Le débat qui nous occupe ce soir est évidemment important, car la réflexion sur l'immigration est au cœur de notre réflexion sur nous-mêmes, sur notre histoire, sur notre identité et sur notre place dans le monde. Le premier constat à dresser, c'est que les flux migratoires, qui ont fortement augmenté au cours des dernières décennies, continueront à croître au cours des prochaines années. Ces flux ont trois origines, qui doivent être clairement distinguées si l'on veut mener une politique cohérente.
Ils sont d'abord profondément liés à notre histoire. Comme le rappelait le Président de la République, l'immigration est au cœur de la vie de la nation – en tout cas de celle des deux derniers siècles. En France, le développement industriel n'est pas, comme ailleurs, le fruit de l'exode rural, mais des vagues successives d'étrangers que nous avons fait venir : les Belges sous Louis-Philippe, les Italiens sous le Second Empire et la III
En deuxième lieu, ces flux sont pour une bonne part motivés par une demande légitime – politique, mais aussi économique et maintenant climatique – de protection internationale. S'ils se sont amenuisés pendant la période épidémique que nous avons traversée, ils connaissent désormais une nette recrudescence. Ces situations doivent être gérées solidairement, à l'échelle nationale et internationale, comme l'avait justement souligné il y a quelques années ma prédécesseure Marielle de Sarnez dans son magnifique rapport. L'accueil sur le territoire national est une option parmi d'autres. L'aide à l'installation des immigrés ailleurs qu'en France constitue une autre option, mais appelle également un effort qualitatif, quantitatif et financier de solidarité. Ne pas accueillir chez nous, ce n'est pas – ce ne doit pas être – nous désintéresser des populations concernées, mais mutualiser les efforts d'intégration. C'est d'ailleurs le fondement de l'aide au développement.
Troisièmement – et c'est plus délicat –, intervient l'effet pervers de ce que la France a de meilleur : l'attractivité sociale de son modèle. Nous ne pouvons pas nous permettre d'accueillir tous les volontaires à l'immigration simplement parce que c'est mieux chez nous : nous créerions alors une situation structurellement déséquilibrée, en France comme dans l'ensemble du monde. Ces personnes, nous devons les aider à vivre là où elles sont, en leur donnant les moyens de vivre dignement. C'est là que se fonde la nécessité souvent méconnue d'un contrôle des flux migratoires par l'État.
Face à ces vastes mouvements de populations, les États comme la France s'efforcent de répondre à deux exigences : la maîtrise administrative des flux et la qualité humaine, sociale et culturelle de l'intégration. Sur ce point, c'est peu dire que la France est aujourd'hui encore bien loin du compte.