaisse à nouveau des déficits publics excessifs, n'hésitez surtout pas à voter la loi de programmation des finances publiques, qui vise un retour du déficit public de la France en deçà de 3 % dès 2027, loin des politiques dispendieuses que vous promettez. Baisser la TVA n'aboutira qu'à augmenter le trou des finances publiques, sans aucun effet positif pour les ménages.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Je ne reviendrai pas sur les charges que vous souhaitez économiser sur l'aide médicale de l'État, puisque vous y ferez référence tout à l'heure. Je conclurai en disant à M. Allisio que la seule véritable mise sous tutelle, c'est de faire financer ses campagnes par des fonds étrangers.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Monsieur Clouet, j'ai noté que vous regrettiez que les politiques publiques fassent l'objet de critères et que les aides sociales soient octroyées sur la base de critères très concrets. Vous regrettez aussi le basculement des cotisations sociales vers la contribution sociale généralisée (CSG) : j'en suis surpris, puisque la CSG taxe les revenus du capital et pas uniquement ceux du travail.
Vous êtes encore et toujours favorable à une augmentation de la taxation, malgré un taux de prélèvement obligatoire de 45,3 %, qui nous place dans le top 2 mondial.
Monsieur Hetzel, je vous remercie de votre analyse détaillée du problème des prisons, dont vous êtes un fin connaisseur. L'objectif est de créer 15 000 nouvelles places de prison sur la période 2018-2027. Vous l'avez rappelé, c'est une priorité fixée par le Président de la République, visant à porter à 75 000 le nombre total de places d'ici à la fin du quinquennat.
La moitié des cinquante chantiers du programme portant sur des établissements pénitentiaires seront opérationnels dès 2024…
…et onze seront mis en service dès cette année : sept structures d'accompagnement vers la sortie et quatre centres pénitentiaires. Pas très loin de chez vous, dans le Haut-Rhin, le centre pénitentiaire de Mulhouse a ouvert à l'automne 2021.
Vous avez raison, des difficultés existent ; nous ne les nions pas. La crise financière, les difficultés d'approvisionnement en matières premières et l'inflation ont provoqué des retards, mais nous devons aussi affronter des réticences, souvent d'élus locaux et souvent issus de votre famille politique.
Je vous engage à joindre vos efforts aux nôtres pour convaincre ces derniers de construire davantage de places de prison. Je suis sûr qu'à nous deux, nous y arriverons ! N'hésitez pas à nous aider.
Des contraintes environnementales rallongent parfois les délais, mais tous les terrains nécessaires au lancement de l'ensemble des projets sont désormais identifiés. Les opérations sont entrées dans leur phase active et le rythme des livraisons va maintenant s'accélérer, pour s'échelonner jusqu'à la fin 2027. En outre, la loi de programmation de la justice sera bientôt en discussion – le 21 juin en commission et dès le 3 juillet en séance. Je ne doute pas que vous aurez l'occasion d'échanger à nouveau avec le garde des sceaux sur ce sujet qui vous tient à cœur.
J'ai noté que M. Brun préférait l'évaluation au vote de lois inutiles : j'imagine que vous faisiez référence, monsieur le député, à la loi que vous avez défendue visant à nationaliser EDF ?
Si elle était si inutile, vous ne vous y seriez pas opposé, monsieur le ministre délégué !
Cette nationalisation est désormais complète et se traduira, dès demain, par la présence de 100 % des actifs dans les mains de l'État. Vous avez aussi proposé des améliorations à la procédure : je ne doute pas que les présidents de la commission en tiendront compte. En revanche, s'agissant de la rémunération des fonctionnaires, je tiens à rappeler qu'entre le Ségur de la santé, la hausse de la rémunération des enseignants et la revalorisation du point d'indice dans la fonction publique – inédite depuis 1985 –, nous avons fait notre part dans la hausse de la rémunération des fonctionnaires français.
Je ne serai pas plus long. Merci à tous et à toutes de vos contributions ; je ne doute pas que nous ferons encore mieux l'année prochaine. En attendant, j'en profite pour excuser Gabriel Attal, retenu à Matignon pour une réunion.
Je ne doute pas qu'il vous manque, monsieur Lecoq, et vous le retrouverez bientôt, puisque les assises des finances publiques se tiendront le 19 juin à Bercy, en présence de la Première ministre. Elles nous permettront d'avoir une première discussion sur le budget pour 2024.
Les Assises pour M. Attal et Mme Borne ? La correctionnelle aurait suffi !
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé.
Comme mon collègue Roland Lescure, je voudrais vous dire le plaisir que j'ai à être devant vous pour cet important rendez-vous du Printemps social de l'évaluation. Alors que les dépenses et les recettes de la sécurité sociale représentent des masses financières supérieures à celles du budget de l'État, nous devons garder en tête que ces deniers publics, qui financent notre santé, mais aussi les prestations sociales et les retraites, sont les deniers des Français, auxquels nous devons la transparence.
Dans la lignée de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2001, nous avons collectivement fondé l'espoir de faire émerger une culture véritable et partagée de l'évaluation de notre pays. Je me réjouis de voir que l'évaluation des politiques publiques suscite un intérêt toujours croissant et surtout, qu'elle tient une place de plus en plus importante dans notre système institutionnel. Depuis 2019, le Printemps social de l'évaluation, promu par la commission des affaires sociales et sa Mecss, s'inscrit dans ce mouvement. L'expérimentation de ce format original a été impulsée par la conférence des présidents et s'est rapidement imposée comme un temps fort du calendrier social.
Ce cadre a été très récemment enrichi grâce à l'entrée en vigueur de la loi organique du 14 mars 2022, défendue sous la précédente législature par Thomas Mesnier, avec de nombreuses avancées : la création des lois d'approbation des comptes sociaux, l'intégration de la dette des hôpitaux et des établissements médico-sociaux au PLFSS ou encore l'enrichissement et la rationalisation de ses annexes. C'est d'autant plus nécessaire compte tenu de l'importance croissante de l'intégration européenne, en particulier depuis la création en 2011 du semestre européen, qui renforce cette exigence de consolidation d'une vision financière prospective, analytique et articulée.
Finalement, l'évaluation et la transparence contribuent de façon tout à fait centrale à la réussite et à l'efficience de nos politiques publiques. En effet, il est essentiel de confronter l'intention à la réalité de l'action et d'apprécier les résultats des politiques de sécurité sociale menées au regard des objectifs qui leur ont été assignés : assurer l'égalité d'accès aux soins et aux prestations sociales ; améliorer la qualité des services et l'adéquation des prestations sociales aux besoins des Français ; fournir des services de protection sociale de manière efficiente ; assurer la viabilité du système de la sécurité sociale à long terme. Les différentes tables rondes ont été l'occasion d'approfondir et d'examiner en détail de nombreux sujets essentiels ; je tiens à saluer la qualité du travail fourni par les différents rapporteurs et par les membres de la Meccs.
La contribution que vous apportez au débat est d'autant plus importante que ces dernières années ont été, à bien des égards, tout à fait exceptionnelles, du point de vue de nos finances et de nos politiques sociales. En effet, nous avons eu à protéger notre système de santé contre des chocs exogènes résultant des effets conjugués de la crise sanitaire et de l'inflation. Nous avons eu à assumer des déficits et à supporter des surcoûts exceptionnels pour continuer à assurer la prise en charge complète des dépenses de santé et pour garantir l'accès aux soins de tous les assurés.
Toutefois, les fortes dépenses de ces dernières années ne sont pas toutes liées à la gestion de crise. La trajectoire de l'Ondam s'inscrit dans une hausse constante des moyens alloués à la santé depuis 2017, témoignant de la priorité accordée par le Président de la République à ce sujet.
Nous avons investi dans notre système de santé en mobilisant, de manière tout à fait exceptionnelle, des crédits du Ségur pour rénover et pour moderniser nos établissements de santé. Nous avons investi dans nos forces vives, en revalorisant les traitements et en augmentant le point d'indice – mesures qui ont bénéficié à la fonction publique hospitalière – et en prenant mieux en considération les sujétions relatives au travail de nuit et durant le week-end, grâce à la mission flash sur les urgences et soins non programmés.
Toutes ces mesures ont été appliquées en soutenant en même temps une dynamique responsable de retour à la normale, puisqu'en 2022, la situation financière des régimes de base de la sécurité sociale s'est améliorée. En effet, le déficit des régimes de base et du Fonds de solidarité vieillesse atteint 19,6 milliards d'euros, ce qui représente une réduction de 4,6 milliards par rapport à 2021.
Vous connaissez l'expression selon laquelle « rien n'est plus aride que le domaine des finances publiques ; rien ne mérite davantage l'attention. » Je m'avancerais même à dire que c'est encore plus vrai lorsqu'on se penche sur les finances sociales. Le budget de la sécurité sociale, qui est l'un des cœurs battants de notre démocratie, est un objet vivant, tant en raison de l'importance de son volume financier que de ce qu'il représente : l'effort solidairement consenti par la nation en faveur de la santé, des familles, de l'autonomie ou encore des retraites de nos concitoyens.
Je tiens à remercier l'ensemble des parlementaires de la commission des finances, de la commission des affaires sociales et de la Mecss, qui se sont mobilisés pour réaliser ce travail transpartisan. Je n'oublie pas les responsables des administrations et des caisses, qui ont largement contribué à enrichir vos débats, en répondant à vos questions, à vos interpellations et à vos observations tout au long du Printemps social de l'évaluation.
Comme l'a fait mon collègue Roland Lescure, je répondrai aux parlementaires encore présents.
Je ne me lancerai pas dans des recettes de cuisine, en particulier celle du pudding ou du millefeuille.
Vous avez raison, monsieur Coquerel, aucun sujet n'est rébarbatif, chacun mérite d'être débattu.
Madame Khattabi et monsieur Cazeneuve, vous avez insisté sur le travail transpartisan réalisé dans le cadre de la publication des rapports d'information, qui contribue également au grand succès du Printemps de l'évaluation – vous avez raison de le souligner. Il nous faut continuer à œuvrer en ce sens.
Madame Rist, l'évaluation des innovations récentes dans le financement des établissements de santé que vous avez menée nous aidera dans le cadre de la réforme de la T2A, souhaitée par le Président de la République.
J'ai déjà répondu en commission à M. de Courson sur la nécessité de prévoir des indicateurs.
Il est dommage que M. Clouet ne soit plus là, j'avais une réponse intéressante à lui apporter.
La sécurité sociale permet de tenir la belle promesse républicaine. Nous devons nous réjouir et être fiers de notre système de sécurité sociale, qui permet de prendre en charge nos concitoyens.
Monsieur Hetzel, M. Lescure vous a déjà répondu, mais je souhaite insister sur un point. Je suis d'accord avec vous et vous pouvez compter sur notre détermination pour que les nombreux rapports des députés ne restent pas lettre morte.
Je vous remercie, monsieur Dharréville. J'espère que vous nous mettrez une bonne note, puisque nous passons en conseil de classe.
Je vous remercie, monsieur Geismar, d'avoir souligné le succès du fonds Vert, qui accompagne la transition écologique des collectivités territoriales.
Monsieur Brun, je m'excuse d'être présente et de tenter de répondre à vos questions. J'ai quand même l'humilité de penser qu'ayant participé, en ma qualité de parlementaire, à plusieurs éditions du Printemps social de l'évaluation, je suis capable de répondre à quelques questions. La provision pour l'Ondam, que vous avez pointée, a en effet été sous-estimée en raison de la poursuite de la crise sanitaire, et s'est malheureusement révélée plus grave que prévu. La provision pour l'Ondam 2022, qui s'élevait à 4,9 milliards, a dû être revue à la hausse au mois de septembre 2023, afin de tenir compte de la poursuite de la crise, de l'augmentation de la rémunération des professionnels des établissements, mobilisés pour vacciner tous nos concitoyens, et, enfin, des dépenses exceptionnelles, engagées par Santé publique France, notamment pour l'achat des vaccins contre la covid-19.
Par ailleurs, je ne peux vous laisser dire que des lits ont été fermés. Vous savez très bien que les lits ne sont pas fermés par plaisir ou manque de moyens, mais parce qu'il n'y a plus suffisamment de professionnels.
Tel est le sens de l'action que nous menons depuis 2017, afin de répondre aux besoins de santé de nos concitoyens et de rendre attractifs les métiers de la santé.
Mme Gérard a souligné, à juste titre, que le Printemps social de l'évaluation représentait un temps politique fort.
Je vous remercie, monsieur Rimane, d'avoir reconnu que l'État allouait des moyens aux outre-mer.
Je fais une réponse commune à Mme Iborra et à M. Gernigon sur l'évaluation de la CNSA. Vous avez indiqué que les relations entre la CNSA et les territoires étaient compliquées. Je suis intimement convaincue que les travaux relatifs au service public territorial de l'autonomie permettront d'apporter une réponse. La CNSA est, depuis longtemps, un partenaire des départements et de l'État, représenté par les ARS dans les territoires, pour accompagner les politiques de l'autonomie et de la prise en charge du handicap.
Enfin, monsieur Frappé, vous avez dit que l'évaluation représentait un travail conséquent ; vos nombreux travaux en attestent.
Monsieur Dharréville, je vais répondre aux nombreuses questions que vous avez posées. Vous savez que la réforme de la T2A, qui est compliquée mais nécessaire, est en cours. Comme le Président de la République en a émis le souhait le 6 janvier, le PLFSS pour 2024 posera la première brique à cette réforme.
Nous savons que la santé mentale est une question majeure. Vos travaux ont montré que MonParcoursPsy, qui en est l'une des réponses, ne règle pas toutes les situations ; les psychologues s'interrogent beaucoup. Vos travaux nous permettront de faire évoluer ce dispositif nécessaire. Les chiffres relatifs à la santé mentale des jeunes nous obligent collectivement à prendre des mesures et à continuer à offrir aux jeunes – mais aussi aux moins jeunes – une réponse à leurs problèmes de santé mentale.
Aucune mesure de cette ampleur n'avait été prise avant le Ségur, notamment s'agissant de la revalorisation des professionnels : une enveloppe de 19 milliards d'investissements et de 12 milliards pour financer le rattrapage de la rémunération des professionnels de santé, d'abord dans le public, puis dans le privé, a été allouée. Vous le savez puisque nous avons déjà eu l'occasion de travailler sur cette question, ce sont non pas vingt et un départements qui ne disposent pas d'unités de soins palliatifs, mais vingt…
Je suis bien d'accord. C'est pourquoi l'objectif fixé dans la stratégie décennale, qui vous sera présentée au mois de septembre, est de doter, le plus rapidement possible, tous les départements d'unités de soins palliatifs – ce qui ne signifie pas pour autant qu'aucun soin palliatif n'est dispensé dans les départements qui en sont dépourvus –, et de garantir la nécessaire égalité entre les concitoyens. Voilà, en quelques mots, les réponses que je pouvais apporter aux questions que vous nous avez posées.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.
L'ordre du jour appelle la discussion, en application de l'article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution relative à la définition d'un cap au bénéfice des écoles nationales supérieures d'architecture (n° 1238).
Alors qu'elles constituent le cadre de formation privilégié des premiers acteurs de notre transition écologique, particulièrement de la rénovation énergétique de nos bâtiments et de nos logements, les écoles nationales supérieures d'architecture, les Ensa, traversent, depuis février, une période de fortes turbulences.
Les difficultés rencontrées par ces écoles sont connues et ont fait l'objet de multiples publications : deux rapports d'inspection, une étude remise par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) à la commission des finances et un rapport d'information remis par mes soins à cette même commission.
N'ayons pas peur des mots et disons les choses franchement : les Ensa ne disposent pas des moyens adéquats pour exercer leurs missions dans des conditions satisfaisantes. En dépit d'un incontestable effort de rattrapage engagé depuis 2017 et de la hausse des crédits intervenue – à votre initiative, madame la ministre – depuis un an, le compte n'y est pas.
La double tutelle exercée sur ces écoles par le ministère de la culture et celui de l'enseignement supérieur et de la recherche ne donne pas satisfaction. Les besoins des Ensa restent méconnus, tout comme la trajectoire de leurs diplômés. Leurs locaux demeurent dégradés. Le montant des subventions par étudiant versées par l'État aux écoles varie sans justification apparente de plus de 60 %. Et j'en passe.
Dire cela, ce n'est pas faire le procès du Gouvernement, encore moins celui de la ministre de la culture, qui, depuis sa nomination, se mobilise en faveur de ces écoles. N'oublions pas, en effet, que c'est cette majorité qui, sur la période 2020-2023, a décidé d'investir 88 millions d'euros dans les Ensa, a créé 200 postes d'enseignants titulaires et a accru la rémunération des enseignants contractuels.
Si je tiens à souligner ces avancées, je ne peux néanmoins que regretter l'absence totale de pilotage des écoles d'architecture depuis près de vingt ans. Disposant de ressources insuffisantes, notamment de ressources propres, notoirement basses, le modèle des Ensa s'essouffle et vacille. Ces écoles sont pourtant primordiales pour la préservation de notre planète.
Alors, que fait-on ? Comment répondons-nous à cette urgence ? Notre réponse ne peut pas se résumer à un chèque supplémentaire.
Ah non, pas de chèque ! Vous êtes d'accord, monsieur le rapporteur général ?
M. le rapporteur général opine du chef.
Je l'écris dans la proposition de résolution que je vous soumets et qui a reçu le soutien de députés appartenant à cinq groupes politiques différents – je les en remercie. La voie à suivre consiste à définir une trajectoire pluriannuelle de ressources et de moyens, à faire évoluer les compétences des écoles, à en développer fortement les ressources propres et à rénover en profondeur les conditions d'exercice de leur tutelle.
Oui, les Ensa doivent être soutenues. Parallèlement, elles doivent, au même titre que le ministère de la culture, se remettre en question plus qu'elles ne l'ont fait jusqu'à présent, afin de mettre fin à certaines anomalies.
Actuellement, moins d'une Ensa sur trois propose des actions de formation continue diplômante alors même que les 30 000 architectes de France sont assujettis à une obligation de formation continue par an. Est-ce normal ? Non.
Actuellement, 70 % des personnels des écoles sont gérés directement par le ministère de la culture, et non par les écoles elles-mêmes. Est-ce normal ? Non.
Actuellement, il y a moins de personnels administratifs dans les Ensa qu'avant la réforme de 2018, qui leur a pourtant délégué de nouvelles responsabilités. Est-ce normal ? Non.
Actuellement, en cas d'orage, il pleut dans l'amphithéâtre de l'Ensa de Grenoble. Est-ce normal ? Non.
C'est pour remédier à ces difficultés et marquer notre attachement aux Ensa que je vous propose d'adopter la proposition de résolution que nous examinons.
