Le groupe Écologiste – NUPES rejoint le constat formulé par les auteurs de cette proposition de résolution sur le manque criant de moyens des écoles nationales supérieures d'architecture. Ce texte donne un écho parlementaire – tardif, notons-le –, à une mobilisation des acteurs éducatifs longue de plusieurs années : le problème n'est pas nouveau. Nous ne pouvons néanmoins nous retrouver dans ses préconisations, qui veulent faire de ce réseau d'écoles une annexe de la start-up nation.
Le constat est celui d'une situation grave dans les Ensa. La capacité d'accueil limitée d'étudiants conduit la France à être le pays d'Europe où le nombre d'architectes par habitant est le plus bas. Les conditions d'enseignement sont si dégradées qu'elles empêchent les enseignants de mener à bien leurs projets pédagogiques et de fournir à leurs élèves le matériel pourtant indispensable à l'apprentissage des arts plastiques. La faiblesse du pilotage des Ensa par le ministère de la culture conduit à des différences de traitement et d'accès aux services publics universitaires entre les étudiants de ces écoles et ceux de l'université – même si nous saluons l'enveloppe d'urgence de 3 millions d'euros que vous avez débloquée, madame la ministre. Enfin, nous constatons des différences de traitement entre les enseignants et personnels des Ensa et leurs homologues de l'université : ces fortes inégalités sont d'ailleurs aggravées par la coexistence d'une diversité de statuts et de situations, fruits de transferts de ministères et des évolutions propres à chaque école.
Si nous saluons l'annonce de la ministre d'aligner le traitement des enseignants-chercheurs des Ensa sur celui de leurs homologues de l'université, il nous est incompréhensible qu'il n'en aille pas de même pour les enseignants contractuels de ces écoles. Ceux-ci représentent pourtant plus de 40 % de leurs effectifs enseignants et ne sont rémunérés qu'au niveau du Smic malgré une ancienneté pouvant dépasser les trente années et une formation initiale de niveau bac + 5 ou équivalent. À cet égard, l'augmentation de leur rémunération de 113 euros net depuis le 1er janvier dernier est largement insuffisante pour rattraper le retard et mettre fin au turnover dans les écoles.
Pourtant, les architectes de demain seront amenés à travailler sur l'habitat durable et écoresponsable, sur la rénovation de l'existant, sur la sobriété, ou encore sur la transition énergétique et numérique. C'est d'ailleurs là où cette proposition de résolution fait erreur, car c'est bien d'une formation publique capable de s'extraire des logiques marchandes et court-termistes du secteur privé que les professionnels de la transition écologique ont besoin. Des lycées professionnels aux Ensa, vous faites fausse route en suivant la même démarche de soumission de l'enseignement supérieur au monde de l'entreprise.
C'est en effet le cœur des revendications contenues dans le rapport d'information dont la proposition de résolution est issue. Ce rapport d'information propose de « rénover le modèle financier » des Ensa, ce qui consisterait à conditionner la hausse des investissements de l'État à l'obtention de financements privés et à l'augmentation de leurs ressources propres, grâce au développement à marche forcée de l'apprentissage et à la hausse espérée des recettes issues des frais d'inscription payés par les entreprises accueillant des apprentis.
L'auteur du rapport d'information mise ainsi sur la baisse du nombre d'heures de cours au profit de la hausse du temps passé en milieu professionnel. C'est selon nous la porte ouverte à un affaiblissement de la formation initiale des architectes au moment où, au contraire, il serait bon d'investir de nouveaux champs afin de répondre aux enjeux auxquels nous faisons face. Ces enjeux donnent envie : soyons donc à la hauteur des attentes des jeunes, qui sont si nombreux à désirer poursuivre des études d'architecture.
Par ailleurs, à l'introduction du privé dans la formation vous ajoutez le tri social des étudiants, puisque derrière l'exigence de hausse des fonds propres se cache surtout l'augmentation des frais d'inscription, à commencer par ceux des étudiants extracommunautaires. Cette dernière proposition est profondément injuste et serait de nature à limiter grandement le profil des étudiants étrangers et de leurs pays d'origine au sein de cette formation.
Que dire enfin de « l'exploration de voies d'économies », alors que nous parlons d'un modèle parfaitement exsangue. J'insiste, où peut-on trouver des économies dans un tel modèle ? Cela sonne comme une provocation aux oreilles des acteurs des Ensa, qui sont obligés de composer avec si peu. Surtout, l'alimentation du budget de nombreuses Ensa par le plan de relance ne doit pas aboutir à les faire basculer dans le vide une fois que le Gouvernement aura jugé opportun de mettre un terme au plan.
Aussi bien la transition écologique que la relance tant attendue de la politique du logement de qualité ont besoin d'architectes : c'est pourquoi il est indispensable de mettre fin à la précarité de celles et ceux qui les forment. À travail égal, salaire égal ! Il s'agit d'une condition sine qua non pour former les architectes de demain – profession dont la France manque tant –, lesquels participeront à bâtir notre République écologique.