Nous avons eu le temps de confronter nos analyses et d'exposer nos divergences. Je pense par exemple à nos échanges sur la dissuasion nucléaire, qui fait bien trop souvent l'objet d'un évitement démocratique. L'inscription du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) dans le rapport annexé est un symbole fort, même si nous pensons bien sûr qu'il faut avancer encore plus clairement pour aboutir à une décision d'interdiction multilatérale de ces armes. Mais nous l'admettons : c'est une avancée.
Les écologistes défendent une vision humaniste de la sécurité, car la défense ne se limite pas à l'outil militaire. La paix et la stabilité se construisent politiquement, en prenant en compte les aspects diplomatiques, sociaux et économiques des questions géopolitiques. La vision que nous défendons est développée depuis 1994 par l'ONU, grâce au concept de sécurité humaine. Cette logique permet d'intégrer plus fortement les droits humains et la protection des populations, et c'est pourquoi nous avons défendu l'augmentation des moyens accordés à la diplomatie. Une telle approche permet de mieux répondre aux nouvelles insécurités de ce siècle, qui ne se limitent pas aux conflits étatiques. Terrorisme, troubles socio-économiques, catastrophes naturelles et climatiques, pandémies : la LPM comporte trop de points aveugles sur ces questions.
C'est pourquoi nous regrettons que le texte rate l'occasion d'adapter véritablement notre défense aux défis du temps. La question du climat en est l'exemple majeur : malgré des avancées – qui restent très timides –, les bouleversements stratégiques majeurs entraînés par le changement climatique sont encore largement sous-estimés, et les efforts de résilience et de sobriété consentis par nos armées pour décarboner leurs activités et pour limiter l'usage de ressources en voie de raréfaction sont bien trop timides.
Un autre regret ne nous quitte pas. Vous le savez, les écologistes sont pleinement engagés en faveur de l'Europe de la défense et c'est vrai, des avancées ont eu lieu grâce à nos amendements. Mais elles restent bien trop timides, elles aussi : nous l'affirmons, l'Europe de la défense est le seul chemin pour que l'Europe et la France conservent une voix forte dans le monde.
Avant l'agression russe, les pays de l'Union européenne disposaient de 2 millions de personnes sous l'uniforme et consacraient 200 milliards d'euros par an à leur défense ; cela représente un tiers des dépenses mondiales. Imaginez les gains d'efficacité, aussi bien financiers qu'opérationnels, que représenterait l'avènement d'une Europe de la défense ! C'est l'un des outils susceptibles de garantir la stabilité et la paix dans le monde.
Enfin, puisqu'il s'agit d'une loi de programmation, il nous faut tout de même parler de politique budgétaire. Cette loi augmente de 118 milliards d'euros sur six ans le budget de nos armées. Oui, c'est un besoin vital ; nous ne le contestons pas. Mais des besoins vitaux, il y en a tellement ! Et si l'armée a besoin d'investissements, nous plaidons également pour que des investissements soient réalisés dans l'ensemble des autres secteurs vitaux de l'État : l'école publique, l'hôpital et, bien évidemment, tout ce qui concerne la transition écologique.