Les transitions écologique et énergétique ont besoin des Ensa. Nos logements et notre bâti ont besoin des Ensa. Nous avons besoin des Ensa. Il nous appartient de permettre à ces écoles d'exercer leurs fonctions de manière optimale.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La proposition de résolution relative à la définition d'un cap au bénéfice des écoles nationales supérieures d'architecture met en lumière des enjeux cruciaux pour l'avenir de nos futurs architectes. Le rapport d'Alexandre Holroyd démontre avec force, et on ne peut que le regretter, que l'ensemble de l'enseignement de l'architecture dans notre pays vacille.
Les fondations sont mauvaises : manque chronique de moyens, modèle financier dépassé et bien trop limité, et tutelle du ministère de la culture qui entrave son fonctionnement même. Il est grand temps de renforcer cet enseignement pour élever nos ambitions architecturales vers de nouveaux sommets.
Il est important de reconnaître que les réformes entreprises depuis 2005 et les décrets de 2018 ont rapproché l'organisation des Ensa de celle de l'enseignement supérieur. Toutefois, malgré ces avancées, des différences significatives subsistent. Tant sur le plan pédagogique que sur celui de la gestion, il est essentiel de continuer à travailler pour favoriser une harmonisation et améliorer l'intégration des Ensa dans le paysage de l'enseignement supérieur français.
Le financement, l'un des points critiques abordés dans le rapport, révèle une situation économique intenable. Une dépendance excessive vis-à-vis du ministère de la culture impose aux Ensa des défis financiers et limite leur flexibilité. La solution la plus évidente consiste à différencier les droits d'inscription des étudiants français de ceux des étudiants extracommunautaires. On pourrait, ce faisant, augmenter significativement les capacités financières des Ensa, fondées essentiellement sur les droits d'inscription. En rebaptisant leurs établissements « écoles nationales sans argent », les élèves, les enseignants et les autres personnels, en grève, revendiquent une meilleure considération.
La tutelle des Ensa est également à reconsidérer. Afin d'assurer une meilleure coordination entre les différents acteurs et une prise de décision plus efficace, cette tutelle se doit d'être plus claire et plus solide. Celle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, quasi inexistante, doit se doter des compétences adéquates afin de rapprocher les Ensa d'autres établissements d'enseignement supérieur.
La remise à niveau des locaux et des capacités d'accueil est impérative. Elle doit s'accompagner d'une augmentation des effectifs administratifs, jugés trop faibles. Ces déficiences entravent le bon fonctionnement des écoles et affectent la qualité de l'enseignement dispensé. Dans cette optique, les écoles volontaires doivent pouvoir gérer elles-mêmes leur propre personnel, comme c'est le cas des autres établissements d'enseignement supérieur. Un rapprochement avec les écoles d'ingénieurs est aussi une condition de l'amélioration de la formation reçue.
Le nombre des étudiants en école d'architecture par rapport à la population est l'un des plus faibles d'Europe. Nous n'accueillons en effet que 20 000 étudiants dans cette discipline chaque année, et ce nombre reste stable depuis plus de vingt ans. Il est donc nécessaire d'envisager des mesures pour encourager une augmentation maîtrisée du nombre d'étudiants afin de répondre à la demande croissante et de garantir une offre de formation de qualité. C'est l'enseignement même de l'architecture dans notre pays qui est en danger.
Réflexion sur les mécanismes de financement, réforme de la gouvernance, soutien apporté aux ressources humaines et aux infrastructures et attention particulière accordée à une croissance maîtrisée des effectifs : autant d'axes d'amélioration qui permettront de sauvegarder et de moderniser nos écoles d'architecture.
La proposition de résolution est un premier pas vers la définition d'un cap au bénéfice de ces écoles. C'est pourquoi mes collègues du Rassemblement national et moi-même voterons en faveur de ce texte. Il nous faut agir avec conviction pour donner des fondations solides et saines à nos écoles nationales supérieures d'architecture.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La France compte vingt écoles nationales supérieures d'architecture. Elles forment nos futurs architectes, nos bâtisseurs de demain, celles et ceux dont dépend l'indispensable adaptation de nos bâtiments aux défis de la bifurcation écologique.
Sur ces vingt écoles, elles sont vingt à s'être mobilisées ces derniers mois. Vous avez bien entendu : 100 % des écoles nationales d'architecture sont entrées en lutte. Pourquoi donc ?
Elles manquent cruellement de moyens matériels et humains, leurs bâtiments sont inadaptés et les étudiants et étudiantes subissent la précarité en plus des pressions psychologiques de la fameuse « charrette ».
Les professeurs assument des charges administratives en plus de leur temps d'enseignement ; les uns sont des contractuels précaires, les autres relèvent du statut d'enseignant-chercheur, mais doivent donner plus d'heures de cours que leurs homologues des universités. Enfin, en lieu et place des créations de postes promises lors de la réforme de 2018, il y a des postes vacants et des sous-effectifs.
À l'école de Belleville, que j'ai visitée avec mon collègue Louis Boyard, j'ai rencontré une étudiante vacataire sans contrat de travail dont la paye est dérisoire et toujours versée en retard. À l'école de Paris-La Villette, qui se trouve également dans ma circonscription, il y a carrément de l'amiante et des fuites !
À force de mobilisation, ces écoles ont obtenu qu'enfin, on se penche sur leur cas. Madame la ministre, après trois mois de lutte, vous avez fini par leur répondre en débloquant quelques millions, quelques postes, et en faisant des promesses. Vous avez annoncé des concertations pour relancer une stratégie nationale pour l'architecture, et le député Holroyd vient de rendre un rapport dont est issue la proposition de résolution que nous examinons. Fort bien : il était temps !
Mais, selon le collectif des Ensa en lutte, ce rapport est le fruit d'une concertation partielle : ni le bureau du Conseil national des enseignants-chercheurs des écoles d'architecture, ni les organisations représentatives, notamment étudiantes, ni les collectifs mobilisés n'auraient été consultés ou ils ne l'auraient pas été suffisamment. Sans surprise, les propositions qui découlent de cette concertation sont loin de faire l'unanimité chez les premiers concernés.
La proposition de résolution invite le Gouvernement à définir une « trajectoire pluriannuelle en termes de ressources et de moyens pour assurer une remise à niveau des Ensa ». Douce musique à nos oreilles, mais quelque peu gâchée par la fausse note finale : « dans le prolongement des efforts engagés depuis 2018 ». Depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, jamais le budget consacré aux Ensa n'a retrouvé le montant qui leur était alloué dans la loi de finances de 2016 ! Au lieu de féliciter le Gouvernement, on aurait pu commencer par lui demander de tenir enfin les engagements pris en 2018.
Mais passons sur cette pulsion d'autosatisfaction qui s'empare de vous, même face à un mouvement social d'ampleur – on commence à en avoir l'habitude – et venons-en au cœur du problème : cette manie de dégainer à tout bout de champ vos recettes libérales…
…qui ont pourtant montré tous leurs méfaits. Si on lit bien cette proposition de résolution, on y trouve en effet, en guise de remède, tous les ingrédients nécessaires pour empoisonner un service public.
On en ferait presque une recette Marmiton, le « Gâteau empoisonné façon Macron ». Chères écoles, vous prendrez bien un peu de « développement des ressources propres », agrémenté d'un « bonus financier » pour celles d'entre vous qui auront bien atteint les objectifs fixés… Quel est l'ingrédient de base de ces ressources propres à augmenter ? Les frais d'inscription ! C'est une mauvaise plaisanterie ? Les étudiants payent déjà des droits d'entrée supérieurs à ceux des universités, auxquels s'ajoutent des frais de matériel très élevés, dont ils se plaignent.
Mais ne vous arrêtez pas là, chères Ensa, et prenez donc goût aux fonds privés ! On retrouve là un incontournable de la gastronomie libérale. Un service public meurt de faim ? Que ses personnels administratifs en sous-effectifs se mettent tout de suite en chasse de coopérations avec les entreprises ! Car, au fond, quel problème y aurait-il à remettre la survie de nos formations publiques d'architecture – maillon essentiel de la bifurcation écologique – entre les mains des grosses entreprises polluantes du BTP – bâtiment et travaux publics ?
Quant à la fameuse « recherche de voies d'économies », elle assaisonne d'un goût amer les mesures proposées, comme l'ajustement des maquettes pédagogiques ou l'intégration des Ensa au sein d'établissements publics expérimentaux (EPE). Il est à craindre que l'objectif de réduction des coûts ne l'emporte sur la résolution des inégalités d'accès aux droits et des inégalités de statut, aujourd'hui dénoncées.
Enfin, vous ajoutez une cerise sur ce gâteau empoisonné : le renforcement de l'implication des collectivités territoriales, qui ne peut être qu'une provocation. Avez-vous vu l'état de ces dernières ? Avez-vous entendu le cri d'alarme des écoles d'art et de design territoriales, elles aussi en lutte depuis plusieurs mois, et dont certaines sont purement et simplement menacées de disparition, du fait, précisément, du désengagement des collectivités ?
Le collectif des Ensa en lutte appelle à voter contre ce texte, ce que fera le groupe La France insoumise. Il appelle aussi à reprendre le travail de concertation, pour aboutir à des engagements à la hauteur des urgences rencontrées comme du défi écologique.
Alors, chiche ! Pour l'architecture comme pour le reste, finissons-en avec les recettes libérales qui sabotent nos services publics, et osons l'État stratège qui investit et planifie.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Face au réchauffement climatique, l'architecture est appelée à jouer un rôle majeur dans l'adaptation du bâti aux réalités de notre siècle. Nous devons donc assurer un avenir solide au secteur, et cela passe par un investissement suffisant dans les vingt écoles nationales supérieures d'architecture, qui forment les professionnels de demain.
Ce système de formation reconnu doit être soutenu. Le besoin de formation est effectivement considérable pour être en mesure de répondre aux enjeux. Or seuls 30 000 architectes sont inscrits à l'ordre en France, pays européen qui en compte le moins ; en Italie, on ne dénombre pas moins de 160 000 architectes pour une population moindre. Qui plus est, la profession devra être massivement renouvelée dans les prochaines années compte tenu de l'âge moyen des architectes, qui est de 51 ans dans notre pays. À cet égard, la stagnation, depuis vingt ans, des effectifs accueillis au sein des Ensa est inquiétante.
La réforme de 2018 a représenté une promesse pour l'avenir des Ensa, mais l'accompagnement de l'État par des moyens financiers et humains fait défaut et empêche de la réaliser.
Dans un courrier envoyé le 1er mars dernier aux directeurs des Ensa, le ministère de la culture revendique « un effort sans précédent de l'État ». Cette communication politique doit néanmoins faire l'objet d'une lecture critique. Le courrier évoque une dépense moyenne par étudiant de 11 000 euros – un chiffre que l'exposé des motifs de cette proposition de résolution situe plutôt à 11 300 euros –, ce qui reste inférieur à la dépense moyenne par étudiant, toutes formations confondues.
Surtout, ces chiffres sont inexacts ! Le rapport rendu en décembre 2021 par l'Inspection générale des affaires culturelles (Igac) et l'Inspection générale de l'éducation du sport et de la recherche (IGESR) évoque un chiffrage bien inférieur de 8 500 euros par étudiant.
Le ministère rappelle en outre que la réforme de 2018 prévoyait la création de 150 postes d'enseignants titulaires. Or seuls 80 postes ont été créés, 70 manquent toujours. La très forte tension sur les personnels administratifs est d'autant plus préjudiciable que les Ensa se sont vu transférer des charges de gestion de l'État, sans affectation d'emplois administratifs pour les assumer. C'est d'ailleurs à cause du manque de personnel administratif que l'Ensa de Normandie a dû repousser d'une semaine son ouverture, après les vacances de février.
L'exiguïté et la vétusté des locaux représentent un autre problème. Je pense à l'Ensa Paris-La Villette, qui compte 2 215 étudiants et aurait besoin de 10 000 mètres carrés supplémentaires pour assurer ses enseignements dans de bonnes conditions. La vétusté des locaux pèse en outre sur le budget de fonctionnement des Ensa. Certes, des investissements ont été réalisés pour améliorer le parc immobilier des écoles, mais il reste tant à faire pour nombre d'entre elles ! Des efforts plus importants encore devront impérativement être réalisés pour augmenter les capacités d'accueil des établissements, donc les effectifs d'étudiants.
Le rapport de l'Igac et de l'IGESR que j'évoquais précédemment a émis vingt-neuf recommandations, invitant à réorganiser les enseignements, à créer de nouveaux diplômes et à développer l'alternance et le maillage territorial des écoles nationales supérieures d'architecture. Mais, pour pouvoir les mettre en œuvre, il faut que l'État consacre enfin les moyens humains et financiers qui manquent tant aux Ensa. Cette proposition de résolution envoie un signal fort et contient des préconisations importantes qui offrent une première réponse à cette situation. C'est pour cette raison que le groupe Les Républicains soutient son adoption.
Il est effectivement essentiel de dessiner une perspective plus prometteuse pour les Ensa, tant elles sont appelées à jouer un rôle important à l'avenir. Ces écoles soucieuses de parité et qui accueillent 30 % d'étudiants boursiers, issus de toutes les filières du lycée, avec un taux d'insertion professionnelle de 85 % dans les trois ans, méritent d'autant plus d'être soutenues. Soyons à la hauteur de leur attente en adoptant aujourd'hui cette résolution, première étape sur le chemin du renforcement des écoles nationales supérieures d'architecture.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et quelques bancs du groupe RE.
Je souhaite tout d'abord remercier Alexandre Holroyd de nous donner l'occasion de débattre de ce sujet hautement important de la formation de nos architectes. Son rapport, rendu dans le cadre du Printemps de l'évaluation, s'appuie également sur les travaux du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, auquel il a pu demander des éléments grâce à la réforme de la Lolf que nous avons adoptée avec la loi organique du 28 décembre 2021. C'est un exemple du véritable renforcement du pouvoir de contrôle du Parlement sur la politique menée par le Gouvernement et la bonne utilisation des deniers publics.
Pour en revenir aux écoles nationales supérieures d'architecture, cette résolution constate un certain nombre d'avancées utiles qui ont pu être menées ces dernières années, notamment en matière de rénovation des écoles, dont le bâti était souvent trop ancien. Un effort budgétaire a également été fait en matière d'emploi, avec la création de quelque 191 postes d'enseignants-chercheurs, dont 80 recrutements, marquant le rapprochement du modèle des Ensa de celui des universités et renforçant ainsi le rôle essentiel de ces écoles.
En dépit de ces progrès notables, les Ensa connaissent encore de nombreuses difficultés. Alors qu'une cotutelle a été établie en 2013 entre le ministère de la culture et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, le rôle de ce dernier demeure trop faible et n'apporte pas l'expertise attendue en matière de gestion d'un établissement d'enseignement supérieur. Comme le rappelle le HCERES, le personnel administratif employé dans les Ensa est très insuffisant, et de trop nombreux personnels sont mutualisés au sein du ministère de la culture.
Nous souscrivons ainsi à la proposition consistant à établir un plan pluriannuel de financement qui doit concerner ce personnel administratif, mais également l'immobilier, afin de garantir de meilleures conditions d'étude à nos futurs architectes.
Il est également préconisé que les Ensa puissent revoir leur modèle financier en s'appuyant notamment sur plus de ressources propres – les disparités qui peuvent exister entre les différents établissements sont effectivement incompréhensibles. Nous devons pousser les écoles à chercher de nouvelles voies de financement, sans pour autant entrer dans une logique d'augmentation des coûts de formation injuste et inégalitaire. L'institution d'un cadre favorable à la progression de l'alternance et de la formation continue ou le développement de coopérations avec le monde de l'entreprise sont autant de pistes qu'il nous paraît intéressant de développer, en gardant toujours en tête leur utilité pour les étudiants.
Le nombre de ces étudiants n'a pas bougé depuis vingt ans tandis que, dans le reste de l'enseignement supérieur, il a augmenté de plus de 15 %. C'est cette anomalie qui doit nous pousser à revoir le mode d'organisation de ces écoles et à repenser leur financement. Parlant d'un métier dont l'âge moyen dépasse aujourd'hui les 50 ans et dont les effectifs n'ont pas augmenté depuis 2008, nous devons agir pour pérenniser l'avenir d'une profession fondamentale, où l'on commence à constater d'importantes disparités régionales, alors même que les architectes sont un maillon essentiel de la transition écologique dans le secteur du bâtiment, tant en termes de rénovation de l'ancien que d'innovation pour les logements à énergie positive de demain.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que les Ensa puissent se moderniser et offrir les meilleures conditions d'études. Le groupe Démocrate votera donc en faveur de cette proposition de résolution, avec l'espoir que tant le ministère de la culture que celui de l'enseignement supérieur pourront prendre en compte nos remarques.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.
Les écoles d'architecture traversent une crise majeure. Depuis février, les moyens de contestation s'y multiplient : assemblées générales, blocages et banalisations de cours ont rythmé les mois de février, mars et avril dans l'ensemble du réseau des Ensa. Alors que la mobilisation ne touchait au départ que quelques établissements, c'est l'ensemble du réseau des vingt écoles d'architecture qui s'est mobilisé ces derniers mois. Ces manifestations ne sont donc pas marginales ; elles ne sont pas non plus une première. En 2019, les étudiants, enseignants et agents administratifs du réseau des écoles d'architecture interpellaient déjà Franck Riester, alors ministre de la culture, pour aborder la question du manque de moyens après la réforme de 2018.
Le modèle des écoles d'architecture structurées en réseau des Ensa s'apparente au modèle des écoles d'art. Depuis cinq ans, nous, socialistes, alertons le Gouvernement sur la situation de ces établissements. D'ailleurs, en 2019, notre collègue Michèle Victory remettait son rapport issu de la mission flash sur les écoles d'art territoriales : il ne provoqua aucune réaction de la part du Gouvernement. Aujourd'hui, c'est votre majorité qui sonne l'alerte et, cette fois, à propos des écoles d'architecture. Mêmes problématiques, mêmes combats.
L'inquiétante situation des écoles d'architecture doit nous alerter sur la pérennité du modèle d'enseignement supérieur que nous souhaitons : accessible, ouvert et financé à hauteur de ses besoins. La double tutelle du ministère de la culture et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche n'offre pas la visibilité requise sur les questions de financement, et plus de la moitié des écoles territoriales prévoient un budget déficitaire en 2023.
Ce manque de moyens les conduit à prendre des mesures d'austérité, notamment en réduisant les matériels et les heures de cours, sans autre objectif que le maintien de leur budget. En février dernier, l'Ensa de Darnétal, à côté de Rouen, en Normandie, a ainsi fait le choix de décaler d'une semaine son ouverture, faute de moyens.
Ces contraintes budgétaires, ce sont les étudiants qui sont les premiers à en faire les frais : augmentation des frais d'inscription, diminution des heures de cours, suppression d'intervenants extérieurs, réduction du nombre de professeurs, ralentissement des recrutements, autant de contraintes pour les écoles et de difficultés pour les étudiants concernés.
