France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Suite de la discussion d'une proposition de loi
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à supprimer les zones à faibles émissions mobilité (n° 257 rectifié, 663).
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir l'amendement n° 1 .
Je l'ai dit ce matin lors de mon intervention à la tribune, Santé publique France évalue à 48 000 le nombre de décès prématurés dus à la pollution de l'air chaque année, ce qui représente 9 % de la mortalité en France et une perte d'espérance de vie à 30 ans pouvant dépasser deux ans.
Le coût sanitaire annuel total de la pollution de l'air est évalué à 100 milliards d'euros – je dis bien 100 milliards d'euros ! L'instauration de ZFE – zones à faibles émissions – constitue donc une mesure importante pour notre budget et pour la santé de nos concitoyens, dont 30 % sont atteints d'une allergie respiratoire. En outre, ce sont les plus jeunes et les plus précaires qui, dans les quartiers populaires, comme à Toulouse, subissent la double peine des pollutions routières et de la proximité des incinérateurs.
C'est pourquoi nous proposons, avec cet amendement, la suppression de cet article, qui fait fi de la santé des Françaises et des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Le groupe Renaissance souhaite également supprimer cet article. Lors de la discussion générale, je vous ai retracé les raisons qui nous ont conduits à créer les ZFE mobilité (ZFE-m), et je tiens, à l'occasion de la présentation de cet amendement, à apporter quelques compléments et à répondre à l'interpellation que M. le rapporteur a faite en fin de matinée.
Lors de la discussion générale, nous avons été nombreux – ce qui est heureux – à évoquer l'impact négatif de la pollution de l'air sur notre santé. Mais à l'impact sanitaire s'ajoutent également, Mme Arrighi vient de le dire, des incidences socio-économiques – la pollution représente effectivement un coût de près de 100 milliards d'euros par an –, en raison de ses conséquences sur la biodiversité, sur les rendements agricoles – en baisse de 15 à 20 % s'agissant du blé, par exemple –,…
…ou encore sur l'état des bâtiments. La pollution atmosphérique n'est pas qu'une histoire de santé : c'est aussi un enjeu environnemental majeur.
Depuis une vingtaine d'années, les politiques publiques ont progressé dans ce domaine, mais de manière insuffisante, ce qui doit nous amener à aller beaucoup plus loin. Tout le monde l'a rappelé, la France est visée par des contentieux européens et a été condamnée à des astreintes par le Conseil d'État, ce qui démontre qu'il demeure un problème.
De plus, fin 2021, l'OMS – Organisation mondiale de la santé – a publié des objectifs de qualité de l'air encore plus contraignants qu'aujourd'hui. Actuellement, en moyenne annuelle, les concentrations en dioxyde d'azote, dont la source principale est la circulation d'automobiles fonctionnant aux énergies fossiles, ne doivent pas dépasser 40 microgrammes par mètre cube. Selon les nouvelles normes de l'OMS qui seront reprises dans une directive européenne dans le courant de l'année 2023, le seuil de 10 microgrammes par mètre cube devra bientôt être respecté, et ce non pour embêter les gens, mais pour des raisons de santé.
Ainsi devons-nous renforcer nos politiques publiques afin de réduire les risques environnementaux sur la santé humaine,…
…comme l'a encore rappelé hier Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, à l'occasion d'un séminaire organisé par le Haut Conseil de la santé publique.
En y assistant et en écoutant les 300 scientifiques qui s'y sont exprimés, vous auriez pu, monsieur le rapporteur, choisir de retirer votre proposition de loi.
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur.
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland, pour soutenir l'amendement n° 9 .
Les choses étant très simples, je serai très concise : face à l'irresponsabilité de ce texte, il faut absolument le supprimer. L'amendement est défendu.
Sans surprise, le groupe Démocrate propose également la suppression de cet article. Je ne reprendrai pas tout ce que mes collègues ont dit et me concentrerai plutôt que sur ce qui est actuellement entrepris et qui, malheureusement, ne se sait pas au-delà du périmètre local.
Nous ne sommes pas restés les deux pieds dans le même sabot depuis la publication du rapport de la mission flash sur les mesures d'accompagnement de la création de zones à faibles émissions mobilité, que j'ai corédigé avec Gérard Leseul. Le Gouvernement, que je remercie, a pris les choses à bras-le-corps et elles ont beaucoup évolué. Des solutions nous remontent quotidiennement du terrain et nous travaillons ardemment, avec le club automobile Roole et d'autres structures, afin de fournir aux plus précaires des véhicules décarbonés grâce à des leasings d'un montant de 80 euros par mois sur cinq ans.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Voilà la réalité du terrain, que vous auriez constatée si vous vous y étiez rendu. De nombreuses propositions remontent des territoires, notamment de la part des loueurs, jusqu'au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires – à qui je transmettrai d'ailleurs une note tout à l'heure.
Il faut les relayer dans votre circonscription, monsieur le rapporteur !
De plus, le comité ministériel des ZFE-m a été nommé, ce qui est important. Celui-ci a réuni des élus locaux et institué des groupes de travail sur l'harmonisation des règles et sur l'acceptabilité sociale des ZFE-m. Nous n'agissons d'ailleurs pas uniquement sur le trafic routier, mais aussi sur les zones portuaires et industrielles, qui polluent également, car nous ne voulons pas faire peser sur les seuls automobilistes l'ensemble de la lutte contre la pollution de l'air.
