La France compte vingt écoles nationales supérieures d'architecture. Elles forment nos futurs architectes, nos bâtisseurs de demain, celles et ceux dont dépend l'indispensable adaptation de nos bâtiments aux défis de la bifurcation écologique.
Sur ces vingt écoles, elles sont vingt à s'être mobilisées ces derniers mois. Vous avez bien entendu : 100 % des écoles nationales d'architecture sont entrées en lutte. Pourquoi donc ?
Elles manquent cruellement de moyens matériels et humains, leurs bâtiments sont inadaptés et les étudiants et étudiantes subissent la précarité en plus des pressions psychologiques de la fameuse « charrette ».
Les professeurs assument des charges administratives en plus de leur temps d'enseignement ; les uns sont des contractuels précaires, les autres relèvent du statut d'enseignant-chercheur, mais doivent donner plus d'heures de cours que leurs homologues des universités. Enfin, en lieu et place des créations de postes promises lors de la réforme de 2018, il y a des postes vacants et des sous-effectifs.
À l'école de Belleville, que j'ai visitée avec mon collègue Louis Boyard, j'ai rencontré une étudiante vacataire sans contrat de travail dont la paye est dérisoire et toujours versée en retard. À l'école de Paris-La Villette, qui se trouve également dans ma circonscription, il y a carrément de l'amiante et des fuites !
À force de mobilisation, ces écoles ont obtenu qu'enfin, on se penche sur leur cas. Madame la ministre, après trois mois de lutte, vous avez fini par leur répondre en débloquant quelques millions, quelques postes, et en faisant des promesses. Vous avez annoncé des concertations pour relancer une stratégie nationale pour l'architecture, et le député Holroyd vient de rendre un rapport dont est issue la proposition de résolution que nous examinons. Fort bien : il était temps !
Mais, selon le collectif des Ensa en lutte, ce rapport est le fruit d'une concertation partielle : ni le bureau du Conseil national des enseignants-chercheurs des écoles d'architecture, ni les organisations représentatives, notamment étudiantes, ni les collectifs mobilisés n'auraient été consultés ou ils ne l'auraient pas été suffisamment. Sans surprise, les propositions qui découlent de cette concertation sont loin de faire l'unanimité chez les premiers concernés.
La proposition de résolution invite le Gouvernement à définir une « trajectoire pluriannuelle en termes de ressources et de moyens pour assurer une remise à niveau des Ensa ». Douce musique à nos oreilles, mais quelque peu gâchée par la fausse note finale : « dans le prolongement des efforts engagés depuis 2018 ». Depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, jamais le budget consacré aux Ensa n'a retrouvé le montant qui leur était alloué dans la loi de finances de 2016 ! Au lieu de féliciter le Gouvernement, on aurait pu commencer par lui demander de tenir enfin les engagements pris en 2018.
Mais passons sur cette pulsion d'autosatisfaction qui s'empare de vous, même face à un mouvement social d'ampleur – on commence à en avoir l'habitude – et venons-en au cœur du problème : cette manie de dégainer à tout bout de champ vos recettes libérales…