Ces mesures d'austérité menacent notre modèle d'enseignement supérieur, et plus particulièrement celui des écoles d'architecture. Alors que la demande ne fait qu'augmenter et que nous avons besoin de former des étudiants, les écoles ne sont plus en mesure de former les architectes de demain.
Le réseau des Ensa rassemble des écoles professionnalisantes, où la formation pratique occupe une place prépondérante. Or les moyens alloués ne le permettent plus, et c'est pour y remédier que nous devons agir.
Si nous devons financer le réseau des Ensa à la hauteur de ses besoins, c'est d'abord pour qu'une formation de qualité y soit dispensée, mais aussi et surtout pour éviter que les étudiants aient à assumer le coût de leurs études. L'État ne peut se défausser de sa mission de financement de l'enseignement supérieur. Dans le cas qui nous occupe, il revient au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et au ministère de la culture d'allouer les crédits suffisants afin que le financement des écoles d'architecture ne relève pas des collectivités locales.
Le groupe Socialistes a toujours eu à cœur la défense d'un enseignement supérieur suffisamment doté et dont les étudiants n'ont pas à assumer des frais d'inscription différenciés ou en hausse. La précarité étudiante ne s'arrête pas à l'entrée des écoles d'architecture, écoles dans lesquelles les étudiants n'ont d'ailleurs pas toujours accès aux services des Crous – centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires – et où ils doivent déjà souvent financer leur matériel. J'ajoute qu'il nous semble inconcevable d'appliquer des droits d'inscription différenciés à certains étudiants extracommunautaires pour compenser le faible niveau de ressources propres des écoles.
Parce que nous défendons un enseignement supérieur accessible et public, nous voterons contre cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Je tiens à pointer du doigt une question majeure et qui saura, je l'espère, nous rassembler : la situation de nos écoles nationales d'architecture et les difficultés rencontrées dans leur pilotage. Les Ensa jouent un rôle central dans la formation des architectes, paysagistes et urbanistes de demain, et il est de notre devoir de garantir des conditions d'apprentissage optimales afin d'adapter nos constructions et nos milieux aux changements environnementaux présents et à venir. Peut-être certains jeunes Oléronais qui nous regardent choisiront-ils d'ailleurs cette filière.
Malgré les efforts budgétaires significatifs fournis depuis 2018, il est évident que des faiblesses persistent. Il est en effet nécessaire de rénover en profondeur les conditions d'exercice de la tutelle conjointe du ministère de la culture et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que le modèle financier des établissements. Cette tutelle place le ministère de la culture au centre du financement des Ensa, mais présente des carences dans la mesure où les moyens administratifs et immobiliers demeurent sous tension. Les ressources propres des établissements apparaissent également trop limitées, sachant que les subventions pour charges de service public sont inégalement réparties.
Il apparaît donc nécessaire de poursuivre la rénovation des conditions d'exercice de la tutelle et de veiller à ce que cette démarche fasse l'objet d'un rapport annuel. Il est également essentiel d'améliorer la lisibilité du financement des écoles, en identifiant clairement les ressources qui leur sont allouées et en assurant la transparence dans leur utilisation. En parallèle, il est primordial d'augmenter les ressources propres des établissements en favorisant l'alternance, en encourageant la collaboration avec le monde de l'entreprise, et en appliquant des droits d'inscription différenciés à certains étudiants extracommunautaires. Il convient en outre de faire évoluer les compétences, l'organisation et les effectifs étudiants des Ensa.
Par ailleurs, je tiens à souligner les actions rapides que vous avez entreprises, madame la ministre. Dans un courrier du 21 avril adressé aux étudiants des Ensa, vous avez annoncé le déblocage d'une aide immédiate de 3 millions d'euros consacrée à la vie étudiante, permettant ainsi d'améliorer la qualité des locaux ou encore de préserver l'accès aux services de santé étudiants.
À ces fonds s'ajoutent les efforts déjà consentis : 57 millions d'euros du plan de relance ont été investis dans la rénovation des locaux, les moyens alloués à l'enseignement de l'architecture dans le budget pour 2023 ont été accrus de 20 %, et vingt-cinq emplois administratifs supplémentaires ont été déployés en 2022 et 2023. Nous saluons ces engagements forts, qui se doivent d'être poursuivis et amplifiés. À cet égard, la proposition de résolution plaide pour l'amélioration des conditions de travail et d'étude des professeurs, des personnels administratifs et des étudiants des Ensa.
Mes collègues du groupe Horizons et apparentés et moi-même adhérons au contenu de ce texte. Nous croyons fermement qu'il est possible de transcender les clivages politiques pour améliorer la situation des Ensa. Les mesures que vous avez prises en réponse aux préoccupations des étudiants constituent un pas dans la bonne direction, et nous sommes convaincus que les efforts supplémentaires demandés par cette proposition de résolution retiendront votre attention.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.
Le groupe Écologiste – NUPES rejoint le constat formulé par les auteurs de cette proposition de résolution sur le manque criant de moyens des écoles nationales supérieures d'architecture. Ce texte donne un écho parlementaire – tardif, notons-le –, à une mobilisation des acteurs éducatifs longue de plusieurs années : le problème n'est pas nouveau. Nous ne pouvons néanmoins nous retrouver dans ses préconisations, qui veulent faire de ce réseau d'écoles une annexe de la start-up nation.
Le constat est celui d'une situation grave dans les Ensa. La capacité d'accueil limitée d'étudiants conduit la France à être le pays d'Europe où le nombre d'architectes par habitant est le plus bas. Les conditions d'enseignement sont si dégradées qu'elles empêchent les enseignants de mener à bien leurs projets pédagogiques et de fournir à leurs élèves le matériel pourtant indispensable à l'apprentissage des arts plastiques. La faiblesse du pilotage des Ensa par le ministère de la culture conduit à des différences de traitement et d'accès aux services publics universitaires entre les étudiants de ces écoles et ceux de l'université – même si nous saluons l'enveloppe d'urgence de 3 millions d'euros que vous avez débloquée, madame la ministre. Enfin, nous constatons des différences de traitement entre les enseignants et personnels des Ensa et leurs homologues de l'université : ces fortes inégalités sont d'ailleurs aggravées par la coexistence d'une diversité de statuts et de situations, fruits de transferts de ministères et des évolutions propres à chaque école.
Si nous saluons l'annonce de la ministre d'aligner le traitement des enseignants-chercheurs des Ensa sur celui de leurs homologues de l'université, il nous est incompréhensible qu'il n'en aille pas de même pour les enseignants contractuels de ces écoles. Ceux-ci représentent pourtant plus de 40 % de leurs effectifs enseignants et ne sont rémunérés qu'au niveau du Smic malgré une ancienneté pouvant dépasser les trente années et une formation initiale de niveau bac + 5 ou équivalent. À cet égard, l'augmentation de leur rémunération de 113 euros net depuis le 1er janvier dernier est largement insuffisante pour rattraper le retard et mettre fin au turnover dans les écoles.
Pourtant, les architectes de demain seront amenés à travailler sur l'habitat durable et écoresponsable, sur la rénovation de l'existant, sur la sobriété, ou encore sur la transition énergétique et numérique. C'est d'ailleurs là où cette proposition de résolution fait erreur, car c'est bien d'une formation publique capable de s'extraire des logiques marchandes et court-termistes du secteur privé que les professionnels de la transition écologique ont besoin. Des lycées professionnels aux Ensa, vous faites fausse route en suivant la même démarche de soumission de l'enseignement supérieur au monde de l'entreprise.
C'est en effet le cœur des revendications contenues dans le rapport d'information dont la proposition de résolution est issue. Ce rapport d'information propose de « rénover le modèle financier » des Ensa, ce qui consisterait à conditionner la hausse des investissements de l'État à l'obtention de financements privés et à l'augmentation de leurs ressources propres, grâce au développement à marche forcée de l'apprentissage et à la hausse espérée des recettes issues des frais d'inscription payés par les entreprises accueillant des apprentis.
L'auteur du rapport d'information mise ainsi sur la baisse du nombre d'heures de cours au profit de la hausse du temps passé en milieu professionnel. C'est selon nous la porte ouverte à un affaiblissement de la formation initiale des architectes au moment où, au contraire, il serait bon d'investir de nouveaux champs afin de répondre aux enjeux auxquels nous faisons face. Ces enjeux donnent envie : soyons donc à la hauteur des attentes des jeunes, qui sont si nombreux à désirer poursuivre des études d'architecture.
Par ailleurs, à l'introduction du privé dans la formation vous ajoutez le tri social des étudiants, puisque derrière l'exigence de hausse des fonds propres se cache surtout l'augmentation des frais d'inscription, à commencer par ceux des étudiants extracommunautaires. Cette dernière proposition est profondément injuste et serait de nature à limiter grandement le profil des étudiants étrangers et de leurs pays d'origine au sein de cette formation.
Que dire enfin de « l'exploration de voies d'économies », alors que nous parlons d'un modèle parfaitement exsangue. J'insiste, où peut-on trouver des économies dans un tel modèle ? Cela sonne comme une provocation aux oreilles des acteurs des Ensa, qui sont obligés de composer avec si peu. Surtout, l'alimentation du budget de nombreuses Ensa par le plan de relance ne doit pas aboutir à les faire basculer dans le vide une fois que le Gouvernement aura jugé opportun de mettre un terme au plan.
Aussi bien la transition écologique que la relance tant attendue de la politique du logement de qualité ont besoin d'architectes : c'est pourquoi il est indispensable de mettre fin à la précarité de celles et ceux qui les forment. À travail égal, salaire égal ! Il s'agit d'une condition sine qua non pour former les architectes de demain – profession dont la France manque tant –, lesquels participeront à bâtir notre République écologique.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR – NUPES. – Mme Ségolène Amiot applaudit également.
Je tiens d'abord à remercier notre collègue Alexandre Holroyd pour son rapport d'information sur les Ensa et cette proposition de résolution qui en découle. Faire du futur des écoles d'architecture de notre pays le sujet de l'un de nos débats est tout à fait pertinent tant les enjeux, ainsi que les difficultés, sont importants.
Cette proposition de résolution nous paraît néanmoins lacunaire. Avant toute chose, il nous semble impossible de réformer les Ensa sans mener une réflexion approfondie sur la place de l'architecte et de l'architecture dans notre société. Dissocier les modalités de formation du métier auquel les Ensa préparent est une erreur, même au motif de ne pas empiéter sur le champ de compétence de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Surtout, s'il dresse un constat partagé, le texte suggère des réponses avec lesquelles le groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES a de nombreux désaccords. En effet, la récente mobilisation des écoles nationales supérieures d'architecture a mis en lumière à la fois les problèmes engendrés par des moyens financiers et humains insuffisants, une réforme de 2018 qui peine à produire ses effets, une relation parfois délicate avec les deux ministères de tutelle et, surtout, des conditions d'étude et d'enseignement dégradées.
Comme le souligne le rapport d'information, cette situation a pour conséquence un numerus clausus de fait, aux alentours de 20 000 étudiants, alors que les besoins en architectes sont de plus en plus élevés. Nous préparons donc mal notre pays aux enjeux d'avenir. Car si l'insertion professionnelle est si bonne dans cette filière, c'est que le métier d'architecte se situe au cœur d'enjeux fondamentaux de demain. Par exemple, comment imaginer construire la nécessaire transition écologique, en particulier du bâti, sans de nombreux architectes formés pour cela ?
Certes, des efforts ont été fournis ces dernières années pour limiter les dégâts : les derniers crédits débloqués en urgence – 3 millions d'euros – par le ministère de la culture en témoignent. Mais ces fonds demeurent largement insuffisants. Si nous adhérons à la nécessité d'établir une trajectoire pluriannuelle des financements, ceux-ci doivent être à la hauteur des besoins. Dans le même temps, nous sommes pour le moins dubitatifs vis-à-vis du projet de transfert de personnels relevant du ministère de la culture vers les écoles nationales supérieures d'architecture. Nous regrettons également l'absence de propositions concernant les enseignants contractuels et la nécessaire revalorisation de leur traitement, alors qu'ils représentent 47 % des professeurs des Ensa.
Au-delà des manques, notre opposition est totale s'agissant de l'incitation à augmenter les ressources propres par la hausse des frais d'inscription, en particulier pour les étudiants extracommunautaires.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Oui, nous sommes résolument opposés à cette mesure, tout comme le ministère de la culture et les Ensa elles-mêmes, qui ont refusé d'appliquer ces hausses injustes. Quand on connaît la précarité des étudiants dans notre pays, augmenter les frais d'inscription est bien une aberration.
De plus, l'accroissement de la formation continue et de l'apprentissage au sein des Ensa ne peut se faire à moyens constants, c'est-à-dire au détriment de la formation initiale. Les Ensa doivent être en mesure de fournir ces prestations, mais il leur faut des moyens – des moyens publics, en l'occurrence. En effet, vouloir développer les ressources privées pour compenser la sous-dotation dont les Ensa sont victimes depuis des années sans pour autant les accompagner en les dotant de crédits suffisants, manque selon nous de pertinence.
Notons enfin que cette proposition de résolution émane de la majorité, dont nous contestons l'action en matière d'enseignement supérieur, tout comme nous contestons la place que vous donnez à l'architecture et à l'architecte dans notre société. J'en veux pour preuve la loi Elan – loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique –, votée par la majorité gouvernementale lors de la précédente législature, et qui a considérablement réduit et relégué au second plan le rôle de l'architecte.
Selon nous, l'architecte occupe un rôle social majeur. Grâce à son approche globale, il peut être un outil de résistance contre la course au profit sans fin dans le domaine de la construction, laquelle s'effectue d'ailleurs souvent au détriment de la qualité. L'histoire de mon parti, le parti communiste, est intimement liée à de grands architectes qui avaient pour seule boussole le bien-être et le beau accessibles à tous.
Ainsi, en faisant l'impasse sur ces sujets centraux tout en présentant des voies de financement auxquelles nous n'adhérons pas, cette proposition de résolution passe de notre point de vue à côté de son sujet. Nous voterons contre ce texte, mais loin d'être une fin de non-recevoir, cette opposition est plutôt une invitation à élargir nos travaux et la réflexion autour d'un projet global pour les futurs architectes et leur métier.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
En avril dernier, les collectifs des Ensa dénonçaient une situation « au bord de la rupture ». Pénurie de moyens humains, manque de trajectoire structurelle et conjoncturelle, ces déficits accumulés depuis tant d'années ont été évoqués lors des travaux effectués à l'Assemblée nationale dans le cadre du Printemps de l'évaluation.
Monsieur Holroyd, je vous remercie de nous donner l'occasion de nous saisir du sujet. Je vous remercie aussi du travail que vous avez mené auprès des directeurs d'Ensa, des étudiants, de l'ordre des architectes, des écoles privées, des établissements implantés à l'étranger et des ministères de tutelle. Votre rapport d'information et l'étude du HCERES pointent une situation alarmante à tous égards. Les pistes d'amélioration proposées pour les vingt écoles publiques d'architecture en France et pour les étudiants architectes d'aujourd'hui et de demain méritent toute notre attention.
Tout d'abord, le rapport invite à une réflexion partagée et ambitieuse, afin de définir une nouvelle stratégie financière allant de pair avec un modèle de répartition des compétences, ce que nous saluons.
Cependant, la proposition de résolution esquisse ici une réponse partielle, alors même qu'il serait judicieux de lier la demande d'une trajectoire pluriannuelle avec la définition de nouvelles compétences et de nouveaux indicateurs, plutôt que de prévoir une action en plusieurs temps.
Par ailleurs, on peut s'interroger sur ce qui a inspiré le nouveau modèle financier proposé pour les Ensa. Nous ne sommes pas d'accord avec l'idée d'un bonus financier accordé aux Ensa qui atteignent le niveau souhaité de ressources propres. En effet, ce système renforcerait les établissements aisés, tout en pénalisant ceux qui rencontrent des difficultés financières et qui auront donc besoin d'un soutien plus important de l'État.
Nous soutenons le développement de l'apprentissage, mais son efficacité doit également être mesurée dans le cadre d'un plan pluriannuel. Vous écrivez dans votre rapport, monsieur Holroyd, qu'il convient d'« encourager les coopérations avec le monde de l'entreprise ». Qu'entendez-vous précisément par là ?
Vous invitez en outre à « envisager […] une évolution des compétences, de l'organisation et des effectifs étudiants », notamment pour permettre de répartir différemment la charge financière de la formation et des écoles. Il serait intéressant d'étudier plus précisément le développement de doubles diplômes avec des écoles d'ingénieurs, des formations de paysagistes ou des formations liées au numérique.
S'agissant de l'information du Parlement, nous sommes collectivement conscients qu'il ne faut pas alourdir le projet annuel de performances (PAP) en détaillant la situation de chaque Ensa, mais un point spécifique sur la santé financière de l'ensemble du réseau des Ensa permettrait de mieux éclairer son évolution.
En ce qui concerne le renforcement de « l'implication des collectivités territoriales », ayons à l'esprit qu'il s'agit d'une compétence facultative, que les collectivités peuvent déjà exercer – nous pouvons constater qu'elle est déjà mise en œuvre à Montpellier, à Versailles ou en Bretagne. Quelles sont, monsieur Holroyd, vos intentions en la matière ?
Pour terminer, je voudrais évoquer l'intégration de ces écoles, peu accessibles du fait de leur nombre restreint et de leur manque d'ouverture sociale. De nombreux jeunes Français partent étudier à l'étranger, notamment en Belgique,…
…ce qui déporte le problème du manque de places.
Afin d'accroître les ressources propres des établissements, l'augmentation des droits d'inscription est largement évoquée. Une évolution graduée en fonction de la capacité contributive de la famille de l'étudiant pourrait être étudiée. Les boursiers, qui sont exemptés de droits d'inscription, représentent 25 % des effectifs. Pour ce qui est des conditions de logement, la question des partenariats pourrait être intégrée dans le futur plan de financement pluriannuel. Il convient d'envisager une autre piste : celle des stages et des formations en alternance, suivis actuellement par 1 % des 20 000 étudiants. Comment appréhendez-vous la question du coût du concours d'entrée aux Ensa ? Une harmonisation et un relèvement de ce coût peuvent-ils être envisagés pour les non-boursiers ?
Malheureusement, je tiens à le rappeler, la situation des écoles d'architecture, notamment leur paupérisation, n'est pas sans rappeler celle des écoles d'art en France.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires regrette que cette proposition de résolution aborde la question uniquement par le prisme financier, en omettant des mesures relatives au modèle pédagogique. Il adoptera néanmoins une position favorable à ce texte, car il s'agit d'une première et importante pierre à l'édifice.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre de la culture.
Comme je l'ai fait le 15 mai dernier dans le cadre du Printemps de l'évaluation, je tiens à souligner la qualité de ce travail parlementaire d'évaluation et surtout son utilité : c'est une véritable source de réflexion et d'inspiration pour nourrir mon engagement en faveur de l'enseignement d'architecture, alors que des inquiétudes légitimes se sont exprimées quant au devenir des Ensa.
