Chers collègues, le Fonds vert a été institué par la loi de finances de 2023 pour soutenir financièrement la transition écologique des collectivités territoriales.
Le fonds vert succède à des dispositifs spéciaux créés après la crise de la Covid 19, tels que le fonds friches et la Dotation exceptionnelle de soutien à l'investissement local (DSIL). Le lancement du Fonds vert a rencontré un succès notable, incarné par le grand nombre de dossiers déposés et démontrant ainsi l'existence d'un besoin réel.
Avec ma collègue Alma Dufour, notre crainte a été que toutes les collectivités territoriales n'en bénéficient pas de manière équitable et nous avons décidé de nous en assurer en analysant les usages du fonds pour cette année.
En 2023, l'exécution du programme 380 atteste du fait que le Fonds vert a fortement été sollicité. La quasi-totalité des autorisations d'engagement ouvertes a été consommée, soit 2 milliards d'euros, pour un montant de demandes de plus de 5 milliards d'euros.
Le taux d'exécution des crédits de paiement est de 60 %, pour un montant de 300 millions d'euros, soit un taux tout à fait acceptable pour une année de lancement du Fonds vert.
Sur les 17 aides financées, quatre ont particulièrement été plébiscitées : la rénovation énergétique des bâtiments publics locaux (près de 40 % des AE consommées et près 35 % des dossiers acceptés), la rénovation des parcs luminaires d'éclairage public (10 % des AE et près de 26 % des dossiers acceptés), le recyclage foncier (18 % des AE et environ 7 % des dossiers acceptés) et la renaturation des villes et des villages (7 % des AE et 9 % des dossiers acceptés).
Nos hypothèses étaient donc fondées. Le bloc communal est bien le principal bénéficiaire du Fonds vert, mais toutes les communes n'en bénéficient pas de manière uniforme.
Le bloc communal représentait la plus grande partie des dossiers acceptés en 2023, pour une aide de plus de 1,2 milliard d'euros. Les communes, quant à elles, représentaient 60 % des dossiers acceptés, soit plus de 750 millions d'euros. Il apparaît que les communes dont la population est comprise entre 1 000 et 10 000 habitants sont surreprésentées parmi les bénéficiaires. Elles concentrent plus de 40 % des dossiers acceptés, alors qu'elles représentent moins de 26 % des communes et environ 36 % de la population. Les communes de moins de 1 000 habitants sont quant à elles sous-représentées. Les communes de 500 à 1 000 habitants concentrent un peu plus de 11,5 % des dossiers acceptés, bien qu'elles représentent 19 % des communes. Celles de moins de 500 habitants concentrent près de 15 % des dossiers acceptés, alors qu'elles constituent 50 % des communes en France.
Ces inégalités de distribution du Fonds vert entre les communes s'expliquent d'abord par la complexité des dossiers d'aides et le manque d'ingénierie.
Plusieurs maires de communes rurales nous ont signalé des difficultés dans l'utilisation du site Internet organisant le dépôt des dossiers, tandis que Bercy demande des dossiers toujours plus complets.
De surcroît, les dossiers peuvent nécessiter des études coûteuses, ce qui peut dissuader les porteurs de projets, tout comme la méconnaissance des besoins locaux. L'accès à une ingénierie de qualité constitue donc un enjeu essentiel pour l'écologie.
À ce jour, la gestion du Fonds vert est déconcentrée et confiée aux préfets. Nos auditions ont mis en lumière des méthodes différentes selon les départements, les contextes locaux, les besoins spécifiques et la qualité du dialogue entre les acteurs. Pourtant, là où les moyens sont mutualisés, on observe une meilleure fluidité de la répartition des aides, comme dans les préfectures où les moyens de l'État sont ordonnés.
Certaines préfectures, comme celle de l'Hérault, ont d'ores et déjà mis en place des dispositifs efficaces qui pourraient tout à fait inspirer d'autres départements. Il suffit parfois de désigner un agent dédié au Fonds vert, de lui attribuer une ligne directe, pour en faire un guichet unique sur les sujets de son ressort. De même que le Fonds vert gagne en efficacité lorsque les dotations à l'investissement sont gérées de manière globale, en sachant faire un tour de table des financeurs.
À mon sens, il serait pertinent de réfléchir à une dotation globale d'investissements regroupant la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la DSIL et le Fonds vert, en envisageant une clé de répartition basée sur les besoins. L'idée serait de permettre à tous les projets locaux de prendre systématiquement en compte les enjeux de la bifurcation et de l'adaptation écologique.
