La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, procède à l'audition de M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Chers collègues, monsieur le ministre, merci d'ouvrir avec nous ce printemps de l'évaluation.
Notre ordre du jour appelle l'examen des politiques publiques relatives à la mission Écologie, développement et mobilité durables, au compte d'affectation spéciale Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACÉ), ainsi qu'au budget annexe Contrôle et l'exploitation aérien s (BACEA).
Nous entamerons nos débats par l'exécution budgétaire de 2023, avant d'aborder les thématiques d'évaluation retenues par les rapporteurs spéciaux.
Monsieur le ministre, je vous cède la parole sur l'exécution budgétaire de la mission.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la variété des thèmes et des sujets qu'il nous faudra aborder ce soir me portera à raccourcir mon propos liminaire, de sorte à me tenir pleinement disponible pour répondre à vos questions.
Je me contenterai de relier les questions que vous vous apprêtez à me poser aux résultats que nous avons obtenus.
Les niveaux budgétaires de l'année 2023 sont sans précédent. Je vous invite à les comparer avec ceux de l'année 2022 et de la dernière année du quinquennat précédent pour constater l'accélération significative de nos efforts de financement de la transition écologique.
Je rappelle que la relative inaction climatique de la fin du quinquennat de François Hollande avait abouti à la condamnation de la France pour non-respect de son budget carbone entre 2015 et 2018. À l'inverse, la fin d'année 2023 aura été marquée par la décision du tribunal administratif de Paris constatant que le préjudice écologique avait été réparé.
Dans le même temps, le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA) relève une baisse de près de 5 % de nos émissions de gaz à effet de serre sur la seule année 2023, soit une baisse cinq fois supérieure à la moyenne du quinquennat 2012-2017 et représentant le double de la moyenne du quinquennat 2017-2022.
Cette réduction s'est réalisée sans correction saisonnière, car nous n'avons eu que deux mois plus doux en 2023 par rapport à 2022, avec une croissance économique continue et non entravée par une crise.
L'année 2023 aura aussi été marquée par la diminution des émissions de polluants atmosphériques. Sur les oxydes d'azote, nous avons atteint le niveau le plus bas depuis 1990. Sur les particules fines, la baisse est estimée à près de 20 % en quatre ans. Seules deux agglomérations dépassent encore les seuils, ce qui justifie la mise en place de zones à faibles émissions – avec exclusion des véhicules les plus anciens.
Toutes ces données, qui proviennent d'autorités indépendantes, confirment la véracité de nos avancées en matière de pollution atmosphérique.
Les crédits ont été quasiment intégralement utilisés.
Une nuance apparaît entre 2022 et 2023. En 2022, notamment en raison de la guerre en Ukraine, la loi de finances initiale ne correspondait pas exactement à l'exécution sur la partie énergétique, entraînant des variations en cours d'année. Tel n'a pas été le cas en 2023, où les prévisions du début de l'année ont été respectées, atteignant un taux d'exécution de 99 %.
Le rapport de la Cour des comptes souligne à juste titre que certaines dépenses visant à la décarbonation ont nécessité des ajustements ligne à ligne, notamment entre MaPrimeRénov', qui a connu une sous-consommation, et l'électrification du parc, qui a dépassé les crédits initialement inscrits. Les compensations qui convenaient ont donc été réalisées en cours d'année.
L'innovation majeure de cette année est assurément le Fonds vert, avec un taux d'exécution de 99,97 % de nos autorisations d'engagement.
L'exécution du budget annexe Contrôle et exploitation aériens est conforme aux prévisions. Une dynamique de désendettement est amorcée, bien que la Cour des comptes appelle à l'accélérer.
Concernant le programme 203 Infrastructures et services des transports, les crédits consommés ont largement dépassé ceux adoptés par l'Assemblée nationale. En 2023, le taux d'exécution des crédits par rapport à la loi de finances pour 2023 (LFI 2023) atteint 196 % en autorisation d'engagement (AE) et 197 % en crédit de paiement (CP), en raison de l'importance des fonds de concours.
Cette situation contribue à la complexité spectaculaire et regrettable des crédits relatifs aux transports. Il est impératif d'agir sur ce point. Nous n'avons aucune visibilité entre les fonds de concours, les fonds d'État et les fonds des collectivités locales consacrés aux transports.
Je note une différence significative de près de 2 milliards d'euros, fonds de concours inclus, entre le total des crédits anticipés par la LFI 2023 et ceux effectivement consommés. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur cet écart ?
Le secteur fluvial, qui ne reçoit que 3 % des crédits du programme 203, est fragilisé par la baisse des effectifs de Voies navigables de France (VNF), qui a perdu 60 ETP en 2023. Cette diminution bien trop rapide des effectifs me semble aussi contraire aux engagements pris par le ministre de ne pas appliquer intégralement le contrat d'objectifs et de moyens.
Le sous-investissement chronique de l'État dans le transport ferroviaire s'est encore confirmé en 2023, bien que j'eusse déjà alerté, dans mon rapport spécial d'octobre 2022, sur le fait que ces investissements restaient très en deçà de ce qui serait absolument nécessaire pour répondre à l'urgence climatique.
Nos débats ne se limitent pas à des discours et autres batailles de chiffres, mais touchent au quotidien de nos compatriotes et à la survie de notre planète.
L'insuffisance des investissements ne procède aucunement de mon constat, monsieur le ministre, mais bien de chiffres tristement éloquents issus de la documentation budgétaire.
La proportion des trains Intercités arrivant à l'heure a chuté à 70 %, avec seulement 34 % de ponctualité pour le train de nuit Paris-Briançon par exemple, ce qui signifie que deux trains sur trois arrivent en retard. La proportion des Intercités affichant un retard supérieur à 30 minutes a augmenté pour atteindre 11 %. Je rappelle que l'État est l'autorité organisatrice des Intercités et que vous l'êtes par conséquent, monsieur le ministre.
Mon rapport spécial d'octobre 2023 défendait déjà la nécessité de réinvestir dans le transport ferroviaire. Le constat est unanimement partagé. M. Jean-Pierre Farandou ne dit pas autre chose, mais la volonté de passer du constat aux financements n'est pas au rendez-vous.
Le secteur ferroviaire éprouve un besoin urgent de financements, ce que démontre l'exécution du budget 2023. Les 100 milliards d'euros que vous aviez annoncés pour le ferroviaire ne sont toujours pas débloqués. À l'inverse, le ferroviaire fait l'objet d'annulations de crédits.
Vous me répondrez sans doute que l'État est soumis à des contraintes budgétaires.
Monsieur le ministre, dans une logique de chaînage vertueux, les indicateurs de performance insatisfaisants de 2023 vous conduiront-ils enfin à allouer au ferroviaire les fonds nécessaires pour réussir la transition écologique du secteur des transports ?
Pour finir, je n'ai toujours pas reçu de réponse à ma question écrite concernant les 341 millions d'euros que le décret d'annulation de février 2024 a supprimés dans le programme 203.
Madame Arrighi, vous établissez un lien entre la progression des crédits des transports en 2023 et les retards des trains Intercités, mais à l'inverse de ce que vous semblez considérer, la dégradation de la qualité du transport ferroviaire n'est aucunement liée à l'exécution du budget 2023.
Dans les années 1980, notre pays a choisi d'investir dans les lignes à grande vitesse (LGV) au détriment des financements de régénération. Ce choix a été maintenu par les gouvernements successifs jusqu'à l'adoption de la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM), au début du quinquennat d'Emmanuel Macron. Quelles que soient vos affirmations, les chiffres sont implacables.
L'augmentation des crédits de régénération date du dernier quinquennat. Les plans d'investissement de 100 milliards d'euros visent à ajouter en moyenne un milliard d'euros supplémentaires par an en faveur de la régénération jusqu'à la fin de ce quinquennat. Ces investissements aideront précisément à limiter les désagréments observés sur ces 29 000 kilomètres de voies ferrées qui souffraient de longue date de sous-investissements chroniques.
Je m'étonne donc, madame la rapporteure spéciale, que vous en veniez à regretter l'augmentation réelle des dépenses dans les transports par rapport à la LFI 2023.
Je rappelle que l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) assurera une partie de ces financements, de sorte à garantir un financement pluriannuel de ces projets de longue durée.
Par ailleurs, en vertu du principe de libre administration des collectivités locales, nous ne pouvons pas connaître a priori les sommes qui seront consacrées à toutes sortes de projets qui ne sont pas nécessairement accompagnés par l'État, ni produire une synthèse des efforts effectivement réalisés avant que les comptes administratifs ne soient votés.
Je tiens aussi à souligner que le Gouvernement a parallèlement déployé la seconde phase de son plan vélo, initiative inexistante avant 2018 dans notre pays. Ce plan permet de soutenir des projets locaux et a justifié une augmentation des crédits alloués aux transports en commun en site propre. Je m'étonne à nouveau que vous sembliez regretter cette convergence des crédits entre l'État et les collectivités territoriales.
Concernant VNF, l'année 2023 a vu, pour la première fois, une stabilité des effectifs, après la perte cumulée de 20 000 emplois au cours des vingt dernières années, sous des gouvernements de droite comme de gauche. L'année 2024 verra la création de 760 postes. Dans le cadre de l'application du contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, VNF était l'un des rares opérateurs dont les effectifs diminuaient. Conformément à ce que j'avais annoncé il y a un an, nous avons réduit de moitié la baisse théorique des effectifs de VNF, ne conservant que la part correspondant à l'électrification des écluses.
Le programme 174 relatif à l'énergie, au climat et à l'après-mines, s'est traduit par une consommation des CP de plus de 99 % et une forte sous-consommation des crédits alloués aux dispositifs MaPrimeRénov' et à l'indemnité carburant, respectivement de 477 millions d'euros en AE et de 800 millions d'euros en CP pour 2023.
Il en est résulté des annulations significatives en fin de gestion 2023, de plus de 780 millions d'euros en AE et de 1 092 millions d'euros en CP.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser la répartition et la réallocation des crédits annulés par la loi de finances de fin de gestion pour 2023 ?
Concernant MaPrimeRénov', pourriez-vous expliquer les décisions prises en 2023 pour réduire la trésorerie de l'ANAH fléchée sur ce dispositif ?
Concernant les aides à l'acquisition de véhicules propres, la consommation a été particulièrement dynamique, avec 1 392 millions d'euros en AE et en CP. La loi de finances de fin de gestion pour 2023 (LFG 2023) a ouvert 225 millions d'euros supplémentaires pour ces aides. Est-il prévu de préserver les montants consacrés aux dispositifs d'aide à l'acquisition de véhicules propres ?
Il convient enfin de souligner que les provisions pour chèques exceptionnels diffèrent largement des prévisions, avec d'importants restes à payer à la fin de l'année 2023, à hauteur de 495 millions d'euros
Pour le programme 345, le budget est marqué par le succès exceptionnel du Gouvernement dans la protection des consommateurs face à la crise temporaire des prix de l'énergie et par un retour relatif à la normale.
Nous nous intéresserons particulièrement à la manière selon laquelle le financement a été assuré.
En 2023, plus de 21 milliards d'euros ont été alloués en AE et en CP au programme 345, soit une augmentation de plus de 12,55 milliards d'euros, à la hauteur des ambitions protectrices du Gouvernement. 15,2 milliards d'euros ont été dirigés vers le financement des boucliers tarifaires, soit 75 % des crédits consommés. La prise en charge par l'État s'élève à 11,5 milliards d'euros, par des charges de service public de l'énergie (CSPE) historiquement négatives.
Nous souhaiterions entendre le Gouvernement sur l'affectation au programme 345 des « CSPE négatives » et le passage du coût brut au coût net des mesures exceptionnelles, sachant qu'une partie des ressources actuelles résulte du fait que les énergies renouvelables ont bénéficié des cours très élevés de l'énergie sur la période, excédant ainsi les prix garantis par l'État.
Enfin, un mot sur le compte d'affectation spéciale Financement des aides à l'électrification rurale. Malgré une exécution supérieure de 2 % à la prévision initiale en CP hors reports, 354,2 millions d'euros de CP ont été reportés de 2022 vers 2023, confirmant la situation de sous-consommation récurrente des CP sur le CAS. À cet égard, le Gouvernement pourra sans doute nous apporter quelques précisions quant aux retards cumulés pour l'électrification du cirque de Mafate à La Réunion.
Monsieur le rapporteur, depuis son lancement, le dispositif MaPrimeRénov' a permis d'accompagner deux millions de rénovations, soit une économie équivalant à la consommation totale en CO2 de la Ville de Lyon, tout en étant beaucoup plus solidaire.
Dans le « dispositif » dont nous avions hérité, deux tiers des crédits de rénovation en 2017 étaient captés par les ménages les plus riches. Nous avons inversé le mouvement et aujourd'hui, deux tiers des crédits sont dirigés vers les ménages aux revenus les plus modestes.
En 2023, le niveau des AE s'est élevé à près de deux milliards d'euros.
La sous-consommation des crédits alloués nous a cependant conduits à effectuer des ajustements en début d'année, notamment après le fléchissement d'une partie du dispositif en fin d'année dernière.
La trésorerie de l'Anah a décru d'un milliard d'euros à 500 millions d'euros entre le 1er janvier 2023 et le 1er janvier 2024. L'écart entre les AE et les CP s'explique par le fait que nous avons eu recours à cette trésorerie. Nous avons réaffecté une partie de ces crédits à la promotion des véhicules électriques, en réponse à l'augmentation régulière des immatriculations desdites voitures, ce qui est une leçon essentielle de cette année.
Le ralentissement de la consommation des crédits s'est poursuivi au début de cette année, ce que certains artisans et professionnels expliquent par la complexification des dossiers. Cela nous a conduits, avec Guillaume Kasbarian, à prendre un décret, entré en vigueur ce matin, permettant à nouveau de financer des monogestes et des changements de vecteurs afin de toujours mieux s'adapter à la réalité.
Il est délicat d'expliquer à un concitoyen dont la chaudière est tombée en panne, surtout en plein hiver, qu'il doit également isoler sa maison pour bénéficier d'une aide. La réalité de nos concitoyens est bien différente de ce que l'on peut parfois imaginer dans le confort d'une salle de l'Assemblée nationale. C'est en écoutant les professionnels, notamment les artisans et la fédération du bâtiment, que nous avons contribué au succès de ce dispositif depuis trois ans.
Notre ambition est de tendre vers une rénovation globale tout en tenant compte de la réalité de nos territoires.
La loi de finances initiale pour 2023 alloue près de 7 milliards d'euros en AE et environ 5,5 milliards d'euros en CP aux programmes 113, 159, 181, 217 et 380. En fin d'exercice, la totalité des AE et près de 97 % des CP ont été exécutés.
Je vous propose de nous arrêter spécifiquement sur les programmes 113, 159, 181 et 217.
Tous affichent des taux d'exécution proches de 100 %, ce qui souligne les besoins pressants en matière d'écologie, mais cette pleine exécution ne doit pas masquer l'insuffisance globale des crédits alloués à ces programmes et les lacunes subsistantes en moyens financiers et humains.
Le plafond d'emplois du programme 217, qui couvre les dépenses de personnel, a une nouvelle fois été sous-consommé. La loi de finances initiale pour 2023 l'avait fixé à 35 020 équivalents temps plein travaillé (ETPT) et près 34 720 ETPT ont été consommés, soit une différence de 200 ETPT. Cette situation se répète depuis 2017, traduisant les difficultés récurrentes de recrutement du ministère. Les mêmes difficultés s'observent avec la sûreté nucléaire, tant à l'Autorité de sûreté nucléaire, qui relève du programme 181, qu'à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, récemment déstabilisé par la loi de fusion avec l'Autorité de sûreté nucléaire.
Ma question est donc la suivante : comment comptez-vous renforcer l'attractivité des métiers et stopper la perte de compétences au sein de l'État ?
En plus du changement climatique, la hausse du prix des matières premières et le redéploiement des activités polluantes génèrent toutes sortes de risques. L'actualité récente a démontré que, malgré les engagements du Gouvernement à mettre fin à certaines de ces activités, il les poursuivait et parfois les encourageait. J'en veux pour preuve l'extension de la concession des mines d'hydrocarbures de Nonville, en Seine-et-Marne, allant à l'encontre de la loi du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche et à l'exploitation des hydrocarbures.
Monsieur le ministre, ma collègue Alma Dufour et moi-même vous demandons combien de nouveaux forages seraient susceptibles d'obtenir une autorisation dans les prochaines années ?
Avez-vous évalué les effectifs et les moyens financiers supplémentaires nécessaires pour assurer le suivi de ces forages en termes de prévention des risques ?
Monsieur le rapporteur, votre connaissance certaine de l'intégralité de ces programmes n'a pu vous faire oublier que les autorisations de forages relevaient du ministère chargé de l'énergie et non de celui de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ce qui limitera la réponse que je serai à même de vous fournir.
Je m'étonne toutefois de vous entendre reprendre l'erreur factuelle présumant qu'une autorisation préfectorale aurait pu être accordée au mépris de la loi. Si tel avait été le cas, l'arrêté préfectoral n'aurait aucune base juridique et rien n'aurait pu se faire.
La loi « Hulot » du 30 décembre 2017 prescrit la suppression totale des activités de pompage et de forage sur notre territoire en 2040 au plus tard.
Le ministre Roland Lescure rappelait récemment, à l'occasion des questions au Gouvernement, que l'exploitant du site concerné s'était engagé à cesser ses activités de forage en 2034, anticipant ainsi l'échéance légale.
Si la loi interdit l'ouverture de nouveaux sites de forage, elle autorise néanmoins le fait de remplacer ou de compléter des réseaux de puits existants. C'est dans ce contexte que l'examen se poursuit. Le ministre Roland Lescure a également indiqué que les travaux ne commenceraient pas avant le deuxième semestre de 2025, ce qui nous laisse du temps pour paramétrer les opérations.
L'actuel exploitant opère sans interruption depuis 2012 et les contrôles que nous effectuons depuis cette date, notamment sur la qualité de l'eau, n'ont révélé aucun incident.
Vous m'interrogez sur les effectifs du ministère et je me réjouis que vous en souhaitiez le renforcement, en particulier en ce qui concerne l'inspection. Je rappelle que ces mêmes effectifs ont été réduits de manière continue par les gouvernements, de droite comme de gauche, qui se sont succédé ces vingt dernières années. Nous avons néanmoins réussi à les augmenter pour le contrôle des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), même si nous n'avons pas toujours eu autant de candidats que de postes ouverts. Selon les premiers éléments dont je dispose néanmoins, le nombre d'inscrits aux concours d'inspection serait particulièrement encourageant et supérieur aux années précédentes. Plus d'une centaine de postes ont été ouverts au concours pour l'année 2024.
La prise de conscience de la nécessité de réindustrialiser notre pays dans des conditions respectueuses de l'environnement, comme de sortir de l'hypocrisie écologique consistant à fermer des usines ici pour les rouvrir ailleurs, nous porte à croire que l'ensemble de ces missions et de ces recrutements ont un véritable avenir.
Le programme 205 Affaires maritimes, pêche et aquaculture regroupe les moyens destinés, d'une part à prévenir et lutter contre les risques en matière de sécurité maritime et de pollution marine, d'autre part à former aux métiers de la mer et à les soutenir économiquement.
En 2023, les AE consommées s'élevaient à 368 millions d'euros et les CP à 357 millions d'euros, soit une hausse respective de 2 % en AE et de 4 % en CP par rapport à 2022 et à périmètre constant.
Le programme a bénéficié de fonds de concours significatifs, à hauteur de 73 millions d'euros, dont 58 millions d'euros provenaient de fonds européens, ce qui mérite d'être souligné. Ces fonds correspondent à la part consacrée à la pêche dans le cadre de la réserve d'ajustement Brexit, qui revêt un caractère ponctuel.
Les crédits de l'action 43 Ports du programme 203 financent les dépenses de fonctionnement régaliennes des grands ports maritimes pour le compte de l'État, dont le dragage et les missions de police portuaire.
C'est également sur cette action que transitent les fonds de concours versés par l'AFITF en faveur des investissements dans les infrastructures portuaires.