Cher Alexandre Holroyd, je vous adresse un grand merci pour cet immense travail, qui s'est appuyé sur une contribution du HCERES. Ces travaux montrent que des chantiers ambitieux ont été engagés par le ministère de la culture depuis 2018, plus particulièrement – merci de l'avoir rappelé – depuis mon arrivée, il y a un an. Certes, nous héritons d'une histoire, c'est un fait, mais rappelons que, tous postes budgétaires confondus, en l'espace de quatre ans, la dépense annuelle consacrée par le ministère de la culture aux Ensa – dépenses de grands travaux incluses – est passée de 187 millions d'euros en 2019 à 233 millions en 2023. Cet effort d'investissement a été qualifié de « remarquable » par le HCERES, qui est une autorité indépendante.
Peut-être pourrions-nous nous écouter un peu plus attentivement, d'autant que mon propos ne sera pas très long. Pardon, mais cela me déconcentre.
Exclamations sur quelques bancs.
Non, je suis à l'Assemblée, ce n'est pas la même chose.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur quelques autres bancs.
Tout n'est pas parfait, vous l'avez souligné. Le rapport pointe plusieurs faiblesses structurelles et la proposition de résolution formule des préconisations concernant des enjeux véritablement stratégiques : la remise à niveau des moyens alloués aux Ensa, leur degré d'autonomie, les conditions d'exercice de la tutelle, le modèle économique des écoles et la lisibilité de leur financement.
Avant de répondre sur ces points, je souhaite rappeler mon ambition pour l'architecture et pour son enseignement face aux grands enjeux de notre temps. Vous l'avez tous dit, l'architecture est porteuse de promesses de sens : solidité, utilité et beauté, pour reprendre les trois qualités – firmitas, utilitas et venustas – qui doivent être les siennes selon Vitruve. Elle nous permet de ne pas céder à une vision exclusivement fonctionnelle du bâti mais, au contraire, d'y insuffler de la beauté et de l'harmonie. L'architecture est aussi l'un des piliers de la transition écologique. Les 20 000 étudiants des Ensa sont, vous l'avez dit, les bâtisseurs de demain. Les Ensa sont donc de véritables pépinières de talents pour penser l'écologie et cette transition.
Le très bon taux d'insertion professionnelle, qui s'établit à 90 % environ, témoigne d'une formation d'excellence qui répond à de véritables besoins pour notre société. Bien loin des stéréotypes qui ont pu exister, l'architecte est désormais une figure de terrain : il est associé aux grands débats contemporains, prêt à travailler avec toutes les forces vives, en première ligne pour innover et apporter des solutions concrètes aux défis de notre temps.
Dans le cadre du programme Engagés pour la qualité du logement de demain, que nous avons lancé avec le ministère chargé de la ville et du logement, près d'une centaine de projets très concrets se fixent de telles ambitions. Je pense par exemple à l'aménagement de foyers de travailleurs migrants à Rosny-sous-Bois.
J'en viens aux différents points que vous avez abordés dans la proposition de résolution et dans vos interventions.
Commençons par les moyens. À l'été 2022, lors de ma première négociation budgétaire, j'ai obtenu une hausse inédite, de 20 %, des moyens alloués à l'enseignement de l'architecture, effort qui s'est ajouté aux 57 millions d'euros du plan de relance investis dans la rénovation des écoles. Ma collègue Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieure et de la recherche, et moi-même avons en outre consenti un effort sur l'année universitaire 2022-2023 : il s'agit au total de vingt-cinq postes supplémentaires, soit, en moyenne, plus d'un poste par école. Vous l'avez rappelé également, j'ai débloqué une aide exceptionnelle de 3 millions d'euros consacrée à l'amélioration immédiate de la vie étudiante.
Vous avez mentionné, madame Legrain, la question de la précarité. Rappelons que les mesures historiques prises en faveur des boursiers concerneront bien évidemment les écoles d'architecture : les 5 000 boursiers qui y étudient percevront 37 euros de plus par mois, et 700 d'entre eux passeront à l'échelon de bourse supérieur.
Il subsiste effectivement des différences assez injustifiées dans les moyens alloués à chaque école. C'est le produit de l'histoire : chaque école a son passé, son identité, sa spécificité. Je souhaite vraiment m'engager à ce qu'il y ait un effort de convergence entre les vingt écoles, pour en finir avec ces écarts de dotations qui ne sont pas toujours clairs, de sorte que chaque étudiant ou étudiante, quelle que soit son école, bénéficie de moyens publics équivalents.
Plus globalement, nous devons travailler, en lien avec les autres ministères concernés, à une trajectoire pluriannuelle des ressources et des moyens. Bien évidemment, le ministère de la culture ne traite pas seul ce sujet ; vous m'y aiderez lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2024.
Madame Arrighi et monsieur Peu, les enseignants contractuels sont au nombre de 690. J'ai défendu et obtenu une augmentation de leur rémunération, de 113 euros net par mois, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2023. Cette hausse avait été actée dans le budget.
Le budget des écoles est en effet présenté de façon consolidée, de même que pour les écoles d'art et les universités. Je comprends votre souhait d'une lisibilité accrue. Bien sûr, les données budgétaires détaillées par école peuvent être fournies à tout moment au Parlement, à sa demande. En tout cas, je veux m'engager à améliorer la traçabilité des actions immobilières, des postes et des dotations ; c'est aussi le sens de la convergence que j'ai évoquée à l'instant. Je m'assurerai que le Parlement dispose, dans la rubrique « justification au premier euro » du PAP pour 2024, de la ventilation budgétaire prévisionnelle détaillée pour chaque école. Nous vous devons plus de lisibilité.
S'agissant du modèle financier, je tiens à rappeler devant vous mon attachement profond au financement public des Ensa. C'est une garantie du statut des personnels et de leur indépendance pédagogique et scientifique. Cela ne doit pas empêcher ces établissements de dégager d'autres moyens financiers, qui peuvent d'ailleurs provenir d'autres budgets publics. Ainsi, les vingt écoles se regroupent pour présenter une candidature commune dans le cadre du plan d'investissement France 2030. Le projet est excellent, et j'ai bon espoir qu'il aboutisse. Les écoles peuvent aussi dégager des ressources propres par d'autres moyens.
Il est proposé d'augmenter les droits d'inscription pour les étudiants étrangers. Précisons que ceux-ci sont assez peu nombreux : 2 ou 3 % des effectifs. Il est un peu tôt pour me prononcer ; je souhaite au préalable analyser le retour d'expérience des mesures appliquées à l'université. Il convient à la fois de ne pas pénaliser des étudiants précaires et d'inciter les Ensa à accueillir de futurs architectes étrangers. Il y a là un enjeu d'attractivité pour notre pays.
Le développement des ressources peut aussi passer par une mutualisation des moyens entre certaines écoles. Je veux également développer l'apprentissage. Le ministère travaille d'ores et déjà à la création d'un régime d'heures complémentaires pour les enseignants afin de les inciter à développer la formation continue.
L'implication des collectivités territoriales est déjà une réalité, et nous pouvons nous en réjouir. Le président de la région ou de la métropole où est implantée une Ensa est déjà membre de droit de son conseil d'administration. Les collectivités sont en général engagées dans les opérations de travaux et les opérations immobilières. C'est le cas, par exemple, à Toulouse, à Marseille et à La Réunion. Nous allons répliquer ce modèle pour l'Ensa Paris-La Villette. Bien sûr, le ministère est prêt, au cas par cas, à discuter avec les collectivités intéressées pour revoir avec elles leur niveau d'engagement, si elles le peuvent, notamment dans les opérations immobilières, dans la création de formations adaptées, dans le développement de la formation continue et de l'apprentissage.
Je comprends parfaitement que vous ayez pointé l'enjeu de l'autonomie. Néanmoins, soyons lucides : nous ne ferons pas en quelques mois pour les Ensa ce que nous avons mis des années à faire pour les universités. Cela dit, je suis favorable à une plus grande autonomie de ces écoles ; c'est le sens de l'histoire. La première étape consistera à expertiser le transfert aux Ensa de la gestion de certains personnels.
Je suis également favorable au rapprochement des Ensa avec les universités, chaque fois que c'est possible. La moitié des Ensa font partie d'un regroupement universitaire, et le quart d'entre elles, d'un EPE. Lorsque je me suis rendue à Champs-sur-Marne, à l'École d'architecture de la ville et des territoires Paris-Est, établissement-composante de l'EPE université Gustave-Eiffel, j'ai pu constater les effets décisifs d'un tel regroupement dans plusieurs domaines : le contenu des enseignements, les opportunités offertes aux étudiants, le développement des activités de recherche, la pluridisciplinarité, la mutualisation de certains moyens, l'amélioration de la vie étudiante. Je trouve donc que ces pistes sont particulièrement stimulantes.
Concernant les conditions d'exercice de la cotutelle de mon ministère et de celui de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, ma collègue, Sylvie Retailleau, et moi-même sommes très attachées à l'enseignement de l'architecture. C'est grâce au travail commun de nos deux ministères que nous avons pu augmenter les moyens humains dès cette année universitaire. Je souhaite continuer de transformer la tutelle du ministère de la culture pour la rendre plus stratégique, plus agile et, surtout, plus proche des écoles, avec un suivi plus fin des situations locales.
Plus largement, je me suis engagée à réactualiser la stratégie nationale pour l'architecture, qui date de 2015, dans laquelle tous ces travaux trouveront une traduction concrète. C'est la priorité que j'ai donnée à la nouvelle directrice de l'architecture, Hélène Fernandez, qui vient de prendre ses fonctions. Elle a entamé des consultations avec l'ensemble des acteurs – étudiants, enseignants, professionnels, directions – et, bien sûr, avec les autres ministères concernés. Elle a aussi entamé un tour de France de toutes les écoles.
La nouvelle stratégie nationale de l'architecture devra prendre en compte les enjeux du développement durable et la réhabilitation des bâtiments existants, puisque les architectes, demain, n'auront pas à construire du neuf, mais à réhabiliter l'existant. Elle devra aussi faire évoluer la formation dispensée dans les écoles, à l'heure de la diversification des métiers de l'architecture et du développement du numérique. Il s'agit, au fond, de faire de l'architecture une priorité de l'action publique, une réponse aux défis de notre temps.
« L'architecture est l'installation de la vie par une matière disposée avec bienveillance », écrivait l'architecte Philippe Madec, l'un des architectes pionniers en matière de transition écologique, qu'il a appelée « la frugalité heureuse et créative ». Votre mobilisation, tous groupes confondus, nous promet toute l'attention et toute la bienveillance nécessaires pour projeter un avenir meilleur pour les écoles d'architecture et, à travers elles, pour la qualité de nos espaces de vie, de nos villes et de nos paysages.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Sur la proposition de résolution, je suis saisi par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans les explications de vote, la parole est à Mme Violette Spillebout.
Depuis plusieurs mois, de nombreux députés du groupe Renaissance et d'autres groupes ont été alertés – et vous ont alertée, madame la ministre – sur la situation des vingt écoles nationales supérieures d'architecture.
Nous tenons fortement à nos écoles d'architecture, elles sont précieuses. Architectes, paysagistes, urbanistes : chaque année, près de 20 000 élèves sont formés à ces métiers d'avenir si essentiels à notre environnement. Par la conception et la rénovation des villes et des espaces publics, l'aménagement de nos régions ou encore la transition écologique des bâtiments, ces jeunes étudiants créeront la ville de demain.
Depuis 2013, les écoles d'architecture sont placées sous la tutelle conjointe du ministère de la culture et de celui de l'enseignement supérieur et de la recherche. Leur financement représente 221 millions d'euros en 2023. Le principal financeur de ces écoles est le ministère de la culture. Or, malgré la hausse de 20 % que le ministère a consentie pour faire face à des difficultés financières, il existe encore un malaise profond au sein des ENSA. Depuis février 2023, ce malaise se concrétise par des grèves, des manifestations, des blocages, des journées banalisées pour les étudiants, et même la non-transmission des résultats dans Parcoursup à Lille, Nantes ou Rennes. Les problèmes mis sur la table sont nombreux et sérieux : un personnel administratif non remplacé, des locaux dégradés et particulièrement énergivores ou encore des ressources, publiques et privées, qui manquent.
Comme nous le savons tous et comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, d'énormes efforts ont été faits dans le cadre du plan de relance. Alors que le budget des ENSA était de 8 500 euros par étudiant il y a quelques années, il approche désormais 11 300 euros ; c'est encore légèrement inférieur à la moyenne du reste de l'enseignement supérieur, mais nous avons progressé. Comme l'a affirmé très justement mon collègue Alexandre Holroyd, après quarante auditions, il apparaît clairement que les ENSA n'ont pas les capacités financières de fonctionner correctement. Je l'ai constaté, moi aussi, en visitant l'ENSA de Lille et en discutant avec les étudiants, mais aussi avec les enseignants et les membres du conseil d'administration.
Tout ne sera pas résolu avec cette proposition de résolution. Néanmoins, celle-ci constitue une première étape essentielle ; elle s'inscrit dans le cadre de l'évaluation des politiques publiques menée par la commission des finances, à laquelle nous tenons. Si le prisme financier y est privilégié, nous avons tous conscience que le travail ira plus loin.
Alors, pourquoi une première étape ? Parce que, comme Mme la ministre vient de le rappeler, cette proposition de résolution demande au Gouvernement de donner un cap encore plus clair à ces écoles où sont formés les artisans de la transition écologique et énergétique, prérequis essentiel au déploiement de toute politique publique. Par cette proposition de résolution, le ministère de la culture s'engagera à renforcer l'accompagnement des ENSA et à leur donner une direction, notamment en ce qui concerne les modalités et les sources de financement, mais aussi pour ce qui est de leur organisation interne, de l'évolution de leurs effectifs et des lieux d'enseignement ; il doit aussi repenser le rôle et l'effectivité de la cotutelle que vous avez évoquée. Cela pose la question de la révision des frais d'inscription, du développement de l'apprentissage et des coopérations et des partenariats. La proposition de résolution défendue par Alexandre Holroyd contient enfin des propositions concrètes et opérationnelles.
Je tiens à saluer la concertation que vous menez actuellement, madame la ministre, avec l'ensemble des communautés des ENSA en vue de développer cette stratégie nationale pour l'architecture que nous attendons tant. Elle permettra, j'en suis sûre, d'intégrer les problématiques de l'environnement et de l'écologie, mais aussi celle de la méthode pédagogique, qui n'est pas évoquée dans la proposition de résolution.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et LR.
Voter cette proposition de résolution, c'est s'assurer de mieux former les bâtisseurs et les rénovateurs de demain. Voter cette proposition de résolution, c'est s'assurer de la transition de nos villes et de l'ensemble de notre bâti. Parce qu'elle permet d'engager le grand chantier de consolidation des ENSA, le groupe Renaissance votera fièrement en sa faveur.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Chers collègues, les explications de vote sont de droit. Je vous invite à tenir vos conversations particulières en dehors de l'hémicycle : le temps ne passera pas plus vite parce que vous bavardez, et le bruit est insupportable pour l'orateur. Chacun préfère s'exprimer dans le silence, il est souhaitable d'appliquer aux autres ce que l'on veut pour soi-même.
La parole est à Mme Sophie Blanc.
Mon intervention sera beaucoup plus courte.
Régler les sujets d'organisation, d'effectifs et de financement des écoles nationales supérieures d'architecture afin de permettre à ces établissements de se concentrer sur l'enseignement délivré aux étudiants est un objectif de bon sens. Cette amélioration passe par une évolution de la tutelle, qui permettra aux ENSA de trouver une gouvernance plus cohérente ; la trajectoire pluriannuelle des ressources et des moyens est une autre mesure qui facilitera la gestion de ces écoles.
Je pense toutefois qu'il manque une vraie réflexion sur la place des architectes dans le processus de fabrication de l'habitat de demain. Certaines questions de fond ne sont pas abordées. Les architectes sont-ils des artistes ou bien des ingénieurs ? Leur cursus les intègre-t-il suffisamment dans le monde de l'entreprise ? La maîtrise d'œuvre est-elle un volet perdu de leur activité ? La réponse aux grands concours est-elle l'alpha et l'oméga de la reconnaissance professionnelle ? Les ENSA sont-elles assez adultes pour prendre en main leur avenir ? J'ai peur que ce texte, cohérent et construit dans sa partie financière, ne fasse malheureusement l'impasse sur ces questions de fond, nécessaires au passage de la profession vers le XX
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 196
Nombre de suffrages exprimés 194
Majorité absolue 98
Pour l'adoption 156
Contre 38
La proposition de résolution est adoptée.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Rappel au règlement
Il se fonde sur l'article 50, alinéa 4 du règlement.
Il est dix-neuf heures quarante. Onze interventions de cinq minutes sont prévues sur le prochain texte, sans compter celle du Gouvernement. Cela fait cinquante-cinq minutes ; nous n'aurons donc pas fini à vingt heures. Or le texte n'est pas inscrit sur la feuille verte pour la séance de vingt et une heures trente.
Non, il n'est pas inscrit ; apprenez à lire la feuille verte ! Il sera donc impossible de poursuivre la discussion du texte à vingt et une heures trente : soit il faut prolonger cette séance-ci, auquel cas il faudrait que nous en soyons informés, soit je propose de repousser l'examen du texte à une autre date.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous n'avons pas attendu votre rappel au règlement, chère présidente, pour anticiper la question avec les présidents de groupe ; nous en avions même parlé ensemble. Je propose de prolonger la séance au-delà de vingt heures pour achever le texte, si vous en êtes d'accord, et de décaler le début de la prochaine séance, qui sera consacrée à la dernière heure de débats de la niche du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES. Je crois que tout le monde est d'accord avec cela.
L'ordre du jour appelle la discussion, en application de l'article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution relative au dérapage du coût pour l'État de la couverture santé des étrangers en situation irrégulière et des demandeurs d'asile provenant de pays d'origine sûrs et au nombre d'étrangers en situation irrégulière (n° 1245).
Nous sommes réunis pour examiner une proposition de résolution relative au dérapage du coût pour l'État de la couverture santé des étrangers en situation irrégulière et des demandeurs d'asile provenant de pays d'origine sûrs et au nombre d'étrangers en situation irrégulière.
Comment, comment peut-on concevoir que l'État français dépense des centaines et des centaines de millions d'euros pour payer les soins d'étrangers entrés ou restés illégalement sur le sol français ?
Mes chers collègues, le dérapage devenu totalement incontrôlable des dépenses de soins à destination des étrangers en situation irrégulière est en train de devenir un scandale démocratique et une très grande injustice sociale.
Cette particularité est une exception française. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont l'Igas – inspection générale des affaires sociales – et l'IGF – inspection générale des finances – qui, en octobre 2019, mentionnent que ces singularités désignent la France comme l'un des pays les plus généreux de l'Union européenne.
