La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
La baguette vient d'être reconnue par l'Unesco mais c'est dans son propre pays, la France, qu'elle est en danger. Pourquoi ? En raison de l'explosion des coûts de l'électricité pour les boulangeries.
Pour faire cuire le pain, il faut un four dont la puissance est supérieure à celle que permet le tarif réglementé.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Dans cette situation, les boulangers n'ont que deux solutions : faire tendre le prix de la baguette vers 2 euros ou mettre la clef sous la porte. Ces deux options ne sont pas admissibles.
Madame la Première ministre, les députés du groupe Socialistes et apparentés vous le demandent solennellement : nous voulons un bouclier tarifaire pour les boulangeries avec un tarif réglementé. Je souhaite votre réponse sur ce point.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, RN, LR et LIOT.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Je vous rassure, nous ne laisserons tomber aucun boulanger, ni aucune TPE – très petite entreprise – ou PME – petite ou moyenne entreprise – de France confrontée à l'augmentation du prix de l'électricité. J'ai moi-même reçu longuement, avec Olivia Grégoire, les représentants des boulangers ; Olivia Grégoire les recevra à nouveau pour trouver des solutions particulières pour les boulangers confrontés à l'explosion du coût de l'électricité, car leurs fours doivent tourner pour faire cuire le pain.
Notre première réponse a été de créer un guichet. J'invite les nombreuses PME et TPE qui ne l'auraient pas encore fait à déposer leurs factures de 2022 pour bénéficier des aides auxquelles elles ont droit, jusqu'à 4 millions d'euros.
Deuxièmement, sur la décision de la Première ministre, nous mettrons en place, pour l'année 2023, un amortisseur pour toutes les PME de moins de 250 salariés, qui réduira en moyenne leurs factures de 20 %.
Si jamais cela ne suffit pas, nous sommes prêts à étudier des mesures complémentaires pour les professions connaissant des situations particulières. Les boulangers en font partie.
Je le dis avec beaucoup de gravité et de sincérité : pendant la crise du covid-19, nous n'avons laissé tomber aucune PME, aucune TPE en difficulté ;
Applaudissements sur les bancs du groupe RE
à l'époque, les secteurs touchés étaient l'hôtellerie-restauration et les services, et nous les avons accompagnés. Aujourd'hui, face à l'explosion du prix de l'électricité qui touche certaines entreprises ciblées, la politique tendra une nouvelle fois la main à ceux qui en ont le plus besoin pour leur permettre de passer cette période avec le moins de difficultés possible.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Vous l'avez dit vous-même, vous ne prendrez en charge que 20 % de la hausse du coût de l'électricité.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Je vais vous donner un exemple concret. Une boulangerie payait 1 000 euros par mois de frais d'électricité. Sa facture est passée à 4 500 euros, dont environ 900 euros seront pris en charge par votre dispositif ; cela veut dire qu'il lui reste 3 600 euros à payer.
M. Olivier Marleix applaudit.
Dans cette boulangerie, ils sont deux à travailler toute la journée, de quatre heures du matin à dix-neuf heures le soir. Faute de pouvoir absorber ces 3 600 euros de frais d'électricité, la boulangerie fermera au début du mois de janvier 2023.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe LR.
Dans mon département, cinq boulangeries ont déjà fermé, frappées par la hausse du coût de l'électricité. Vous devez nous écouter : le tarif réglementé doit être mis en place sans attendre.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LR.
Vous avez fait référence au fonds de solidarité en indiquant que vous n'aviez laissé tomber personne lors de la crise sanitaire ; c'est vrai, mais vous aviez attendu que nous vous relancions. Je vous le dis solennellement : sans le tarif réglementé, les boulangeries fermeront en janvier 2023. Ce sera une catastrophe pour les communes.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR, GDR – NUPES, HOR et LIOT.
Madame la Première ministre, depuis quelques jours, nous sentons une inquiétude monter chez nos concitoyens. Nous observons deux attitudes : d'une part, les actions prises par le Gouvernement pour parer aux difficultés énergétiques,…
…et, d'autre part, des expressions alarmistes qui voudraient entretenir la peur.
En effet, il y a quelques jours, le Gouvernement a donné instruction aux préfets de département de préparer des scénarios de délestage en cas de tensions graves sur le réseau d'électricité.
Exclamations sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Cette mesure vise à prévenir tout risque de coupure généralisée en janvier car cela perturberait trop fortement le fonctionnement de notre pays. Nos concitoyens, les entreprises et les industries effectuent depuis plusieurs semaines des efforts de sobriété pour rationaliser notre consommation d'énergie.
Pourtant, dès l'annonce de cette mesure de précaution, certains, parmi ceux qui siègent dans cet hémicycle, se sont acharnés à propager la peur. Il faut le dire et le redire autant que faire se peut : ces informations sont fausses. Nous savons tous que la politique de sobriété devrait nous permettre de passer l'hiver sans coupure d'électricité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
D'ailleurs, le scénario d'un délestage au mois de décembre a été écarté par RTE (Réseau de transport d'électricité).
Mais, pour certains groupes politiques, la capacité à prévoir et à anticiper tout scénario serait déjà une faute. Notre majorité, je vous le dis, assume de tout faire pour protéger les hôpitaux, les écoles et l'ensemble des services publics.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Les faits sont là : malgré la guerre en Ukraine qui affecte les systèmes énergétiques de l'ensemble de l'Europe, nous tenons et continuerons de tenir.
Exclamations sur quelques bancs des groupes LR et RN.
Aussi, madame la Première ministre, pour dissiper toute fake news à ce sujet, pouvez-vous nous dire quelles mesures sont prévues pour ces délestages et comment le Gouvernement les anticipera ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Votre question porte sur un sujet présent à l'esprit de beaucoup de Français : quel sera l'impact de la situation énergétique sur sa vie quotidienne ? Cette question, les Français se la posent sur leur pouvoir d'achat, sur les enjeux écologiques mais aussi sur notre sécurité d'approvisionnement. Je peux vous assurer que le Gouvernement est mobilisé depuis des mois et que cette mobilisation est conduite avec ordre, méthode et anticipation.
Se mobiliser, c'est d'abord s'appuyer sur EDF. Depuis sa prise de fonctions, j'ai eu plusieurs fois contact avec Luc Rémont, le nouveau président de l'entreprise ; il partage la détermination du Gouvernement pour assurer une production d'électricité maximale de l'opérateur national, en particulier grâce au redémarrage des réacteurs nucléaires. Partout où cela est possible dans des conditions de sécurité optimales, le calendrier a été accéléré, et les mois de décembre et de janvier verront le redémarrage de nombreuses tranches nucléaires. J'ai confiance en cette entreprise et en ses agents, qui n'ont jamais manqué à notre pays.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Se mobiliser, c'est aussi travailler à identifier tous les gisements de production et d'économies possibles dans les périodes où la tension sera maximale sur le réseau. C'est également partager avec nos concitoyens l'impératif de sobriété, ce que le Président de la République a fait dès l'été dernier. Les Français ont parfaitement compris cette nécessité, puisque la consommation a baissé de 7 % à météo identique.
Se mobiliser passe également par la solidarité européenne. Nous avons sécurisé nos interconnexions avec nos voisins ; c'est le sens de l'accord que j'ai signé avec le chancelier allemand il y a dix jours.
Se mobiliser, c'est se donner les moyens de réagir en cas de tension accrue, par exemple lors d'un épisode de températures exceptionnellement rigoureuses. C'est pour cela que nous avons conçu, avec RTE, l'outil Écowatt qui permet d'anticiper la situation dans les trois jours à venir. Il ne s'agit pas d'un signal d'alarme mais d'un outil de mobilisation individuelle et collective. En effet, ce sont les gestes simples qui seront les plus efficaces en cas de situation critique.
Enfin, anticiper, c'est examiner tous les scénarios, fussent-ils inédits ou improbables. Bien évidemment, les préfets, en liaison avec les collectivités territoriales et les associations, étudient comment protéger les Français, notamment les plus vulnérables. Contrairement à ce que des propos maladroits ont pu laisser penser, les hôpitaux resteront alimentés en électricité et les personnes malades à domicile seront prises en charge.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Notre engagement de tous les instants est de mobiliser chacun pour assurer la sécurité d'approvisionnement en électricité. Notre responsabilité est d'élaborer tous les scénarios, sans faux-semblants et sans agiter de fausses peurs.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Les salariés de GRDF (Gaz réseau distribution France), en grève depuis un mois, occupent depuis hier soir le site de Marseille. « En 2000, quand je suis arrivé, on venait du monde entier pour apprendre les savoir-faire des salariés d'EDF. Nous étions un exemple. Nous étions fiers et tous les salariés avaient le service public chevillé au corps. Aujourd'hui, ils nous préparent à des coupures de courant dans les écoles. C'est une honte. » Ce sont les mots des salariés de GRDF.
Que réclament-ils ? Une hausse de salaire de 4,6 %.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Cela coûterait à peine 18 millions d'euros, alors que GRDF a versé 518 millions de dividendes. Nous n'en serions pas là si vous aviez lancé des négociations partout en France pour indexer les salaires sur l'inflation, comme nous le proposions.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pire, vous avez choisi la répression, notamment à RTE – Réseau de transport d'électricité – où une enquête a été ouverte après le suicide d'un salarié.
La situation sociale à GRDF et à RTE dit beaucoup de la crise énergétique que nous traversons : d'abord, le mépris des salariés et la casse méthodique du service public ; ensuite, un manque cruel de volonté politique pour développer les énergies renouvelables et la rénovation globale des bâtiments. Encore une fois, vous n'avez rien anticipé.
Des délestages sont donc prévus, notamment dans les zones rurales, menaçant de désorganiser le pays. Les Français sont inquiets pour les patients hospitalisés à domicile, les transports et les écoles. Comment gérer la crise ? En planifiant ces délestages sur les activités qui ne sont pas indispensables, comme la publicité, la pollution lumineuse ou l'activité de certaines entreprises
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
pour préserver ce qui est essentiel comme le chauffage des particuliers, les transports et les écoles.
Madame la ministre, à l'heure de la crise énergétique, qu'attendez-vous pour donner satisfaction aux salariés de GRDF et de RTE ? C'est la moindre des choses.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Allez-vous planifier des délestages préservant les plus démunis et les activités essentielles ? Enfin, quand allez-vous recréer le service public intégré de l'énergie dont notre pays a tant besoin pour mener à bien la transition énergétique ?
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES ainsi que sur quelques bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Votre question me permet de saluer l'ensemble des salariés de la filière énergétique qui sont aujourd'hui au travail chez EDF, chez RTE, chez Enedis et chez GRDF pour nous préparer dans les meilleures conditions au passage de l'hiver.
Vous le savez, la négociation sociale a été active. La branche des industries électriques et gazières (IEG) a négocié en un temps record un accord plus que majoritaire qui a été signé par les quatre confédérations syndicales. Par ailleurs, un accord majoritaire a été trouvé chez GRDF. Chez RTE, les négociations ont été entamées fin novembre et vont bon train. Je salue l'esprit de responsabilité des organisations syndicales qui se sont mobilisées pour que ces négociations aboutissent.
S'agissant de notre préparation pour l'hiver et de la sobriété, je rappelle que c'est ce gouvernement qui, sous l'égide de la Première ministre et du Président de la République, a instauré un plan de sobriété, lequel ne concerne pas uniquement monsieur et madame Tout-le-monde, mais, au contraire, également les grandes entreprises, les administrations et les collectivités locales, afin de leur permettre de baisser de 10 % leur consommation d'énergie au cours des deux prochaines années. Ce plan porte ses fruits puisque, comme l'a souligné à l'instant Mme la Première ministre, nous constatons une baisse de 7 % de la consommation en France. Or il ne s'agit pas d'une baisse dans l'absolu, mais d'une baisse corrigée des normales saisonnières !
Nous allons continuer de mobiliser tous les acteurs pour que ce plan de sobriété atteigne son objectif et que la baisse de la consommation nous assure la sécurité énergétique et un hiver serein. Je rappelle que les tensions actuelles sur le système énergétique sont européennes, et non françaises.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Ce boulanger, au bord des larmes, a reçu, comme tous les commerçants et les artisans de notre pays, le courrier de trop de la part d'EDF le 14 novembre dernier. Ce courrier annonçait une hausse exorbitante des prix de 322 % – 322 %, madame la Première ministre ! C'est simple, sur leur facture annuelle 2023, certains passeront de 16 000 à 40 000 euros ! Que répondre à ces femmes et à ces hommes qui se battent au quotidien pour survivre, eux qui ont déjà tant souffert durant la crise sanitaire et qui, pour la plupart, ont investi toutes leurs économies dans leur passion ?
Au-delà de cette terrible réalité, qui touche bien trop de nos concitoyens, c'est l'avenir du commerce et de l'artisanat en France qui est en jeu.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Votre gouvernement s'est saisi bien trop tard de ce problème et, depuis, les dispositifs se succèdent, mais ils sont souvent inefficaces, inadaptés, et ils font beaucoup d'oubliés !
Madame la Première ministre, depuis plusieurs semaines, de nombreux artisans vous lancent un appel au secours – nous avons été nombreux à vous le dire sur ces bancs. Ces personnes, qui ne se plaignent jamais, se sont toujours acquittées de leur travail avec rigueur, acharnement et patriotisme, car elles ont la France chevillée au corps. Cette crise nous donne malheureusement l'occasion de vous rappeler une vérité : oui, les artisans contribuent à l'aura de notre pays. Ils sont les derniers représentants du savoir-faire de nos territoires et font vivre chaque jour notre économie locale.
Alors pourquoi continuer d'indexer le prix de l'électricité sur celui du gaz ? Au-delà de la nécessaire réflexion sur les prix de l'énergie, comment accompagner ces professionnels dans leur quotidien de façon pérenne, sans laisser certains d'entre eux sur le bord du chemin ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Les difficultés des boulangers ne vous autorisent pas à dire n'importe quoi sur l'action du Gouvernement !
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Car nous discutons depuis plusieurs semaines avec les artisans pour trouver avec eux des solutions.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Avec Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme, nous sommes en contact régulier avec nos amis boulangers depuis plusieurs semaines.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Ils sont les premiers à reconnaître que la solution d'une extension des tarifs réglementés de vente (TRV) à toutes les très petites entreprises (TPE) n'est pas praticable, tout simplement parce qu'elle coûterait 3 milliards d'euros et qu'elle couvrirait des entreprises qui n'en ont absolument pas besoin. De manière raisonnable, les boulangers préfèrent des aides ciblées sur ceux d'entre eux qui sont les plus en difficulté.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Et c'est votre même groupe qui nous reprochera d'avoir une approche trop globale des aides et d'alimenter l'inflation au lieu de la faire reculer grâce à des mesures ciblées !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Quant à nous, en accord avec les boulangers, nous préférons prendre le temps nécessaire pour…
Monsieur le député, il y a quelques jours, j'étais au téléphone avec le boulanger Beñat Darrigues de Saint-Pée-sur-Nivelle et nous examinions ensemble l'évolution de ses factures. Il y a quelques jours également, j'étais à Montceau-les-Mines avec Olivia Grégoire et nous nous penchions sur les factures des boulangers de la ville. Nous sommes aussi près du terrain et aussi conscients des difficultés des boulangers que vous !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RN.
Nous leur apporterons des solutions dans les jours qui viennent et nous les aiderons à payer leurs factures, à faire leur travail de boulangers et à défendre la boulangerie française !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Que cachent donc votre agacement et votre arrogance, monsieur le ministre ? Aujourd'hui, il ne s'agit pas uniquement de trouver des solutions d'urgence : il faut revoir le calcul du prix de l'électricité au niveau européen. Sans cela, nous pouvons craindre le pire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RN.
Ces travailleurs sont précieux. J'aimerais que vous compreniez que ce n'est pas un cri d'alarme individuel qui est lancé ici, mais le cri de rage de tous les artisans de France !
Mêmes mouvements.
Protestations sur les bancs du groupe RE.
Il n'y a aucune agressivité dans mes propos, monsieur le député. Vous le savez comme moi, les évolutions européennes prendront des mois ou même des années. Comme vous, le Gouvernement veut des solutions pour les boulangers dans les jours qui viennent !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Le 30 novembre dernier, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité la résolution visant à sanctionner l'Azerbaïdjan et à exiger le retrait de ses forces du territoire arménien.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et RE.
La France a le devoir d'exercer toute sa solidarité à l'égard de l'Arménie. Elle le doit pour des raisons historiques, compte tenu des épreuves terribles subies par ce peuple. Elle le doit pour des raisons morales, car ce qui est en cause, c'est le principe des nationalités. Elle le doit pour des raisons géopolitiques, vis-à-vis d'un peuple enclavé, isolé, perdu au milieu d'un environnement hostile.
Mêmes mouvements.
C'est dans cet esprit, madame la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, que je vous pose mes deux questions.
Tout d'abord, le Gouvernement partage-t-il les craintes des Arméniens quant aux risques d'une relance imminente de la guerre par l'Azerbaïdjan ? Les gesticulations diplomatiques récentes de ce pays, en particulier le refus de participer au sommet européen prévu en décembre prochain à Bruxelles, et surtout le blocage pendant plusieurs heures du couloir de Latchine, c'est-à-dire la remise en cause de l'unité territoriale de l'Arménie, ne sont-ils pas de fort mauvais augure ?
Ensuite, comment le Gouvernement entend-il contribuer aujourd'hui à la préservation des droits et de l'identité culturelle des populations arméniennes du Haut-Karabakh, voire à leur maintien dans la région et à leur survie physique ? Quels efforts déploie-t-il pour obtenir les garanties internationales nécessaires pour assurer leur survie ? Comment ne pas voir que c'est l'identité d'un peuple et la survie d'une nation, déjà tragiquement éprouvée par l'histoire, qui se jouent aujourd'hui ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE et sur quelques bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Vous avez raison, les tensions restent vives entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, tant à la frontière que dans le Haut-Karabakh. Elles démontrent, s'il le fallait, l'absence de crédibilité des garanties de sécurité que la Russie prétendait apporter dans la région. Dans ce contexte, la France et l'Union européenne restent pleinement engagées dans le soutien à l'Arménie. Leur position n'a d'ailleurs pas changé depuis le début du conflit.
L'action du Président de la République à Prague, le 6 octobre dernier, lors du sommet de la communauté politique européenne, a été décisive pour obtenir le déploiement d'une mission d'observation de l'Union européenne sur le terrain. Cette mission est opérationnelle depuis le 20 octobre. Certes, quelques incidents ont encore lieu, mais elle a réellement limité les risques d'escalade en assurant un suivi de la situation à la frontière, comme c'était nécessaire. La mission d'observation doit se poursuivre aussi longtemps que nécessaire. Telle est notre conviction et tel est aussi, vous le savez, monsieur Bourlanges, le souhait des Arméniens.
De nouvelles réunions se sont tenues ces derniers jours à Bruxelles et à Washington, respectivement sur la délimitation de la frontière et sur le projet de traité de paix. Ces négociations sont une chance à saisir : le Président de la République l'a dit au président azerbaïdjanais Aliyev et au Premier ministre arménien Pashinyan. Et je le répète moi-même régulièrement à mes homologues. En tout état de cause, la France maintiendra ses efforts en vue du retour de la paix entre les deux pays.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Ici, un mort exposé sur un pont. Là, un autre à l'entrée d'un bourg. Il y a deux semaines, un car scolaire attaqué par une horde de criminels armés de machettes. Explosion de 153,5 % du nombre annuel de coups et blessures volontaires sur des personnes de 15 ans ou plus. Hausse de 263,8 % des vols en 2019. Et pourtant, nous sommes dans un département français…
L'île de Mayotte est en proie à une véritable guerre des machettes, dans l'indifférence quasi générale des pouvoirs publics à Paris. La situation de chaos à Mayotte ne doit pas être considérée comme lointaine et « ultrapériphérique », mais comme un effet de loupe, un zoom, sur ce qui pourrait advenir à l'ensemble du pays. Nous assistons au passage d'un ensauvagement de la société à une situation de chaos, hors de contrôle du Gouvernement. L'immigration est incontrôlée et pesante, voire étouffante, pour nos services publics, notamment pour les maternités, qui accueillent en moyenne trente naissances par jour. À Mayotte, 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et l'inflation des prix, sans précédent, varie de 10 % à 20 % en comparaison de la métropole.
Nous avons tant à faire pour nos compatriotes d'outre-mer, particulièrement pour ceux de Mayotte : en matière de contrôle des frontières, pour faire face à l'immigration clandestine, mais aussi en matière de maintien de la paix, d'accès à l'eau courante et de réintégration des soignants non vaccinés.
Madame la Première ministre, qu'en est-il des annonces tonitruantes d'Emmanuel Macron lors de son déplacement à Mayotte en octobre 2019 ? Depuis des années, nos compatriotes mahorais manifestent contre l'insécurité et pour des services régaliens dignes de l'État français. Nous entendons depuis longtemps leur cri d'alerte. Et vous, l'entendez-vous ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous venez de dresser le tableau de la situation à Mayotte. J'ai eu l'occasion de le dire, notamment lors du congrès des maires et des présidents d'intercommunalité de France : nous sommes particulièrement attentifs à la situation dans ce territoire, qu'il s'agisse de la santé – le ministre de la santé et de la prévention s'est rendu à Mayotte il y a quelques jours –, de la sécurité – le ministre de l'intérieur et des outre-mer a fait le déplacement il y a quelques semaines et retournera à Mayotte avant la fin de l'année –, ou, évidemment, de la pression migratoire. Sur ce sujet, il existe, je crois, un large consensus au sein de l'Assemblée, chacun s'accordant sur la difficulté de la situation à Mayotte. Le débat que nous aurons tout à l'heure sur la politique de l'immigration nous permettra sans doute d'y revenir.
Soyez assurée, madame la présidente Le Pen, que sur la santé, l'école, le développement économique, l'emploi, l'égal accès aux prestations ou la sécurité – un enjeu majeur –, le Gouvernement est particulièrement attentif à la situation de nos compatriotes de Mayotte et mobilisé. Nous sommes déterminés à apporter des réponses aux attentes de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Devant les menaces de coupures d'électricité et l'improvisation de votre plan de délestage, notre colère est forte,…
…notre colère est froide. L'hiver vient et nous ne savons rien de la manière dont nous allons traverser cette sale période. Ceux qui ont froid l'hiver le savent déjà. Vous avez montré votre incurie devant l'explosion des prix, qui font mal aux vies, aux industries, aux agriculteurs, en vous révélant incapables – totalement incapables ! – de reprendre la main sur le marché pour protéger le pays.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR – NUPES.
Mais voilà que votre impuissance consentie à incarner un État stratège vous conduit désormais à souffler le chaud et le froid, entre l'alarme aux coupures et l'invitation à ne pas paniquer, pour mieux masquer votre impréparation. C'était la même chose avec le covid : après avoir abîmé l'hôpital, vous prétendiez qu'il n'y avait pas d'autre choix que les privations de liberté. Vous infantilisez les Français, vous les humiliez, vous les menacez de couper le jus s'ils ne sont pas exemplaires.
Nous accusons le Président de la République et son gouvernement d'irresponsabilité énergétique !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.
Nous accusons le Président de la République et son gouvernement de n'avoir rien fait pendant les huit dernières années pour éviter l'effondrement de nos capacités de production.
Nous accusons le Président de la République et son gouvernement de se résigner à gérer la peur à défaut de savoir gérer la crise, en écartant délibérément le Parlement de leur stratégie de délestage anxiogène.
Mme Caroline Abadie proteste.
Nous refusons que la vie des gens, la vie de nos enfants et celle des plus fragiles, hospitalisés à domicile, soit la variable d'ajustement de votre impréparation. Inflation, pénurie de médicaments, urgences qui ferment, coupures de courant et bientôt réforme des retraites : que vous ont fait les Français pour mériter ça ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La France se prépare depuis neuf mois à faire face à la crise énergétique. Cette crise n'est pas une crise française, mais une crise européenne.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.
Parce que l'Europe dépend à 40 % des livraisons de gaz russe et parce que 20 % de l'électricité européenne est produite avec du gaz, la crise actuelle était inévitable.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Et notre pays a été l'un des premiers à remplir ses stocks de gaz au maximum ;…
…c'est grâce à lui que des mesures ont été prises au niveau européen pour faire face à la crise et pour nous permettre de passer l'hiver dans les meilleures conditions de préparation.
C'est également notre pays qui vous a fait voter, cet été, plusieurs mesures qui nous mettent à l'abri des situations de tension sur notre réseau électrique, dans la plupart des situations.
Alors, monsieur Jumel, plutôt que de nourrir l'angoisse et l'anxiété des Français ,…
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes RN et LR
…aidez-nous à mobiliser les entreprises, les administrations et les collectivités locales pour les encourager à continuer la diminution de leur consommation d'énergie ; aidez-nous à soutenir les salariés d'EDF,…
…de RTE – Réseau de transport d'électricité –, d'Enedis, de GRDF – Gaz réseau distribution France –, qui sont au travail pour augmenter notre production d'électricité et pour sécuriser nos stocks de gaz ; aidez-nous à faire en sorte qu'au niveau européen, on poursuive les mesures que nous avons prises et qui nous mettent en bien meilleure situation qu'il y a seulement neuf mois ! Entend-on aujourd'hui parler de délestage de gaz ? Non ! Et pourtant, cette ressource s'est tarie puisqu'elle ne nous est plus livrée par la Russie.
Pourquoi nous préparons-nous au scénario du pire ? Parce que nous avons la responsabilité d'anticiper toutes les situations, et nous travaillons de manière responsable à protéger les Français en préservant leur pouvoir d'achat et leur accès à l'énergie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Les derniers chiffres publiés par l'Insee font état d'une inflation à 6,2 % fin octobre, et la hausse des prix de l'alimentation s'élève à plus de 12 %.
Si ces chiffres restent élevés, l'action massive du Gouvernement, depuis l'automne 2021, a permis de les juguler, grâce notamment aux dispositifs visant à limiter la hausse des prix de l'énergie.
30 % sur certains produits alimentaires ! Il faudrait peut-être faire les courses, madame Lemoine !
Ils permettent ainsi à notre pays d'afficher une inflation bien plus faible que celle de la zone euro, qui atteint 11,5 % en moyenne ; l'Allemagne, notamment, est à 11,6 %, et l'Italie grimpe à 12,6 %.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Malgré tout, certains secteurs sont davantage fragilisés. C'est notamment le cas de nos artisans boulangers ou de nos bouchers, qui nous alertent de façon inquiétante sur leur situation.
En effet, la hausse parfois vertigineuse du coût des matières premières – 43 % pour la farine de blé et 21 % pour le beurre –, conjuguée à l'explosion du coût de l'énergie, amène de nombreux professionnels à s'interroger sur la poursuite de leur activité, pourtant vitale, d'autant que vous nous avez annoncé que le pic de l'inflation n'était pas encore atteint. Ils nous exposent des situations ubuesques : leurs factures d'énergie sont parfois multipliées par vingt ; c'est le cas dans ma circonscription.
Monsieur le ministre, je vous sais particulièrement mobilisé pour accompagner tous nos petits commerçants…
…qui sont heurtés de plein fouet par la crise. À l'heure où la baguette vient d'être classée au patrimoine mondial de l'Unesco, pouvez-vous nous faire part des dernières mesures envisagées pour répondre à l'ensemble de leurs inquiétudes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Merci, madame la députée, de rappeler que grâce à l'action engagée depuis octobre 2021 par le Gouvernement et par la présidence de la République, la France garde le taux d'inflation le plus faible des pays de la zone euro.
Nous avons donc protégé nos compatriotes contre l'impact trop dur de la flambée des prix. Pour ce qui est des boulangers, j'entrerai un petit peu plus dans le détail. Le guichet d'aide est ouvert aujourd'hui pour les factures de 2022, mais ce qui les inquiète, vous l'avez parfaitement dit, c'est la facture de 2023. Nous garantissons déjà à tous les boulangers une réduction globale de leur facture de 20 % en moyenne ;…
…ils auront droit à un tarif préférentiel de l'électricité. En deuxième lieu, nous allons relancer les fournisseurs qui doivent offrir des offres alternatives, d'après la charte qui a été signée par l'ensemble d'entre eux. En troisième lieu, plutôt que le tarif indicatif, souvent calculé en heures pleines et aux moments de plus forte consommation, nous voulons que cette baisse des prix soit indiquée dans le projet de facture pour 2023, afin d'alléger l'inquiétude des boulangers et de leur permettre de savoir exactement ce qu'ils vont payer.
Par la suite, si nous observons que pour certaines professions, je pense en particulier aux boulangers, l'ensemble de ces mesures transversales ne sont pas suffisantes, nous sommes prêts, Mme la Première ministre et moi-même, à étudier des mesures complémentaires. Je le répète : nous ne laisserons pas tomber les boulangers de France
Mme Valérie Rabault proteste.
La seule chose que j'exclus – les boulangers l'ont d'ailleurs parfaitement compris –, c'est une augmentation globale des tarifs réglementés de vente (TRV) pour toutes les entreprises, pour un montant de 3 milliards d'euros, qui reviendrait à gaspiller l'argent public et conduirait ensuite à augmenter les impôts des Français afin de rembourser la facture. Les boulangers ne le souhaitent pas et ce n'est pas ce que nous ferons ; ce n'est ni efficace, ni juste, ni ciblé. Nous privilégierons des mesures efficaces, justes, rapides et ciblées.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Souvent tabous, les troubles psychiques concernent pourtant 13 millions de Français, soit près d'un sur cinq. La pandémie de covid-19 n'a fait qu'aggraver l'état de santé mentale d'une grande partie de la population française fragile, et notre jeunesse n'a malheureusement pas été épargnée. Parent pauvre de la médecine, aujourd'hui sinistrée, la pédopsychiatrie manque cruellement de moyens et d'effectifs.
Cette pénurie a ainsi des conséquences dramatiques : allongement des délais d'attente, risque de non-détection des troubles psychiques chez les jeunes, mais aussi augmentation des inégalités territoriales. Dans mon département, l'Ariège, les structures qui gèrent les centres dédiés à l'accompagnement alertent sur le fait que les familles doivent attendre plus d'un an avant de rencontrer un médecin ou un psychologue, et près de quatre mois, après cette première rencontre, pour obtenir des bilans et des propositions de soins et d'accompagnement à l'égard de leur enfant.
Faute de professionnels spécialisés – médecins, psychomotriciens, orthophonistes, psychologues ou infirmiers –, les orientations et les prises en charge souhaitées sont dégradées, voire impossibles. Il devient difficile de suivre les jeunes, notamment dans les départements où l'on constate la quasi-disparition des pédopsychiatres ; c'est le cas de l'Ariège.
Les soignants sont en grande difficulté et tirent la sonnette d'alarme. Les enfants souffrant de troubles psychiques et leurs parents, souvent totalement démunis face à la maladie de leur enfant, subissent tous les jours ce manque d'accompagnement, alors que les files d'attente s'allongent dans les centres médico-psychologiques (CMP) et médico-psycho-pédagogiques (CMPP).
Ma question est donc simple, monsieur le ministre : pouvez-vous nous dire quelle est la stratégie du Gouvernement pour répondre rapidement à la crise profonde que traverse la pédopsychiatrie en France ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs du groupe LR.
Vous le savez, la pédopsychiatrie et, plus largement, la prise en charge de la santé de l'enfant, est une de mes priorités, d'autant que – vous l'avez signalé – les résultats post-crise covid, ou du moins ceux observés à la suite de sa phase aiguë, montrent une dégradation de la santé mentale des enfants et des adolescents, en particulier des jeunes filles. Les assises de la santé mentale et de la psychiatrie, qui se sont tenues en septembre 2021, nous ont déjà permis d'engager plusieurs actions à destination de ce secteur.
Le numéro national de prévention du suicide en est une, ainsi que les moyens financiers et humains mis pour développer les centres médico-psychologiques et les maisons des adolescents (MDA) – nous atteindrons à la fin de l'année l'objectif visant à doter chaque département d'au moins une maison des adolescents. Par ailleurs, le dispositif MonPsy a déjà permis de rembourser 95 000 consultations, y compris bien sûr pour des enfants, et le développement des infirmières en pratique avancée (IPA) dans le domaine de la psychiatrie va permettre, là aussi, de répondre un peu mieux aux besoins de cette jeune population.
Cependant, c'est insuffisant et nous devons continuer à avancer. Comme je m'y suis engagé, je lance demain les assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant ; une réunion de l'ensemble des parties prenantes se tiendra la semaine prochaine, afin de produire une analyse, de trouver des solutions et de les appliquer de façon transversale dans l'ensemble des champs de la santé de l'enfant, dont l'un est spécifiquement consacré à la santé mentale, sur le plan tant préventif que thérapeutique. Comme je l'avais déjà annoncé ici, les résultats seront disponibles à partir du printemps prochain et donneront lieu à une feuille de route pour les années à venir, qui couvrira l'ensemble des domaines touchant à la santé des enfants et des adolescents – et particulièrement, donc, leur santé mentale.
M. Éric Martineau applaudit.
Fin août, le Président de la République affirmait ne vouloir faire preuve d'« aucune faiblesse » et d'« aucun esprit de compromission » à l'égard de l'agresseur russe. Et depuis hier, plus aucun navire transportant du pétrole russe ne peut débarquer dans un port européen. Pourtant, d'autres navires russes continuent à nous alimenter en énergie. Comme l'a révélé Greenpeace, des cargaisons remplies d'uranium sont arrivées ou parties du port de Dunkerque
M. Maxime Laisney acquiesce
le 25 août, les 13 et 28 septembre ainsi que le 29 novembre dernier. C'est la preuve que le business se poursuit avec Rosatom.
Rosatom, c'est le géant russe de l'industrie nucléaire civile et militaire ; c'est l'entreprise fondée par Vladimir Poutine pour servir ses intérêts géopolitiques ; c'est la firme qui occupe depuis des mois la centrale de Zaporijjia et fait subir des traitements inhumains aux employés ukrainiens.
Madame la ministre, le 4 octobre dernier, vous affirmiez que nous n'importions pas d'uranium russe. Pourtant, la filiale d'EDF Framatome a récemment confirmé que le commerce du nucléaire se poursuivait avec la Russie. L'État français, actionnaire majoritaire d'EDF, pouvait-il l'ignorer ? Ces livraisons ont-elles pu se faire sans votre aval ?
Nous avons besoin de clarté. Pouvez-vous lever l'opacité sur les pratiques de l'industrie nucléaire française ? Quels sont le montant et le contenu exacts de ces contrats ? Et pourquoi le Gouvernement ne met-il pas un coup d'arrêt à ce commerce ? Même en période de guerre, le nucléaire semble bénéficier d'un régime d'exception ; n'est-ce pas la preuve de notre dépendance totale à des puissances étrangères lorsqu'il s'agit de faire tourner nos centrales et de nous fournir en électricité ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES et SOC.
Je veux quand même remettre les choses en perspective. D'abord, la France a négocié des sanctions contre la Russie ; celles-ci visent à atteindre l'économie et les décideurs russes pour les ramener à la table des négociations.
Nous serons intransigeants quant au respect de ces sanctions. Deuxièmement, s'agissant de l'uranium, je serai aussi très claire, comme je l'ai été depuis ma prise de fonctions : la France n'est pas dépendante de la Russie pour le fonctionnement de son parc électronucléaire, et, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire par le passé, nous n'importons pas, en 2022, d'uranium naturel venant des mines russes pour les besoins du parc nucléaire français.
Dites ainsi, les choses sont claires. Je voudrais également rappeler qu'au niveau européen, d'autres pays sont dépendants de la Russie et que la France, justement, peut jouer ce rôle consistant à reconstruire la souveraineté européenne en matière de nucléaire et d'uranium ;…
Pour cela, il faudrait que nous soyons capables d'ouvrir des centrales nucléaires !
…c'est un des enjeux sur lesquels nous travaillons. Nous avons diversifié nos approvisionnements en matière d'uranium naturel et nous sommes en train de construire une filière complète en ce qui concerne le recyclage de l'uranium ;…
…nous serons demain le fer de lance de cette souveraineté nucléaire dont je rappelle qu'elle fournit aujourd'hui 70 % de notre électricité ,…
Mmes Christine Arrighi et Sophia Chikirou protestent
…une électricité compétitive, bas carbone et qui profite à l'ensemble des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Madame la ministre de la transition énergétique, au moment où la France doit affronter la crise énergétique majeure que vous avez largement provoquée, les semaines se suivent et se ressemblent. Marine Le Pen et les députés du Rassemblement national n'ont eu de cesse de vous avertir de cette situation catastrophique. Mais de semaine en semaine, vous nous baladez sans apporter la moindre réponse aux problèmes des Français.
