Par ailleurs, le ministère a fait le choix de ne conventionner que 2 000 psychologues. En fait, votre dispositif soigne une personne sur cent avec un psychologue sur cinquante : comment appeler cela un accès aux soins, a fortiori au lendemain d'une pandémie dont le déclenchement, puis la gestion, ont occasionné une explosion de troubles psychiques – je m'appuie évidemment sur les données issues des travaux de nos collègues Sébastien Peytavie, Pierre Dharréville et Éric Alauzet dans le cadre du rapport d'information sur le Printemps social de l'évaluation ?
Il en va de même de l'usage du fonds d'indemnisation des victimes de pesticides, évalué par Paul Christophe dans le même rapport. Le ministère de la santé proclame, là aussi, le principe d'une indemnisation, tout en empêchant ses bénéficiaires potentiels d'y accéder. Dans ces conditions, il n'est guère étonnant que, depuis quelque temps, on voie Marc Fesneau se pavaner devant les caméras en faisant éhontément l'éloge des pesticides !
Je rappelle que ce fonds a pour objet de verser de l'argent aux gens tombés malades s'ils ont été exposés à des pesticides, qu'ils les aient touchés ou inhalés, et que ce soit à cause de leur métier ou pour une autre raison. Quel succès formidable ! 326 dossiers reçus, dont 11 en outre-mer où 10 000 travailleurs et travailleuses de la banane ont été exposées au chlordécone, cette molécule cancérogène, écotoxique et stérilisante produite par la société allemande Spiess und Sohn – on ne sait d'ailleurs toujours pas à qui d'autre que les Antilles françaises elle en a vendu et il faudrait bien un jour s'intéresser à ce sujet.
Le si petit nombre de bénéficiaires des versements du fonds s'explique par le fait que le droit à indemnisation est régi par les règles de prescription de droit commun, c'est-à-dire qu'il faut apporter une preuve médicale deux ans au plus après le premier constat des symptômes. Dès lors, toute personne ayant été victime du chlordécone durant sa carrière et ayant mis fin à celle-ci plus de deux ans avant l'entrée en vigueur de l'actuelle réglementation ne peut pas faire valoir ses droits à l'indemnisation… Bref, les victimes resteront non signalées et non indemnisées, en dépit de votre agitation et de celle des autres ministres concernés, madame la ministre déléguée.
Voyons également ce qu'il en est des entretiens postnataux précoces, mentionnés il y a quelques minutes par Mme la présidente de la commission des affaires sociales et dont j'ai eu l'honneur de faire l'évaluation dans le rapport qui m'a été confié. Le ministère de la santé proclame le droit à un entretien obligatoire de prévention… sauf que, de facto, il est impossible d'y accéder ! Censé être effectué entre quatre et huit semaines après un accouchement, cet entretien vise à détecter des troubles de dépression post-partum – un sujet extrêmement important, puisque la deuxième cause de mortalité maternelle est le suicide. Mais pourquoi seulement 8 % des mères y ont-elles réellement accès ? Parce que, par radinerie mesquine, on leur impose de payer pour ce rendez-vous obligatoire en leur appliquant un ticket modérateur évidemment non couvert par l'assurance maternité. Elles se retrouvent ainsi invitées – pour celles qui connaissent l'existence du dispositif – à un entretien obligatoire payant ! Soyons clairs : une partie conséquente des troubles psychiques et des dépressions qui les affligent est directement tributaire des choix budgétaires dont nous débattons dans le cadre de cette procédure d'évaluation.