Les chiffres sont vertigineux ; la dérive est inquiétante. En 2022, il y avait 415 000 bénéficiaires de l'AME – aide médicale de l'État. Ce nombre a augmenté de 20 % depuis 2019 et il a plus que doublé depuis 2002. Rien que l'AME c'est, en 2022, un coût en augmentation permanente de 1,2 milliard d'euros, payé par les contribuables français.
L'AME n'est que l'arbre qui cache la forêt. En l'état de notre droit, dix autres dispositifs existent, parmi lesquels le maintien des droits à l'assurance maladie, les soins à Mayotte, les soins dans les centres de rétention, les permanences d'accès aux soins de santé ou encore l'admission au séjour pour soins. En outre, manquant cruellement de chiffres précis,…
Et les sondages de Sarkozy, combien ont-ils coûté au contribuable français ?
…je n'ai pu évaluer que six de ces onze dispositifs, pour un coût total estimé de 1,7 milliard d'euros en 2022. Le coût total des dispositifs est une véritable boîte noire. Par ailleurs, ne nous en cachons pas, l'AME et la Puma – protection universelle maladie – sont devenues une véritable incitation à l'immigration illégale.
Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Évidemment, les migrants ne traversent pas la Méditerranée pour se faire soigner gratuitement. En revanche, un certain nombre d'étrangers restent en France alors que leur titre de séjour est expiré pour continuer à bénéficier de ces soins gratuits.
Cela personne ne peut le contester. Olivier Véran lui-même, en 2018, avait reconnu l'existence de problèmes avec, je le cite : « certains pays, notamment d'Europe de l'Est ».
Tous ces éléments doivent nous forcer à réagir, tant la situation est intenable philosophiquement, socialement et financièrement.
Il faut avoir le courage d'aborder ces sujets sensibles et complexes de manière dépassionnée, rationnelle et humaine, et cette proposition de résolution veut avant tout rendre les dispositifs de soins à destination des étrangers bien plus transparents.
En ce qui concerne l'AME, nous ne pouvons accepter ne pas pouvoir connaître la nationalité des bénéficiaires ni les pathologies soignées, alors que pour les demandeurs d'asile, ces données sont connues.
Ensuite, cette proposition de résolution, qui ne cherche pas à supprimer l'AME
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES
– j'insiste, elle ne cherche pas à supprimer l'AME –, invite le Gouvernement à la recentrer sur les seuls soins urgents, comme cela se fait dans la quasi-totalité des autres pays de l'Union européenne.
Par ailleurs, le texte invite également le Gouvernement à revoir les conditions d'accès à la procédure d'admission au séjour pour soins, à la protection santé des demandeurs d'asile provenant de pays sûrs et au maintien des droits expirés.
En effet, comment comprendre qu'un Américain ou un Canadien puisse obtenir un titre de séjour pour se faire soigner en France à l'aide de thérapies innovantes et onéreuses, pouvant aller jusqu'à 1 million d'euros par an et par personne ? Comment laisser des ressortissants de pays sûrs, qui savent qu'ils n'obtiendront jamais l'asile, le réclamer dans le seul et unique but de bénéficier d'une couverture médicale gratuite ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Comment admettre que le dispositif de maintien des droits permette à un étranger dont le titre de séjour a expiré de disposer d'une couverture Puma pendant les sept mois et demi qui suivent, sans avoir à justifier d'une demande de renouvellement de son titre ?
Mes chers collègues, je ne comprendrais pas que cette proposition de loi de bon sens ne soit pas votée, car elle invite d'une part à une transparence que nous réclamons tous, et d'autre part à une redéfinition mesurée, qui est à construire, de la protection santé des personnes en situation irrégulière.
Ce serait d'autant plus incompréhensible que nous ne demandons que l'alignement de la situation française sur le droit commun européen – ni plus, ni moins ! Beaucoup d'entre vous, dans les couloirs de l'Assemblée, m'ont dit qu'ils y étaient favorables.
Protestations sur divers bancs.
Oui, ils l'ont dit hier et encore aujourd'hui ! Prouvez-nous, mes chers collègues, que vous pouvez voter en conscience.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.
Il s'agit d'un sujet épineux et délicat, qu'il nous faut aborder avec rigueur et honnêteté intellectuelle. Il nous faut être très vigilants, me semble-t-il, à la bonne tenue de ce débat, en évitant de tomber dans des positions caricaturales.
Trois dispositifs principaux se mêlent dans ce débat : l'aide médicale de l'État, destinée aux migrants en situation irrégulière résidant en France depuis plus de trois mois ; la Puma, protection universelle maladie qui bénéficie aux demandeurs d'asile dès le dépôt de leur demande ; et le titre de séjour pour raisons de santé, qui s'adresse aux étrangers malades, dont la demande est possible après un an de séjour ininterrompu en France, qu'il soit irrégulier ou régulier, ou trois mois après le dépôt de la demande d'asile.
Sur le terrain, on ne peut nier que l'AME est parfois utilisée comme première étape avant une demande de titre de séjour dit « étranger malade ». Or ces deux dispositifs que sont l'AME et la demande d'asile n'ont pas été prévus pour cela ; on constate donc un certain dévoiement de notre législation pour des séjours dont l'objet est le soin.
L'instauration de l'AME a été motivée par des valeurs de solidarité et d'humanité mais aussi de santé publique – ne l'oublions pas –, notamment pour éviter la propagation de maladies contagieuses. Plutôt qu'être remise en cause, elle doit sans doute être repensée, eu égard à l'évolution de son utilisation.
Je fournirai quelques chiffres à l'appui de mon propos : les dépenses au titre de l'AME se sont élevées à 1,14 milliard d'euros en 2021 ; de 200 000 bénéficiaires en 2009, nous sommes passés à 400 000 en septembre 2022 et, depuis 2019, ce chiffre est en hausse de 20 %. Ce n'est pas tant le montant des dépenses qui peut nous alerter, mais la progression ces dernières années.
Consciente de cette question, la majorité s'est attelée, depuis 2017, à encadrer l'AME, notamment par l'intermédiaire des dispositions suivantes : nous avons apporté des ajustements au dispositif visant au renforcement des contrôles et de la lutte contre les détournements des visas touristiques ; nous avons instauré l'obligation de dépôt physique de la première demande d'AME dès janvier 2020 ; nous avons renforcé le contrôle des visas grâce à l'outil Visabio, afin de pouvoir vérifier si le demandeur dispose d'un visa en cours de validité – si c'est le cas, il est exclu du bénéfice de l'AME ; enfin, le panier de soins a également été restreint par rapport aux assurés sociaux. Certaines prestations programmées et non urgentes sont subordonnées à un délai d'ancienneté de neuf mois de bénéfice de l'assurance maladie.
Il me semblait important de repréciser ces points car à la lecture de votre proposition, on serait tenté de croire que rien n'a été fait en la matière. Cependant, j'en conviens, les effets de ces différentes mesures, dont l'entrée en vigueur a été en partie perturbée par la crise sanitaire,…
…n'ont pas véritablement été mesurés à ce jour.
J'évoquerai maintenant plus précisément votre proposition de résolution. Votre première mesure, qui vise à évaluer les dispositifs existants en introduisant notamment une estimation des effets de bord de chacun d'entre eux, est pertinente, et le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) y pleinement favorables.
En revanche, la restriction du panier de soins AME aux seuls soins urgents nous semble plus difficilement applicable.
En effet, la frontière entre soins urgents et non urgents est en réalité difficile à définir avec précision, et cela pourrait se traduire par un report massif sur l'hôpital, donnant lieu à une nouvelle surcharge des services d'urgence et à des coûts beaucoup plus élevés qu'en ville.
Nous nous interrogeons sur la mesure consistant à recueillir la nationalité des demandeurs et bénéficiaires de l'AME : compte tenu des documents d'identité fournis, qui ne sont pas toujours conformes et sont même parfois absents, une telle mesure serait difficile à mettre en pratique.
C'est pour ces raisons que notre groupe ne votera pas en faveur de cette proposition. Les Démocrates ont toute confiance dans le Gouvernement pour poursuivre les travaux engagés depuis 2017, et ils y participeront à l'avenir.
Il ne faut pas fuir le débat, et il faut oser nous poser des questions difficiles :…
…comment empêcher que les flux migratoires détériorent l'offre de soins pour nos ressortissants, dans un contexte de démographie médicale défavorable et de crise hospitalière ?
Les réponses sont multiples et elles se joueront également au niveau européen, par l'harmonisation des règles entre les pays. Une approche commune étant indispensable sur ces questions, nous devrons nous en saisir, sans idéologie ni opportunisme politique.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Voici, ce soir, le milliard le plus surveillé de France. J'aurais aimé que nos collègues soient tout aussi attentifs à tous les autres milliards,…
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC. – M. Benoit Mournet applaudit également
qui mériteraient tout autant, sinon bien plus, d'être commentés et débattus.
Ici, nous discutons d'un milliard qui fait honneur à la France :…
…l'aide médicale de l'État, qui représente 0,5 % des dépenses de la sécurité sociale.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES. – MM. Gérard Leseul et Benoit Mournet applaudissent également.
Alors même que nos hôpitaux sont dans un état lamentable et que les déserts médicaux poursuivent leur croissance inexorable,…
…vous avez donc choisi de placer la focale là-dessus.
Nous y voici, quelques heures seulement après un débat consacré à la restitution de nos travaux sur le Printemps de l'évaluation, lors duquel Les Républicains ont déjà souhaité aborder ce sujet, dans une course à l'échalote avec l'extrême droite.
C'est bien le cas : vous souhaitez détricoter l'accès au droit des étrangers. Assumez-le ! Et je profiterai de cette tribune pour regretter les propos tenus par un ancien Premier ministre, Édouard Philippe, qui, dans une interview réalisée avant-hier, dénonçait « l'immigration subie ».
Comment ne pas le regretter, et comment ne pas le dénoncer ici ? En tant que républicains, nous défendons un principe d'humanité qui fait honneur à la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
La proposition de résolution que vous défendez suggère donc, je cite, « que l'État engage une réforme de l'aide médicale de l'État et qu'elle soit recentrée sur les seuls soins urgents ».
Mais, madame Louwagie, nous avons, en tant que députés, souvent l'occasion d'échanger avec des professionnels de santé et avec des scientifiques ; nous croyons en la science.
Moi aussi, j'ai échangé avec des scientifiques, lors des auditions que j'ai menées !
Or que nous disent ces professionnels de santé, de façon unanime ? Ils nous disent que selon toutes les études, une prise en charge tardive des soins est bien plus coûteuse…
Comment allez-vous justifier, si vous restreignez l'AME aux soins urgents, le fait de surcharger des services hospitaliers qui sont déjà pleins à craquer ? Tout affaiblissement de l'AME, je l'ai dit, limiterait l'accès aux soins primaires mais induirait aussi un surcoût, entraînant une saturation des permanences de soins ;…
…surtout, elle limiterait la prévention, qui doit être – Mme la ministre déléguée ne dira pas le contraire – notre priorité.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Si vous limitez l'accès, vous limitez la prévention ! C'est ce que rappellent toutes les sociétés savantes.
Évidemment, votre résolution suggère insidieusement que les personnes migrantes choisiraient notre pays pour son système de santé finalement plus généreux que ceux de nos voisins.
C'est ce que vous avez dit. Mais toutes les études le montrent : le motif de santé n'est jamais prioritaire pour motiver le départ, qui est bien plus souvent un choix d'ordre économique ou politique. Comment peut-on croire sérieusement qu'un migrant, qui risque de mourir à chaque instant de son parcours migratoire,…
…souhaite venir chez nous pour aller gratuitement chez le dentiste ? Ce n'est pas sérieux !
Lisez le texte ! Ce n'est pas exactement de cette manière qu'ont été présentées les choses !
Les personnes qui arrivent sur notre territoire sont d'abord des survivants ,
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – M. Gérard Leseul applaudit également
plutôt des jeunes en bonne santé physique, même s'ils sont parfois psychologiquement fragilisés voire traumatisés.
Économiquement, c'est donc une absurdité. C'est également une absurdité sur le plan de la santé publique et sur celui de la lutte contre l'immigration clandestine, puisque votre remise en cause de l'aide médicale de l'État n'a, comme nous venons de le voir, aucune justification.
J'en profite également pour évoquer le changement opéré en 2019 : le délai de trois mois au terme duquel on pouvait bénéficier de l'AME a été transformé en délai de trois mois passé en situation irrégulière. Cette évolution a déjà entraîné de nombreuses complications – ce sont les professionnels de santé qui nous le disent. En tant que membre du Conseil national du sida et des hépatites virales – j'y représente notre assemblée –, je peux le dire : c'est un sujet que nous évoquons fréquemment. Des médecins nous expliquent que le système de la débrouille règne. En effet, les étrangers en situation irrégulière ne sont évidemment pas tous bénéficiaires de l'aide médicale de l'État ! Vous savez, je l'espère – toutes les Françaises et tous les Français devraient le savoir –, qu'il faut gagner moins de 797,58 euros par mois pour y avoir droit.
On voit bien, donc, qu'un certain nombre d'étrangers n'ont pas droit à l'aide médicale de l'État : ils sortent du dispositif et c'est bien cela qui devrait nous préoccuper. En effet, la réalité, c'est ce système de la débrouille que vivent les professionnels de santé pour trouver par exemple des doses disponibles d'antirétroviraux, afin de soigner celles et ceux qui se présentent et qui n'ont pas accès à ce droit.
Enfin, si les Français ont des difficultés d'accès aux soins, pensez-vous que ce soit la faute des personnes migrantes ? Ce n'est pas vrai !
Je citerai Martine Aubry qui, lors la création de l'aide médicale de l'État ,
Exclamations sur les bancs du groupe LR
évoquait Albert Camus : « La grandeur de l'homme est dans sa décision d'être plus fort que sa condition. »
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Il est des sujets, plus que d'autres, à propos desquels il faut peser ses mots. L'aide médicale de l'État en fait partie, parce qu'elle touche à l'humain, à la santé et à des parcours individuels qui transportent tous leurs lots de blessures, de difficultés, de souffrances. Parler d'un sujet avec humanité et avec modération, cela ne veut pas dire l'esquiver : cela ne signifie pas qu'il ne faut pas en parler ou qu'il serait moralement condamnable de vouloir le réformer. Cela signifie simplement que lorsqu'on discute des conditions d'accès à des mécanismes de protection pour les plus fragiles, il faut prendre conscience des réalités diverses que cela recoupe.
L'aide médicale de l'État est un sujet qui revient souvent dans le débat public et, par la force des choses, au sein de notre assemblée. Si ce sujet est si récurrent, c'est parce que l'AME dit beaucoup de notre modèle social et de notre tradition d'accueil, l'une des plus généreuses au monde. Parce qu'elle nous renvoie aux dysfonctionnements de notre politique migratoire et parce qu'elle interroge la frontière entre humanisme et responsabilité, il est normal et sain d'en débattre, dès lors que ce débat se tient hors des caricatures aussi bien misérabilistes que xénophobes.
Mme Véronique Louwagie s'exclame.
Les contours de l'AME ont été redessinés au fil des années, mais son socle est toujours resté le même : l'accès au soin pour les étrangers en situation irrégulière, sous condition de ressources et de résidence.
L'AME poursuit un triple objectif : premièrement, un objectif humanitaire, car c'est l'honneur de la France que d'aider les personnes sur son territoire, quand on sait qu'il ne s'agit pas là de n'importe quelle aide mais bien de celle permettant de rester en vie et en bonne santé ; deuxièmement, un objectif sanitaire, car en permettant l'accès aux soins, l'AME permet de circonscrire les risques épidémiques et la prolifération de maladies infectieuses sur notre territoire…
Troisièmement, un objectif économique, car en évitant la propagation d'affections contagieuses, on limite le nombre de personnes à soigner, et en facilitant la prise en charge des soins en amont, on évite les éventuels surcoûts liés à des soins retardés et pratiqués dans l'urgence.
Pour ces trois raisons, nous ne pouvons ni décemment ni raisonnablement envisager la suppression de l'AME. Néanmoins, comme tout dispositif d'aide, l'AME ne saurait être ni sans limites ni inconditionnelle. Il nous revient, en tant que législateur, de nous interroger à intervalles réguliers sur ses modalités d'octroi, afin de la rendre plus efficace et de mieux lutter contre les abus dont elle fait l'objet, qui sont choquants et qui dévoient sa philosophie première.
C'est en ce sens que l'encadrement du dispositif a été renforcé de manière constante depuis 2017 par des mesures fortes destinées à lutter contre les détournements des visas touristiques, à vérifier la présence physique des demandeurs, à combattre la dissimulation de visas grâce à l'outil Visabio. Les bénéficiaires de l'AME sont aussi inclus dans les programmes nationaux de contrôle de la caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam). Il n'est pas normal, en effet, que des personnes abusent de la générosité de notre pays, afin de profiter gratuitement de soins dispensables alors que certains de nos concitoyens doivent, eux, payer le prix fort.
En outre, le panier de soins a été fortement recentré, certains n'étant plus pris en charge tandis que d'autres, non urgents, ne l'étant qu'au bout d'un délai de neuf mois après l'admission à l'AME pour tout nouveau bénéficiaire ou pour celui qui n'en a pas bénéficié depuis plus d'un an.
La discussion sur les contours du panier de soins et des modalités d'accès à l'AME n'est pas taboue. Mais il nous semble que le recentrage du dispositif sur les seuls soins urgents, tel que proposé par la proposition de résolution, n'est pas souhaitable. Cela reviendrait de facto à supprimer l'AME. Surtout, il s'agirait d'un contresens au regard des objectifs poursuivis par ce dispositif, induisant notamment un risque d'aggravation des pathologies bénignes aux conséquences désastreuses en matière de santé publique, sans parler du renchérissement du coût économique du soin rendu in fine.
Enfin, si le sujet de l'immigration est important, il nous paraît illusoire de l'aborder par le biais de l'AME. Le recours à cette aide, qui ne représente que 0,5 % des dépenses d'assurance maladie, n'est que la conséquence de la présence de personnes en situation irrégulière sur le territoire. La priorité devrait être de réduire ces flux migratoires illégaux plutôt que de priver de soin des personnes présentes sur le territoire.
C'est bien la peine qu'Édouard Philippe montre les muscles, n'est-ce pas madame Firmin Le Bodo ?
Notre politique migratoire doit faire l'objet d'une vision d'ensemble. Nous pourrons donc avoir cette discussion dans le cadre de l'examen du projet de loi dédié qui nous permettra de crever les non-dits sur lesquels nous ne devons pas nous tromper et sur lesquels les Français nous attendent.
Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera contre cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
« J'appelle toutes les Françaises et tous les Français à se rassembler pour défendre les droits de l'homme, pour garantir la cohésion de la nation, pour affirmer l'unité de la République, pour restaurer l'autorité de l'État. […] Le moment du choix est désormais devant vous. Il s'agit de l'avenir de la France, de l'idée même que nous nous faisons de notre pays, de sa grande tradition humaniste, de sa vocation universelle, de son exigence de générosité, de son rayonnement. Il s'agit aussi de notre capacité à vivre ensemble les uns avec les autres, en nous respectant. »
Ces paroles, chers collègues, ont été prononcées par le président Chirac le soir du 21 avril 2002, quand l'extrême droite se qualifiait au second tour de l'élection présidentielle pour la première fois. Deux décennies plus tard, collègues LR, qu'avez-vous fait de la droite républicaine et de l'élan républicain de 2002 ?
M. Benoit Mournet applaudit.
Voilà donc notre assemblée contrainte de débattre pendant une heure entière d'un sujet qui semble, à vous lire et à vous entendre, de la plus haute importance : un dérapage financier, peut-on lire.
Les dizaines de milliards d'euros que nous coûte chaque année l'évasion fiscale ? Non. Le coût pour notre système de santé de ces évadés fiscaux qui retrouvent l'amour de leur patrie quand il s'agit de revenir s'y faire soigner ? Non plus. C'est vrai qu'avec les ultra-riches, vous êtes « no border ». Mais alors, de quoi parlez-vous ? Vous avez choisi de nous faire perdre du temps avec un débat sur 0,5 % du budget de l'assurance maladie.
Quel manque d'imagination ! Quelle paresse intellectuelle ! Vous invoquez un prétendu tourisme médical. Il n'existe pas.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
L'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) indique clairement que les migrations pour raisons de santé représentent moins de 3 % des motifs de départ. Et dans ces moins de 3 %, la part de personnes bénéficiant de l'AME est encore plus infime. Vous allez donc saturer l'espace médiatique…
… et encombrer le débat public avec quoi ? Avec rien. Peut-être est-ce pour masquer votre complicité sur les retraites et votre approbation du coup d'État institutionnel que nous allons subir demain ? La diversion comme instrument de la lâcheté, rien de très original là non plus.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Mais continuons les comparaisons. Vous nous expliquez que notre système de solidarité et de santé ne pourrait absorber 1,14 milliard d'euros d'AME – je reprends votre propre chiffre. J'ai une solution pour vous : combattez la fraude fiscale estimée à 80 milliards d'euros par an, ce qui équivaut au salaire annuel de 2 millions de soignants.
L'AME ne représente qu'un tiers du coût de la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Alors, mêlez-vous d'abord des richesses qui existent…
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Qui peut croire que celui qui fuit la guerre ou la misère, s'arrachant aux siens et à sa terre, le fait en regardant Doctolib ou en lisant un manuel de droit de la santé comparé ? Les pandémies, les infections, les fractures et les cancers ne pratiquent pas le contrôle d'identité, ne vous en déplaise.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
En réalité, pour les exilés, l'accès aux soins est quasi impossible dans bien des situations, comme nous avons pu le constater avec de nombreux collègues. Je vous invite à m'accompagner dans le camp de Mardyck, près de Dunkerque, où des familles vivent dans la boue, soumises aux maladies, à la précarité, à la faim et au froid. Dites-leur qu'elles coûtent trop cher !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES. – Mme Stella Dupont applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Accueillez-les chez vous ! Ça suffit les leçons de morale sur le dos et le portefeuille des autres !
Votre vision de la santé témoigne de votre incompétence et de votre dangerosité. Par obsession des étrangers, vous êtes prêts à dégrader la santé publique.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Le covid ne vous aura donc rien appris. Par appât du gain électoral supposé possible en braconnant à l'extrême droite, vous passez par pertes et profits nos réflexes humains les plus essentiels et proposez que l'État se rende coupable de non-assistance à personne en détresse. Parce que nous, nous avons du cœur – et peut-être, en cet instant, son monopole –, une boussole républicaine et que nous sommes fidèles à ce que disait le président Chirac en 2002, ne vous en déplaise, nous voterons contre votre proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et GDR – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
C'est une petite musique qui revient au gré des élections, des congrès, des moments de lâcheté ou des faits divers : les étrangers seraient à l'origine de tous les maux de notre société. Pour cela, rien de mieux que des arguments infondés au simplisme abyssal, qui font un lien direct entre immigration et délinquance – voire terrorisme – ou qui imputent la fragilisation de nos services publics à de prétendus profiteurs étrangers, ciblant même les retraités étrangers qui ont eu une vie de labeur.
Tout est bon pour stigmatiser davantage, le tout fondé sur des mensonges que toutes les études statistiques sérieuses démontent.
Non seulement cette petite musique fait du mal à des gens, mais elle fracture aussi notre société un peu plus chaque jour. Pourtant, il faut le répéter, cette restriction des droits des étrangers, des plus vulnérables, ne profitera en aucune manière aux Français. Mais je vois bien qu'il est plus facile de désigner les plus vulnérables, en l'occurrence les étrangers,…
…que d'aller chercher l'argent dans la poche des super-profiteurs de crise ou de ceux qui pratiquent l'évasion fiscale.
Puisqu'il faut le répéter, je vais le refaire ici, comme tentent de le faire de nombreux chercheurs : non, nous n'assistons pas à une submersion migratoire, d'ailleurs le solde migratoire est stable dans notre pays.
Exclamations sur les bancs du groupe LR. – M. Benjamin Lucas et Mme Stella Dupont applaudissent.
Les régularisations, même massives, et les sauvetages en mer n'ont jamais provoqué d'appel d'air.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Le grand remplacement de la population française est un mythe raciste, infondé et dangereux.
MM. Benjamin Lucas et Benoit Mournet applaudissent.
En revanche, nous assistons à un grand renversement des normes où l'accueil et l'humanité, plutôt que d'être soutenus, sont criminalisés.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Selon le rapport annuel de l'Observatoire de l'accès aux droits et aux soins pour l'année 2015 de Médecins du monde, la migration pour soins est un mythe, rien ne prouve l'existence de filières de soins.
En réalité, tout est bon pour s'exempter des conséquences de l'affaissement des services publics. La droite, qui y est pour beaucoup, préfère pointer les étrangers, quitte à mentir éhontément ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES
comme le fait la rapporteure spéciale qui utilise l'argument fallacieux d'une « exception européenne » pour justifier cette restriction du champ de l'AME.
Or celle-ci est déjà restrictive. Dans les faits, c'est un dispositif complexe et défectueux au regard de l'objectif de santé publique qu'il se fixe : 64 % des personnes interrogées dans le cadre d'une enquête interassociative ont rencontré des difficultés pour se faire soigner et sept sur dix ont finalement renoncé. Une enquête du ministère de l'intérieur a même estimé à 51 % le taux de non-recours des personnes éligibles à l'AME.
En outre, cette proposition de résolution pousse l'absurde jusqu'au cruel en contrôlant davantage les procédures de greffes d'organes, afin de déterminer si la part des étrangers bénéficiant d'une greffe en France fait peser des tensions sur le système. Vous utilisez cet argument sachant que cette part est infime.
Il n'y a que l'extrême gauche pour considérer que 1 milliard d'euros, ce n'est rien !
Cette proposition de résolution vise également à restreindre les conditions d'accès à la procédure d'admission au séjour pour soins à une résidence de deux ans, à un pronostic vital engagé à court terme, et à exclure les titulaires d'un titre de résidence. Cette proposition est dangereuse. En Espagne, la restriction de la couverture santé aux urgences avait provoqué une hausse de la mortalité des personnes migrantes de 15 %. Voyez la responsabilité que vous prenez en faisant voter ce type de proposition !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Ainsi, à l'encontre de toutes les études sérieuses, vous proposez cette proposition de résolution est à la fois inefficace et dangereuse.
Mêmes mouvements.
Mme Caroline Fiat applaudit
laisser un être humain malade sans soin relève pourtant du droit humanitaire le plus basique. Ensuite, elle est dangereuse socialement : c'est une mesure contraire au principe de non-discrimination inhérent au droit à la santé.
Enfin, elle est dangereuse d'un point de vue sanitaire : puisque l'argument humaniste peine à vous convaincre, peut-être serez-vous plus sensibles à l'argument selon lequel l'AME protège l'ensemble des membres de la société.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – MM. Benjamin Lucas et Benoit Mournet applaudissent également.
J'en profite pour rappeler à celles et ceux qui pourraient être attirés par cette logique du bouc émissaire, y compris à l'extérieur de nos murs, que l'affaiblissement des droits des plus vulnérables n'a jamais fait augmenter les droits de tous. Au contraire, une société qui protège les plus vulnérables est une société beaucoup plus disposée à protéger les droits de tous ses concitoyens.
En conclusion, je souhaite rappeler que les membres de la majorité avaient voté contre cette proposition de résolution en 2021. Seront-ils au diapason du ministre Darmanin lançant un « chiche travaillons ensemble » à cette droite qui copie-colle le programme du RN ? Ou seront-ils au rendez-vous de ce grand défi qu'est cette crise de l'accueil ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
L'AME soulève à la fois des fantasmes – sur un côté de l'hémicycle qui trouve aberrant de sauver des personnes en situation d'urgence sanitaire au motif qu'il s'agit de clandestins – et des tabous – de l'autre côté de l'hémicycle qui y voit une dépense à sanctuariser quelle que soit son efficacité et quelles que soient les fraudes et les dérives qui peuvent y être liées.
Entre ces deux écueils et l'hypocrisie de l'urgence que l'on ne sait définir, il y a une voie responsable pour résoudre les problèmes de notre pays et ne pas chercher à en vivre.
Ériger l'AME en fantasme ou en tabou revient à bâtir le meilleur alibi de l'impuissance. Vouloir la supprimer purement et simplement, la réduire à l'urgence ou la sanctuariser, c'est assurer le statu quo sur le fondement duquel les extrêmes de tous bords nourrissent leur vox populi.
Le rapport d'information de Véronique Louwagie sur l'évaluation du coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière s'inscrit dans cette démarche, à la fois pour éclairer le Parlement sur le coût des dispositifs de soins pour les personnes en situation irrégulière, mais également pour y apporter des solutions dépassionnées. Je l'en remercie d'autant plus que rien dans ses propositions ne contrevient à notre Constitution, au droit européen et aux conventions internationales auxquelles la France est partie.
C'est la preuve, mes chers collègues du groupe Les Républicains, que l'on peut réformer sans se renier.
Premièrement, vous en convenez : supprimer l'AME ne répond en rien aux enjeux sanitaires de notre pays. Pire, une telle décision y contreviendrait : au-delà de l'assistance que l'on doit évidemment apporter quoi qu'il en coûte à une personne en danger, ne pas soigner un étranger en situation irrégulière aurait des effets plus délétère encore sur le reste de la population.
C'est ce que je vous dis. Finalement, il n'y a guère que le Rassemblement national pour considérer qu'une femme ou un homme en situation de détresse médicale ne devrait pas être soigné au seul motif qu'ils sont clandestins. C'est d'ailleurs assez convergent avec leur idée funeste de préférence nationale : être bien né conférerait le droit à la vie. Pour notre part, nous nous opposerons avec force à cette infamie parce qu'un étranger en danger de mort à tout autant droit à des soins que vous et moi.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
J'en viens à l'argument budgétaire : vous en conviendrez, madame Louwagie, si l'AME est un macrosujet politique, elle reste un microsujet budgétaire.
Murmures sur les bancs du groupe LR.
Sa suppression, même à supposer qu'elle n'emporte aucun effet induit – ce que nous ne croyons pas possible –, ne serait pas nature à résoudre l'impasse financière devant laquelle nous nous trouvons. Surtout, le problème du coût de l'AME trouve avant tout sa source dans le nombre d'étrangers en situation irrégulière en France : sans étrangers en situation irrégulière, pas d'AME. Je vous invite donc à tout mettre en œuvre, y compris au sein de votre propre famille politique, pour adopter le plus rapidement possible les dispositions qui permettront de lever les protections dont bénéficient certains étrangers en situation irrégulière, comme le propose le ministre de l'intérieur.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Grâce à cette seule mesure, plus de 4 000 étrangers en situation irrégulière pourraient être reconduits à la frontière.
Ensuite, il est faux de dire que la majorité est restée sans rien faire depuis 2017.
Preuve de son pragmatisme, elle a agi : le panier de soins a été revu et certains soins non urgents ne sont désormais pris en charge qu'après un délai ou sous réserve de l'obtention d'un accord préalable. C'est aussi cette majorité qui a instauré un délai de carence de trois mois avant l'ouverture des droits à la protection universelle.
C'est encore elle qui a réduit la durée de maintien de ces droits lorsque les conditions de régularité du séjour ne sont plus remplies.
Vous avez toutefois raison, madame Louwagie : il faut aller plus loin et traiter ces questions,…
…qui dépassent largement le cadre de la seule AME, comme le prouvent d'ailleurs vos autres recommandations, qui touchent à la fois au maintien des droits expirés, au titre de séjour étranger malade, ou encore à la protection santé des demandeurs d'asile en provenance de pays sûrs.
Sur ces questions, comme sur celle du panier de soins de l'AME – sans aller jusqu'à restreindre ce dernier aux seules situations d'urgence, que nous serions bien en peine de définir –, nous n'aurons, une fois de plus, ni fantasme ni tabou. Nous sommes prêts à travailler avec vous pour garantir l'effectivité de ce droit, tout en assurant son acceptation par l'opinion publique. Nous sommes prêts à travailler avec vous et avec toutes les forces de bonne volonté pour réduire les fraudes et les dérives liées à l'AME, dont nous estimons cependant qu'on ne saurait y répondre par une résolution. À ce titre, je regrette que les élus du groupe Les Républicains, si prompts habituellement à déposer des propositions de loi, en viennent à déposer une proposition de résolution : agir, si la question est si importante que vous l'affirmez – et elle l'est –, vaut mieux que de se montrer résolu à le faire.
Nous sommes prêts à travailler avec tous ceux qui ne souhaitent rien renier de nos valeurs, mises à mal au moins autant par l'irénisme de ceux qui prônent l'accueil inconditionnel des étrangers que par l'obscurantisme de ceux qui rêvent d'une immigration zéro.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La proposition de résolution relative au dérapage du coût pour l'État de l'aide médicale de l'État présentée par le groupe Les Républicains nous laisse circonspects, parce qu'elle émane d'une formation politique abîmée par l'accumulation de ses promesses non tenues, fragilisée par son attitude lors de l'examen de la réforme des retraites…
J'avais fait une proposition similaire en 2021 ! Il n'y avait pas de réforme des retraites en cours !
…et plus que jamais divisée, comme en témoigne son vote sur la dernière motion de censure.
Ainsi, pour tenter d'assurer leur survie politique à l'approche des élections européennes, certains membres du groupe LR essayent, une fois de plus,…
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
…d'endormir les Français sur la question migratoire, et, en l'espèce, sur celle de l'AME, que 66 % de nos concitoyens souhaitent voir réduite aux soins d'urgence pour les étrangers en situation irrégulière.
Pourquoi avons-nous peine à croire à la sincérité de ce texte ? Parce que, quand les élus LR étaient au pouvoir, Nicolas Sarkozy avait refusé de remettre en cause l'AME, qu'il qualifiait de « générosité française ».
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Pire, sous sa présidence, le budget consacré à cette pompe aspirante a augmenté de 21 % !
Pour quelle autre raison avons-nous du mal à y croire ? Parce que, d'après les bruits dont la presse se fait l'écho, certains députés LR multiplient les rencontres informelles en vue de travailler avec les macronistes,…
…tandis que les macronistes n'hésitent pas à leur faire quelques ronds de jambe,…
…certains allant même jusqu'à considérer que Mme la rapporteure spéciale, Véronique Louwagie, serait « plutôt une alliée ». Mais cela ne surprendra personne, puisque l'état-major des LR, en 2017 et en 2022, a appelé à voter pour Emmanuel Macron, qui jugeait « ridicule » l'hypothèse d'une suppression de l'AME.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Enfin, si les députés Les Républicains étaient à ce point gênés par les dérives incontestables de l'AME, auxquelles s'ajoutent les dépenses faramineuses qu'entraîne, par exemple, l'admission au séjour pour soins, pourquoi n'ont-ils pas voté en faveur des nombreux amendements déposés par Marine Le Pen dans le cadre de l'examen des derniers projets de loi de finances ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mme Béatrice Roullaud se lève et applaudit. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Rappelons qu'il existe un parti politique qui pense sincèrement que la présence d'étrangers en situation irrégulière sur notre territoire ne doit plus constituer une charge déraisonnable pour les finances publiques et pour notre système de protection sociale. Ce parti, c'est le Rassemblement national.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Et les Français, d'où qu'ils viennent, ont raison de nous faire confiance : avec nous, la France ne sera plus une clinique géante pour clandestins !
Exclamations sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Fini, le tourisme sanitaire ! Exit le guichet social ouvert au monde entier alors que près de 8 millions de nos concitoyens vivent dans un désert médical, que de trop nombreux Français ont déjà renoncé à se faire soigner faute de moyens et que 61 % d'entre eux ont même renoncé à acheter des médicaments en raison de leur prix !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Chers collègues, imaginez combien d'hôpitaux nous pourrions désengorger, ouvrir ou rouvrir avec les milliards dépensés pour offrir la gratuité des soins aux clandestins ! Que répondre à ces honnêtes Français qui apprennent, stupéfaits, que, dans leur pays, environ 400 000 étrangers en situation irrégulière bénéficient chacun d'environ 3 000 euros de prestations médicales par an,…
…cotisent, et, pire, ne sont pas remboursés intégralement des frais nécessaires pour se soigner ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Chers collègues, avez-vous déjà été confrontés à un de ces Français qui, comme 61 % de ses compatriotes, confie avoir abandonné son projet de soins dentaires en raison de ses fins de mois difficiles ? Avez-vous osé lui répondre que s'il avait été un clandestin, ses soins dentaires auraient été remboursés à 100 % ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mme Béatrice Roullaud se lève et applaudit.
Plutôt que l'orchestration de la préférence étrangère, Marine Le Pen propose d'instaurer la priorité nationale. Car oui, nous considérons que les Français doivent être prioritaires chez eux !
Mais j'entends déjà les belles âmes de gauche,…
…ces humanistes autoproclamés, ces grands donneurs de leçons de morale, agiter le chiffon rouge, caricaturer et diaboliser notre vision politique,…
…en clamant qu'avec le Rassemblement national, plus personne ne sera soigné et la porte sera ouverte aux pandémies.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Laissez-moi couper court à leurs délires : nous créerons un dispositif raisonnable, à savoir une aide médicale d'urgence destinée à soigner les étrangers en détresse sanitaire. Ce nouveau mécanisme sera salvateur pour les finances publiques, mettra un coup d'arrêt aux dérives de l'immigration irrégulière et signera la fin de l'appel d'air créé par l'AME, dispositif unique en Europe.