De la même manière, si nous avons interdit la location de logements classés F et G, c'est pour lutter à la fois contre la pollution de l'air et contre l'habitat précaire.
Voilà les actions que nous menons et je vous invite à nos côtés sur le terrain pour vous en rendre compte. Si je n'avais pas la conviction profonde que nous pouvons parvenir à instaurer les ZFE-m d'ici à 2032, je ne les défendrais pas comme je le fais.
Il vise également à supprimer les dispositions contenues dans l'article 1er de cette proposition de loi qui tend à abroger les ZFE-m, qui présentent des intérêts environnementaux et sanitaires, et des avantages sur le plan juridique.
S'agissant d'abord de l'environnement et de la santé, faut-il rappeler que nous n'avons pas de planète B et que la lutte contre le dérèglement climatique doit rester une priorité ? Les niveaux de pollution dans les zones urbaines sont tels qu'ils présentent des risques avérés pour la santé des riverains. La pollution de l'air est responsable de 47 000 morts dans notre pays chaque année, et le transport est l'activité qui émet le plus de gaz à effet de serre.
Au plan juridique, la France s'est engagée aux niveaux européen et international à réduire ses émissions de gaz à effet de serre dans le cadre de notre accord de Paris du 12 décembre 2015. La France peine néanmoins à tenir ses engagements et se voit régulièrement condamnée à de lourdes sanctions, tant au niveau national qu'européen, par exemple à l'occasion du litige opposant la commune de Grande-Synthe à l'État que le Conseil d'État a condamné pour inaction climatique, en juillet 2021, à verser une astreinte de 10 millions d'euros par semestre.
Nous ne respectons pas l'accord de Paris et, dans ce contexte, les ZFE-m ont été instaurées afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les agglomérations concernées par le dépassement des valeurs seuils imposées par la directive de 2008 relative à la qualité de l'air et les plans de protection de l'atmosphère (PPA).
Les ZFE-m sont un outil concret permettant de mesurer l'action de l'État dans la réalisation de ses objectifs, sachant que du point de vue des finances publiques, elles contribueront à nous éviter de payer des astreintes. La suppression des ZFE-m constitue ainsi une mesure dogmatique qui ne va absolument pas dans le sens de l'histoire.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et LIOT.
Vous le savez, le groupe Socialistes et apparentés est tout à fait opposé à cette proposition de loi visant à supprimer les ZFE-m, et à la démagogie du Rassemblement national, qui cherche non pas à défendre nos concitoyens les plus modestes, mais simplement à entretenir une tension entre ruralité et métropoles.
En ce qui nous concerne, nous demandons de mieux cibler et de renforcer les aides directes à l'achat d'un véhicule moins émetteur de gaz à effet de serre pour les classes moyennes et modestes. Il faut ouvrir ces aides aux véhicules classés Crit'Air 2, lesquels sont plus abordables financièrement, et rapidement instaurer le dispositif de prêt à taux zéro (PTZ) garanti par l'État que nous avons réclamé.
Par ailleurs, il convient d'instaurer un guichet unique de demande et d'obtention des aides, d'harmoniser les règles relatives aux professionnels, de développer le rétrofit et d'autoriser temporairement le bioéthanol.
Nous devons bien sûr aussi fortement favoriser le transport collectif partout où cela est possible. Nous nous sommes prononcés en ce sens lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, en émettant l'idée d'un ticket mobilité climat à prix modique – sur le modèle de ce qu'ont fait nos voisins allemands –, ou encore de la gratuité des transports publics, comme en ont décidé certaines collectivités locales ambitieuses et responsables.
Ajoutons qu'il convient aussi de faire preuve de souplesse, avec la création d'un carnet d'usage. Nous le disions ce matin, il faut en effet revenir aux usages des automobilistes.
Enfin, il est indispensable d'étendre les ZFE-m aux industries et aux ports, afin de lutter contre toutes les sources de pollution de l'air et d'éviter que nos concitoyens automobilistes ne perçoivent les ZFE-m que sous un jour stigmatisant et inéquitable.
Mais vous ne proposez rien de tout cela et, au fond, vous ne proposez rien du tout dans ce texte. C'est pourquoi nous voulons supprimer l'article 1er .
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
La parole est à M. Pierre Meurin, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements identiques.
Monsieur Leseul, vous dites que nous ne proposons rien, mais en déposant un amendement visant à supprimer l'article 1er , vous ne proposez rien non plus sur la question des ZFE-m.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Or je rappelle que vous avez mené une mission flash avec M. Millienne sur cette thématique, mission à l'issue de laquelle vous avez formulé certaines recommandations. Ainsi, plutôt que de chercher à supprimer purement et simplement notre proposition de loi au nom d'une posture politicienne, il vous était possible et il nous aurait été agréable, dans une recherche de consensus, de discuter de vos propositions.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Vous auriez pu essayer de les incorporer dans le texte et nous aurions pu entériner dès à présent certaines de vos préconisations, auxquelles nous adhérons pour partie.
Et ce que je dis est évidemment aussi valable pour M. Millienne, qui a également défendu un amendement de suppression de l'article. Ainsi, c'est vous qui, en définitive, adoptez une posture politicienne ; et pas nous !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Ce fut d'ailleurs la même chose lors de l'examen du texte en commission, lors duquel vous n'avez rien proposé.
Monsieur Leseul, vous dites qu'il faut garder les ZFE-m, car 40 000 personnes meurent chaque année de la pollution de l'air. Certes, mais vous pointez aussi la totalité des défauts de ce dispositif, défauts que j'ai moi-même énumérés ce matin lors de la présentation de la proposition de loi, puis à l'issue de la discussion générale. Je peine donc intellectuellement à vous comprendre.
