Cette personne m'a d'emblée ramené à ma couleur de peau. Je ne lui en ai pas tenu rigueur ; sur le coup, j'ai souri. Moi, je suis français depuis plusieurs générations, puisque la Guyane est française. Mais imaginez ce que l'on ressent lorsque l'on vit cela à plusieurs reprises ! Lorsque j'ai fait mes études en France, j'ai plusieurs fois vécu ce type d'expérience. Cela m'a permis d'être plus solide, de grandir et de me forger, mais tout le monde ne réagit pas nécessairement de cette manière ; tout le monde n'en est pas capable.
Nous devons comprendre ce qui se passe lorsque des gens arrivent sur notre territoire, lorsqu'ils sont rejetés et méprisés parce qu'ils ne nous ressemblent pas et parce qu'ils ne parlent pas la même langue que nous. Un célèbre artiste, auteur et compositeur, a dit la chose suivante – il est encore vivant : il n'y a pas d'intégration dans le rejet. Il a raison ! Lorsque l'autre arrive, nous nous devons de lui tendre la main, de l'accueillir dignement, de l'accompagner dans ses déboires. En effet, on ne sait pas ce qui peut se passer demain ; aujourd'hui, la France a la capacité de le faire. Tous ces hommes et ces femmes, qui ne sont pas de nationalité française, exercent des métiers dont d'autres ne veulent pas et, ce faisant, participent à l'essor de la France.
Je m'adresse à vous en tant qu'ultramarin. La Guyane, territoire situé sur le continent sud-américain, compte deux frontières, séparées par deux fleuves : l'une à l'est, avec le Brésil ; l'autre à l'ouest, avec le Suriname. Pensez-vous qu'en augmentant les reconduites à la frontière de chaque côté, on règlera le problème ? Non ! Nous devons vraiment mettre en place une réelle politique d'accueil sur notre territoire. La Guyane est le seul territoire français, hors d'Europe, à compter des villes-frontières ; il faut le prendre en compte, en prenant des dispositions bien précises. Lors de l'examen de la Lopmi – loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur –, nous avons demandé au ministre de prendre en compte ces réalités en acceptant un amendement permettant de renforcer les liens avec les pays voisins, mais il ne l'a pas fait.
Je termine en évoquant Nelson Mandela, qui, en substance, disait ceci : avoir peur, c'est normal ; mais affronter ce qui nous fait peur, c'est mieux. Affrontons nos peurs !