Nous assistons à un ping-pong politique extrémiste, dont le seul but est d'exister, de créer des peurs et, in fine, de se faire élire.
Voilà pourquoi il nous faut travailler, légiférer encore pour proposer un nouveau projet républicain, européen et humaniste, compris par l'ensemble de la nation.
Républicain d'abord, parce que c'est la République qui protège chaque individu sur son territoire, et c'est là notre honneur. L'État de droit protège et offre un cadre qui oblige par des devoirs. Celui ou celle qui ne respecte pas les règles de la République, qui trouble l'ordre public ou qui discrimine n'a pas vocation à se maintenir sur la terre qui l'accueille. Nul ne peut violer notre pacte républicain sans trouver une réponse adaptée.
Pour nous, il est important de dire les choses avec raison, plutôt que d'user d'un dogmatisme sans issue, comme certains le font dans cet hémicycle. Même s'il peut y avoir des concomitances statistiques entre une partie de l'immigration et une partie de la délinquance, jamais on ne pourra accepter d'entendre poser l'équivalence : étranger égale délinquant. Ça, ce n'est pas la République !
Nous devons néanmoins reconnaître la défaillance de notre système d'accueil. Peut-on encore continuer à centraliser la gestion administrative dans certaines préfectures, au risque de créer des files d'attentes qui interrogent nos concitoyens ? La question de la répartition territoriale se pose et se posera encore.
Le cadre républicain nous demande de dépolitiser le débat. Il nous oblige à nous unir pour réussir, parce que la question migratoire est aussi un débat technique : le législateur doit tantôt dépassionner les flux, tantôt objectiver le stock. Il doit légiférer avec une main tremblante, mais déchiffrer le réel avec une certaine froideur clinique. L'ouvrage est immense, la tâche est ardue. Mais le législateur ne doit jamais perdre de vue ce fond d'humanité qui, aujourd'hui et demain, doit guider notre République.
Il nous faut améliorer l'efficacité des procédures d'éloignement pour les étrangers en situation irrégulière, tout en revoyant notre capacité de régularisation de celles et ceux qui, présents sur le sol national, travaillent et sont pleinement intégrés à notre société.
Le projet doit être européen, parce que notre nation ne peut affronter seule le phénomène. C'est en Européens, et en Européens seulement, que nous pourrons y arriver : les flux migratoires sont tels que seule une réponse à l'échelle de notre continent peut être efficace. Malgré tout, nous sommes confrontés aux défaillances de l'Union Européenne, comme l'a encore démontré le besoin d'accueil de l'Ocean Viking, rejeté par la politique nationaliste du nouveau gouvernement italien.
Oui, l'Europe est défaillante. Elle attend l'unanimité sur un sujet pour lequel elle ne l'obtiendra jamais. Il est vital de trouver un accord de solidarité. Il nous faut agir : criminaliser les réseaux de passeurs comme leurs complices ; améliorer la relocalisation dans toute l'Europe des personnes nouvellement arrivées. L'Union européenne ne peut attendre encore avant de redéfinir le cadre juridique du paquet « asile ». Depuis plusieurs années, sous l'effet des inégalités de richesses, des tensions géopolitiques, du réchauffement climatique, des réseaux de traite humaine et du fondamentalisme religieux, l'Europe est gage de survie pour une partie de l'humanité.
Enfin, le projet doit être humaniste, car nous parlons d'hommes, de femmes et d'enfants qui, pour la plupart, quittent leur pays au péril de leur vie et non sans déchirement, sans savoir ce que pourra être leur futur. Leur avenir sera nôtre si nous redéfinissons les grandes lignes de notre politique, en considérant que l'honneur de notre pays est de pouvoir continuer à assurer sa tradition d'accueil.
Néanmoins, nous devons renforcer la lutte contre la précarité des étrangers présents en France, qui est plus forte que celle du reste de la population et durablement plus importante au fil des générations. Nous devons aussi renforcer le parcours d'intégration, sauf à mettre à mal notre pacte républicain.