Le 25 novembre dernier, la France et l'Allemagne ont scellé un accord d'échange – la France doit livrer une partie de ses réserves de gaz contre de l'électricité allemande – qui paraît simple, mais dont les contours sont flous et imprécis. Malgré nos questions récurrentes formulées en commission, dans l'hémicycle ou à Matignon, lors d'entretiens avec Marine Le Pen, vous refusez d'indiquer les conditions précises dans lesquelles il s'appliquera.
La France livre déjà son gaz depuis mi-octobre, c'est un fait. Quelles sont les conditions économiques et financières de cet accord ? Quelles sont les obligations réelles de l'Allemagne en matière de livraison d'électricité ? Nous nous inquiétons car des personnes, chez EDF, nous ont alertés sur le fait que les Allemands prétextent régulièrement des problèmes techniques pour ne pas nous livrer d'électricité lorsque notre réseau est sous tension.
Ces incertitudes sont scandaleuses quand on voit le risque de coupure d'électricité et l'explosion des coûts de la facture énergétique de nos entreprises.
Je pense aux bouchers et charcutiers qui ont manifesté la semaine dernière pour la première fois depuis trente ans. Je pense à tous les petits commerçants, artisans, boulangers. Je pense à Flexico, une PME de 250 salariés, située à Hénonville dans ma circonscription, fleuron français de l'emballage et détentrice de 200 brevets internationaux, dont la facture énergétique va largement dépasser les bénéfices. C'est une cascade de faillites et un chômage de masse que nous allons devoir affronter.
Madame la ministre, quelles garanties avons-nous que l'électricité allemande nous sera livrée quand notre pays en aura besoin ? Quelles conditions avez-vous négociées ? Il est temps de répondre à la représentation nationale !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Avec le RN, on n'est jamais déçu.
Exclamations sur les bancs du groupe RN. – M. Rémy Rebeyrotte applaudit.
Quand il s'agit d'agiter les peurs et d'affoler les Français, on trouve toujours fort à prendre. En revanche, quand il faut prendre ses responsabilités et voter pour un projet de loi qui permette de produire de l'électricité bas-carbone compétitive, là on n'a plus de répondant. Voilà le vrai visage du Rassemblement national.
Exclamations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Premier élément de réponse à votre question : nous avons désormais rempli au maximum notre stockage de gaz et nous soutenons l'Union européenne en exportant du gaz aux conditions du marché – cela concerne l'Allemagne, puisque vous m'interrogez sur l'accord avec ce pays.
Nous exportons aux conditions du marché, ce qui permet de garantir une meilleure production d'électricité dans l'ensemble de l'Europe puisque 20 % de l'électricité européenne est produite à partir du gaz.
Deuxième élément de réponse : l'Allemagne s'est engagée à prolonger l'utilisation de ses trois dernières centrales nucléaires, afin de sécuriser les interconnexions avec la France.
Cet accord, obtenu à l'arraché avec le Président de la République et la Première ministre, nous permet d'affronter l'hiver dans les meilleures conditions.
Vous le voyez, l'Europe nous permet non seulement d'être plus forts pour faire face à la crise énergétique, mais également de garantir aux Français qu'ils auront du gaz et de l'électricité dans les mois à venir.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Comme beaucoup de nos concitoyens, je m'inquiète des coupures d'électricité à venir, qui pourraient durer de deux minutes à deux heures. On ne peut malheureusement pas se contenter d'espérer qu'il ne se passe pas de drame durant ces coupures, quelle que soit leur durée.
En matière de gestion de crise, la chance n'a pas sa place et la prévention reste le meilleur atout. Aussi, ai-je lu avec attention la note des préfets de zone sur la mise en place de dispositifs adaptés, dans les cas où les numéros d'urgence – 15, 17, 18 ou 112 – ne pourraient pas fonctionner.
Je me réjouis de voir que les maires sont à nouveau au cœur du dispositif car je fais partie de ceux qui pensent que l'on peut trouver des solutions locales aux enjeux nationaux. Monsieur le ministre de l'intérieur et des outre-mer, j'ai d'ailleurs eu l'occasion d'échanger avec votre conseiller à la sécurité civile sur ces sujets. Si les maires doivent ouvrir des cellules de crise, il faut qu'ils aient une connaissance fine des différents dispositifs et modes opératoires relatifs à la sécurité civile. Or nombre de plans et dispositifs sont méconnus ou devenus inappropriés au fil du temps.
Vous le savez mieux que quiconque, la gestion de crise ne s'improvise pas. Comment comptez-vous communiquer auprès de nos concitoyennes et concitoyens sur cet événement ? Comment comptez-vous accompagner les maires pour faire face à ces nouveaux défis auxquels nous serons confrontés de plus en plus souvent ?
Sous l'autorité de la Première ministre, les préfets de la République, les policiers, les gendarmes et les pompiers, en lien avec les départements, se préparent à ce scénario dans lequel le délestage aurait des répercussions sur la vie des Français.
Comme vous l'avez indiqué, les préfets ont rendu leur copie à madame la Première ministre et à la cellule interministérielle de crise qu'elle a créée au ministère de l'intérieur, pour suivre dans chacun des départements tous les services qui assurent la sécurité des Français : les commissariats, les brigades de gendarmerie, les centres d'appel 17 et 18, c'est-à-dire les numéros d'urgence de police secours et des pompiers, qui sont en lien avec les départements et les maires.
Dans ces situations d'urgence, les Français doivent composer le 112, un numéro d'urgence interopérable qu'ils connaissent déjà. Nous répartissons ensuite les appels entre divers services, notamment ceux du ministère de la santé en cas de difficultés particulières.
Il existe déjà des circonstances qui empêchent certains de nos concitoyens d'avoir accès à ces numéros : dans les zones blanches ou en cas de défaillance du réseau d'un opérateur téléphonique, comme cela s'est produit récemment.
À la demande de la Première ministre, nous avons équipé en groupes électrogènes tous les sites du ministère de l'intérieur, notamment ceux des forces de l'ordre. Nous allons aussi renforcer de manière considérable les brigades de gendarmerie et les commissariats de police, afin de pouvoir réagir en cas de zones blanches intempestives et répondre aux demandes de nos concitoyens, soit par le biais de leurs élus – notamment les maires –, soit en ouvrant tous les lieux de service public.
M. Didier Paris applaudit.
Monsieur le ministre délégué chargé des outre-mer, lorsque vous avez été interpellé sur l'envolée des prix des billets d'avion – jusqu'à 42 % de hausse –, vous nous aviez promis des solutions. Interpellé sur les prix élevés de la téléphonie et d'internet, vous nous aviez promis des solutions. Interpellé sur les coûts et les taxes des colis postaux, vous nous avez fait la même réponse.
Interpellé sur les prix des loyers ou des matériaux de construction et de bricolage – qui peuvent être de 50 % à 80 % plus chers outre-mer –, vous nous aviez promis des solutions. Pareil concernant les prix des médicaments, des mutuelles, des banques ou des pièces automobiles qui sont jusqu'à 100 % plus chères chez nous.
Comparons les prix dans une grande surface à La Réunion et à Ivry-sur-Seine. Trouvez-vous normal que le lait en poudre pour bébé coûte 40 % plus cher à La Réunion ?
L'écart est de 75 % pour le paquet de seize yaourts aux fruits, de 40 % pour 500 grammes de spaghettis. Le paquet de dix lames de rasoir coûte 3,29 euros ici, alors qu'un paquet de quatre lames coûte jusqu'à 7,99 euros chez nous. Le paquet de protections hygiéniques est vendu 2,14 euros ici et 3,98 euros chez nous, soit 86 % de plus.
Vous promettez des réponses pour ce jeudi, mais dans la presse nationale vous donnez déjà des éléments de votre « Oudinot du pouvoir d'achat », et le compte n'y est pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Votre montagne de solutions accouche d'une souris.
À ce stade, vous n'avez pas fait assez concernant les prix et, pire, vous faites mine d'ignorer que le pouvoir d'achat dépend aussi des revenus.
Mêmes mouvements.
Rien sur les minima sociaux, rien pour les personnes âgées et retraitées, rien pour nos étudiants, rien pour les smicards. Pensez-vous réellement qu'en outre-mer on peut vivre avec ce Smic, monsieur le ministre délégué ?
Vous avez encore quarante-huit heures pour revoir votre copie. Allez-vous le faire ? Cessez d'abandonner les outre-mer !
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.
Avec Gérald Darmanin, nous nous sommes engagés sur ce que nous avons appelé le « Oudinot du pouvoir d'achat ». Je suis heureux de vous voir impatient, et je le suis aussi.
Mme Sophia Chikirou s'exclame.
La priorité était de parvenir à des accords de modération des coûts des produits de grande consommation. Des chartes territorialisées ont été signées dans toutes les collectivités concernées. Elles sont issues de négociations locales, conduites par les préfets et regroupant l'ensemble des parties prenantes à la fixation des prix. Les acteurs économiques et les collectivités – pour la première fois – ont joué le jeu au niveau territorial, sachant que ce sont ces dernières qui fixent le niveau de l'octroi de mer.
J'ai donc demandé aux collectivités de participer à l'effort en modérant le niveau d'octroi de mer qui pèse sur les prix. Il faut d'ailleurs noter que les recettes d'octroi de mer payées par le consommateur sont en nette progression : plus 11 % au premier semestre de 2022.
Nous avons attendu les décisions des assemblées délibérantes en la matière car tout cela se négocie : il ne suffit pas de dire « faites payer moins » pour que cela fonctionne. Peut-être les choses ont-elles avancé moins vite que prévu ? Quoi qu'il en soit, dès le 8 décembre, Gérald Darmanin et moi-même, nous présenterons les résultats de ce travail en ce qui concerne le bouclier qualité-prix (BQP).
Ce bouclier a été élargi à de nouvelles références adaptées aux consommations locales. On y trouve également des produits de bricolage, du multimédia, des services automobiles et des forfaits téléphoniques. Ces services ajoutés ont fait l'objet d'un engagement quant à la modération de leur prix. Ce n'est qu'une étape, et nous avons des marges de progression.
S'agissant des paquets que vous avez évoqués, une solution a été trouvée : les taxes seront désormais payées au-delà de 400 euros, au lieu de 200 euros auparavant. Merci à vous et aux collectivités pour lesquelles vous travaillez de nous aider à avancer dans tous ces domaines.
Madame la secrétaire d'État chargée de l'économie sociale et solidaire et de la vie associative, depuis 1985, l'ONU a proclamé la journée du 5 décembre « journée internationale du bénévolat et des volontaires ».
Je tiens ici à saluer les 20 millions de bénévoles associatifs pour leur dévouement et pour leur engagement
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe LR.
Nous le savons toutes et tous dans cet hémicycle, les associations, les bénévoles et les volontaires sont le cœur battant de notre République.
En vue de cette journée mondiale, madame la secrétaire d'État, vous avez commandé un sondage destiné à mesurer l'engagement des Français, et nous pouvons dire qu'ils ont du cœur : 49 % de nos concitoyens se déclarent engagés dans une association locale ou nationale.
Les associations préférées des Français sont notamment Les Restos du Cœur, la Société protectrice des animaux (SPA), la Croix-Rouge, la Ligue nationale contre le cancer ou encore les banques alimentaires. Vous les avez d'ailleurs reçues hier et annoncé le futur lancement des Assises de la simplification administrative.
Comme vous le soulignez vous-même, il y a trop de paperasse dans la vie associative. Les petites structures associatives se heurtent bien souvent à cette difficulté et leurs bénévoles déplorent cette lourdeur. Lors du précédent quinquennat et sous l'impulsion de Sarah El Haïry, des mesures pour faciliter la vie de nos associations ont été adoptées par notre majorité, mais des simplifications sont encore à mettre en œuvre.
Enfin, ce sondage révèle également l'attachement de nos concitoyens à leur territoire et l'importance que joue le maillage territorial du tissu associatif.
Face à ces constats et à cette envie d'engagement de nos compatriotes, les politiques publiques en faveur de la vie associative doivent être au rendez-vous. Aussi, madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous faire savoir quelle sera votre feuille de route pour ce nouveau quinquennat ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'économie sociale et solidaire et de la vie associative.
Effectivement, la journée mondiale des bénévoles et des volontaires s'est déroulée hier. Le Président de la République leur a exprimé son soutien, sachant que bon nombre de Français sont bénévoles.
L'étude, à laquelle vous faites référence et que nous avons révélée hier, montre que près d'un Français sur deux est engagé auprès d'une association en tant que bénévole ou donateur. À l'approche de la fin de l'année, je rappelle qu'il reste encore quelques semaines pour faire des dons aux associations et bénéficier de déductions d'impôts. Des dispositifs comme France générosités, HelloAsso et Le Don en confiance peuvent vous y aider.
C'est vrai que les associations plébiscitées par les Français sont les Restos du Cœur, la SPA, la Croix-Rouge, la Ligue nationale contre le cancer et les banques alimentaires.
Nous étions d'ailleurs avec la Première ministre et le ministre des solidarités auprès des banques alimentaires pour dévoiler le fonds de 60 millions d'euros que la Première ministre a dévolu au soutien de ces associations engagées.
Dans la droite ligne de mon excellente prédécesseure Sarah El Haïry, nous souhaitons poursuivre le travail de simplification. Les Assises de la simplification permettront d'y travailler en interministériel. Je remercie les députés qui sont venus hier décorer des bénévoles d'association.
Je remercie aussi les ministres Jean-Christophe Combe, Stanislas Guerini et Jean-Noël Barrot de leur présence et de leur engagement à dématérialiser, aller vers un guichet unique des subventions et en finir avec l'excès de paperasse et l'inflation normative touchant les associations.
Pour résumer, il s'agit de simplifier la vie des dirigeants associatifs et d'alléger leur charge mentale. Merci pour votre engagement. Je suis à la disposition des députés qui souhaitent que nous puissions aller ensemble saluer et valoriser les associations de leur circonscription. Vive les bénévoles et vive les associations !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
J'associe à ma question mon homonyme Guy Bricout ainsi que mon collègue Benjamin Saint-Huile.
La France est bonne dernière, en Europe, en matière de déploiement des énergies renouvelables. Pourtant – et c'est là tout le paradoxe –, certains territoires sont déjà trop abîmés par l'éolien. Bien sûr, nous devons produire plus d'énergie décarbonée pour répondre à la demande croissante en usages électriques, et chacun sait que le nucléaire ne permettra pas d'y parvenir immédiatement, mais nous ne pourrons pas accroître la production d'énergie verte sans garantir son acceptation. Chez nous, dans les Hauts-de-France et plus particulièrement chez moi, dans la Thiérache et le Vermandois, une éolienne de plus, c'est souvent une éolienne de trop. Or vous ne pourrez pas faire la transition sans y associer les territoires et sans respecter leurs élus, leurs populations, leurs projets et leurs paysages.
Le dispositif de planification que vous proposez dans votre projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables reste incomplet. Certes, les élus pourront définir des zones d'accélération, tout comme ils peuvent, depuis la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale – dite loi 3DS –, définir des zones d'exclusion. Qu'en sera-t-il, néanmoins, des petites communes qui ne disposent ni d'un plan local d'urbanisme (PLU) ni d'un plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) sur lequel adosser ces zonages ? Comment s'assurer d'une répartition harmonieuse de l'éolien sur le territoire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Merci pour votre question, qui me permet d'évoquer le système de planification énergétique que nous coconstruisons dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Je salue votre engagement en faveur du développement de ces énergies, car, si vous êtes bien placé pour connaître le phénomène de saturation que connaissent en effet certaines zones des Hauts-de-France, vous êtes aussi à la manœuvre pour faire en sorte que nous continuions de déployer toutes les énergies renouvelables, qu'il s'agisse des éoliennes marines, du biométhane, de la géothermie ou du photovoltaïque – car c'est bien de toutes ces énergies que nous voulons accélérer le développement.
La planification repose sur un principe très simple : c'est aux maires qu'il revient de définir les zones dans lesquelles ils veulent accélérer le déploiement des projets et celles où ils souhaitent limiter l'implantation des infrastructures de production d'énergies renouvelables. Grâce à la planification, nous leur redonnerons les moyens de définir ces zones et de décider en dernier ressort, puisqu'ils rendront un avis conforme sur le zonage.
Par ailleurs, comme vous le savez, lorsque nous fixons les objectifs de développement des énergies renouvelables, nous tenons compte des efforts déjà fournis – c'est-à-dire de la puissance installée et de la production des parcs déjà implantés sur un territoire – ainsi que de l'impact paysager des projets. Nous avons d'ailleurs adopté hier le principe de la prise en considération de cet impact dans le schéma de cohérence territoriale (Scot).
Vous soulevez la question des communes dépourvues de documents d'urbanisme. Elles pourront, dans le cadre du schéma qui sera défini à l'échelle de chaque département, mettre en avant les zones d'accélération qui seront proposées en priorité aux porteurs de projet bénéficiant de soutiens de l'État, ce qui leur permettra de se protéger d'un développement anarchique.
M. Jean-Pierre Taite s'exclame.
Tout cela est bien gentil, mais votre réponse me paraît incomplète. Le groupe LIOT a proposé des solutions de régulation.
Il a demandé la définition d'un taux d'effort dont pourraient se prévaloir les territoires ayant déjà rempli leur part des objectifs ou la création de malus applicables aux appels d'offres dans les zones saturées. D'autres ont proposé de s'appuyer sur un indice de saturation visuelle. Beaucoup de pistes restent donc à explorer.
Sur ces points comme sur la situation particulière des zones non interconnectées, le vote des élus de notre groupe dépendra de votre volonté d'accepter nos propositions.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
« Je ne veux plus, d'ici la fin de l'année, avoir des femmes et des hommes dans les rues. » Ainsi s'exprimait Emmanuel Macron en 2017. Le résultat, c'est 4 millions de personnes mal logées, 300 000 personnes sans domicile et 600 morts dans la rue chaque année. Partout, forces de police, associations et collectivités pallient les manques de l'État, seules, sans aide réelle de la part du Gouvernement. C'est par exemple le cas à Strasbourg. Il est loin, le temps des promesses !
À Strasbourg, donc, malgré une action volontariste de la ville – création de 500 nouvelles places d'hébergement et ouverture de gymnases – les moyens de la mairie ne suffisent nullement à répondre à la crise humanitaire : la mise à l'abri relève des compétences de l'État. Pourtant, la préfecture ne laisse aucun répit à ces personnes et exige que la misère soit cachée loin du centre-ville, au mépris des devoirs de l'État. Sur ordre ? Pourquoi ? C'est une première question.
En réponse à cette situation, la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, prévoit d'intenter une action en responsabilité contre l'État. Je lui dis merci :
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES
merci de le faire pour chacun et chacune d'entre nous et de refuser la fatalité. Car certains peuvent décider de laisser le pays des droits humains oublier ce qui fonde notre République et notre histoire, ce qui nous pousse à défendre les Ukrainiens et les Iraniennes, mais, si nous oublions qui nous sommes, que nous restera-t-il ?
Le campement de la place de l'Étoile à Strasbourg n'est que la partie visible de l'iceberg : le nombre de personnes sans abri explose partout. Des centaines de jeunes et d'enfants à la rue dénoncent en ce moment même l'inhumanité de leurs conditions de vie devant le Conseil d'État. Comme à Strasbourg, ce sont des familles et des enfants qui sont sous les tentes.
Alors, chers membres du Gouvernement, comptez-vous laisser les préfets continuer à cacher la misère ou nous aider à sauver des vies ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.
Vous parlez de fraternité et de dignité. La première des dignités serait de ne pas tenter de faire un coup politique à partir d'une situation inacceptable et inhumaine.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et LIOT. – Protestations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
La situation de Strasbourg et plus particulièrement du camp de la place de l'Étoile, nous la connaissons depuis trop longtemps : elle est insupportable.
Vous en avez parlé aux enfants qui restent dans le froid et ne sont pas scolarisés parce que vous refusez de les reloger ?
L'État a proposé des solutions à la ville de Strasbourg et a travaillé avec elle pour…
La préfète a fait évacuer le camp sans proposer de solutions de relogement !
Laissez-moi vous répondre, madame la députée ! L'État a proposé des solutions. Les familles les ont refusées…
Bien sûr ! C'est tellement agréable de vivre dans la pluie et dans le froid !
…et celles qui les ont acceptées ont été immédiatement remplacées par d'autres familles, car la maire de Strasbourg a refusé d'assumer ses responsabilités.
Comme vous le savez, l'Alsace et la Moselle sont soumises à un droit spécifique et l'État ne peut pas s'y substituer aux communes.
M. Bertrand Bouyx applaudit.
Il revenait donc à la maire de Strasbourg de lancer les procédures d'évacuation. Elle a d'ailleurs été condamnée par le tribunal administratif pour carence et atteinte à la dignité humaine.
Alors qui est défaillant, en l'espèce ?
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Le camp a été évacué ce matin et quarante-huit familles ont été mises à l'abri. Que de temps perdu ! Je le répète : qui est défaillant ?
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Sous la présidence d'Emmanuel Macron, la France a été condamnée à neuf reprises par la Cour européenne des droits de l'homme pour son inaction face aux problèmes de logement.
Mme Marie Pochon applaudit.
Les demandeurs d'asile sont soumis à des conditions d'existence inhumaines et dégradantes, laissés dans la rue et privés de moyens de subsistance : voilà la réalité de votre action ! C'est pour cela que vous serez condamnés.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES.
L'action du Gouvernement et de la Première ministre a consisté à maintenir le nombre de places d'hébergement d'urgence à un niveau jamais atteint, soit plus de 200 000 lits.
Vives exclamations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Dans le Haut-Rhin, 19 000 places d'hébergement d'urgence sont ouvertes. Nous agissons tous les jours.
Bien sûr…
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Depuis plusieurs mois, le thème de la hausse des prix de l'énergie s'impose dans cet hémicycle. Je me dois d'y revenir une fois encore, car la situation ne s'améliore pas. Ce week-end encore, des chefs d'entreprise m'interpellaient dans les rues du Neubourg, dans l'Eure, sur les difficultés qu'ils rencontrent à l'approche de Noël. Le boulanger est contraint d'éteindre un fourneau sur deux et le poissonnier de réduire son étal. Quant aux bouchers, vous les avez entendus la semaine dernière. Avez-vous, d'ailleurs, apporté une réponse satisfaisante à leurs revendications ?
Nombreux sont ceux qui attendent des mesures de protection mais n'en bénéficient pas. Ainsi, alors que la période des fêtes – d'habitude synonyme de hausse des ventes et d'embauche de personnel – approche à grands pas, ces hommes et ces femmes qui font vivre les territoires grâce à leurs commerces de proximité sont contraints de revoir leurs calculs prévisionnels à la baisse.
De nombreux gérants m'ont ainsi confié qu'il leur sera impossible d'engager de nouvelles recrues, comme ils le font généralement à cette période de l'année. Pire encore, certains envisagent de mettre une partie de leurs salariés en activité partielle. La hausse des coûts de l'électricité oblige les gérants de PME (petites et moyennes entreprises) et de TPE (très petites entreprises) à réduire leur activité, ce qui entraîne des pertes de chiffre d'affaires et affecte les employés.
Alors, vous qui avez de grands projets pour l'emploi en France, qui prétendez repousser l'âge de départ à la retraite et qui entendez diminuer la durée d'indemnisation perçue au titre de l'assurance chômage, que proposez-vous pour aider les commerçants à faire face à ce énième problème – celui de l'emploi et de sa préservation – en cette période charnière de l'année et en pleine crise énergétique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme.
Merci pour vos questions. Elles sont nombreuses – cela tombe bien : celles des commerçants et des artisans le sont également. Vous m'avez posé des questions précises. Je ne me contenterai donc pas de lire mon papier et vous répondrai précisément à mon tour.
Ai-je reçu les bouchers au cours des trois derniers mois ? Oui, madame ! Avons-nous étudié dans le détail leurs factures pour analyser la réalité des faits et constater que l'augmentation du prix du mégawattheure ne se répercutait pas toujours telle quelle sur la facture ? Oui. Ces factures sont en effet compliquées à lire – je le dis d'autant plus volontiers que j'éprouve moi-même parfois des difficultés à les comprendre.
Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.
Je mets au défi chacune et chacun d'entre vous de lire ces factures avec dextérité ! C'est le propre de l'action plutôt que de la parole : lorsque l'on se penche réellement sur les situations individuelles, on comprend que les augmentations subies sont complexes à analyser.
Que constate-t-on ? Qu'une partie des commerçants et des artisans sont aidés : les aides sollicitées sur la plateforme impots.gouv.fr commencent à être distribuées. Elles sont d'ailleurs au cœur des bons chiffres de l'emploi en France. Il ne vous aura pas échappé, puisque vous m'interrogez sur ce point, que nous continuons d'afficher de bons résultats en la matière, puisque le chômage continue de baisser, et que les PME jouent un rôle central dans les recrutements.
Il est vrai que beaucoup s'interrogent sur l'année 2023. Vous avez notamment évoqué les bouchers. Trouverons-nous des solutions ? Oui, madame ! Les ai-je reçus individuellement ? Oui, madame !
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
C'est d'ailleurs bien normal et vous devriez en faire de même : cela vous éviterait de faire parfois des erreurs lorsque vous décrivez leur situation. En réalité, ils sont plein de sang-froid et nous passerons ensemble la période hivernale.
Pour conclure, puisque vous avez mentionné la réforme de l'assurance chômage, j'ajoute que les commerçants et les artisans, qui sont confrontés à des difficultés de recrutement, n'ont qu'un mot sur cette question : merci.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Ils nous remercient de légiférer, d'être courageux et de faire enfin ce qu'ils attendent, c'est-à-dire condamner les abandons de poste, encourager les chômeurs à reprendre du boulot et leur fournir de la main-d'œuvre qu'ils peuvent embaucher. Voilà ce qu'ils veulent. C'est précisément ce que le Gouvernement s'efforce de faire.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Ce samedi 3 décembre, nous avons célébré la Journée internationale des personnes handicapées, créée il y a trente ans, en 1992, pour promouvoir la compréhension des enjeux du handicap et mobiliser en faveur de la dignité, des droits et du bien-être des personnes qui en sont atteintes.
Je suis particulièrement engagé sur deux questions : le handicap et l'égalité entre les femmes et les hommes. À l'occasion de la vingt-sixième édition de la Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées, deux enquêtes sérieuses ont été consacrées au vécu des femmes en situation de handicap ; elles montrent une situation inégalitaire systémique.
Près de 80 % des femmes en situation de handicap déclarent s'occuper des tâches domestiques et familiales elles-mêmes. La question dite de la charge mentale touche de nombreuses femmes en France. Celles qui sont en situation de handicap n'échappent donc pas à la règle.
À cette inégalité systémique, il faut ajouter ce que révèlent également ces deux études sur les violences subies au sein du couple. Une femme handicapée sur quatre – j'insiste sur ce chiffre, bien supérieur à celui mesuré auprès de l'ensemble des femmes mais aussi auprès des hommes handicapés – indique avoir déjà subi des violences conjugales. Une femme handicapée sur cinq déclare avoir déjà été violée – une sur cinq : là encore, nous sommes au-dessus du chiffre mesuré auprès de l'ensemble des femmes, et qui s'élève à une sur dix. La vulnérabilité physique, psychologique et économique des femmes en situation de handicap les expose donc encore davantage aux comportements de prédation.
Madame la ministre déléguée, quel est votre sentiment à propos de ce problème ? Quelles réponses allez-vous apporter pour mieux protéger les femmes en situation de handicap et poursuivre notre chemin vers une égalité effective ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
Je vous remercie tout d'abord de mettre en lumière la question du handicap, notamment sur les femmes en situation de handicap, mais aussi sur les violences faites à ces femmes et sur l'égalité entre les sexes.
Oui, les femmes en situation de handicap sont deux fois plus nombreuses que les autres à être victimes de violences sexuelles. C'est glaçant. Oui, être une femme en situation de handicap constitue une double peine. Je ne peux – et nous ne pouvons – l'accepter.
Avec Isabelle Rome, notre travail consiste non seulement, bien sûr, à favoriser leur accès aux droits communs – et c'est heureux – mais aussi à déployer des mesures concrètes sur le terrain.
La prévention et la détection des violences exigent que nous allions vers ces femmes trop souvent exclues des parcours traditionnels, par exemple en améliorant leur suivi gynécologique. Un travail de sensibilisation au sujet de la vie affective et sexuelle et de la question du consentement et de la violence est mené. La formation des professionnels des secteurs médico-social et sanitaire dans le domaine des luttes contre les violences, afin de leur apprendre à détecter les signaux et à repérer les situations de violence, est absolument essentielle.
Le dispositif Handigynéco, déployé dans trois régions, répond à ces préoccupations. Je souhaite profondément qu'il soit généralisé dans le pays. Par ailleurs, l'égalité entre les hommes et les femmes passe bien sûr par l'accès à l'autonomie. La déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), que vous avez votée cet été, va dans ce sens.
Nous devons également veiller à l'égal accès à la formation et à l'emploi. En devenant autonomes, les femmes en situation de handicap, comme toutes les femmes, seront plus indépendantes et plus en sécurité.
En France, en théorie, la justice spécifique des mineurs ne fait jamais référence à la nationalité des enfants. Pourtant, force est de constater que les mineurs non accompagnés (MNA) ne sont pas traités de la même manière que les autres. La principale préoccupation des autorités est de démasquer les faux mineurs, soupçonnés de vouloir indûment profiter de l'aide à l'enfance.
Après un parcours migratoire traumatisant, ils croient arriver au pays des droits de l'homme mais découvrent celui de Kafka. Ils doivent prouver leur âge mais on remet en cause la validité de leurs papiers. S'ils les ont perdus durant leur périple, on les empêche de se mettre en lien avec leurs familles. À chaque refus de minorité, ils sont remis à la rue par l'État français, livrés à eux-mêmes.
À Ivry-sur-Seine, ils sont 500 dans un campement qui comprend cinq toilettes et six robinets d'eau. Depuis vendredi, 300 d'entre eux se sont installés devant le Conseil d'État, dans le froid et toujours en attente d'hébergement, 12 ont dû être évacués par les pompiers.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Malgré les demandes des élus locaux, le préfet, sans proposer de solution d'hébergement pérenne, a donné l'ordre d'évacuation.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Celle-ci aurait lieu demain, au petit matin, de manière inhumaine, comme cette fameuse nuit de novembre 2020 place de la République.
Le Comité des droits de l'enfant, mandaté par l'ONU, a ouvert une enquête sur la prise en charge des MNA en France. Madame la Première ministre, prenez l'engagement solennel, devant la représentation nationale, que votre gouvernement coopérera de manière transparente avec ce comité dans le cadre de cette enquête.
Quand prendrez-vous les mesures qui s'imposent pour que la France respecte la Convention internationale des droits de l'enfant qui édicte la présomption de minorité ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Combien de temps l'État laissera-t-il ces jeunes à la rue et dans le froid ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES ainsi que sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES et SOC.
Le principe de présomption de minorité est totalement respecté dans notre pays. L'idée selon laquelle un mineur doit être protégé lorsqu'il est isolé sur notre territoire est un principe établi par la Convention internationale des droits de l'enfant ; elle est au cœur de notre action, laquelle est guidée par l'intérieur supérieur de l'enfant.
Cependant, nous le savons, des personnes se prétendant mineures non accompagnées alors qu'elles sont majeures s'engouffrent dans ces dispositifs destinés aux enfants et viennent demander protection. C'est une réalité que vous ne pouvez nier. Nous ne pouvons concevoir que, dans nos structures d'accueil, des majeurs côtoient des mineurs – car ces derniers doivent être protégés.
Notre dispositif, très clair, prévoit que les départements sont chargés d'évaluer la minorité.
Il ne s'agit pas d'un dispositif migratoire. La responsabilité relève du département et – s'ils sont saisis – des juges des enfants. Le principe de minorité est respecté, tout comme les droits fondamentaux des enfants. Ces derniers sont protégés, dès lors qu'ils sont bien des enfants et non des personnes majeures.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Madame la secrétaire d'État, vous esquivez. Faudra-t-il attendre qu'il y ait des morts pour que vous réagissiez ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Il est trop facile de se livrer à ce type d'accusation. Les départements de France hébergent 18 000 mineurs chaque année. Notre pays en accueille aujourd'hui près de 100 000. Nous avons même pris des dispositions pour qu'ils soient protégés jusqu'à l'âge de 21 ans.
Les mineurs non accompagnés sont protégés en France. Nous leur assurons la protection internationale exigée par les conventions.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il faudrait des gens qui connaissent les dossiers !
Monsieur le ministre de la santé et de la prévention, nous sommes confrontés, en ce début d'hiver, à une triple épidémie : de covid, de grippe et – à un niveau sans précédent depuis dix ans – de bronchiolite. Elle touche tous les Français, met sous forte tension notre système de santé et éprouve une nouvelle fois nos soignants.
Un Plan blanc national en réponse à l'épidémie de bronchiolite a été déclenché le 10 novembre dernier et décliné dans de nombreux établissements et territoires, singulièrement dans l'Ouest de la France, comme en Ille-et-Vilaine. Nous souhaitons tous passer des fêtes de fin d'année sûres et sereines, en protégeant nos proches, nos anciens et les plus fragiles autour de nous.
Nous avons été unanimement solidaires autour de nos soignants depuis le début de la pandémie de covid-19. Nous n'avons pas changé et portons une responsabilité collective pour nous protéger et soulager nos soignants, auxquels je veux rendre ici un hommage appuyé.
Il n'est pas inutile de rappeler, d'abord, que la vaccination est efficace pour se prémunir des formes graves de covid-19 comme de grippe. Cependant, ma question porte sur les gestes barrières et en particulier sur le port du masque. Ce geste simple, comme le lavage des mains, nous protège, protège les autres et réduit drastiquement les risques de transmission. Pourtant, nous sommes trop nombreux à le délaisser, bien souvent parce que nous avons perdu le réflexe d'avoir un masque à portée de main.
Ne peut-on sensibiliser davantage, au moyen de campagnes à la télévision, à la radio et dans les médias en général, sur l'utilité de porter le masque ? Vous l'avez dit, vous n'aurez pas la main tremblante s'il vous faut prendre vos responsabilités. N'est-il donc pas temps de rendre obligatoire le port du masque dans les transports en commun, au travail ou dans les centres commerciaux
Soupirs et « non ! » sur plusieurs bancs des groupes RN et LR
Vous avez raison, la covid-19 continue de circuler et de tuer, chaque jour, des personnes, fragiles ou non, dans notre pays. Au cours de ces derniers jours, le taux d'incidence a augmenté de 40 %, ce qui prouve que le virus repart à la hausse. Vous l'avez rappelé, cela intervient dans un contexte nouveau puisque nous sommes confrontés à une triple épidémie. S'agissant de la bronchiolite, nous n'avons pas encore atteint le sommet de l'épidémie. Venue de l'ouest du pays, la grippe, actuellement en phase pré-épidémique, touche actuellement plus de la moitié du territoire national. À cela s'ajoute donc une reprise de l'épidémie de covid-19.
En outre, les circonstances sont particulières puisque notre système de santé est en difficulté, à bout de souffle, comme je l'ai déjà dit,…
…ce qui est loin de faciliter les choses.
La situation actuelle est d'autant plus insupportable que nous avons les moyens de nous protéger, de protéger les Français. Je pense tout d'abord à la vaccination, laquelle reste notre arme de protection massive face aux virus, en particulier la grippe et le covid. On y a recours de manière insuffisante, puisque, s'agissant de la covid-19, elle est de l'ordre de 20 % pour les plus de 80 ans et de 80 % pour les 60-80 ans, un résultat très en deçà de ceux que nous avons atteints lors des campagnes précédentes. Les chiffres de la vaccination contre la grippe pour ces mêmes publics sont également inférieurs à ceux de l'an dernier. Or ce sont ces personnes qu'il faut d'abord protéger car elles sont les plus fragiles.
Pour être parfaitement clair, je tiens toutefois à rappeler que toute personne qui le souhaite peut se faire vacciner. Il est important que les plus fragiles soient vaccinés les premiers mais d'autres personnes, en particulier leur entourage, doivent également se faire vacciner pour les protéger.
Au-delà de la vaccination, les gestes barrières, comme le lavage des mains ou le port du masque, protègent contre ces trois virus, contre ces trois épidémies.
Les Français savent se laver les mains ! Arrêtez de les infantiliser, bon sang !
Ils sont essentiels. J'invite les Français à porter le masque de façon systématique dans tous les lieux où il y a de la promiscuité, pour se protéger et être solidaires des soignants.
Mme Sabrina Agresti-Roubache applaudit.
La pollution durable par le chlordécone en Guadeloupe et en Martinique constitue, selon les termes mêmes du plan Chlordécone IV du Gouvernement, « par son ampleur et sa persistance dans le temps, un enjeu sanitaire, environnemental, agricole, économique et social pour les Antilles ».
Force est de constater qu'il s'agit aussi, désormais, d'un scandale judiciaire. En effet, le 24 novembre dernier, après seize années de bataille juridique, le parquet de Paris a requis un non-lieu dans l'affaire du crime nommé chlordécone. Dans ce dossier, le ministère public – donc le Gouvernement – préconise le silence et l'impunité sous couvert de non-lieu. La boucle est donc bouclée : la justice ne peut condamner l'État et l'État demande à la justice d'absoudre les divers responsables de ce crime d'empoisonnement.
La justice et le Gouvernement, ce n'est tout de même pas la même chose !
De ce jeu de couverture réciproque se dégage un fort sentiment de mépris à l'égard des peuples empoisonnés de Martinique et de Guadeloupe, dont les populations, selon Santé publique France, seraient contaminées à plus de 90 %. Cette fois, à la différence de l'affaire du sang contaminé, il n'y a même pas de « responsable, mais pas coupable » alors que près de un demi-million de personnes demeurent empoisonnées. Pour vous, cela ne semble pas grave. Il est vrai que je vous parle des Antilles, où l'on a souvent le sentiment d'être encore au temps des colonies.
Mme Farida Amrani applaudit.
Ma question est simple : peut-on se satisfaire d'une responsabilité morale pour un empoisonnement de cette ampleur, sans que la justice passe ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Tout d'abord, il faut bien préciser que nous ne parlons pas d'une décision de justice définitive mais du réquisitoire d'un procureur de la République.
Quoi qu'il en soit, le Gouvernement ne commente pas les positions de la justice. Nous respectons son indépendance, notamment dans les Antilles.
En revanche, il m'appartient de rappeler que le Président de la République est le premier à avoir reconnu la responsabilité de l'État dans la pollution par le chlordécone.
Sous son impulsion, des avancées fortes ont été obtenues : reconnaissance du cancer de la prostate comme maladie professionnelle ouvrant droit à indemnisation, analyse gratuite du taux de chlordécone dans le sang pour toute la population ou encore analyse gratuite des sols pour les agriculteurs et les particuliers.
Grâce aux travaux de recherche, la teneur de chlordécone dans le sang a pu être réduite par deux en six mois. De plus, notons l'accompagnement des agriculteurs et des particuliers pour cultiver des produits sains, y compris sur les terres contaminées. Tout ceci est en cours : ces avancées ont été présentées lors d'une réunion que j'ai présidée avec ma collègue Firmin Le Bodo, le 4 novembre. Mais il fallait y être, monsieur le député !
Le colloque scientifique et les rencontres Chlordécone qui se dérouleront la semaine prochaine en Guadeloupe et en Martinique seront l'occasion de nouveaux échanges constructifs. Sur ce sujet comme sur tant d'autres, arrêtons, je vous en prie, les polémiques inutiles.
Protestations sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Avançons au profit des populations antillaises. Je sais pouvoir compter sur vous quand vous le voulez.
Mêmes mouvements.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, je suis aujourd'hui la porte-parole d'une professeure de lycée de Montauban, dans le Tarn-et-Garonne, mon département. Elle a tenté, avec ses collègues, de faire respecter la loi sur la laïcité face à des élèves portant des abayas, ou des voiles, selon les moments.
Victime depuis de menaces, voici quelques lignes extraites de sa lettre : « Aujourd'hui, l'école républicaine mène la bataille la plus cruciale de son histoire : face à l'hydre islamiste, les enseignants de ce pays sont seuls, lâchés par la hiérarchie et, pire que tout, méprisés par ceux-là même qui fournissent des circulaires et des protocoles leur expliquant comment tenir la tranchée quand eux désertent le champ de bataille. Accepter et tolérer la multiplication des particularismes – culturels comme cultuels – dénature l'esprit de la laïcité car l'école devient aujourd'hui un espace de ségrégation pour ceux qui appliquent le droit à la ressemblance. »
Ces mots, monsieur le ministre, je les fais miens.
Après les paroles, il est grand temps de passer aux actes. Cette professeure a subi des pressions ; elle est désespérée au point d'avoir perdu la vocation et se trouve aujourd'hui en arrêt maladie. Et son cas n'est malheureusement pas isolé ! L'offensive du communautarisme islamiste s'est considérablement accélérée depuis la rentrée de septembre, et vous le savez ! Qu'attendez-vous alors pour agir ? Ne me répondez pas qu'elle doit porter plainte, car porter plainte n'a pas évité la mort à M. Samuel Paty.
Approbation sur plusieurs bancs du groupe RN. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
Combien de Samuel Paty faudra-t-il pour que vous preniez la mesure de la situation ?
Protestations sur les bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre, ma question est simple : qu'envisagez-vous pour faire respecter la laïcité dans nos écoles et assurer la protection fonctionnelle des agents publics qui tentent de la défendre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Les chiffres de signalement des atteintes à la laïcité pour le mois de novembre ne sont pas encore tout à fait consolidés, mais je peux vous indiquer que les premiers éléments marquent une baisse extrêmement conséquente.
Je tiens à rappeler que face à l'augmentation des chiffres au mois d'octobre, j'ai mis en place un plan Laïcité reposant sur quatre axes : premièrement, la sanction systématique mais graduée des comportements répréhensibles des élèves concernés ; deuxièmement, la protection et le soutien apportés au personnel, y compris en matière de dépôts de plainte, dans le cadre de la protection fonctionnelle ; troisièmement, l'appui aux actions des chefs d'établissement ; enfin, le renforcement de la formation des personnels. Voilà des mesures concrètes qui sont basées sur un triptyque : le dialogue, la sanction et, si nécessaire, la protection. C'est une méthode qui a prouvé son efficacité.
Ainsi, au lycée Bourdelle, à Montauban, que vous citez, alors qu'une vingtaine d'élèves venaient en abaya au début de l'année scolaire, il n'y a plus que deux situations problématiques, et elles sont en voie de résolution. C'est grâce au dialogue mais aussi aux sanctions lorsque le dialogue avec les élèves et les familles n'a pas suffi. Ma méthode, je le redis : c'est l'application stricte de la loi de 2004. Nous devons trouver les voies et les moyens pour maintenir les élèves dans la République. C'est le rôle de l'école comme du ministère de l'éducation nationale.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Vous venez de le dire, monsieur le ministre : des problèmes perdurent. Les actions menées par votre ministère ne sont pas suffisantes. Il faut prendre des mesures supplémentaires. Vous serez jugé sur vos résultats, monsieur le ministre.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Je viens de vous indiquer, madame la députée, que l'on observe une baisse significative des atteintes à la laïcité au mois de novembre, en particulier pour ce qui concerne le port de vêtements ou de signes à intention religieuse. Mais, voyez-vous, la laïcité est une liberté, c'est l'émancipation par le savoir ; elle n'est pas faite pour des effets de manche politiciens.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe HOR.
Madame la Première ministre, vous soumettez au Parlement régulièrement des textes sur l'énergie, mais ce ne sont toujours que des dispositifs d'ajustement ; vous n'apportez jamais réellement de vision d'ensemble, vous ne fixez jamais vraiment de cap clair. Plus que des doutes aujourd'hui, les députés du groupe Les Républicains ont des craintes.
En effet, il y a deux semaines, lors de votre déclaration sur la politique énergétique de la France, vous avez indiqué travailler à identifier les réacteurs nucléaires qui seront fermés à l'âge de 50 ans. Or pour tenir dans les décennies qui viennent, il faudra pourtant tout mettre en œuvre pour maintenir notre parc nucléaire au-delà de l'âge de 60 ans. Les annonces que vous avez formulées laisse craindre que vous n'ayez pas changé de cap par rapport à la programmation pluriannuelle de l'énergie que vous avez fait voter lorsque vous étiez ministre de l'écologie, et qui prévoyait la réduction à 50 % de la part du nucléaire dans notre mix électrique.
Madame la Première ministre, confirmez-vous que vous avez bien pris en compte le discours de Belfort du candidat Macron et donc changé d'avis par rapport à 2019 ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La vision d'ensemble de notre politique énergétique, vous la connaissez, monsieur le député, puisqu'elle a clairement été exprimée lors d'un débat qui a été mené au Parlement par la Première ministre.
Elle a également été clairement exprimée, vous l'avez souligné, par le Président de la République dans le discours de Belfort du 8 février dernier. Elle repose sur un triptyque.
Premier objectif : la sobriété et l'efficacité énergétique. Il s'agit de diminuer notre consommation d'énergie finale. C'est un objectif que nous assignent notamment les experts du climat : 40 % de réduction, c'est le scénario RTE – Réseau de transport d'électricité.
Deuxième objectif : développer massivement les énergies renouvelables parce que ce sont celles dont nous aurons besoin dans les années qui viennent, parce qu'elles peuvent être rapidement développées, parce qu'elles sont bas-carbone et parce qu'elles sont compétitives en prix, ce qui permettra de baisser le prix de l'énergie que payent les Français et les entreprises établies sur notre territoire.
Troisième objectif : relancer la filière nucléaire. Il n'y a aucune ambiguïté sur ce sujet.
Vous savez bien que le débat concernant la mise en place de deux nouveaux réacteurs à Penly est lancé. Vous savez également que nous travaillons avec le nouveau patron d'EDF afin qu'il anticipe d'ores et déjà la mise en œuvre de mesures d'excellence opérationnelle sur le parc existant pour augmenter la production d'électricité en réduisant le délai de maintenance opérationnelle – il est possible de gagner trois à quatre semaines dans les trois années qui viennent – mais également qu'il allonge, à la fois le plus possible et en sécurité – ces deux éléments comptent –, l'exploitation des cinquante-six réacteurs aujourd'hui en fonctionnement. Et c'est bien ce que la Première ministre vous a indiqué lors du débat sur la politique énergétique. Construire de nouveaux réacteurs sera notre proposition lors du débat parlementaire sur la loi relative à l'énergie et au climat qui aura lieu l'année prochaine.
Il n'y a pas l'once d'une ambiguïté en la matière !
Il est toujours difficile de discuter du mix énergétique avec une ministre chargée de l'énergie qui a été dessaisie de 40 % du sujet dans le décret d'attribution de ses compétences. Je le regrette.
Vous n'avez pas levé le flou sur la question de l'avenir du parc nucléaire et à quel âge le Gouvernement prévoit de fermer les réacteurs existants. La Première ministre, lors du débat, a laissé entendre que certains pourraient être fermés à l'âge de 50 ans, alors que nous devons tout faire pour les faire monter au moins à 60 ans.
Pour le reste, la réalité est qu'au moment où notre pays a absolument besoin d'électricité, les éoliennes ne tournent ces derniers temps qu'à hauteur de 2 %, autrement dit quasiment rien, alors qu'il fait froid, alors qu'il faut non seulement éclairer mais aussi chauffer les Français !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe RN.
Madame la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, hier, lundi 5 décembre, est entré en vigueur l'embargo sur le pétrole russe décidé par les pays membres de l'Union européenne. Cette sanction inédite, couplée à la décision des États européens, du G7 et de l'Australie de plafonner le prix du baril de pétrole russe, doit permettre de porter un coup décisif à l'effort de guerre russe. Ce plafonnement affectera encore plus durement les revenus de la Russie tout en stabilisant les prix de l'énergie, ce qui profitera à tous les États confrontés à des prix du pétrole élevés. Cette décision est un juste équilibre et envoie un signal nécessaire. Il est en effet intolérable que les responsables de ce conflit soient également des profiteurs de guerre.
Alors que la semaine dernière notre majorité a voté d'une seule voix pour une résolution soutenant l'Ukraine et condamnant l'agression russe, l'application de la sanction d'embargo témoigne aussi que nous nous tenons, comme depuis le premier jour, aux côtés de l'Ukraine au moment où sa souveraineté est bafouée.
L'application d'une telle mesure, nous en avons tous conscience, n'est pas sans représenter un défi. Toutefois, l'Union européenne a déjà prouvé sa détermination à renforcer son indépendance énergétique, notamment vis-à-vis des énergies fossiles russes, tout en maintenant son ambition écologique, comme le démontre la mise en action du plan REPowerEU.
Madame la ministre, quel impact auront selon vous ces mesures sur le pouvoir de nuisance de la Russie ? Quelles autres sanctions peuvent être envisagées, en concertation avec nos alliés, afin d'empêcher la Russie d'engranger les revenus nécessaires à son effort de guerre ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La parole est à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Merci de me permettre de revenir sur cet accord trouvé entre Européens, mais aussi avec nos partenaires du G7 et avec l'Australie, sur le plafonnement des prix du pétrole russe, qui vient ainsi compléter l'arsenal de sanctions déjà déployées en réaction à l'agression russe en Ukraine. Cette mesure utile contribuera à réduire fortement la capacité de la Russie à financer sa guerre en diminuant ses revenus tirés du pétrole. Cette mesure démontre une nouvelle fois la qualité de la coordination menée au sein du G7 pour sanctionner l'effort de guerre russe, pour sanctionner les profiteurs de guerre, vous l'avez dit, madame la députée.
L'Union européenne continue de travailler à de nouvelles mesures, après déjà huit paquets de sanctions qui pèsent sur le régime russe. Plusieurs options supplémentaires sont à l'étude, notamment la restriction d'exportation dans les domaines de la technologie, de la banque et des services, ainsi que de nouvelles désignations individuelles de responsables politiques, militaires et économiques russes qui soutiennent la guerre. Nous avons aussi déjà sanctionné des responsables impliqués dans les transferts de drones iraniens utilisés par la Russie en Ukraine, ainsi que des responsables biélorusses qui aident la Russie dans sa guerre d'agression. Nous continuerons à le faire. Tous ces points seront à l'ordre du jour du prochain Conseil des affaires générales qui se tiendra à Bruxelles lundi prochain. Rendez-vous le 12 décembre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Monsieur le ministre de la souveraineté industrielle, la semaine dernière, Emmanuel Macron est allé se plaindre à Joe Biden de l'Inflation Reduction Act (IRA), plan de 370 milliards de dollars de soutien à l'économie des États-Unis qui distord la concurrence avec l'Europe. En retour, il n'a obtenu que flatteries et vagues promesses. L'humiliation ! La France et l'Europe sont hors-jeu. Loin d'entraîner plus de solidarité occidentale, la guerre en Ukraine radicalise la compétition, comme le montre le prix exorbitant auquel les États-Unis nous vendent gaz et pétrole.
Les États-Unis sont un grand pays aux côtés duquel nous avons des défis à relever. Mais ils ne considèrent pas l'espace transatlantique comme exempt de compétition. Dans le capitalisme globalisé, la concurrence généralisée est en effet la règle et elle n'est jamais libre et non faussée.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI – NUPES.
Biden a raison de conditionner les aides publiques à la création d'emplois locaux, de relocaliser les productions pour réduire la vulnérabilité de son pays et de consacrer 80 milliards au renforcement de la lutte contre l'évasion et la fraude fiscale. Votre politique néolibérale et libre-échangiste s'en voit ringardisée, avec ses 140 milliards d'aides annuelles aux entreprises sans contrepartie ,
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Stéphane Peu applaudit également
avec son plan de relance européen qui n'aura fait que gaver la finance, avec son refus de tout protectionnisme, avec son obsession des équilibres budgétaires alors même que cela gonfle la dette contre laquelle vous prétendez lutter.
Il est urgent de changer, et non de demander à Biden de le faire. Notre avenir industriel, l'emploi, et notre indépendance énergétique, sanitaire et stratégique sont en jeu. Nous ne devons être dépendants ni des États-Unis, ni de la Russie, ni de la Chine, ni de quiconque.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Quand travaillerez-vous à la mise en place d'un protectionnisme écologique et social européen ? Seriez-vous prêts à désobéir aux traités européens en instaurant ce protectionnisme en France ? N'attendons pas une illusoire autorisation de la Commission européenne ou de l'Allemagne. L'avenir du peuple français est en jeu.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Stéphane Peu applaudit également.
La visite du Président de la République à Washington la semaine dernière est historique et exceptionnelle, d'abord parce que c'est la première fois qu'un président français se rend deux fois en visite d'État aux États-Unis, ensuite parce que c'était la première visite d'État du mandat du président Joe Biden, enfin parce qu'elle a permis d'affirmer une fois encore – même si cela constitue peut-être pour vous un désagrément – une amitié forte, solide, historique, inscrite dans le passé et dans l'avenir, entre nos deux nations, les États-Unis d'Amérique et la France.
Elle a permis aussi, et vous le savez, un échange franc, honnête et transparent…
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
…sur les enjeux de la compétition internationale et du soutien apporté aux industries française, européenne et américaine par nos deux États.
Elle a enfin permis d'affirmer que la compétition juste et loyale entre deux amis était à l'ordre du jour. Le président Joe Biden l'a dit et il a eu l'occasion de réaliser combien l'IRA avait pu inquiéter les Européens. Il a répété que l'IRA ne devait en aucun cas être considéré comme une menace pour l'industrie européenne, mais qu'il constituait une réponse réelle et ambitieuse aux mesures de protection prises par d'autres pays, dont certains que vous avez souvent tendance à soutenir.
Murmures sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Comme vous le savez, le Président de la République et Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ont affirmé que notre politique de soutien à l'industrie européenne allait se poursuivre dans une logique de décarbonation et de conditionnalité – ce dont j'espère vous vous réjouissez : les 54 milliards d'euros du plan France 2030 qui accompagne l'industrie sur la voie de la décarbonation sont conditionnés à des efforts réels.
Vous viendrez parler de l'amitié franco-américaine quand les premières délocalisations vers les États-Unis auront lieu.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie – pour quinze secondes.
Sourires.
Quinze secondes pour rappeler que, sur la planète sur laquelle nous vivons, la réalité économique s'impose à tous.
Sur cette planète, l'amitié historique est essentielle, et le partenariat franco-américain a encore de beaux jours devant lui ,
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
ne vous en déplaise.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Laurent Croizier applaudit également.
Madame la Première ministre, nous connaissions la France des Lumières ; avec vous, nous aurons la France des bougies.
La circulaire que vous avez adressée aux préfets pour qu'ils se préparent à d'éventuelles coupures programmées de l'électricité scandalise nos concitoyens. Ces coupures, renommées pudiquement « délestages », concerneraient 60 % des Français sans faire la distinction entre des domiciles vides et des logements de personnes âgées dépendantes ou de familles avec des enfants en bas âge !
La circulation des trains, des métros ou des tramways pourra être interrompue, ce qui empêchera nos concitoyens d'aller au travail. Des écoles pourraient fermer pour qu'elles ne risquent pas de se retrouver sans chauffage, ni lumière, ni alarme, obligeant les parents à rester chez eux.
Comment notre pays peut-il se retrouver dans cette situation ? Nous pensions pourtant avoir tout vu avec votre gestion calamiteuse de la crise covid.
Ce week-end, dans mon département des Ardennes, j'ai rencontré des citoyens en colère parce que les téléalarmes et les téléphones fixes ne fonctionneront plus, parce que, sans leurs appareils médicaux connectés, les personnes hospitalisées à domicile seront en danger. En effet, le préfet ne pourra pas isoler un logement dans une zone dans laquelle l'électricité est coupée.
Concrètement, avez-vous pensé…
…aux milliers de personnes sous assistance respiratoire, aux porteurs d'un cœur artificiel dont il faut recharger les batteries, ou à nos concitoyens branchés à des pousse-seringues qui ne peuvent se passer d'électricité, sans oublier les dialysés à domicile ? Nos concitoyens doivent-ils investir dans des groupes électrogènes en urgence ?
La guerre en Ukraine a bon dos. En réalité, dix années de gestion Hollande-Macron…
…sont à l'origine cette situation inacceptable dans un pays comme le nôtre.
Madame la Première ministre, assumez vos erreurs et trouvez des solutions concrètes sans mettre nos concitoyens les plus fragiles en danger !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Bien au contraire, les Français sont rassurés de savoir que le Gouvernement est au travail pour préparer le passage de l'hiver dans les meilleures conditions.
Vives protestations sur les bancs du groupe LR.
Ils ont constaté qu'alors même que le principal fournisseur de gaz de l'Europe – soit 40 % du total – était défaillant, nous pourrons passer cet hiver sereinement…
Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.
…parce que nos stocks sont constitués et parce que nous avons anticipé cette situation aux niveaux national et européen.
Les Français savent que gouverner, c'est prévoir, et que prévoir c'est préparer des plans pour les situations les plus extrêmes. Lorsque l'on prépare un Plan blanc, lorsqu'on prépare un Plan rouge, on n'espère pas qu'un avion va s'écraser ou qu'un accident se produira ; on travaille pour anticiper le pire des scénarios, et c'est ce que nous faisons.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Dans le même temps, nous sommes à la manœuvre pour que ces délestages ne se produisent pas. Je vous renvoie aux prévisions de RTE qui sont très claires en la matière : ce scénario extrême n'interviendra qu'en ultime recours pour protéger notre système énergétique.
Grâce au Plan de sobriété énergétique, la consommation d'électricité corrigée des variations saisonnières a baissé de 7 % en deux mois. Nous continuerons aussi à travailler avec les grandes entreprises et avec les administrations en renforçant nos interconnexions européennes pour éviter les délestages.
Plutôt que d'affoler les Français, soyez à nos côtés pour travailler et faire en sorte que cet hiver se passe dans les meilleures conditions ! Ce serait la preuve de votre responsabilité. Voter le projet de loi relatif aux énergies renouvelables en serait une autre preuve.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Sourires.
L'ambition d'améliorer la qualité de vie dans les petites communes et les territoires ruraux a conduit au déploiement du programme Petites Villes de demain. Lancé par le Gouvernement en 2021 et animé par l'Agence nationale de la cohésion des territoires, il regroupe 1 646 communes de moins de 20 000 habitants et vise à renforcer les moyens des élus tout au long de leur mandat.
Les élus ont encouragé de nombreuses actions et les premières réalisations concrètes sont visibles. La mise en place des stratégies de territoire est en voie d'achèvement et la priorité doit aujourd'hui être donnée à la recherche du plus grand impact possible sur la qualité de vie des habitants ainsi que sur la transition écologique. Pourriez-vous nous indiquer les différents axes de développement du programme attendus en ce sens en 2023 ?
La qualité de vie des habitants de ces petites villes repose également désormais sur un aspect d'une importance capitale et grandissante : la sécurité. C'est dans ce but que la gendarmerie et la police nationales ont adopté des stratégies locales qui favorisent le contact entre les forces, les élus et la population. C'est dans cet esprit que les brigades de gendarmerie et les groupes de police agissent quotidiennement au service de la sécurité de tous.
En lien étroit avec les services de l'État, il est de la responsabilité du maire de s'assurer du « bon ordre, de la sûreté, de la sécurité et de la salubrité publique », mais aussi de la prévention de la délinquance. Je me permets donc de vous poser une seconde question, madame la ministre déléguée : pourriez-vous nous indiquer les différentes dispositions et mesures choisies afin de permettre aux maires d'assurer ces fonctions essentielles à la vie de leurs citoyens ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Monsieur le député, je vous remercie de placer sous la lumière un programme important voulu par l'État au service de nos territoires : le programme Petites Villes de demain. Lancé en octobre 2020 pour améliorer la qualité de vie des habitants des centralités de moins de 20 000 habitants et des territoires ruraux, ce programme, vous l'avez dit, a d'ores et déjà permis de nombreuses avancées, comme le recrutement, financé à 75 % par l'État, de 870 chefs de projet – si précieux dans les petites communes pour réfléchir à des projets de territoire mais aussi au lancement de nombreuses actions dont les résultats sont déjà visibles.
Le programme Petites Villes de demain, c'est 1 646 communes et 834 millions d'euros engagés – soit 28 % des 3 milliards d'euros prévisionnels. Il est vrai que le programme en est encore à sa phase de démarrage. Je travaille actuellement sur les leviers permettant de le renforcer et de l'accélérer dans tous les territoires, y compris les plus ruraux, pour tirer pleinement profit des quatre années restantes, le programme arrivant à échéance en 2026.
J'aurai à cœur de réunir l'ensemble des parties prenantes afin d'affirmer les nouvelles priorités du programme, parmi lesquelles figurera en bonne place l'accompagnement à la transition écologique et énergétique. Je renforcerai aussi le rôle d'accompagnateur de l'État local qui devrait favoriser la concrétisation des projets des collectivités. Je sais que les attentes sont fortes en la matière ; nous y répondrons, en concertation avec l'ensemble des parties prenantes.
Je suis, comme vous, monsieur le député, convaincue que la qualité de vie et le développement territorial des petites villes passent également par la prévention et la sécurité. Il s'agit d'une question essentielle pour nos élus locaux comme pour nos compatriotes. C'est ce que nous promouvons avec les contrats de sécurité dans lesquels se sont engagés à ce jour 135 communes qui déclinent localement une stratégie sur mesure entre l'État et la commune.
Il me semble important de souligner notre ambition tant pour Petites Villes de demain qu'en matière d'accompagnement des communes dans leur stratégie de sécurité. Ces deux volets de notre action constituent de parfaits exemples de la méthode de travail partenariale chère au Gouvernement, méthode qui guidera mon action dans les semaines et les mois à venir.
Mme Géraldine Bannier et M. Jean-Pierre Cubertafon applaudissent.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
« Je veux vous rassurer. Il n'y a aucun risque de coupure d'électricité parce que, quand il y a des besoins, on s'approvisionne sur le marché européen. » Ces mots ont été prononcés par le Président de la République lui-même, en juin dernier, devant l'ensemble de la presse quotidienne régionale réunie pour l'occasion. Comme une mauvaise habitude qui peine désormais à nous étonner, les faits et décisions prises par l'exécutif viennent contrarier les propos tenus quelques mois plus tôt par ce même exécutif.
Cette situation pourrait prêter à sourire si elle ne concernait pas directement le quotidien des Françaises et des Français. Hélas, ce que ces derniers redoutaient est désormais une réalité : des délestages pourront avoir lieu au mois de janvier.
Monsieur le ministre, il y a quelques jours, vous confirmiez que les écoles et établissements scolaires seraient concernés par ces coupures d'électricité et qu'ils seraient amenés à fermer par demi-journée.
Après les effets désastreux provoqués par la fermeture de ces établissements lors de la crise sanitaire, nous souhaitons aujourd'hui vous alerter sur la nécessité de les maintenir ouverts, au même titre que les structures dites critiques, catégorie dont ils devraient évidemment relever. L'éducation ne peut pas continuellement être la variable d'ajustement des crises successives que nous traversons.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Christophe Bex applaudit également.
Ces fermetures risquent d'avoir une incidence néfaste sur le rythme scolaire, qui sera déstabilisé, et sur la santé, y compris mentale, des élèves. Elles auront également des conséquences économiques préjudiciables pour les familles, notamment les plus modestes, en matière de garde d'enfant, de surcoût des factures d'énergie ou de restauration en cas de fermeture des cantines.
De manière sous-jacente, elles remettent aussi en question le travail des femmes puisque, vous le savez, ce sont elles qui, en majorité, resteront à domicile pour garder les enfants.
Enfin, nous souhaitons également dénoncer la méthode du Gouvernement. Elle est critiquée par des syndicats qui n'ont pas été consultés en amont, et elle place la communauté éducative devant le fait accompli.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Monsieur le ministre, vous l'aurez compris, les inquiétudes et interrogations sont nombreuses, tant pour les familles que pour les collectivités locales qui vont devoir mettre en œuvre ces mesures. Ma question est donc simple : que comptez-vous faire pour apaiser les tensions engendrées par ces délestages ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Compte tenu du nombre et de la densité d'écoles et d'établissements scolaires, il est impossible de les préserver a priori d'une éventuelle coupure d'électricité car cela rendrait tout délestage impossible. Une règle nationale a donc été décidée : si la coupure est programmée le matin entre huit et dix heures ou bien entre dix heures et midi, l'établissement scolaire concerné sera effectivement fermé le matin – cela n'est pas lié au chauffage mais à une question de sécurité car les systèmes de sécurité incendie sont électriques. Sans électricité, pas de sécurité. Voilà la raison principale !
Je le répète, nous ne sommes absolument pas dans la même situation qu'à l'époque du covid : les coupures d'électricité peuvent ne pas arriver – c'est seulement une éventualité qu'il faut raisonnablement envisager ; si elles surviennent, ce sera de manière ponctuelle et dans tous les cas pour une durée limitée à deux heures.
Et les parents qui doivent aller au travail ? Qui va garder les gamins ?
Nous nous tenons prêts, si jamais une coupure d'électricité devait se produire dans des zones spécifiques : cela s'appelle le principe de précaution.
Si une coupure d'électricité s'avérait nécessaire, nous prendrions le soin, trois jours avant, de prévenir les familles que nous entrons en « zone rouge ».
La veille, les familles et les élèves seraient tenus informés à dix-sept heures. Nous saurons quelles écoles et quels établissements scolaires seraient privés d'électricité.
Brouhaha sur les bancs des groupes LR et LFI – NUPES.
Là encore, cela s'appelle le principe de précaution. Je vous rappelle que, chaque année, des dizaines d'écoles et d'établissements scolaires ferment de manière inopinée, par exemple à la suite d'une chute de neige. C'est ce type d'informations que nous voulons fournir aux familles de manière raisonnable, sans leur faire peur.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures quinze.
L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement relative à la politique de l'immigration, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution.
La parole est à Mme la Première ministre.
Le sujet dont nous nous apprêtons à débattre est essentiel. Il est l'objet d'interrogations, de discussions et, parfois, de passions. Parler d'immigration, c'est parler de trajectoires personnelles ou familiales ; c'est aussi parler de nos valeurs, de notre droit et de notre histoire. Notre pays a toujours accueilli, toujours intégré, toujours délivré des titres de séjour. Il a connu des périodes d'arrivée parfois plus marquées, parfois moins soutenues.
La France est, et restera, fidèle à sa tradition d'asile…
…mais il est légitime de se poser des questions sur notre politique migratoire : qui veut-on, qui peut-on accueillir ? Qui ne veut-on pas, qui ne peut-on pas accueillir ?
Débattre de l'immigration, ce n'est pas se limiter à un seul sujet. La question renvoie en effet aux causes profondes des mouvements migratoires, à l'efficacité des politiques de développement pour lutter contre la pauvreté ou contre les conséquences du changement climatique et à l'indispensable coopération avec les pays d'origine et de transit. Elle est liée à nos frontières et à la manière dont nous devons les faire respecter. Elle interroge l'efficacité de nos procédures juridiques et de notre droit. Elle soulève la question centrale de l'intégration.
Dans quelques semaines, le Gouvernement présentera un texte sur notre politique migratoire. Les ministres reviendront dans un instant sur ses principes directeurs. Pour construire ce projet de loi, plusieurs ministres sont en effet mobilisés et une large concertation, que j'avais annoncée dès cet été, est en cours. Elle est conduite par le ministre de l'intérieur avec l'appui de la secrétaire d'État à la citoyenneté. Le ministre du travail s'y est également engagé pour discuter des mesures concernant son champ. Nous voulons que le futur texte étende les améliorations de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, la loi « asile et immigration », votée lors du premier quinquennat. Nous voulons qu'il adapte notre droit aux évolutions et aux défis actuels de la question migratoire. En un mot, nous visons l'efficacité, les mesures utiles et les effets concrets. Nous ne cherchons pas à cliver ou à multiplier des mesures uniquement symboliques. Ce texte sera équilibré. Nous restons fidèles à nos valeurs et à notre volonté d'intégrer, mais on ne peut intégrer dignement que si notre droit est fermement respecté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Il me paraissait donc important, essentiel même, de venir, comme je m'y étais engagée, devant la représentation nationale pour vous présenter des faits et des orientations, et pour en débattre avant de mettre la dernière main au projet de loi.
Je me dois de présenter des faits car ce débat ne peut reposer sur des impressions ou des peurs. Je le dis d'emblée, l'immigration zéro n'est ni souhaitable, ni possible, et pas plus réaliste qu'une immigration dérégulée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Ces promesses illusoires sont mensongères, démagogiques et dangereuses.
Au cours des douze derniers mois, on a vu foisonner, particulièrement à l'extrême droite, des contre-vérités et des propos indignes. La fermeté, ce n'est pas la haine de l'autre ; le respect de nos frontières, ce n'est pas le repli ; l'intégration pleine et entière de ceux que nous accueillons, c'est le devoir de notre pays.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Nous aurons des désaccords, c'est la démocratie, mais ces désaccords doivent émerger des faits.
Commençons donc par les faits.
Oui, il existe une immigration légale. Je le dis car certains semblent l'oublier.
Cette immigration légale, ce sont les salariés qualifiés ou encore les personnes que les Françaises et les Français ont choisi d'épouser. J'entends souvent dire que le nombre de titres délivrés a progressé. C'est juste, mais je précise que la tendance ne date pas d'hier et qu'elle s'est vérifiée sous des majorités de gauche comme de droite. Ainsi, en quinze ans, le nombre de titres de séjour délivrés est progressivement passé de 172 000 en 2007 à 271 000 en 2021. Mais ne nous trompons pas sur les causes de cette augmentation : contrairement aux caricatures, l'immigration familiale a baissé sur cette période ; s'il y a eu une augmentation, c'est pour trois raisons.
La première raison, c'est que notre enseignement supérieur est attractif.
Depuis 2017, le nombre d'étudiants que nous accueillons a doublé. C'est une bonne nouvelle…
…car ils apprennent à parler français et à connaître notre pays, qu'ils font rayonner dans le monde.
La deuxième raison de cette hausse est l'augmentation depuis quinze ans du nombre de salariés qualifiés et de chercheurs accueillis. Cela a bénéficié à notre économie, à nos entreprises et à notre innovation.
La dernière raison de cette hausse est l'augmentation modérée du nombre de bénéficiaires de l'asile. Nous accueillons chaque année 30 000 personnes menacées dans leur pays. C'est l'honneur de la France de leur donner leur place. C'est l'honneur de la France d'avoir accueilli 3 000 ressortissants afghans juste après la chute de Kaboul l'an dernier. C'est l'honneur de la France d'avoir accueilli 108 000 Ukrainiens depuis le 24 février dernier sous le statut de protection temporaire.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE.
Au nom du Gouvernement, je tiens à remercier l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), les élus locaux, les associations et les employeurs qui les accompagnent au quotidien.
Bien sûr, nous devons donner à toutes les personnes arrivées légalement les moyens d'une intégration digne et complète. Je reviendrai sur les difficultés qui persistent, notamment en matière d'insertion professionnelle.
Je veux tordre le cou à une dernière idée reçue concernant l'aide médicale de l'État (AME) : non, elle ne nourrit pas l'immigration irrégulière !
C'est une question de protection et de santé publique. Aucun projet migratoire vers la France n'est seulement motivé par l'existence de ce dispositif dont les conditions d'accès et les modalités de contrôle ont d'ailleurs été renforcées récemment.
Voilà quels sont les faits concernant l'immigration légale. Le principal enjeu, toutefois, n'est pas tant la situation de ceux à qui nous avons délivré un titre que celle des personnes qui se maintiennent sur notre territoire sans y avoir droit. Ces personnes ne sont pas éligibles à l'asile, qui leur a souvent été explicitement refusé. Pourtant, le flux de demandes a nettement augmenté ces dernières années et celles et ceux à qui nous n'accordons pas la protection restent encore trop fréquemment sur notre territoire. Souvent victimes de passeurs qui leur promettent l'eldorado et mettent en danger leur vie, la plupart d'entre eux, ne disposant pas du droit à travailler, vivent dans une grande précarité et sombrent parfois dans la délinquance.
Face à ce défi, les amateurs de solutions toutes faites sont nombreux. Parmi eux, on trouve les partisans du « Y'a qu'à, faut qu'on » qui voudraient, d'un seul coup d'un seul, renvoyer toutes ces personnes. Oui, je souhaite que notre droit et nos frontières soient respectés. Oui, je souhaite des éloignements rapides et efficaces des personnes en situation irrégulière.
Mais, non, on ne peut pas prétendre que les choses soient si simples, comme si nous pouvions nous affranchir de l'indispensable coopération des pays d'origine et des règles de l'État de droit.
De l'autre côté, certains appellent à des opérations de régularisation massive. Je le dis aussi clairement : il n'en est pas question. Nous ne créerons pas un tel précédent, qui d'ailleurs ne réglerait pas les difficultés des personnes concernées, qui donnerait des arguments aux passeurs…
…et qui ne serait ni accepté ni acceptable par les Français.
Pour notre part, nous voulons prendre le sujet à bras-le-corps et proposer des solutions utiles et efficaces.
Une préoccupation nous est commune : éviter que des étrangers restent durablement dans une situation indéterminée qui ne serait ni le droit au séjour ni l'éloignement. Aussi voulons-nous clarifier beaucoup plus rapidement la situation des étrangers arrivés sur notre sol. D'une part, nous voulons accélérer les procédures d'examen des demandes d'asile et du droit au séjour pour lutter contre les pratiques dilatoires…
…et, d'autre part, une fois la situation clarifiée, nous souhaitons éloigner plus rapidement ceux qui doivent l'être. Quant aux personnes qui ont vocation à rester, nous voulons engager plus tôt des actions favorisant leur intégration, d'abord par la langue et par l'emploi.
Ces principes sont les grands axes de travail du Gouvernement. Ce sont des objectifs qui, je le crois, peuvent rassembler largement sur ces bancs.
Comme l'a dit le Président de la République, nous devons déployer une action complète, cohérente et efficace en amont des flux migratoires et après l'arrivée sur notre territoire.
Nous voulons d'abord prévenir les départs irréguliers en contribuant, grâce à notre aide publique au développement, à traiter les causes profondes des migrations que sont la pauvreté et, de plus en plus, les effets du dérèglement climatique.
La ministre de l'Europe et des affaires étrangères y reviendra.
Ensuite, nous devons mieux protéger nos frontières. Pour y parvenir, notre premier levier d'action est européen. Pendant la présidence française du Conseil de l'Union européenne, nous sommes parvenus à plusieurs avancées autour du pacte sur la migration et l'asile, en particulier pour rendre plus efficaces les contrôles à l'arrivée en Europe et pour renforcer les mécanismes de solidarité pour les États de première entrée, pourvu que ces États respectent le droit maritime.
Nous devrons notamment tirer toutes les conséquences de l'accueil de l'Ocean Viking.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Nous devons maintenant continuer. Nous poussons pour un renforcement des moyens de Frontex, l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, et pour une réforme de l'espace Schengen. Nous voulons également consolider le système d'asile européen : c'est à cette échelle que nous lutterons plus efficacement contre les réseaux de passeurs. Le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin, la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna, et la secrétaire d'État chargée de l'Europe, Laurence Boone, sont pleinement mobilisés en ce sens.
Le deuxième moyen d'action est national ; il s'agit de renforcer le contrôle de nos frontières et d'accélérer les procédures.
En novembre 2020, le Président de la République a annoncé le doublement des effectifs à nos frontières et, une nouvelle fois, les résultats sont là. En 2021, 10 000 refus par mois ont été prononcés, contre 3 000 au début de l'année 2020, avant le covid.
En ce qui concerne l'accélération des procédures d'examen des demandes d'asile, des progrès ont été réalisés lors du précédent quinquennat. Si les délais de l'Ofpra ont considérablement diminué, ceux des procédures contentieuses sont encore trop longs. Au total, le délai moyen de traitement d'une demande d'asile est encore de l'ordre d'un an. Nous devons viser un délai global de six mois pour l'ensemble de la procédure. Nous voulons notamment réformer le contentieux des étrangers pour le réduire et le simplifier en passant de douze procédures contentieuses à quatre, en accord avec les recommandations du Conseil d'État et du rapport du président de la commission des lois du Sénat François-Noël Buffet.
Le ministre de l'intérieur et des outre-mer y reviendra. Il travaille également avec le ministre de la justice, M. Éric Dupond-Moretti, à une réforme de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).
Enfin, nous voulons éloigner plus systématiquement et plus efficacement les personnes déboutées du droit d'asile. Nous devons augmenter la capacité de nos centres de rétention administrative (CRA) et nous continuerons à agir dans nos relations bilatérales avec les pays qui refusent de réadmettre leurs propres ressortissants.
Par ailleurs, nous devons être intraitables avec les étrangers délinquants, même en situation régulière. S'engager dans la délinquance, c'est se placer en dehors de la communauté nationale. C'est porter une atteinte grave à notre pacte social et à nos compatriotes. C'est également nuire à tous les étrangers qui vivent en France et qui construisent paisiblement des parcours d'intégration réussis dont on ne parle pas. Grâce à l'action déterminée du ministre de l'intérieur et des préfets, plus de 3 000 étrangers auteurs de troubles à l'ordre public ont été éloignés en 2021 et 2022. Sous le contrôle du juge et dans le respect de nos engagements conventionnels, des mesures d'expulsion doivent désormais pouvoir être prises contre les étrangers qui commettent des infractions graves, quelle que soit leur situation.
Notre projet est équilibré.
Si nous voulons que ceux qui ne doivent pas rester partent, c'est aussi pour pouvoir mieux intégrer ceux que nous accueillons. Cela passe d'abord par une refonte en profondeur de l'accueil en préfecture pour les démarches de renouvellement des titres des étrangers en situation régulière.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Nous devons éviter les pertes de droits – notamment d'emploi – que peuvent connaître certaines personnes faute d'accès aux guichets.
Et pour cela, vous voulez tout numériser et tout dématérialiser ? Vous devriez aller voir comment cela se passe !
Nous devons aussi continuer à renforcer nos capacités d'hébergement pour les demandeurs d'asile. En cinq ans, nous avons déjà créé plus de 36 000 places.
Enfin, le pivot de notre politique d'intégration, c'est le travail. Dans un pays dont le taux de chômage est de 7,3 %, nous devons d'abord chercher à pourvoir les postes vacants en proposant ces emplois à nos ressortissants et aux personnes étrangères en situation régulière. En France, le taux d'emploi des immigrés est 9 points plus faible que celui de l'ensemble de la population. Nous devons réduire cet écart.
Ensuite, si les employeurs ne parviennent pas à trouver la main-d'œuvre dont ils ont besoin, ils peuvent la faire venir de manière légale. Un employeur peut toujours solliciter une autorisation de travail s'il démontre qu'il n'a pas pu pourvoir le poste en déposant une offre auprès de Pôle emploi. Pour certains métiers particulièrement en tension, l'employeur est même dispensé de cette justification. En outre, nous avons simplifié ces dispositifs en 2019 pour mieux répondre aux besoins.
La question de la régularisation peut se poser pour des personnes en situation irrégulière présentes sur notre sol depuis des années, et qui travaillent depuis longtemps. Avant que l'extrême droite ne tente une nouvelle manipulation, je le répète : il ne s'agit en aucun cas d'une régularisation massive…
…ni de laisser penser que la régularisation serait la réponse aux tensions sur le marché du travail. Il s'agit de régulariser certaines personnes qui contribuent depuis longtemps à la richesse nationale, mais qui subissent parfois des conditions de travail indignes et restent enfermées dans un statut précaire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein-emploi et de l'insertion, y reviendra.
Enfin, s'intégrer, c'est parler la langue de la République. Nous proposons déjà des cours de langue dès l'arrivée sur le territoire. Mais nous souhaitons qu'un niveau minimal de français soit désormais imposé pour obtenir des titres de séjour de plus d'un an.
Mesdames et messieurs les députés, chercher des mesures efficaces, vouloir une immigration régulée, maîtrisée, ce n'est ni manquer de fermeté, ni manquer d'humanité. C'est l'expression de notre volonté de voir nos frontières et notre droit respectés. C'est l'intransigeance face à ceux qui se placent en dehors des lois de la République. Mais c'est aussi la fidélité à nos valeurs et à notre histoire. C'est accueillir et intégrer celles et ceux qui sont menacés ou victimes de persécutions, ou encore qui contribuent au rayonnement et à la vitalité économique de notre pays.
Cet équilibre s'accommode mal des postures politiciennes. Il demande du travail et des réflexions sérieuses et de bonne foi. Il demande des discussions fondées sur les faits, et non sur les peurs. Il demande la recherche de solutions efficaces, au-delà des dogmes et des idéologies.
Cet équilibre, c'est la condition pour creuser le sillon de notre histoire et atteindre l'objectif que nous visons tous : l'intégration de celles et ceux que nous accueillons. Si nous acceptons ces principes, je suis certaine que nous pourrons trouver un tel équilibre. Soyons à la hauteur de l'enjeu.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et LIOT.
La parole est à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Mme la Première ministre a rappelé la situation actuelle en des termes très clairs. Le phénomène migratoire est aussi un enjeu international, et donc un enjeu de politique étrangère. Notre action diplomatique repose sur trois principes : organisation des mobilités légales dans une logique d'attraction des talents ; solidarité avec les plus vulnérables ; fermeté face aux flux irréguliers et à ceux qui les exploitent.
Les visas sont un outil clé au service de notre politique d'influence et d'attractivité. Ainsi, le nombre d'étudiants étrangers inscrits dans le système d'enseignement supérieur français vient d'enregistrer un record en passant le cap des 400 000 inscrits pour l'année scolaire 2021-2022. C'est bon pour notre économie puisqu'ils apportent plus qu'ils ne coûtent. C'est également bon pour l'image de notre pays, et bon pour notre influence.
Nous devons aussi pouvoir attirer les talents dont nous avons besoin par le biais de la mobilité des chercheurs, des artistes, des entrepreneurs, des scientifiques, et de tous les étrangers qui font rayonner notre pays dans le monde. Nous les encourageons grâce au « passeport talent ». En 2022, nous avons déjà délivré 12 000 visas par ce biais.
Plus généralement, nos efforts d'attractivité doivent servir les secteurs où les besoins de main-d'œuvre sont les plus importants – et il y en a.
Notre deuxième principe, c'est la solidarité : c'est une question d'humanité, de fidélité à nos valeurs, de respect du droit international consacré par les conventions de Genève. La France coparrainera ainsi l'an prochain le Forum mondial sur les réfugiés avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Ce sont plus de 4 millions et demi d'Ukrainiens qui ont obtenu la protection temporaire sur le sol européen ; nous en accueillons plus de 100 000 en France, dont 20 000 enfants scolarisés. Nous pouvons être fiers de l'accueil que nous leur réservons, ainsi que de celui réservé à ceux qui sont menacés dans leur pays, par exemple les citoyens russes ou afghans. Notre politique des visas nous permet d'accueillir les personnes persécutées pour leurs activités en faveur de la liberté, pour leurs opinions ou simplement pour ce qu'elles sont. C'est l'honneur de la France, comme l'a rappelé Mme la Première ministre.
La solidarité et l'attractivité vont de pair avec la fermeté face aux migrations illégales – c'est notre troisième principe. Nous devons tout d'abord agir au niveau européen et prolonger les impulsions de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, qui a débloqué les discussions autour du pacte sur la migration et l'asile, en réaffirmant deux règles : la responsabilité renforcée des pays de première entrée et la solidarité des autres États membres.
Nous devons également mobiliser les pays partenaires. À notre initiative, la Commission européenne allouera désormais près de 10 % de ses moyens d'intervention pour l'action extérieure à des projets liés aux migrations. En outre, elle prévoit que des mesures pourront être prises à l'égard des pays qui ne coopèrent pas suffisamment en matière de réadmission.
Mme la Première ministre l'a dit, la France s'appuie aussi sur son APD pour agir sur les causes profondes des migrations. Sa trajectoire ambitieuse renforce encore nos leviers, tout comme l'adoption d'une nouvelle stratégie en matière de migrations et de développement, qui permettra notamment à nos partenaires du Sud de mieux se doter des capacités dont ils ont besoin pour maîtriser les flux et développer une meilleure gouvernance des migrations. Mais elle nous permettra aussi de prendre en compte les effets du changement climatique, que nous les aidons par ailleurs à traiter dans le cadre de la finance climat qui a progressé lors de la COP27 qui s'est tenue en Égypte.
Notre aide publique au développement permettra aussi de renforcer la protection des migrants et de lutter contre les filières d'immigration clandestine. Le trafic et la traite d'êtres humains sont des activités abjectes autant que rémunératrices. Mais elle facilitera également l'immigration légale et dissuadera de partir ceux qui se jettent sur les routes de la misère pour tenter de rejoindre l'Europe, parfois au prix de leur vie. Nous sommes déterminés à faire preuve de la fermeté nécessaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
« Le peuple français est un composé. C'est mieux qu'une race. C'est une nation. Unique en Europe, la conformation de la France se prêtait à tous les échanges de courants, ceux du sang, ceux des idées. La France est un isthme, une voie de grande communication entre le Nord et le Midi. » On trouve ces mots au début de l'Histoire de France de Jacques Bainville.
Comme lui, nous pensons que l'immigration fait partie de la France et des Français, depuis toujours. L'immigration est un fait qui fait aussi la France – qui a fait son passé et qui fera sans doute son avenir. Il ne sert à rien d'être contre. Que veut dire être contre le mouvement des hommes sur la terre ? Une partie d'entre eux fuit à cause de la misère, de la persécution ou des événements climatiques.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
À quoi cela sert-il d'être contre lorsque, depuis le 1er janvier 2022, les demandes d'asile ont bondi de 68 % en Europe, que les gouvernements soient d'extrême droite ou de gauche ? Quand la France manque cruellement de vocations, que signifie être contre l'arrivée de médecins, d'infirmiers, de maçons, d'ouvriers agricoles, qui travaillent dans les vignes par exemple ,
Sourires
ou de prêtres ?
Cela ne signifie rien d'autre que la peur de l'altérité ou, pire encore, le mensonge démagogique de ceux qui jouent sur les peurs. Non, l'immigration n'est pas ce que les démagogues en disent.
Mme Marine Le Pen s'exclame.
Disons plutôt que c'est un contrat librement consenti entre celui qui souhaite venir en France et le pays qui l'accueille. Et puisque la France, notre grand pays, attire grâce à ses valeurs, grâce à son économie, grâce à sa promesse d'avenir…
…définissons ensemble les exigences de notre nation envers les étrangers qu'elle accueille. C'est l'ambition du projet de loi que nous ont demandé d'écrire la Première ministre et le Président de la République, et que nous vous présenterons avec Olivier Dussopt.
La première exigence de la France, c'est de faire respecter ses règles, ses valeurs et son droit. Nul ne peut prétendre rester durablement sur notre sol s'il ne respecte pas les valeurs de la République.
Comme tous les pays, notre nation demande à être respectée. Ici, les femmes ont des droits équivalents aux hommes ; la liberté sexuelle est totale, la liberté religieuse aussi. Ceux qui commettent des crimes et des délits doivent prendre conscience qu'ils ne peuvent pas rester sur le territoire national car ils ne commettent pas un simple crime, mais aussi un crime contre notre accueil. Depuis cinq ans, 80 000 titres de séjour ont été retirés pour cause d'ordre public ou de radicalisation.
Nous avons expulsé 3 100 criminels ou terroristes. Mais trop de règles spécifiquement françaises empêchent d'expulser les criminels. Tout en respectant rigoureusement l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, nous vous proposerons dans ce projet de loi de ne plus nous censurer et de laisser au juge le soin de mesurer si la vie privée et familiale et le droit au séjour sont compatibles avec les actes de grave délinquance commis sur des femmes et des enfants, avec les violences sur les policiers, les gendarmes ou les pompiers, avec les crimes ou le trafic de stupéfiants.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Nos propositions seront bien entendu coordonnées avec celles du garde des sceaux s'agissant du volet judiciaire.
La fin de la fin de la double peine n'est pas réclamée seulement par les Français, elle l'est aussi et surtout par l'immense majorité des étrangers qui vivent en France, lesquels ne veulent plus jamais être confondus avec ceux qui ruinent leur réputation et leurs efforts. Parce que quelques-uns se comportent mal, ce serait eux qui devraient en payer le prix ? Le racisme et la xénophobie augmentent quand l'État se montre peu à même de châtier les délinquants, et laisse s'installer l'amalgame entre tous les étrangers. Il faut avoir vécu loin des quartiers populaires pour ne pas voir que l'absence de réponse judiciaire fait malheureusement monter les extrêmes.
Deuxième exigence : être étranger sur notre sol implique de faire des efforts d'intégration et de parler la langue du pays. Or 25 % des étrangers en situation régulière parlent ou écrivent très mal le français.
Vous devriez plutôt vous réjouir des propositions d'intégration du Gouvernement…
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Mesdames et messieurs les parlementaires de la NUPES, attendez la fin de la phrase pour comprendre qu'il s'agit d'annoncer une belle proposition !
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous avez commencé votre discours par une citation d'un ami de Maurras !
Je reprends mon constat : 25 % des étrangers en situation régulière parlent ou écrivent très mal le français. Comment voulez-vous bâtir un parcours de vie, professionnel, personnel, et peut-être citoyen, avec un tel handicap ?
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
L'État dégagera donc des moyens sans précédent pour améliorer l'intégration par la langue, en augmentant le nombre d'heures d'enseignement obligatoire du français.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous augmenterons de 25 % les crédits alloués à cette dimension de l'intégration, soit plus de 100 millions d'euros, dès les trois prochaines années, nous rapprochant ainsi de nos voisins allemands et italiens, qui exigent désormais la validation d'un examen linguistique pour obtenir un titre de séjour long. Actuellement existe un test, dont la réussite n'est pas indispensable pour obtenir un titre de séjour. Désormais, tout étranger qui voudra obtenir un titre de séjour long devra réussir un examen de français.
Le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion l'évoquera sans doute : nous demanderons évidemment au patronat de contribuer à cette révolution linguistique, pour que chacune et chacun se sente profondément bien dans notre pays.
Chaque année, 70 000 étrangers seront concernés, auxquels s'ajouteront 200 000 étrangers qui demandent le renouvellement de leur titre de séjour.
Après la langue viennent les principes. La loi, si vous l'adoptez, permettra demain de retirer un titre de séjour aux étrangers qui ne respectent pas les principes de la République, tels que les définit la loi du 24 août 2021 dite loi « séparatisme ».
Il s'agit notamment de la dignité de la personne humaine, de la laïcité, de l'hymne national, du drapeau et de l'emblème.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La troisième exigence concerne l'intégration par le travail. Le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion y reviendra en détail. Ce principe essentiel sous-tend une grande partie du projet de loi.
En même temps qu'elle impose des exigences, la République doit améliorer l'accueil qu'elle offre aux étrangers, augmenter ses efforts et se montrer plus humaine. À la demande de la Première ministre, nous mènerons une réforme approfondie des préfectures et de l'accueil des étrangers, en même temps que nous appliquerons la loi que le Parlement aura adoptée.
Les titres de séjour des étrangers déjà présents sur le sol national seront automatiquement renouvelés : ils n'attendront plus un énième rendez-vous, ne subiront plus les files d'attente numériques.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Ils connaissent parfois de grandes difficultés pour faire reconnaître leurs droits ; certains se retrouvent en situation irrégulière par incurie de l'État. En revanche, davantage de personnes contrôleront les primo-arrivants et ceux qui doivent quitter le territoire national.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Parallèlement, nous simplifierons le droit, comme l'a déjà expliqué Mme la Première ministre. Concernant la réforme du droit d'asile, il ne s'agit pas de revoir la liste des pays sûrs ou les critères pour l'obtenir. En moyenne, la France accorde deux fois moins souvent l'asile que l'Allemagne, et aussi souvent que l'Espagne et l'Autriche, alors que notre pays est plus grand – vous l'avouerez. Nous ne sommes donc pas laxistes, mais nous offrons l'asile sur le territoire de la République à ceux qui le méritent.
Protestations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Boris Vallaud proteste également.
Cependant, après la réforme de l'Ofpra, celle de la CNDA est nécessaire. Le garde des sceaux et moi-même proposerons d'instituer un juge unique, tout en préservant la collégialité pour les arrêts de principe, à la demande du Conseil d'État. Nous défendrons également la territorialisation de la CNDA et la création d'espaces France asile.
Notre droit doit être plus clair et les décisions doivent être rendues plus rapidement. Nous devons accueillir plus vite ceux qui méritent l'asile, et refuser plus vite ceux qui ne peuvent en bénéficier. C'est en prenant trop de temps que nous créons des situations administratives inextricables, avec des personnes qui ne peuvent être ni régularisées, ni expulsées, et qui vont malheureusement allonger la cohorte des travailleurs au noir, parfois des délinquants, que nous ne faisons ici que regretter.
Le refus d'accorder le droit d'asile vaudra OQTF – obligation de quitter le territoire français. Cela implique une réforme approfondie des voies de recours, qui passeront de douze à quatre, afin d'éviter d'alimenter mécaniquement le flux de personnes en situation irrégulière sur le territoire national.
Enfin, après le drame de Calais, lors duquel vingt-sept migrants ont trouvé la mort dans la Manche, le garde des sceaux propose d'alourdir les dispositions du code pénal, afin de qualifier de crime, et non plus de délit, les activités des passeurs, et de porter à vingt ans d'emprisonnement les peines qu'ils encourent.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Mme Estelle Youssouffa applaudit également.
Merci, monsieur le garde des sceaux.
Je crois que personne ici ne veut être complice des passeurs. Malheureusement, je crains que vos cris ne fassent qu'encourager ceux qui utilisent les êtres humains comme de la marchandise ou du bétail, et sont responsables de toutes ces disparitions et de toutes ces morts.
Il faut améliorer les reconduites aux frontières, même si depuis le 1er janvier elles ont déjà augmenté de 21 %, grâce à la simplification du droit et à l'amélioration de nos relations diplomatiques – merci, madame la ministre des affaires étrangères.
Le projet de loi tend également à spécialiser les centres de rétention administrative. J'y œuvre depuis mon arrivée au ministère de l'intérieur, à la demande du Gouvernement : 91 % des personnes centralisées dans les CRA ont commis des délits ou des crimes. En revanche, nous assignons à résidence les étrangers en situation irrégulière qui ne troublent pas l'ordre public.
Le texte visera également à interdire le placement en CRA des mineurs de moins de 16 ans.
Amélioration de la reconduite ; humanisation de l'accueil des étrangers ; fermeté envers les délinquants ; intégration de ceux qui veulent vivre dans notre belle France : le projet de loi que le ministre du travail et moi-même présenterons, à la demande de la Première ministre, améliorera significativement le service public rendu à tous nos concitoyens. Il ne considérera pas les étrangers comme des criminels en puissance, mais ne fera pas non plus preuve de naïveté envers ceux qui veulent atteindre la République.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Mme Estelle Youssouffa applaudit également.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Le Gouvernement défend une conviction forte : pour évident qu'il soit, il faut réaffirmer le lien entre travail et intégration. Parce qu'il est la seule manière d'assurer sa subsistance et parce qu'il est un formidable moyen d'apprendre la langue et la culture d'un peuple, nous devons réhabiliter le travail comme vecteur d'intégration. C'est d'autant plus juste que l'immigration a toujours permis à la France de répondre aux besoins de son économie. Sans occulter la nécessité de former et d'accompagner nos compatriotes, qui reste la priorité de notre politique de l'emploi, nous avons également besoin des talents étrangers. La marche vers le plein emploi doit s'accompagner d'un recours subsidiaire au recrutement d'étrangers non communautaires, pour faire face à nos besoins en compétences et en qualifications.
Cependant, nous devons considérer notre système avec lucidité. En matière d'immigration pour et par le travail, il est inefficace par plusieurs aspects, injuste par d'autres.
D'abord il est inefficace, car il ne permet pas à de nombreux primo-arrivants, arrivés régulièrement sur le territoire, de se former ni d'être accompagnés pour exercer un emploi. Le taux de chômage des immigrés, nettement supérieur à celui des personnes nées en France, le montre : au premier trimestre 2022, il était d'un peu plus de 13 %, contre 7,5 % pour l'ensemble de la population. Cet écart est constant, quelle que soit la conjoncture, que l'on vive une période de crise ou de croissance.
Ensuite, notre système est inefficace, car il enferme dans l'illégalité des étrangers présents depuis longtemps sur le territoire et employés dans des secteurs en tension. Ces personnes, qui sont malheureusement parfois pointées du doigt dans le cadre du débat que nous avons ouvert, contribuent à l'économie française.
Leur utilité est remarquée et remarquable. Elles sont déclarées ; elles paient des impôts. Leur situation relève parfois de la traite des êtres humains. En effet, l'absence de droit au séjour les rend vulnérables et précaires. Des employeurs peu scrupuleux les obligent parfois à travailler plusieurs semaines sans repos ou à être hébergées dans des conditions indignes. Plusieurs décisions de justice l'ont souligné, même si cela ne vaut évidemment pas généralisation. Avec le présent débat et le projet de loi qui suivra, nous voulons pouvoir condamner plus sévèrement celles et ceux qui se livrent à la traite d'êtres humains.
MM. Sylvain Maillard, Ludovic Mendes et Erwan Balanant applaudissent.
Progresser sur ce sujet, c'est progresser sur l'ensemble des conditions de travail, en supprimant ces situations du pire et en revenant à un socle commun à l'ensemble des salariés. Dans le cadre de l'immigration légale et des cartes de séjour pluriannuelles, nous devons simplifier l'accès au travail, en réexaminant la question des autorisations préalables exigées pour la conclusion de chaque contrat.
Dans les secteurs qui ont largement recours aux contrats courts, l'obligation de demander une autorisation avant chaque contrat de travail peut agir comme une trappe à travail dissimulé. Il nous faut donc sortir de l'absurde jeu perdant-perdant concernant la situation des étrangers en situation irrégulière dans des métiers qui manquent de main-d'œuvre. Des étrangers présents depuis plusieurs années sur le territoire et employés depuis plusieurs mois en France dans un métier en tension sont parfois en situation irrégulière, sans porte de sortie. Ils travaillent, s'intègrent, ou sont intégrés. Ils demeurent pourtant sans droit au séjour ni au travail.
La procédure d'admission exceptionnelle au séjour, inscrite dans la circulaire Valls du 28 novembre 2012, est appliquée de façon hétérogène ; de surcroît, elle laisse un grand pouvoir à l'employeur, puisque celui-ci doit soutenir la démarche, ce que ne font pas les plus indélicats. C'est pourquoi il nous paraît souhaitable que ces étrangers puissent obtenir un titre de séjour temporaire pour une année, renouvelable. Il s'agit de leur permettre de travailler dans un métier qui connaît des difficultés de recrutement. Ils pourront ensuite s'insérer dans un parcours plus classique, toujours par le travail et par la langue. Cela s'appelle tout simplement l'intégration, et c'est ce que nous voulons promouvoir, comme M. le ministre de l'intérieur et moi-même l'avons indiqué.
Nous y travaillons ; les concertations sont en cours. D'ores et déjà, nous pouvons affirmer qu'il faudra résider en France depuis plusieurs années et y travailler depuis plusieurs mois pour bénéficier de ce titre. Il ne s'agit pas d'un plan de régularisation massive, mais d'une solution offerte à celles et ceux qui sont déjà là, qui travaillent depuis longtemps et qui sont parfois devenus irréguliers en raison de la complexité des formalités ou à la suite d'un accident de parcours.
Certains feignent de penser que nous allons favoriser le travail étranger au détriment des Français. Là encore, c'est un mensonge, ou un moyen de faire peur. Ce titre de séjour sera accessible à ceux qui travaillent déjà dans des secteurs en tension, où les témoignages d'entreprises qui rencontrent des difficultés de recrutement sont nombreux. Cette mesure répond à une demande forte des entreprises, en particulier dans les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration. Dans le même état d'esprit, nous avons déjà commencé à réviser la liste des métiers en tension, les textes prévoyant qu'elle le soit à intervalle régulier pour être aussi adaptée que possible. Cette liste sera utile pour déterminer l'accès aux titres de séjour que je viens d'évoquer ; elle est déjà utile pour permettre à des employeurs qui souhaitent recruter des étrangers non communautaires de le faire sans autorisation préalable. Tel est l'état du doit, comme la Première ministre l'a expliqué.
Or cette liste n'est plus adaptée : les métiers de la restauration y sont très peu présents, comme ceux de la propreté. Elle devra donc demain être plus en adéquation avec la réalité. Dans ces deux secteurs, nous savons tous quelles sont les tensions de recrutement, comme nous savons que le recours à des travailleurs étrangers y est nettement plus important que la moyenne.
Si nous devons regarder la réalité en face s'agissant de la part des emplois en tension occupés par des étrangers, en situation régulière ou irrégulière, nous devons aussi constater la faiblesse ou plutôt la lenteur des sanctions infligées lorsque le travail illégal est constaté et délibéré. Or, c'est une certitude, la lutte contre le travail illégal passera par des sanctions plus facilement applicables. Il existe des sanctions pénales, que nous ne prévoyons pas de modifier : elles sont nécessaires dans les cas les plus graves, dès lors que l'intentionnalité et la dégradation des conditions de travail sont manifestes.
Il existe aussi des sanctions administratives, comme la possibilité pour le préfet de fermer un établissement pour une durée maximale de trois mois. Il est certainement opportun de les faciliter. Il nous faut également une sanction administrative calibrée pour être plus systématique, par exemple une amende. Elle n'aurait pas un caractère automatique, mais serait prononcée en fonction de l'appréciation d'un certain nombre de critères, tels que les ressources et les charges, l'intentionnalité, le contexte et la gravité. C'est ce à quoi nous travaillons avec le ministre de l'intérieur, pour apporter une réponse rapide, proportionnée et efficace à ceux qui ont délibérément recours à des travailleurs en situation irrégulière.
Enfin, l'intégration, au travail comme ailleurs, se fait aussi par la langue – c'est une évidence. En cohérence avec l'exigence de sa maîtrise, nous considérons que les employeurs doivent aussi faciliter l'intégration par la langue de leurs salariés étrangers. Ils sont nombreux à compter sur la main-d'œuvre étrangère pour faire tourner leur entreprise ; il n'est donc pas anormal que les employeurs contribuent à la réussite de l'intégration de leurs salariés par la formation continue, par des abonnements à des comptes personnels de formation ou par le simple fait de libérer du temps pour qu'ils participent aux formations à l'apprentissage du français.
Nous abordons le sujet de l'immigration par le travail sans naïveté, mais surtout en refusant d'être les complices passifs des injustices existantes quant au travail des étrangers : ni naïveté, ni idéalisme, mais du réalisme et la volonté de protéger les travailleurs comme les chefs d'entreprise n'ayant pas d'autre solution.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Dans quelques semaines, nous aurons de longs débats sur l'immigration, à la défaveur d'un nouveau texte dont nous n'avons pas encore connaissance ; le vingt-neuvième en quarante ans. Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez présenté les premières lignes de ce texte dans la presse ; plus vous en dites à son propos, plus nous craignons que les premières annonces relatives à la possible régularisation de travailleurs sans-papiers – que nous appelons de nos vœux –, soient réduites à la portion congrue au profit de mesures qui ne provoqueront qu'un seul appel d'air, celui des idées d'extrême droite.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES. – Murmures sur les bancs du groupe RN.
Vous entendre citer Jacques Bainville dans votre intervention est plutôt de mauvais augure. Ce débat se tient dans une période où l'immigration est devenue un sujet traité avec une grande irrationalité et beaucoup d'inhumanité. Aucun chiffre n'atteste d'une submersion migratoire ; le solde migratoire est d'ailleurs stable. Les grandes phases de régularisation qui ont eu lieu dans le passé n'ont suscité aucun appel d'air et les nombreuses et diverses études réalisées démontrent combien les migrants contribuent à la richesse du pays d'accueil.
Mme Stella Dupont applaudit.
Ils ne menacent ni l'emploi ni les régimes de protection sociale, car ils sont aussi des producteurs et des productrices, des contribuables, des cotisants, des créateurs et des créatrices.
Leur régularisation massive entraînerait une élévation des normes salariales et non l'inverse ; c'est peut-être le problème d'ailleurs.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
Répondre à un défi nécessite de poser d'abord le bon diagnostic : nous ne traversons pas une crise migratoire, mais une crise de l'accueil ,
Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES
en particulier quand les personnes exilées viennent d'Afrique, du Proche-Orient ou du Moyen-Orient. Le contraste avec l'accueil – nécessaire et solidaire – des Ukrainiens nous interloque.
L'immigration est largement le produit des incursions de pays européens dans les pays du Sud. Ceux qui migrent réagissent aussi au système mondial des inégalités, dont nous ne pouvons nous exempter. Tous les murs dressés n'empêcheront pas de partir ceux qui n'ont pas d'autre choix. L'immigration est une partie de l'histoire de notre monde. Elle est profondément humaine et exige de nous de la responsabilité, et non de se renvoyer la balle en cherchant à savoir qui sera le plus ferme ou la plus molle.
MM. Davy Rimane et Benjamin Lucas applaudissent.
Présenter ce sujet comme un problème grandissant ou tirer un trait d'égalité entre immigration et délinquance est un jeu dangereux, qui contribue à légitimer une vision dont l'histoire est profondément xénophobe.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Il est bien pratique, le discours qui repose sur l'idée du trop-plein d'immigrés, tant il permet un récit alternatif aux conséquences de choix politiques dressés contre le peuple, contre le plus grand nombre. Mais quand on s'annonce rempart, on ne passe pas les plats !
Ce discours est dangereux aussi pour celles et ceux qui arrivent sur notre territoire, comme pour notre cohésion sociale.
Mêmes mouvements.
Quand on accole en permanence les termes d'étrangers, d'expulsion, de délinquance et parfois même de terrorisme, on met en danger notre cohésion sociale, parce que cela jette la suspicion et provoque le rejet.
Mêmes mouvements.
Visiblement, il sera beaucoup question d'OQTF ; c'est le cas lors de la discussion d'à peu près tous les textes sur l'immigration ces dernières années. De nombreuses lois ont porté sur l'immigration : croyez-vous vraiment que la vingt-neuvième parviendra à régler ce problème, sachant que l'obstacle majeur reste l'absence de laissez-passer consulaires et de titres de voyage ? Non, mais pendant ce temps, c'est le silence autour de celles et ceux qui sont abandonnés à l'enfer en Libye, pays mandaté par l'Europe pour gérer nos frontières, dont le régime prend l'argent d'une main et monnaye des passages mortels de l'autre ; c'est le silence sur les refoulements et la corruption dont est accusée Frontex ;
Mêmes mouvements
c'est le silence autour du sauvetage maritime abandonné à des associations financées par des dons privés ; c'est le silence autour de l'attribution à la Libye de la coordination des sauvetages – ce même silence qui règne lorsqu'elle reçoit les appels de détresse en mer.
Nous ne pouvons pas d'une part dénoncer la violence et l'instabilité de certaines régions en crise et d'autre part en nourrir la source ; d'une main, vendre des armes et de l'autre, flécher l'aide publique au développement vers le renforcement des frontières. Alors nous continuerons à œuvrer et à essayer de convaincre que le monde de demain oblige dès maintenant à préparer un accueil digne. Cela passe par une régularisation, par un titre de séjour de plein droit accordé à celles et ceux qui vivent ici, qui travaillent ici et qui, vous le savez, resteront ici. Cela passe aussi par la fin du pouvoir de l'employeur dans la délivrance du titre de séjour par le travail. Cela passe enfin par un accueil digne en préfecture, par un accès immédiat à la protection universelle maladie et par un investissement pour l'apprentissage du français. Vous nous avez déjà fait le coup de la fermeté et de l'humanité. On se demande tous les jours où est passée l'humanité, si ce n'est au fond de la mer Méditerranée.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
À dix-huit heures cinq, Mme Naïma Moutchou remplace Mme Yaël Braun-Pivet au fauteuil de la présidence.
Allons-nous nous engager dans des politiques de migration efficaces, courageuses, justes et humaines ? Allons-nous, à l'issue de nos débats, créer de l'intelligence collective ou basculer dans la haine et le rejet de l'autre ? Constatons d'abord que les crises, de par le monde, jettent de plus en plus d'hommes, de femmes et d'enfants sur les routes et sur les mers, nous imposant une réflexion approfondie et équilibrée sur l'avenir des politiques migratoires, tant au niveau national qu'au niveau européen. L'heure n'est pas à s'embourber dans des postures mortifères de repli sur soi, pas non plus à jouer la facilité.
Certains ne veulent ni politique d'aide au développement pour les pauvres ni politique d'accueil digne de ce nom chez nous. Cela n'a aucun sens, sauf celui de l'inhumanité.
Les migrants qui tentent de trouver un avenir meilleur ne le font jamais de gaieté de cœur. Ils ne quittent jamais leur pays, leur famille et leurs racines par pur caprice. Ces personnes fuient, souvent au risque de leur vie, des territoires ravagés par le réchauffement climatique, par une pauvreté galopante, par des guerres ou par la répression. La France, terre d'accueil, pays de la fraternité, a toujours fait partie de l'avenir meilleur qu'elles recherchent. Beaucoup d'entre nous descendons de migrants ; je suis moi-même petit-fils de migrants italiens. Mon grand-père me racontait : « On nous jetait des cailloux, on nous crachait dessus. »
Un rapport du préfet du Nord disait au ministre de l'intérieur : ces gens-là sentent mauvais, ils ne parlent pas français, ils ne peuvent pas s'intégrer dans notre société.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Il n'empêche que nous ne pouvons pas accueillir tout le monde. Une bonne politique d'immigration passe d'abord par un meilleur contrôle des frontières – à commencer par celles de l'Union européenne –, et le respect de nos règles.
Je pense évidemment à Mayotte, qu'il faut traiter séparément. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine.
Parmi vos objectifs, madame la Première ministre, figure une simplification et une rationalisation du contentieux du droit des étrangers. Nous approuvons cet objectif, en vous alertant néanmoins sur les moyens proposés pour y parvenir. Il n'est évidemment pas question de réduire les droits de l'homme, les droits fondamentaux des migrants. Ainsi, l'idée de généraliser le juge unique de la CNDA ne nous semble pas aller dans le bon sens : remettre entre les mains d'une seule et même personne l'instruction des recours, c'est se priver de nombreuses expertises, dont celle du HCR.
Si nous construisons un accueil plus digne et plus efficace, il nous semble opportun, en contrepartie, d'augmenter nos exigences vis-à-vis des étrangers que nous accueillons. Ainsi, le renforcement des capacités d'expulsion de ceux qui troublent gravement l'ordre public, notamment par la limitation des protections relatives et quasi absolues des étrangers dits protégés provoquant des troubles graves, nous semble raisonnable.
Une bonne politique d'immigration, c'est aussi une bonne politique d'intégration, qui sait donner un avenir à ceux qu'elle décide d'accueillir. Les simplifications évoquées dans la perspective du futur projet de loi nous semblent opportunes, en particulier la simplification de la procédure de l'autorisation de travail et le renforcement des dispositifs comme les passeports talent.
Créer un nouveau titre de séjour concernant les métiers sous tension est une bonne idée. Nous en avons besoin, mais nous voulons des garanties : nous souhaitons que la liste de ces métiers prenne en considération les besoins réels en fonction des territoires et ne laisse pas de côté, faute d'une mise à jour régulière, certains travailleurs. Nous avons un autre sujet d'inquiétude : qu'adviendra-t-il des personnes qui perdront leur emploi dans ce cadre ? Ces titres de séjour professionnels étant particulièrement précaires, il faut avoir l'assurance qu'une perte d'emploi n'induira pas une perte du droit au séjour.
Une politique d'immigration digne de ce nom, c'est celle qui permettrait également un retour à l'accès immédiat aux soins pour les demandeurs d'asile, afin que leur état de santé n'ait pas le temps de se dégrader. Cela arrive trop souvent et c'est contre-productif, y compris pour notre système de santé. Cet accès immédiat existait avant l'instauration des trois mois de carence en 2019.
Une politique d'immigration digne de ce nom, c'est aussi celle qui ne détourne pas le regard face aux migrants sans papiers qui, parfois depuis des années, travaillent de manière non déclarée et font tout pour s'intégrer. Tout le monde sait pertinemment qu'ils ne pourront jamais être expulsés, pour de très nombreuses raisons. S'acharner à ne pas leur donner des papiers, c'est les condamner à rester au ban de la société, à basculer dans la pauvreté, à dormir dans les rues, pendant que nous versons des larmes de crocodile quand nous passons devant des tentes de migrants qui croupissent dans des conditions sordides dans les rues de Paris, nuit et jour, y compris l'hiver. À ce jeu malsain, tout le monde perd son âme et sa dignité. La plupart d'entre eux travaillent : notre société a besoin de leurs bras.
Madame la Première ministre, tout est question d'équilibre. Nous serons particulièrement vigilants sur la finalisation du projet de loi, car nous souhaitons qu'il permette une politique d'immigration enfin efficace, parce que courageuse, juste et humaine.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Didier Le Gac applaudit également.
Le 9 janvier 2015, lors de la prise d'otages à l'Hypercacher de la porte de Vincennes, à Paris, un jeune travailleur malien, Lassana Bathily, a contribué à sauver plusieurs Français juifs pris en otage par un djihadiste. Par ce geste, cet homme a fait son devoir d'humanité ; toute la République lui a rendu hommage. Il a reçu son décret de naturalisation ; il est désormais français.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères, applaudit également.
Le 9 août 2021, un étranger, avec toute l'atrocité des bas instincts, fauche le père Olivier Maire. Cette fois-ci, le sentiment inverse nous accable. Comment expliquer qu'un homme entré illégalement sur notre sol en 2012 puisse commettre l'irréparable au moment même où, libéré sous contrôle judiciaire après l'incendie de la cathédrale de Nantes, il n'est plus expulsable ? Ces deux exemples nous inspirent des réactions contraires, qui sont les deux faces d'une même caricature.
Côté pile, il y a ceux qui semblent douter de tout. Du haut de leur forteresse, qui ressemble plus à une ligne Maginot, l'étranger est présumé délinquant et la République quitterait dès lors, pour de bon, l'humanité.
L'immigration zéro n'existe pas ; heureusement.
Côté face, il y a ceux qui semblent ne douter de rien. La France serait la planche de salut du monde moderne. Mais ces projets accueillent plus qu'ils n'intègrent, au point que l'arche de Noé le dispute souvent au Radeau de la Méduse.
Côté pile, c'est donc le verre à moitié vide. De la grandeur de Rome, ils n'ont retenu que le déclin ; leur phobie tient en deux apostrophes : l'appel d'air. Côté face, c'est le verre à moitié plein. Leur politique commence souvent par accueil, mais finit rarement par expulsion ; leur fantasme, c'est un pays all inclusive.
Au fond, la noblesse d'âme des uns répond à la disposition d'esprit des autres. Jamais ils ne pointent du doigt le paradoxe révélé par ces files d'attente, désormais numériques – plus souterraines – devant les préfectures et les sous-préfectures, pour la délivrance des titres de séjour : le paradoxe d'un système inhumain qui fait subir à des étrangers en situation régulière le chemin de croix d'un renouvellement ; le paradoxe d'un système inefficace, où la lourdeur de la politique de guichet rallonge d'autant l'exécution de la politique d'éloignement, après une probable protestation devant le juge.
Voyons les choses en face, avec lucidité : nos règles européennes et nationales sont devenues inadaptées ; nos procédures sont longues, les voies de recours multiples. En parallèle, notre système d'aides monétaires, sociales et médicales est bien plus élaboré que celui de nos voisins.
Ce système est donc doublement inefficace. D'abord, car toute personne de mauvaise foi qui demande un titre de séjour dans notre pays dispose d'une latitude d'action pour user de manœuvres dilatoires et détourner le système à son avantage.
Ensuite, car toute personne vertueuse, sans intention d'essouffler le système, peut se perdre dans le maquis de notre enfer procédural. Il faut donc remettre à plat notre droit et garantir, ce faisant, celui des étrangers.
Le simple sigle OQTF a acquis, à lui seul, la postérité des édifices à abattre, devenant le symbole de l'inefficacité de notre politique migratoire. Peu importe que la part des immigrés dans la population soit stable, le taux d'exécution des OQTF est égrené chaque jour, disséqué sous tous les angles, sans que l'on sache très bien à quoi il correspond ni les obstacles auxquels nous nous confrontons. Ces obstacles, les voici.
C'est d'abord le règlement européen de Dublin, en vertu duquel est rendu responsable du traitement d'une demande d'asile le premier État où arrive le demandeur. Le mécanisme est élémentaire mais inopérant. Les États frontaliers croulent sous les arrivées et peinent à enregistrer la masse des demandes. C'est le cas de la Grèce.
« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.
D'autres États détournent volontairement le système, en incitant les migrants à traverser leur pays sans les enregistrer. C'est le cas de la Hongrie.
Le nouveau Pacte, suggéré par la Commission européenne, trace une ligne cohérente : d'une part, faire en sorte que les personnes déboutées de leurs demandes d'asile ne puissent plus bénéficier d'une allocation et d'un droit à l'hébergement dans aucun autre pays de l'Union européenne ; d'autre part, prévoir que les pays qui se refusent à accueillir des migrants financent, en contrepartie, des retours forcés.
Le second obstacle, c'est notre procédure administrative. Pour traiter les 271 000 primo-délivrances de titres, c'est-à-dire le nombre de titres délivrés en 2021, dans un délai raisonnable, soit on augmente les moyens – ce que nous faisons, souvent sans votre soutien –, soit on change les procédures, ce que nous allons faire. La procédure d'instruction doit être simplifiée : certains étrangers présentent successivement plusieurs demandes de titre de séjour, en s'appuyant sur un motif puis sur un autre, ce qui conduit à une embolie du système et alimente le contentieux. Le dévoiement du droit d'asile y contribue.
Le troisième obstacle, c'est notre procédure juridictionnelle. L'embolie menace la justice : le contentieux des étrangers représente 40 % de l'activité des tribunaux administratifs et quasiment 50 % de celle des cours administratives d'appel. Et encore, la plupart du temps, il s'agit non pas d'un litige avec l'administration, mais d'une voie détournée pour que la demande soit examinée dans un délai raisonnable. Quant au contentieux en lui-même, la procédure est la règle, la lisibilité l'exception, au point qu'une OQTF peut être soumise, selon qu'un délai de départ volontaire est ou non accordé et selon le motif sur lequel elle se fonde, à un délai de recours de quarante-huit heures, de quinze jours ou d'un mois. Il faut donc remettre à plat le système : aujourd'hui, il n'existe pas moins de douze procédures contentieuses qui se recoupent partiellement, et que le Conseil d'État suggère de réduire à trois.
Enfin, notre politique d'éloignement constitue un ultime obstacle. Réduire les délais administratifs puis juridictionnels ne sert à rien si notre taux d'exécution des mesures d'éloignement reste faible. Or celui-ci s'est détérioré de façon continue. C'est l'effet ciseau de la politique d'éloignement : d'un côté, le nombre de mesures prononcées augmente ; de l'autre, leur taux d'exécution chute. Et pour cause, la chaîne d'éloignement manque de synergie : il faut identifier les personnes en situation irrégulière qui organisent leur fuite d'identité ; le pays destinataire doit ensuite les reconnaître comme ressortissants, en leur délivrant un laissez-passer consulaire – ce qui est impossible, vous en conviendrez, dans certains pays, par exemple l'Afghanistan.
Ce n'est pas tout. Le dispositif de rétention administrative est saturé et la procédure d'éloignement se judiciarise, conduisant parfois à l'annulation de l'arrêté d'expulsion. Une partie de la solution est donc nationale, afin d'interpeller les personnes en situation irrégulière et d'augmenter la capacité de placement en centre de rétention. Une autre est européenne, afin d'établir une stratégie globale et de sortir de l'impasse avec les pays tiers non coopératifs.
Mais ce que les Français ne comprennent plus, ce qui crée frustrations et exaspérations, c'est la trappe à illégalité, ce trou dans la raquette qui crée le phénomène des « ni-ni » , ces étrangers qui ne sont ni expulsables, ni régularisables. Ni expulsables d'abord, car ils sont entrés en France avant l'âge de 13 ans, ou y résident depuis plus de dix ans, ou encore sont mariés à un conjoint français depuis plus de trois ans. Bref, des verrous législatifs font obstacle à leur expulsion. Ni régularisables ensuite, car s'ils poussent l'incivilité jusqu'à la délinquance, on peut refuser de leur délivrer un titre de séjour.
Dans un second temps, les Français ne comprennent pas nos paradoxes sur l'immigration de travail. Parmi les travailleurs étrangers qui conduisent des véhicules de tourisme avec chauffeur – VTC – ou œuvrent en cuisine dans les restaurants, nombreux sont dans l'illégalité, faute de titre de séjour. Parfois, cette trappe à illégalité fait la courte échelle à la délinquance. Mais pouvons-nous sincèrement faire tourner les commerces, les usines et les restaurants sans eux ? La réponse est non.
« Ah ! Voilà ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce n'est pas moi qui vous le dis, ce sont les chefs d'entreprise qui nous interpellent. Ils appellent à une régularisation des travailleurs. Ils plébiscitent le nouveau titre de séjour renouvelable pour les métiers en tension annoncé par le Gouvernement.
Voilà une réponse concrète à l'intégration. Il faut faciliter les démarches des étrangers et sécuriser les compétences des entreprises. Il n'est pas normal qu'un étranger qui est depuis plusieurs années une force vive de la nation, s'intègre par l'effort et le travail, s'acquitte d'un loyer et épouse nos valeurs, plonge dans l'illégalité du jour au lendemain, sans que l'on comprenne pourquoi son titre est suspendu. Je pense à ce chef d'une entreprise de maçonnerie en Eure-et-Loir, touché par la pénurie de main-d'œuvre, qui ne peut garder un jeune travailleur originaire de Sierra Leone, auquel a été notifiée une mesure d'expulsion malgré un parcours exemplaire.
Il est également nécessaire d'attirer des compétences et des talents à forte valeur ajoutée, c'est-à-dire de choisir notre immigration. Il nous faut permettre l'implantation de médecins non communautaires, en facilitant, de façon dérogatoire, les procédures administratives pour leur venue et en s'assurant que le nouveau dispositif de reconnaissance des praticiens diplômés hors de l'Union européenne est bel et bien effectif, tout en ayant conscience que tout ceci n'est pas un jeu à somme nulle. Le Maghreb, qui fournit notre plus grand contingent de médecins étrangers, comble ainsi indirectement nos déserts médicaux en étendant les siens.
Une fois ces constats dressés, quelles valeurs défendons-nous et quelle doit être notre lucidité ? En matière d'immigration, on ne compte pas moins de vingt et une lois en trente-deux ans. J'ai relu les discours des ministres de l'intérieur qui se sont succédé à cette tribune. Les mêmes mots ont souvent été employés, les mêmes promesses souvent formulées, avec toujours ce mouvement de balancier entre l'expulsion et l'intégration, en liant rarement l'une à l'autre, en embrassant d'un seul regard les deux statues qui, derrière moi et face à vous, se dressent de part et d'autre de la tapisserie des Gobelins : à gauche, La Liberté, à droite, L'Ordre public.
La question n'est pas tant la recherche d'un équilibre, dont personne ne fixerait en vérité les curseurs au même niveau, mais d'assumer le « en même temps » ,
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
c'est-à-dire une radicalité à la fois dans la liberté et l'accueil et dans l'ordre public et la reprise du contrôle.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Danielle Simonnet s'exclame.
L'enjeu n'est donc pas de cocher une case par cette nouvelle loi, mais de partir d'une situation réelle pour garantir une véritable politique publique dont les effets, perceptibles par tous, redonnent aux Français le sentiment que nous sommes maîtres de notre destin, que nous sommes une nation souveraine.
N'oublions jamais qu'une France qui accueille, c'est d'abord une République qui intègre ; qu'un État qui protège, c'est aussi un pouvoir souverain qui éloigne. Il n'y a pas de grandeur sans ouverture, ni d'ouverture sans responsabilité. Il nous faut lutter contre le sentiment d'impuissance, refuser aussi bien les totems que les tabous. C'est bien là le cœur de ce que doit être notre travail parlementaire. Assumons ici d'être une nation qui s'est nourrie de l'immigration. Autant qu'ils ont été et sont nos travailleurs, les immigrés ont été nos frères d'armes – je pense aux 183 000 tirailleurs africains que gardera à jamais en mémoire la boue des tranchées,…
…à la libération de la Corse en 1943 grâce à l'assaut des tabors marocains, au concours des soldats d'Afrique dans l'enfoncement de la ligne Siegfried en 1944.
Assumons de réguler, de maîtriser les flux pour mieux intégrer. Assumons d'affronter le défi de l'intégration de populations culturellement plus éloignées et posant des défis nouveaux, sans jamais quitter de vue que nous sommes une création continue de l'histoire et pas juste une somme de communautés juxtaposées. Une politique utile pour la France et claire pour les Français est celle qui s'ancre dans notre histoire et qui entend les doutes et les inquiétudes légitimes. Assumons de protéger des Français solidaires, mais qui craignent aussi le déclassement, le dumping social, tout autant que les immigrés qui risquent la traite humaine. Assumons de pointer l'exploitation lorsqu'elle frappe à nos portes ; la quintessence en sont les dark kitchen et ces livraisons à domicile sur lesquelles il nous faudra légiférer.
Ce que les Français ne comprennent plus, ce sont enfin vos contradictions. Allons-nous devoir expulser tous les étrangers de France, ou ceux dont le patronyme sonne moins hexagonal ? Est-ce rendre grâce aux 20 % de médecins qui ont sauvé des vies pendant le covid ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Est-ce rendre service aux réfugiés qui fuient la guerre ? En quoi embaucher des personnes disposant de compétences hautement qualifiées pour exercer des métiers en tension, qui font la richesse de notre pays, créerait-il un quelconque appel d'air ? Pourquoi ne pas renouveler automatiquement les titres pluriannuels de ceux qui ne posent aucun problème et qui n'ont aucun casier judiciaire ? Comme si la file d'attente était une partie du contrat d'intégration républicaine !
Enfin, pourquoi ne pas concentrer nos moyens sur les primo-arrivants, les personnes qui se sont vu signifier une OQTF et celles qui ont un casier judiciaire ?
Au fond, l'enjeu pour notre majorité est de n'être jugée ni par Marine Le Pen ni par Jean-Luc Mélenchon. Il n'y a qu'un juge de paix : les Français ,…
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem
…qui évaluent le pacte social que nous leur présentons, la clarté des propositions que nous formulons et l'efficacité des politiques publiques que nous menons. Nul ne pourra s'étonner de voir l'abstention galoper si le cœur de notre politique régalienne et le cœur de l'expression de notre souveraineté sont mis en échec. Face au risque de l'impuissance, nous devons répondre par la clairvoyance ; face au risque du populisme et de la démagogie, nous devons répondre par la lucidité. Nous nous y employons.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Ce débat sur l'immigration, qui vient ouvrir une séquence législative puisque le Gouvernement a annoncé la présentation d'un texte à la rentrée, est pour nous fondamental. En effet, il porte sur l'un des phénomènes majeurs de la seconde moitié du XX
Pour les personnalités politiques qui savent s'extraire des polémiques subalternes, qui sont capables de voir loin et haut, qui portent en elles l'intérêt national, la question de l'immigration est centrale. Personne ne peut mésestimer l'aspect humain du phénomène de l'émigration : les tragédies et les souffrances que l'arrachement à une terre ancestrale, à sa culture, aux siens, induit.
Nous sommes bien placés, avec l'échec de l'assimilation et même de l'intégration, pour connaître les contraintes et les exigences qu'un ré-enracinement dans un nouveau pays peuvent engendrer. Pour les hommes d'État, comme demain pour les historiens, l'immigration soulève plus largement la question des grands flux démographiques qui doivent impérativement, sous peine de crises, de tensions ou de drames, être régulés par les États souverains.
L'histoire du monde tient souvent en une donnée : la démographie. La prospérité des pays comme les équilibres du monde, l'harmonie des sociétés comme la pérennité des ressources planétaires, en dépendent. Entre 1950 et 2100, la seule Afrique passera de 227 millions d'habitants à 4,5 milliards. Pour ces pays, c'est un défi considérable. Pour les nôtres, c'est un défi encore plus grand, parce que l'immigration anarchique et massive signifie la fin de nos équilibres sociaux, une atteinte à l'harmonie culturelle de notre pays, la contestation de nos valeurs, voire de nos libertés, et, à la fin, un risque pour la sécurité et même pour la paix civile, situation dramatique que connaît aujourd'hui Mayotte.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Tous les voyants sont au rouge. Des quartiers entiers, des villes, voire des départements comme la Seine-Saint-Denis, sont en passe de devenir des zones étrangères.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Un ancien ministre de l'intérieur, fondateur du mouvement présidentiel, vous a avertis à deux reprises, mais vous n'écoutez même plus les paroles de bon sens et de courage qui émanent désormais de vos propres rangs.
Avec une vision quasi coloniale, vous continuez à vouloir que les problèmes de l'Afrique se règlent en Occident, en brandissant une vaine culpabilisation de nos sociétés.
Vous nous expliquez que nos pays seraient tenus d'accueillir les populations du monde victimes d'insécurité économique, climatique ou politique. Pourquoi des populations de culture moyen-orientale devraient-elles être accueillies à Saint-Lys ou à Callac, et non pas dans les monarchies pétrolières cousines dont la richesse par habitant atteint des niveaux indécents ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Pourquoi ne pas admettre qu'un réfugié aurait vocation à rentrer chez lui une fois la crise dans son pays passée ? Pourquoi ne pas reconnaître le scandaleux dévoiement du droit d'asile que nous subissons depuis trente ans ? .
M. Stéphane Peu s'exclame
Cela fait cinq ans que vous êtes au pouvoir et que l'action publique en matière de contrôle de l'immigration s'affaisse, comme en témoignent l'effondrement de l'exécution des OQTF, le piteux cafouillage de la gestion des migrants de l'Ocean Viking ou le chaos migratoire à Paris.
Il est vrai que, déjà en 2015, le ministre Emmanuel Macron déclarait que les réfugiés représentaient une « opportunité économique » et appelait « à ne pas gouverner aux sondages ». Et tant pis pour le peuple français, qui paye dans ses rues, ses écoles, ses hôpitaux et ses prisons le prix de votre incurie. La réalité, c'est qu'aucun pays n'a montré autant de générosité que la France depuis quarante ans.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Elle n'en a plus les moyens, alors que partout les services publics sont exsangues. Nous n'avons plus à partager que des difficultés économiques et sociales, des problèmes sécuritaires et des menaces d'embrasement.
Nous sommes entrés, sous la présidence d'Emmanuel Macron, dans des logiques de pénuries, de restrictions, de rationnements, de ruptures énergétiques, bref : de tiers-mondisation accélérée.
Comment peut-on, dans ce malheureux état, prétendre jouer les généreux donateurs ou les sauveurs du monde ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mensonges et manipulation quand, après nous avoir expliqué faussement que l'immigration était arrêtée depuis 1974, les campagnes de propagande d'État ont professé qu'elle était « une chance pour la France ». Aujourd'hui, tout est fait pour l'invisibiliser, pour faire croire qu'elle n'existerait pas ou, pire, qu'elle serait inéluctable. Non-dits et culpabilisation quand les pouvoirs publics s'ingénient à manipuler le nombre de clandestins en recourant à des régularisations incessantes, celui des étrangers par des naturalisations massives, à nier le poids écrasant de l'immigration dans l'explosion de l'insécurité.
Dans le même temps, on refuse d'évaluer le nombre d'illégaux présents sur le territoire, on refuse d'estimer l'impact social de l'immigration ou d'en déterminer le coût total. La vérité, c'est que les immigrationnistes sont conscients que les peuples attachés à leur culture et à leur mode de vie, ces peuples qui ont encore un instinct de vie ou de survie, qui ont combattu durant des siècles pour leurs libertés et leurs valeurs, ne veulent pas de cette submersion.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Pour les dirigeants français ou européens habités par une vision globaliste qui chaque jour se fracasse sur la recomposition du monde, l'immigration n'est pas un problème mais un projet. Un projet qu'il faut imposer aux peuples par le mensonge, parfois par omission, par la manipulation et par la politique du fait accompli.
Permettez-moi une confidence.
« Non ! » et exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Je préfère encore des immigrationnistes assumés comme nos collègues du groupe La France insoumise avec leur projet faussement humaniste mais sans équivoque de « créolisation », aux immigrationnistes honteux qui peuplent la vie politique depuis quarante ans.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Ces partisans du laisser-aller et du laisser-passer s'abritent derrière des discours prétendument fermes pour laisser se poursuivre en sous-main la submersion de nos pays ; ils s'abritent derrière des motifs pseudo-humanitaires pour laisser se dérouler devant nos yeux un gigantesque trafic d'êtres humains.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous l'avez compris, et compris depuis longtemps, ceci n'est pas notre projet. Nous croyons aux nations et aux peuples, nous croyons que les hommes sont des êtres qui se définissent par des filiations et des affiliations, des allégeances et des interdépendances, des histoires personnelles et collectives qui font d'eux des êtres d'affections familiales, d'appartenance culturelle, d'attachement national.
Mêmes mouvements.
Ils ne sont pas, comme vous le professez, des anywhere, selon la formule de David Goodhart, des nomades destinés à errer dans un monde indifférencié, des créatures interchangeables. Ils ne peuvent résumer leur vie à des actes de production et de consommation. Il n'est pire faute morale que de déraciner quelqu'un, de le priver de son histoire, de sa mémoire ou de sa terre.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.
C'est pourquoi nous pensons que l'émigration est la dernière des solutions. Cela signifie que le monde, et pas seulement l'Europe, doit s'engager dans une politique d'aide au développement des pays pauvres, une aide au développement qui profite réellement à leurs habitants et non à leurs dirigeants corrompus.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Cela signifie que la question des réfugiés doit être traitée régionalement dans le cadre de cités « Asilia », des cités d'accueil installées au pourtour des zones en crise. Nous devons cesser d'admettre les détournements du droit d'asile qui ruinent sa pertinence juridique. Et parce que le message doit être celui de la fermeté, les régularisations doivent être prohibées.
Le droit de vivre selon nos lois et nos coutumes, selon nos rites et nos modes de vie, que nous reconnaissons aux peuples du monde, nous le revendiquons pour nous ,
Mêmes mouvements
tout comme nous revendiquons le droit à la continuité historique, le droit de vivre conformément à nos valeurs de civilisation, conformément à notre conception de la vie et de l'homme. C'est pourquoi nous réclamons une grande loi de régulation de l'immigration, à l'image de ce qui se fait au Danemark. Or, d'après les premiers éléments que nous avons, il apparaît que nous ne retrouverons rien de tout cela dans votre futur projet de loi, un énième texte placebo qui n'a pour objet que de tenter de faire croire au citoyen distrait que vous agissez alors que la situation migratoire est plus que jamais hors de contrôle.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RN.
Un texte qui, loin de réguler les flux migratoires, ouvre, avec le prétexte des métiers en tension, de nouvelles voies d'entrée frauduleuses ou des régularisations massives.
Tout cela se fait à la demande d'un patronat sans scrupule, avec toujours ce même argument : les Français seraient un peuple de feignants et de réfractaires. Alors que c'est votre immigrationnisme qui porte en lui-même le déclassement, les salaires bas et l'affaissement dramatique de la productivité des emplois !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous, nous refusons de voir ainsi le trafic des hommes légalisé, nous refusons de voir notre pays submergé quand, dans le même temps, tant de jeunes Français se sentent obligés de quitter notre pays.
Les Français sont très majoritaires à penser que l'immigration doit cesser. Ils sont également très majoritaires à penser que ce gouvernement est incapable de juguler ce fléau. J'ai proposé durant la dernière campagne présidentielle un projet de référendum sur cette question. Il est urgent, nécessaire et surtout démocratique que le peuple français puisse enfin se prononcer sur cette question fondamentale.
Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent vivement.
S'il est un sujet qui fait la part belle aux effets de manche, coups de menton, gesticulations exagérées, bombages de torse vains, emphases inutiles, fantasmes variés, c'est sans aucun doute celui de la politique de l'immigration.
Depuis quarante ans, ce sujet obéit à un régime de parole particulier : la production de signes. Il faut afficher fermeté, dureté, si bien que vous êtes moins intéressés par ce que vous dites que par l'effet supposé sur votre auditoire. Depuis quarante ans, la fonction sociale de ce sujet est exclusivement son instrumentalisation à des fins politiques. Chacun ici y trouve son compte.
Marine Le Pen, à l'instant, sautille de joie à l'idée d'aborder l'unique marqueur de sa petite boutique de haine.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les députés du groupe LR raffolent de la politique de l'immigration, envisagée comme le seul espace qui leur reste pour se différencier de vous. Et, collectivement, nous fournissons le décor de votre entreprise de séduction de la droite.
Votre grille de lecture étriquée du sujet, guidée par la démagogie, est celle d'une tenaille imaginaire entre un prétendu angélisme et l'inhumanité la plus crasse.
Pourtant, une autre voie est possible. Nous sommes venus vous dire de revenir à la raison. Vingt-neuf lois, vingt-neuf lois depuis 1980 !
Le prétendu tabou de l'immigration est en réalité brisé, au rythme d'une loi tous les deux ans. Pourquoi ? Pourquoi ne jamais tirer de bilan ? Comment expliquer qu'un gouvernement, prétendument efficace, doive s'y reprendre plus d'une fois pour régler ce qu'il présente comme un problème ?
À moins de supposer que ces lois ont, finalement, peu à voir avec l'objet qu'elles traitent. Il ne s'agit pas de faire, mais de montrer que l'on fait.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
En matière d'immigration, mieux vaut une démonstration de force, une politique du chiffre, qu'une politique raisonnée. Le calendrier n'est d'ailleurs jamais innocent. Il y a toujours une raison pour semer le poison de la discorde dans le pays.
Collègues, les bonnes décisions sont celles prises de sang-froid. Sur ce sujet en particulier, sont entretenues sciemment les angoisses qui tétanisent la réflexion. Avant toute chose, il faut faire acte de salubrité publique.
Loin des fantasmes d'une submersion migratoire, la France est l'un des pays d'Europe de l'Ouest où l'immigration est parmi les plus faibles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – MM. Benjamin Lucas et Jean-Marc Tellier applaudissent également.
Contrairement à vos élucubrations xénophobes, personne ne compare les régimes sociaux européens avant de venir en France – comme le font en revanche vos milliardaires lorsqu'ils hésitent entre la Suisse et les îles Fidji pour choisir le régime fiscal le plus avantageux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas et Mme Elsa Faucillon applaudissent également.
L'AME, sur laquelle vous êtes si prolixes, ne représente que 0,5 % des dépenses de santé prises en charge par l'assurance maladie. Très souvent, les personnes immigrées ne recourent pas à ce droit et renoncent aux soins.
Collègues, revenez donc à la raison ! Les déplacements de populations sont une réalité historique. Vous ne construirez jamais de murs assez grands pour vous protéger de l'aspiration de chaque être humain à une vie meilleure.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Il faut donc permettre à chacun de vivre dignement là où il est, mais cela exige de faire cesser une certaine hypocrisie car ceux qui stigmatisent les immigrés sont les mêmes qui soutiennent des politiques libérales dévastatrices pour les pays du Sud ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe GDR – NUPES
les mêmes qui promeuvent des accords de libre-échange inégaux, quand ce ne sont pas des guerres. Le capitalisme néolibéral n'a d'autre vocation que d'épuiser les ressources et les êtres humains et de rendre le monde fondamentalement inhabitable.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Oui, collègues, votre hypocrisie vous fait trébucher d'une bêtise à l'autre. Vous êtes des hypocrites quand vous tolérez sans mal la législation sur les travailleurs détachés, mettant en concurrence des travailleurs européens dans une course effrénée vers le moins-disant social. Hypocrites quand vous serrez la vis des politiques d'immigration, rendant la vie de centaines de milliers de gens impossible, pourtant bienheureux quand les mêmes contribuaient à tenir notre pays debout pendant la crise sanitaire. Hypocrites quand vous parlez sans cesse de la valeur travail comme d'un facteur d'intégration, et refusez que les demandeurs d'asile exercent un emploi pendant le délai d'examen de leur dossier.
Hypocrites quand l'État lui-même fabrique des sans-papiers par une dématérialisation inhumaine : pas de rendez-vous en préfecture, pas de renouvellement de titre ; pas de renouvellement, pas d'emploi, et parfois plus de logement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe GDR – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Hypocrites car vous entretenez la délocalisation sur place : des secteurs entiers de l'économie, de la filière du bâtiment et travaux publics (BTP) à la restauration, en passant par les services à la personne, reposent sur cette main-d'œuvre bon marché, condamnée à la servilité par la menace qui pèse constamment sur sa tête – l'expulsion. Hypocrisie ultime lorsqu'en plus de fabriquer des personnes sans-papiers, vous les exploitez.
Je salue ainsi les travailleurs sous-traitants de La Poste, présents ici dans les tribunes.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également. – Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et continuent d'applaudir en se tournant vers les tribunes du public.
Depuis un an, ils tiennent trois piquets de grève devant Chronopost à Alfortville, DPD au Coudray-Montceaux, et encore récemment devant RSI à Gennevilliers. Vous savez que La Poste, entreprise à capital public, emploie des personnes sans-papiers corvéables à merci : temps partiels imposés pour des salaires de misère, embauche à trois ou quatre heures du matin, pas de paiement d'heures supplémentaires, pas d'arrêt maladie ni de pause réglementaire. Vous le savez ! Qu'avez-vous à leur dire ? Vous préférez laisser l'impunité patronale perdurer.
Hypocrites enfin quand certains parlent ici de « retourner en Afrique » et font travailler des personnes sans-papiers dans leurs vignes, comme M. de Fournas.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe GDR – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit aussi.
Ayez au moins les atours de la cohérence ! Mettez un terme au régime des travailleurs détachés et régularisez tous les travailleurs sans-papiers !
Collègues, l'immigration est un phénomène qui connaîtra un changement d'échelle. Les conséquences du dérèglement climatique conduiront 1 milliard de personnes sur les routes de l'exil. Dans ces circonstances, il nous faut choisir entre le chaos et l'entraide.
Dès aujourd'hui, l'urgence climatique exige qu'une aide financière et matérielle à la bifurcation écologique soit consentie aux pays les plus vulnérables, une aide fondée sur des transferts de savoirs ; elle exige également la reconnaissance d'un statut de détresse environnementale. La seule réponse raisonnable consiste à organiser la solidarité pour relever le plus grand défi que l'humanité aura à connaître. Il nous faut donc de réelles politiques publiques pour organiser l'accueil. Pour cela, la philosophie met en partage depuis des siècles un principe qui nous est précieux : agir de telle sorte que la maxime de notre action puisse être érigée en loi universelle.
Personne, collègues, n'est responsable de sa naissance dans la misère, dans un pays pauvre, en guerre ou dans un pays en première ligne face au dérèglement climatique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ayez donc le courage de traiter ces personnes avec dignité. Renforcez les structures d'accueil et d'hébergement. Dites à M. Darmanin de cesser la criminalisation outrancière des associations qui se contentent de donner à boire et à manger aux exilés à Calais.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.
Abolissez l'infâme « délit de solidarité ». Mettez un terme à l'enfermement des enfants dans les centres de rétention, interdisez enfin les tests osseux.
Cessez, pour finir, votre chasse sur les terres de l'extrême droite. À l'heure où nous parlons, 342 jeunes dorment devant le Conseil d'État après avoir passé six mois à la rue.
« La honte ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ils veulent aller à l'école, mais M. le ministre Darmanin est trop occupé à montrer les muscles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Les politiques d'immigration ne peuvent pourtant être réduites au giron sécuritaire. Elles doivent inclure la santé, l'éducation, la culture, la lutte contre les discriminations et être articulées sur le long terme. Et avant toute chose, madame la Première ministre, il faut que tout le monde dans ce pays puisse vivre dignement. Lorsque vous détruisez les services publics, ce sont les personnes les plus pauvres que vous sanctionnez en priorité, et parmi elles, les derniers arrivés en France. Vous ne parviendrez pas à faire diversion en ce qui concerne les conditions matérielles d'existence du peuple. La colère qui gronde ne sera jamais dissipée avec des lois pointant des boucs émissaires. Vous voulez rétablir l'ordre ? Abandonnez votre réforme des retraites, bloquez les prix, augmentez les salaires et partagez les richesses !
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour le reste, collègues, la France a pour promesse Liberté, Égalité, Fraternité ». Chacun peut en faire le serment : c'est le propre d'une nation universaliste.
J'achève avec ces mots : « Nous sommes dans l'eau. Aidez-nous, s'il vous plaît ! Nous sommes en train de mourir. Nous sommes dans la mer, dedans. Il fait froid. » Ce sont les derniers mots prononcés par l'une des vingt-sept personnes exilées mortes dans une traversée de la Manche en 2021. Parmi elles, une petite fille de 7 ans. Il leur a été répondu : « Oui, mais vous êtes dans les eaux anglaises. »
Collègues, j'alerte ! Il serait erroné de ne voir dans cette réponse qu'une faute individuelle, sans percevoir la longue entreprise collective de déshumanisation raciste qui l'a rendue possible.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme la Première ministre proteste.
Tant de paroles ont alimenté, ces dernières années, ce processus au terme duquel certaines vies ne valent pas la peine d'être sauvées et certaines morts d'être pleurées.
Cette tragédie est l'aboutissement de politiques dont le paradigme est toujours la sévérité, pour lutter contre tout soupçon de laxisme. Nous savons, au fond, quel est le point culminant de cette rhétorique mortifère : le « laisser mourir en mer ».
Encore une fois, il faut revenir à la raison. L'humanisme n'est pas une opinion politique : c'est une exigence morale qui s'impose à tous. Ceux que la mort des autres ne foudroie plus s'écartent de notre commune humanité.
Les députés du groupe LFI – NUPES, ainsi que Mme Cyrielle Chatelain et MM. Inaki Echaniz et Benjamin Lucas se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Fiasco, faillite, débandade, échec : les mots pour décrire les résultats de la stratégie migratoire menée depuis cinq ans par le Président de la République et ses affidés successifs ne manquent pas, contrairement à votre courage politique qui, lui, fait gravement défaut.
Record historique de titres de séjour délivrés, record historique de demandes d'asile, record historique d'inexécutions d'obligations de quitter le territoire français, record historique de clandestins, record historique du coût de l'aide médicale de l'État, record historique d'étrangers en prison : vous avez, madame la Première ministre, réussi le grand chelem de l'inertie administrative, de l'incurie migratoire et de l'abandon de la France.
En matière d'immigration, il ne peut y avoir de « en même temps ». Ou vous voulez plus d'immigration dans notre pays, ou vous en voulez moins. Ou il y a un lien entre immigration et délinquance, comme le dit le ministre de l'intérieur, ou il n'y en a pas, comme vous le soutenez, madame la Première ministre. Ou vous accueillez l'Ocean Viking, ou vous souhaitez expulser davantage. Il n'y a pas d'entre-deux.
Vous, Gouvernement, députés de la majorité, de gauche et d'extrême gauche, vous voulez plus d'immigration en France. Nous, députés du groupe Les Républicains, nous voulons moins d'immigration en France.
Votre « en même temps » migratoire et votre volonté de ne froisser personne, particulièrement vos amis de l'intelligentsia boboïsée ,
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et LFI – NUPES
vous conduisent à des lâchetés successives, au détriment de ceux qui souffrent concrètement et quotidiennement d'une immigration incontrôlée et non intégrée.
Lâcheté quand vous décalez de plusieurs mois l'examen au Parlement de votre projet de loi relatif à l'immigration !
Lâcheté quand, jeudi dernier, vous repoussez nos deux propositions de loi visant à expulser les étrangers délinquants et ceux constituant une menace pour l'ordre public, alors que votre ministre de l'intérieur est favorable à la double peine !
Lâcheté quand, face aux problèmes de recrutement de certains secteurs, vous ne trouvez d'autre réponse que la régularisation massive de clandestins !
Lâcheté quand vous refusez de bloquer les visas, l'aide publique au développement et les transferts d'argent vers les pays qui refusent de reprendre leurs ressortissants illégalement présents sur notre territoire !
Lâcheté quand vous refusez de restreindre l'aide médicale de l'État aux seuls cas graves !
Lâcheté quand vous ne voyez l'immigration que sous le seul prisme de l'asile !
Vous avez une occasion unique – peut-être même la dernière – de reprendre la main sur la politique migratoire de notre pays.
Mais pour cela, il vous faudra du courage. Et puisque vous en êtes dépourvus, nous, députés Les Républicains, sommes prêts à en avoir à votre place, pour peu que vous écoutiez nos propositions, ce que vous faites toujours avec cinq ans de retard.
Cependant, nous vous le disons clairement : si vous maintenez votre volonté de régulariser massivement des clandestins, nous voterons contre l'ensemble de votre futur projet de loi, qu'importe ce qu'il contiendra d'autre, tant cette disposition créerait un appel d'air et constituerait une prime à l'illégalité.
Au Royaume-Uni, au nom du même prétendu réalisme économique, Boris Johnson avait promis, en 2019, la régularisation de 500 000 clandestins. Depuis, il n'y a jamais eu autant de malheureux à tenter leur chance au large de ma circonscription, au péril de leur vie, sur des rafiots de fortune, encouragés par cette promesse exploitée par des réseaux de passeurs.
Madame la Première ministre, chaque année, 400 000 étrangers entrent légalement dans notre pays – chiffre qui a augmenté d'un tiers en dix ans. Si ces étrangers formaient une ville, elle serait la cinquième plus peuplée de France.
Nous demandons à réduire drastiquement ce nombre, car nous sommes dans l'incapacité de bien intégrer tous ces étrangers. Une bonne politique migratoire doit d'abord définir le nombre maximum de personnes que notre pays peut intégrer, en fonction du nombre de logements, du nombre d'emplois, du nombre de professeurs disponibles, et non l'inverse. Et ce nombre, c'est au Parlement d'en décider.
Ici réside la seule solution pour passer d'une immigration familiale sous-qualifiée et subie à une immigration de travail sur-qualifiée et choisie. Seuls 13 % des premiers titres de séjour sont délivrés pour motif économique, alors que ce chiffre s'élève à 33 % partout ailleurs.
M. Hadrien Clouet s'exclame.
Ainsi, par votre lâcheté, la France est le seul pays de l'OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques – où l'immigration a un impact négatif sur les finances publiques. Dans notre pays, l'immigration n'est pas une chance, mais une charge.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
En effet, 40 % des immigrés ont un niveau scolaire inférieur ou égal au brevet des collèges. C'est le double du reste de la population, ce qui crée des trappes à bas salaires dans les métiers les moins qualifiés.
Sur les 280 000 premiers titres de séjour délivrés, 90 000 le sont pour motif familial. Qu'avez-vous prévu pour réduire ce chiffre ? Comptez-vous cesser d'octroyer automatiquement des titres de séjour aux époux étrangers de Français qui ne parlent pas un mot de notre langue et qui ne respectent ni nos lois ni nos coutumes ? Êtes-vous prête à réduire drastiquement le regroupement familial, comme le fait le Canada ?
L'actualité nous le démontre tragiquement, la principale voie d'entrée de l'immigration illégale est bien l'immigration légale : des étrangers se maintiennent illégalement en France à l'expiration de leur titre de séjour. Aussi, vous ne réussirez pas à réduire le nombre de clandestins en France si vous ne réduisez pas le nombre de titres de séjour délivrés. L'étranger irrégulier le plus facile à expulser, c'est celui qui n'entre pas dans notre pays !
C'est pourquoi il faut également réduire le nombre de titres de séjour – ils sont au nombre de 85 000 chaque année – accordés aux étudiants étrangers, en particulier dans les filières qui ne forment pas aux métiers qui recrutent.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Voilà les quelques pistes que nous vous dessinons, madame la Première ministre.
Vous demandez du temps pour la concertation : vous connaissez nos propositions et nos lignes rouges. Il vous revient dorénavant de faire preuve de courage.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Il y a un an, à quelques jours près, la France ouvrait les portes du Panthéon à Joséphine Baker. Sixième femme à y reposer, elle succède à Simone Veil et incarne une intégration voulue et réussie.
Grande artiste de music-hall, humaniste et femme de cœur, elle fut avant tout une grande patriote, sous-lieutenante au sein des Forces françaises libres. Et lorsqu'elle était félicitée pour son action, elle répondait : « La France m'a ouvert les bras, je ne fais que lui rendre ce qu'elle m'a donné. »
Par cette introduction, je tenais à rappeler que de nombreuses autres Joséphine existent, même si l'histoire ne leur a pas rendu les mêmes honneurs.
Chers collègues, nous vivons une époque troublée. Une guerre a lieu à nos portes, après qu'une pandémie a déstabilisé durablement l'économie mondiale. La crise énergétique se double d'une crise climatique majeure. Une montée de l'inflation inquiète nos concitoyens, tandis que l'incertitude, la tentation du repli sur soi et la peur saisissent les populations. Le débat qui nous occupe aujourd'hui, et pour l'organisation duquel je remercie le Gouvernement, nous oblige à prendre en considération cette situation.
Au fond, la question qui se pose est toujours la même : comment conjuguer le principe universel de libre circulation des personnes avec le droit des peuples et des gouvernants à disposer librement de leurs frontières ? Je le concède, cet équilibre est difficile à trouver, certains souhaitant la fin irréaliste des frontières et d'autres voulant construire des murs tout aussi illusoires entre les pays. Nous devons à nos compatriotes de métropole et d'outre-mer de chercher ce chemin d'équilibre. Les Français attendent des réponses et nous les savons exigeants.
La dernière loi que nous avons adoptée, en 2018, a produit des résultats et entraîné une forte progression des éloignements en 2019, soit avant la crise du covid-19. C'est mieux que ce que font nos voisins européens, même si c'est évidemment insuffisant.
Voilà pourquoi notre groupe aborde le prochain projet de loi relatif à l'immigration avec beaucoup de pragmatisme, mais aussi avec beaucoup d'humanité. Je l'avais dit en 2018, il faut selon nous avoir une politique d'immigration et d'intégration à la fois humaine et opérante, car l'un ne va pas sans l'autre : c'est pour nous la clé d'une législation réussie. Sans ces deux facettes, sans cette action exigeante pour accueillir chez nous ceux qui ont besoin de notre protection, ceux qui sont une chance ou un soutien pour notre activité économique, ceux qui viennent s'enrichir de nos savoirs et faire rayonner notre pays à l'international, nous risquons de renforcer la défiance de certains de nos concitoyens, de réveiller des sentiments de rejet et d'accentuer les fractures dans notre société.
Vous l'avez indiqué, madame la Première ministre : la première réponse est européenne. En effet, une organisation régionale telle que l'Union européenne – et a fortiori un État – ne peut espérer maîtriser seule les mouvements migratoires qui la concernent, ce qui n'enlève rien à la nécessité de mener des politiques pertinentes.
L'exemple récent de l'Ocean Viking en est une parfaite illustration. Les trois semaines d'errance du navire, qui a fini par trouver refuge en France, nous rappellent qu'il faut impérativement harmoniser les conditions d'entrée, mais aussi renforcer notre capacité à respecter les droits humains.
En 2018, des lignes avaient été tracées et je tiens à saluer le travail riche et fourni accompli alors par notre groupe et particulièrement par Marielle de Sarnez qui, en tant que présidente de la commission des affaires étrangères, avait rappelé à juste titre que la stratégie que nous devons adopter est européenne, diplomatique, de développement et fondée sur une vision de long terme.
À cet égard, elle plaidait pour faire de l'harmonisation de nos pratiques notre objectif principal. En effet, la convergence européenne tant attendue en matière de droit d'asile doit désormais être réalisée, si nécessaire sous la forme d'une coopération renforcée entre les États membres désireux d'avancer ensemble.
Dans le domaine de l'asile, nous savons tous que si le régime européen fixe des normes minimales communes applicables en matière de traitement des demandes, celui-ci ne se fait pas de manière uniforme. Le taux de reconnaissance varie d'un État membre à l'autre, ce qui entraîne une course au droit d'asile démontrant combien l'harmonisation des procédures et des normes est nécessaire dans ce domaine.
Par ailleurs, c'est une évidence, notre gestion des flux migratoires, qui doit avoir lieu à l'échelle européenne, nous impose de regarder par-delà nos frontières et d'établir des partenariats globaux et équilibrés avec les pays d'origine et de transit, afin de permettre aux femmes, aux enfants et aux hommes qui fuient leur pays d'avoir le choix de rester vivre là où ils sont nés, là où leur famille est installée, là où se trouvent leur culture et leur identité.
À l'échelle nationale, entre autres priorités, il est indispensable que nous poursuivions nos efforts pour réduire les délais de traitement des demandes d'asile. C'est ainsi que nous permettrons aux bénéficiaires de la protection internationale de s'inscrire plus rapidement dans un parcours d'intégration, sans perdre de temps. Et c'est également de cette manière que nous opérerons plus rapidement le retour effectif des déboutés vers leur pays d'origine.
Tels étaient les objectifs de la loi de 2018, dont il convient d'interroger et d'évaluer les résultats à l'aune de la courte période d'application. Promulgué en 2018, ce texte n'a en effet été pleinement appliqué qu'en 2019, les années 2020 et 2021 ayant été marquées par la crise sanitaire.
Il est ensuite essentiel de mener une politique d'intégration renforcée. Cela passe par l'acquisition de la langue et par le travail. Il y a quelques jours, François Bayrou disait à juste titre qu'« on devrait exiger deux choses : la maîtrise de la langue, qui est la garantie de la volonté de s'intégrer, de participer à un pays avec son mode de vie, et […] la volonté de s'engager dans le travail pour gagner sa vie. »
À l'heure actuelle, 75 % des étrangers signataires du contrat d'intégration républicaine (CIR) atteignent le niveau requis à l'issue de la formation obligatoire dispensée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii). Ce chiffre est bon, même s'il demeure insuffisant.
Cela étant, l'atteinte d'un niveau de langue n'est pas exigée pour obtenir un titre de séjour, la seule obligation étant de suivre avec assiduité cette formation civique et linguistique organisée par l'Ofii. Nous devons donc passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultat, ce qui nécessite selon nous que le futur projet de loi relatif à l'immigration comporte des mesures volontaristes en la matière.
Par ailleurs, le travail doit redevenir le premier lieu de l'intégration des étrangers. M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion a rappelé les chiffres : le taux de chômage des immigrés s'élève à 14,6 %, contre 8,3 % pour les personnes nées en France, tandis que le taux d'emploi des immigrés s'établit à seulement 58,5 %, contre 66,4 % pour les personnes nées dans le pays – le différentiel s'élevant même à 15 points, je tiens à le signaler, entre les femmes immigrées et celles nées en France.
Plusieurs dispositifs existent pour favoriser l'intégration des réfugiés, particulièrement le programme d'accompagnement global et individualisé des réfugiés (Agir). Toutefois, trop de travailleurs étrangers contribuant à l'économie de notre pays sont installés et maintenus dans le non-droit, dans l'illégalité, ce qui les empêche de rejoindre un parcours d'intégration.
Je le dis avec force au nom de mon groupe : nous voulons que l'hypocrisie cesse et que ces trappes à illégalité disparaissent. Il faut des mesures destinées aux travailleurs étrangers eux-mêmes, afin de faciliter leur accès au travail dans des situations bien définies, et des dispositifs destinés aux employeurs, afin qu'ils participent au mieux à l'intégration sociale de leurs salariés immigrés.
Cela passe, entre autres, par des mesures de régulation – je pense au secteur des plateformes de transport et de livraison –, par des réponses adaptées aux métiers en tension et aux besoins des entreprises en matière de profils très qualifiés et, si nécessaire, par des sanctions dissuasives et appliquées en cas d'emploi d'un étranger clandestin.
Né en 2005, le Ceseda, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, peut-être le code le plus épais de notre droit, a connu de nombreux toilettages. Depuis la fin des années quatre-vingt, l'immigration a connu vingt et une lois. Vingt et une lois en trente-deux ans, c'est certainement trop, reconnaissons-le. Il existe très peu de domaines dans lesquels on légifère autant ; cela doit nous conduire à l'humilité, quelle que soit notre place dans l'hémicycle.
Monsieur le ministre de l'intérieur et des outre-mer, vous avez choisi de lancer plusieurs chantiers. Le premier consiste à renforcer l'efficacité de la lutte contre les menaces à l'ordre public et l'immigration irrégulière. Nous nous réjouissons que la lutte contre les passeurs, qui exploitent la détresse humaine, en fasse partie. Le deuxième consiste à engager une réforme structurelle de notre système d'asile. En effet, le traitement des demandes d'asile est encore beaucoup trop long et source d'un trop grand contentieux. Sur ce point, il est important que les collectivités territoriales soient des partenaires actifs et des relais sur lesquels les représentants de l'État puissent s'appuyer ; sans l'échelle locale, rien ne se fera. Cependant, il faudra être attentif à ne pas déséquilibrer le système des OQTF en voulant aller trop vite, sans respecter le droit du recours en appel d'une décision. Vous entendez également renforcer les exigences d'intégration par la langue et le travail. Nous en sommes satisfaits ; comme je le disais tout à l'heure, il ne peut y avoir d'intégration sans maîtrise de la langue et sans accès au travail.
Sur tous ces sujets, nous aurons le temps de travailler ensemble pour arriver à l'équilibre et à l'efficacité. Nous croyons qu'un juste équilibre est possible et nécessaire : un humanisme lucide, adapté et exigeant. C'est pourquoi nous serons force de proposition, en veillant à ce que nos valeurs soient préservées. L'accueil et l'intégration ne pourront se faire que si nous sommes exigeants sur les modalités de leur mise en œuvre, car ils sont les seules clefs de l'acceptation par tous de notre devoir d'accueil et, ainsi, d'un climat apaisé dans notre pays, où chacun pourra trouver sa place.
La migration n'est pas un phénomène dont nous devons avoir peur. Elle existe depuis la nuit des temps. Qui d'entre nous n'a pas un parent, un ami, un collègue qui n'est pas d'origine française ? Qui d'entre nous ne voit pas aussi combien la France a pu s'enrichir de cette diversité ? Alors, trouvons ensemble le courage de donner à ceux qui ont toute légitimité à rester dans notre pays les moyens de le faire dans les meilleures conditions.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.
Vous nous invitez à débattre de la politique d'immigration de la France. C'est un débat dont nous souhaitons qu'il soit guidé par la mesure, la vérité et la fidélité à ce que sont la France dans son histoire, la République dans les principes qui la fondent et l'État de droit dans les règles qui le gouvernent. Nous ne sommes ni dans l'obsession ni dans l'aveuglement : ni dans le déni face aux défis de l'immigration, ni dans l'une de ces postures viriles et en définitive vaines qui finissent par désespérer les Français. Nous savons que, sans être au sommet de leurs préoccupations et de leurs difficultés quotidiennes, la question migratoire taraude les Françaises et les Français dans un moment d'angoisse existentielle et même culturelle tant, pour beaucoup d'entre eux, l'avenir est incertain, le présent difficile et l'idéal d'intégration malmené ; dans un moment, disons-le nettement, de défiance à l'égard de la politique.
Nous leur devons un débat honnête et juste qui nous autorise, en écho lointain aux propos de Jean-Pierre Chevènement, il y a vingt-cinq ans, à rappeler en incipit que « parler des étrangers, c'est aussi une autre manière de parler de la France ».
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.
De parler de la France et des Français, de rappeler que « le peuple français ne s'est jamais défini par la souche, mais par le bonheur d'être ensemble en donnant sens à son histoire » ,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Benjamin Lucas applaudit aussi
et j'ajouterai : par la grande et belle ambition de construire ensemble une nation d'égaux. La France marche au mélange, elle est le creuset fertile d'où jaillit le meilleur : les visages des premiers de corvée qui se sont révélés dans la crise, les visages de celles et de ceux, issus de tous les pays, qui portent haut, et de bien des manières, nos couleurs. À nos compatriotes français dont les aïeux furent, à un moment de leur histoire personnelle, des étrangers, je dis cette évidence qu'il me fait mal de devoir rappeler parce que d'autres, sur ces bancs, la contestent : vous êtes français ! On peut aimer la France et la terre de ses ancêtres.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Peut-être même est-ce là le cœur de l'universalisme républicain, comme le disait Aimé Césaire : « un universel riche de tout le particulier, riche de tous les particuliers ».
M. Philippe Brun applaudit.
Un débat honnête qui nous oblige à dire que l'immigration n'est pas une opinion, mais une réalité historique, économique, sociale, humaine surtout, et qu'elle est devant nous. Oui, l'émigration, phénomène mondial, a connu ces dernières années une augmentation sur le plan mondial, européen et français, sous l'effet conjugué des désordres géostratégiques, des guerres, de la mondialisation et du réchauffement climatique. Il y a mille raisons de rester chez soi, il y en a quelques-unes seulement de partir. Cette augmentation est néanmoins plus modeste en France que dans d'autres pays de l'Union européenne, bien loin des fantasmes assassins de la submersion, du tsunami migratoire, du grand remplacement et même de l'appel d'air.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
François Héran, professeur au Collège de France, en fait la démonstration méthodique : cette hausse est pour moitié le fait de l'immigration estudiantine – tant mieux ! – ; pour un quart, elle est une immigration de travail encouragée par le visa talent ; pour un quart également, c'est une immigration au titre du droit d'asile. Le reste n'est que mensonge.
Est-ce à dire qu'il n'y aurait aucune difficulté ? Au contraire. Au cœur du malaise migratoire, il y a les discours de haine qui donnent la nausée, mais aussi les situations d'indignité et de non-droit pour des milliers de femmes, d'hommes et d'enfants jetés à la rue, et autant de vies brisées. L'inflation incontrôlée des OQTF délivrées sans discernement et, de surcroît, rarement exécutées, est à elle seule le témoignage de l'échec de notre système d'asile et d'immigration, ou plutôt de sa mise en échec par votre gouvernement : il accueille mal, il protège mal, il reconduit mal et l'intégration peine à se déployer.
Madame la Première ministre, en la matière comme en beaucoup d'autres, les Français réclament le respect de l'ordre républicain. Vous avez organisé le désordre dans la République.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
Un droit des étrangers illisible et incompréhensible, un empilement désordonné de réformes successives, des procédures inefficaces, des instructions ubuesques, des délais intenables, un manque accablant de moyens dans les préfectures, une dématérialisation dysfonctionnelle, des tribunaux administratifs embolisés, une politique d'éloignement défaillante, la crispation des relations diplomatiques avec les pays d'origine, des collectivités territoriales venant tant bien que mal suppléer aux carences de l'État : c'est le constat accablant dressé par le rapport du sénateur Buffet et, je le dis accablé, c'est aussi votre bilan. Une politique migratoire maîtrisée, c'est une politique migratoire claire, applicable et appliquée. Commencez par régler ces désordres qui relèvent pour l'essentiel du pouvoir réglementaire, d'instructions ministérielles et de l'organisation de l'État,…
C'est vous qui avez supprimé des postes en préfecture !
…redonnez du sens à une politique qui n'en a plus, et vous pourrez peut-être nous présenter la vingt-neuvième loi sur le sujet en quarante ans. C'est le préalable à une refondation en profondeur de notre politique migratoire, sur laquelle je crois possible de bâtir un consensus républicain.
Il y a d'abord ce qui n'est pas négociable à nos yeux, parce qu'il s'agit de conventions internationales et de droits humains, au premier rang desquels le droit d'asile, notre héritage et notre honneur, que vous avez prétendu tant de fois défendre et que vous avez tant de fois abîmé ; il doit être pleinement effectif, ce qui n'est pas le cas actuellement et risque d'être davantage compromis par vos projets de juge unique, d'accélération des procédures et de visio-audiences. Il y a, ensuite, le droit à la vie privée et familiale et le regroupement familial, qui procèdent de la Convention européenne des droits de l'homme et qui n'ont cessé d'être durcis, en droit comme en fait, dans l'instruction – ou l'absence d'instruction – des demandes. Il y a la protection des mineurs isolés non accompagnés, qui, avant d'être des étrangers, demeurent, ne vous en déplaise, des mineurs auxquels on doit la protection de l'enfance. Il y a le droit à la santé et le maintien de l'aide médicale de l'État ,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – Mme Sandra Regol et M. Benjamin Lucas applaudissent également
pour des motifs humanitaires autant que sanitaires. Il y a, enfin, l'inconditionnalité de l'accueil, selon laquelle toute personne présente sur notre territoire doit pouvoir bénéficier d'un hébergement et d'un accompagnement sanitaire et social adapté à sa situation.
Mêmes mouvements.
Nous avons réussi à faire en sorte qu'aucun réfugié d'Ukraine ne dorme à la rue : comment pourrions-nous accepter que les Afghans y passent des semaines ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
L'idée selon laquelle il faudrait être méchant avec les méchants et rendre invivable la vie des étrangers sous OQTF est indigne, et la circulaire très répressive adressée aux préfets le 17 novembre 2022 est particulièrement préoccupante : un étranger sans droit ni titre n'est pas pour autant un délinquant, c'est le droit européen.
Il y a, ensuite, ce qui peut être débattu. Nous sommes favorables à des mesures ambitieuses de régularisation par le travail des étrangers présents sur notre territoire comme à une réflexion sur le droit à l'immigration économique. Tout d'abord, nous considérons que la régularisation par le travail est bénéfique à tous les travailleurs, là où le travail illégal cultive la précarité et la concurrence déloyale et contraint à accepter d'indignes conditions de travail et de rémunération et à demeurer ainsi à la merci de réseaux divers qu'il faut combattre sans relâche. Ensuite, nous défendons l'idée que le travail digne est l'un des ressorts de l'intégration économique et sociale, que le processus d'intégration est au cœur de la constitution du peuple français comme nation et que la défense du travail de valeur est consubstantielle au projet émancipateur de la gauche. Par ailleurs, nous savons d'expérience que le talent ne connaît pas les frontières. D'une manière générale, nous sommes favorables à une politique d'intégration volontariste des primo-arrivants, en particulier des femmes, quel que soit leur droit durable au séjour, par l'emploi mais aussi par l'éducation, par l'enseignement du français, par la formation professionnelle, par la culture, par l'accès à la santé, par le logement.
Aux contempteurs de l'intégration qui, ne voulant même plus y croire, sont aveugles aux immenses réussites dont nous sommes pourtant chaque jour les témoins, nous disons : refusez à toute force les discriminations qui minent l'intégration, la cohésion nationale, et nourrissent le ressentiment de celles et de ceux qu'elles frappent, refusez la ségrégation scolaire et les quartiers ghettos. Faites de l'hospitalité une façon d'être.
Enfin, puisqu'un débat s'annonce sur un texte dont nous connaissons les grandes lignes, donnons quelques principes qui devraient nous guider. Nous plaidons pour un titre de séjour pluriannuel de plein droit, garantie d'un traitement équitable dans tous les départements et d'une bonne intégration des travailleurs étrangers. Nous demandons la fin du pouvoir de l'employeur dans la délivrance du titre de séjour, le droit à la formation professionnelle et linguistique et l'ensemble des droits afférents, y compris les droits sociaux, les droits sanitaires et le droit au regroupement familial.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Benjamin Lucas applaudit aussi.
Au-delà de cette question, nous appelons à un changement de méthode et à la construction de droits complémentaires. Nous plaidons pour une instruction à 360
C'est par une politique d'asile et d'immigration respectueuse des droits des étrangers, par des règles claires et des procédures efficaces, par la dignité de l'accueil, par le respect de l'ordre public et social et par une politique volontariste d'intégration que viendront la régulation et la maîtrise des flux migratoires attendues par les Français. Les murs administratifs que vous avez dressés n'arrêtent rien : ils enferment dans des situations de non-droit et dans un accueil indigne. Remettre de l'ordre dans le désordre actuel, voilà ce qu'attendent les Français. Ayons l'ambition et l'humanité dont nos voisins allemands ont été capables en déclarant, alors qu'ils accueillaient 1 million de réfugiés : « Nous y arriverons. »
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
« Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais ». Cela fait bien trop longtemps que la mère patrie, la France, fait des promesses à tant d'enfants de ce monde sans pouvoir les tenir. Ce n'est pas faute d'avoir collectivement tenté de trouver le point d'équilibre : rester fidèle à notre tradition d'asile et accueillir les personnes qui fuient des conflits terribles tout en s'assurant que nous sommes capables de les intégrer dignement, de préserver la cohésion sociale et de protéger notre nation. Le temps est venu d'être réaliste et pragmatique. Oui, nous avons besoin de l'immigration, mais celle-ci ne saurait conduire au délitement de nos valeurs. Non, elle ne saurait nous éloigner de l'idée que nous nous faisons de la France, du respect et de la défense de nos valeurs fondamentales, celles qui structurent notre pays, les valeurs de la République.
Malgré plus de vingt lois votées dans l'hémicycle depuis 1986, nous voici une nouvelle fois à débattre de ce sujet qui, pour des raisons idéologiques mais aussi, souvent, intimes, nous anime chacun profondément et qui conduisent malheureusement certains à se murer dans des postures regrettables.
Pour nous aider à en sortir, commençons par nous accorder sur un diagnostic. Notre pays compte aujourd'hui 10,3 % d'immigrés, soit 7 millions de personnes. La dynamique du solde migratoire se confirme, puisque nous accueillons en moyenne 200 000 immigrés supplémentaires chaque année.
Pour l'Europe, la question migratoire est avant tout une question de résilience à long terme. On ne saurait l'aborder sans tenir compte de la conjoncture géopolitique, dont la prévisibilité est extrêmement variable, que l'on pense aux guerres, aux crises économiques et bientôt aux effets du changement climatique. Selon certaines projections, l'Afrique devrait compter 4 milliards d'habitants en 2100, contre 650 millions en Europe. La population africaine sera, en outre, plus jeune que la population européenne. Face à ce vertige démographique, le système actuel, qu'il soit européen ou national, est trop fragile : il doit être adapté pour que demain, la cohésion nationale soit préservée.
Déjà aujourd'hui, l'afflux significatif d'immigrés met notre système d'intégration sous tension. Les services publics assument directement ou indirectement cette charge, tout comme la société française. Nos capacités d'intégration ont atteint leurs limites, tout d'abord en matière de logement. Chaque soir, les services d'hébergement d'urgence sont contraints de refuser de nombreuses personnes faute de places. Dans le domaine de l'éducation, la France demeure au bas des classements du programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa), et il n'est même pas la peine d'évoquer la situation de nos hôpitaux alors que dure la crise sanitaire. À cela s'ajoute notre incapacité à exécuter les OQTF dont font l'objet un certain nombre d'étrangers.
Sur le plan économique, force est toutefois de reconnaître que la France peine à se passer de l'immigration, qui a toujours rempli un rôle de compensation là où les besoins n'étaient pas satisfaits par la population locale. Je parle surtout des métiers peu qualifiés et pénibles, pour lesquels, il faut le dire, les employeurs peinent à trouver une main-d'œuvre locale.
Enfin, nous pouvons nous accorder, il me semble, sur le fait que notre droit et nos politiques d'immigration sont devenus illisibles et sources de frustration pour les étrangers, les fonctionnaires, les juges et les Français, qui n'en comprennent ni la logique, ni l'apparente impuissance. Si besoin, un seul chiffre devrait vous en convaincre : il existe 186 titres de séjour en France pour seulement quatre motifs de séjour, hors tourisme.
Face à ces défis, il faut une stratégie migratoire globale pour ne plus subir l'immigration.
Il est aujourd'hui indispensable de reprendre le contrôle et de maîtriser l'immigration dans notre pays. Nous devons tendre vers un système grâce auquel nous serons capables de tarir les flux subis tout en attirant les talents et les forces vives adaptés à nos besoins. La ligne du groupe Horizons et apparentés est claire : plus d'immigration choisie, moins d'immigration subie.
Concrètement, une telle stratégie repose sur cinq piliers incontournables. Tout d'abord, il faut agir en amont pour prévenir les flux irréguliers. Depuis la création de l'espace Schengen, il ne sert plus à rien pour la France d'agir seule. Une action collective européenne doit se déployer parallèlement à la stratégie nationale de protection des frontières.
Au niveau européen, il faut rendre obligatoire le dépôt de la demande d'asile des ressortissants des pays sûrs auprès des représentations des États membres de l'Union européenne situées dans leur pays de résidence. Tout ressortissant d'un pays sûr qui n'aurait pas satisfait cette obligation et qui souhaiterait déposer sa demande d'asile une fois entré dans l'espace Schengen serait immédiatement refoulé.
À cela doit s'ajouter une politique interne très ferme sur la délivrance des visas. Trop d'étrangers se maintiennent sur notre territoire malgré l'expiration de la validité de leur visa. Pour limiter leur nombre, il est nécessaire de durcir les conditions d'octroi, en particulier celles de certains titres, tels celui d'étranger malade.
Ensuite, il faut simplifier le droit au séjour pour mieux accueillir et mieux éloigner. Notre droit au séjour doit être lisible par toutes et tous afin d'être mieux compris et mieux appliqué. Le groupe Horizons et apparentés défend une simplification massive du paysage des titres. Pour aller au bout de cette démarche, il convient d'autoriser l'administration à statuer en une fois sur l'intégralité du droit au séjour des demandeurs. Cela permettra d'accélérer l'instruction, de simplifier le contentieux et in fine de mieux accueillir et mieux éloigner.
Mieux accueillir, c'est aussi mieux intégrer, en subordonnant la délivrance et le renouvellement des titres de séjour au respect des valeurs qui fondent notre République. Cela implique, j'en suis convaincu, un apprentissage exigeant du français. La maîtrise de la langue est incontournable.
Nous devons relever nos exigences en la matière sous peine de voir le délitement lent, mais ô combien dangereux, de notre culture. Évidemment, l'apprentissage de la langue va de pair avec l'intégration par le travail. Il nous faut attirer les compétences dont le pays manque. Nous soutenons donc l'instauration de quotas de compétences pour pourvoir les postes vacants des métiers en tension. L'ouverture du passeport talent aux professionnels de la santé, sous réserve qu'ils s'installent dans des zones sous-dotées, pourrait également être envisagée. Enfin, parler notre langue et contribuer au développement de notre économie, c'est bien, mais un contrôle exigeant de l'adhésion individuelle aux valeurs républicaines est également indispensable.
Nous croyons qu'il est temps d'européaniser complètement la politique de l'asile, aujourd'hui dysfonctionnelle. Il s'agit d'un choix déterminant. Nous avons atteint un point de mi-parcours peu performant, avec un peu de politique nationale et un peu de politique européenne. Les députés du groupe Horizons et apparentés, parce qu'ils croient profondément à la force de l'Union européenne, font le choix d'une politique de l'asile communautaire, s'appuyant sur une agence européenne de l'asile, une cour européenne du droit d'asile et le monopole de l'agence Frontex dans l'éloignement des étrangers déboutés vers leur pays d'origine.
Il est absolument indispensable de muscler notre stratégie d'éloignement. Pour une fois, ce n'est pas notre arsenal juridique qui manque d'efficience, mais notre capacité à éloigner les intéressés. Nous n'avons qu'une solution crédible : nous devons agir sur les pays sources en subordonnant l'aide au développement à la coopération en matière de réadmission et en limitant drastiquement le taux et la durée de délivrance des visas. Nous ne pouvons pas continuer de financer massivement des projets structurants dans ces pays sans exiger une coopération efficace en matière de réadmission. Le durcissement de notre politique d'éloignement et d'expulsion est une absolue nécessité et nous espérons qu'il trouvera une traduction non équivoque dans le futur projet de loi.
Vous l'aurez compris, nous attendons beaucoup de ce texte. Nous espérons que l'équilibre nécessaire entre l'humanité et la fermeté n'occultera pas des questions essentielles telles que le renforcement du mécanisme de double peine ou la question des mineurs non accompagnés. Notre souhait pourrait se résumer ainsi : soyons fermes pour pouvoir tenir notre promesse, celle d'une France qui accueille dignement celles et ceux qui, comme nous, sont profondément attachés aux valeurs de la République.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
« Droits-de-l'hommistes », « bien-pensants » : pour vous, ce sont des injures ; pour nous, ces mots sont une boussole. La fraternité est constitutive de notre contrat social. Si elle trône aux côtés de la liberté et de l'égalité dans le triptyque de la devise républicaine, ce n'est pas pour demeurer simplement gravée en lettres creuses au fronton de nos mairies ; c'est pour guider notre action. Alors oui, nous assumons notre préférence pour l'humanité, valeur première qui ne peut être équidistante d'aucune prétendue fermeté. Oui, la compassion, la bienveillance et l'empathie sont des émotions politiques au même titre que l'aspiration à la justice ou à la dignité.
Vous préparez un nouveau texte. Une centaine d'autres ont déjà été adoptés depuis la Libération et celui-ci n'échappera pas à la règle tragiquement banalisée du durcissement croissant des conditions d'accueil et des restrictions supplémentaires. Puisque ces débats se répètent sans cesse, c'est qu'ils n'ont servi à rien. Nous vous proposons donc de changer de philosophie.
Il convient, tout d'abord, de conjurer la peur et de combattre les mensonges. Le débat sur l'immigration existe dans notre pays depuis cinquante ans, depuis qu'il existe une extrême droite organisée. Il se fonde sur un ressort unique : la peur. Le FN, puis le RN et ses variants, l'entretiennent et l'organisent, parfois avec la complaisance cynique des gouvernants. Leur message peut se résumer à cette formule : « Ayez peur et laissez-nous faire le reste ». Ainsi ont toujours fonctionné les fascismes. La peur est l'ennemie intime de la démocratie, parce qu'elle préfigure l'obéissance aveugle, le repli sur soi et la violence.
Pour surmonter les peurs, il ne faut pas les nier ou les esquiver, mais les ramener lucidement à ce qu'elles sont. Si certains de nos compatriotes voient dans l'immigration la cause des malheurs du pays et de leur propre sort, c'est parce qu'on leur désigne un bouc émissaire facile.
Symbole de cette peur, au cours du jeune XXI
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Sans crainte, face à tous les mensonges, il nous faut dire la vérité. La vérité, c'est que les migrations sont une réalité permanente, historique, comme tant d'autres phénomènes géographiques, humains et sociologiques. Parler d'immigration zéro n'a par conséquent aucun sens. La vérité, c'est que les migrations ne concernent que 3,5 % de la population mondiale et ont lieu pour une grande part entre pays du Sud. « Toute la misère du monde » reste en réalité concentrée là où elle est, les plus pauvres des pays pauvres n'accédant quasiment jamais à nos portes. La vérité, c'est qu'il faut nous préparer aux migrations climatiques, qui seront l'un des grands défis du réchauffement. La vérité, c'est que verrouiller les frontières n'empêche pas les migrations, qui ont changé d'échelle ; cela ne fait qu'augmenter les drames et les morts.
Regardons avec colère et chagrin ces dizaines de milliers de morts en Méditerranée et dans la Manche et pensons à ceux qui suivront si nous persévérons dans une orientation politique aussi inepte qu'inhumaine. Toute politique qui ne se préoccupe pas d'abord de sauver des vies humaines est complice d'un crime que nos sociétés infligent à l'humanité, à certains de nos semblables.
La vérité, c'est qu'au début de la pandémie, le taux de mortalité des immigrés était neuf fois plus élevé que celui du reste de la population, parce qu'ils accèdent plus difficilement aux soins et vivent souvent dans des conditions de précarité et de promiscuité, parce qu'ils occupent aussi bien plus que les autres les emplois dits essentiels. Où sont passés vos applaudissements quotidiens pour leur rendre hommage ? La vérité, c'est que les conditions de traitement des exilés dans notre pays, des centres de rétention aux camps de fortune, sont indignes. Près de Dunkerque, où j'étais il y a quelques semaines, les humanitaires vous réclament un robinet d'eau potable – juste de l'eau potable !
La vérité, c'est que 50 % des exilés dans le monde et un tiers en Europe sont des enfants. Parmi ces enfants, 70 % de ceux dont les dossiers sont évalués se voient refuser une prise en charge au titre de la protection de l'enfance au motif qu'ils ne seraient pas mineurs ou isolés. La vérité, c'est que faire des exilés des variables d'ajustement économique selon les niveaux de tension de tel ou tel métier revient à les déshumaniser et à les priver de dignité, soit une rupture grave dans les principes du droit du travail.
La vérité, c'est qu'une politique d'accueil digne ne provoquera pas l'appel d'air que vous agitez tel un épouvantail face à toute tentative de politique humaniste. Ceux qui risquent leur vie, s'arrachent à leur terre et à leurs proches ne le font pas avec une revue de presse spécialisée en droit social et migratoire sous le bras. La vérité, c'est qu'il y a en revanche des migrants dont vous ne parlez pas : les migrants de la finance. À eux, vous accordez d'ailleurs facilement la qualité d'exilé. Ce sont les évadés fiscaux, qui nous privent d'une part importante de la richesse nationale, qui abusent de notre générosité et qui choisissent le séparatisme à coups de millions. C'est en somme la lutte des classes version garde-frontières que vous nous proposez. Avec les plus riches et la finance, vous êtes « no border ».
Vous affirmez sans cesse votre amour des entrepreneurs et de la valeur travail. La vérité, c'est que les nouveaux arrivants créent plus d'emplois qu'ils n'en occupent. Les étrangers participent à 15 % des créations d'entreprises en France ! La vérité, c'est que notre système de l'asile est toujours complexe et défaillant. Il se dégrade constamment. La loi ne voit pas le demandeur d'asile comme un persécuté, mais comme un potentiel tricheur. La vérité, c'est que l'intégration ne peut être une simple injonction : elle est un processus de socialisation, qui implique une progression dans le temps. C'est l'action politique qui peut créer les conditions de cette intégration, en levant les obstacles économiques, sociaux, éducatifs, linguistiques, culturels et civiques qui s'y opposent.
Chers collègues, choisissons la confiance. J'ai entendu Mme Le Pen : en réalité, vous n'aimez pas la France.
Mme Cyrielle Chatelain applaudit.
Vous n'aimez pas la France parce que vous la voyez faible, incapable de rayonner, de se transformer ; vous n'aimez pas son histoire faite de mélanges et de dépassements.
Quant à nous, nous croyons que l'on peut faire France de tout bois, parce que c'est notre histoire, notre richesse, notre génie même que de fabriquer sans cesse une culture nourrie par d'autres.
Mme Sandra Regol applaudit.
Ne soyons pas une nation frileuse, repliée sur elle-même, comme si elle n'avait pas su trouver dans son histoire la force de se renouveler, de se réinventer, de se régénérer et donc de se renforcer.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Oui, nous croyons qu'une France généreuse, accueillante et fraternelle est une France plus forte face aux urgences du présent et aux grands défis de l'avenir. Chers collègues, la France est le plus ancien pays d'immigration en Europe ; c'est notre tradition depuis le XVIII
Avoir confiance, c'est régulariser ceux qui travaillent, cotisent, paient des impôts. Avoir confiance, c'est attirer ici des milliers d'étudiants qui construisent un lien intellectuel, scientifique et technique durable avec notre pays. Avoir confiance, c'est chérir la générosité et la fraternité, en mettant fin au harcèlement des associations humanitaires et au délit de solidarité.
Mme Sandra Regol applaudit.
Avoir confiance, c'est garantir l'accès aux droits pour tous les exilés. Avoir confiance, c'est dispenser à chacune et à chacun les soins physiques et psychologiques nécessaires.
Avoir confiance, c'est refuser que des groupuscules remettent en cause la liberté pédagogique, fondement de l'école républicaine, et menacent violemment une enseignante qui explique et montre à ses étudiants la réalité des migrations. Avoir confiance, c'est sortir ce débat sur l'immigration de la pression électoraliste, des pulsions, des surenchères.
C'est vous qui créez des pulsions électoralistes ! Sérieusement, c'est hallucinant !
Plusieurs associations proposent une convention citoyenne sur les migrations. Voilà qui sortirait de la répétition compulsive des textes et des vociférations stériles. Avoir confiance, c'est construire une grande politique de l'inclusion qui brise les plafonds de verre, qui combatte le racisme et les discriminations, qui refuse l'assignation à résidence, le chômage, la précarité.
Mus par la confiance et par l'exigence de vérité, débarrassés des peurs et des mensonges, faisons vivre la fraternité !
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, SOC et GDR – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Beaucoup de choses ont été dites ce soir au sujet de l'immigration. J'ai entendu de nombreuses personnes évoquer l'étranger ; mais pour moi, l'étranger, c'est seulement quelqu'un qui a une autre nationalité que celle de la France. Et pourtant, depuis tout à l'heure, je n'entends parler que du continent africain. Il est à croire que pour certains d'entre vous, le sujet majeur, ce sont les immigrés – les exilés – venus d'Afrique.
Mais je tiens tout de même à rappeler l'histoire intrinsèque qui lie la France – et l'Europe – au continent africain. Nous ne vivons pas dans le passé, mais nous ne l'oublions pas ; il ne faut pas oublier ce qui s'est passé. La France, comme l'Europe, doit beaucoup au continent africain. De nombreuses entreprises françaises prospèrent aujourd'hui grâce à ses ressources ; nombre d'entre elles continuent à se développer grâce à ces mêmes ressources. Cependant, lui avons-nous rendu ce que nous avons pris ? Je ne crois pas. Je vous rappelle les mots de l'ancien président, feu Jacques Chirac, qui avait très nettement dit : « Nous avons saigné l'Afrique ». Il reconnaissait ainsi que nous avions fauté ; que ce n'était pas bien, ce que nous avions fait.
Ceux qui arrivent sur nos territoires, il faut les qualifier d'exilés et non d'immigrés, puisque la plupart du temps, ce sont des gens qui sont dans le besoin, qui fuient la misère ou la guerre. Il faudrait parler de politique d'accueil plutôt que d'immigration. Sommes-nous capables d'accueillir ces gens-là dignement ? La réponse est oui : la France peut le faire, et elle doit le faire. J'ai entendu des chiffres et des taux, s'agissant notamment des reconduites ; mais derrière ces chiffres, il y a des hommes, des femmes et des enfants. Et même si nous raccourcissons les délais des procédures judiciaires, ces hommes, ces femmes et ces enfants continueront d'être présents sur notre territoire, le temps que leurs dossiers soient traités par les tribunaux. Nous devons donc surtout mettre à disposition les moyens nécessaires pour accueillir ces personnes dignement, en traitant leurs dossiers dans le respect et dans la dignité ; c'est ainsi que les bons choix seront faits. Voilà ce en quoi je crois personnellement.
Ensuite, le vrai problème, c'est la manière dont nous traitons celui ou celle qui ne nous ressemble pas. Je veux vous rappeler, à ce propos, une petite anecdote. Suite à mon élection, au mois de juin, je me suis rendu à l'Assemblée, mais ne disposant pas encore d'un badge, je ne pouvais y pénétrer. Arrivé à l'entrée, j'ai sonné pour me renseigner ; une personne est sortie, je l'ai saluée et la première chose qu'elle m'ait dite, avant même que j'aie pu m'exprimer, a été la suivante : « Monsieur, les livraisons, c'est de l'autre côté. »
Mme Stella Dupont s'exclame.
Cette personne m'a d'emblée ramené à ma couleur de peau. Je ne lui en ai pas tenu rigueur ; sur le coup, j'ai souri. Moi, je suis français depuis plusieurs générations, puisque la Guyane est française. Mais imaginez ce que l'on ressent lorsque l'on vit cela à plusieurs reprises ! Lorsque j'ai fait mes études en France, j'ai plusieurs fois vécu ce type d'expérience. Cela m'a permis d'être plus solide, de grandir et de me forger, mais tout le monde ne réagit pas nécessairement de cette manière ; tout le monde n'en est pas capable.
Nous devons comprendre ce qui se passe lorsque des gens arrivent sur notre territoire, lorsqu'ils sont rejetés et méprisés parce qu'ils ne nous ressemblent pas et parce qu'ils ne parlent pas la même langue que nous. Un célèbre artiste, auteur et compositeur, a dit la chose suivante – il est encore vivant : il n'y a pas d'intégration dans le rejet. Il a raison ! Lorsque l'autre arrive, nous nous devons de lui tendre la main, de l'accueillir dignement, de l'accompagner dans ses déboires. En effet, on ne sait pas ce qui peut se passer demain ; aujourd'hui, la France a la capacité de le faire. Tous ces hommes et ces femmes, qui ne sont pas de nationalité française, exercent des métiers dont d'autres ne veulent pas et, ce faisant, participent à l'essor de la France.
Je m'adresse à vous en tant qu'ultramarin. La Guyane, territoire situé sur le continent sud-américain, compte deux frontières, séparées par deux fleuves : l'une à l'est, avec le Brésil ; l'autre à l'ouest, avec le Suriname. Pensez-vous qu'en augmentant les reconduites à la frontière de chaque côté, on règlera le problème ? Non ! Nous devons vraiment mettre en place une réelle politique d'accueil sur notre territoire. La Guyane est le seul territoire français, hors d'Europe, à compter des villes-frontières ; il faut le prendre en compte, en prenant des dispositions bien précises. Lors de l'examen de la Lopmi – loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur –, nous avons demandé au ministre de prendre en compte ces réalités en acceptant un amendement permettant de renforcer les liens avec les pays voisins, mais il ne l'a pas fait.
Je termine en évoquant Nelson Mandela, qui, en substance, disait ceci : avoir peur, c'est normal ; mais affronter ce qui nous fait peur, c'est mieux. Affrontons nos peurs !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES. – MM. Christophe Bex et Michel Sala, continuant à applaudir, se lèvent.
Le débat qui nous rassemble aujourd'hui doit nous inciter à prendre une certaine hauteur et à faire preuve de pragmatisme. La protection est la boussole qui doit guider notre action et qui devra éclairer la main du législateur lorsque notre assemblée sera saisie du prochain texte relatif à l'immigration. Le présent débat doit faire appel à notre raison, et je suis persuadé qu'il est possible de construire une bien meilleure politique migratoire, de mieux réguler et de mieux contrôler, de mener une politique plus ferme mais aussi plus protectrice et plus utile pour notre société.
Mon intervention comporte deux volets. S'agissant du volet intérieur, d'abord, j'évoquerai – actualité oblige – les OQTF. Le constat me semble clair et nous le vérifions tous les jours : il y a une véritable carence en la matière. En 2020, on comptait plus de 107 000 OQTF et le taux d'exécution était de 6,9 % ; sur le seul premier semestre 2021, ce taux serait passé à 6 %. Dans ces conditions, il est impossible de parler de fermeté.
Dans ce domaine, je rejoins les recommandations du Conseil d'État : il faut simplifier le contentieux pour limiter la multiplication des voies de recours abusives. Lorsque les recours sont rejetés mais que les étrangers concernés restent sur le territoire, le sentiment d'inutilité relatif à l'action des magistrats se trouve renforcé.
En matière d'efficacité, je crois également que la gestion de l'Ocean Viking démontre certaines failles auxquelles il faut parer ; il faut trouver des solutions équilibrées. Par exemple, sur les quarante-quatre mineurs rescapés de l'Ocean Viking, vingt-six ont fugué de leur lieu d'accueil. Il faudrait trouver des lieux d'accueil adaptés à ces mineurs, dans le respect des droits de l'homme, mais qui fassent l'objet d'une surveillance accrue. L'objectif est également de protéger ces enfants : on ne peut pas les laisser seuls dans la nature, sans accompagnement.
Enfin, je veux aller plus loin en ce qui concerne l'expulsion des étrangers délinquants. Ce débat est sensible et toujours vicié par une certaine hypocrisie. S'il faut se prémunir de toute injustice, il faut être ferme avec ceux qui mettent en péril notre société et notre vie commune. J'ai déposé une proposition de loi qui va dans ce sens : dès qu'un étranger se rend coupable d'un trouble à l'ordre public, il doit être expulsé. Je propose également de réviser les catégories ouvrant droit à une protection relative ou absolue, en durcissant les critères.
L'immigration est l'affaire de tous et nos territoires ultramarins sont bien sûr concernés. Ma collègue Estelle Youssouffa vous a interpellés sur la situation de Mayotte, qui est catastrophique : l'État français perd le contrôle sur ce territoire, et il y a urgence à agir pour rasseoir notre souveraineté.
Concernant le deuxième volet, relatif au travail, ma position sur un sujet aussi complexe se veut équilibrée. Nous avons eu besoin de l'immigration, qu'elle soit européenne mais aussi africaine, pour construire notre pays, et le présent tend à le confirmer. Sur le terrain, de nombreux chefs d'entreprise, chez moi dans les Vosges mais aussi partout sur notre territoire, que ce soit dans le BTP ou dans l'hôtellerie et la restauration, viennent me voir – nous voir – car ils ont besoin de certaines compétences.
Il ne s'agit pas de régulariser à tout-va, mais il faut mieux cibler. J'ai la chance d'être député d'une zone rurale, dans laquelle les entreprises sont vertueuses et ont en tête l'intérêt commun. Il me paraît souhaitable de les accompagner et de veiller à l'adaptation – et même à l'adaptabilité – de nos politiques sur nos territoires : si nous voulons que cette réforme fonctionne en cohérence avec nos réalités territoriales, il faut départementaliser.
En outre, nous devons balayer devant notre porte, car il nous arrive de compliquer les démarches des demandeurs qui ont fait preuve de courage et d'un investissement important pour nos territoires. J'ai notamment en tête l'exemple de tous ces professionnels de santé étrangers qui sont venus nous aider dans le cadre de la pandémie du covid. Ils nous étaient indispensables et ils le sont toujours compte tenu des tensions que connaît le secteur ; et pourtant, certains d'entre eux – je pense notamment à deux d'entre eux, parmi les effectifs du centre hospitalier de Remiremont – peinent à obtenir les autorisations nécessaires pour rester afin de continuer à exercer.
Pourtant, nos hôpitaux ont besoin d'eux et nous avons su utiliser leurs compétences.
Vous l'avez compris, j'appelle de mes vœux un projet de loi pragmatique visant à protéger les Français, nos entreprises et l'ensemble de la population, afin de garantir l'entière application de nos valeurs et de nos principes républicains. Ce n'est que de cette façon que nous pourrons construire une réponse cohérente aux défis qui nous attendent.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Charles Sitzenstuhl applaudit aussi.
Nous ne saurions avoir ce débat sans rappeler que nous avons, ces dernières années, beaucoup légiféré sur l'immigration. Depuis 1986, ce ne sont pas moins de vingt-huit textes de loi que notre assemblée a examinés sur ce sujet. Certains ont répondu à des faits d'actualité, d'autres à des urgences du quotidien ; jamais ils n'ont abordé le sujet de manière globale, pour préparer le long terme. Cela a nourri les haines, alimentées par des débats fondés sur l'émotion et accentuées par des faits divers, sans jamais apporter de réponse concrète et adaptée.
Nous ne pouvons nous permettre de laisser le débat migratoire aux extrêmes : d'un côté, les nationalistes, dont le silencieux contre-projet vise à permettre l'expulsion d'un étranger, quel que soit le degré de gravité de la menace qu'il représente – sachant que pour eux, tout étranger est, par nature et par principe, une menace en devenir ; de l'autre, les populistes
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES
qui, naïvement, seraient prêts à accueillir toute la misère du monde, en abandonnant tout contrat républicain et sans se soucier des possibles conditions d'accueil.
Vous renvoyez dos à dos l'extrême gauche et l'extrême droite sur l'immigration, vraiment ?
Ces nationalistes et ces populistes poussent au radicalisme communautaire.
Protestations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Nous assistons à un ping-pong politique extrémiste, dont le seul but est d'exister, de créer des peurs et, in fine, de se faire élire.
Voilà pourquoi il nous faut travailler, légiférer encore pour proposer un nouveau projet républicain, européen et humaniste, compris par l'ensemble de la nation.
Républicain d'abord, parce que c'est la République qui protège chaque individu sur son territoire, et c'est là notre honneur. L'État de droit protège et offre un cadre qui oblige par des devoirs. Celui ou celle qui ne respecte pas les règles de la République, qui trouble l'ordre public ou qui discrimine n'a pas vocation à se maintenir sur la terre qui l'accueille. Nul ne peut violer notre pacte républicain sans trouver une réponse adaptée.
Pour nous, il est important de dire les choses avec raison, plutôt que d'user d'un dogmatisme sans issue, comme certains le font dans cet hémicycle. Même s'il peut y avoir des concomitances statistiques entre une partie de l'immigration et une partie de la délinquance, jamais on ne pourra accepter d'entendre poser l'équivalence : étranger égale délinquant. Ça, ce n'est pas la République !
Nous devons néanmoins reconnaître la défaillance de notre système d'accueil. Peut-on encore continuer à centraliser la gestion administrative dans certaines préfectures, au risque de créer des files d'attentes qui interrogent nos concitoyens ? La question de la répartition territoriale se pose et se posera encore.
Le cadre républicain nous demande de dépolitiser le débat. Il nous oblige à nous unir pour réussir, parce que la question migratoire est aussi un débat technique : le législateur doit tantôt dépassionner les flux, tantôt objectiver le stock. Il doit légiférer avec une main tremblante, mais déchiffrer le réel avec une certaine froideur clinique. L'ouvrage est immense, la tâche est ardue. Mais le législateur ne doit jamais perdre de vue ce fond d'humanité qui, aujourd'hui et demain, doit guider notre République.
Il nous faut améliorer l'efficacité des procédures d'éloignement pour les étrangers en situation irrégulière, tout en revoyant notre capacité de régularisation de celles et ceux qui, présents sur le sol national, travaillent et sont pleinement intégrés à notre société.
Le projet doit être européen, parce que notre nation ne peut affronter seule le phénomène. C'est en Européens, et en Européens seulement, que nous pourrons y arriver : les flux migratoires sont tels que seule une réponse à l'échelle de notre continent peut être efficace. Malgré tout, nous sommes confrontés aux défaillances de l'Union Européenne, comme l'a encore démontré le besoin d'accueil de l'Ocean Viking, rejeté par la politique nationaliste du nouveau gouvernement italien.
Oui, l'Europe est défaillante. Elle attend l'unanimité sur un sujet pour lequel elle ne l'obtiendra jamais. Il est vital de trouver un accord de solidarité. Il nous faut agir : criminaliser les réseaux de passeurs comme leurs complices ; améliorer la relocalisation dans toute l'Europe des personnes nouvellement arrivées. L'Union européenne ne peut attendre encore avant de redéfinir le cadre juridique du paquet « asile ». Depuis plusieurs années, sous l'effet des inégalités de richesses, des tensions géopolitiques, du réchauffement climatique, des réseaux de traite humaine et du fondamentalisme religieux, l'Europe est gage de survie pour une partie de l'humanité.
Enfin, le projet doit être humaniste, car nous parlons d'hommes, de femmes et d'enfants qui, pour la plupart, quittent leur pays au péril de leur vie et non sans déchirement, sans savoir ce que pourra être leur futur. Leur avenir sera nôtre si nous redéfinissons les grandes lignes de notre politique, en considérant que l'honneur de notre pays est de pouvoir continuer à assurer sa tradition d'accueil.
Néanmoins, nous devons renforcer la lutte contre la précarité des étrangers présents en France, qui est plus forte que celle du reste de la population et durablement plus importante au fil des générations. Nous devons aussi renforcer le parcours d'intégration, sauf à mettre à mal notre pacte républicain.
Pour mieux intégrer, il faudra limiter les flux migratoires dans le cadre de nos engagements européens et internationaux, mais aussi expulser plus rapidement ceux qui n'ont pas leur place sur le territoire national.
La France, pays des lumières, nation des droits de l'homme et berceau de l'humanisme ne laisse et ne laissera pas mourir à ses portes ou sur son sol celles et ceux qui souhaitent rejoindre son projet républicain et qui le méritent.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Au moment où sept Français sur dix veulent revoir en profondeur notre politique d'immigration, j'aurais préféré parler aux vrais décideurs : Mme von der Leyen, présidente non élue de la Commission européenne,…
…qui a décrété que l'immigration massive serait la solution à tous les maux. J'aurais aussi préféré parler au responsable de SOS Méditerranée, qui semble avoir plus de pouvoir que le ministre de l'intérieur lui-même quand il s'agit de décider de qui débarque en France.
Dans un pays surendetté, où l'on compte 5 millions de chômeurs et où un Français sur quatre ne mange pas à sa faim, ces vagues migratoires ne sont plus supportables.
Rendez-vous compte : avec Emmanuel Macron, chaque année, c'est l'équivalent de près de deux fois la population de la ville de Bordeaux qui arrive légalement en France, sans compter les 700 000 migrants illégaux – estimation donnée par M. Darmanin lui-même.
Cette immigration anarchique livre les Français à toutes les insécurités.
Voyons d'abord l'insécurité physique, en reprenant les chiffres officiels : 81 % des vols violents dans les transports en Île-de-France sont le fait d'étrangers ; 25 % des détenus dans nos prisons sont des étrangers ; 75 % des mineurs déférés devant le juge sont des mineurs étrangers isolés – en réalité, ils ne sont pour la plupart ni mineurs ni isolés.
M. Benjamin Lucas s'exclame.
Mais les Français sont aussi livrés à une insécurité culturelle : dans certains quartiers communautarisés, d'autres coutumes, d'autres mœurs et d'autres lois que celles de la République française prévalent.
Il faut aussi parler de l'insécurité financière, quand on voit le coût exorbitant de cette immigration que vous imposez aux Français contre leur gré. Comment accepter qu'en pleine crise du logement, seulement 12 % des Français habitent un logement social alors qu'un tiers des immigrés ont le droit d'être hébergés dans des HLM ?
C'est une profonde injustice pour toutes les Françaises et tous les Français qui travaillent et qui attendent depuis des années que leur dossier soit traité.
Un mot sur votre funeste projet de réforme des retraites.
Celui-ci risque d'être un véritable massacre pour les pensions de nos aînés, alors que des étrangers, qui n'ont jamais cotisé en France, perçoivent une retraite parfois bien plus élevée que celle de certains de nos agriculteurs ou artisans qui ont travaillé et cotisé toute leur vie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes RE et LIOT.
Comment accepter, madame la Première ministre, qu'au moment où à coups de 49.3, vous imposez un système de santé dans lequel un Français sur trois renonce aux soins, vous tolériez que des étrangers clandestins, qui ont violé nos lois pour arriver ici, bénéficient gratuitement des largesses de l'aide médicale de l'État, qui coûte plus de 1 milliard d'euros au contribuable français ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Les détenus étrangers ? Plusieurs centaines de millions d'euros par an. Les mineurs étrangers ? Environ 1 milliard d'euros. Le coût total du financement de l'asile ? Plusieurs milliards d'euros. En même temps, vous dites aux Français qu'ils doivent, eux, se serrer la ceinture.
Vous avez fait un choix, celui de la préférence étrangère. Pour notre part, nous en faisons un autre, celui de la priorité nationale.
Vous faites le choix de la régularisation de l'immigration. Nous faisons celui de la régulation de l'immigration.
Oui, les Français doivent être prioritaires pour l'embauche, le logement et les aides sociales.
Mais cela, malheureusement, vous ne le ferez jamais.
Il faut tout changer dans la politique d'immigration, car être accueilli en France, c'est un privilège qui se mérite et se respecte. D'interview en interview, de déclaration en déclaration, M. Gérald Darmanin nous explique qu'avec lui l'immigration incontrôlée et l'immigration clandestine, c'est fini, ou bien encore que les OQTF vont être exécutées.
J'entends d'ici le rire de l'imam Iquioussen et celui des 243 migrants de l'Ocean Viking, dispersés dans la nature sans aucun contrôle.
Ce n'est pas comparable !
Vous avez choisi de faire de notre pays l'hôpital, l'hôtel, le restaurant et le Pôle emploi de tous ceux qui ont décidé de s'y inviter eux-mêmes. Dans votre France libre-service, tout le monde entre, tout le monde se sert,…
M. Inaki Echaniz s'exclame.
Quelle honte !
Cette France all inclusive doit cesser. Les Français doivent redevenir maîtres de leur destin, choisir enfin qui vient chez eux et qui y reste.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous prétendez avoir la volonté d'agir contre une immigration non maîtrisée, de plus en plus difficile à accepter pour près de 70 % des Français. Permettez-nous d'en douter, pour plusieurs raisons simples.
Première raison : Emmanuel Macron et ses gouvernements ont la fâcheuse habitude de promettre des lois très ambitieuses, mais de les traduire dans des textes sans effet. Il en est ainsi de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, adoptée en 2018. Cette loi a élargi l'asile quand elle était censée le réduire ; le nombre de mineurs non accompagnés (MNA) a été multiplié par cinq en dix ans.
Il en va de même pour le texte sur le séparatisme, rédigé à la suite du discours très offensif prononcé par le Président de la République aux Mureaux en octobre 2020. Il s'est transformé en un texte très faiblement intitulé « loi confortant le respect des principes de la République ». Cette loi n'a pas empêché un imam radical, visé par un arrêté d'expulsion, de narguer l'autorité de l'État français depuis la Belgique. Dans une forme de schizophrénie, vous exprimez aujourd'hui votre soutien aux femmes iraniennes, qui paient de leur vie leur aspiration à la liberté, dont le voile est le triste symbole, après avoir refusé d'inscrire dans cette loi l'interdiction du voilement des fillettes en France.
J'en viens à la deuxième raison qui nous fait douter de votre détermination : vous êtes en permanence dans la contradiction. Vous affirmez que vous serez intraitable sur l'immigration illégale, mais vous accueillez l'Ocean Viking. Or ce navire, vous le savez, n'est que l'éclaireur des passeurs qui font commerce de la vie humaine.
Mme Marie-Christine Dalloz applaudit.
Ce n'est pas vrai !
Une fois arrivés à bon port en France, les passagers clandestins ont disparu dans la nature.
Troisième raison qui nous conduit à ne pas croire vos promesses : votre tendance à masquer votre impuissance. Le Président de la République promettait 100 % de réussite des OQTF, nous en sommes à moins de 6 %. Incapables d'exécuter les OQTF, vous avez inventé la régularisation pour cause de métiers en tension.
Vous espérez que nous confondrons cette disposition avec l'application de quotas d'immigration, mais cela n'a rien à voir ! Les quotas correspondent à la capacité de choisir une immigration légale et qualifiée en fonction des besoins auxquels ne peuvent répondre les demandeurs d'emploi français.
Votre proposition, c'est la régularisation d'une main-d'œuvre non qualifiée et entrée clandestinement en France, alors que tant de Français non qualifiés sont indemnisés car sans emploi. Ce n'est pas un choix, c'est se résigner à subir une situation que vous ne pouvez pas résoudre.
Cet argument économique ne tient pas. Vous prétendez que les chefs d'entreprise vous le réclament. Vous les écoutez mal ! Ce qu'ils veulent, c'est embaucher et voir le chômage diminuer. Les patrons sont aussi des citoyens, qui croient davantage au travail qu'à l'assistance.
L'argument économique n'est qu'un écran de fumée pour dissimuler le gage offert à votre aile gauche. Tirons les enseignements du passé. L'afflux de main-d'œuvre immigrée et non qualifiée dans les années 1970 a engendré un urbanisme déshumanisé. Ces ensembles sont devenus le terreau des trafics et du communautarisme.
On ne dirige pas un pays à coup d'injonctions contradictoires. On ne peut pas conduire en appuyant en même temps sur le frein et l'accélérateur.
Votre gouvernement, madame la Première ministre, est à la croisée des chemins. En la matière, le « en même temps » est impossible, comme vous l'a dit mon collègue Pierre-Henri Dumont. Soit on encourage l'immigration clandestine, soit on s'y oppose. L'encourager tout en disant s'y opposer, c'est l'encourager. Posez un texte clair et précis sur la table, au lieu de répéter les mêmes débats sans effets. Cessez de repousser ce moment de vérité.
Pendant que vous nous faites débattre, une fois de plus, car ce n'est pas le premier débat, 400 000 étrangers sont autorisés à s'installer en France chaque année, soit l'équivalent de la population de Montpellier.
Ce ne sont pas les bons chiffres !
Ça n'a pas de sens !
L'impuissance de l'action publique exaspère les Français, et nous savons où conduit l'exaspération en politique. Il n'y a pas d'autorité de l'État sans fermeté. Cette autorité n'est pas à géométrie variable. Elle vaut vis-à-vis des immigrés illégaux, mais aussi pour faire respecter nos valeurs communes.
Madame la Première ministre, vous avez le choix entre le courage et le renoncement. Pour notre part, au groupe Les Républicains, nous avons toujours fait le choix du courage dans la clarté. Sachez que nous continuerons.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous examinerons en début d'année prochaine un texte visant à réformer et à renforcer notre système d'asile et d'immigration. La majorité s'empare de ce débat sans tabou, sans complexe et en affirmant des principes clairs. La France a toujours été une terre d'accueil et d'immigration, pour répondre à ses besoins économiques, mais aussi en vertu de son devoir humanitaire. Cette tradition a nourri notre pays, son histoire, sa littérature et les bancs de tous les groupes de cette assemblée.
Soyons-en fiers. Le continent européen entier est confronté à un défi migratoire nourri par l'instabilité politique, le dérèglement climatique et la transition démographique dans notre voisinage. Ces défis exigent des réponses communes à l'échelle européenne.
Mais en parallèle de ce devoir d'accueil, nous devons faire respecter l'autorité de l'État. Les étrangers sont aujourd'hui surreprésentés parmi les auteurs d'actes de délinquance : 19 % des personnes mises en cause pour des faits de délinquance générale sont étrangères, alors que les étrangers ne représentent que 7,7 % de la population. De trop nombreuses obligations de quitter le territoire ne sont pas exécutées. Nos concitoyens nous interpellent tous les jours sur cette question et nous leur devons une réponse transparente et responsable.
Face à ces défis, nous avançons dans une logique d'équilibre, conciliant droits et devoirs. Il faut à la fois faciliter l'intégration, par la langue et le travail, de ceux qui viennent paisiblement contribuer à la vie de notre pays, et assumer la plus grande fermeté face à ceux qui ne respectent pas nos règles. Cet équilibre est nécessaire pour faire face aux outrances de l'extrême droite, qui a toujours vu dans l'étranger une menace,…
…qui agite la peur et qui veut faire croire que nous pouvons nous barricader derrière nos frontières nationales. La volonté d'équilibre s'impose aussi pour faire face au laxisme et à la démagogie de l'extrême gauche, qui pense que nous pouvons nous passer de frontières et que la France peut accueillir toujours plus, sans jamais rien exiger.
Nous devons maîtriser notre immigration : un pays souverain a le droit de choisir qui rentre sur son territoire, de définir les critères d'accès et d'insertion ainsi que ses besoins économiques, et d'expulser ceux qui n'ont pas vocation à y rester.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Sans cette maîtrise, notre politique migratoire nourrirait un sentiment d'impuissance : celui d'une immigration subie et non choisie. Cette maîtrise, dans le cadre de la démocratie et de l'État de droit, est la condition de l'accueil et de l'intégration : il faut mieux contrôler pour mieux accueillir. L'inverse, c'est le populisme de la fermeture proposé par nos adversaires, irréaliste et contraire à nos valeurs et à nos traditions.
Le travail est au cœur de notre projet. Nous faciliterons l'obtention et le renouvellement des autorisations de travail. En définissant nos besoins, c'est-à-dire les métiers en tension dont l'exercice permettra aux étrangers déjà présents sur notre territoire d'accéder à un titre de séjour, nous contribuerons à sortir de la trappe à illégalité. Nous sanctionnerons aussi plus durement les entreprises ayant recours au travail illégal. Pourquoi, d'ailleurs, ne pas aller plus loin en nous inspirant des pratiques adoptées par les autres pays dans le cadre de la compétition internationale pour les talents ? Les Canadiens et les Américains, par exemple, attirent une immigration qualifiée grâce au permis à points, au visa H1B ou aux cartes vertes, qui ne sont délivrés qu'aux travailleurs capables de démontrer qu'ils possèdent des compétences spécifiques. Mais peut-être pouvons-nous aussi réfléchir à l'instauration de plafonds quantitatifs définis par l'Assemblée nationale, comme il en existe chez certains de nos voisins européens – l'Autriche, l'Italie, ou encore le Portugal.
Nous devons soutenir l'apprentissage de la langue en conditionnant la délivrance d'un titre de séjour à la maîtrise d'un niveau minimal de français. L'apprentissage de la langue, le respect des institutions et la connaissance de notre histoire sont autant de garanties, pour soi-même et pour les générations futures. L'intégration se mérite. Elle demande un engagement fort de la part du nouveau venu.
Je ne serais pas présent sur ces bancs sans les efforts et le travail de mes grands-parents, qui n'ont jamais oublié la reconnaissance qu'ils devaient au pays qui les a accueillis alors qu'ils fuyaient l'antisémitisme avec deux bébés dans les bras, dont mon père.
MM. Sylvain Maillard et Charles Sitzenstuhl applaudissent.
Le complément de l'intégration doit être la fermeté : les étrangers en situation régulière ayant commis des infractions graves doivent pouvoir être expulsés après avoir purgé leur peine de détention. Nous devrons réformer le contentieux des étrangers, actuellement trop long et trop complexe, et augmenter le nombre de places en CRA pour mieux exécuter les OQTF. À l'inverse, il faut faciliter les démarches de ceux qui ont vocation à rester. C'est une question de bon sens.
La majorité peut être fière de son bilan. Durant les cinq dernières années, nous avons doublé le nombre de contrôles aux frontières intérieures, augmenté les capacités de rétention, accentué la pression sur les pays de retour et accru le nombre d'éloignements pour trouble à l'ordre public ou radicalisation. Les délais de traitement des demandes d'asile n'ont jamais été aussi courts depuis douze ans. Nous avons renforcé les moyens d'intégration et le niveau d'exigence requis pour obtenir la naturalisation. Notre pays est l'un des plus attractifs pour les étudiants étrangers. À l'échelle européenne, la France a été la première à défendre la réforme de l'espace Schengen et du règlement « Dublin III », ainsi que le renforcement des moyens de Frontex pour contrôler les frontières.
Mais, nous le savons, nos concitoyens attendent que nous allions plus loin pour faire face aux nouvelles réalités apparues ces dernières années. Nous aurons l'occasion de débattre dans les prochains mois. Le Gouvernement pourra compter sur notre soutien et sur notre détermination pour construire avec vous, et avec toutes les oppositions, un texte ambitieux et pérenne pour notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
Le débat qui nous occupe ce soir est évidemment important, car la réflexion sur l'immigration est au cœur de notre réflexion sur nous-mêmes, sur notre histoire, sur notre identité et sur notre place dans le monde. Le premier constat à dresser, c'est que les flux migratoires, qui ont fortement augmenté au cours des dernières décennies, continueront à croître au cours des prochaines années. Ces flux ont trois origines, qui doivent être clairement distinguées si l'on veut mener une politique cohérente.
Ils sont d'abord profondément liés à notre histoire. Comme le rappelait le Président de la République, l'immigration est au cœur de la vie de la nation – en tout cas de celle des deux derniers siècles. En France, le développement industriel n'est pas, comme ailleurs, le fruit de l'exode rural, mais des vagues successives d'étrangers que nous avons fait venir : les Belges sous Louis-Philippe, les Italiens sous le Second Empire et la III
En deuxième lieu, ces flux sont pour une bonne part motivés par une demande légitime – politique, mais aussi économique et maintenant climatique – de protection internationale. S'ils se sont amenuisés pendant la période épidémique que nous avons traversée, ils connaissent désormais une nette recrudescence. Ces situations doivent être gérées solidairement, à l'échelle nationale et internationale, comme l'avait justement souligné il y a quelques années ma prédécesseure Marielle de Sarnez dans son magnifique rapport. L'accueil sur le territoire national est une option parmi d'autres. L'aide à l'installation des immigrés ailleurs qu'en France constitue une autre option, mais appelle également un effort qualitatif, quantitatif et financier de solidarité. Ne pas accueillir chez nous, ce n'est pas – ce ne doit pas être – nous désintéresser des populations concernées, mais mutualiser les efforts d'intégration. C'est d'ailleurs le fondement de l'aide au développement.