En raison de l'apport de ces fonds de concours, qui atteignent 46 millions d'euros en AE et 74 millions d'euros en CP, et comme en 2022, les crédits consommés sont significativement supérieurs à ceux adoptés en LFI 2023, soit 153 % en AE et 163 % en CP.
Les prévisions fournies lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2023 (PLF 2023) étaient donc relativement fiables.
Il subsiste cependant une différence de 29 millions d'euros entre les CP anticipés et ceux effectivement consommés. Le rapport annuel de performances attribue cette différence au décalage de certaines opérations. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur ces opérations décalées ? Comment expliquer ces reports ou éventuelles annulations ?
Globalement, les ports ont besoin de moyens pour financer leur transition écologique.
Je crains de ne pas pouvoir vous répondre avec toute la précision requise, en l'absence d'Hervé Berville, actuellement retenu à la conférence de presse relative à la ratification du traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine . Hervé Berville a piloté le budget comme secrétaire d'État du 1er janvier au 31 décembre, tandis que je n'ai repris cette responsabilité que mi-janvier. Par conséquent, je ne maîtrise pas encore tous les détails pour l'année 2023.
Je vous remercie néanmoins d'avoir mis en lumière le niveau de consommation des crédits, ainsi que notre soutien et notre engagement constants sur ces sujets.
L'augmentation du tonnage des pavillons français implique l'accompagnement adéquat de nos ports. Nous faisons face à un enjeu majeur en matière de décarbonation, en raison du volume de marchandises transitant par la mer. Il est donc essentiel d'investir dans l'électrification des ports afin que les navires à quai puissent être alimentés électriquement, en réduisant ainsi la pollution de proximité et les émissions de gaz à effet de serre.
Parallèlement, il est primordial d'assurer la continuité logistique qui permettra de passer du port au fluvial et au fret ferroviaire, ce qui suppose des millions d'euros d'investissements dans de nombreux endroits en France. Ces efforts dans cette direction vont se poursuivre et s'intensifier, notamment avec un projet d'importance en cours au Havre et les investissements continus à Fos et Marseille.
Monsieur le ministre, je souhaitais profiter de ce printemps de l'évaluation pour vous interpeller sur la question de l'annulation des crédits.
En février dernier, une réduction de 3 milliards d'euros a été imposée au ministère chargé de la transition écologique, soit 30 % de la totalité des réductions de moyens annoncées, alors même que votre ministère ne représente que 5 % du budget de l'État. Cette réduction de moyens est six fois plus importante que la moyenne des réductions de crédits subies par les autres ministères. Ainsi, 10 % des crédits en faveur de l'écologie ont été amputés, soit 2,2 milliards d'euros et une diminution de 7 % par rapport à 2023.
Depuis, vous êtes l'un des ministères avec lequel j'ai eu le plus de difficultés à obtenir des retours concrets sur les annulations. Les crédits de quelles actions ont-ils été annulés ? Les chiffres correspondent-ils à ceux annoncés par le Gouvernement ?
Je m'interroge également sur les 1,4 milliard d'euros d'économies supplémentairesqu'il vous faudrait trouver..
Le ministre chargé des comptes publics nous a expliqué qu'il n'y aurait pas de projet de loi de finances rectificative (PLFR) et que ces sommes 5 milliards d'euros d'économies supplémentaires à réaliser sur le budget de l'État ne donneraient pas lieu à un décret d'annulation. Mais s'il vous a été demandé de réaliser 1,4 milliard d'euros d'économies, monsieur le ministre, même sans nouveau décret d'annulation cela devient très concret et immédiat.
Parmi les annulations, on notera la diminution de 1 milliard d'euros de l'investissement dans le programme MaPrimeRénov', ce qui, en matière de rénovation globale, équivaut à la rénovation de 10 000 habitations de 100 mètres carrés.
J'entends l'argument selon lequel les budgets alloués étaient largement supérieurs aux capacités de production des prestataires du marché. J'y vois cependant une sorte de cercle vicieux. Au motif que les budgets sont très supérieurs, on comprime les augmentations, ce qui réduit mécaniquement le nombre de professionnels à même de répondre à la demande de rénovation. Quand envisagez-vous d'atteindre les 200 000 rénovations globales par an, comme initialement annoncé ?
Ma deuxième question concerne les transports.
Nous relevons une réduction de 341 millions d'euros des crédits consacrés aux transports (-8 %), alors que ce secteur est fondamental pour la bifurcation écologique. Quelles sont les raisons et la répartition de cette baisse ?
Outre mes questions relatives aux annulations de crédits, je souhaitais exprimer mon inquiétude concernant le démantèlement du fret ferroviaire prévu pour la fin de l'année.
Cette décision, issue d'une négociation avec Bruxelles, prévoit de scinder la filiale Fret SNCF en deux entités privées et d'attribuer plus de 30 % des marchés au secteur privé. Cette perspective m'inquiète d'autant plus que le transport des marchandises par rail, qui ne représente que 9 % du total des transports de marchandises, pourrait en souffrir davantage. J'ai bien senti que le futur ancien président de la SNCF, auditionné ici, ne semblait ni optimiste ni à l'aise avec cette décision.
Monsieur le président, vous conviendrez que vos questions concernant les annulations de crédits pour l'année 2024 se situent quelque peu en marge de l'exécution 2023. Pour respecter néanmoins ce privilège du président, je vous répondrai en distinguant deux aspects.
Vous mentionnez un article de presse dont les montants n'ont pas été confirmés par le ministère et des annulations ayant pourtant fait l'objet d'annonces et d'un décret.
Je vous remercie d'abord d'avoir rappelé que, malgré ces baisses, le ministère chargé de l'écologie est celui dont les crédits ont le plus progressé en 2024, après annulation de crédits.
En 2023, nous avions sous-consommé MaPrimeRénov', au titre de l'année précédente, à hauteur de 600 millions d'euros. Dans le cadre du budget 2024, le Gouvernement a augmenté les crédits MaPrimeRénov' de 1,6 milliard d'euros. Autrement dit, même après la baisse de 1 milliard d'euros, les crédits de MaPrimeRénov' sont en progression. Je rappelle à nouveau que l'Anah disposait d'une trésorerie positive de 500 millions d'euros au 1er janvier 2024.
L'argument selon lequel une diminution des crédits entraînerait une réduction des travaux ne tient pas. Sinon, monsieur le président, pourquoi n'avons-nous pas consommé la totalité des crédits en 2023, alors même que nous ne les avions pas baissés ? Chacun a pu constater le fléchissement des travaux de MaPrimeRénov' en fin d'année dernière. Cette décorrélation conduit à examiner la situation de manière plus objective.
En 2023, nous avons progressé dans deux domaines : les rénovations globales et les copropriétés.
Concernant les copropriétés, le principal problème n'est pas tant budgétaire que juridique. En plus de la nécessaire unanimité dans les décisions de copropriété, l'avancement des travaux peut se compliquer même après que la décision a été prise. Les modifications apportées par le passé visaient à faciliter le déploiement des flottes de véhicules électriques, notamment en révisant les règles de décision dans les copropriétés dès lors qu'un copropriétaire souhaitait installer une borne de recharge. Nous pourrions envisager de nouvelles réflexions de nature juridique pour accélérer sur le sujet.
Enfin, le nombre de rénovations globales a assurément augmenté, mais nous ne sommes pas encore au niveau souhaité. J'ai annoncé que l'objectif révisé pour 2024 se situerait plutôt entre 140 000 et 150 000 rénovations globales, repoussant ainsi d'un an l'objectif des 200 000 rénovations. Il s'agit pour le Gouvernement de prendre en compte les retours des artisans et autres professionnels du bâtiment et de ne pas reproduire dans le domaine du logement les erreurs commises dans celui des véhicules.
Nous avons moralisé une partie du dispositif en réservant nos aides aux véhicules produits en Europe. Dans le domaine des pompes à chaleur, il ne faudrait pas ouvrir trop grandes les portes à la Chine sans accompagner notre propre filière industrielle. C'est pourquoi nous avons lancé un accompagnement en vue d'atteindre un million de pompes à chaleur.
Concernant le fret ferroviaire, deux points méritent d'être soulignés.
Premièrement, notre ambition de dépasser les actuels 9 % revêt une importance écologique majeure, a fortiori lorsque la moyenne des pays européens se situe plutôt autour de 20 %.
C'est ce qui explique la motivation du Gouvernement sur le projet du Lyon-Turin, qui nous permettra de passer de 8 % à près de 50 % de fret ferroviaire. Cette infrastructure supportera le transport de dizaines de millions de tonnes de marchandises et supprimera 1,5 million de camions dans la vallée de la Maurienne. Une telle initiative devrait recevoir un large soutien de la part de ceux qui se disent attachés à l'écologie et au fret en général.
Sur le plan européen, nous soutenons la SNCF dans ses discussions avec la Commission européenne. Vous vous souvenez sans doute de l'engagement de mon prédécesseur sur le sujet ; soyez certain que je partage la même ligne.
Enfin, le Gouvernement a procédé à une annulation de 10 milliards d'euros de crédits.
Dans le contexte actuel, instruits également par l'année précédente, nous cherchons à éviter des dépenses susceptibles de provoquer de nouvelles annulations si des difficultés d'exécution budgétaires survenaient en cours d'année.
Mon ministère ne prévoit pas de décret annulant 1,4 milliard d'euros supplémentaires. Comme tous les autres ministères, nous examinons la trésorerie des opérateurs et le rythme de consommation des crédits pour identifier des marges de manœuvre. Au demeurant, je ne confirme pas le chiffre de 1,4 milliard d'euros mentionné dans la presse, ne l'ayant retrouvé dans aucune des communications de Matignon ou de Bercy à ce jour.
Nous sommes encore dans une phase de discussion normale, a fortiori à l'approche de la préparation du PLF 2025.
Je précise avoir posé ces questions car, à ma connaissance, nous n'avons pas reçu de réponse précise de votre ministère concernant les les annulations de crédit.
Monsieur le ministre, je tenais d'abord à saluer la qualité du travail du ministère de la transition écologique.
En 2023, nous avons franchi des étapes importantes concernant la planification. Nous avons quantifié les efforts nécessaires, planifié ces efforts dans le temps et selon le type d'acteurs : collectivités territoriales, entreprises et particuliers. Nous avons significativement progressé en matière de planification écologique et l'exécution des crédits pour 2023 mérite aussi d'être saluée.
Le dispositif MaPrimeRénov' illustre bien le paradoxe entre nos ambitions et les réalités du terrain.
L'an dernier, les rénovations globales étaient présentées comme indispensables et les monogestes comme accessoires et nous avions fini par nous en convaincre. La réalité a montré que les Français n'étaient pas particulièrement disposés à engager des rénovations globales, en raison des coûts, de la disponibilité des entreprises et des artisans. Au 1er janvier, MaPrimeRénov' a fait finalement savoir qu'ils ne seraient pas en mesure de réaliser autant de rénovations globales que prévu.
Les retours sur les rénovations globales déjà effectuées sont satisfaisants. Pour continuer de monter en puissance, il importe de conserver les monogestes, comme le changement d'une chaudière ou de fenêtres.
Il s'agit de mener une écologie pragmatique, adaptée aux réalités du terrain ; je crois que nous devons continuer dans cette voie. Il est impératif d'agir rapidement tout en respectant un certain nombre de contraintes.
En outre, je tiens à rappeler que l'annulation de crédits est parfaitement légitime et transparente. Le Gouvernement a respecté les dispositions légales, notamment le plafond d'annulation à hauteur de 1,5 % des crédits. Il a détaillé les programmes concernés par ces annulations, sans rien dissimuler au Parlement. Il n'existe pas d'économies que le Gouvernement cacherait au Parlement.
Monsieur le ministre a répondu de manière excellente, me semble-t-il, sur la question relative aux 1,4 milliard d'euros et je m'étonne, monsieur le président, que vous entrepreniez de commenter des informations provenant de la presse et non confirmées par le ministère.
Nous avons pourtant été très clairs sur le fait que nous procéderions à un gel des crédits, ministère par ministère, ainsi qu'à l'analyse de la trésorerie des opérateurs. Cette intention a été annoncée et ses résultats seront communiqués en toute transparence. Certains programmes seront ajustés et des investissements repoussés de quelques mois. Le fait est – et je m'en réjouis – qu'il est impossible de réduire une dépense sans que cela ne soit visible.
En somme, je m'oppose fermement à l'idée que des réductions cachées seraient effectuées sans l'accord du Parlement.
Monsieur le rapporteur général, il me semble assez normal qu'après avoir eu connaissance d'un chiffre par voie de presse, nous cherchions à le vérifier à la source.
Sans nul doute.
La question qui nous occupe actuellement est donc l'évaluation de l'exécution du premier semestre en vue de prendre les meilleures décisions possibles.
La politique consistant à annoncer des montants pour marquer les esprits, sans avoir les moyens ou la capacité d'assurer les dépenses, ne fut efficace qu'un temps. Telle n'est pas notre démarche. Nous avons d'ailleurs trop souvent omis de communiquer sur nos résultats. C'est particulièrement vrai en matière d'écologie, où le disque rayé de la supposée inaction climatique rencontre la polyphonie de ceux qui optent pour un climatoscepticisme de bon ton, mélangeant météo et climat. Ces deux petites musiques se répondent et couvrent parfois le fait que notre pays progresse et obtient des résultats.
Nous avons enregistré des résultats inédits sur le mix énergétique soutenu par le nucléaire, par des investissements constants et la cohérence de nos actions, ce qui contraste nettement avec ceux qui, par le passé, ont beaucoup parlé et très peu agi.
Monsieur le ministre, je souhaite aborder brièvement l'exercice 2023 et vous poser deux questions concernant le plan eau de mars 2023 et le projet Lyon-Turin.
Le 6 juillet 2023, la Cour des comptes présentait une note sur le budget alloué à la transition écologique. Malgré l'augmentation d'un milliard d'euros des dépenses en faveur de l'environnement, l'institution estime que les besoins de la seule transition climatique s'élèvent à plus de dix milliards d'euros. Cette estimation ne prend en compte ni la protection de la biodiversité, ni la lutte contre les pollutions ou le développement de l'économie circulaire.
La Cour des comptes souligne également que les dépenses défavorables à l'environnement ont bondi de 10 à 19 milliards d'euros, dont 7 milliards d'euros de niches fiscales défavorables.
En réalité, le montant des dépenses pour l'environnement reste extrêmement faible, ce qui conforte malheureusement nos inquiétudes pour l'avenir.
Concernant le plan eau, vous aviez prévu d'augmenter le budget des agences de l'eau de 475 millions d'euros. Cependant, la hausse des redevances pour les agriculteurs a été abandonnée. Comment comptez-vous compenser cette décision auprès des agences de l'eau ?
En outre, est-il prévu d'accélérer les travaux de rénovation des canalisations des 170 communes dont le taux de fuite dépasse 50 % ? Je pense notamment aux collectivités d'outre-mer qui ont besoin d'investissements massifs et réguliers pour préserver leur système de distribution, dans un contexte comme celui de l'émergence du choléra à Mayotte.
Enfin, je souhaite rappeler que l'utilisation de la ligne de train existante, sachant le milliard d'euros déjà consacré entre Dijon et Modane, permettrait de réduire d'un million le nombre de camions dans les vallées de la Maurienne et de l'Arve. En comparaison et selon les propos de M. Jean-Pierre Farandou en commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, les 30 milliards d'euros prévus pour le Lyon-Turin ne permettraient de réduire le nombre de camions que de 350 000.
Monsieur Amard, vous avez manifestement un problème avec les chiffres et la vérité sur ce sujet.
Aujourd'hui, 92 % du fret se fait par camion et le tunnel utilisé date du XIXe siècle. Il est évident que le passage de 300 trains par jour, dont plus de 200 trains de fret, implique des travaux d'une certaine ampleur.
L'écologie, ce n'est pas seulement en parler, c'est surtout agir. Comme sur le nucléaire, vos postures finissent par desservir votre cause et par remettre en question votre propre crédibilité.
L'augmentation des dépenses brunes pour l'année 2023 s'explique par le fait que l'Assemblée nationale, parfois contre l'avis du Gouvernement, a considéré qu'il fallait soutenir le remplissage des cuves de fioul et maintenir les chèques carburants, lesquelles sont classées comme des dépenses favorables aux énergies fossiles. Vous ne pouvez pas, au nom du social, soutenir l'achat de carburants et ensuite dénoncer des mesures qui seraient prises « contre l'écologie ». Faites votre choix. Vous poussez dans un sens et dénoncez ensuite le fait que nous l'ayons suivi.
En ce qui concerne le plan eau, 475 millions d'euros par an sont alloués pour une raison simple qui renvoie à un rapport précédent de la Cour des comptes. Lorsque nous investissons sur les agences de l'eau, l'effet de levier est de 1 à 10.
Certes, l'annulation en fin d'année de l'augmentation de la redevance pour pollution diffuse a constitué un accroc dans la réalisation du plan. Cela s'est traduit par la suppression du fonds d'investissement en hydraulique agricole dans les dépenses des agences. J'ai personnellement informé les agences que, puisque nous n'avions plus de recettes en provenance de l'agriculture, nous supprimerions la dépense correspondante.
Comment procédons-nous ? Dans le processus de dénouement de la crise agricole, nous réunissons toutes les parties prenantes, les agences de l'eau et les organisations agricoles, pour discuter des besoins de financement en hydraulique agricole et déterminer la trajectoire de recettes correspondante.
La question de l'eau s'appréhende sous le double-aspect de la quantité et de la qualité. Dans un pays où seulement 44 % des masses d'eau sont en bon état écologique, une attention particulière est à porter aux points de captage.
Enfin, 62 % des 170 points noirs ont été effectivement résorbés. Ce chiffre date déjà de quelques semaines.
Monsieur le ministre, concernant l'année 2023, je souhaitais revenir sur la sous-consommation des crédits alloués à MaPrimeRénov'.
Le rapporteur spécial évoque plusieurs causes à cette sous-consommation, parmi lesquelles le reste à charge et la difficulté d'accès au financement.
Je tiens à souligner que la complexité et les changements de règles de ce dispositif y contribuent également. Il serait d'ailleurs légitime, compte tenu des nouvelles règles, de s'inquiéter de la consommation en 2024. Vous avez assoupli les restrictions en vigueur depuis le 1er janvier, mais celles-ci ont considérablement réduit les commandes de chantiers MaPrimeRénov'.
Envisagez-vous de prolonger l'élargissement des monogestes au sein du dispositif MaPrimeRénov' et la fin de l'obligation du DPE au-delà des prochains mois ?
Concernant l'année 2024, vous vous félicitiez d'un budget-record de plus de 10 milliards d'euros pour la transition écologique. Néanmoins, l'hiver a vu l'explosion du déficit, atteignant près de 5,5 % du PIB en fin 2023.
Votre ministère contribuera largement à l'annulation de 10 milliards d'euros de crédits, ce qui est regrettable, car les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables représentent des dépenses d'avenir et d'investissement pour la rénovation énergétique, les mobilités et le désenclavement de nos territoires.
Dans ce contexte de relance du rail où les besoins sont immenses, qu'en est-il de l'infrastructure routière ? On voit clairement que l'État se désengage de cette mission en transférant ses compétences aux régions.
Enfin, qu'en est-il de la loi de programmation des mobilités, qui était censée mettre en œuvre le plan Borne de 100 milliards d'euros pour 2040 ?
Monsieur le député, le décret paru ce matin répond justement à la demande de simplification que vous venez de formuler. Ce décret a été élaboré en concertation avec les représentants des artisans et de la fédération du bâtiment, aboutissant à la version publiée au Journal officiel.
Un aspect notable est la reconnaissance de la validation des acquis de l'expérience (VAE) pour les plus petites entreprises. L'idée est de réduire la part des démarches administratives, en considérant que le constat d'un chantier réussi vaut remplissage des formulaires administratifs, souvent chronophages pour les très petites entreprises dépourvues de moyens administratifs suffisants. Je suis particulièrement attaché à cette mesure.
Nous n'envisageons aucunement la suppression du diagnostic de performance énergétique (DPE), qui demeure essentiel pour évaluer l'impact des mesures.
Je continue d'assumer la modification du DPE pour les petites surfaces, car il existait des biais évidents. Par exemple, la dépense d'eau chaude était divisée par le nombre de mètres carrés, ce qui pénalisait indéniablement les petites surfaces. Ce biais reconnu entraînait un taux de plus de 60 % de passoires énergétiques pour les surfaces inférieures à dix mètres carrés. En ajustant le calcul, nous avons stabilisé la moyenne. Lorsque nous actualiserons nos ambitions sur la part du nucléaire et des énergies renouvelables dans notre production électrique, la révision du convertisseur continuera de corriger le DPE en fonction de réalités objectives.
Je partage votre préoccupation concernant les annulations de crédits. Il est essentiel de garantir des moyens élevés, car ces niveaux d'investissement soutiennent également la croissance. Nous avions effectivement alloué des sommes que nous n'avons finalement pas dépensées en début d'année. Dans un contexte de déficit, il est légitime de supprimer les sommes inutilisées. Nous goûterions moyennement que les oppositions nous fassent le reproche que les baisses de crédit n'aient pas d'abord tenu compte des sous-consommations. La révision à la baisse des crédits de MaPrimeRénov' me paraît donc des plus logiques.
De la même manière, j'assume la diminution du Fonds vert, dont le budget est finalement stable et tout de même supérieur de deux milliards d'euros par rapport à l'année dernière.
Nous avons aussi ajusté les crédits alloués aux APL après avoir constaté que le niveau de consommation de l'année 2023, auquel nous avons appliqué un coefficient d'inflation, avait été légèrement surestimé.
Nous assumons enfin la réduction de 341 millions d'euros des crédits en faveur des infrastructures de transports, qui sont en cours de répartition sur une autre partie des opérations.
Concernant les infrastructures routières, je souhaite rappeler un chiffre important : l'État est propriétaire de 8 000 kilomètres sur le million de kilomètres de routes de notre pays. Les autoroutes représentent 12 000 kilomètres. Cela permet de mesurer le poids des départements et a fortiori celui des communes.
Lorsque l'on affirme que l'État se désengage, il convient de regarder les faits tels qu'ils sont.
Nous assumons pleinement les contrats de plan État-région, dans lesquels nous nous engageons à investir davantage dans le rail, en particulier pour les petites lignes.
Monsieur le ministre, le gouvernement s'est engagé activement à promouvoir la transition écologique et à répondre à la crise environnementale actuelle. Il importe de reconnaître les résultats obtenus dans ce domaine, tout en cherchant constamment à améliorer l'efficacité de notre action publique.
En 2023, les crédits alloués à cette mission ont augmenté de manière significative, avec plus de 41 milliards d'euros en AE et 40,28 milliards d'euros en CP.
Cependant, l'analyse des résultats d'exécution soulève des questions sur l'exactitude des prévisions budgétaires, notamment pour le programme 345. Par exemple, plus de 20 milliards d'euros ont été dépensés pour le service public de l'énergie.
La récurrence de sous-consommation et de reports de crédits suggère des retards récurrents dans la mise en œuvre des projets. Ce constat crée parfois une impression de décalage entre notre engagement politique pour le développement durable et la gestion concrète des crédits alloués à cette politique.
Le programme MaPrimeRénov' a été largement débattu et les précisions apportées nous rassurent. Il subsiste des questions sur la manière d'apprécier l'effort, compte tenu de la complexité de la mise en œuvre et des effets d'aubaine observés.
Envisagez-vous d'introduire d'autres mécanismes pour mieux quantifier les résultats en termes d'économies d'énergie et ajuster le montant des aides en fonction des économies réalisées ?
Des préoccupations ont été exprimées concernant les niveaux de crédit du compte d'affectation spéciale pour l'électrification rurale (FACÉ). Sera-t-il tenu compte de l'importance croissante des aléas climatiques et des problèmes inhérents ?
. Sur le sujet de l'électrification rurale, il est évident, chers collègues, que nous faisons face à une situation paradoxale.
D'une part, on observe un niveau élevé de consommation des crédits et d'autre part, une sous-consommation évidente au regard des besoins réels. Cette situation s'explique notamment par les difficultés significatives rencontrées dans la réalisation de très grands projets, en particulier sur les territoires plus étendus.
Ces difficultés sont encore complexes à analyser, d'où ma proposition de mener une étude plus spécifique sous l'égide de la commission des finances, en collaboration avec d'autres commissions, en vue de résoudre ce problème d'efficacité de la dépense publique.
Je rappellerai tout d'abord que le FACÉ ne relève pas de mon autorité ministérielle mais de Bercy.
Comme vous l'avez justement souligné, une partie des actions prioritaires est liée aux intempéries et entraîne des réaffectations de crédits. Nous y travaillons avec la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC). Je peux d'ores et déjà vous confirmer que 30 millions d'euros ont été réaffectés en raison des intempéries, compte tenu de la situation que nous vivons. Cet enjeu est évidemment très important dans le cadre du plan d'adaptation.
Concernant MaPrimeRénov', vous avez indiqué avoir globalement obtenu les réponses à vos questions. Pour ma part, je suis obsédé par l'idée d'obtenir des résultats concrets, notamment en matière de réduction des émissions. Aujourd'hui, cette réduction se constate non seulement dans le nombre de rénovations effectuées, mais également dans les travaux et les emplois non délocalisables ainsi générés.
La baisse des émissions est pour partie due à la diminution de la consommation, à la sobriété et aux mesures d'isolation et de moindre dépense. Les chiffres du CITEPA, attendus pour le début du mois de juin, permettront de zoomer précisément sur les baisses par secteur.
Je puis déjà vous affirmer que la diminution est globale, y compris dans le secteur des transports, ce qui n'était pas le cas il y a encore quelques années.
Concernant la quantification des résultats, il est important qu'une bonification soit octroyée pour tout changement de classe d'un ou deux sauts. Je reste attaché à ce principe de prime à la qualité des résultats, mais il me semble qu'affecter une valeur trop précise à chaque baisse d'émission risquerait de transformer le système en véritable usine à gaz. Cela ne me paraît pas souhaitable, au moment où il nous faut plutôt nous orienter vers les pompes à chaleur.
Monsieur le ministre, mes questions concerneront le programme 174.
Pouvez-vous nous confirmer la saisine de Tracfin liée à la dénonciation d'une possible escroquerie de 400 millions d'euros sur le dispositif MaPrimeRénov ? À ma connaissance, le Gouvernement ne s'est pas exprimé sur ce sujet paru dans la presse.
Par ailleurs, vous souleviez les possibles incohérences des multiples chèques destinés aux familles, parfois pour préserver des modes énergétiques polluants au demeurant. Globalement, la sous-consommation s'avère très importante. Le recours au chèque énergie classique est en baisse. Le chèque énergie pour le bois et le fioul n'a pas été consommé à la hauteur prévue et l'indemnité carburant a été sous-consommée de moitié. Autant de dispositifs visant à alléger la charge des familles, qui ne s'en sont finalement pas saisies. Notre sentiment est que ces mécanismes ne sont pas si pertinents ou que les gens ne sont pas bien informés. Avez-vous des explications sur ce point ?
Monsieur le député, je ne suis pas en mesure de vous préciser ce que recouvre ce montant de 400 millions d'euros que vous évoquez. S'agit-il du risque ?
Je puis toutefois réaffirmer notre engagement et notre détermination à lutter contre la fraude qui pourrait nuire à la légitimité du dispositif. Il est essentiel de trouver un équilibre entre un niveau de contrôle suffisant pour éviter la fraude et un système qui ne devienne pas excessivement complexe. Nous avons progressé dans cette voie, notamment depuis l'été 2022, lorsque l'inspection des finances a émis une première alerte conduisant à une modification de certaines de nos règles en 2023. Des changements ont été apportés sur les engagements, les avances ou les suivis. Beaucoup de choses ont aussi évolué au sein de l'Anah.
Concernant les chèques-énergie, je rappelle qu'après avoir constaté des niveaux de consommation inférieurs aux prévisions, nous avons prolongé la période de validité qui était initialement d'un trimestre. Sur le principe, je tiens à ce que la demande d'un chèque-énergie procède d'une démarche volontaire, mais nous développons aussi des dispositifs de relance et de rappel de leurs droits aux bénéficiaires.
Monsieur le ministre, le Haut conseil pour le climat nous rappelle qu'en France le secteur des transports est le premier émetteur de gaz à effet de serre, pour près de 32 % des émissions nationales.
Lors des débats budgétaires précédents, le groupe Socialistes et apparentés a toujours défendu des propositions ambitieuses pour renforcer les investissements en faveur des mobilités bas carbone. Au moment de l'examen du PLF 2023, nous partagions le regret de la rapporteure spéciale Christine Arrighi concernant l'investissement insuffisant de l'État en direction des mobilités vertueuses pour atteindre les objectifs environnementaux. Il avait d'ailleurs fallu « batailler » pour que le plan Farandou de 100 milliards d'euros destiné au ferroviaire soit repris par madame la Première ministre Élisabeth Borne.
Certes, la part modale du transport intérieur terrestre de marchandises est en légère augmentation : 11 % pour le ferroviaire selon le rapport de madame Arrighi et 9 % selon monsieur le ministre, et 2,2 % pour le fluvial. Cette part modale vertueuse reste encore trop limitée pour réellement décarboner le fret. La progression risque d'ailleurs d'être rapidement compromise par les mesures de privatisation du fret ferroviaire prises en vertu du « plan de discontinuité raisonnable », pour reprendre l'euphémisme gouvernemental.
S'agissant des mobilités individuelles, on constate une dégradation de la ponctualité des trains d'équilibre du territoire, ainsi qu'une augmentation des retards de plus de 30 minutes. Cela entraîne souvent une dégradation du service et une exaspération des voyageurs. Si je prends l'exemple de la ligne Rouen-Paris, le trajet dure désormais une heure vingt là où il n'a duré qu'une heure pendant des années. C'est incompréhensible et d'autant plus inacceptable qu'il y a davantage de navetteurs.
Ces indicateurs posent clairement la question de l'efficacité de la dépense publique, mais soulignent surtout la nécessité absolue de renforcer les investissements massifs et stables en direction des mobilités vertueuses.
Monsieur le député, je partage pleinement votre constat sur la nécessité d'investir davantage dans la régénération.
Lors de la dernière année du quinquennat où les socialistes étaient en responsabilité, 3,3 milliards d'euros étaient consacrés aux infrastructures ferroviaires. Nous en sommes à un milliard d'euros supplémentaire en cinq ans et nous visons, pour la fin du quinquennat, un milliard d'euros de plus qu'en début de quinquennat. C'est dire si nous savons prendre les responsabilités que d'autres n'avaient pas su prendre avant nous.
Concernant le fret, nous étions tombés à un point bas de 9 % par rapport à une moyenne de 10 %, puis nous sommes remontés à 11 %. Nous envisageons une progression continue aussi bien du transport ferroviaire que du transport fluvial. Un projet comme celui du canal Seine-Nord-Europe, résolument soutenu par l'Union européenne, devrait nous permettre de majorer notre part du transport fluvial. Un seul point de plus ne serait aucunement à négliger, eu égard au nombre de camions évités qu'il représenterait. Il existe également tout un réseau de « petit fluvial », moins visible. Si nous parvenions, par exemple, à électrifier la chatière située derrière HAROPA port, nous obtiendrions la décarbonation effective d'une partie du fluvial et ouvririons des perspectives aux plateformes multimodales.
Sur le fret, nous rencontrons souvent des difficultés liées aux emprises. Nous disposons de nombreux sillons, mais il est parfois difficile de trouver des endroits pour assembler les wagons. Contrairement à la relative concentration des opérateurs sur le transport des voyageurs, le fret connaît un grand émiettement des opérateurs à l'échelle européenne, compliquant l'harmonisation des processus.
Il est impératif de continuer à investir dans ce domaine, qui est au cœur des discussions du plan global de 100 milliards d'euros.
La première année verra une progression de 300 millions d'euros, avec un effort significatif demandé à la SNCF. Dès l'année prochaine, nous devrions enclencher la deuxième étape qui devrait se concrétiser par une accélération des investissements ferroviaires dans le cadre de l'AFITF. Cela inclurait un milliard d'euros supplémentaires dédiés à la régénération des infrastructures et des lignes sur lesquelles nous avions pris des engagements.
Enfin, il n'est effectivement ni acceptable ni souhaitable pour la transition écologique que les durées de trajets de certaines lignes, comme vous en mentionniez, soient devenues supérieures à celles d'il y a vingt ans.
Monsieur le ministre, en raison de leur patrimoine et de leurs compétences, les collectivités doivent assurer elles-mêmes de nombreux investissements liés au climat, élaborer des stratégies, des plans d'action et animer les acteurs de leur territoire.
Au-delà des besoins en investissements, que la récente diminution du Fonds vert semble ignorer, les collectivités font face à un besoin croissant d'ingénierie publique.
Cette ingénierie pourrait tout à fait être externalisée chez divers organismes publics tels que l'ADEME, l'ANCT et le CEREMA. Ces organismes sont parfaitement à même de forger des outils d'accompagnement adaptés aux besoins des collectivités. De ce point de vue, la mise en place d'un guichet départemental unique, récemment annoncée, semble une initiative intéressante.
Pouvez-vous nous confirmer qu'un tel projet est en cours d'étude ?
Vous annonciez par ailleurs, monsieur le ministre, la mise en place de formations spécifiques visant à doter chaque collectivité d'un chargé de mission, ce que j'estime également positif. Dans le même temps, votre Gouvernement réduit les dépenses de fonctionnement des collectivités, qui sont indissociables de leurs dépenses d'investissement. Comment ces collectivités pourront-elles financer ces nouveaux postes de chargés de mission ?
La question du guichet unique soulève un paradoxe bien réel. Il peut être frustrant pour des maires qui ont été soutenus par leur département, leur région et l'ADEME, de ne rencontrer parfois aucun retour de l'État.
Au-delà de cette frustration, la question centrale est celle du temps que passe un maire pour identifier le bon interlocuteur. Deux solutions s'offrent à nous pour parvenir à lever cette complexité.
La première a déjà fait l'objet d'une signature de ma part, lors du Salon des maires, où les principaux opérateurs de conseil et d'ingénierie auprès des collectivités (ANCT, ADEME, Banque des territoires, CEREMA) se sont effectivement engagés à simplifier leurs procédures et à désigner des interlocuteurs uniques.
La deuxième solution consisterait à pousser pleinement la logique de déconcentration en faisant du préfet l'interlocuteur unique de tous les opérateurs et de tous les services de l'État dans les territoires.
Il est inconcevable qu'un maire discute d'une subvention pour rénover une école avec un préfet ou un directeur départemental des finances publiques (DDFIP) et que, dans le même temps, un directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN), qui n'est pas sous l'autorité du préfet, décide de la fermeture de la classe concernée par la rénovation.
La décision d'établir une porte d'entrée unique à l'échelle départementale me semble être des plus pragmatiques. Tout le monde connaît l'adresse de la préfecture et peut s'y rendre. La présence d'un préfet sur un territoire n'empêche aucunement la prise en compte des spécificités de chaque direction départementale. Il s'agira simplement de mieux se coordonner sur des sujets aussi divers que la culture, l'éducation nationale, les finances publiques et l'écologie au sens large.
Concernant le Fonds vert, vous aurez sans doute commis un léger lapsus en parlant de baisse plutôt que de stabilisation. En effet, les montants prévus en 2023 ont été maintenus en 2024, soit un doublement de l'enveloppe d'investissement pour les collectivités territoriales.
Je vous confirme que ce Gouvernement a porté le soutien de 2 à 4 milliards d'euros. Une telle logique me paraît très différente de celle de la réduction sans précédent de la dotation globale de fonctionnement (DGF) décidée par les socialistes et les écologistes entre 2012 et 2017, soit une ponction de 10 milliards d'euros dans les dépenses des collectivités locales.
Ce que vous venez de proposer concernant les préfets, monsieur le ministre, risque de faire débat.
Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur deux chiffres issus des comptes 2023 de la mission Écologie, développement et mobilité durables.
Le premier chiffre de 1,5 milliard d'euros correspond aux crédits alloués à MaPrimeRénov' en 2023. Ce montant reste légèrement inférieur à celui de 2022, même en y ajoutant les 585 millions d'euros prélevés sur la trésorerie de l'Anah.
Malgré les annonces de hausses budgétaires dans la loi de finances, vous dépensez finalement moins qu'en 2022 pour l'isolation des logements. En 2023, le nombre de rénovations a diminué de 15 % et les 71 613 rénovations globales enregistrées par l'Anah s'avèrent bien loin de l'objectif annoncé de 200 000 rénovations.
Les raisons de cet échec sont largement documentées : des restes à charge trop importants pour les ménages modestes et très modestes, un défaut d'information et d'accompagnement des ménages, un manque d'entreprises labellisées RGE et une distribution insuffisante par les banques de l'éco-prêt à taux zéro.
Dès lors, pourquoi ne pas avoir choisi de réaffecter les crédits non dépensés au renforcement du réseau des accompagnateurs Rénov (qui ne compte aujourd'hui que 2 500 membres sur les 5 000 prévus initialement), pour apporter un soutien financier aux entreprises engagées dans une démarche de labellisation RGE, ou simplement pour réduire les restes à charge des familles modestes et très modestes ?
Au lieu de cela, vous prenez acte de l'échec, renoncez aux rénovations globales, sacrifiez les crédits de MaPrimeRénov' et rognez ainsi d'un milliard d'euros le budget 2024.
Le second chiffre est celui de 5,6 milliards d'euros, soit le montant de la niche fiscale accordée aux transporteurs maritimes en 2023, contre 3,8 milliards d'euros en 2022.
Il s'agit désormais de la troisième dépense fiscale. La Cour des comptes, que je cite, estime que « cette forte hausse conjoncturelle doit inviter à réévaluer le bien-fondé d'une telle dépense et les modalités de sa mise en œuvre ».
Monsieur le ministre, quand cesserez-vous de subventionner les superprofits des transporteurs maritimes par la taxation forfaitaire au tonnage ?
Enfin, pourquoi ne pas investir encore dans la politique d'isolation des logements dont les Français ont besoin, en accompagnant les ménages, en réduisant le reste à charge à zéro et en restructurant la filière ?
Madame la députée, je m'attendais à ce que vous présentiez les choses avec un peu plus d'humilité.
Dois-je vous rappeler qu'en 2023, vous nous demandiez d'inscrire sept milliards d'euros pour la rénovation énergétique et que fort heureusement, nous n'en avions inscrit que deux ? Parallèlement, les caisses de l'Anah comptaient 800 millions d'euros et il se trouve que la demande n'a pas suivi.
L'argument selon lequel il aurait fallu augmenter les niveaux de subventions annoncés au motif qu'il restait de l'argent me paraît pour le moins irréaliste, tout comme le lien que vous semblez faire entre le manque d'accompagnateurs Rénov' sur le terrain et notre prétendue insuffisance de financement.
Je ne puis que vous inviter à rencontrer des artisans et des entreprises du bâtiment pour bien comprendre les raisons pour lesquelles les choses ne fonctionnent pas, comme de vous garder d'asséner certaines choses sans avoir pris le temps d'écouter les acteurs de terrain. En somme, votre argumentaire idéologique me paraît être sans lien avec la réalité.
L'existence même de ce milliard et demi d'euros devrait vous amener à reconnaître votre tort et que les conditions ne se prêtaient effectivement pas à faire davantage. Il est bien décevant que je doive le faire à votre place.
En matière d'aide au tonnage, nous n'avons aucunement, ni élargi la niche, ni décidé d'une subvention aux armateurs de ce pays, ni modifié les règles établies par des Gouvernements que vous avez soutenus. La progression de cette dépense fiscale ne fait que refléter l'augmentation du tonnage sous pavillon français et je n'ose croire que vous déploriez l'augmentation de la part du transport maritime sous pavillon français. La Cour des comptes n'affirme pas que notre aide a été majorée, mais observe une augmentation de la dépense liée aux exonérations, en raison de la croissance du trafic et du tonnage sous pavillon français.
Globalement, je regrette votre absence d'honnêteté dans l'interprétation des chiffres et surtout votre refus de distinguer ceux qui sont liés ou non à une politique gouvernementale.
Enfin, je me félicite que la niche fiscale ouvrant à une taxation réduite du kérosène par rapport à l'essence, restée inchangée pendant l'intégralité du quinquennat Hollande, ait été supprimée par notre majorité il y a un an dans un budget que, certes, vous n'avez pas soutenu.
Monsieur le ministre, je souhaite évoquer le Fonds vert.
L'année dernière, deux milliards d'euros d'AE ont été intégralement consommés. Ces fonds ont déjà permis de financer dix milliards d'euros de travaux pour l'ensemble des communes bénéficiaires. Le Fonds vert est également lié au zonage des zones de revitalisation rurale (ZRR).
Premièrement, est-il possible de simplifier le processus « Petite ville de demain », destiné aux territoires ruraux ?
Deuxièmement, sachant que le stock de demandes s'élève déjà à cinq milliards d'euros en AE, reportés sur 2024, est-il envisageable de répondre à cette demande croissante sans risquer de créer une bulle dans les années à venir ?
Tout d'abord, je suis extrêmement satisfait que ce fonds ait trouvé son public dès la première année.
Je me réjouis que le Gouvernement ait décidé d'accompagner les collectivités territoriales, indépendamment de leurs tendances politiques, en partant du principe simple que nous n'allions pas décider à leur place s'il faut commencer par agir sur la biodiversité, l'adaptation, l'atténuation, la déminéralisation des espaces, la plantation d'arbres ou la protection contre les cyclones. Nous avons souhaité laisser ce choix aux collectivités. Nous demandons deux choses : que ce soit efficace et que ce soit prêt.
Sur les 18 000 demandes que nous avons reçues, 10 800 ont été acceptées.
Parmi les demandes rejetées, qui ne résultaient pas uniquement de contraintes budgétaires, certaines ne correspondaient pas aux objectifs du Fonds vert et d'autres n'impliquaient pas des dépenses prêtes à être réalisées. Si nous souhaitons que les crédits soient bel et bien consommés en priorisant l'urgence climatique, il est impératif de les allouer à des projets sur le point d'être exécutés.
La première année a engendré un certain effet d'aubaine, dans un contexte où l'augmentation des prix de l'énergie et la hausse du point d'indice dans la fonction publique territoriale ont réduit les marges de manœuvre des collectivités territoriales. Soutenir l'investissement avec un effet de levier de 1 à 5 est une initiative dont tout le monde devrait se réjouir, y compris Bercy.
Il est cependant nécessaire de réfléchir à la suite du dispositif. Nous nous sommes fixés pour objectif de garantir que 15 % des bénéficiaires soient de territoires prioritaires, sans traitement distinct des ZRR, des « Petites villes de demain » ou des autres quartiers des politiques de la ville. Cette année, plus de 1 500 collectivités, principalement des communes, auront bénéficié de ce dispositif, indépendamment de leur type de zonage.
Aucune « paperasserie » supplémentaire n'a d'ailleurs été exigée. Il est toujours possible de simplifier encore les procédures et c'est notre objectif constant.
Nous devons également instaurer un meilleur dialogue de proximité et probablement « moraliser » quelque peu le dispositif, car il peut exister certains effets d'aubaine. Sur le réseau d'éclairage public par exemple, pour lequel les taux de retour sont très rapides, la pertinence d'une subvention est moins élevée comparativement à des projets de préservation de la biodiversité, de trames noires ou de développement du covoiturage.
Puis la commission procède à la discussion sur la thématique d'évaluation L'efficacité des dispositifs d'aide à l'acquisition de véhicules propres et de soutien aux bio-énergies
(MM. David Amiel et Emmanuel Lacresse, rapporteurs spéciaux)
Chers collègues, je propose de vous présenter les aides à l'acquisition de véhicules propres, portées par le programme 174.
En 2023, les aides à l'acquisition de véhicules propres ont rencontré un succès notable, avec une consommation de 1 392 millions d'euros pour le bonus écologique et de 250 millions d'euros au titre de la prime à la conversion, dépassant largement les prévisions initiales.
Le dispositif de leasing a été déployé en janvier 2024. Les objectifs de vente des véhicules électriques fixés par le Gouvernement ont donc été atteints, ce que traduit la multiplication des volumes par cinq entre 2018 et 2023. La part de marché des véhicules électriques neufs atteignait 16,7 % en 2023, contre 1,9 % en 2019.
Les politiques publiques de soutien aux ménages ont joué un rôle central dans cette augmentation, comme en témoignent la reprise d'initiatives similaires à l'étranger, notamment par l'IRA ( Inflation Reduction Act ) américain.
Les évaluations économétriques menées par France stratégie et l'Institut des politiques publiques estiment qu'entre 2019 et 2021, 40 % de la progression de la part de marché des véhicules électriques s'explique par la politique de bonus et de malus.
Ces derniers mois, deux évolutions importantes ont marqué les aides à la transition et à l'acquisition de véhicules propres.
La première évolution concerne la souveraineté industrielle, avec l'introduction du score environnemental comme condition d'éligibilité au bonus écologique. La seconde évolution porte sur la justice sociale, avec l'entrée en vigueur du dispositif de leasing en janvier 2024. Nous disposons déjà de premières indications relatives au succès attendu de ces mesures.
Le score environnemental constitue une nouvelle condition d'éligibilité pour le bonus écologique, la prime à la conversion et le leasing. Il prend en compte l'empreinte carbone d'un véhicule sur l'ensemble de son cycle de vie avant sa mise en vente, sélectionnant ainsi seulement les véhicules les plus vertueux, notamment selon leurs conditions de production. Un véhicule électrique produit en Europe avec de l'électricité décarbonée n'a pas le même impact environnemental qu'un véhicule produit en Chine par une énergie issue d'une centrale à charbon.
La mise en œuvre de cette mesure a été un succès, tant sur le plan environnemental qu'industriel. Les premières données suggèrent qu'elle a bien permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Depuis le début de l'année, la part de marché des véhicules électriques produits en Europe a progressé de manière spectaculaire et au détriment des véhicules produits en Chine, dont la part de marché est passée de 29 % en 2023 à moins de 18 % en début 2024.
Par ailleurs, le leasing social a connu une expansion notable en début d'année. Le nombre de dossiers a bondi de 25 000 à 50 000, pour un financement public s'élevant à 275 millions d'euros.
À la lumière de ces observations et des nombreux échanges que nous avons eus, le rapport tente d'esquisser quelques pistes d'évolution des dispositifs.
Sur le leasing, nous pourrions nous fixer l'objectif de doubler la part de véhicules concernés, soit un objectif de 100 000 véhicules en 2025.
L'idée générale est de diminuer les subventions tout en augmentant les volumes. Je propose une nouvelle méthode de calcul des subventions. En effet, il pourrait être intéressant de partir d'un volume de véhicules et d'instaurer un système d'enchères à la baisse pour les constructeurs qui réclameraient un certain niveau de subventions. Certains constructeurs seraient ainsi incités à proposer des véhicules à des taux de subventions réduits.
Le deuxième point d'importance est celui de la visibilité à donner à l'évolution de ces aides dans les prochains mois.
Ces dernières années, les aides ont beaucoup varié. Pour que la filière se structure, il est essentiel de fournir une visibilité pluriannuelle.
La stratégie de financement pluriannuel de la transition écologique, inscrite à l'article 9 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (LPFP 2023-2027), pourrait servir de cadre, notamment par le biais des montants alloués aux bonus et malus qui restent des éléments très structurants de la filière automobile.
En termes de malus et afin de rester en cohérence avec notre politique environnementale, il serait nécessaire d'introduire progressivement le critère du poids, y compris pour les véhicules électriques. Cela répondrait à l'augmentation considérable de la masse des véhicules, qui pose d'évidents problèmes environnementaux et de sourcing en matières premières.
Par ailleurs, l'argent public mobilisé dans le cadre de ces aides devra évidemment prendre en compte les dimensions de pouvoir d'achat et de transition écologique.
Il est aussi essentiel de considérer le contexte commercial global dans lequel nous évoluons. Nous avons tous pris connaissance de l'annonce faite par les États-Unis, en début de semaine, d'une augmentation significative des tarifs sur les véhicules asiatiques. Si le marché américain venait à se fermer, l'un des risques majeurs serait un déversement de véhicules asiatiques sur le marché européen. Il est primordial de garder cela à l'esprit dans les évolutions du bonus qui seront envisagées.
Nous avons un impératif très fort de compétitivité, qui repose sur l'accès à un marché domestique solvable. Il est crucial d'articuler l'évolution future du bonus avec les mesures commerciales prises au niveau de l'Union européenne, qu'il s'agisse de l' antidumping ou de l'extension progressive du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, notamment pour le secteur automobile, ce qui nous semble être une véritable urgence.
En tout état de cause, il faudra envisager avec une grande prudence les évolutions du bonus écologique dans les temps à venir, compte tenu des tensions commerciales très importantes et des risques pour la compétitivité de nos filières.
Dans le cadre du programme 345, la production d'énergie suppose de renforcer l'efficacité des dispositifs et de se consacrer aux bioénergies : le gaz (dont l'hydrogène), le gaz d'origine biomasse et le biométhane.
Le budget de cette année a marqué un véritable bond dans l'effort accompli par le Gouvernement en faveur du verdissement du mix énergétique français. Nous parlons moins de l'éolien et de solaire que de gaz, d'autonomie et d'évolution du modèle agricole et forestier. À cet égard, la filière du bois appréciera assurément l'effort remarquable accompli par le Gouvernement cette année, avec l'augmentation du budget en vue de la récolte et de la gestion forestière. Tout ce qui relève du changement du couvert forestier, dans le respect des usages et la hiérarchie des usages du bois, gagnerait à être inclus dans le budget 345.
Le biométhane, produit localement par des méthaniseurs agricoles, a toute sa place dans le mix énergétique.
Le rapport examine particulièrement la vitesse d'application de la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat et la prise en compte des décrets d'application. Cette année devra être celle de la réalisation des externalités positives que le gaz et sa réorientation en bioénergie pourraient fournir à l'économie locale.
Il est toujours nécessaire de développer la production d'énergie dans un cadre sécurisé et rémunérateur. Aujourd'hui, ce cadre passe par les tarifs d'achat ou par les appels à projets destinés aux plus grosses installations, tout en veillant à la cohérence du calendrier et en encourageant les territoires à se placer dans une réelle perspective d'autonomie.
Enfin, la biomasse forestière joue un rôle central dans cette transition.
Le bois-énergie revêt un intérêt majeur. Il est donc essentiel que les entreprises responsables de la récolte du bois et de l'entretien des forêts reçoivent le soutien adéquat, tant il subsiste des goulets d'étranglement dans le fonctionnement de la chaîne. Les industriels ont lancé de grandes initiatives, notamment à Laval, mais Bpifrance, l'Office national des forêts (ONF) et le nouveau délégué interministériel à la forêt, au bois et à ses usages, devront accorder une attention particulière au bois-énergie qui pourrait à l'avenir, selon des études récentes, représenter 40 % de l'activité de décarbonation de la forêt.
Enfin, l'hydrogène décarboné présente une importance capitale pour la résilience énergétique du territoire, la diversification de nos sources énergétiques et la balance commerciale de la France.
Il est désormais crucial que les territoires, notamment les grands sites industriels, se placent dans une perspective d'autonomie énergétique. Cela passera par une chaîne de valeur à bâtir autour des usines d'électrolyseurs et des démonstrateurs, qui étaient prioritaires dans les programmes présentés par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
La consommation industrielle et le transport local doivent aussi être au cœur de nos stratégies, en particulier pour la transition des grands sites de production de charbon vers la production d'énergie à partir de bois. En septembre 2023, le président de la République a pris un engagement en faveur de la biomasse. Cet effort est déjà engagé localement, avec une réflexion approfondie impliquant les propriétaires forestiers privés, les communes forestières et l'ONF.
Je souhaite vivement que cet effort gouvernemental se prolonge, notamment en ce qui concerne l'hydrogène. L'hydrogène doit faire l'objet, autour d'un site comme Saint-Avold par exemple, de la mise en place de réseaux d'importance régionale, mais aussi transfrontalière, afin de garantir une offre autonome et diversifiée dans ce domaine.
Il existe une multiplicité de dispositifs, en particulier autour du plan France 2030. Il est probable que des dispositifs innovants seront requis, similaires à ceux adoptés en 2019 pour la biomasse. Ces dispositifs doivent faire l'objet d'un effort approfondi d'adoption de mesures réglementaires d'application. Sur quelques sites spécifiques, il ne faut pas hésiter à se placer dans une perspective de court terme, en commençant par la réutilisation des réseaux de gaz existants.
Notre rapport a donc pris le parti de joindre le sujet de l'hydrogène à celui du gaz, car une nouvelle étape est à franchir en la matière.
Messieurs les rapporteurs, je regarderai avec beaucoup d'intérêts vos conclusions, en particulier cette perspective consistant à faire évoluer le barème de soutien en vue d'augmenter la part de leasing des véhicules électriques.
Je rappelle que l'engagement pris par le candidat, Emmanuel Macron, était de s'orienter vers un prix de leasing se situant autour de 100 euros. Nous nous sommes rendu compte qu'avec nos critères d'aide, certains constructeurs avaient réussi à descendre à quasiment 50 euros. Cela n'était pas la promesse de départ et implique de poser la question de la limite au-delà de laquelle naît un effet d'aubaine.
Nous nous félicitons néanmoins de ce succès éclatant, à hauteur de 50 000 véhicules, ce qui témoigne d'une prise de conscience chez les constructeurs. Je rappelle que, quelques semaines avant le 1er janvier, nous prévoyions 20 000 véhicules, non pas parce que nous ne voulions pas budgéter davantage, mais parce que les constructeurs nous disaient qu'ils ne seraient pas en mesure de fournir plus de 20 000 véhicules dans le cadre du leasing.
En 2019, 43 000 véhicules électriques avaient été vendus en France, en 2023 ce sont 300 000 véhicules électriques qui ont été vendus. Nous sommes passés d'une part d'immatriculation marginale à quasiment un cinquième des immatriculations fin 2023. Cela souligne la nécessité d'investir sur les bornes, en particulier sur les bornes de recharge rapide, ce qui devra nous conduire à appréhender notre soutien de manière différente.
Le faible taux de rétrofit en 2023 reste une petite déception. Je rappelle que le rétrofit consiste à conserver la carrosserie d'un véhicule dont on remplace le moteur. Ce procédé présente un intérêt écologique majeur, car il évite de produire une nouvelle voiture. Sachant que 80 % de l'empreinte carbone d'un véhicule provient de sa fabrication et de sa production, il est essentiel de prolonger la durée de vie de certaines parties de nos véhicules. Nous avons financé 402 primes au titre du rétrofit. Il nous faut donc encore accentuer ce dispositif. Certains départements affichent des taux plus élevés que d'autres.
Par ailleurs, la tendance baissière des prix des véhicules électriques nous oblige à revoir certains barèmes.
Il convient également anticiper la naissance d'un marché de la seconde main. Ces quinze dernières années, peu de Français ont acheté des véhicules neufs. Il est donc essentiel d'examiner comment ce marché de la seconde main, qui va se développe, pourra aider à accélérer la transition.
De plus, une grande partie des achats de véhicules thermiques neufs est réalisée par les entreprises. Ces véhicules connaissent ensuite une seconde vie. Il est donc pertinent de trouver des moyens pour consolider le verdissement des flottes professionnelles.
Je souhaite enfin aborder une question fiscale.
L'actuel barème kilométrique, qui augmente avec la puissance du véhicule, constitue une incitation à acquérir un véhicule de puissance plus élevée. Je considère que l'éthique de responsabilité devrait nous conduire à fixer un barème moyen pour les véhicules. Cela n'empêcherait pas ceux qui le souhaitent d'acquérir un véhicule plus puissant, mais à condition de s'acquitter d'un reste à charge plus élevé. À l'inverse, ceux qui opteraient pour une petite voiture bénéficieraient d'un avantage et rembourseraient plus rapidement leur véhicule. Cette approche favoriserait la responsabilisation individuelle et permettrait d'avancer de manière intelligente.
En outre, certaines questions relèvent directement du ministre de l'industrie et de l'énergie, mais je souhaite apporter quelques éléments.
J'assume pleinement le lien entre véhicules électriques et bioénergie. Je me réjouis d'avoir fait en sorte, avec d'autres ministres, que l'Europe considère une part de neutralité technologique, notamment pour les flottes de bus et de cars.
L'électrification des voitures individuelles est sans doute nécessaire à notre industrie, mais il importe de ne pas immédiatement préjuger de la meilleure solution entre l'hydrogène, le bio-GNV ou l'électrique (pour les bus urbains en particulier). L'Europe reste assez compétitive sur la production de ces véhicules avec des marques comme Iveco et Scania. Il peut être pertinent de s'appuyer sur les productions locales pour adapter les types de motorisations, sans imposer des réponses uniformes dans des contextes variés.
Vous avez évoqué longuement le sujet du bois et je vous en remercie, monsieur le rapporteur, alors que ce sujet essentiel est trop rarement abordé.
Un quotidien national évoquait récemment des inquiétudes concernant les types d'essences à planter pour régénérer la forêt. Le plus grand écart aujourd'hui observé, en termes de planification écologique, ne porte pas sur les réductions d'émissions, mais sur la capacité de stockage et les puits de carbone.
Si nous sommes en ligne sur les objectifs de réduction des émissions pour 2030, nous ne sommes absolument pas au rendez-vous sur les puits de carbone. Il est donc impératif de planter massivement, d'où le plan d'un milliard d'arbres annoncé par le Président de la République. 50 millions d'euros ont été alloués à des chercheurs, dans le cadre d'un Programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR), pour déterminer les essences à planter dans chaque territoire de la République et pour avancer sur les méthodes de plantation.
Je rappelle que, selon certaines prévisions et si les évolutions de température actuelles se poursuivent, il n'y aura plus de hêtres en France en 2060. Cela représenterait un bouleversement de nos paysages, une menace pour notre biodiversité et une fragilisation de notre capacité à progresser.
La filière bois est également pertinente pour le bois énergie, à condition de l'aborder de manière globale. Si nous utilisons du bois énergie plutôt que du bois de coupe et des bois nobles, qui devraient plutôt servir à décarboner une partie du secteur du bâtiment, nous devons restructurer toute la filière. C'est notamment la raison pour laquelle un délégué interministériel à la forêt a été nommé. Il faut penser la cohérence du dispositif global et savoir entrer dans les détails sur des questions comme celle des incendies et de la résistance au feu des bâtiments. Nous y travaillons de manière interministérielle.
Quant à l'hydrogène, des promesses existent. Lors de Choose France, lundi dernier, j'ai été surpris par le nombre d'interlocuteurs venus valoriser des projets de décarbonation par l'hydrogène, que ce soit pour leurs industries ou dans une perspective d'investissement. On ressent une forte accélération dans ce domaine. Bien que l'hydrogène ne soit pas la solution à tout, il sera aussi indispensable dans le mix énergétique global et ouvrira de nombreuses possibilités.
Concernant le biométhane, il convient de ne pas verser dans l'excès en transformant les méthaniseurs en activité principale, ce qui entraînerait d'importants déplacements pour les alimenter. Il existe une opportunité significative de diversification grâce à des gisements de production locaux sur lesquels nous devons miser. Je me réjouis de la manière dont le rapport éclairera la capacité du Gouvernement à accélérer sur ces bioénergies.
Il faut aborder le mix énergétique avec beaucoup d'humilité et éviter les certitudes. Compte tenu de l'ampleur du défi, si nous voulons sortir des énergies fossiles, nous aurons besoin de ces nouvelles énergies en vue de sortir du charbon, du pétrole et du gaz.
Quelles solutions seraient à envisager pour augmenter l'usage de biocarburant dans les voitures individuelles ?
Je vous répondrais qu'à certains égards, c'est une fausse bonne idée.
À court terme, nous ne disposons pas de solutions pour les secteurs maritimes et aériens. Le biocarburant représente le meilleur moyen de réduire et d'atténuer une partie des émissions de ces deux secteurs.
Il est dans notre intérêt de réserver le biocarburant pour les secteurs difficiles à décarboner, notamment le SAF ( Sustainable Aviation Fuel ) pour l'aérien. Nous enverrions des signaux contradictoires en investissant dans une filière de biocarburant pour les véhicules individuels tout en encourageant les constructeurs à se tourner vers l'électrique pour résister à aux concurrences chinoises et émergentes. Nous risquerions de nous priver d'une partie du gisement de biocarburant nécessaire pour les secteurs où l'électrification n'est techniquement pas envisageable. C'est ma réponse, mais d'autres peuvent assurément avoir des avis différents. J'essaie de faire preuve de prudence en mesurant toutes les implications.
La biomasse est particulièrement complexe lorsque l'on considère les ressources nécessaires pour progresser. Actuellement, la biomasse ne suffit pas à couvrir tous les usages potentiels dont nous avons besoin. Il est donc essentiel d'éviter de multiplier les signaux contradictoires là où des solutions technologiques existent.
Monsieur le président, cette discussion recouvre deux sujets distincts : les véhicules propres et les bioénergies.
Le débat sur la décarbonation de nos véhicules est essentiel. Il est évident que nous devons rapidement opérer la transition vers des véhicules plus écologiques et idéalement pouvoir nous en passer lorsque les mobilités douces et les transports en commun le permettront, notamment en zones urbaines.
Vous vous félicitez du dynamisme des aides, mais on observe dans le même temps des insuffisances manifestes.
La campagne de leasing, qui se terminera en mi-février, après un mois et demi, a clairement échoué, faute de crédits suffisants et parce qu'elle était mal calibrée. Les 300 000 véhicules aidés par le bonus écologique restent minoritaires face aux 2,2 millions de ventes de 2023. In fine, les moteurs fossiles représentent encore 83 % des ventes et 50 % si l'on ne compte que les moteurs purement fossiles. Nous sommes donc loin de l'objectif.
Par ailleurs, vous recommandez d'intégrer les enjeux liés au poids des véhicules dans les malus écologiques. Cela a été proposé à de nombreuses reprises lors de chaque PLF, sans que le gouvernement n'ait jamais donné suite. Vous me voyez ravi de constater que vous nous rejoigniez enfin sur ce point.
Concernant les bornes de recharge, l'objectif européen a été fixé à 3 millions de bornes publiques d'ici 2030, dont 400 000 en France. En février 2024, nous en dénombrons environ 120 000. Au rythme actuel, nous devrions atteindre 350 000 bornes en 2030. Il reste à espérer que l'accélération des années à venir sera suffisante pour atteindre l'objectif de 400 000.
Cependant, des problèmes subsisteront. D'abord, il y a toujours plus de stations de recharge en Île-de-France qu'en Bretagne, en Pays de la Loire ou autres. Deuxièmement, les chiffres moyens sur une année montrent que près d'un quart des bornes sont indisponibles, si bien que seulement 300 000 bornes fonctionneront réellement.
Monsieur le député, en trois ans, nous avons multiplié par quatre le nombre de bornes de recharge, de 30 000 à 130 000 le mois dernier. Parallèlement, il existe environ 1 500 000 bornes chez les particuliers. La progression actuelle des bornes publiques n'est donc pas proportionnelle, mais exponentielle. Je ne suis donc pas inquiet quant à l'objectif de 400 000 bornes d'ici 2030.
Le véritable enjeu me semble résider dans le choix de la localisation et la puissance des bornes. Bien que cela puisse sembler contre-intuitif, il est bien plus aisé de recharger une voiture électrique à la campagne qu'en ville. En ville, le sujet est tout autre, compte tenu de l'électrification à conduire pour les personnes ne disposant pas de garage, il nous faut gérer toute la prise en charge, le modèle et la progression générale. Les bornes installées sur les parkings de supermarchés ne suffiront pas à répondre aux besoins urbains. Il sera nécessaire de préciser la réalité de la disponibilité en ville.
Un autre enjeu concerne les autoroutes et les pics de fréquentation, ainsi que les besoins en termes de crête.
Si tout était électrique, la structure actuelle de nos déplacements routiers exigerait, pour absorber le flux des véhicules lors des grands chassés-croisés, six fois plus de place au sol que nos actuelles stations-service. La durée moyenne de recharge étant plus longue, la question de la disponibilité spatiale se pose réellement. Il faudra envisager les aires de repos classiques comme des aires de recharge, sans pour autant résoudre la question de la puissance appelée lors de ces journées. Avant d'atteindre un niveau d'électrification du parc tel que le problème deviendrait insoluble, nous disposons d'encore un peu de temps pour nous préparer.
Sur la question des véhicules, je partage l'avis selon lequel le problème devra se résoudre globalement sur l'aspect purement quantitatif et sur la nécessité de vérifier certains aspects localement.
Concernant les véhicules plus larges, je tiens à réaffirmer que les estimations du gouvernement étaient basées sur ses discussions avec les constructeurs, notamment pour la partie leasing. Nous avons pris la décision d'assumer le doublement du budget initialement prévu.
Nous avons ainsi porté de 100 à 276 millions d'euros le budget pour accompagner le leasing, afin d'atteindre les 50 000 véhicules prévus au lieu des 20 000 initialement budgétés. Nous avons donc pris nos responsabilités.
Toutefois, il convient de veiller à ne pas réaliser la totalité du leasing dès la première année. En effet, il nous semble essentiel de laisser à des constructeurs qui entrent sur le marché la possibilité de trouver leur public, en proposant des petits modèles et des véhicules plus compacts.
Monsieur le président, je souhaitais d'abord répondre à l'intervention de monsieur le ministre.
Il est impératif de cesser d'affirmer que les écologistes ont gouverné de 2012 à 2017, puisqu'ils ont quitté le gouvernement en mars 2014 et je peine à croire que vous ignoriez cette réalité de l'histoire politique de notre pays.
Concernant MaPrimeRénov', vous avez fait preuve d'une condescendance certaine. Vous semblez pourtant n'avoir pas connaissance du rapport du sénateur Gontard, publié en juillet 2023, qui prévenait déjà que le dispositif ne produirait certainement pas les effets escomptés. Si vous aviez prêté davantage attention aux propos des écologistes, l'exécution budgétaire ne serait peut-être pas ce qu'elle est.
Sur la question des véhicules propres, nous soutenons la transition vers un parc automobile plus respectueux de l'environnement. Eu égard au temps nécessaire pour renouveler intégralement ce parc, que certains professionnels du secteur estiment à plus de 30 ans, il est essentiel de promouvoir une approche de sobriété. Cela passe notamment par des investissements massifs dans le développement d'une mobilité moins impactante, à commencer par le transport ferroviaire et les transports urbains.
Il importe dans le même temps d'augmenter le taux d'occupation des véhicules, notamment le covoiturage sur de courtes distances.
Or cette solution peine à se développer en raison du manque de moyens des intercommunalités rurales et du fait que les collectivités ne peuvent pas bénéficier des certificats d'économies d'énergie (C2E).
Ma question est la suivante : quelles mesures comptez-vous prendre pour augmenter le taux d'occupation des véhicules et encourager une mobilité plus sobre ? Quel soutien envisagez-vous pour le développer des lignes de covoiturage en milieu rural ?
Malgré la pseudo-dissidence affichée, les écologistes ont continué à travailler avec François Hollande et contribué à le faire élire. L'argument selon lequel vous seriez « partis » ne tient pas. Vous êtes les seuls à penser que les Français croient qu'il n'y a plus d'écologistes au gouvernement depuis 2014.
Vous avez entièrement raison sur la nécessité de lutter contre l'autosolisme, car c'est finalement l'un des moyens les plus efficaces pour réduire les émissions de CO2. Ce soutien est absolument indispensable. C'est pourquoi nous avons décidé de consacrer une partie des crédits du fonds vert au soutien du covoiturage et de lancer un programme de covoiturage inédit, qui n'existait aucunement du temps où des écologistes étaient au gouvernement. Nous nous félicitons d'avoir triplé le nombre quotidien de trajets en covoiturages en 2023 par rapport à l'année précédente.
Ces résultats ne nous satisfont pas pour autant, au regard de l'objectif de 3 millions de trajets journaliers en covoiturage, sur les 100 millions de trajets existants. Telle est l'ambition que nous continuons de porter.
En ce qui concerne les véhicules, deux moyens sont à portée de main pour décarboner : la motorisation et le poids des véhicules. Le simple passage de SUV thermiques à des SUV électriques ne suffira pas pour accomplir une décarbonation complète. Les malus au poids et les règles en vigueur tiennent compte de cette réalité écologique et économique.
En réponse au rapporteur général concernant l'utilisation des biocarburants d'origine végétale, je tiens à souligner que l'objectif du rapport sur le programme 345 consiste précisément à examiner le rôle que joueront les productions végétales dans le mix énergétique à venir. Ces productions peuvent se transformer en gaz et indéniablement en carburant.
Jean Giraudoux écrivait que « la guerre de Troie n'aura pas lieu » et l'administration doit aujourd'hui se demander si une guerre des usages n'aura pas lieu dans l'exploitation des végétaux.
Aujourd'hui, nous faisons face à des conflits majeurs en matière d'usage de biocarburants, notamment de l'aérien face à l'automobile. Je suis député d'une circonscription où se trouve le siège du principal producteur de margarine et je peux vous assurer qu'il existe des conflits d'usage entre les différents oléagineux destinés à l'alimentation humaine. Les prairies et les champs cultivés pour les oléagineux sont actuellement en concurrence.
Il existe deux manières de parer à la situation et c'est le deuxième message que notre rapport contiendra.
Premièrement, l'analyse révèle que les cultures intermédiaires sont encore très peu développées. Deuxièmement, la question de la forêt devient primordiale.
Le président de la République propose à juste titre de modifier le couvert végétal en favorisant la remontée des espèces et la mutation du hêtre. Cette politique doit être assumée et engagée. Les gestionnaires politiques de ces dernières années, en lien avec l'Office national des forêts (ONF), ont particulièrement délaissé la fonction de puits de carbone assurée par la forêt. Le rapport soulignera le fait que ce rattrapage nécessite l'engagement de tous les acteurs et de toutes les agences au niveau local : de l'ONF aux producteurs privés, jusqu'aux communes forestières.
Concernant l'aide aux véhicules propres, la dynamique d'évolution des véhicules électriques reste significative et conforme aux prévisions.
La situation des voitures électriques est assez favorable, à l'inverse des déceptions anticipées lors du débat sur la rénovation énergétique. Les ménages y ont finalement accordé un intérêt supérieur à ce qui avait été anticipé, ce qui confortera les objectifs 2030 du plan gouvernemental. Des ajustements du dispositif ont été effectués depuis le début de l'année, notamment sur les rénovations globales.
Deux préoccupations majeures semblent se dessiner pour les années qui viennent.
Premièrement, la souveraineté industrielle justifie que le bonus écologique s'oriente davantage vers les véhicules produits en Europe, pour des raisons environnementales en premier lieu.
Deuxièmement, la question sociale demeure essentielle. La progression des ventes de véhicules électriques est principalement stimulée par les achats de véhicules neufs, soit un niveau de dépenses que seuls les ménages les plus aisés peuvent se permettre. Il devient primordial de proposer une offre accessible aux ménages des classes moyennes et populaires. C'est tout l'enjeu du leasing et du développement du marché de l'occasion. À court terme, l'objectif est d'offrir des véhicules neufs à des prix plus abordables et d'alimenter en volumes le marché de l'occasion.
Les achats de véhicules électriques pour des flottes d'entreprises n'ont pas été aux niveaux attendus. Dans les mois qui viennent, nous proposerons divers instruments, pas uniquement budgétaires, en vue de relance de la dynamique d'achats des flottes d'entreprises.
La commission autorise, en application de l'article 146, alinéa 3, du Règlement de l'Assemblée nationale, la publication du rapport d'information de MM. David Amiel et Emmanuel Lacresse, rapporteurs spéciaux.
La commission procède ensuite à la discussion sur la thématique d'évaluation La mobilisation du Fonds vert pour les collectivités territoriales
(Mme Alma Dufour et M. Sébastien Rome, rapporteurs spéciaux)
Chers collègues, le Fonds vert a été institué par la loi de finances de 2023 pour soutenir financièrement la transition écologique des collectivités territoriales.
Le fonds vert succède à des dispositifs spéciaux créés après la crise de la Covid 19, tels que le fonds friches et la Dotation exceptionnelle de soutien à l'investissement local (DSIL). Le lancement du Fonds vert a rencontré un succès notable, incarné par le grand nombre de dossiers déposés et démontrant ainsi l'existence d'un besoin réel.
Avec ma collègue Alma Dufour, notre crainte a été que toutes les collectivités territoriales n'en bénéficient pas de manière équitable et nous avons décidé de nous en assurer en analysant les usages du fonds pour cette année.
En 2023, l'exécution du programme 380 atteste du fait que le Fonds vert a fortement été sollicité. La quasi-totalité des autorisations d'engagement ouvertes a été consommée, soit 2 milliards d'euros, pour un montant de demandes de plus de 5 milliards d'euros.
Le taux d'exécution des crédits de paiement est de 60 %, pour un montant de 300 millions d'euros, soit un taux tout à fait acceptable pour une année de lancement du Fonds vert.
Sur les 17 aides financées, quatre ont particulièrement été plébiscitées : la rénovation énergétique des bâtiments publics locaux (près de 40 % des AE consommées et près 35 % des dossiers acceptés), la rénovation des parcs luminaires d'éclairage public (10 % des AE et près de 26 % des dossiers acceptés), le recyclage foncier (18 % des AE et environ 7 % des dossiers acceptés) et la renaturation des villes et des villages (7 % des AE et 9 % des dossiers acceptés).
Nos hypothèses étaient donc fondées. Le bloc communal est bien le principal bénéficiaire du Fonds vert, mais toutes les communes n'en bénéficient pas de manière uniforme.
Le bloc communal représentait la plus grande partie des dossiers acceptés en 2023, pour une aide de plus de 1,2 milliard d'euros. Les communes, quant à elles, représentaient 60 % des dossiers acceptés, soit plus de 750 millions d'euros. Il apparaît que les communes dont la population est comprise entre 1 000 et 10 000 habitants sont surreprésentées parmi les bénéficiaires. Elles concentrent plus de 40 % des dossiers acceptés, alors qu'elles représentent moins de 26 % des communes et environ 36 % de la population. Les communes de moins de 1 000 habitants sont quant à elles sous-représentées. Les communes de 500 à 1 000 habitants concentrent un peu plus de 11,5 % des dossiers acceptés, bien qu'elles représentent 19 % des communes. Celles de moins de 500 habitants concentrent près de 15 % des dossiers acceptés, alors qu'elles constituent 50 % des communes en France.
Ces inégalités de distribution du Fonds vert entre les communes s'expliquent d'abord par la complexité des dossiers d'aides et le manque d'ingénierie.
Plusieurs maires de communes rurales nous ont signalé des difficultés dans l'utilisation du site Internet organisant le dépôt des dossiers, tandis que Bercy demande des dossiers toujours plus complets.
De surcroît, les dossiers peuvent nécessiter des études coûteuses, ce qui peut dissuader les porteurs de projets, tout comme la méconnaissance des besoins locaux. L'accès à une ingénierie de qualité constitue donc un enjeu essentiel pour l'écologie.
À ce jour, la gestion du Fonds vert est déconcentrée et confiée aux préfets. Nos auditions ont mis en lumière des méthodes différentes selon les départements, les contextes locaux, les besoins spécifiques et la qualité du dialogue entre les acteurs. Pourtant, là où les moyens sont mutualisés, on observe une meilleure fluidité de la répartition des aides, comme dans les préfectures où les moyens de l'État sont ordonnés.
Certaines préfectures, comme celle de l'Hérault, ont d'ores et déjà mis en place des dispositifs efficaces qui pourraient tout à fait inspirer d'autres départements. Il suffit parfois de désigner un agent dédié au Fonds vert, de lui attribuer une ligne directe, pour en faire un guichet unique sur les sujets de son ressort. De même que le Fonds vert gagne en efficacité lorsque les dotations à l'investissement sont gérées de manière globale, en sachant faire un tour de table des financeurs.
À mon sens, il serait pertinent de réfléchir à une dotation globale d'investissements regroupant la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la DSIL et le Fonds vert, en envisageant une clé de répartition basée sur les besoins. L'idée serait de permettre à tous les projets locaux de prendre systématiquement en compte les enjeux de la bifurcation et de l'adaptation écologique.
Ces difficultés de montage des dossiers du Fonds vert nous renvoient immanquablement à l'importance que les services déconcentrés de l'État disposent des effectifs suffisants pour soutenir les collectivités territoriales en ingénierie. C'est pourquoi nous demandons que, lors de la prochaine loi de finances, il soit tenu compte de l'évident besoin de renforcement en effectifs des services déconcentrés de l'État, pour donner ses moyens à la déconcentration souhaitée.
Nous proposons aussi que le Fonds vert contribue aux dépenses de fonctionnement liées à l'ingénierie de mise en place de projets financés par ce fonds, en consacrant systématiquement une part de la subvention à cette ingénierie.
Parmi les multiples inégalités constatées, seulement 3,7 % des dossiers concernent des projets situés en zones de politique de la ville, qui représentent pourtant 8 % de la population et concentrent la pauvreté en France. Ces quartiers ont encore d'énormes besoins d'amélioration des bâtis scolaires, de renaturation, de recyclage foncier ou l'éclairage public. Le Fonds vert ne répond pas aux attentes en matière de solidarité nationale.
En 2023, les petites communes et les quartiers prioritaires ont été sous-financés. Dès la première année, l'utilisation du fonds reflète un espace social scindé entre dominants et dominés. L'écologie devrait pourtant rimer avec justice sociale, mais tel n'est pas encore le cas, a fortiori dans des territoires où se joue l'avenir écologique et économique de notre pays.
La « démétropolisation », contraire à l'esprit de compétitivité et d'attractivité cher au président de la République, vise à favoriser l'écologie comme levier du développement des territoires.
Par ailleurs, la loi de finances pour 2024 a augmenté les crédits du Fonds vert et conforté la dynamique initiée en 2023. Cependant, le décret du 21 février 2024 a annulé 500 millions d'euros d'autorisation d'engagement et par la suite, un surgel de 400 millions d'euros est intervenu. Le montant des autorisations d'engagement disponibles pour l'exercice 2024 a été réduit au point d'être inférieur de 20 % au montant ouvert dans la loi de finances pour 2023 et consommé en 2023.
Cette annulation remet en cause l'ambition affichée dans la loi de finances pour 2024, interroge sur la pérennisation possible du dispositif, la planification du Gouvernement et l'utilisation de l'investissement local comme levier de négociation des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales.
Pour engager des investissements lourds, tels que la rénovation énergétique des bâtiments publics, les collectivités territoriales ont besoin de stabilité et d'une vision pluriannuelle.
Nous proposons que les financements du Fonds vert fassent l'objet d'une contractualisation pluriannuelle avec les collectivités territoriales, pour engager une véritable planification écologique partant des territoires, faisant confiance aux communes, plutôt que de les pénaliser financièrement.
L'épargne nette des collectivités est un élément essentiel de l'investissement écologique. En ce sens, l'investissement sur l'éclairage public était un bon investissement.
Une contractualisation permettrait de planifier le renforcement des ingénieries et d'organiser la mutualisation des communes à l'échelle départementale. Une telle réorganisation serait des plus efficaces pour enclencher les investissements dans la ruralité.
Dans l'objectif constant d'améliorer l'efficacité des investissements publics en matière d'écologie, il nous faut réduire le recours à des cabinets de conseil, souvent inefficaces et coûteux.
Pour une meilleure lisibilité financière des investissements écologiques dans les territoires, nous proposons de rattacher au Fonds vert d'autres crédits, notamment ceux destinés à la mobilité, comme ceux des services express régionaux métropolitains. Ces services visent à encourager l'abandon de la voiture personnelle ou à offrir des alternatives de déplacement à ceux qui n'en possèdent pas. La ruralité et les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sont particulièrement concernés.
Monsieur le ministre, si l'engouement des collectivités territoriales pour le Fonds vert se confirmait, envisagez-vous de revenir sur le surgel de 400 millions d'euros ?
Pensez-vous que cette défaite budgétaire serve la transition écologique ?
En 2023, l'État a pris des engagements envers les collectivités territoriales et a consommé l'ensemble des autorisations d'engagement. Suite à l'annulation de février 2024, disposez-vous de suffisamment de crédits de paiement pour honorer ces engagements ?
Pourquoi considérez-vous que l'investissement dans l'éclairage public constitue un effet d'aubaine, alors qu'il est efficace écologiquement et qu'il permet aux communes de dégager des marges pour investir ?
Comment comptez-vous faciliter la mise en œuvre du Fonds vert dans les petites communes et les quartiers prioritaires ?
Enfin, prévoyez-vous de soutenir ces communes en ingénierie et d'intégrer un volet d'écologie populaire dans les contrats de ville ?
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour ce rapport manifestement élogieux quant au bien-fondé du dispositif et au fait qu'il ait trouvé un public.
Votre analyse me semble toutefois comporter un biais. Vous comparez parfois les pourcentages d'aides accordées à des tranches de communes parfois avec le nombre de communes au sein du total des communes et parfois avec la population. Il se trouve que l'écart est nettement moindre en se référant à la population. Vous indiquez qu'environ 40 % des bénéficiaires se situeraient entre 1 000 et 10 000 habitants, soit environ 36 % de la population. Sur les très petites communes, dont vous indiquez qu'elles représentent 15 % du pays, il convient de tenir compte de leur densité. Nous avons attribué les crédits aux départements selon leur population et toujours dans un souci d'équité.
Pourquoi la déconcentration ? Pour tenir compte du principe de libre administration des collectivités territoriales et du fait que la Nation présente des disparités dont nous avons conscience. En Corse, la priorité est la stratégie nationale sur la biodiversité et la préservation de la nature. Dans les Hauts-de-France, c'est la dépollution des friches. La seule constante de l'ensemble du territoire est le besoin en rénovation thermique des bâtiments, soit 38 % de l'enveloppe globale.
J'en viens à la question de la rénovation de l'éclairage public, dont j'assume pleinement que nous l'ayons inclus dans le dispositif. La raison en est simple.
Sur les 30 millions de points lumineux et les 10 millions de candélabres actuellement identifiés sur notre réseau, seulement 15 % sont équipés en LED. Nous savons pourtant que le passage du thermique aux LED nous permettrait d'engranger une économie globale de 60 %.
En tant que responsable d'une communauté urbaine, j'ai supervisé le remplacement intégral de lampadaires vers une solution thermique, ce qui nous a permis de réaliser 2 millions d'euros d'économies annuelles, avec un retour sur investissement, à l'échelle de la communauté urbaine, qui est atteignable au prix actuel de l'électricité.
Une démarche de cette nature s'avère économiquement équilibrée, contrairement à certaines aides qui ne permettent pas un retour sur investissement. Je pense aux trames noires qui contribuent à la préservation de la biodiversité, aux opérations de déminéralisation qui améliorent le confort et l'adaptation des espaces. Lorsqu'un équilibre économique est possible, il est souhaitable de le poursuivre, en réfléchissant notamment à la dette verte et à la manière de comptabiliser différemment les dépenses d'investissement afin d'éviter des dépenses de fonctionnement ultérieures.
Votre rapport contient des éléments précieux en termes de retours d'expérience, sur les agents dédiés et la fluidité des interactions lorsque les syndicats mixtes ou les départements coopèrent. Vous avez raison de souligner que, dans le cadre du Fonds vert, la qualité des coopérations intercommunales et le rôle que les institutions supra-communales acceptent de jouer sont essentiels pour impulser des projets.
Par exemple, certains départements ont investi dans l'achat de drones pour lutter contre les feux de forêt, en utilisant des crédits du Fonds vert pour acquérir des caméras thermiques et renforcer leurs capacités d'extinction d'incendies, parfois en collaboration avec des communes au titre de la Défense des forêts contre les incendies (DFCI). Ce type de stratégies territoriales me semble être de bonne pratique et à encourager à l'avenir.
Par ailleurs, l'idée d'une sous-consommation par les quartiers prioritaires de la politique de la ville est à nuancer pour deux raisons. Tout d'abord, le temps de montage et de validation des dossiers est assez long dans de nombreuses régions de France. Il est évident que la priorité soit accordée aux projets déjà en cours. Dans de nombreux quartiers prioritaires de la politiques de la ville, les projets en cours bénéficient de financements dédiés : dotation politique de la ville (DPV), dotation de péréquation urbaine (DPU) ou financements de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).
Dans la ville où je suis adjoint, par exemple, nous n'avons pas bénéficié du Fond verts, car nous disposons de 500 millions d'euros de crédits au titre de l'ANRU pour démolir les passoires thermiques et rénover une grande partie des bâtiments sur le plan thermique. Nous avons donc choisi de concentrer les crédits sur des équipements publics situés en dehors de ces quartiers. Paradoxalement, c'est parce que nous investissons davantage dans ces quartiers que nous avons pu orienter le Fonds vert vers d'autres zones.
Notre objectif reste néanmoins que 15 % des crédits du Fonds vert soient dirigés vers les quartiers prioritaires de la politique de la ville, en déterminant les niveaux de financement appropriés entre les quartiers prioritaires de la politique de la ville et ceux de la ruralité.
Vous souhaitez que la DSIL et la DETR puissent compléter ces niveaux et c'est un véritable sujet.
La cohérence de l'action gouvernementale dans ce domaine repose sur trois points.
Le premier point est la mise en place des budgets verts d'investissement dans toutes les collectivités de plus de 3 500 habitants, en collaboration avec l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités (AMF). Pour ce faire, il convient de définir ce que l'on entend par « dépense verte ». Une route utilisée à 20 % par des vélos peut-elle être mise au crédit d'une dépense « verte » ? De la même manière, lorsqu'il s'agit de financer un bâtiment, il importe de déterminer si la rénovation est vraiment écologique ou s'il serait préférable d'en changer l'affectation. Nous travaillons donc à une typologie précise. Une fois cette typologie et cette capacité de classement établies, nous pourrons fixer des objectifs clairs.
Je rappelle ici que les aides aux collectivités territoriales ne sont pas toujours liées à l'écologie. Par exemple, l'accessibilité des bâtiments pour les personnes handicapées, qui représente souvent des coûts importants, nécessite des enveloppes budgétaires flexibles pour accompagner les petites communes. La DETR finance parfois des projets non écologiques, mais qui répondent assurément à des besoins locaux, comme la construction d'une salle communale ou d'un lieu destiné aux jeunes dans des zones qui en sont dépourvues. Ces dépenses sont tout aussi légitimes que celles visant à développer les mobilités douces.
Concernant l'ingénierie, le fait d'instaurer des enveloppes d'ingénierie entraînerait une augmentation du recours à ces cabinets de conseil dont vous redoutiez l'influence excessive. Comme l'ont justement indiqué les orateurs précédents, il importe de mieux structurer l'offre d'ingénierie publique dépendant de l'État : CEREMA, ANCT, Banque des territoires, ADEME et toutes sortes de capacités à même d'offrir un accompagnement adéquat. Je pense qu'un mix est à trouver.
En effet, pour l'élaboration d'un plan climat-air-énergie territorial ou d'un dispositif pour accompagner la conception de projets, il est évident qu'on ne peut uniquement se reposer sur les services de l'État. Il est nécessaire de disposer de partenaires capables d'apporter des éclairages pertinents. À l'inverse, pour d'autres dispositifs, il peut être souhaitable de s'appuyer sur ce portail.
Nous nous rejoignons sur la nécessité d'examiner la réalité de l'État déconcentré.
Les réductions d'effectifs dans la fonction publique, dont j'ai rappelé l'ampleur au cours des dernières années, présentent la particularité d'avoir été d'autant plus fortes que nous nous rapprochions du terrain. Si nous n'inversons pas ce processus, nous resterons dans une forme d'hypocrisie concernant la déconcentration et la décentralisation. De ce point de vue, l'État doit « balayer devant sa porte » et être capable de réorienter, sur le terrain, une partie de ces créations de postes, car c'est là que les besoins d'accompagnement se font sentir.
Monsieur le ministre, permettez-moi de revenir sur l'annulation des crédits pour 2024.
Vous avez souligné que cette situation différait de celle de MaPrimeRénov', car les crédits en question ont été largement utilisés. Or, 20 % des AE et près de 38 % des CP prévus par la loi de finances 2024 ont été retirés du Fonds vert. Le montant des AE disponibles pour 2024 est finalement inférieur de 20 % aux autorisations ouvertes par la loi de finances 2023 et consommées cette année-là.
Cette réduction représente un manque à gagner significatif, surtout au moment où l'on demande aux collectivités territoriales d'intensifier leurs investissements dans la transition écologique ; des investissements lourds qui requièrent une vision pluriannuelle. Cette diminution importante des crédits constitue donc une véritable entaille au budget écologique annoncé. J'attends de vous, monsieur le ministre, une réponse claire sur ce point.
Les crédits de paiement ont diminué de 430 millions d'euros par rapport à l'inscription initiale, passant néanmoins de 300 à 694 millions d'euros.
Nous étions censés atteindre environ un milliard d'euros. Nous avons réduit les crédits de paiement de 430 millions d'euros pour tenir compte de la minoration d'une partie des autorisations de programme, mais nous avons bien deux fois et demi le montant de crédits de paiement, car cela nous semble être le montant sollicité en termes réels.
De plus, les autorisations d'engagement ont été réduites de 500 millions d'euros, passant de 2,499 milliards d'euros à 1,999 milliard d'euros.
Comme l'année dernière, Bercy nous a demandé de ne pas engager la totalité des crédits dès le premier semestre. La part de gel ne s'ajoute donc pas à celle de l'année dernière, mais se trouve être dans la continuité du déblocage progressif des engagements.
Les niveaux d'autorisation d'engagement sont donc identiques et les consignes données aux préfets correspondent exactement à celles des circulaires de l'année précédente.
Le rapport évoque la technique du gel consistant à retenir un pourcentage des sommes, notamment pour de l'investissement, de sorte à pouvoir les activer en cours d'année. Je vous confirme pourtant qu'il n'y a pas de changement de politique par rapport à l'année dernière à la même période. Dans la circulaire envoyée aux préfets il y a quelques semaines, après l'annulation des 500 millions d'euros d'AE et des 430 millions d'euros de CP, nous maintenons un engagement comparable en matière d'investissement, car les besoins ne sont pas en baisse.
Je tiens à apporter une nuance en soulignant qu'il ne faut pas se limiter à l'examen des dépenses de 2023 et penser qu'elles représentent l'ensemble des besoins non satisfaits. D'un stock de 8 000 dossiers, nous étions arrivés à un stock de 5 000 dossiers. Nous avons donc écarté plus de 3 000 dossiers de manière directe. Parmi les 5 000 dossiers restants, tous ne rempliront pas les conditions ou les critères requis pour être retenus au cours de l'année.
Monsieur le ministre, je ne comprends pas très bien votre réponse. Il existe bien un décret d'annulation portant sur des sommes initialement augmentées pour le financement de 2024 et les montants seront finalement inférieurs à ceux adoptés.
Vous êtes président de la commission des finances et donc le mieux positionné pour examiner les montants inscrits, lesquels s'élèvent à 1,999 milliard d'euros en AE et à 694 millions d'euros en CP. Comme l'année dernière, la cible de surgel de 20 % n'est aucunement assimilable à une diminution de l'enveloppe disponible. L'an dernier, le ministère n'avait pas non plus engagé 1, 999 milliard d'euros au 15 mai. Les sommes ont été débloquées progressivement sur l'année, dont une part significative sur la dernière période.
Je ne comprends toujours pas votre explication. Le gouvernement vous a demandé d'annuler 430 millions d'euros pour cette année. Par conséquent, ces fonds n'existeront plus pour le reste de l'année et ne seront pas réintégrés ultérieurement.
Il était prévu que le Fonds vert passe de 2 milliards à 2,5 milliards d'euros. Compte tenu du déficit budgétaire et des écarts constatés, il a été maintenu à un niveau de 2 milliards d'euros. Les crédits d'autorisation d'engagement, pour le soutien aux collectivités territoriales, sont identiques à ceux de l'an dernier. Les crédits de paiement ont été multipliés par deux et demi, car nous devions aussi couvrir les autorisations d'engagement de l'année en cours et honorer les sommes de l'année précédente.
Pourquoi avons-nous baissé les crédits de 430 millions et seront-ils maintenus ? Il faudra les inscrire ultérieurement. Le rapporteur a précisé que nous avions atteint 99,97 % en AE, mais seulement 60 % en CP. Au départ, nous avons repris les 60 % de crédits de paiement observés en 2023 pour l'année 2024, afin d'ajuster la baisse des crédits de paiement. Il est apparu ensuite que nous avions été trop optimistes quant à la vitesse de consommation des crédits, sachant que les subventions sont versées selon les services rendus. Vous remarquerez que les 694 millions d'euros rapportés aux 2 milliards d'euros représentent l'application du principe des 60 % que vous avez noté dans votre rapport.
Je tiens à dire au rapporteur qu'il n'y a aucune honte à se réjouir. Le Fonds vert représente un succès formidable et il est important de le reconnaître. Ce dispositif répond à toutes les attentes.
Vous insistez souvent sur la nécessité d'aider les collectivités territoriales et c'est exclusivement à leur destination qu'il faut pousser la transition écologique. Objectivement, c'est un succès considérable.
Vous vous évertuez à chercher ce qui ne marcherait pas, au motif que les dossiers seraient trop complexes à monter. Or, tel n'est pas le cas. Malgré la complexité prétendue, de nombreuses collectivités ont su en tirer parti. Deux milliards d'euros ont tout de même été engagés, ce qui est absolument colossal.
Il est toujours possible de simplifier davantage. De nombreuses personnes, en particulier des collectivités territoriales, ne souhaitent pas d'appel à projets. Ce n'est pas le cas ici, car il s'agit d'un dispositif de guichet qui s'implémente très rapidement.
En matière de complexité, le ministre a précisé que des structures supra-communales pourraient apporter leur aide. C'est le cas des syndicats d'électrification qui, dans mon département, ont soutenu 30 ou 40 communes, facilitant ainsi les projets des collectivités les plus modestes.
Il importe enfin de rappeler que les investissements des collectivités territoriales ont atteint un record absolu en 2023, soit près de 80 milliards d'euros. Le Fonds vert contribue indéniablement à ce succès.
Il n'y a effectivement pas de honte et je me réjouis que le rapporteur général souligne le succès, l'intérêt et le besoin de pérennité du dispositif.
Monsieur le ministre, j'ai bien compris que les 500 millions d'annulations nous ramenaient au niveau de 2023.
Ces 500 millions d'euros initialement prévus sont néanmoins attendus par les territoires, de la même manière que les DETR et les DSIL. Les collectivités ne disposent aujourd'hui que de marges de manœuvre très réduites pour réaliser des investissements. Un grand nombre de collectivités, notamment les petites communes jusqu'à 10 000 habitants, ne peuvent tout simplement plus investir sans le soutien adéquat. Les collectivités n'ont plus de latitude pour lever l'impôt et ont perdu presque toute autonomie fiscale et dans, le même temps, elles doivent continuer d'investir.
Par ailleurs, monsieur le ministre, il semblerait que, pour allouer des ressources le Fonds vert ne retienne que le seul critère du volume de la population, ce qui me semble de nature à désavantager les départements à faible densité de population. Ces départements ont pourtant des kilomètres de voiries et de nombreuses infrastructures à maintenir. Les services publics en milieu rural sont aussi d'une importance capitale.
Madame Louwagie, je peine comme souvent à me trouver en désaccord avec vous, mais en l'espèce, c'est vous qui êtes en accord avec moi.
Le Fonds vert est une initiative du Gouvernement et aucunement de l'opposition. Je suis donc ravi que vous en défendiez les mérites avec tant de ferveur.
Je partage entièrement l'idée que la limite de la population est l'espace et que son importance devient de plus en plus significative, notamment dans une perspective écologique, que ce soit en matière de forêt ou de stockage.
Toutefois, les collectivités territoriales font face à un tel enchevêtrement et un tel empilement des règles de subventions qu'il convient d'aviser sur ces aspects.
Par exemple, le nombre de kilomètres de voirie est un critère pour déterminer la dotation globale de fonctionnement (DGF). Si l'on utilise ce critère pour le Fonds vert alors qu'il sert déjà à calculer la DGF, on risque d'amplifier les disparités, car les écarts de DGF historiques entre territoires ne s'expliquent pas uniquement par ce critère.
88 % de notre territoire est constitué de communes rurales. Nous avons récemment mis en place, dans le cadre des territoires ruraux, une dotation pour la biodiversité basée sur l'espace, à la demande de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) qui a salué les 120 millions d'euros alloués qui, indépendamment du Fonds vert, représentent un triplement du dispositif de soutien. Le Gouvernement a donc bien pris en compte cette idée de ne plus se concentrer uniquement sur la population et d'intégrer l'espace.
Cette situation soulève des questions sur l'articulation entre les différents niveaux de collectivités et la place de l'intercommunalité. Une intercommunalité fonctionnant de manière collégiale et partageant les responsabilités peut être un relais pour l'investissement. Dans d'autres régions, elle crée des blocages et accentue les difficultés d'investissement.
Je plaide donc, non pas pour la simple évolution d'un paramètre, mais pour une refonte complète du dispositif. Dans la continuité du rapport Woerth et des réflexions menées par le Haut conseil des finances publiques locales, il devient vraiment nécessaire de revoir la structure et l'organisation actuelles.
Monsieur le ministre, le rapport thématique que nous examinons a démontré que, pour sa première année d'existence, le Fonds vert a été un véritable succès.
La quasi-totalité des autorisations d'engagement provisionnés en loi de finances 2023 a été consommée, permettant de soutenir plus de 10 500 projets. Plus de la moitié de ces projets concernent la rénovation des bâtiments et l'éclairage public.
Cependant, il est nécessaire de s'interroger sur l'efficacité du fonds vert au regard des objectifs fixés, à savoir l'accélération de la rénovation énergétique des bâtiments publics locaux et la réduction de 40 % des émissions de CO2 des bâtiments tertiaires d'ici 2030.
La vétusté des bâtiments publics relevant des collectivités, soit 300 millions de mètres carrés, les rend très énergivores. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser la contribution du Fonds vert en 2023, notamment en termes de nombre de mètres carrés rénovés ? L'efficacité des travaux a-t-elle été évaluée ?
Il est désormais établi que l'efficacité énergétique des rénovations globales est supérieure à celle des rénovations au geste par geste, mais pour un coût plus élevé.
Avez-vous tiré des conclusions quant à l'emploi du Fonds vert ? Les critères d'éligibilité intègrent-ils la différence d'efficacité énergétique selon les types de rénovations ?
Parmi les leçons à tirer et dans ce succès, il convient de ne pas oublier l'ampleur de la tâche qui était à réaliser.
Concernant la rénovation des bâtiments, je rappelle qu'en France, environ 40 % des mètres carrés tertiaires de notre pays sont publics, soit environ 400 millions de mètres carrés. L'État en possède environ 100 millions et les collectivités locales près de 280 millions. J'arrondis le chiffre légèrement à la hausse pour inclure les syndicats et autres structures dont l'impact n'est pas précisément mesuré.
Il existe actuellement un véritable écart dans les moyens que nous consacrons à la rénovation des bâtiments, notamment au travers du dispositif MaPrimeRénov' et notre volonté d'aller vers des rénovations globales et collectives.
L'Assemblée nationale et le Sénat ont fait un premier pas avec le dispositif de tiers financement qui rencontre ses premières réalisations avec la métropole d'Orléans et au sein d'Action Logement. Par ces dispositifs, le remboursement des emprunts se fait par les économies d'énergie réalisées tout au long de la vie, en s'appuyant sur des mécanismes permettant d'éviter des décaissements. Je crois profondément en ce type d'approche, surtout dans des modèles publics, y compris pour les bailleurs sociaux, en s'appuyant sur des structures ou sur des véhicules dédiés qui dépendent des collectivités territoriales qui en sont les propriétaires.
Pour plusieurs territoires, nous avons entrepris d'associer le soutien à la rénovation énergétique à l'efficacité des travaux réalisés et au pourcentage de réduction des consommations énergétiques. Décarboner un bâtiment inutilisé favorise assurément son étiquette énergétique, mais sans impact sur son prix, il perd en efficience et en efficacité.
Les taux d'occupation des bâtiments publics affichent des disparités considérables. Si les gains énergétiques ont été pris en compte dans la plupart des territoires, les retours d'expériences montrent que ce critère n'a pas systématiquement été appliqué, malgré l'incitation forte à atteindre un niveau de 40 % de réduction énergétique pour bénéficier du soutien maximal.
Monsieur le ministre, ma question concerne la sous-représentation des petites communes dans les opérations d'investissement au titre du Fonds vert.
Dans mon département, le préfet agit comme guichet unique et s'arrange pour financer les besoins exprimés par les communes, en respectant les règles de l'ensemble des fonds qu'il distribue. Les communes rurales, qui disposent de friches, ne sont pas prioritaires.
Pour revenir sur l'une des propositions de notre rapporteur, pour ma part, je ne suis pas convaincu que les maires ruraux souhaitent vraiment la fusion de la DETR et des DSIL. Cela ne ferait que permettre aux grandes collectivités de capter l'essentiel des ressources publiques, ce qui ne me semble pas être la bonne direction. Ma première question est donc celle de l'aide à l'investissement des communes rurales.
Ma deuxième question s'avère être plus personnelle, sans nécessairement refléter la position de mon groupe. J'ai compris que vous aviez conclu un accord avec les maires ruraux pour prendre en charge certaines dépenses de fonctionnement. Envisagez-vous de financer des dépenses récurrentes ou simplement quelques initiatives ponctuelles ?
La dotation « biodiversité » devient une composante complémentaire à la dotation globale de fonctionnement. Ce dispositif n'est pas ponctuel, mais s'inscrit dans la durée.
Initialement destiné aux communes bénéficiant d'un classement en Parc naturel régional (PNR), nous avons décidé de l'étendre en considérant que la préservation de la biodiversité ne se limitait pas aux zones labellisées, mais dépendait aussi à la capacité à accompagner des territoires nécessitant une gestion d'espaces significatifs.
Jusqu'à présent, trop de dispositifs reposaient uniquement sur le nombre d'habitants. Nous sommes désormais dans une approche durable. Pour rappel, les sommes allouées s'élèvent 100 millions d'euros, à comparer aux 2 milliards évoqués. Les échelles ne sont évidemment pas les mêmes.
Concernant la DETR et la DSIL, je partage totalement votre point de vue et la réponse que j'ai apportée allait dans ce sens.
Ensuite, nous avons particulièrement soutenu les rénovations des réseaux d'éclairage électriques lorsqu'elles étaient portées par des syndicats départementaux, car cela facilitait une diffusion plus large sur le territoire et réduisait les coûts de l'opération. Il n'est pas toujours rentable d'intervenir sur un réseau d'éclairage public lorsque seuls quelques mâts sont concernés. Une approche plus large permet d'optimiser les dépenses.
Monsieur le ministre, je souhaiterais aborder la question des bornes de recharge. La plupart des bornes de recharge disponibles sont très lentes. Il serait essentiel de mettre en place des dispositifs pour accélérer le rechargement. Par ailleurs, je m'inscris en faveur d'une plus grande transparence dans la tarification.
Votre collègue M. Jean-Louis Bricout réfléchit actuellement à une proposition de loi spécifique sur les bornes de recharge. Cette initiative vise à objectiver les données, à créer un observatoire et à clarifier les différents éléments en jeu. Plusieurs aspects de cette réflexion nous semblent pertinents et aller dans le bon sens.
Une légère réserve subsiste concernant la transparence des prix et leur mode de fixation, notamment en fonction des pics de consommation.
Une autre difficulté réside dans la distinction entre recharge rapide et non rapide. Il importe enfin également d'éviter que des véhicules restent stationnés au-delà du temps nécessaire à leur recharge. Cela pose un problème particulier dans certains endroits où, contrairement aux stations-service, le paiement se fait au temps et non au kilowattheure, ce qui complique l'affichage des tarifs.
Aussi faut-il tenir compte des problèmes d'espace mentionnés précédemment. Il est impératif de rester vigilant à ce que l'extension du nombre de bornes n'augmente pas trop l'artificialisation.
L'augmentation du nombre de bornes de recharge rapide progresse plus rapidement, en pourcentage, que celle des bornes de recharge normale.
Monsieur le ministre, Bercy semble excédé par les questions écologiques et dès l'automne, vous risqueriez d'éprouver une certaine dissonance cognitive en tant que ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Je me propose de vous en faire la démonstration en reprenant les éléments évoqués par le président Coquerel.
En 2023, le Fonds vert était doté de 2 milliards d'euros en AE et de 450 millions d'euros en CP. La loi de finances de fin de gestion a ensuite annulé 50 millions d'euros de CP.
Les besoins sont pourtant immenses, comme l'ont souligné tous mes collègues. Sur les 18 000 dossiers déposés au titre du Fonds vert, 57 % ont été subventionnés pour un montant total de 2 milliards d'euros, ce qui a presque entièrement consommé l'enveloppe prévue.
Cependant, près de 9 % de ces dossiers ne respectaient pas la seule condition d'éligibilité posée par le projet de loi de finances, à savoir un seuil minimum de 30 % d'économie d'énergie pour les projets de rénovation des bâtiments. Cette situation est d'autant plus préoccupante que ce seuil est inférieur aux objectifs de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement de l'aménagement et du numérique, qui le fixe à 40 %. La Cour des comptes a également souligné, à juste titre, « une absence de données sur la performance énergétique des bâtiments avant rénovation, rendant impossible l'appréciation du ciblage des bâtiments les plus énergivores ».
Comment justifiez-vous ces lacunes dans la gestion du Fonds vert, tout en prétendant à une transition écologique efficace en dépensant des milliards sans garantie d'efficacité énergétique et sans disposer des fonds nécessaires pour couvrir l'ensemble des besoins ?
Vous vous félicitez d'avoir inclus l'éclairage public dans le Fonds vert. Cependant, des effets d'aubaine ont été observés, notamment dans la rénovation des parcs de luminaires, avec des financements atteignant parfois 80 %. Vous avez de vous-même fixé le plafond de prise en charge à 20 % à partir de 2024.
Enfin, la plupart des projets financés n'étaient pas inscrits aux contrats pour la réussite de la transition écologique, ce qui interroge quant à la cohérence de ces investissements. Ces problèmes de gestion sont encore exacerbés par les coupes budgétaires prévues pour 2024, réduisant le financement à 430 millions d'euros, ce à quoi s'ajoute la menace d'un gel de 430 millions supplémentaires. Je cite un titre de la Gazette des communes : « Le Fonds vert pris dans l'étau des restrictions budgétaires ». Peut-être que Bercy ne vous a pas encore informé…
Comment comptez-vous remédier à ces manquements et garantir une utilisation efficace des fonds verts pour la transition écologique ?
Permettez-moi pour vous répondre, Mme Arrighi, de reprendre le champ lexical de la « dissonance cognitive » en soulignant le fait que vous tenez peut-être des propos contraires à ceux du rapporteur en raison des responsabilités que vous assumez par ailleurs. Après avoir critiqué le maintien d'un dispositif de soutien à l'éclairage public, alors que le rapporteur a proposé de maintenir les effets d'aubaine sur ces réseaux, vous venez de lui adresser une forme de tacle, démontrant le besoin évident de dialogue entre vous. Voilà qui témoigne de possibles « dissonances cognitives » au sein de la NUPES et dont la presse, y compris la Gazette des communes, s'est fait l'écho.
Vous défendez le soutien aux collectivités territoriales alors que votre parti, en 2012, en soutenant François Hollande, avait décidé de réduire de 10 milliards d'euros la dotation globale de fonctionnement. Pour les 36 000 maires de ce pays et les centaines de milliers d'élus locaux, votre rire est un manque de respect qui s'ajoute à l'ironie de vous voir défendre les moyens des collectivités territoriales après les avoir réduits comme jamais.
En relayant un discours ne correspondant pas à la réalité de terrain et encore moins aux subtilités locales, vous insinuez une certaine mauvaise gestion des collectivités locales. Vous vous basez sur une baisse de seulement 30 % pour affirmer que nous n'aurions pas été capables d'accompagner les uns et les autres et sous-entendez au passage que les élus locaux auraient mal travaillé, ce qui est doublement insultant, Mme Arrighi.
Vous laissez croire que la gestion au niveau local sera mauvaise, sans vous rendre compte que la situation est plus complexe. Vous manquez doublement la cible en visant votre collègue rapporteur et en soulignant les incohérences au sein de votre propre groupe. Vous prétendez certaines choses et refusez ensuite de mettre en œuvre les solutions proposées. Mais après tout, c'est votre marque de fabrique.
Je me permets de rappeler à monsieur le ministre que le président Emmanuel Macron a été secrétaire général de l'Élysée puis ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sous la présidence de François Hollande.
Chers collègues, je suggère que l'on se dispense de ce type de déclarations en commission des finances.
Je précise simplement à madame Arrighi, comme indiqué dans mon propos liminaire, que les 430 millions d'euros ne sont pas menacés d'être à nouveau doublés. Ces 430 millions conduisent au total de 694 millions d'euros de crédits de paiement.
Monsieur le ministre, vous êtes suffisamment à l'aise avec les chiffres pour savoir que les comparaisons doivent toujours être contextualisées. Il est essentiel de comprendre ces données dans leur contexte, qu'il s'agisse de la population ou du nombre de communes.
Nous attendons encore les montants répartis par commune pour avoir une vision complète de ce qui a réellement été distribué dans les territoires.
Tout dépend évidemment des objectifs. Le coût par habitant de l'éclairage public en milieu rural est nécessairement plus élevé, de même qu'une action sur la biodiversité coûtera plus cher en zone rurale. À l'inverse, les coûts de renaturation seront plus significatifs en ville. Il importe de toujours préciser les contextes dans lesquels ces chiffres sont présentés.
Concernant la politique de la ville, une attention extrêmement particulière est requise, car les besoins en investissement écologique y sont particulièrement élevés.
La déconcentration nécessitera davantage de moyens en ingénierie, surtout face aux défis à venir. Les communes de moins de 3 500 habitants, qui détiennent le plus d'épargne nette, sont paradoxalement celles qui ont le moins investi grâce au Fonds vert. Cela signifie qu'il faut cibler les investissements dans ces communes qui représentent 50 % du total. Il est nécessaire de mobiliser des ressources en ingénierie pour que ces communes débloquent les investissements nécessaires, notamment pour les bâtiments ou les friches présentes sur leur territoire.
Enfin, je m'inscris en faux concernant les investissements qui pourraient ne pas sembler relever de l'écologie.
En matière d'accessibilité par exemple, il est tout à fait possible de structurer les marchés de manière écologique et de faire en sorte que chaque collectivité prenne en compte une variable écologique dans ses dossiers pour bénéficier de subventions.
Après six ans, nous avons enfin investi dans ce domaine, ce qui était bien nécessaire compte tenu du retard accumulé. Les demandes se sont élevées à 5 milliards d'euros. Certes, toutes n'étaient pas matures et certaines résultaient d'effets d'aubaine, mais les besoins en investissements écologiques des collectivités territoriales sont tout de même bien supérieurs selon l'Institut de l'économie pour le climat. Il nous reste donc un écart à combler pour répondre aux enjeux résultant des accords internationaux.
Nous avons franchi une première étape, mais il en reste encore plusieurs à accomplir.
Le recul observé cette année ne va pas encourager les collectivités à investir davantage, sauf si nous mettons en place des contrats pluriannuels de nature à inciter les communes à s'engager sur le long terme.
La commission autorise, en application de l'article 146, alinéa 3, du Règlement de l'Assemblée nationale, la publication du rapport d'information de Mme Alma Dufour et M. Sébastien Rome, rapporteurs spéciaux.
La commission procède enfin à la discussion sur la thématique d'évaluation État d'avancement de la mise en œuvre du Fontenoy du maritime par l'École nationale supérieure maritime
(Mme Christine Decodts, rapporteure spéciale)
Mes chers collègues, notre dernière thématique d'évaluation porte sur l'état d'avancement de la mise en œuvre du Fontenoy du maritime par l'École nationale supérieure maritime, thème retenu par Mme la rapporteure spéciale Christine Decodts. Nous accueillons M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité.
En novembre 2020 a été lancée une large concertation, le Fontenoy du maritime, dans l'objectif de renforcer la compétitivité du pavillon français et, plus généralement, la place économique et industrielle maritime française. Puisque 90 % des marchandises transitent par la mer, la marine marchande représente un outil au service de notre souveraineté nationale pour garantir nos approvisionnements et nos exportations, très dépendants du transport maritime.
Pour répondre à cet objectif, un plan ambitieux a été élaboré, prévoyant particulièrement le développement de l'emploi et des compétences. Le Fontenoy du maritime fixait l'objectif de doubler le nombre d'officiers navigants de la marine marchande à l'horizon 2027. Cette décision a par la suite été confirmée lors des Assises de l'économie de la mer à Nice en 2021, où le Président de la République a appelé à refaire de la France une grande puissance maritime et à accélérer la transition écologique des navires. Il précisait que l'activité était sous tension du fait d'un manque d'officiers de marine marchande et a annoncé la volonté de doubler le nombre d'officiers sortant de l'École nationale supérieure maritime (ENSM).
Près de quatre années après le lancement du Fontenoy du maritime, en qualité de rapporteure spéciale pour le domaine des affaires maritimes, il m'a semblé pertinent, au titre du printemps de l'évaluation, de proposer un point d'étape sur la mise en œuvre du Fontenoy par l'ENSM.
Le rapport s'appuie sur les auditions de la direction de l'ENSM, des représentants des enseignants, des représentants des élèves et anciens élèves, de l'inspection générale des affaires maritimes, de la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture, ainsi que d'Armateurs de France. Il me semblait en effet nécessaire d'écouter toutes les parties prenantes.
En premier lieu, je vous propose quelques éléments concernant l'ENSM, seule école à former des officiers de marine. Les élèves sont formés pour devenir les futurs capitaines, chefs mécaniciens, ingénieurs en génie maritime d'une marine marchande devant relever le défi de la transition écologique.
Les mesures nécessaires ont été déployées afin d'assurer le respect de la convention internationale sur les normes de formation, à la suite notamment du rapport de l'inspection générale des affaires maritimes en 2022, afin de garantir la diplomation des élèves. Les installations de l'École sont réparties sur quatre sites : Le Havre, où est situé également son siège, Saint-Malo, Nantes et Marseille. Elle assure des formations initiales et des formations professionnelles par l'intervention de 124 professeurs permanents et 92 vacataires. Afin de satisfaire l'objectif du Fontenoy du maritime, le nombre d'élèves accueillis est en hausse. L'École accueille à ce jour 1 406 élèves contre 1 056 en 2021. Les perspectives d'accueil pour le futur sont les suivantes : 1 497 élèves en 2025, 1 541 élèves en 2026, 1 568 élèves en 2027.
Je vous propose d'en venir maintenant aux éléments du bilan d'étape. L'objectif fixé par le Fontenoy du maritime est ambitieux. Il s'agit pour l'École de former 446 officiers à l'horizon 2027, alors qu'elle n'en a formé que 222 en 2021. S'agissant de l'atteinte de cet objectif, l'ENSM respecte à ce jour la trajectoire fixée. En 2020, 222 officiers de marine sortaient de l'École ; ils seront 348 en 2024, 398 en 2025, 425 en 2026 et 446 en 2027. Deux tiers des diplômés sont issus de la formation initiale.
L'implication des représentants d'Armateurs de France au conseil d'administration et les échanges permanents organisés par l'École avec eux garantissent une adéquation des enseignements à la réalité des besoins rencontrés. Ainsi, à la sortie de l'ENSM, 95 % des élèves sont recrutés dans un délai moyen d'à peine un mois, alors que six mois en moyenne étaient nécessaires pour l'accès à l'emploi des bac + 5 en 2023, selon l'Association pour l'emploi des cadres (APEC).
Les crédits attribués au titre de l'action 2 Emplois et formations maritimes du programme 205 Affaires maritimes, pêche et aquaculture ont permis à l'ENSM de tenir l'objectif. Elle est dotée, au titre de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 (LFI 2024), d'une subvention pour charges de service public de 25 millions d'euros. Il convient également d'ajouter que cette subvention n'a pas été indexée au regard de l'inflation. L'ENSM dispose en outre de ressources propres : la taxe d'apprentissage (0,7 million d'euros), les frais de scolarité (1,2 million d'euros) et des recettes de formation continue (2,25 millions d'euros).
Elle fait également preuve du souci permanent de développer ses ressources. Elle a ainsi lancé une fondation avec quatre objectifs principaux : renforcer la visibilité des métiers de la mer et les promouvoir auprès des jeunes ; favoriser la promotion sociale et la diversité ; participer à la réduction de l'impact environnemental et renforcer la recherche ; diffuser le modèle de formations à l'international.
S'agissant des investissements, en 2024, l'ENSM bénéficie de 2 millions d'euros d'autorisations d'engagement ouvertes en 2023 pour 5,5 millions d'euros. Cette subvention a permis à l'École d'augmenter sa capacité d'accueil et ses moyens pédagogiques pour accompagner l'augmentation du nombre d'élèves. Des travaux restent à accomplir, notamment ceux permettant d'augmenter la capacité d'accueil du site de Marseille.
L'ENSM a aussi vu son plafond d'emplois régulièrement augmenté depuis 2022 pour atteindre 239 équivalents temps plein (ETP) au titre de la LFI 2024. J'ai soutenu par amendement la demande qui visait à augmenter le plafond d'emplois en 2024, initialement fixé par le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 à 237 ETP.
Deux points me semblent essentiels à ce sujet. Tout d'abord, l'ENSM a accordé toute l'attention nécessaire pour atteindre les plafonds d'emplois au titre de 2023 et 2024. J'insiste sur ce point, car cela n'était pas le cas lors des années précédentes. Dans sa gestion des ressources humaines, elle veille à ne pas renouveler systématiquement tous les postes vacants, préférant, dans le cadre du plafond d'emploi, orienter ses recrutements sur les postes d'enseignants.
La poursuite du relèvement de ce plafond d'emploi est incontournable pour atteindre l'objectif du Fontenoy du maritime, tant en matière d'enseignants que de fonctions de soutien à la scolarité. Deux chiffres doivent être retenus : 1 056 élèves en 2020 et 1 568 élèves en 2027. L'objectif initial de doublement du nombre d'officiers de marine nécessitera neuf ETP supplémentaires à compter de 2025. Cet objectif répond à une problématique simple et cohérente.
Notre pays a besoin d'officiers de marine, car le transport maritime continue de se développer et de se professionnaliser. L'ENSM y prend sa part de responsabilité en étant au rendez-vous de l'objectif du Fontenoy du maritime au moment où je vous présente cette synthèse du rapport. Notre pays a su faire grandir son commerce maritime sous pavillon français, soyons-en fiers.
La marche en 2025 est haute, mais essentielle à franchir, notamment s'agissant du plafond d'emplois. Comme je l'ai indiqué, l'ENSM fait état d'un besoin de neuf ETP. Il nous faudra aussi, sans doute, reconsidérer la subvention pour charges de service public et continuer à soutenir l'École par des subventions d'investissement. Il ne s'agit aucunement dans mon propos d'anticiper les débats que nous aurons lors des futures discussions à venir sur le projet de loi de finances pour 2025. Simplement, si nous voulons que l'objectif du Fontenoy du maritime soit respecté par l'ENSM, il nous faudra étudier les réponses adaptées pour ne pas mettre en jeu, ni la reconnaissance de la flotte de commerce sous pavillon français (431 navires à ce jour), ni l'enjeu majeur de notre neutralité carbone d'ici 2050.
Je suis très heureux d'être parmi vous pour ce nouveau printemps de l'évaluation parlementaire. Il s'agit d'un moment important pour le suivi des votes du Parlement et pour la tenue des engagements que nous prenons collectivement, afin de mieux préparer les budgets futurs.
Je vous remercie, Mme la rapporteure spéciale, d'avoir retenu l'enjeu de la mise en œuvre du Fontenoy du maritime par l'ENSM, ainsi que pour la qualité de votre rapport. J'ai eu l'occasion d'échanger aussi avec les acteurs de l'écosystème qui portent également ces sujets de formation maritime, et je crois pouvoir dire qu'ils se réjouissent de ce rapport pour préparer les futures échéances budgétaires. Vous avez produit un travail très précis, car derrière le Fontenoy du maritime et sa mise en œuvre par l'ENSM, il existe des enjeux d'emploi, d'attractivité, de développement de nos territoires et des enjeux de souveraineté maritime.
Le Fontenoy du maritime a été engagé en 2021 pour redynamiser et améliorer la compétitivité du pavillon français au sortir de la crise de la covid-19, avec trois axes clés : définir une stratégie de renouvellement de la flotte pour assurer la transition énergétique du secteur ; développer la compétitivité et l'employabilité des marins français ; renforcer l'industrie maritime, les chantiers navals et la déconstruction maritime. Le secteur du transport de marchandises est particulièrement compétitif, l'activité est particulièrement cyclique et marquée par une forte volatilité. La France est en outre le deuxième espace maritime au monde.
Cette concertation inédite a permis de développer un plan d'action pour conforter notre position dans le commerce mondial et le secteur économique maritime. Le Président de la République a pris l'engagement en 2021 de doubler le nombre d'officiers formés par l'ENSM d'ici 2027, en passant d'un peu plus de 200 diplômés navigants à 450 diplômés chaque année. Cette trajectoire est donc le fruit du travail d'une concertation avec tous les acteurs et s'inscrit dans la dynamique de reprise de la flotte de commerce française à la suite de la crise de la covid-19. Elle est aussi issue des études prospectives réalisées par les armateurs, appuyées par les services de mon ministère.
Je souhaite revenir sur trois éléments importants. Premièrement, nous avons tenu et nous tenons le calendrier, c'est-à-dire les engagements en matière d'ETP, de moyens financiers et d'élèves diplômés de cette école. Deuxièmement, nous avons tenu le calendrier en matière d'investissements et de moyens déployés, et aussi de restructuration. Troisièmement, nous allons déployer, dans le cadre du contrat d'objectifs et de performance de l'ENSM, cet objectif prioritaire, à travers plus de 150 actions assorties d'indicateurs de réalisation précis.
Le contrat d'objectifs et de performance de l'ENSM vise principalement à doubler le nombre d'officiers, à restructurer l'École autour de quatre sites et à mettre en œuvre de nouvelles matières, pour assurer l'adaptation des métiers à la transition écologique et énergétique, ainsi que l'implication du secteur privé. Entre 2021 et 2024, nous avons déployé 40 % de financements supplémentaires, faisant passer la subvention pour charges de service public de 18 millions d'euros à un peu plus de 25 millions d'euros, l'objectif pour 2027 étant établi à 27 millions d'euros.
Au-delà de la subvention pour charges de service public, nous avons aussi augmenté les ETP : cinq ETP supplémentaires en 2023 et deux autres en 2024. Je remercie à ce titre Mme la rapporteure spéciale d'avoir porté, avec d'autres députés, des amendements qui ont permis d'obtenir ceux-ci. L'année 2025 marquera une marche importante, avec une nouvelle augmentation du plafond d'emplois à hauteur de neuf ETP, mais aussi la mise en œuvre de ce contrat d'objectifs et de performance, qui demandera un ajustement en fonction de la trajectoire définie en 2021.
Je souhaite également saluer François Moncany, président du conseil d'administration et François Lambert, le directeur général de l'École, pour l'attention portée ces trois dernières années à la maîtrise des dépenses. Dans le cadre de ces augmentations de moyens budgétaires, nous prévoyons également des mutualisations pour optimiser son organisation et répondre à la demande du corps social dans la gestion des priorités de l'École, qui ont été trop longtemps négligées.
Nous sommes donc au rendez-vous de nos engagements sur le calendrier, les moyens financiers et le personnel. Nous allons continuer de déployer cette trajectoire ambitieuse grâce au soutien de l'Assemblée nationale, afin de faire de la France un territoire qui embrasse véritablement son destin maritime.
Par ailleurs, au-delà de l'ENSM, nous avons la chance d'avoir en France des lycées professionnels maritimes, une voie d'excellence permettant d'orienter les élèves vers cette École. Nous avons ainsi initié des réformes de l'enseignement professionnel que nous avons déployées dans les douze lycées maritimes dès 2019, ce qui nous a permis de consolider notre capacité à former des officiers.
Nous avons renforcé la formation des baccalauréats, dont le niveau de brevet reste inférieur aux besoins exprimés par les armateurs effectuant une navigation internationale. Nous avons également créé de nouveaux diplômes, comme le BTS mécatronique navale, qui permet de former aujourd'hui dans deux lycées maritimes (Paimpol et Nantes) des officiers de machines pour ces navires imposants. Enfin, nous allons créer un BTS « pont » pour conduire nos élèves au niveau « officier passerelle » en deux ans après le baccalauréat.
Pour continuer à accélérer cette ambition de formation d'officiers, nous allons également simplifier les exigences de formation, en réduisant le nombre de certificats spécifiques. En outre, nous allons continuer d'améliorer la promotion sociale au sein de la marine marchande en facilitant la formation interne des marins au sein des compagnies, pour leur permettre d'atteindre un niveau d'officier. Enfin, nous allons favoriser les passerelles avec d'autres navigants, issus par exemple de la marine nationale ou du sport de haut niveau, pour la validation des acquis de l'expérience.
En conclusion, nous avons tenu nos engagements et nos promesses en matière de calendrier et de moyens financiers. Nous croyons en l'avenir maritime de notre pays et dans cette flotte de commerce. Nous voulons déployer une stratégie économique maritime, dans le cadre de France Mer 2030, qui s'appuie sur une flotte, des moyens et des marins. Nous souhaitons développer industrie maritime et des formations qui sont adaptées à la transition écologique et énergétique, ainsi qu'à la nécessité de construire une puissance maritime.
Mon mouvement considère depuis des années que l'économie maritime représente l'avenir de la France et que nous sommes effectivement très en retard par rapport au potentiel imaginable dans tous les domaines maritimes. Le chef de l'État a par exemple aujourd'hui réaffirmé le plan de développement de l'éolien en mer, qui nécessite naturellement des marins.
Pour ma part, je pense qu'il faudrait engager le développement d'un lycée maritime par département maritime en France. Je remercie Mme la rapporteure spéciale pour son travail et rappelle que l'année dernière, un de ses amendements a permis d'augmenter le plafond d'emplois accordé à l'ENSM, pour atteindre finalement 239 ETP. Pouvez-vous nous rassurer sur le fait que ce plafond d'emplois sera respecté en 2024 et consolidé par la suite ?
Nous mettons un accent nécessaire sur l'ensemble des sujets de l'économie maritime, qu'il s'agisse de l'exploration marine, de la pêche ou de la souveraineté énergétique. À titre d'exemple, un pays de tradition maritime comme le Portugal ambitionne de disposer de 15 gigawatts (GW) de puissance éolienne en mer, quand l'objectif français consiste à avoir 50 GW en 2050. Dans le cadre du travail de planification maritime en cours, nous voulons connecter, territoire par territoire, le déploiement de l'éolien en mer avec celui de zones d'activités de pêche, de cultures marines, de tourisme et l'offre de formations, notamment avec les régions ou des formations ad hoc déployées avec les entreprises. Je pense notamment aux régions Pays-de-la-Loire et Provence-Alpes-Côte d'Azur.
La création d'un lycée maritime par département peut s'étudier, mais sachez que nous n'avons pas chômé depuis un an et demi, en compagnie des collectivités, pour créer de nouvelles formations maritimes, et notamment de nouveaux lycées. À titre d'exemple, nous avons financé à hauteur de 60 millions d'euros un lycée maritime à La Réunion. De même, nous avons créé en Guyane un premier CAP maritime, qui verra le jour en septembre 2024. Enfin, en Polynésie française, il n'existait pas de formations à la hauteur sur la pêche, la construction navale et la maintenance des navires, alors que ce territoire représente 50 % de notre zone économique exclusive. Nous allons donc lancer avec Moetai Brotherson un centre de formation des métiers de la mer.
S'agissant des plafonds, nous avons pour objectif de tenir la trajectoire en matière d'emplois et de moyens budgétaires. Nous serons au rendez-vous, comme nous l'avons été depuis trois ans, en matière d'autorisations d'engagement (AE) et de crédits de paiement (CP), jusqu'en 2027.
Je tiens d'abord à saluer la qualité du travail de Mme la rapporteure spéciale, qui permet de réaliser un point d'étape sur la mise en œuvre du Fontenoy du maritime. Je partage évidemment cette ambition de faire de la France une puissance maritime et me félicite que le calendrier et la trajectoire soient respectés pour tenir les objectifs du Fontenoy du maritime.
Ce regroupement des quatre sites, cette rationalisation de l'ENSM sont-ils aboutis ou demeure-t-il des marges de progression dans ce domaine ? Vous notez par ailleurs que les investissements immobiliers ont été engagés, mais qu'ils doivent être complétés. À quelle hauteur ce complément doit-il être envisagé ? Ensuite, il est également question de la promotion sociale et de la mixité sociale. Qu'en est-il pour les personnes en situation de handicap ? Enfin, vous évoquez la question des ressources propres. Quelle est leur part dans le budget global et quel est l'usage de ces ressources propres pour l'ENSM ?
Tout d'abord, il ne s'agit pas tant d'une rationalisation que d'un regroupement, axé autour d'une culture commune. Aujourd'hui, un élève a par exemple la possibilité de commencer son cursus à Saint-Malo et de le terminer à Marseille. Nous avons pour ambition d'avoir sur nos différentes façades maritimes une implantation de cette École, qui a vocation à s'inscrire dans le paysage de l'économie maritime. Le site de Saint-Malo sera d'ailleurs inauguré au mois de juin et nous vous y convions naturellement. Dans le cadre du contrat d'objectif et de performance, nous allons poursuivre cette action, notamment pour améliorer les conditions de travail de nos élèves et du corps enseignant.
Les conditions très spécifiques pour l'embarquement ne facilitent pas toujours l'inclusion de personnes handicapées. Cependant, ces handicaps sont de natures très diverses et nous avons lancé une campagne « La mer embauche » en 2023, qui a très bien fonctionné. Elle s'adresse à la fois aux parents et à ceux qui s'engagent dans ces métiers maritimes, pour mettre en lumière les opportunités. Les dimensions de cette campagne de promotion des métiers de la mer portent sur la diversité des métiers, dans un cadre inclusif, en prenant en compte les urgences sociales que nous connaissons parfois dans nos territoires.
Nous mettons également l'accent sur l'égalité femmes-hommes et particulièrement l'adaptation des conditions d'embarquement aux réalités des femmes, notamment quand elles sont enceintes. Nous avons organisé plusieurs réunions avec des associations, pour continuer à améliorer cette égalité femmes-hommes dans le milieu maritime. Nous avons besoin de femmes sur les bateaux.
Avez-vous pu bâtir une évaluation des besoins d'emplois à venir, compte tenu notamment de la pyramide des âges existant dans les différents métiers, pour adapter l'offre de l'École aux besoins ? Ensuite, vous avez évoqué l'égalité femmes-hommes et le besoin de femmes sur les navires. Comment se répartissent aujourd'hui les femmes et les hommes dans ce domaine et comment cette parité évolue-t-elle ?
Il y a environ entre 15 % et 20 % de femmes dans ces métiers, mais cette proportion varie selon les différents secteurs. On dénombre un peu plus de femmes dans la marine nationale, à peu près 18 % dans la flotte de commerce, mais cette part est plus faible dans la pêche. Notre ambition consiste à augmenter le nombre de femmes dans le monde maritime, ce qui nécessite une sensibilisation et une adaptation des conditions d'embarquement et des campagnes pour promouvoir la diversité de ces métiers.
Le besoin en emplois est estimé à 5 000 personnes d'ici 2030. Pour vous donner un ordre d'idée, CMA-CGM mettra vraisemblablement en service quatre-vingt-cinq nouveaux navires supplémentaires. Chaque navire nécessite entre six et dix officiers à bord. En plus de l'ENSM, il est nécessaire de disposer de formations grâce aux lycées maritimes, mais aussi des formations ad hoc, dans le cadre de la valorisation des acquis de l'expérience.
Nous considérons nous aussi que le maritime constitue un pôle crucial de notre économie, notamment à travers le transport de marchandises et la pêche. Le secteur maritime s'est renforcé grâce à la mise en œuvre d'initiatives significatives comme le Fontenoy du maritime.
Des fonds importants ont été engagés pour abonder le programme 205 et l'action 4 Action interministérielle de la mer, afin de soutenir économiquement les professionnels de la mer. Cependant, des questions demeurent quant à l'efficacité de l'utilisation de ces fonds et l'impact des mesures fiscales coûteuses telles que la taxation au tonnage, par exemple. La sur-exécution des budgets, bien que reflétant une capacité à mobiliser des ressources supplémentaires, pose des questions importantes sur la précision de notre planification budgétaire. Ensuite, les retards dans l'utilisation des fonds de concours pourraient indiquer des problèmes dans la mise en œuvre des projets.
Quelles sont les prochaines étapes pour atteindre les objectifs fixés initialement dans le Fontenoy du maritime ? Enfin, étant donné l'augmentation substantielle du coût de la taxation au tonnage, pouvez-vous nous préciser comment cette mesure soutient concrètement la compétitivité des armateurs français face aux enjeux budgétaires actuels ? Quels sont les bénéfices tangibles pour ce secteur ?
S'agissant des prochaines étapes, nous avons annoncé l'établissement d'un fonds d'investissement maritime de 1,5 milliard d'euros aux Assises de l'économie de la mer en 2023. Ce fonds est doté de 500 millions d'euros d'argent public, qui seront abondés par des financements privés. À titre d'exemple, CMA-CGM contribue à hauteur de 200 millions d'euros. L'objectif consiste à faire de cet argent public un levier pour attirer de l'argent privé ; l'idée est de recueillir d'autres financements, environ à hauteur de 3 milliards d'euros, pour accélérer la transition énergétique, trouver les carburants qui nous permettront de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et disposer de briques technologiques. Les 200 millions d'euros versés il y a deux mois par CMA-CGM à Bpifrance permettront d'engager dans les prochaines semaines des projets de décarbonation et de transition énergétique, de renouvellement de la flotte.
Ensuite, 750 millions d'euros seront engagés dans les dix prochaines années pour le renouvellement de la flotte de pêche. Nous avons été particulièrement actifs au niveau européen pour modifier les règles et nous permettre de disposer de navires consommant moins de carburant, plus sûrs et attirant des marins dans le métier. Un deuxième élément de compétitivité concerne l'employabilité des marins, à l'échéance 2027.
Enfin, le renforcement de l'industrie maritime est réalisé en parallèle de ce fonds d'investissement maritime et dans le cadre de la planification en mer : nous allons déployer des éoliennes en mer et renforcer la transition énergétique et écologique des ports. Nous déployons cette année ces investissements avec le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) et le ministère en charge des transports, pour bâtir une industrie de la construction, de la réparation et du « rétrofit ».
Vous m'avez également interrogé sur la taxe au tonnage. Le simple fait que nous disposions désormais d'un armateur français qui puisse continuer à investir dans des navires et pour former des marins justifie la poursuite de ce dispositif. D'une part, tous les autres pays européens disposent d'une telle taxe au tonnage. D'autre part, en dehors de l'Europe, d'autres pays subventionnent massivement leurs industries maritimes. En l'absence d'une telle taxe, il n'y aurait plus d'entreprises de transport maritime françaises.
Lors des crises géopolitiques en Ukraine et en mer Rouge ou pour l'acheminement de l'eau à Mayotte, nous avons ainsi eu la chance de bénéficier de l'aide d'un tel acteur français, qui investit dans son territoire à Marseille et dans la décarbonation, avec notamment plus de 1 milliard d'euros de financements pour la décarbonation du maritime.
Cette discussion méritera malgré tout d'être menée. Les bénéfices sont tels que nous pouvons nous interroger sur les cadeaux fiscaux accordés aux entreprises aussitôt qu'elles investissent en France.
Je me félicite que l'ENSM soit « pleinement en phase avec les préoccupations de la société en matière de transition écologique ». Je note d'ailleurs que les étudiants ont été à l'initiative de cette demande, quand nous aurions préféré qu'elle soit conduite par les enseignants et la tutelle. Pouvez-vous évoquer les changements induits sur les enseignements, ainsi que les partenariats qui ont pu être conduits avec les grands constructeurs, particulièrement à Saint-Nazaire ? Existe-t-il des collaborations actives entre l'École et les constructeurs de navires ?
En 2021, CMA-CGM a payé en impôts seulement 2 % de ses bénéfices, soit 370 millions d'euros, alors même que ses profits sont considérables. Il y a de quoi s'interroger sur l'équité de telles mesures, notamment par rapport à d'autres mobilités décarbonées, comme le ferroviaire. De même, nous pouvons nous interroger sur le rang mondial où nous voulons hisser CMA-CGM et d'autres entreprises, dans un contexte budgétaire que nous connaissons tous. Quand la France agira-t-elle pour essayer de négocier au niveau européen une taxation moins déraisonnable pour les armateurs, qui profite à la solidarité nationale pour la transition écologique de l'ensemble du secteur de la mobilité et de l'industrie ?
Je rappelle par ailleurs que contrairement à vos propos, la taxation au tonnage n'a pas été mise en place par tous les pays européens. En tout état de cause, certains pays européens l'ont appliquée selon des modalités différentes de celles de la France.
Cette taxe au tonnage constitue un engagement sur dix ans, qui une offre de la visibilité à l'État en matière fiscale, quelles que soient les fluctuations du commerce international. Lorsque le cycle économique est bas, les entreprises continuent à payer beaucoup d'impôts alors même que leur chiffre d'affaires est en berne. À titre d'exemple, la taxe au tonnage sera réduite par cinq cette année, en raison du cycle économique. Toutes les grandes puissances maritimes qui disposent d'une flotte de commerce mettent en œuvre cette taxe au tonnage. Je rappelle également que les navires français participent à notre souveraineté. Il faut garder en tête que 80 % du commerce mondial transite par la mer.
Ensuite, je ne peux pas entrer dans le détail de l'ensemble des formations, mais celles qui sont impliquées concernent l'électrification, les navires à propulsion hybride ou à propulsion vélique, sans oublier les formations liées aux carburants alternatifs. Ces formations répondent aux enjeux de transition énergétique et écologique et de protection de la biodiversité des écosystèmes marins.
À titre personnel, je souhaite souligner qu'à partir du mois de septembre, la traversée entre Dunkerque et Douvres sera effectuée par des ferrys électrifiés, commandés par une femme issue de l'ENSM, ce bel outil dont nous pouvons être fiers.
Je souhaite proposer une suggestion à Mme la rapporteure spéciale : compte tenu du débat qui a été ouvert, il serait intéressant de pouvoir disposer d'un comparatif international ou au moins européen des différences de taxation en matière de transport de marchandises.
Nous pourrons vous transmettre des éléments produits par l'Organisation maritime internationale.
La commission autorise, en application de l'article 146, alinéa 3, du Règlement de l'Assemblée nationale, la publication du rapport d'information de Mme Christine Decodts, rapporteure spéciale.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 15 mai 2024 à 18 heures
Présents. - M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Christine Decodts, M. Fabien Di Filippo, M. François Jolivet, M. Michel Lauzzana, Mme Véronique Louwagie, M. Emmanuel Mandon, M. Sébastien Rome, Mme Eva Sas, M. Jean-Marc Tellier
Excusés. - M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, M. Joël Giraud, M. Alexandre Holroyd, M. Emmanuel Lacresse, M. Tematai Le Gayic, Mme Charlotte Leduc, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Christine Pires Beaune, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu
Assistaient également à la réunion. - M. Henri Alfandari, M. Gabriel Amard, M. Idir Boumertit, M. Gérard Leseul, M. Nicolas Ray