413 milliards d'euros pour nos armées sur sept ans et 69 milliards rien que pour l'année 2030 : c'est le doublement du budget militaire que vous demandez au Parlement de voter, afin de suivre le Président de la République, qui a théorisé l'idée que la France devait avoir une guerre d'avance et participer à la course mondiale à l'armement. Pour financer ce budget, des coupes claires sont annoncées dans nos services publics et les Français sont appelés à se serrer la ceinture ou à travailler plus longtemps – nous en reparlerons demain.
Après les dividendes de la paix, voici venus ceux d'une économie de guerre et l'industrie de l'armement se frotte les mains en espérant les recueillir. Le financement de notre industrie de défense va aussi dépendre de plus en plus de l'export et de ventes d'armes dans le monde, au risque de nourrir encore plus les guerres et les conflits.
Alors oui, le débat est sérieux, car la sécurité de la nation et de nos concitoyens, en tout point du territoire, est non négociable. Nous devons avoir la même exigence de sécurité et de protection pour tous, qu'ils habitent dans l'Hexagone, en Polynésie, aux Antilles, en Guyane ou dans l'océan Indien. Nous devons garantir notre autonomie stratégique, protéger la deuxième surface maritime la plus importante au monde – tout comme nos fonds marins –, préserver l'espace de toute militarisation, prévenir les cyberattaques qui se développent, empêcher toute attaque terroriste, être aux côtés de nos soldats en leur fournissant le meilleur matériel, sans dépendre de technologies et de puissances étrangères.
Tout cela impose du sérieux, sans arrière-pensée politicienne : c'est bien ce qui a caractérisé nos débats, ici, à l'Assemblée nationale.
Mais, monsieur le ministre des armées, nous ne nous retrouvons pas dans cette loi de programmation militaire (LPM), dans votre modèle d'armée qui découle d'une stratégie militaire toujours au service de l'Otan et de la politique étrangère des États-Unis. Nous voulons, au contraire, garantir l'autonomie stratégique de la France et contribuer à celle de l'Europe – réellement –, investir dans la diplomatie et la coopération avec les peuples du monde, tout en veillant à ce que la France ait les moyens d'assurer sa défense.
Avec cette LPM, vous faites avant tout le choix d'investir dans une armée de projection, prête à faire la guerre partout, sans que nous nous interrogions sur ces vingt dernières années d'interventionnisme. Envoyer nos soldats en Libye, en Afghanistan ou au Sahel n'a pas fait reculer le terrorisme. D'ailleurs, nos soldats n'y sont pour rien : ce sont plutôt les choix politiques qui les ont conduits là-bas qui doivent nous interroger.
Ce modèle expéditionnaire que vous voulez développer, symbolisé par le porte-avions de nouvelle génération à 10 milliards d'euros, est non seulement dangereux politiquement, mais aussi coûteux, très coûteux. Les investissements qu'il requiert nous privent d'investir dans du matériel militaire comme des frégates, des patrouilleurs, des hélicoptères qui, par exemple, seraient nécessaires à la défense de nos territoires d'outre-mer. Nous ne sommes pas les seuls à le déplorer : certains militaires ont aussi exprimé leurs craintes à ce sujet.
Ce modèle d'armée que nous ne partageons pas, c'est aussi celui qui fait le choix de renforcer significativement notre arsenal nucléaire : 54 milliards d'euros au total ; près de 8 milliards par an et 22 millions par jour – du jamais vu ! Le fait est que les grandes puissances nucléaires n'ont pris aucune décision pour abandonner cette arme terrible, la plus dangereuse pour l'humanité et la planète.
Bien sûr, la France doit préserver sa capacité de dissuasion nucléaire : nous l'affirmons nous-mêmes. Mais de grâce, n'en rajoutons pas, ne participons pas à cette course à l'armement nucléaire ! Nous pouvons parler autant que nous le souhaitons d'écologie ou de dérèglement climatique : avec les 13 000 têtes nucléaires que les grandes puissances possèdent à travers le monde, notamment les dizaines d'entre elles qui circulent tous les jours, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dans les airs et dans les mers, il y a de quoi faire sauter plusieurs fois la planète en quelques secondes ! Pourquoi investir toujours plus dans des têtes nucléaires toujours plus meurtrières ? Oui, la France a un rôle politique majeur à jouer et devrait participer aux prochaines réunions du traité sur l'interdiction des armes nucléaires (Tian) en qualité d'État observateur.
Pour conclure, cette loi de programmation militaire nous expose davantage aux risques d'avoir une paix de retard plutôt qu'une guerre d'avance. C'est la raison pour laquelle, malgré les avancées notables que le texte comporte pour nos armées – nous les avons soulignées tout au long du débat et votées –, les députés communistes du groupe Gauche démocrate et républicaine voteront contre ce texte