M. Jocelyn Dessigny applaudit. – Exclamation sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
En conclusion, parce que la justice sociale et la priorité nationale sont des valeurs cardinales de notre programme et parce que, contrairement à d'autres, nous sommes cohérents,…
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Pendant que nos concitoyennes et nos concitoyens ont faim, peinent à accéder aux soins et ne peuvent plus se loger, nous sommes obligés de subir un débat sur un non-sujet : l'aide médicale de l'État.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sans surprise, cette proposition de résolution vise à restreindre les conditions d'accès à l'AME – bénéficiaires, panier de soins, etc. Visiblement, la seule priorité de la minorité présidentielle – qui voterait contre la proposition de résolution, mais trouve le temps de l'inscrire à l'ordre du jour plutôt que, par exemple, ma proposition de loi établissant un ratio minimal d'encadrement au chevet des résidents des Ehpad
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
– et de la droite consiste à trouver des boucs émissaires pour justifier leurs propres turpitudes.
Mêmes mouvements.
Revoilà donc le refrain du méchant migrant profitant abondamment de l'AME pour bénéficier de divers soins non urgents et autres opérations de confort.
Il ne s'agit pas de migrants, mais de clandestins, c'est-à-dire de personnes ayant violé nos lois !
À vous entendre, ils viendraient même dans notre pays pour cette seule raison.
On imagine aisément, après tout, une personne mettre sa vie en danger en traversant la Méditerranée sur un radeau de fortune dans le seul but de faire soigner une carie.
Ils ne traversent pas la Méditerranée en radeau : ils sont abandonnés par des passeurs à quelques dizaines de mètres des côtes !
On accusera bientôt les migrants de creuser ce que vous aimez appeler le trou de la sécu, ignorant ainsi toutes les exonérations de cotisations que vous accordez aux entreprises.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il convient pourtant de rappeler quelques vérités sur cette question que je connais bien pour avoir été rapporteure pour avis lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020. Tout d'abord, l'AME ne représente que 0,5 % du budget de la sécurité sociale.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ensuite, 80 % des migrants ayant théoriquement droit à une couverture maladie n'en ont aucune. D'après le rapport de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) sur les refus de soins opposés aux bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire et de l'AME, près de 35 % des personnes éligibles n'ont pas recours à l'aide médical de l'État, même plusieurs années après leur arrivée en France.
Enfin, toutes les études menées par les plus grandes associations, notamment Médecins du monde, convergent pour montrer que seuls 3 % des patients déclarent avoir quitté leur pays pour des raisons de santé. L'idée selon laquelle les étrangers migrent en France pour se faire soigner gratuitement est donc totalement fausse !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous qui aimez les chiffres, voici les principaux : ils parlent d'eux-mêmes et démontent aisément vos fantasmes xénophobes !
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Rien à voir avec la xénophobie ! C'est une question de justice pour les Français !
La question de l'AME doit en outre être replacée dans le contexte plus global de la situation de notre système de santé. En effet, dans des hôpitaux à bout de souffle, cette aide est précieuse. Je ne connais aucun soignant – aucun ! – qui, avant d'admettre une personne, songerait à lui demander ses papiers puis refuserait de la soigner au prétexte qu'elle est en situation irrégulière.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Par conséquent, les soins seront prodigués dans tous les cas. Je n'ose imaginer la réaction d'un pompier qu'on féliciterait pour une réanimation réussie mais auquel on demanderait de ramener la victime là où il l'a trouvée, car, n'ayant pas de papiers, elle n'aurait pas vocation à être soignée ! Bravo, le Rassemblement national !
Mêmes mouvements.
Il n'est donc absolument pas opportun de remettre en cause l'AME, laquelle permet de prendre en charge des soins qui, sans elle, pèseraient sur le budget d'hôpitaux déjà exsangues.
Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RN.
Il convient également de rappeler, bien que cela paraisse évident, que l'AME répond à un véritable impératif de santé publique : ne pas laisser des maladies se propager relève du bon sens – mais j'ai bien peur, au vu de votre proposition et de l'insistance dont vous faites preuve pour remettre en cause l'AME, que vous en soyez dénués.
Vous semblez aussi dénués d'humanité : le seul fait d'émettre l'idée de refuser des soins à une personne, migrante ou non, est une aberration. Je le dis avec d'autant plus de force que je suis soignante de profession.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Et les Français qui attendent sur des brancards à l'hôpital, ils passent après ? Arrêtez !
Bizarrement vous vous offusquez beaucoup moins du tourisme médical pratiqué par ceux qui débarquent en jet privé pour profiter d'opérations souvent lourdes et coûteuses,…
…et que la courtoisie diplomatique entretenue par notre gouvernement avec certains pays scrupuleusement choisis pour servir des intérêts bien particuliers dispense de régler la facture : ces frais sont imputés sur le compte de l'AME, vous permettant ainsi d'en accuser les pauvres migrants qui, à vous en croire, viendraient en France pour se faire soigner !
Comme si cela ne suffisait pas, vous profitez de cette proposition de résolution pour réclamer l'extension de divers fichiers de personnes et la restriction de l'immigration. La lutte contre le dérapage de l'AME a bon dos pour recueillir de nouvelles données sur les demandeurs ou pour multiplier les enregistrements de leur statut administratif.
Bref, avec vous, c'est toujours la même rengaine : peu importe la précarité, la pauvreté et la détresse de ces personnes, vous remettez inlassablement sur la table un sujet qui vous permet d'entretenir la haine de l'autre ,…
Protestations sur les bancs du groupe RN
…fonds de commerce de votre politique et terreau de la propagation des idées de l'extrême droite.
Les gastroplasties ou le recollement des oreilles, sont-ce des soins d'urgence ?
Contrairement à vous, nous proposons de garantir l'accès effectif aux soins de toutes et tous, sans céder aux instrumentalisations politiques de l'AME. Le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale rejettera évidemment avec véhémence cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – De nombreux députés du groupe LFI – NUPES se lèvent pour applaudir.
Rappels au règlement
Il se fonde sur les mises en cause personnelles à laquelle se sont livrées deux de nos collègues : Elsa Faucillon a parlé de mensonge en me mettant en cause, tandis que Mme Caroline Fiat a évoqué des « fantasmes xénophobes ».
Il s'agit de mises en cause personnelles, pour lesquelles je demande des excuses.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je suis intervenue de manière tout à fait dépassionnée et rationnelle, sans élever le ton.
Merci, madame la députée. N'entrons pas dans le fond du débat.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor pour un autre rappel au règlement.
« Quel article ? » sur les bancs des groupes RN et LR.
Je vous invite à nous faire savoir sur quel article se fonde votre rappel au règlement, puis à procéder audit rappel, monsieur le député, plutôt que d'engager une conversation avec votre collègue.
Il se fonde sur l'article 70, alinéa 3.
Mme Louwagie est particulièrement mal placée pour tenir de tels propos car tout à l'heure elle a parlé de « boîte noire », un vilain jeu de mots qui m'a choqué.
Exclamations sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe RN.
Nous en restons là pour les rappels au règlement. Vous vous êtes exprimés et il ne s'agit pas d'échanger entre collègues.
Discussion générale
Nous en venons au dernier orateur inscrit dans la discussion générale. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
Si, dans cet hémicycle, nous ne sommes pas capables d'aborder une question grave ni de trouver les moyens de réduire des dépenses exorbitantes qui n'existent dans aucun autre pays, mais uniquement de s'insulter, c'est bien triste. Cela explique d'ailleurs sans doute pourquoi nous détenons le record en matière de dépenses publiques, de taxes en tous genres et de déficit budgétaire. Eh oui, la France jette par les fenêtres 1,7 milliard destiné à des clandestins – car il faut les appeler par leur nom.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Aucun pays européen n'a mis en place un système de couverture de santé aussi coûteux destiné à des étrangers en situation irrégulière et à des demandeurs d'asile. S'il est bien sûr nécessaire, par souci d'humanité, de garantir des soins urgents – qu'il n'a d'ailleurs jamais été question de supprimer –, il est en revanche inacceptable de fermer les yeux sur l'ampleur des détournements. Selon la CPAM, la caisse primaire d'assurance maladie, l'aide médicale de l'État repose à 50 % sur de fausses déclarations de revenus. Elle contribue également à alimenter le trafic de médicaments revendus à l'étranger.
Quand réagirez-vous ? Nos compatriotes ne comprennent pas, à juste raison, pourquoi ils devraient se serrer toujours plus la ceinture pour alimenter une pompe aspirante migratoire – c'est une réalité – au moment où notre pays n'est plus en mesure d'assimiler dignement de nouvelles populations. D'ailleurs, depuis trente ans, nos concitoyens n'ont jamais été consultés s'agissant d'une des politiques publiques dont les résultats sont les plus catastrophiques pour notre cohésion nationale.
Nous n'arriverons à reprendre le contrôle face à cette véritable bombe à retardement pour la cohésion nationale que si les Français se prononcent enfin un jour par référendum en faveur d'une politique cohérente, globale, humaine et de long terme. J'avais ainsi déposé, le 20 avril 2018, une proposition de référendum d'initiative partagée qui, à l'époque – je le regrette –, n'avait pas été signée par nos collègues Républicains, lesquels semblent se réveiller aujourd'hui, ce dont je me félicite.
Attention, les Français n'attendent plus des discours ou des résolutions mais des actes forts qui produisent des résultats concrets et précis. Nous ne pourrons pas maîtriser les flux migratoires tant que nous resterons prisonniers d'une Union européenne qui organise elle-même une migration géante pour pallier l'effondrement démographique de certains pays comme l'Allemagne et pour fournir une main-d'œuvre bon marché à des entreprises sans scrupule.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Voilà pourquoi je formule depuis plusieurs années deux propositions. La première, c'est le rétablissement de nos frontières nationales. En effet, le système actuel déresponsabilise les États et favorise, une fois les frontières extérieures de l'Union européenne franchies, la libre circulation des illégaux et des demandeurs d'asile. Je demande donc à mes collègues Républicains s'ils sont prêts à rétablir les frontières nationales et à sortir du système Schengen, seule solution possible si l'on souhaite maîtriser l'immigration.
Deuxièmement, j'estime qu'il faut avoir le courage de rétablir – comme le propose d'ailleurs Henri Guaino – la primauté du droit national sur le droit européen. Car si nous voulons vraiment mettre fin au détournement du droit d'asile ainsi qu'à l'immigration de prestations sociales et expulser du territoire national tous les délinquants et criminels étrangers, nous ne pouvons être à la merci des commissaires européens de Bruxelles ni des juges de Luxembourg qui, sans la moindre légitimité démocratique, règnent en maîtres et gouvernent notre pays à distance au détriment de nos intérêts fondamentaux.
Pour conclure, n'oublions pas que l'immigration est loin d'être la seule source de gaspillage financier. Alors que notre pays est au bord de la faillite, j'aimerais que l'on s'attaque également à d'autres gaspillages, qui se chiffrent en dizaines de milliards d'euros.
En 2022, madame la ministre déléguée, 16 milliards ont été dépensés pour financer le scandale des emprunts d'État à taux variable, indexés sur l'inflation européenne.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Pire encore, votre gouvernement continue d'en émettre chaque mois, ce qui constitue une véritable aberration financière dès lors que l'on peut emprunter à des taux fixes trois fois moins élevés.
Le coût net de l'Union européenne s'élève à plus de 10 milliards et dépassera probablement les 15 milliards en 2027. Les millions de fausses cartes Vitale représentent elles aussi plus de 10 milliards d'euros.
Imaginez un instant ce que nous pourrions faire si nous utilisions cet argent pour nos services publics et pour nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé.
Je tiens pour commencer à souligner l'importance de ce débat sur un sujet parfois mal compris par les Français. Tout d'abord, il est normal et légitime que le Gouvernement rende des comptes à la représentation nationale sur le bon usage des deniers publics. Je sais combien l'enjeu de l'évaluation de nos politiques publiques demeure essentiel, surtout en cette période où notre modèle institutionnel et démocratique est interrogé et parfois remis en cause. Alors que nos concitoyens s'interrogent légitimement sur l'efficacité des politiques publiques, il est de notre devoir – Gouvernement mais aussi législateurs –, de répondre à leurs attentes et parfois à leurs inquiétudes. C'est tout particulièrement vrai dans le domaine de la santé, qui reste une préoccupation majeure de nos concitoyens.
Cette proposition de résolution relative à la couverture santé des personnes en situation irrégulière dans notre pays prolonge ainsi utilement nos débats du jour consacrés au Printemps de l'évaluation. Toutefois, permettez-moi de souligner que votre proposition relative à cette question centrale qu'est l'AME ne porte pas uniquement sur son évaluation puisqu'elle traduit notamment la volonté de concentrer cette aide sur les seuls soins urgents. C'est bien une remise en question des fondements de l'AME que vous défendez.
Je voudrais souligner plusieurs points qui me tiennent à cœur. L'engagement de la puissance publique envers les publics les plus vulnérables reflète l'engagement de fraternité qui figure au cœur de notre promesse républicaine. J'y suis très attachée.
J'ajoute que notre pays s'honore d'une tradition ancienne d'accueil et de défense du droit d'asile. L'aide médicale de l'État répond d'abord à cette exigence de solidarité, de générosité et d'humanité. Comme vous le savez, l'aide médicale à l'intention des sans-papiers n'a d'ailleurs pas été créée par la loi du 27 juillet 1999, laquelle n'a fait que recentraliser une compétence qui relevait des départements depuis 1983.
C'est cette recentralisation de l'AME qui nous permet d'avoir ce débat aujourd'hui puisque nous disposons de données consolidées au niveau national avec une ligne budgétaire dédiée en loi de finances. Cette capacité à identifier et à suivre de façon aussi précise nos dépenses liées à la couverture santé des étrangers est une véritable exception française à l'échelle européenne.
Je tiens à rappeler par ailleurs que, dans son principe, l'AME n'a jamais été remise en cause lors des alternances politiques depuis 1999. Ce n'est pas pour rien. Au même titre que l'ensemble de nos dispositifs de solidarité, cette aide aux plus démunis répond au principe du droit à la santé de toutes et tous. Notre conviction est que la santé est un bien commun au service de tous. C'est le modèle de société que nous souhaitons défendre, en France comme dans les instances internationales, avec la promotion d'un droit universel à la santé.
L'AME, nous ne devons pas l'oublier, a également pour objectif prioritaire d'éviter que des personnes renoncent à se soigner pour des raisons financières et contribuent ainsi à la propagation de maladies sur le sol français. Je peux citer une maladie extrêmement contagieuse, ancienne mais en recrudescence : la tuberculose, marqueur majeur de précarité, qui nécessite un diagnostic rapide et des traitements qui ne doivent pas être interrompus.
Enfin, ce dispositif a été mis en place afin que les hôpitaux et les professionnels de santé ne se retrouvent pas sans réponse financière face à une demande de soins qui, de toute façon, se présente et se présentera à eux.
Ces principes et ces objectifs, nous entendons les préserver.
J'ajoute que les moyens consacrés à l'AME doivent être remis en perspective, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises. Avec un coût de 1,2 milliard en 2022 pour l'AME de droit commun et les soins urgents confondus, et un peu plus de 400 000 bénéficiaires, l'AME représente 0,5 % des dépenses de l'assurance maladie.
Il faut mettre ces chiffres en regard des 250 milliards d'euros consacrés chaque année à la couverture du risque maladie pour la totalité des 65 millions d'assurés sociaux.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LR et RN.
Je vous demande de laisser Mme la ministre déléguée poursuivre son intervention.
Quel est par ailleurs le profil type du bénéficiaire de l'AME aujourd'hui ? Ce sont des personnes en situation de grande précarité, dont l'état de santé est sensiblement plus dégradé que la moyenne, comme en témoignent le fort taux de prise en charge hospitalière des bénéficiaires de l'AME ou encore le fait qu'ils recourent davantage aux médicaments indiqués dans le traitement de pathologies sévères, comme le VIH ou l'hépatite C.
Le profil type du bénéficiaire de l'AME, il faut le dire, c'est aussi celui qui n'en bénéficie pas.
La réalité, c'est que la plupart des migrants connaissent peu l'AME et que tous n'ont pas la capacité de se saisir d'un dispositif complexe. Cette situation conduit à un taux de non-recours d'environ 50 % selon une étude de 2019.
S'agissant du panier de soins des bénéficiaires de l'AME, je voudrais également rappeler quelques faits et peut-être dissiper quelques fausses légendes.
S'il correspond au panier de soins des assurés de droit commun, il est dans les faits plus restreint car certains frais et actes en sont exclus. Les médicaments princeps ne sont pas pris en charge, pas plus que ceux remboursés à 15 % aux autres assurés ou que les procréations médicalement assistées et les cures thermales.
Pour certains actes dits non urgents, un délai d'ancienneté du bénéfice de l'AME de neuf mois a été instauré. Cela concerne le fameux cas des opérations des oreilles décollées, parfois érigées en totem par certains. Au-delà du coût dérisoire pour les finances publiques – 6 000 euros pour l'année 2021 –, ce phénomène ne représente que quelques personnes prises en charge cette même année, en grande majorité des enfants. Il s'agit d'opérations de reconstruction en cas de malformations congénitales ou en cas de préjudice social important, toujours constatés par un médecin. Cet exemple me semble important car il démontre que, sur la question de l'AME, il faut mettre de côté toute forme de démagogie…
…et partir de la réalité du terrain. On apprend ainsi que les dépenses liées à l'AME sont réalisées à près de 65 % à l'hôpital et relèvent d'opérations lourdes, ce qui est tout à fait logique au vu de l'état de santé dégradé des bénéficiaires de ce dispositif.
Permettez-moi de citer encore quelques exemples pour être concrète et dissiper certains fantasmes.
Sur les 36 millions de dépenses d'AME relevant de la pneumologie, quelque 22 millions concernent des infections respiratoires sévères, ce qui signifie une hospitalisation pour des soins nécessitant oxygénothérapie et/ou antibiothérapie spécifique. Cela recouvre donc des infections graves comme la légionellose, la pneumonie sévère ou, bien entendu, la covid-19.
Les 25 millions de dépenses qui relèvent du digestif recouvrent des hospitalisations pour des hépatites virales, telles que les hépatites B ou C, et de la chirurgie dans le cadre de la prise en charge d'un cancer. Nous pourrions multiplier les exemples de ce type.
Sur les 21 millions d'euros d'AME liés à la prise en charge des maladies cardiovasculaires, une grande majorité relève de la prise en charge des insuffisances cardiaques ou des infarctus et plus de la moitié recouvre des opérations de chirurgie cardiaque, c'est-à-dire principalement de remplacement de valves cardiaques mais aussi des pontages ou l'installation de défibrillateurs.
S'agissant du système nerveux, un quart des moyens sont consacrés à la prise en charge des AVC, les accidents vasculaires cérébraux. Vous le voyez, nous sommes très loin d'opérations de confort, contrairement à ce que nous pouvons entendre parfois.
Il y en a, reconnaissez-le ! La chirurgie esthétique a-t-elle sa place dans l'AME ?
