D'autres États détournent volontairement le système, en incitant les migrants à traverser leur pays sans les enregistrer. C'est le cas de la Hongrie.
Le nouveau Pacte, suggéré par la Commission européenne, trace une ligne cohérente : d'une part, faire en sorte que les personnes déboutées de leurs demandes d'asile ne puissent plus bénéficier d'une allocation et d'un droit à l'hébergement dans aucun autre pays de l'Union européenne ; d'autre part, prévoir que les pays qui se refusent à accueillir des migrants financent, en contrepartie, des retours forcés.
Le second obstacle, c'est notre procédure administrative. Pour traiter les 271 000 primo-délivrances de titres, c'est-à-dire le nombre de titres délivrés en 2021, dans un délai raisonnable, soit on augmente les moyens – ce que nous faisons, souvent sans votre soutien –, soit on change les procédures, ce que nous allons faire. La procédure d'instruction doit être simplifiée : certains étrangers présentent successivement plusieurs demandes de titre de séjour, en s'appuyant sur un motif puis sur un autre, ce qui conduit à une embolie du système et alimente le contentieux. Le dévoiement du droit d'asile y contribue.
Le troisième obstacle, c'est notre procédure juridictionnelle. L'embolie menace la justice : le contentieux des étrangers représente 40 % de l'activité des tribunaux administratifs et quasiment 50 % de celle des cours administratives d'appel. Et encore, la plupart du temps, il s'agit non pas d'un litige avec l'administration, mais d'une voie détournée pour que la demande soit examinée dans un délai raisonnable. Quant au contentieux en lui-même, la procédure est la règle, la lisibilité l'exception, au point qu'une OQTF peut être soumise, selon qu'un délai de départ volontaire est ou non accordé et selon le motif sur lequel elle se fonde, à un délai de recours de quarante-huit heures, de quinze jours ou d'un mois. Il faut donc remettre à plat le système : aujourd'hui, il n'existe pas moins de douze procédures contentieuses qui se recoupent partiellement, et que le Conseil d'État suggère de réduire à trois.
Enfin, notre politique d'éloignement constitue un ultime obstacle. Réduire les délais administratifs puis juridictionnels ne sert à rien si notre taux d'exécution des mesures d'éloignement reste faible. Or celui-ci s'est détérioré de façon continue. C'est l'effet ciseau de la politique d'éloignement : d'un côté, le nombre de mesures prononcées augmente ; de l'autre, leur taux d'exécution chute. Et pour cause, la chaîne d'éloignement manque de synergie : il faut identifier les personnes en situation irrégulière qui organisent leur fuite d'identité ; le pays destinataire doit ensuite les reconnaître comme ressortissants, en leur délivrant un laissez-passer consulaire – ce qui est impossible, vous en conviendrez, dans certains pays, par exemple l'Afghanistan.
Ce n'est pas tout. Le dispositif de rétention administrative est saturé et la procédure d'éloignement se judiciarise, conduisant parfois à l'annulation de l'arrêté d'expulsion. Une partie de la solution est donc nationale, afin d'interpeller les personnes en situation irrégulière et d'augmenter la capacité de placement en centre de rétention. Une autre est européenne, afin d'établir une stratégie globale et de sortir de l'impasse avec les pays tiers non coopératifs.
Mais ce que les Français ne comprennent plus, ce qui crée frustrations et exaspérations, c'est la trappe à illégalité, ce trou dans la raquette qui crée le phénomène des « ni-ni » , ces étrangers qui ne sont ni expulsables, ni régularisables. Ni expulsables d'abord, car ils sont entrés en France avant l'âge de 13 ans, ou y résident depuis plus de dix ans, ou encore sont mariés à un conjoint français depuis plus de trois ans. Bref, des verrous législatifs font obstacle à leur expulsion. Ni régularisables ensuite, car s'ils poussent l'incivilité jusqu'à la délinquance, on peut refuser de leur délivrer un titre de séjour.
Dans un second temps, les Français ne comprennent pas nos paradoxes sur l'immigration de travail. Parmi les travailleurs étrangers qui conduisent des véhicules de tourisme avec chauffeur – VTC – ou œuvrent en cuisine dans les restaurants, nombreux sont dans l'illégalité, faute de titre de séjour. Parfois, cette trappe à illégalité fait la courte échelle à la délinquance. Mais pouvons-nous sincèrement faire tourner les commerces, les usines et les restaurants sans eux ? La réponse est non.