Institué en 2018 par notre majorité, le Printemps de l'évaluation est une démarche parlementaire transpartisane qui tend à répondre à une anomalie de notre calendrier budgétaire classique : alors que l'examen des crédits proposés dans le projet de loi de finances fait l'objet de débats approfondis à l'automne, celui du projet de loi de règlement ne donnait lieu à aucune analyse de leur exécution ni aucune évaluation des politiques publiques associées.
De ce constat est née l'idée qu'il fallait un temps parlementaire, en mai ou juin, au cours duquel chaque ministre serait tenu de rendre compte devant la commission des finances de son action au cours de l'année précédente. Les rapporteurs spéciaux seraient ainsi chargés de conduire la réflexion parlementaire en reliant la prévision budgétaire et son exécution et en faisant valoir des éléments d'évaluation des politiques publiques.
Je pense qu'un tel schéma est bon. Il est sain que chaque membre du Gouvernement soit confronté, en direct et en présence des députés, aux interrogations de tous les groupes politiques relatives à son action budgétaire et aux actions qu'il a menées.
Ce travail nécessite beaucoup d'organisation, de temps et d'implication. Cette année, nous aurons tenu vingt et une CEPP, une quarantaine d'heures de débats échelonnés sur un peu plus de quatre semaines. En commission des finances, vingt-cinq ministres auront répondu à toutes les questions posées. Presque cinquante fiches d'exécution des crédits, rédigées par les rapporteurs spéciaux, auront nourri ces débats. Vingt-cinq rapports d'évaluation ont été ou seront prochainement publiés.
Je voudrais revenir rapidement sur trois de ces rapports – choisis arbitrairement, je le dis avec sincérité, tant ils mériteraient tous d'être évoqués.
Stella Dupont et Mathieu Lefèvre nous ont présenté le bilan des deux premières années d'application du dispositif visant à répartir sur le territoire métropolitain l'accueil des primo-demandeurs d'asile, afin de corriger certains déséquilibres géographiques enregistrés lors du dépôt des demandes. Nos collègues ont ainsi mis en lumière qu'au-delà des grands débats nationaux, des politiques publiques liées à l'immigration sont possibles et peuvent être efficaces. Ils constatent une meilleure répartition de l'hébergement des primo-demandeurs d'asile sur le territoire national, malgré certains points de tension localisés. Leurs propositions visent notamment à améliorer l'action publique par l'implication d'autres acteurs : l'éducation nationale, les collectivités territoriales et, dans une certaine mesure, les employeurs.
Notre collègue Patrick Hetzel a choisi d'évaluer le programme immobilier pénitentiaire qui prévoit la création nette de 15 000 places de détention entre 2018 et 2027. Il constate un retard substantiel dans son exécution et son sous-dimensionnement face à l'augmentation constante de la population carcérale. Ce travail a donné lieu à des échanges stimulants avec le garde de sceaux et à des réponses précises sur des sujets très variés, qu'il s'agisse des raisons de la tendance à l'augmentation de la population carcérale, de la difficulté de décliner avec les élus locaux une politique nationale sur des territoires très différents les uns des autres ou de la difficulté de l'administration centrale à gérer l'ingénierie et les modalités juridiques et financières d'un programme immobilier massif et spécifique.
Nos collègues Christine Arrighi et Eva Sas ont présenté une étude relative aux modalités de financement des transports en commun et collectifs, en s'attachant particulièrement à la situation financière des autorités organisatrices de la mobilité, à la situation des trains d'équilibre du territoire ainsi qu'au lancement des RER métropolitains. Même si je reste réservé sur la volonté de nos collègues d'augmenter la fiscalité, je trouve que leurs constats sur les sujets de financement sont importants et seront utiles pour nos travaux à venir. Il n'y aura pas de transition écologique dans les transports sans une programmation des moyens, sous une forme ou sous une autre. Du reste, il est nécessaire de disposer d'une photographie du plus ou moins bon fonctionnement des outils ferrés dont nous disposons. Le travail de nos collègues y contribue et je les en remercie.
Je voudrais saluer à mon tour le travail de chacun des rapporteurs spéciaux et la volonté des ministres de répondre aux questions de tous les parlementaires. Je remercie également le bureau de la commission des finances et son président qui a conduit une réflexion pour moderniser l'indispensable exercice du Printemps de l'évaluation. Je remercie enfin tous les administrateurs pour la somme de travail colossale réalisée en si peu de temps.
Je vous donne rendez-vous à l'examen du projet de loi de finances pour 2024 afin d'appliquer certaines de ces recommandations, et à l'année prochaine pour tester de nouvelles idées afin de dynamiser et de fluidifier nos échanges et nos travaux en commission. Il nous faudra aussi élargir les débouchés du Printemps de l'évaluation en séance publique, sans doute par un usage plus large de l'exercice de la proposition de résolution. Nous allons en examiner deux cet après-midi, ce qui nous donnera l'occasion de constater qu'elles sont un moyen précieux de valoriser les travaux réalisés par les rapporteurs spéciaux.