Troisièmement – et c'est plus délicat –, intervient l'effet pervers de ce que la France a de meilleur : l'attractivité sociale de son modèle. Nous ne pouvons pas nous permettre d'accueillir tous les volontaires à l'immigration simplement parce que c'est mieux chez nous : nous créerions alors une situation structurellement déséquilibrée, en France comme dans l'ensemble du monde. Ces personnes, nous devons les aider à vivre là où elles sont, en leur donnant les moyens de vivre dignement. C'est là que se fonde la nécessité souvent méconnue d'un contrôle des flux migratoires par l'État.
Face à ces vastes mouvements de populations, les États comme la France s'efforcent de répondre à deux exigences : la maîtrise administrative des flux et la qualité humaine, sociale et culturelle de l'intégration. Sur ce point, c'est peu dire que la France est aujourd'hui encore bien loin du compte.
Serait-il illusoire de prétendre maîtriser l'accueil, le séjour, l'intégration et parfois le renvoi de centaines de milliers de personnes ? Certains indicateurs portent à le croire : la trentaine de textes votés depuis 1980 pour réformer la législation relative aux étrangers, le faible taux d'exécution des décisions de renvoi, ou encore l'inconnu pesant sur le nombre d'étrangers en situation irrégulière – entre 500 000 et 700 000 – donnent le sentiment d'une terrible impuissance en la matière. En 2015, la Cour des comptes pointait l'absurdité d'un système complexe et coûteux d'examen des demandes d'asile, qui aboutit au maintien de 96 % des déboutés sur le sol français.
Ce débat est en outre surplombé par la question européenne et par le devoir de solidarité avec les États dits de première entrée : on ne peut pas créer une communauté humaine sans frontières tout en appliquant des politiques nationales d'immigration cloisonnées et fragmentées. Quant à l'intégration, il est clair que le modèle est à reconstruire.
J'ai presque terminé, madame la présidente. Qu'il s'agisse de l'accès à la langue, au savoir, au logement, à la sécurité ou à l'emploi, tout est à réinventer. C'est pourquoi nous saluons votre initiative, madame la Première Ministre. Vous avez un immense travail devant vous. Nous ne vous demandons qu'une chose : voir grand !
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
La question de l'immigration doit être débattue, pour plusieurs raisons, la première étant que telle est la volonté des Français. Mais elle doit l'être avec sérénité, objectivité et humanité, d'autant que la France est considérée dans le monde comme le pays des Lumières et des droits de l'homme. Il faut le dire : quitter son pays, sa famille et ses amis n'est jamais chose facile, que les raisons de ce choix soient économiques ou politiques. L'exil est d'ailleurs très souvent vécu comme un déchirement et une souffrance.
La question doit aussi être débattue afin d'éviter son instrumentalisation à des fins électoralistes et le développement de thèses nauséabondes, comme celle de l'immigration de remplacement, qui relève plus du complotisme que de la réalité. L'histoire de l'humanité a toujours été parcourue par cette question. Notre époque ne fait pas exception, bien au contraire : le XXI
Mais prenons garde à bien préciser ce dont nous parlons, car en la matière, l'amalgame n'est jamais très loin, ce qui est regrettable. Je rappelle en effet à celles et ceux qui ont trop souvent tendance à l'oublier que le débat de ce jour porte bien sur les personnes immigrées arrivées récemment sur notre territoire, et non sur ceux de nos concitoyens qui sont issus de vagues migratoires antérieures et qui font désormais partie intégrante – j'insiste sur ce terme – de la communauté nationale.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Non, chers collègues, on n'intègre pas les enfants de la République !
Cela ne signifie pas que l'intégration n'est pas un objectif louable, bien au contraire : nous devons repenser non seulement nos politiques de contrôle, mais aussi notre modèle d'accueil. Il nous faut donc à nouveau légiférer. Dans le contexte de chômage persistant que connaît la France malgré la reprise économique permise par la politique volontariste du Gouvernement, la question de l'immigration revêt une importance majeure, notamment s'agissant de l'intégration professionnelle des travailleurs immigrés. Repenser notre modèle d'intégration républicaine passera, entre autres choses, par des dispositifs en faveur de l'emploi et de la formation qui, je l'espère, trouveront leur place dans le projet de loi que l'Assemblée examinera prochainement.
Je suis favorable à la création d'un titre de séjour pour les étrangers exerçant un métier en tension. Faciliter l'insertion professionnelle des travailleurs étrangers permet non seulement de favoriser leur insertion sociale, mais aussi de donner une solution aux entreprises qui se trouvent dans l'impasse. Tous ici, nous sommes interpellés, dans nos circonscriptions, par des entrepreneurs qui peinent à recruter et sont parfois obligés de fermer leur établissement ou de réduire leur activité.
Faut-il encore le rappeler ? La France dénombre près de 400 000 emplois non pourvus, qui mettent en difficulté des secteurs entiers, comme l'hôtellerie-restauration, l'agriculture, le transport ou encore le secteur médico-social.
Parce que le travail est un vecteur incontestable d'intégration et d'émancipation, j'espère que vous soutiendrez également certaines mesures visant à mettre fin à des injustices. Je pense notamment à la fin du délai de carence qui empêche les demandeurs d'asile de travailler pendant leurs six premiers mois en France. Pour éviter également que des employeurs peu scrupuleux profitent d'une main-d'œuvre clandestine, il faut que ces travailleurs étrangers puissent être régularisés. Cette proposition, je le souligne, répond à une demande récurrente des syndicats.
Enfin et surtout, n'oublions pas la jeunesse. L'accès à la formation, en particulier à travers l'apprentissage, constitue pour les jeunes apprentis étrangers un tremplin essentiel vers leur intégration future.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Aussi suis-je convaincue qu'il nous faut davantage garantir la fluidité de leur parcours. En tant qu'ancienne enseignante dans un CFA, un centre de formation d'apprentis, j'ai rencontré à de nombreuses reprises des chefs d'entreprise désespérés de ne pouvoir embaucher définitivement leur apprenti, pourtant motivé et compétent, faute de délivrance d'un titre de séjour lors de leur passage à l'âge adulte. De telles injustices, contre-productives pour notre pays et notre tissu économique, ne doivent plus se produire.
Vous l'aurez compris, la politique de l'immigration est intrinsèquement liée à notre politique de l'emploi comme à notre politique économique. Au-delà des interrogations que nous focalisons toujours autour des chiffres et des questions sécuritaires, j'espère donc que ce débat permettra d'ouvrir notre réflexion plus largement, en nous incitant à ne pas perdre de vue que nous parlons ici avant tout de femmes et d'hommes qui, pour la plupart, contribuent au développement de notre pays. Contrairement à ce que j'ai pu entendre, ils ne représentent pas une charge.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Le monde n'en finit plus de donner tort aux théoriciens de la fin de l'histoire. La chute du mur de Berlin marque l'ouverture des frontières, mais coïncide également avec la fermeture des esprits et l'avènement d'une crispation identitaire des nations et de leurs peuples. Face à la disparition des grandes idéologies politiques, les repères se sont progressivement effacés et les questions relatives aux fondements de la nation se posent de façon plus insistante. Dans ce contexte, le rapport à l'étranger, à celui qui est différent, s'est foncièrement dégradé.
Pourtant, la France fut et demeure une terre d'immigration. Sans revenir sur les faits historiques anciens rappelés par le président Bourlanges, mais en s'en tenant à la période contemporaine, on peut citer les voisins européens que nous avons accueillis et protégés de leurs tyrans, ou encore les ressortissants des anciennes colonies d'Afrique ou du Pacifique auxquels la France a ouvert ses portes en comptant sur la force de leur main-d'œuvre pour bâtir l'avenir du pays.
Toutefois, l'Europe entière s'est en réalité raidie devant les difficultés géopolitiques du monde, face au terrorisme et aux guerres. Elle est aujourd'hui paralysée par des mécanismes de solidarité abscons comme le règlement « Dublin », par les égoïsmes et les démagogies nationalistes. Les citoyens européens ressentent collectivement un puissant malaise, aussi bien devant les images de l'exode des réfugiés dans les Balkans que lors de la découverte du corps du petit Aylan sur une plage grecque. Cette tétanie s'est aussi emparée de la France, qui déplore l'accueil massif et conjure en même temps sa prétendue inhumanité. Nous ne pouvons que constater ce grand dérangement.
Très tôt pourtant, nos lois ont consacré le principe de l'accueil – dès la Constitution de l'an I et, bien plus tard, grâce à la ratification de la Convention de Genève. Nous nous sommes organisés pour reconnaître la protection due aux exilés comme pour admettre le séjour temporaire ou définitif des étrangers sur notre sol.
À mesure que les difficultés économiques et sociales se sont amoncelées, notre système légal a pourtant été dépassé. En même temps que l'ascenseur social, la machine à intégrer s'est grippée. La surreprésentation des étrangers dans les actes de délinquance – principalement ceux commis dans les métropoles – a accru les tensions au sein de notre société.
Dès 2018, nous avions pourtant pris les devants en octroyant la protection aux femmes étrangères victimes de violences ou menacées d'excision. Nous avions acté le schéma de répartition des demandeurs d'asile et entrepris de simplifier les procédures ou de renforcer les mesures d'intégration des immigrés. Nous avions aussi donné à la France les outils qui lui permettent aujourd'hui d'être le pays européen qui pratique le plus de reconduites à la frontière.
Le réalisme et l'honnêteté, qui ne sont pas unanimement partagés dans l'hémicycle,…
…nous obligent cependant à reconnaître que beaucoup a été fait, mais qu'il reste beaucoup à faire. D'ailleurs, la commission des lois se penchera bientôt sur les conditions d'accueil de l'Ocean Viking à l'occasion d'une mission flash dont nous venons de décider la création.
Sans prétendre à l'exhaustivité, nous savons que nos préfectures croulent sous les demandes, que les instances de l'asile comme les juridictions administratives sont à la peine, que les procédures demeurent détournées, mais aussi que l'effort de milliers de travailleurs n'est pas reconnu.
Sur ces sujets, nous avons besoin de réponses. Il appartient donc à la représentation nationale de dire simplement mais définitivement que des réponses plus systématiques doivent être apportées. Il nous appartient d'affirmer que la France n'a pas vocation à accueillir celles et ceux qui violent ses lois et ses règles et que des procédures d'expulsion doivent impérativement être prévues à leur encontre.
Il nous revient aussi de sortir de l'incroyable hypocrisie qui consiste à compliquer la vie de celles et ceux qui, travailleurs étrangers en France, rendent service à la nation. Je demande donc au Gouvernement la régularisation de ces salariés exerçant dans les métiers en tension au moyen d'une procédure de plein droit. Sans dépendre de leurs employeurs, cette régularisation améliorerait leurs conditions de travail, et plus globalement celles de leur métier et de l'ensemble du salariat. Le travail nous rassemble et nous lie : jamais les droits des travailleurs étrangers ne doivent être opposés à ceux des travailleurs français dans nos entreprises.
Grâce à ces mesures plus systématiques, les préfectures et les juridictions – dont le fonctionnement devra nécessairement être profondément revu en fonction des conclusions des rapports du Conseil d'État et du Sénat – gagneront en efficacité comme en humanité.
Dans le débat qui s'ouvre, je vous demande également de ne pas céder aux modes ni aux solutions simplistes qui aggravent les problèmes plutôt qu'elles ne les résolvent. Je dis mon hostilité aux quotas qui, trop nombreux ou insuffisants, ne satisfont jamais personne. Je dis mon opposition à cette méthode qui, par l'arbitraire d'un chiffre, autoriserait le séjour indu ou interdirait l'accueil mérité.
Une démocratie adulte doit pouvoir parler d'immigration. Mais elle ne peut répondre au malaise populaire que si elle accepte de regarder l'immigration en face, en sanctionnant les abus tout en reconnaissant les mérites.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes.
Au terme de ce long débat, je veux vous faire part d'une conviction simple : il n'y aura pas de réforme nationale efficace sans une approche européenne des phénomènes migratoires, ni de réponse durable sans l'adoption du Pacte dit migration et asile. Nous pouvons avoir tous les débats que nous voulons, multiplier les plans d'action et les réunions de crise, nous ne serons pleinement efficaces qu'en agissant en tant qu'Européens, à vingt-sept.
L'approche européenne est une nécessité, tout d'abord parce que l'absence de frontières intérieures au sein de l'espace Schengen nous rend inévitablement dépendants des politiques migratoires des autres États membres, et particulièrement de leur gestion des frontières extérieures de l'Union.
Elle l'est aussi parce que les migrations sont une réalité mondiale qui trouve ses sources dans des facteurs globaux – cela a été rappelé maintes fois cet après-midi. Par conséquent, la coopération avec les pays tiers, de départ ou de transit, ne peut que trouver plus de force si elle est défendue au niveau européen plutôt que par des initiatives nationales isolées.
Elle est une nécessité, enfin, car de nombreuses difficultés que nous rencontrons aujourd'hui dans l'Hexagone découlent des faiblesses du cadre européen. Je pense notamment à l'importance des mouvements secondaires des demandeurs d'asile dits dublinés. Alors que les arrivées de migrants et de réfugiés sur le sol européen repartent à la hausse dans un contexte géopolitique instable – 90 000 migrants pour l'année en cours, en ne tenant compte que de la Méditerranée centrale –, une réponse européenne est possible. Face à l'afflux de réfugiés le plus important depuis la seconde guerre mondiale, déclenché par l'agression russe en Ukraine, l'Union européenne a montré qu'elle pouvait agir efficacement en activant, en mars 2022, le dispositif de protection temporaire.
Toutefois, il s'agit d'une exception. Il faut l'admettre, depuis la crise de l'accueil des réfugiés de 2015, les États membres de l'Union européenne ont trop souvent présenté un front désuni. Le refus par l'Italie, en violation de tous les principes du droit, d'accueillir l'Ocean Viking, en constitue un nouvel et regrettable exemple, comme a pu l'être le refus de toute solidarité européenne de la part de la Hongrie et d'autres pays de l'Union.
Ces divisions et les faiblesses de notre politique commune remettent en cause l'État de droit en matière d'asile, comme en témoigne le sort de certains réfugiés et migrants qui se retrouvent à la rue, dans des parcs et des abris de fortune. Dans le même temps, ces divisions européennes nous affaiblissent collectivement, car elles remettent en cause notre souveraineté en nous rendant vulnérables aux tentatives de déstabilisation menées par des régimes pour certains autoritaires. Ces derniers n'ont pas de scrupules à instrumentaliser des situations humanitaires dramatiques, comme on l'a observé en Libye ou lors de l'attaque hybride orchestrée à l'automne dernier par la Biélorussie, avec le soutien de la Russie, aux frontières orientales de l'Union.
Par ailleurs, notre incapacité à nous entendre collectivement sur la gestion des frontières et la prise en charge des demandeurs d'asile fragilise aussi notre édifice démocratique en faisant le jeu de l'extrême droite en Europe et du Rassemblement national en France, les uns et les autres n'ayant rien à proposer sinon le repli identitaire au mépris des vies humaines qui se brisent en Méditerranée. Nous savons que si nous répondons collectivement au défi migratoire, en respectant nos valeurs et notre droit, nous leur enlèverons leur principal carburant électoral.
Qu'a proposé le Rassemblement national au cours du débat de ce jour ? Rien, si ce n'est la politique du refoulement et de la violence, ce qui en dit long sur leur projet migratoire qui consiste, par cynisme, à laisser dériver en mer les migrants et les réfugiés, à criminaliser les ONG qui protègent des vies, le tout en expliquant que la véritable humanité serait la fermeté. Cynisme et mépris.
C'est pourquoi nous avons besoin, plus que jamais, de définir une approche européenne commune et harmonisée des politiques migratoires et d'intensifier nos efforts pour permettre l'adoption de la réforme du cadre européen sans laquelle les effets de nos politiques nationales demeureront nécessairement limités. C'est ainsi que nous pourrons bâtir une politique européenne équilibrée entre nos valeurs humanistes et de solidarité, à l'égard des réfugiés mais aussi des pays de première entrée, et un contrôle effectif de nos frontières extérieures pour prévenir l'immigration illégale.
Je tiens à saluer ici les avancées permises par la présidence française de l'Union européenne sur ce sujet. En plus des progrès obtenus sur les négociations des textes législatifs du Pacte sur la migration et l'asile, la France a joué un rôle moteur en permettant l'adoption d'un mécanisme volontaire de relocalisation par treize États membres. Celui-ci traduit en actes la solidarité européenne en matière de prise en charge des demandeurs d'asile et constitue une première étape avant la création d'un mécanisme similaire de solidarité obligatoire dans le cadre de la réforme du Pacte.
Je le répète, l'Union peut être la clef pour surmonter les difficultés que nous rencontrons, sans naïveté, mais dans le respect de nos valeurs d'humanité et dans un juste équilibre entre responsabilité et solidarité européenne. Ayons conscience que nous sommes en bien meilleure position pour faire face aux défis migratoires aujourd'hui qu'en 2015 ou 2016. Nous disposons de ressources, d'instruments, mais aussi, désormais, d'une volonté politique. Dès lors, nous ne pouvons plus attendre pour nous doter d'un cadre de migration européen à l'épreuve du temps, qui ne réponde pas simplement à l'urgence, lorsque des navires arrivent sur nos côtes.
Les solutions sont ici à portée de main. Nous pouvons relever ce défi et nous le relèverons, j'en suis persuadé. C'est le rôle de la France que de défendre cette cause avec plus de force encore à Bruxelles.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Avant-hier, pendant que nous travaillions sur ce texte, un polémiste dont les Français n'ont pas voulu a affirmé qu'un des facteurs d'explication de la délinquance était « l'hétérogénéité ethnique » de notre société.
L'orateur se tourne vers les bancs du groupe RN.
C'est l'un de vos anciens amis.
Vous vous êtes séparés il y a quelques semaines. Ses séides, tels que M. Bay ou M. Collard, l'ont applaudi. Ce sont vos anciens amis.
Cela fait peu de temps qu'ils vous ont quittés – vous les avez supportés longtemps. Était également présente dans la salle une nièce qui vous est familière. De ce côté, les applaudissements furent nourris – pour reprendre une expression qu'on trouve parfois dans le compte rendu.
À l'évidence, il y a d'un côté la France des Lumières et de l'autre celle de l'obscurité, pour ne pas dire celle de l'obscurantisme.
Nous devons être fiers du projet que nous allons défendre.
Le discours tenu tout à l'heure par Mme Le Pen, vous l'avez entendu, était d'une certaine manière raté, parce qu'elle n'a rien proposé. Certes, Papa sera très content ce soir. Pour le reste, disons-le, il n'est pas question pour elle de travailler sur ces questions, parce que cela reviendrait à réduire à néant le théorème qu'elle défend depuis bien trop longtemps et qui est le suivant : les étrangers sont la cause de tous nos maux.
Le choix de traiter ce sujet avec lucidité et sérieux, comme nous souhaitons le faire, serait évidemment désastreux pour elle…
…parce qu'elle perdrait au fond son ADN.
Madame Diaz, vous évoquez le Parlement européen et Mme Ursula von der Leyen, mais je tiens à vous dire que vous et vos amis y avez surtout brillé par votre absence. Reconnaissez-le tout même.
Je pense que d'aucuns vous le reprochent, au demeurant.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Souffrez, madame, que je vous réponde. Ensuite, vous nous assénez comme d'habitude des contre-vérités.
Mêmes mouvements.
Vous dites que les logements sociaux sont donnés aux étrangers. Mais ils ne le sont certainement pas à ceux qui sont en situation irrégulière, puisque c'est impossible ! Ce que vous dites n'est pas vrai.
Et vous évoquez la délinquance des étrangers. C'est votre fantasme, bien sûr.
Laissez-moi terminer. Elle existe, il faut la voir en face lucidement, mais je rappelle que dans les autres pays européens, elle existe aussi. Je vais à cet égard vous apporter une précision qui peut vous amener à réfléchir – l'emploi du mode impératif m'est interdit lorsque je m'adresse à vous : les juges exigent souvent des garanties de représentation, notamment lorsqu'il s'agit de décider d'une détention provisoire, et comme par définition les étrangers en situation irrégulière n'en ont pas, c'est une des raisons qui expliquent la proportion importante d'étrangers en détention provisoire.
J'en viens maintenant à vous, madame Genevard. Vous savez que je vous respecte infiniment, madame la députée,…
Sourires.
…mais je vous ai connue mieux inspirée. Vous nous donnez aujourd'hui des leçons : je me dois de vous rappeler que c'est M. le président Sarkozy qui a partiellement mis en cause la double peine.
Ces interruptions permanentes sont pénibles…
Madame Parmentier, il ne s'agit pas d'ouvrir un débat entre vous et le ministre.
Nous reviendrons avec courage et lucidité sur les questions que vous avez évoquées, madame Genevard, parce qu'elles le méritent.
Je confesse que c'est à fleur de peau que je m'exprime dans cet hémicycle, car je pense évidemment au général Oufkir qui a participé à la libération de la Sicile : un Marocain ; je pense au groupe Manoukian et à cette formule que j'adore, « Français de préférence » ; je pense à Joséphine Baker et à tant d'autres. Et, plus proche de nous, je pense à ceux qui travaillent dans notre pays ou qui veulent travailler et qui méritent qu'on les regarde avec considération, attention et humanité.
Au passage, je veux dire à M. Pierre-Henri Dumont – je regrette qu'il soit parti – que les étrangers ne sont pas une charge. Voilà un propos d'une infinie violence.
Ma mère, qui a 86 ans, a quitté son pays d'origine où elle crevait de faim, et a travaillé toute sa vie. Je pense que si elle rencontrait M. Pierre-Henri Dumont, elle lui courrait après avec le balai dont elle s'est servi toute sa vie – car elle était technicienne de surface –, en dépit de la forme que lui accorde son grand âge… Naturellement, je la retiendrais. Dire que les étrangers qui travaillent sont une charge est un scandale absolu, c'est d'une violence insupportable.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Je tiens à remercier Mme la Première ministre, mon ami Gérald Darmanin, Olivier Dussopt et Catherine Colonna – et pour leur dire quoi ?
Sourires.
Pas sur ce texte en particulier, mais je le remercie aussi parce que je l'aime beaucoup.
Sourires.
Je veux leur dire qu'ils vont enfin nous permettre de nous rappeler collectivement que le mot « étranger » n'est pas le synonyme du mot « délinquance ». Et pour cela, merci.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Quant aux étrangers délinquants, ils seront traités avec la fermeté qui convient. Gérald Darmanin a dit tout à l'heure que nous allions criminaliser ce que font les passeurs. Nous allons également simplifier les procédures qui sont trop complexes. Il s'agit d'être efficace et sans aucune complaisance à l'encontre des étrangers délinquants. Je reprends à mon compte la formule : « la France, on l'aime ou on la quitte. »
Et je l'assume.
Mais il y a les autres, les travailleurs. Il faut que M. Pierre-Henri Dumont mette ses actes en conformité avec ses paroles. Quand il monte dans un VTC, une voiture de transport avec chauffeur, qu'il demande qui conduit, et qu'il saute tout de suite du véhicule si c'est un étranger ! Quand il va dîner dans un restaurant, qu'il demande qui a fait la cuisine ! Et quand il mange un fruit, qu'il demande qui l'a cueilli !
C'est une réalité incontestable.
Ce projet de loi a du sens. C'est du « en même temps » : on s'occupe des délinquants et, en même temps, on s'occupe de ceux qui bossent et dont on a envie dans notre pays parce qu'ils en font la richesse.
Je n'ai plus rien à dire,…
…mais je ne résiste pas au plaisir de vous lire un tout petit texte : « Logez confortablement des émigrés italiens et ils sauront donner à leur village ce débraillé, cette turbulence, cette malpropreté qui les caractérisent. » Ce n'est pas un papier de Valeurs actuelles. C'est paru le 18 mai 1935 dans le journal La Lumière… On parle des « Ritals », des « sales Macaronis ». J'en ai un autre : « Il y a 50 % de travailleurs italiens [sur tel chantier] qui font le jeu des patrons en acceptant et en sollicitant même du travail supplémentaire. » Voulez-vous, s'il vous plaît, être le messager de ces propos auprès de M. Jacobelli et de M. Bardella… Vous me feriez plaisir.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Quelques mots de réponse à mon tour aux orateurs, à commencer par M. Vallaud – de là où il est, il doit nous entendre.
Sourires.
Sourires.
Je voudrais répondre à ses propos un peu durs sur les raisons pour lesquelles cela ne marche pas dans les préfectures : j'aurais aimé qu'il en profite pour faire son propre mea culpa, parce que c'est bien sous la présidence de François Hollande qu'on a supprimé une très grande partie des postes d'agent de préfecture, ce que relève d'ailleurs la Cour de comptes.
Et c'est nous qui réparons désormais ce drame en recréant des postes, afin de bien accueillir les étrangers. Quand on chante la vérité, on ne la chante pas à moitié, camarade ! En incipit de son intervention, il avait d'ailleurs dit qu'il fallait tenir, sur la question de la politique de l'immigration, un discours simple, honnête et empli de vérité.
À part cela, on pouvait être d'accord sur une partie de ses propositions.
Plusieurs orateurs, du groupe Rassemblement national bien sûr mais aussi du groupe Les Républicains, ont abordé la question des immigrés clandestins. Je voudrais seulement apporter quelques précisions à Mme Genevard et à M. Dumont. En 2004, il y avait 151 000 étrangers en situation irrégulière – en tout cas, c'était le nombre d'inscrits à l'AME, sans doute le meilleur moyen sans doute de s'approcher de la réalité, selon Patrick Stefanini. En 2017, deux quinquennats plus tard, il y en avait 315 000. La progression a été plutôt linéaire, un peu plus rapide sous le président Hollande, mais déjà bien réelle pendant le quinquennat du président Sarkozy. Il y a de nombreuses raisons à cela ; nous comprenons les difficultés du monde, le dérèglement climatique et ses réfugiés, parfois la démographie, mais aussi la déstabilisation dans de nombreux pays, en premier lieu la Libye bien évidemment. Et puis, sous le président Macron, on est passé de 315 000 à 360 000. Il est vrai que les chiffres continuent à augmenter, mais à un rythme huit fois moindre que sous les deux quinquennats précédents.
Vous nous reprochez, madame Genevard, de vouloir régulariser – ce terme est faux, mais nous aurons le débat législatif pour y revenir – des personnes qui sont depuis cinq ans sur le territoire national et qui travaillent. Vous semblez oublier qu'il s'agira de ce fait de personnes entrées en France sous les quinquennats précédents. La circulaire Valls exige déjà cinq ans d'ancienneté sur le territoire national. Nous opérons 30 000 régularisations par an. Oui, on régularise, c'est vrai, mais on le fait pour des gens qui sont entrés voilà déjà plus de dix ans sur le territoire national, vous le savez très bien.
Si nous voulons un débat sincère et serein, il faut donner la vérité des prix, en l'occurrence reconnaître que sous le quinquennat du président Macron, la situation au Soudan, en Afghanistan, en Syrie a été à l'origine de nombreuses demandes d'asile. Je ne crois pas très honnête la façon dont vous avez présenté les choses, madame Genevard.
Nous y reviendrons lors du débat législatif, et nous sommes prêts à établir toutes les comparaisons possibles, mais elles ne me semblent pas très favorables aux thèses que vous défendez.
S'agissant des OQTF, l'évolution des chiffres va dans le même sens : entre 2007 et 2012, leur nombre était de 60 000, dont 12 000 exécutées, soit 19 % sous le quinquennat du président Sarkozy ; nous en sommes à 15 % d'OQTF exécutées pour la période 2017-2022, sachant qu'il y a eu deux années sans transport aérien en raison du covid. Il n'était alors pas facile d'expulser.
La différence entre 19 % et 15 % est si minime qu'elle ne permet pas de donner des leçons de morale. Regardons la vérité en face ! On n'a, pour de très nombreuses raisons, pas plus expulsé à l'époque que maintenant. On pourrait certainement améliorer ce taux, mais ce serait mentir aux électeurs, à tous les habitants, que de dire qu'il y a cinq ou dix ans, on savait expulser et que l'on ne sait plus le faire depuis que le président Macron est là.
Il y avait même à l'époque des départs aidés, vous le savez très bien : les gens étaient payés pour partir et revenaient trois mois après, leur pécule épuisé.
Comparons, voyons ce qui doit changer fondamentalement : c'est ce que nous proposerons dans le texte de loi que nous vous présenterons. Vous dites que vous attendez d'en savoir plus, mais les débats à l'initiative de la Première ministre, ici et au Sénat, ne sont pas pour rien ! L'avant-projet de loi n'a pas encore été transmis au Conseil d'État ; il le sera après la fin des débats parlementaires et des consultations – je recevrai d'ailleurs, avec le ministre du travail, votre groupe politique à Beauvau la semaine prochaine, et nous écouterons évidemment toutes les propositions.
Je redis, après Mme la Première ministre, que l'essentiel de nos propositions relatives à la lutte contre l'immigration irrégulière, à la non-régularisation des personnes sans titre de séjour, à leur retour dans le pays d'origine proviennent du rapport Buffet. Je plaide coupable – mais il n'y a pas de droits d'auteur : nous avons fait un copier-coller de ce rapport pour une très grande partie des dispositions qui seront proposées.
Non, ce n'est pas vrai. Il en est d'accord. J'écouterai avec intérêt ce qu'il dira, puisque nous arrivons toujours à travailler en bonne intelligence avec le Sénat sur ces questions. Encore une fois, je pense que la comparaison avec les quinquennats précédents ne tourne pas à votre avantage.
Enfin, je n'ai pas compris le chiffre de 400 000 étrangers entrés légalement dans le pays chaque année, chiffre que vous-même et M. Dumont citez.
Tout d'abord, c'est faire un drôle de calcul : vous partez du principe que 400 000 personnes, « l'équivalent de la population de Montpellier », s'ajouteraient chaque année aux personnes arrivées précédemment. Je rappelle que ces 400 000 personnes sont composées notamment de 270 000 détenteurs d'un titre de séjour, dont 200 000 renouvelés. La moitié des 400 000, ce sont donc les 200 000 titres de séjour long renouvelés. En fait, votre proposition revient à refuser de les renouveler : je pense aux 20 % des médecins qui exercent dans nos hôpitaux…
Madame Genevard, vous comparez cette population à l'équivalent d'une grande ville comme Montpellier, comme si le grand remplacement allait survenir.
Vous avez dit que c'était comme si l'équivalent de la population de Montpellier débarquait chaque année, on a donc l'impression que quelque chose de terrible va nous arriver ! Je redis, pour que tout le monde comprenne bien, que sur les 400 000 titres de séjour, 200 000 sont des renouvellements. Il serait intéressant de savoir non seulement quels sont les gens que vous ne voulez pas accueillir, mais aussi quels sont ceux dont vous ne voulez pas renouveler le permis de séjour. Au vu du nombre de lettres de parlementaires que je reçois, notamment de LR, pour solliciter de tels renouvellements, vous n'êtes manifestement pas tous d'accord sur ce premier point.
Quant au second point, ce sont les 70 000 nouveaux entrants, et vous avez tout à fait raison de vous interroger : la question est en effet de savoir qui ils sont. Plus de la moitié d'entre eux, vous le savez, proviennent de l'immigration familiale. Je dis au Rassemblement national, notamment à Mme Le Pen, qui a dit à ce sujet quelques âneries à la tribune de l'Assemblée,…
…que le regroupement familial, c'est seulement 13 % de l'immigration familiale. C'est infinitésimal.
L'immigration familiale est composée principalement de conjoints de Français. Pour une partie d'entre eux, ce sont des Européens. Doit-on leur interdire de venir ? Et qui ici demande d'interdire à un Français de pouvoir faire venir sa femme originaire d'Asie, du Maghreb ou des États-Unis ? Personne. Plus de la moitié de l'immigration étant familiale, doit-on restreindre celle-ci ? C'est une question importante dont traitera le projet de loi. Pour notre part, nous souhaitons beaucoup plus d'immigration économique que d'immigration familiale, sur le modèle allemand – même si tout n'est pas bon à prendre chez eux puisqu'ils ont deux fois plus de demandes d'asile que nous… Et nous allons proposer le passage d'un examen de français, sur lequel vous ne vous êtes pas exprimée, au résultat duquel sera conditionnée l'obtention du titre de séjour.
Ensuite, pour parvenir au chiffre de 400 000, vous comptez les titres de séjour étudiant. Excusez-moi, madame Genevard, mais il y a une sorte de double compte ! En fait, 90 % des étrangers qui viennent étudier en France – ils sont 50 000 par an au total – repartent à la fin de leurs études. Certes, 10 % d'entre eux restent dans notre pays, soit qu'ils soient passés en situation irrégulière, ce qu'il faut combattre, soit parce qu'ils ont trouvé un travail en France, ce qui est à la fois intelligent et compréhensible. Mais, je le redis, 90 % des 50 000 étudiants auxquels on délivre un titre spécifique rentrent après leurs années d'études.
Dans ce chiffre de 400 000, nous avions déjà 200 000 titres renouvelés dont vous ne nous dites pas sur quel fondement on devrait ne pas les renouveler, et 50 000 titres étudiants. Vous ajoutez ensuite les demandeurs d'asile – franchement, ce doit vraiment être pour parvenir à ce chiffre rond de 400 000 et continuer à parler de Montpellier. Non seulement vous tenez compte des 120 000 demandes d'asile, mais vous ajoutez les 30 000 demandes satisfaites – vous les comptabilisez donc une seconde fois.
Les 120 000 demandeurs d'asile ont le droit à l'asile…
Ils ont le droit de demander l'asile et les dossiers doivent être étudiés. Je ne pense pas que le groupe Les Républicains s'y oppose. Notre texte proposera que les dossiers soient étudiés rapidement, ce qu'aucun gouvernement n'avait fait auparavant, vous le savez très bien. Il faut dire que cela peut être compliqué, notamment en raison de conventions européennes : nous regarderons ce sujet avec attention. Nous sommes par exemple prêts à étudier l'amélioration de la délivrance des visas accordés dans les pays d'origine pour demande d'asile. Nous l'avons fait pour les Afghans – par exemple, lorsque ceux qui se trouvent en Turquie formulent une demande d'asile auprès de la France, nous ne les acceptons pas tous sur le territoire national.
Décidément, votre chiffre de 400 000 n'est pas très sérieux. On peut toujours discuter pour savoir si l'on doit supprimer certains types de titres de séjour, comme l'a suggéré M. Marcangeli au cours du débat, ou s'il faut mettre en place des quotas – j'ai entendu ce qu'a dit à ce sujet le président de la commission des lois. Il n'en reste pas moins que, si l'on veut traiter de ce sujet extrêmement difficile, il est préférable de ne pas avancer de chiffres qui ne correspondent pas à la réalité.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Je veux tout d'abord remercier les oratrices, les orateurs et les parlementaires présents aujourd'hui. Sans surprise, malheureusement, nous avons entendu plusieurs interventions de pure posture, de pure démagogie, et parfois de purs mensonges, sans aucune proposition – en particulier du côté du Rassemblement national qui a pu reprendre, au mot près, des discours qui ont une bonne cinquantaine d'années.
Je ne relève pas non plus que la présidente Mathilde Panot a parlé d'un projet qui n'est pas celui du Gouvernement. Elle lance des saillies sur des sujets que j'ai précisément écartés. J'en viens à croire que les Insoumis voudraient vraiment s'en tenir à un tête-à-tête avec le Rassemblement national en lui parlant comme s'il était au gouvernement.
Je ne vais donc pas m'y attarder plus longtemps, d'autant que les ministres ont eu l'occasion de mettre en lumière les contradictions et les contre-vérités que contenaient certaines interventions. Je ne vais pas alimenter des débats qui se fondent sur des peurs et non sur la réalité, des débats qui se fondent sur des polémiques et non sur des solutions.
En revanche, j'ai entendu – et c'est ce que je veux retenir –, parmi les groupes de l'arc républicain, des constats communs et des propositions utiles. Au-delà des clivages, nous partageons une volonté d'agir directement sur les causes de l'immigration illégale en accompagnant les pays de départ et de transit, et en mettant notre aide au développement au service de la lutte contre la pauvreté et contre le dérèglement climatique.
Nous voulons aussi que notre droit soit respecté et que les délais des procédures soient raccourcis. Là encore, je pense qu'une majorité peut se dégager au sein de l'arc républicain pour poursuivre ces objectifs.
Enfin, et je crois que c'est l'objet d'un quasi-consensus sur ces bancs, nous voulons mieux intégrer celles et ceux que nous accueillons, notamment par le travail et par la langue.
Mesdames et messieurs les députés, je suis convaincue que notre politique migratoire est un équilibre : un équilibre hérité d'une histoire, porté par des valeurs et respectueux de l'État de droit ; un équilibre entre le respect ferme de la loi et l'intégration franche de ceux à qui nous accordons le séjour et l'asile ; un équilibre que, j'en suis certaine, nous pourrons trouver ensemble.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs des groupes Dem et LIOT.
Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinquante.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra