Ce n'est pas moi qui vous le dis, ce sont les chefs d'entreprise qui nous interpellent. Ils appellent à une régularisation des travailleurs. Ils plébiscitent le nouveau titre de séjour renouvelable pour les métiers en tension annoncé par le Gouvernement.
Voilà une réponse concrète à l'intégration. Il faut faciliter les démarches des étrangers et sécuriser les compétences des entreprises. Il n'est pas normal qu'un étranger qui est depuis plusieurs années une force vive de la nation, s'intègre par l'effort et le travail, s'acquitte d'un loyer et épouse nos valeurs, plonge dans l'illégalité du jour au lendemain, sans que l'on comprenne pourquoi son titre est suspendu. Je pense à ce chef d'une entreprise de maçonnerie en Eure-et-Loir, touché par la pénurie de main-d'œuvre, qui ne peut garder un jeune travailleur originaire de Sierra Leone, auquel a été notifiée une mesure d'expulsion malgré un parcours exemplaire.
Il est également nécessaire d'attirer des compétences et des talents à forte valeur ajoutée, c'est-à-dire de choisir notre immigration. Il nous faut permettre l'implantation de médecins non communautaires, en facilitant, de façon dérogatoire, les procédures administratives pour leur venue et en s'assurant que le nouveau dispositif de reconnaissance des praticiens diplômés hors de l'Union européenne est bel et bien effectif, tout en ayant conscience que tout ceci n'est pas un jeu à somme nulle. Le Maghreb, qui fournit notre plus grand contingent de médecins étrangers, comble ainsi indirectement nos déserts médicaux en étendant les siens.
Une fois ces constats dressés, quelles valeurs défendons-nous et quelle doit être notre lucidité ? En matière d'immigration, on ne compte pas moins de vingt et une lois en trente-deux ans. J'ai relu les discours des ministres de l'intérieur qui se sont succédé à cette tribune. Les mêmes mots ont souvent été employés, les mêmes promesses souvent formulées, avec toujours ce mouvement de balancier entre l'expulsion et l'intégration, en liant rarement l'une à l'autre, en embrassant d'un seul regard les deux statues qui, derrière moi et face à vous, se dressent de part et d'autre de la tapisserie des Gobelins : à gauche, La Liberté, à droite, L'Ordre public.