Loin des postures politiciennes, il aurait été possible de discuter, d'amender, d'enrichir ce texte, au lieu de chercher purement et simplement à le supprimer.
En réalité, les difficultés sociales liées aux ZFE-m ne vous intéressent pas et les Français ne tarderont pas à vous en remercier lorsqu'ils auront été verbalisés – les verbalisations ont commencé – pour avoir utilisé une Clio classée Crit'Air 5.
Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Je le répète, vous auriez pu, dans le cadre du texte que nous vous soumettons, défendre vos préconisations. De cette manière, nous aurions pu avancer ensemble vers une meilleure acceptabilité sociale des ZFE-m. Vous serez donc les seuls responsables du séparatisme que ces zones engendrent sur nos territoires.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Alors qu'un vote aura lieu dans quelques instants sur ces amendements, j'en appelle logiquement aux membres des groupes Les Républicains et La France insoumise – NUPES – groupes qui ont tous deux déposé des amendements visant à réécrire l'article 1er . En effet, si vous voulez qu'ils soient discutés, il faut que vous repoussiez les présents amendements de suppression qui les feraient tomber – ou bien c'est que vos amendements n'étaient destinés qu'à faire de la communication.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
J'insiste, si vous souhaitez réellement que les amendements visant à réécrire l'article soient discutés, j'invite solennellement les députés Les Républicains, et Insoumis, et tous ceux de bonne volonté, à rejeter les présents amendements de suppression. En effet, j'aurais aimé qu'il y ait ici une unanimité pour lutter contre le séparatisme social que les ZFE-m représentent et que nous ayons dès à présent une discussion riche. Je donne donc à titre personnel un avis défavorable sur les amendements identiques n° 1 , 7 , 9 , 12 , 17 et 21 .
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Je souhaitais prendre la parole car M. le rapporteur a malheureusement remis en cause l'excellent travail de notre commission et notamment la mission flash menée par Bruno Millienne et Gérard Leseul dans une démarche transpartisane. Je rappelle que c'est grâce au travail de fond de M. Leseul et à son approche de coconstruction que la commission mixte paritaire (CMP) sur la loi « climat et résilience » a pu aboutir. Il est en effet à l'origine de la très bonne idée du prêt à taux zéro qui – je suis d'accord avec vous, monsieur Leseul – doit évoluer vers une garantie de l'État.
Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas remettre en cause le travail de notre commission ni de sa mission transpartisane.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Toutes les propositions de cette mission ont été saluées alors que votre proposition de loi ne présente aucune solution puisqu'elle se contente de supprimer les zones à faibles émissions mobilité.
Vous ne proposez aucune solution face à la pollution de l'air ! Vous ne proposez aucune solution pour accompagner socialement nos concitoyens ! Votre proposition de simplement décalaminer n'est pas à la hauteur des enjeux auxquels nous faisons face.
Chers collègues, supprimons…
…cet article et continuons, ensemble, à accompagner nos concitoyens dans les territoires en faisant de l'aménagement et du développement durables une priorité de notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Dans la continuité des échanges de ce matin, je veux rappeler la disponibilité du Gouvernement pour regarder comment le dispositif peut être amélioré.
Cette journée n'est pas simplement celle de l'examen d'une proposition de loi qui, à bien des égards, relève d'une forme de démagogie. Elle est également celle de la nomination d'un référent interministériel, qui a eu lieu ce matin, et de l'installation du comité de coordination avec l'ensemble des métropoles concernées, chargé du suivi des mesures.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Elle est enfin celle où je prends devant vous l'engagement que l'État garantira les prêts à taux zéro, c'est un point qui a été évoqué ce matin et c'est un souhait des parlementaires de tous bords. Le dispositif sera finalisé dans les prochains jours.
Avant d'être une nécessité environnementale, la réussite des zones à faibles émissions est une nécessité de santé publique. Les arguments pour tergiverser ne doivent pas l'emporter face à la réalité des décès dans notre pays.
Avis favorable aux amendements de suppression.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
J'ai plusieurs demandes de prises de parole. Comme nous l'avons fait ce matin, je vous propose de donner la parole à un orateur pour les amendements et à un orateur contre les amendements, avant de passer au vote.
La parole est à M. Emmanuel Blairy.
Nous entendons beaucoup de choses depuis tout à l'heure et le débat est intéressant. Nous ne sommes évidemment pas opposés à la lutte contre les différentes formes de pollution : nous demandons simplement à ce que les dispositifs de lutte contre la pollution, tel que les zones à faibles émissions, soient en cohérence avec le quotidien des Français.
Monsieur le président de la commission, monsieur le ministre, vous nous reprochez de n'apporter aucune solution mais cette proposition de loi est une solution aux problèmes des Français, notamment ceux de la classe moyenne, afin qu'ils puissent encore se déplacer. Comment vont-ils faire ?
Je souhaite dénoncer une certaine forme de malhonnêteté. Les morts liées à la pollution sont bien sûr très graves mais elles ne sont pas toutes dues à la pollution causée par les automobiles. Ainsi, à Marseille, la moitié de la pollution subie par la ville est due au port. Ce n'est pourtant pas pris en compte !
Monsieur le ministre, il est également malhonnête de ne pas dire aux Français qu'il existe des dérogations. J'ai regardé cette question de près et j'ai pu constater que, à Paris, une dérogation est prévue pour les véhicules de collection. Je rappelle qu'une carte grise peut porter la mention de véhicule de collection si son propriétaire le possède depuis plus de trente ans. Ainsi, une 306 turbo diesel – c'est un exemple symbolique – immatriculée en 1993 peut circuler aujourd'hui dans Paris. Vous voyez la plaque ? Vous êtes à côté !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous venons d'entendre un avis défavorable aux amendements de suppression. La parole est à M. Bruno Millienne pour exprimer un avis favorable.
Monsieur Meurin, votre explication me laisse abasourdi. Rien ne vous empêchait d'assister aux auditions que nous avons menées avec Gérard Leseul. On ne vous a pourtant pas vu.
Déposer des amendements pour réécrire la loi sur les ZFE dans le cadre d'une proposition de loi visant à la suppression de cette même loi, cela n'a aucun sens. C'est n'importe quoi !
La différence entre vous et nous, c'est que nous, une fois que nous avons mené une mission flash pour poser un diagnostic, nous ne nous arrêtons pas là. Le processus législatif ne s'arrête pas au vote de la loi, il faut veiller à son application. C'est ce que nous nous employons à faire, avec Gérard Leseul et d'autres députés. Nous sommes sur le terrain tous les jours.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Venez avec moi à Strasbourg pour discuter des solutions avec les élus ! Vous n'avez même pas été foutu de nous auditionner, Gérard Leseul et moi.
Le boulot n'a pas été fait et votre proposition de loi est purement démagogique !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et RE.
Monsieur Millienne, je vous ai trouvé beaucoup plus modéré dans vos propos en commission. Vous me reprochez de ne pas avoir été « foutu » de vous auditionner. J'ai bien compris que vous étiez très vexé !
Si, vous l'avez répété au moins quatorze fois depuis nos discussions en commission !
Applaudissements et rires sur les bancs du groupe RN.
J'ai lu attentivement le rapport de votre mission flash. Il ne pointe que des difficultés.
Vous écrivez quatorze fois que le public doit être consulté. Votre loi a été votée il y a trois ans et vous n'avez informé personne. Votre position est celle d'un tartuffe politicien !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 219
Nombre de suffrages exprimés 218
Majorité absolue 110
Pour l'adoption 124
Contre 94
Il vise à supprimer l'article 2 de la proposition de loi. L'accompagnement des ménages dans leur transition vers des véhicules moins émetteurs de polluants doit être maintenu. Les dispositifs existants sont imparfaits, et nous sommes en faveur de leur amélioration, pour tenir compte de la disparité des situations et pour réduire davantage le reste à charge, notamment pour les plus précaires.
Nous invitons le Gouvernement, une fois encore, à prendre la mesure de l'urgence écologique en adoptant un grand plan des mobilités à l'issue des travaux du Conseil d'orientation des infrastructures. Dans le contexte de la crise de l'énergie, il s'agit d'un impératif social mais également d'un impératif sanitaire, nous l'avons suffisamment dit, et donc d'un impératif écologique.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Le groupe Renaissance propose de supprimer cet article car il va à la fois à l'encontre du bon sens et de l'intérêt de nos concitoyens les plus modestes. En effet, son adoption entraînerait la suppression du prêt à taux zéro, mis en place depuis le 1er janvier pour aider les foyers les plus modestes à acheter un véhicule moins polluant. Il faut au contraire renforcer ce type de mesure.
Nous avons déjà eu ce débat en commission et je suis ravi de voir, monsieur le rapporteur, que vous avez entendu nos arguments puisque vous proposez vous-même de supprimer cet article. Pour une fois, nous sommes d'accord.
Je voudrais répondre à vos propos un peu moqueurs tenus ce matin à la fin de la discussion générale à la suite de mon intervention. Vous évoquiez un professeur de chimie à la fac. Ce n'était pas très élégant de votre part et je me demande si vous ne sous-entendiez pas que les scientifiques ne pouvaient pas s'engager en politique. Je me pose la question. C'est relativement grave.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Vous avez aussi dit, lors de la discussion générale, que les ZFE étaient une insulte à l'intelligence. Vos propos sont une insulte à la santé respiratoire de nos concitoyens et aux scientifiques !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland, pour soutenir l'amendement n° 10 .
Les ZFE concourent à répondre à la double problématique de la pollution de l'air et de l'aggravation du dérèglement climatique soulevée par la circulation automobile en milieu urbain. Le Gouvernement et sa majorité ne méconnaissent pas l'importance de la voiture individuelle pour nombre de nos concitoyens ne disposant pas d'alternative. Ils sont donc mobilisés pour développer des mesures d'accompagnement, en particulier en direction des ménages modestes et des travailleurs. C'est le sens de la bonification du bonus écologique, du renforcement de la prime à la conversion ou encore de l'expérimentation pour deux ans du prêt à taux zéro pour l'achat d'un véhicule moins polluant à destination de nos concitoyens vivant ou ayant à se déplacer régulièrement dans les métropoles en dépassement des seuils prévus par la loi.
L'article 2, qui vise à supprimer ce prêt à taux zéro, est donc injuste et contre-productif au vu de nos objectifs en matière de transition écologique et de cohésion sociale. Nous proposons donc sa suppression.
Je tire mon chapeau à ceux qui se disent défenseurs des pauvres et qui proposent un tel article au moment où le ministre s'est engagé à ce que l'État fournisse une réponse sur sa garantie du prêt à taux zéro. J'espère bien que nous l'obtiendrons.
Toutes les actions que nous menons depuis la publication de la loi et du rapport visent à trouver des solutions pour les plus précaires : prêt à taux zéro, leasing avec des mensualités de 80 à 100 euros pour faciliter le remplacement de véhicules polluants et autres solutions de substitution. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour trouver des solutions alternatives aux gens qui en ont réellement besoin afin de ne laisser personne sur le bord de la route.
Votre proposition de loi est populiste et démagogique et son article 2 est dirigé contre les classes populaires. Chapeau à ceux qui se disent défenseurs des pauvres !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.
La parole est à M. Sylvain Carrière, pour soutenir l'amendement n° 14 .
Il vise à la suppression de l'article 2 prévoyant la fin de l'expérimentation du prêt à taux zéro pour l'acquisition d'un véhicule. Nous jugeons ce dispositif insuffisant et inefficace mais nous considérons qu'il ne doit pas être supprimé. La bifurcation écologique doit se faire de manière juste et des mesures d'accompagnement doivent être mises en place, en priorité pour les ménages les plus précaires. La suppression du dispositif du prêt à taux zéro enverrait un signal très négatif alors que le reste à charge lors d'un changement de véhicule demeure très important.
Le rapport de la mission flash de MM. Leseul et Millienne sur les mesures d'accompagnement à la mise en œuvre des zones à faibles émissions indique que le niveau des aides actuelles, compte tenu des prix du marché, ne permet pas aux ménages les plus précaires de recourir aux aides pour acheter un véhicule classé Crit'Air 0 ou 1. L'investissement minimal pour les véhicules hybrides est de 20 000 euros. Il y a 11 millions de pauvres en France et seuls les cinq premiers déciles vivant au sein des ZFE sont concernés par le prêt à taux zéro, c'est-à-dire les personnes disposant de moins de 14 000 euros par an. Pour l'entrée de gamme, le reste à charge est au minimum de 5 000 euros. Cela représente une dépense énorme pour les ménages modestes à l'heure d'une crise économique sans précédent. Des dispositifs d'accompagnement supplémentaires destinés en priorité aux plus précaires doivent donc être mis en place. Ils pourraient par exemple prévoir un reste à charge zéro pour l'acquisition d'un véhicule moins polluant.
Ces mesures doivent venir en complément de mesures structurelles pour développer les alternatives au tout voiture, que sont les transports en commun, le ferroviaire, les mobilités douces, le covoiturage ou l'autopartage.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI.
L'article 2 de cette proposition de loi, s'il était adopté, supprimerait le prêt à taux zéro, privant les foyers les plus modestes d'une mesure de soutien.
C'est vrai, on peut regretter que le prêt à taux zéro ait été si mal calibré. Il concerne en effet les véhicules électriques ou hybrides rechargeables, en laissant un immense reste à charge – de 20 000 à 40 000 euros, compte tenu du coût exorbitant des véhicules dits propres –, pour des foyers dont le revenu fiscal de référence est inférieur ou égal à 14 000 euros. Pour être efficace, ce prêt devrait pouvoir financer le rétrofit des véhicules ou être étendu à d'autres tranches fiscales. Enfin, on peut légitimement craindre que ce soit majoritairement sur le marché chinois que seront achetés les véhicules concernés. Il me semble que c'est dommage.
M. le rapporteur applaudit.
Je remercie nos collègues du groupe Rassemblement national d'avoir proposé cet article de suppression du PTZ, car celui-ci témoigne clairement de leur duplicité.
« Oh ! » sur les bancs du groupe RN.
L'article ne prévoit aucun moyen supplémentaire, aucun accompagnement supplémentaire. Vous n'avez pas demandé la garantie de l'État, ni l'augmentation des aides directes, ni l'extension du dispositif, alors que certains avaient par exemple proposé intelligemment d'étendre le PTZ aux véhicules de catégorie Crit'Air 2. Le masque tombe : vous ne défendez pas nos concitoyens modestes, mais faites commerce des inquiétudes. Nous voterons donc vigoureusement contre…
Non, madame Le Pen, ça ne l'est pas. Nous voterons évidemment pour notre amendement de suppression.
La parole est à M. le rapporteur pour défendre l'amendement n° 24 et donner l'avis de la commission sur ces amendements de suppression.
Cela a été souligné deux ou trois fois, j'ai écouté attentivement les discussions en commission. Après mûre réflexion et dès lors que vous n'avez pas souhaité supprimer les zones à faibles émissions mobilité séparatistes, il me semble évident qu'il faut conserver le minimum minimorum que constitue ce prêt à taux zéro en cours d'expérimentation pour deux ans, même si celui-ci, qui ne concerne que les familles dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 14 000 euros, est mal ciblé et n'est pas garanti par l'État. J'ai donc décidé de demander la suppression de l'article 2 de la proposition de loi.
J'en profite pour revenir sur les propos de M. Millienne – nous serions de faux défenseurs des pauvres, car nous nous opposerions ici à une mesure sociale.
Non ! Nous défendons les pauvres, car nous ne voulons pas qu'ils aient à régler les 68 euros d'amende qui leur sont actuellement infligés dans les villes appliquant déjà les sanctions prévues par le dispositif.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Accordez-nous la cohérence, de ce point de vue. Encore une fois, même si les discussions sont intéressantes, vous vous faites une spécialité des postures politiciennes, ce que je regrette.
Il arrive à tous les groupes politiques de modifier un texte entre l'examen en commission et celui en séance publique.
Ne nous accusez pas de changer d'avis ; nous enrichissons notre texte en fonction des discussions, car je crois aux échanges avec vous et j'écoute nos collègues, ce qui me permet de proposer des compromis.
Vous, chers Insoumis, avez voté l'amendement de suppression de l'article 1er , et n'avez donc pas souhaité défendre votre propre amendement de réécriture de cet article. Et cela alors que vous vous prétendez opposés aux ZFE-m ! J'ai du mal à comprendre ; tout cela n'a aucun sens.
M. Sylvain Carrière proteste.
Les Français nous regardent ; ils comprendront rapidement qui sont les défenseurs des classes populaires.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Avis favorable.
« Aïe, aïe, aïe ! » sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Nous vivons une situation surréaliste. Tout en reconnaissant qu'il ne sert à rien, vous défendez le PTZ créé dans la loi instituant les ZFE-m, que vous refusez d'abroger malgré leur absurdité – vous avez donc supprimé l'article 1er de ce texte.
Résultat : dans un délai de deux ou trois ans, je le répète, la moitié des automobilistes seront interdits de circulation, d'accès aux équipements publics et à leur lieu de travail. J'ajoute, qu'à l'heure du déjeuner, j'ai reçu le SMS d'un concitoyen habitant ma ville et qui travaille sur les pistes de l'aéroport d'Orly, le matin à cinq heures, pour que les avions décollent.
Même avec un PTZ, il n'aura pas les moyens de remplacer sa vieille voiture.
C'est faux !
Dès que la mesure entrera en vigueur – c'est-à-dire demain – il ne pourra donc plus travailler et perdra son boulot.
Tout cela parce que certains parlementaires vivent dans un rêve, sans regarder la réalité. Aujourd'hui, nous avions l'occasion inespérée de lui rendre son travail !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Sur l'amendement n° 25 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Kévin Mauvieux.
Ce débat me gêne, car nous traitons d'abstractions, en oubliant de les rattacher au concret – comme l'a montré M. Dupont-Aignan.
Vous défendez bec et ongles le prêt à taux zéro pour les foyers modestes, alors que ceux-ci se le verront refuser – s'ils le demandent. En effet, puisque vous n'avez pas augmenté leur salaire de 10 %, ils n'auront pas les reins pour le rembourser.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Pourquoi défendre alors ce crédit bec et ongles, alors qu'il ne pourra quasiment pas être utilisé ?
M. Leseul nous reproche de ne pas prévoir d'aides, mais il est interdit de créer des charges publiques dans les propositions de loi ! Nous faisons ce que nous pouvons, avec les moyens disponibles. Charge ensuite au Gouvernement de réfléchir aux décrets d'application ou à des projets plus poussés.
Oui, nous faisons ce que nous pouvons pour nos concitoyens. Prenons un exemple tout bête : pour être soignés, un couple de retraités de ma circonscription, dans l'ouest de l'Eure, qui ne touchent qu'une petite retraite, sera obligé d'aller à Rouen, faute de médecins sur place. Demain, puisqu'ils n'ont qu'une vieille Clio, on leur interdira d'être soignés, à moins de contracter un prêt à taux zéro qui ne leur sera pas octroyé, car ils ne gagnent pas assez. C'est le chat qui se mord la queue.
Vous ne pensez pas du tout aux Français, mais préférez une pseudo-écologie ridicule. Visiblement, la pollution causée par les voitures est acceptable à la campagne, mais condamnable en ville, où seront créées les ZFE-m. Bref, le chat se mord la queue et ce dispositif est nuisible aux Français, notamment ceux des territoires ruraux, qui ne peuvent plus travailler ni se soigner.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.
Malgré les demandes, je n'accorderai pas de nouvelle prise de parole. Deux ont déjà eu lieu. En outre, de ce que je comprends, tout le monde est d'accord.
Non, pas du tout, parce qu'il est placé après l'article 2.
À l'issue de l'examen de ce texte, je formule une demande minimale : le Gouvernement remettrait dans les six mois suivant la promulgation du texte un rapport sur l'objet de nos discussions – monsieur le ministre, c'est l'occasion de faire travailler un peu vos services. Il s'agirait d'examiner des moyens d'amélioration de la qualité de l'air différents des ZFE-m. Tout le monde convient qu'il faut transformer le système Crit'Air – qui permet de verbaliser nos concitoyens – et qu'il est absurde. Comment expliquer aux Français qu'ils prennent une prune à cause de lui ? Cela pose un problème de confiance à l'égard du Gouvernement et de la représentation nationale. Ce rapport est un minimum minimorum, qui ne mange pas de pain. Je ne vais pas me mettre à genoux pour vous supplier !
Dans six mois, le comité de coordination installé sous la présidence du maire de Toulouse et de la vice-présidente de l'eurométropole de Strasbourg rendra ses préconisations d'amélioration du dispositif de ZFE, afin d'harmoniser ces zones et de les rendre plus accessibles. La suite du débat sera enclenchée à partir de là et non à partir d'un rapport issu d'une proposition de loi visant, d'après son titre, « à supprimer les zones à faibles émissions mobilité ».
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je pense immanquablement au nuage de Tchernobyl, en écoutant cette majorité hétéroclite, de circonstance, réunie autour du seul objectif de voter contre les propositions de loi du groupe Rassemblement national.
Souvenez-vous, on nous rassurait, en nous expliquant que les frontières arrêteraient le nuage de Tchernobyl.