Ces difficultés de montage des dossiers du Fonds vert nous renvoient immanquablement à l'importance que les services déconcentrés de l'État disposent des effectifs suffisants pour soutenir les collectivités territoriales en ingénierie. C'est pourquoi nous demandons que, lors de la prochaine loi de finances, il soit tenu compte de l'évident besoin de renforcement en effectifs des services déconcentrés de l'État, pour donner ses moyens à la déconcentration souhaitée.
Nous proposons aussi que le Fonds vert contribue aux dépenses de fonctionnement liées à l'ingénierie de mise en place de projets financés par ce fonds, en consacrant systématiquement une part de la subvention à cette ingénierie.
Parmi les multiples inégalités constatées, seulement 3,7 % des dossiers concernent des projets situés en zones de politique de la ville, qui représentent pourtant 8 % de la population et concentrent la pauvreté en France. Ces quartiers ont encore d'énormes besoins d'amélioration des bâtis scolaires, de renaturation, de recyclage foncier ou l'éclairage public. Le Fonds vert ne répond pas aux attentes en matière de solidarité nationale.
En 2023, les petites communes et les quartiers prioritaires ont été sous-financés. Dès la première année, l'utilisation du fonds reflète un espace social scindé entre dominants et dominés. L'écologie devrait pourtant rimer avec justice sociale, mais tel n'est pas encore le cas, a fortiori dans des territoires où se joue l'avenir écologique et économique de notre pays.
La « démétropolisation », contraire à l'esprit de compétitivité et d'attractivité cher au président de la République, vise à favoriser l'écologie comme levier du développement des territoires.
Par ailleurs, la loi de finances pour 2024 a augmenté les crédits du Fonds vert et conforté la dynamique initiée en 2023. Cependant, le décret du 21 février 2024 a annulé 500 millions d'euros d'autorisation d'engagement et par la suite, un surgel de 400 millions d'euros est intervenu. Le montant des autorisations d'engagement disponibles pour l'exercice 2024 a été réduit au point d'être inférieur de 20 % au montant ouvert dans la loi de finances pour 2023 et consommé en 2023.
Cette annulation remet en cause l'ambition affichée dans la loi de finances pour 2024, interroge sur la pérennisation possible du dispositif, la planification du Gouvernement et l'utilisation de l'investissement local comme levier de négociation des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales.
Pour engager des investissements lourds, tels que la rénovation énergétique des bâtiments publics, les collectivités territoriales ont besoin de stabilité et d'une vision pluriannuelle.
Nous proposons que les financements du Fonds vert fassent l'objet d'une contractualisation pluriannuelle avec les collectivités territoriales, pour engager une véritable planification écologique partant des territoires, faisant confiance aux communes, plutôt que de les pénaliser financièrement.
L'épargne nette des collectivités est un élément essentiel de l'investissement écologique. En ce sens, l'investissement sur l'éclairage public était un bon investissement.
Une contractualisation permettrait de planifier le renforcement des ingénieries et d'organiser la mutualisation des communes à l'échelle départementale. Une telle réorganisation serait des plus efficaces pour enclencher les investissements dans la ruralité.
Dans l'objectif constant d'améliorer l'efficacité des investissements publics en matière d'écologie, il nous faut réduire le recours à des cabinets de conseil, souvent inefficaces et coûteux.
Pour une meilleure lisibilité financière des investissements écologiques dans les territoires, nous proposons de rattacher au Fonds vert d'autres crédits, notamment ceux destinés à la mobilité, comme ceux des services express régionaux métropolitains. Ces services visent à encourager l'abandon de la voiture personnelle ou à offrir des alternatives de déplacement à ceux qui n'en possèdent pas. La ruralité et les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sont particulièrement concernés.
Monsieur le ministre, si l'engouement des collectivités territoriales pour le Fonds vert se confirmait, envisagez-vous de revenir sur le surgel de 400 millions d'euros ?
Pensez-vous que cette défaite budgétaire serve la transition écologique ?
En 2023, l'État a pris des engagements envers les collectivités territoriales et a consommé l'ensemble des autorisations d'engagement. Suite à l'annulation de février 2024, disposez-vous de suffisamment de crédits de paiement pour honorer ces engagements ?
Pourquoi considérez-vous que l'investissement dans l'éclairage public constitue un effet d'aubaine, alors qu'il est efficace écologiquement et qu'il permet aux communes de dégager des marges pour investir ?
Comment comptez-vous faciliter la mise en œuvre du Fonds vert dans les petites communes et les quartiers prioritaires ?
Enfin, prévoyez-vous de soutenir ces communes en ingénierie et d'intégrer un volet d'écologie populaire dans les contrats de ville ?