Le Printemps de l'évaluation a été institué en 2018 pour nourrir et renforcer l'évaluation des politiques publiques à l'Assemblée nationale. Il prend la forme de commissions d'évaluation des politiques publiques (CEPP) et vient compléter l'examen du projet de loi de règlement qui se déroule à la même période de l'année.
Constatant les limites du format précédent – un vrai pudding –, nous avons choisi, avec le rapporteur général, de le repenser légèrement afin d'améliorer la qualité du temps d'examen consacré à ces évaluations. Nous avons donc pris la décision conjointe, validée par le bureau de la commission des finances, de répartir sur deux ans l'examen des thèmes d'évaluation et de réduire ainsi, chaque printemps, leur nombre de moitié, de façon à se concentrer sur les sujets dont l'intérêt est particulièrement prégnant ou qui sont en lien avec l'actualité.
Les CEPP, qui se sont tenues en commission des finances depuis le 9 mai et jusqu'à ce matin, ont donc permis la présentation, en présence du ministre concerné, de vingt-cinq travaux d'évaluation d'une politique publique, tandis que l'exécution du budget 2022 a été évoquée au cours de vingt-deux discussions.
Au cours des quarante-deux heures consacrées à ces travaux en commission, nous avons donc pu nous pencher sur des sujets aussi variés qu'importants et dégager quelques grandes lignes de force. L'une d'elles est la situation inquiétante dans laquelle se trouvent un certain nombre de politiques publiques.
Citons la médecine scolaire, qui, selon le rapport de Robin Reda, manque cruellement de personnels et de moyens pour accomplir les missions qui lui incombent ; les écoles nationales d'architecture, qui peinent à offrir des conditions satisfaisantes à leurs étudiants, comme le constate Alexandre Holroyd ; les Services départementaux d'incendie et de secours, qui, selon Florian Chauche, ont grand besoin de voir leurs effectifs et leurs matériels renforcés compte tenu de la multiplication des situations d'intervention – feux, catastrophes naturelles etc. ; la recherche polaire, étudiée par Mickaël Bouloux, dont l'équilibre financier est précaire et qui souffre d'un conflit avec l'administration des Terres australes et antarctiques françaises ; la délivrance des cartes d'identité et des passeports, qui connaît une crise sans précédent marquée par des délais d'attente devenus insoutenables, comme le montre le rapport de M. Charles de Courson ; les transports collectifs, confrontés, selon Christine Arrighi et Eva Sas, à des enjeux de financement de moyen et long terme mal appréhendés. Je pourrais en citer d'autres. Dans toutes ces situations, analysées par des rapporteurs venant de tous les bancs, des améliorations sont nécessaires.
Autre ligne de force : les rapports permettent de dégager des propositions que l'exécutif gagnerait à prendre en compte et à appliquer.
Ainsi, le développement d'une plateforme favorisant le recours à l'ingénierie par les collectivités ultramarines en Guyane et en Martinique, proposé par Christian Baptiste et Karine Lebon, est une piste méritant d'être exploré. De son côté, Perrine Goulet, étudiant la contractualisation entre l'État et les collectivités pour la stratégie de lutte contre la pauvreté et la protection de l'enfance, a pu observer les grandes difficultés de coordination que connaissent les acteurs et l'abandon total par l'État du champ politique de la petite enfance. Autre exemple : en matière de statistiques, le rapport de Michel Sala met en lumière l'enjeu fondamental que constitue l'accès des services de statistique publique – et de l'Insee au premier chef – aux données privées. Quant aux dispositifs de soutien à la rénovation énergétique de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), ils doivent permettre un meilleur accompagnement et un meilleur traitement des demandes. François Jolivet, qui les a évalués, montre la nécessité de créer un cadre réglementaire et financier propice aux rénovations plus globales.
Troisième ligne de force : certains choix politiques peuvent se révéler peu évidents, voire contestables.
Le développement depuis 1998 des obligations assimilables du Trésor indexées sur l'inflation (OATI) a permis pendant une décennie de refinancer l'endettement à moindre coût, mais, dans la situation d'inflation forte que nous traversons, il devient, selon le rapport de Kévin Mauvieux, une source d'alourdissement brutal et imprévu de la charge de la dette. Les dépenses excessives engagées dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne… Retirons le qualificatif et disons que les dépenses engagées au premier semestre 2022 et la mise en place trop tardive du secrétariat chargé d'organiser cette présidence ont été pointées dans le rapport de Marie-Christine Dalloz. Enfin, la tentative du Gouvernement de transférer les compétences de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l'IRSN, à l'ASN, l'Autorité de sûreté nucléaire, pousse à s'interroger : plutôt que de remettre en question notre précieux système dual en matière de sûreté nucléaire, l'enjeu, selon Alma Dufour et Sébastien Rome, semble être d'articuler leur action de façon pertinente et efficace.
Conscient que la quantité de sujets abordés puisse paraître rébarbative au premier regard, je me permets de vous inviter malgré tout, chers collègues, à traiter à sa juste valeur la richesse des rapports qui ont été produits. Que vous soyez ou non membre de la commission des finances, n'hésitez donc pas à les consulter, dans la mesure où les sujets abordés peuvent concerner vos commissions ou vos circonscriptions – ou tout simplement parce qu'ils sont d'intérêt général.