Sans crainte, face à tous les mensonges, il nous faut dire la vérité. La vérité, c'est que les migrations sont une réalité permanente, historique, comme tant d'autres phénomènes géographiques, humains et sociologiques. Parler d'immigration zéro n'a par conséquent aucun sens. La vérité, c'est que les migrations ne concernent que 3,5 % de la population mondiale et ont lieu pour une grande part entre pays du Sud. « Toute la misère du monde » reste en réalité concentrée là où elle est, les plus pauvres des pays pauvres n'accédant quasiment jamais à nos portes. La vérité, c'est qu'il faut nous préparer aux migrations climatiques, qui seront l'un des grands défis du réchauffement. La vérité, c'est que verrouiller les frontières n'empêche pas les migrations, qui ont changé d'échelle ; cela ne fait qu'augmenter les drames et les morts.
Regardons avec colère et chagrin ces dizaines de milliers de morts en Méditerranée et dans la Manche et pensons à ceux qui suivront si nous persévérons dans une orientation politique aussi inepte qu'inhumaine. Toute politique qui ne se préoccupe pas d'abord de sauver des vies humaines est complice d'un crime que nos sociétés infligent à l'humanité, à certains de nos semblables.
La vérité, c'est qu'au début de la pandémie, le taux de mortalité des immigrés était neuf fois plus élevé que celui du reste de la population, parce qu'ils accèdent plus difficilement aux soins et vivent souvent dans des conditions de précarité et de promiscuité, parce qu'ils occupent aussi bien plus que les autres les emplois dits essentiels. Où sont passés vos applaudissements quotidiens pour leur rendre hommage ? La vérité, c'est que les conditions de traitement des exilés dans notre pays, des centres de rétention aux camps de fortune, sont indignes. Près de Dunkerque, où j'étais il y a quelques semaines, les humanitaires vous réclament un robinet d'eau potable – juste de l'eau potable !
La vérité, c'est que 50 % des exilés dans le monde et un tiers en Europe sont des enfants. Parmi ces enfants, 70 % de ceux dont les dossiers sont évalués se voient refuser une prise en charge au titre de la protection de l'enfance au motif qu'ils ne seraient pas mineurs ou isolés. La vérité, c'est que faire des exilés des variables d'ajustement économique selon les niveaux de tension de tel ou tel métier revient à les déshumaniser et à les priver de dignité, soit une rupture grave dans les principes du droit du travail.
La vérité, c'est qu'une politique d'accueil digne ne provoquera pas l'appel d'air que vous agitez tel un épouvantail face à toute tentative de politique humaniste. Ceux qui risquent leur vie, s'arrachent à leur terre et à leurs proches ne le font pas avec une revue de presse spécialisée en droit social et migratoire sous le bras. La vérité, c'est qu'il y a en revanche des migrants dont vous ne parlez pas : les migrants de la finance. À eux, vous accordez d'ailleurs facilement la qualité d'exilé. Ce sont les évadés fiscaux, qui nous privent d'une part importante de la richesse nationale, qui abusent de notre générosité et qui choisissent le séparatisme à coups de millions. C'est en somme la lutte des classes version garde-frontières que vous nous proposez. Avec les plus riches et la finance, vous êtes « no border ».
Vous affirmez sans cesse votre amour des entrepreneurs et de la valeur travail. La vérité, c'est que les nouveaux arrivants créent plus d'emplois qu'ils n'en occupent. Les étrangers participent à 15 % des créations d'entreprises en France ! La vérité, c'est que notre système de l'asile est toujours complexe et défaillant. Il se dégrade constamment. La loi ne voit pas le demandeur d'asile comme un persécuté, mais comme un potentiel tricheur. La vérité, c'est que l'intégration ne peut être une simple injonction : elle est un processus de socialisation, qui implique une progression dans le temps. C'est l'action politique qui peut créer les conditions de cette intégration, en levant les obstacles économiques, sociaux, éducatifs, linguistiques, culturels et civiques qui s'y opposent.
Chers collègues, choisissons la confiance. J'ai entendu Mme Le Pen : en réalité, vous n'aimez pas la France.