J'ajoute que le panier de soins de l'AME ne prévoit pas de forfaits de prise en charge au-delà des tarifs de la sécurité sociale. Les étrangers concernés n'ont accès aux équipements du panier 100 % santé qu'à hauteur du tarif de remboursement de la sécurité sociale, avec par conséquent un reste à charge important. L'AME ne prémunit donc pas ses bénéficiaires contre les dépassements tarifaires, réguliers dans des champs comme l'optique ou les prothèses dentaires.
Toutefois, je le disais, nous devons nous prémunir de toute forme de dogmatisme ou de démagogie sur ce sujet. Les débats autour du bon usage de l'AME, de son périmètre ou encore des éventuelles fraudes sont donc tout à fait légitimes et nous devons avoir le courage de les ouvrir. Pour peu que nous sortions des postures politiques, ces débats doivent nous permettre d'explorer toutes les pistes utiles d'évaluation ou d'amélioration du dispositif.
La condition de l'acceptabilité de l'impôt demandé à chacun pour le bénéfice de tous, c'est que l'on puisse mesurer l'effort consenti et les résultats obtenus de nos politiques publiques.
Il s'agit là également d'un enjeu, tout aussi important, de maîtrise de nos dépenses publiques – cela vaut d'ailleurs pour les moyens dédiés à l'aide médicale de l'État comme pour l'ensemble de notre action. En ce sens, le Gouvernement partage bien évidemment la volonté de transparence que traduit cette proposition de résolution relative aux chiffres liés à l'AME. C'est tout l'objet des mesures d'évaluation et de renforcement des contrôles défendues par le Gouvernement depuis 2017.
Ainsi, il a été confié à l'IGF et à l'Igas la mission d'évaluer et d'objectiver, de manière dépassionnée, la réalité des fraudes à l'aide médicale de l'État.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Sur la base de leurs propositions, le Gouvernement a souhaité renforcer les contrôles dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, à la fois en amont et en aval de l'instruction des demandes pour mieux lutter contre les fraudes. La majorité a voté ces mesures, moi aussi en tant que député et j'ai le souvenir que la majorité des LR présents alors en séance les soutenaient également.
En amont, près de 14 % des dossiers sont désormais contrôlés au stade de l'instruction des demandes d'AME au lieu de 10 % auparavant. J'ajoute que depuis 2021, un délai de trois mois a été mis en place pour pouvoir bénéficier de l'AME et lutter contre les détournements des visas touristiques – les caisses ont désormais accès à la base Visabio pour contrôler les dissimulations de visa. Dans les prochaines semaines sera publié un décret qui permettra également aux consulats d'accéder à la base des bénéficiaires de l'AME pour prévenir la délivrance de visas aux personnes dont les antécédents en matière de demande d'AME seraient de nature à présager des intentions de détournement frauduleux de l'objet de visas.
En outre, les bénéficiaires de l'AME sont désormais inclus dans les programmes nationaux de contrôle de la Cnam pour vérifier la stabilité de résidence ou encore la consommation de soins pour détecter les atypies.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement partage la préoccupation de mieux contrôler les dépenses liées à l'AME. Il assume entièrement les mesures fortes en la matière,…
…mais considère qu'elles doivent certainement prendre leur plein effet avant d'envisager de réformer à nouveau en profondeur ce dispositif.
De plus, le Gouvernement ne souhaite pas rendre plus accessible le recueil des données sur la nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l'aide médicale de l'État, ainsi que sur les pathologies soignées. Je rappelle que les données sur ces dernières sont actuellement recueillies uniquement pour les soins délivrés en établissement de santé par l'ATIH, l'Agence technique d'information sur l'hospitalisation, de façon strictement anonymisée comme pour l'ensemble des assurés sociaux. Un recueil des pathologies pour les soins dispensés en ville n'a jamais été mis en place et il ne paraît pas envisageable de créer une exception pour les bénéficiaires de l'AME. Quant au recueil de la nationalité des bénéficiaires, il faut s'interroger sur la fiabilité des données obtenues car je rappelle qu'il s'agit de personnes qui ne disposent pas de papiers d'identité et que ce recueil serait donc exclusivement déclaratif et par conséquent peu fiable.
Concernant la restriction du panier aux soins aux seuls soins urgents, il faut appréhender ce sujet avec beaucoup de prudence et, là aussi, en s'appuyant sur la réalité de terrain. Je tiens d'abord à rappeler que les soins urgents sont aujourd'hui pris en charge, y compris pour les étrangers en situation irrégulière ne bénéficiant pas de l'AME. Et heureusement, car quand la vie d'une personne est en jeu ou qu'elle est porteuse d'une maladie présentant des risques de propagation, son statut ne peut et ne doit pas entrer en compte dans sa prise en charge. Il s'agit là de l'un des fondements de notre pays.
Restreindre l'AME aux seuls soins dits urgents comme vous le proposez dans cette proposition de résolution reviendrait à remettre profondément en cause le dispositif même de l'AME. Et puis, encore faudrait-il être en capacité de définir avec précision ce qui relève des soins urgents et non urgents.
Je note d'ailleurs, madame la députée, que vous ne vous y risquez pas dans votre proposition de résolution, et à juste titre puisque cette définition est particulièrement complexe.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.
Rassurez-vous, c'est bientôt terminé.
« Ah ! » sur de nombreux bancs des groupes RN et LR.
Si nous parlons de soins dont l'absence « pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé », nous constatons qu'il s'agit d'une définition très large qui doit reposer bien évidemment sur un diagnostic médical. Sans même aller sur le plan de l'éthique, restreindre l'AME aux seuls soins urgents serait-il réellement plus vertueux dans votre logique ? Prenons quelques exemples concrets pour ne pas rester sur des concepts théoriques.
« Non ! » et exclamations sur de nombreux bancs des groupes RN et LR.
Chers collègues, laissez Mme la ministre déléguée conclure. Quoi qu'il arrive, je lèverai la séance à vingt et une heure après que nous aurons voté.
Prendre en charge dans le cadre d'une AME une angine en soins ambulatoires peut paraître superflu pour certains, mais si elle dégénère en phlegmon faute d'avoir été prise en charge suffisamment tôt et que cela nécessite une prise en charge chirurgicale, est-ce réellement souhaitable ? Des exemples comme celui-ci, j'aurais pu en égrener de nombreux.
Pour amener dans le débat une perspective internationale, je note que l'Espagne a connu une augmentation du taux de mortalité des migrants de 15 %, comme l'a signalé Mme Faucillon, après avoir restreint l'équivalent de son dispositif d'aide médicale d'État en 2012 aux seuls soins urgents.
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.
Il faut avoir le courage de dire que limiter la prise en charge sanitaire des étrangers en situation irrégulière aux seules urgences présente un véritable risque médical et financier.
Sur le plan médical, il est toujours préférable d'intervenir avant la dégradation de l'état de la personne. Par ailleurs, en repoussant la consultation et la prise en charge jusqu'au dernier moment, on risque d'accroître encore un peu plus la pression sur les services d'urgence alors que nous sommes tous pleinement mobilisés pour les désengorger.
Sur le plan budgétaire, la prise en charge en urgence à l'hôpital est bien plus coûteuse qu'une prise en charge à temps en ville. Lorsqu'on est attaché à la maîtrise des dépenses publiques, il est nécessaire de garder cela à l'esprit.
S'il est bien entendu nécessaire de s'interroger sur son bon usage, restreindre l'AME aux seuls soins urgents s'avérerait peu opérant dans les faits, voire contreproductif.
Parmi les autres mesures de votre proposition de résolution, vous préconisez le resserrement des conditions d'accès au dispositif de maintien des droits expirés aux bénéficiaires de la protection universelle maladie et de la complémentaire santé solidarité. Il faut souligner que le passage du dispositif Puma au dispositif AME n'est pas automatique et que, pour en bénéficier, la personne concernée doit déposer un dossier. J'ajoute que le Gouvernement a déjà restreint à six mois depuis le 1er janvier 2020, le délai pendant lequel un étranger ayant perdu son droit au séjour continue à bénéficier de la Puma.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cette proposition de résolution ,
Exclamations sur de nombreux bancs des groupes RN et LR
qui recèle en réalité une remise en cause profonde de l'AME.
Mêmes mouvements.
Monsieur le président, il me reste deux phrases, j'aimerais bien pouvoir terminer.
Je le redis : le sujet de l'aide médicale de l'État doit bien entendu pouvoir être débattu sereinement, et de nouvelles évolutions du dispositif sont bien sûr envisageables. Mais ce débat doit se faire sans dogmatisme, sans démagogie, sans fantasmes et sans tabou, en s'appuyant sur la réalité du terrain, souvent complexe tant humainement que médicalement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.
Sur la proposition de résolution, je suis par les groupes Renaissance, La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, Les Républicains et Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Nous en venons aux explications de vote.
Exclamations sur divers bancs.
Je demande aux orateurs de ne pas dépasser deux minutes pour chacune d'entre elles.
« Ah ! » sur de nombreux bancs des groupes RN et LR.
Depuis 2012, l'augmentation du nombre d'étrangers autorisés à séjourner en France est de 100 %, celle du nombre de demandeurs d'asile atteint 400 %, celle des bénéficiaires de l'AME 100 %. Et votre majorité, madame la ministre déléguée, se refuse toujours à agir.
Je crois que cette proposition de résolution aura eu au moins l'immense mérite de débusquer la division dans votre majorité et aussi de débusquer votre indécision et votre manque de courage face à l'immigration.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe HOR.
Je regrette vivement, chers collègues, que vous ayez cru bon de mettre cette proposition de résolution en discussion, laissant ainsi des affirmations péremptoires et nauséabondes fleurir sous cette coupole.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.
L'AME ne permet pas, contrairement à ce que soutient cette proposition de résolution, d'accéder à la pose d'un anneau gastrique – tarif de remboursement par la sécurité sociale de 452,34 euros pour un coût total de 3 000 euros à 4 000 euros en moyenne –, ni au recollement des oreilles, Mme la ministre déléguée l'a rappelé – tarif de remboursement de 236,81 euros pour une otoplastie bilatérale au coût total de 2 000 euros à 3 500 euros en moyenne.
Par ailleurs, le nombre de fraudes avérées à l'AME est extrêmement faible :
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.
cinquante-quatre cas de fraude ont été identifiés par l'assurance maladie en 2014, et trente-huit cas en 2018. Le montant du préjudice du fait de la fraude a été estimé par la Cnam à moins de 0,06 % du total des dépenses au titre de l'aide médicale d'État en 2017.
Je vais vous citer un président de la République qui rappelait en son temps, devant la Commission des droits de l'homme de l'ONU, ceci en parlant de la Déclaration universelle des droits de l'homme : « Adoptée au lendemain du pire cauchemar de l'Histoire, elle a gardé toute sa vérité, toute son exemplarité, toute sa force. Face à la monstrueuse et mystérieuse violence de l'homme à l'égard de l'homme […] elle affirme les droits de chacun, universels, indivisibles, inaliénables. Elle constitue la loi morale de l'humanité. » Je constate avec regret que cette loi a été oubliée sur certains bancs.
Protestations sur de nombreux bancs des groupes RN et LR.
Faire de la politique, c'est défendre la santé publique et le budget de la sécurité sociale.
Sur de nombreux bancs des groupes RN et LR, les députés décomptent les secondes jusqu'à la fin du temps de parole imparti à l'orateur.
Chers collègues, je préside cette séance et je vais laisser M. Leseul terminer, et si cela continue ainsi, je peux même lui laisser la parole trente secondes de plus.
Je vous remercie, monsieur le président. Martine Aubry, lors de la création de l'AME en 1999, citait Albert Camus : « La grandeur de l'homme est dans sa décision d'être plus fort que sa condition. »
Il ne s'agit pas seulement d'aider les plus défavorisés à accéder aux soins dont ils ont besoin : il s'agit de leurs droits à l'avenir. La République, c'est tout simplement cela. Le groupe Socialistes votera fièrement contre cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Deux minutes, c'est exactement le temps maximal qu'il aurait fallu consacrer à cette question, tant la seule inscription à l'ordre du jour de notre assemblée d'un poste de dépense aussi faible, d'un sujet aussi microscopique
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES
ne méritait pas de perdre plus de temps alors que nos compatriotes souffrent de la crise sociale et veulent l'abrogation de la réforme des retraites, réforme dont vous êtes les complices, collègues du groupe LR. Vous avez essayé de trouver là une opération de diversion comme nous le voyons en ce moment.
Cette proposition de résolution contrevient tant à des principes moraux qu'à des principes sanitaires.
Elle contrevient aux premiers parce qu'il y a une règle qui, au-delà de la République, est d'une humanité première, à savoir que quand quelqu'un se trouve en situation de détresse, voire de péril sur notre sol, on ne lui demande pas ses papiers d'identité ! On le soigne ! C'est un réflexe d'humanité primaire !
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Manquez-vous à ce point de cœur et d'esprit pour juger qu'on puisse laisser mourir sur le sol français des individus parce qu'ils n'ont pas les bons papiers ?
Exclamations sur de nombreux bancs des groupes RN et LR.
Exclamations sur de nombreux bancs des groupes RN et LR.
Il n'y a pas que nous qui vous disons qu'il n'y a pas de tourisme sanitaire : il y a aussi l'Ofii et les statistiques qui montrent que 3 % seulement de l'immigration serait due à des questions de santé.
Et croyez-vous, madame Louwagie, qu'un microbe, avant de passer de vous à moi, puis à nos collègues et enfin à l'extérieur, montre sa pièce d'identité ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Croyez-vous sincèrement qu'il y ait des contrôles d'identité sur les microbes quand on éternue ?
Croyez-vous sincèrement qu'avant de fuir la guerre ou la misère, de s'arracher à sa terre, et de traverser le monde pour une vie meilleure ou seulement pour survivre, ces personnes fassent une analyse comparée sur Doctolib pour savoir où elles vont être le mieux soignées ? Cela n'a vraiment aucun sens !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES et sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC. – Mme Karine Lebon applaudit également. – Exclamations sur de nombreux bancs des groupes RN et LR.
Exclamations sur de nombreux bancs des groupes RN et LR.
Mouvements divers.
Elle relève d'une fiction qui traite de femmes et d'hommes… Mettez-la un peu en vielleuse, je viens à peine de commencer.
Mouvements divers.
Je parlais de femmes et d'hommes qui sont réellement dans des situations mortifères. Vous savez autant nous que l'on peut rencontrer de telles situations dans nos rues, sur nos trottoirs,…
… et qu'il faut alors intervenir pour que l'humanité prévale, et ce alors que chacun s'émeut quand court quelque épidémie – et sur lesquelles certains d'entre vous font d'ailleurs leur beurre. Et cette humanité, nous voulons la faire prévaloir jusqu'à la source, c'est-à-dire jusqu'aux hommes et aux femmes qui nous entourent. Mais vous, vous semblez définitivement l'avoir oublié.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Instaurée en 1999 sous la présidence de Jacques Chirac, l'AME a pour objectif d'éviter que des personnes rendues vulnérables par leur statut administratif se trouvent exclues et ne puissent bénéficier de soins. Elle vise également à prévenir, comme cela a été dit, la propagation des maladies.
Oui, c'est vrai, il n'y a pas de tabou à discuter d'une meilleure allocation des ressources publiques, d'une plus grande efficacité de nos dispositifs de solidarité et de protection de la population. Cependant, le groupe Renaissance ne peut soutenir la proposition de réduire ce dispositif aux seuls soins d'urgence. Ce serait une erreur pour la santé des bénéficiaires de l'AME, bien sûr, comme pour celle de nos concitoyens, mais aussi une erreur économique. Prévenir l'urgence est évidemment bien moins coûteux que de la soigner. Nous sommes donc opposés à ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Tout d'abord, l'extrême gauche NUPES s'enfonce dans le déni, allant même jusqu'à affirmer que le coût, pourtant exorbitant, de l'AME n'est qu'un « microsujet budgétaire », oubliant que le milliard d'euros qui lui est consacré pourrait permettre de lutter contre les déserts médicaux, de mieux rémunérer les personnels soignants et de mieux rembourser les frais de santé des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Quant à la mollesse des macronistes, qui voteront contre cette proposition, elle ne nous a pas étonnés.
Et les clichés de l'extrême droite, on en parle ?
J'ai une pensée pour M. Darmanin, qui déploie de grands efforts pour se faire passer pour le M. fermeté et anti-immigration du Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Entre les affaires de l'Ocean Viking, de l'expulsion de l'imam Iquioussen, du stade de France et le choix de la majorité sur cette proposition de résolution, une fois de plus, c'est raté pour lui !
Mêmes mouvements.
Enfin, nous saluons le sursaut des membres du groupe Les Républicains, même si celui-ci perd de sa superbe, alors que les élections européennes approchent et qu'il ne cesse de plagier le programme de Marine Le Pen.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Parce que nous sommes cohérents, sincères et que nous ne sommes pas sectaires,…
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Après les propos que j'ai entendus, je veux penser à ceux qui arrivent dans nos services,…
… après avoir quitté leur terre, leur famille, parce qu'ils ne tiennent plus debout, n'ont plus d'autre solution que de se faire soigner. Ils sont effrayés, ne parlent pas notre langue et pleurent. Ils n'ont qu'une envie, quitter l'hôpital.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.
Chers collègues, laissons Mme Fiat conclure. Aucun membre de cette assemblée n'a à demander à un autre de se taire, à part moi, qui préside.
…qui après avoir été acheminées par un camion de pompier – un de nos collègues est pompier, il pourra témoigner –, arrivent effrayés, tremblants à l'hôpital. Tant que vous n'aurez pas vécu cette situation, vous défendrez ce genre de texte. En entendant vos propos, je songe qu'il est sans doute heureux que ces étrangers ne comprennent pas notre langue.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES, dont plusieurs membres se lèvent pour applaudir, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES – M. Benjamin Lucas se lève également – et GDR – NUPES.
Il est dommage que nous ne sachions pas débattre de ce sujet sans être caricatural et perdre notre sang-froid.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Je suis vraiment choquée que certains puissent dire que cette proposition est scélérate.
Si nous ne voterons pas pour cette proposition de résolution, nous entendons qu'il y a un vrai sujet au-delà de l'AME.
« C'est le "en même temps" macroniste ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.
L'AME n'a pas été pensée à l'origine pour des étrangers qui arrivent malades sur notre territoire. Elle a été dévoyée de son sens premier. Nous voterons contre cette proposition de résolution, même si nous pensons, madame Louwagie, qu'il y a là un vrai débat.
Exclamations sur les bancs du groupe RN ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 205
Nombre de suffrages exprimés 197
Majorité absolue 99
Pour l'adoption 77
Contre 120
La proposition de résolution n'est pas adoptée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :
Suite de la discussion de la proposition de loi organique visant à indexer la dotation globale de fonctionnement sur l'inflation.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt et une heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra