Dans les secteurs qui ont largement recours aux contrats courts, l'obligation de demander une autorisation avant chaque contrat de travail peut agir comme une trappe à travail dissimulé. Il nous faut donc sortir de l'absurde jeu perdant-perdant concernant la situation des étrangers en situation irrégulière dans des métiers qui manquent de main-d'œuvre. Des étrangers présents depuis plusieurs années sur le territoire et employés depuis plusieurs mois en France dans un métier en tension sont parfois en situation irrégulière, sans porte de sortie. Ils travaillent, s'intègrent, ou sont intégrés. Ils demeurent pourtant sans droit au séjour ni au travail.
La procédure d'admission exceptionnelle au séjour, inscrite dans la circulaire Valls du 28 novembre 2012, est appliquée de façon hétérogène ; de surcroît, elle laisse un grand pouvoir à l'employeur, puisque celui-ci doit soutenir la démarche, ce que ne font pas les plus indélicats. C'est pourquoi il nous paraît souhaitable que ces étrangers puissent obtenir un titre de séjour temporaire pour une année, renouvelable. Il s'agit de leur permettre de travailler dans un métier qui connaît des difficultés de recrutement. Ils pourront ensuite s'insérer dans un parcours plus classique, toujours par le travail et par la langue. Cela s'appelle tout simplement l'intégration, et c'est ce que nous voulons promouvoir, comme M. le ministre de l'intérieur et moi-même l'avons indiqué.
Nous y travaillons ; les concertations sont en cours. D'ores et déjà, nous pouvons affirmer qu'il faudra résider en France depuis plusieurs années et y travailler depuis plusieurs mois pour bénéficier de ce titre. Il ne s'agit pas d'un plan de régularisation massive, mais d'une solution offerte à celles et ceux qui sont déjà là, qui travaillent depuis longtemps et qui sont parfois devenus irréguliers en raison de la complexité des formalités ou à la suite d'un accident de parcours.
Certains feignent de penser que nous allons favoriser le travail étranger au détriment des Français. Là encore, c'est un mensonge, ou un moyen de faire peur. Ce titre de séjour sera accessible à ceux qui travaillent déjà dans des secteurs en tension, où les témoignages d'entreprises qui rencontrent des difficultés de recrutement sont nombreux. Cette mesure répond à une demande forte des entreprises, en particulier dans les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration. Dans le même état d'esprit, nous avons déjà commencé à réviser la liste des métiers en tension, les textes prévoyant qu'elle le soit à intervalle régulier pour être aussi adaptée que possible. Cette liste sera utile pour déterminer l'accès aux titres de séjour que je viens d'évoquer ; elle est déjà utile pour permettre à des employeurs qui souhaitent recruter des étrangers non communautaires de le faire sans autorisation préalable. Tel est l'état du doit, comme la Première ministre l'a expliqué.
Or cette liste n'est plus adaptée : les métiers de la restauration y sont très peu présents, comme ceux de la propreté. Elle devra donc demain être plus en adéquation avec la réalité. Dans ces deux secteurs, nous savons tous quelles sont les tensions de recrutement, comme nous savons que le recours à des travailleurs étrangers y est nettement plus important que la moyenne.
Si nous devons regarder la réalité en face s'agissant de la part des emplois en tension occupés par des étrangers, en situation régulière ou irrégulière, nous devons aussi constater la faiblesse ou plutôt la lenteur des sanctions infligées lorsque le travail illégal est constaté et délibéré. Or, c'est une certitude, la lutte contre le travail illégal passera par des sanctions plus facilement applicables. Il existe des sanctions pénales, que nous ne prévoyons pas de modifier : elles sont nécessaires dans les cas les plus graves, dès lors que l'intentionnalité et la dégradation des conditions de travail sont manifestes.
Il existe aussi des sanctions administratives, comme la possibilité pour le préfet de fermer un établissement pour une durée maximale de trois mois. Il est certainement opportun de les faciliter. Il nous faut également une sanction administrative calibrée pour être plus systématique, par exemple une amende. Elle n'aurait pas un caractère automatique, mais serait prononcée en fonction de l'appréciation d'un certain nombre de critères, tels que les ressources et les charges, l'intentionnalité, le contexte et la gravité. C'est ce à quoi nous travaillons avec le ministre de l'intérieur, pour apporter une réponse rapide, proportionnée et efficace à ceux qui ont délibérément recours à des travailleurs en situation irrégulière.
Enfin, l'intégration, au travail comme ailleurs, se fait aussi par la langue – c'est une évidence. En cohérence avec l'exigence de sa maîtrise, nous considérons que les employeurs doivent aussi faciliter l'intégration par la langue de leurs salariés étrangers. Ils sont nombreux à compter sur la main-d'œuvre étrangère pour faire tourner leur entreprise ; il n'est donc pas anormal que les employeurs contribuent à la réussite de l'intégration de leurs salariés par la formation continue, par des abonnements à des comptes personnels de formation ou par le simple fait de libérer du temps pour qu'ils participent aux formations à l'apprentissage du français.