En novembre 2020 a été lancée une large concertation, le Fontenoy du maritime, dans l'objectif de renforcer la compétitivité du pavillon français et, plus généralement, la place économique et industrielle maritime française. Puisque 90 % des marchandises transitent par la mer, la marine marchande représente un outil au service de notre souveraineté nationale pour garantir nos approvisionnements et nos exportations, très dépendants du transport maritime.
Pour répondre à cet objectif, un plan ambitieux a été élaboré, prévoyant particulièrement le développement de l'emploi et des compétences. Le Fontenoy du maritime fixait l'objectif de doubler le nombre d'officiers navigants de la marine marchande à l'horizon 2027. Cette décision a par la suite été confirmée lors des Assises de l'économie de la mer à Nice en 2021, où le Président de la République a appelé à refaire de la France une grande puissance maritime et à accélérer la transition écologique des navires. Il précisait que l'activité était sous tension du fait d'un manque d'officiers de marine marchande et a annoncé la volonté de doubler le nombre d'officiers sortant de l'École nationale supérieure maritime (ENSM).
Près de quatre années après le lancement du Fontenoy du maritime, en qualité de rapporteure spéciale pour le domaine des affaires maritimes, il m'a semblé pertinent, au titre du printemps de l'évaluation, de proposer un point d'étape sur la mise en œuvre du Fontenoy par l'ENSM.
Le rapport s'appuie sur les auditions de la direction de l'ENSM, des représentants des enseignants, des représentants des élèves et anciens élèves, de l'inspection générale des affaires maritimes, de la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture, ainsi que d'Armateurs de France. Il me semblait en effet nécessaire d'écouter toutes les parties prenantes.
En premier lieu, je vous propose quelques éléments concernant l'ENSM, seule école à former des officiers de marine. Les élèves sont formés pour devenir les futurs capitaines, chefs mécaniciens, ingénieurs en génie maritime d'une marine marchande devant relever le défi de la transition écologique.
Les mesures nécessaires ont été déployées afin d'assurer le respect de la convention internationale sur les normes de formation, à la suite notamment du rapport de l'inspection générale des affaires maritimes en 2022, afin de garantir la diplomation des élèves. Les installations de l'École sont réparties sur quatre sites : Le Havre, où est situé également son siège, Saint-Malo, Nantes et Marseille. Elle assure des formations initiales et des formations professionnelles par l'intervention de 124 professeurs permanents et 92 vacataires. Afin de satisfaire l'objectif du Fontenoy du maritime, le nombre d'élèves accueillis est en hausse. L'École accueille à ce jour 1 406 élèves contre 1 056 en 2021. Les perspectives d'accueil pour le futur sont les suivantes : 1 497 élèves en 2025, 1 541 élèves en 2026, 1 568 élèves en 2027.
Je vous propose d'en venir maintenant aux éléments du bilan d'étape. L'objectif fixé par le Fontenoy du maritime est ambitieux. Il s'agit pour l'École de former 446 officiers à l'horizon 2027, alors qu'elle n'en a formé que 222 en 2021. S'agissant de l'atteinte de cet objectif, l'ENSM respecte à ce jour la trajectoire fixée. En 2020, 222 officiers de marine sortaient de l'École ; ils seront 348 en 2024, 398 en 2025, 425 en 2026 et 446 en 2027. Deux tiers des diplômés sont issus de la formation initiale.
L'implication des représentants d'Armateurs de France au conseil d'administration et les échanges permanents organisés par l'École avec eux garantissent une adéquation des enseignements à la réalité des besoins rencontrés. Ainsi, à la sortie de l'ENSM, 95 % des élèves sont recrutés dans un délai moyen d'à peine un mois, alors que six mois en moyenne étaient nécessaires pour l'accès à l'emploi des bac + 5 en 2023, selon l'Association pour l'emploi des cadres (APEC).
Les crédits attribués au titre de l'action 2 Emplois et formations maritimes du programme 205 Affaires maritimes, pêche et aquaculture ont permis à l'ENSM de tenir l'objectif. Elle est dotée, au titre de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 (LFI 2024), d'une subvention pour charges de service public de 25 millions d'euros. Il convient également d'ajouter que cette subvention n'a pas été indexée au regard de l'inflation. L'ENSM dispose en outre de ressources propres : la taxe d'apprentissage (0,7 million d'euros), les frais de scolarité (1,2 million d'euros) et des recettes de formation continue (2,25 millions d'euros).
Elle fait également preuve du souci permanent de développer ses ressources. Elle a ainsi lancé une fondation avec quatre objectifs principaux : renforcer la visibilité des métiers de la mer et les promouvoir auprès des jeunes ; favoriser la promotion sociale et la diversité ; participer à la réduction de l'impact environnemental et renforcer la recherche ; diffuser le modèle de formations à l'international.
S'agissant des investissements, en 2024, l'ENSM bénéficie de 2 millions d'euros d'autorisations d'engagement ouvertes en 2023 pour 5,5 millions d'euros. Cette subvention a permis à l'École d'augmenter sa capacité d'accueil et ses moyens pédagogiques pour accompagner l'augmentation du nombre d'élèves. Des travaux restent à accomplir, notamment ceux permettant d'augmenter la capacité d'accueil du site de Marseille.
L'ENSM a aussi vu son plafond d'emplois régulièrement augmenté depuis 2022 pour atteindre 239 équivalents temps plein (ETP) au titre de la LFI 2024. J'ai soutenu par amendement la demande qui visait à augmenter le plafond d'emplois en 2024, initialement fixé par le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 à 237 ETP.
Deux points me semblent essentiels à ce sujet. Tout d'abord, l'ENSM a accordé toute l'attention nécessaire pour atteindre les plafonds d'emplois au titre de 2023 et 2024. J'insiste sur ce point, car cela n'était pas le cas lors des années précédentes. Dans sa gestion des ressources humaines, elle veille à ne pas renouveler systématiquement tous les postes vacants, préférant, dans le cadre du plafond d'emploi, orienter ses recrutements sur les postes d'enseignants.
La poursuite du relèvement de ce plafond d'emploi est incontournable pour atteindre l'objectif du Fontenoy du maritime, tant en matière d'enseignants que de fonctions de soutien à la scolarité. Deux chiffres doivent être retenus : 1 056 élèves en 2020 et 1 568 élèves en 2027. L'objectif initial de doublement du nombre d'officiers de marine nécessitera neuf ETP supplémentaires à compter de 2025. Cet objectif répond à une problématique simple et cohérente.
Notre pays a besoin d'officiers de marine, car le transport maritime continue de se développer et de se professionnaliser. L'ENSM y prend sa part de responsabilité en étant au rendez-vous de l'objectif du Fontenoy du maritime au moment où je vous présente cette synthèse du rapport. Notre pays a su faire grandir son commerce maritime sous pavillon français, soyons-en fiers.
La marche en 2025 est haute, mais essentielle à franchir, notamment s'agissant du plafond d'emplois. Comme je l'ai indiqué, l'ENSM fait état d'un besoin de neuf ETP. Il nous faudra aussi, sans doute, reconsidérer la subvention pour charges de service public et continuer à soutenir l'École par des subventions d'investissement. Il ne s'agit aucunement dans mon propos d'anticiper les débats que nous aurons lors des futures discussions à venir sur le projet de loi de finances pour 2025. Simplement, si nous voulons que l'objectif du Fontenoy du maritime soit respecté par l'ENSM, il nous faudra étudier les réponses adaptées pour ne pas mettre en jeu, ni la reconnaissance de la flotte de commerce sous pavillon français (431 navires à ce jour), ni l'enjeu majeur de notre neutralité carbone d'ici 2050.