Je suis désolé de vous rappeler que le nuage allemand, très chargé en dioxyde de carbone produit par les centrales à charbon franchit allègrement celles de notre pays. La volonté d'instaurer le tout électrique amènera la Chine à démultiplier ses capacités de fabrication des intrants des moteurs électriques. Bien évidemment, ces nuages de pollution, comme ceux venus d'Inde, arriveront en Europe. Vous tuez donc à petit feu les classes moyennes, l'économie réelle de ce pays,…
…pour donner l'illusion au monde que la France, dont la production de gaz à effet de serre est epsilonesque, serait plus vertueuse que les autres. Mais quel est l'intérêt d'être vertueux quand on est mort ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le rapporteur, depuis 1983, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques – l'Opecst –, créé par le Parlement, réunit dix-huit sénateurs et dix-huit députés, dont certains appartiennent actuellement au groupe Rassemblement national.
Les membres de l'Opecst, grâce à leur culture scientifique, peuvent éclairer le champ politique sur les débats scientifiques – vous voyez, monsieur le rapporteur, nous nous efforçons de faire venir la science jusqu'à vous.
Dans la loi d'orientation des mobilités de 2019, nous avons adopté un amendement que je défendais, prévoyant un point très précis tous les cinq ans sur les énergies disponibles pour les automobiles.
En 2024, nous bénéficierons non seulement de ce rapport de l'Opecst, qui associera des députés et des sénateurs de toutes sensibilités politiques, mais aussi d'un débat au Sénat et à l'Assemblée nationale sur ce sujet. Votre demande de rapport est donc inutile. Ce travail de suivi par le Parlement complétera celui du Gouvernement et la concertation proposée par M. le ministre. Il faut en outre faire confiance aux élus locaux. Si vous voulez en savoir plus sur la manière dont ils déploient les ZFE-m, allez à Strasbourg, venez à Lyon ! Vous verrez, c'est intéressant !
Monsieur le rapporteur, alors que nous arrivons au terme du débat et puisque je vous ai manifestement convaincu de l'importance de la science, je vous propose de lire une bande dessinée que j'ai rédigée il y a une dizaine d'années, intitulée Un air suspect ; elle explique ce qu'est vraiment la pollution de l'air.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 204
Nombre de suffrages exprimés 203
Majorité absolue 102
Pour l'adoption 94
Contre 109
L'amendement n° 25 n'est pas adopté.
L'ensemble des articles et l'amendement portant article additionnel ayant été rejetés, la proposition de loi est rejetée.
La parole est à Mme Laure Lavalette, rapporteure de la commission des affaires sociales.
Il y a un an, notre assemblée recevait le témoignage du journaliste Victor Castanet, revenant sur l'enquête qu'il avait menée pendant des mois au sein du groupe Orpea, gestionnaire de centaines d'Ehpad dans notre pays. Médusés, les parlementaires d'alors ont ensuite reçu les dirigeants du groupe, qui tentèrent de minimiser ce qui était, à juste titre, qualifié de scandale. Les collègues de tous les groupes se sont immédiatement emparés du sujet, soutenant largement certaines propositions dont celle que je défends maintenant devant vous.
Je propose donc à la représentation nationale d'avancer en soutenant une proposition de loi qui pourrait être mise en œuvre simplement et rapidement. Celle-ci ne coûte pas un centime – cela devrait vous plaire – et aurait des effets immédiats. Du reste, les parlementaires ne se substitueraient à personne. Cette avancée, c'est le droit de visite des parlementaires dans tous les établissements sociaux et médico-sociaux, sans préavis.
En notre qualité de représentants de la nation, nous sommes souvent les premiers sollicités lorsqu'il s'agit de signaler des situations dangereuses, tant dans les Ehpad que dans les foyers de l'aide sociale à l'enfance – ASE ; depuis six mois, beaucoup d'entre nous en ont fait l'expérience.
Nous jouons un rôle très particulier d'intermédiaire entre les familles désemparées, qui ne savent plus vers qui se tourner, et les autorités locales compétentes, conseils départementaux et agences régionales de santé – ARS. La proposition de loi ne vise pas pour autant à exonérer ces dernières de leurs responsabilités en matière de contrôle. Au vu des révélations de ces dernières années, les contrôles renforcés doivent même se multiplier dans les établissements concernés. Nous ajoutons simplement un étage à la fusée, une garantie supplémentaire que le respect de la dignité est bien assuré dans ces établissements qui accueillent des personnes vulnérables.
Il ne s'agit pas non plus de jeter le discrédit sur les personnels, qui travaillent durement, et dont l'immense majorité fait preuve de professionnalisme et d'humanisme. Lors des travaux que j'ai menés pour préparer ce débat, j'ai ainsi entendu que mettre en lumière la mauvaise gestion des établissements sociaux et médico-sociaux pourrait dissuader les jeunes de s'engager dans cette voie professionnelle et nuire à l'attractivité de ces métiers de première ligne, essentiels au fonctionnement de notre société. Je crois, pour ma part, que c'est l'inverse et que c'est précisément en dénonçant les abus et les manquements, parfois très graves, qui y ont lieu que nous redorerons l'image du secteur médico-social. Pour avoir eu la chance de rencontrer nombre d'acteurs au cours des dernières semaines pour peaufiner cette proposition, je peux dire qu'ils nous attendent avec beaucoup d'impatience.
Ce sont d'ailleurs très souvent les professionnels eux-mêmes qui sonnent l'alarme au sujet de leurs horaires intenables, de leurs salaires trop bas et du nombre de postes vacants. N'oublions pas qu'ils étaient les premiers à témoigner de ce quotidien invivable lorsque le scandale Orpea a éclaté.
Il existe un consensus pour dire que l'évaluation et le contrôle des établissements sociaux et médico-sociaux sont défaillants, eu égard à la bienveillance et à la bientraitance dont devraient bénéficier les personnes fragiles qu'ils accueillent.
S'agissant des Ehpad, le législateur a commis une erreur lors de l'adoption de la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement, en ne permettant plus aux ARS et aux conseils départementaux, en tant qu'autorités de contrôle et de tarification, de reprendre les dotations non consommées. Les éventuels excédents sont désormais laissés à la main des établissements qui, je le rappelle, ont un but lucratif. Le résultat est simple et connu : des dérives prévisibles, motivées par l'appât du gain.
S'agissant du secteur de l'aide sociale à l'enfance, l'Observatoire national de la protection de l'enfance ne cesse d'alerter sur les risques psychosociaux auxquels les professionnels de l'enfance peuvent être exposés en raison du manque de personnel. À la faiblesse des moyens s'ajoutent d'énormes disparités de prise en charge selon les départements. Lors de son audition, la directrice de la qualité de l'accompagnement social et médico-social de la Haute Autorité de santé – HAS – a alerté la commission des affaires sociales sur la difficulté de définir une politique de l'enfance homogène lorsque celle-ci est décentralisée. En effet, la notion d'« information préoccupante », qui doit conduire au signalement auprès du département de la mise en danger d'un mineur, n'est pas entendue de la même manière par tous les conseils départementaux. Dès lors, un mineur pris en charge dans un département ne le serait peut-être pas dans un autre, quelques kilomètres plus loin. Cette disparité empêche par ailleurs de disposer de données nationales structurées susceptibles de rendre compte de la situation de l'aide sociale à l'enfance.
Qu'il s'agisse des Ehpad ou des foyers d'accueil des enfants en danger, les résidents et les professionnels ne sont pas assez écoutés. Comment ne pas se sentir désarmé lorsque l'on reçoit le témoignage d'associations, comme celui de l'Association parents et enfants en détresse, dont les représentants me disaient avoir trouvé porte close après avoir signalé de nombreuses fois les dérives parfois très graves subies par leurs enfants ? Je les remercie de leur présence en tribune et de leur courage, qui m'oblige et nous oblige tous.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous savons que les résidents d'Ehpad n'ont pas plus leur mot à dire sur l'organisation et le fonctionnement de ce qui est pourtant leur lieu de vie.
Quand un scandale surgit, qu'entend-on ? « Tout le monde savait. » « Orpea ? Tous les professionnels du milieu savaient. » Alors pourquoi ne parlent-ils pas ? Parce qu'ils savent qu'ils ne seront pas suffisamment entendus, parce que la parole ne se libère pas quand on est seul. Mes chers collègues, ne les laissons plus seuls !
Le regard extérieur, bienveillant, discret – j'insiste – et avisé des parlementaires peut permettre de briser le silence. Autoriser les parlementaires à constater, de leurs propres yeux, les dysfonctionnements des établissements sociaux et médico-sociaux ne pourra qu'apaiser nos concitoyens, inquiets pour leur entourage vulnérable, et leur redonner confiance.
Le dispositif que nous proposons est simple. Il s'inspire à la fois du dispositif prévu à l'article 719 du code de procédure pénale, régissant le régime légal de visite des lieux de privation de liberté, et de l'article L. 3222-4-1 du code de la santé publique relatif aux établissements psychiatriques.
À la suite de nos travaux en commission, je tiens à vous rassurer en niant tout amalgame entre les établissements visés par la proposition de loi et les lieux d'enfermement.
Il ne s'agit évidemment pas de comparer l'incomparable, même si l'opacité qui règne parfois dans ces établissements rend ces lieux aussi fermés au public que nombre de lieux privatifs de liberté. Il est évident que les personnes qui y vivent sont parfois dans une situation de dépendance telle qu'elle peut les exposer à la négligence, voire, dans les cas les plus graves, à la maltraitance.
Les débats sur l'opportunité pour les députés, les sénateurs et les parlementaires européens de se rendre dans de tels lieux ne sont pas nouveaux. Un rapport sur l'aide sociale à l'enfance, présenté par Alain Ramadier et Perrine Goulet, préconisait, au mois de juillet 2019, « un droit de visite législatif dans les structures de la protection de l'enfance » eu égard « aux difficultés d'accès à ces lieux ». Cette proposition avait été reprise par nos excellents collègues lors de la discussion en 2021 du projet de loi relatif à la protection des enfants. Le Gouvernement avait alors accepté le principe d'une visite des parlementaires, sous réserve d'en informer le conseil départemental en respectant un délai de prévenance. Or cette disposition n'a pas survécu à la navette parlementaire.
S'agissant des Ehpad, une proposition de loi transpartisane déposée au mois de février 2022 par Mme Christine Pires Beaune, que je tiens à saluer, présentait un dispositif proche de celui que nous proposons aujourd'hui, s'inspirant lui-même du dispositif existant pour les lieux de privation de liberté.
Cette question n'est pas de nature politicienne, nous parlons ici de bien commun, de progrès et parfois de survie. À ce titre, je tiens à saluer le soutien que le groupe Démocrate a apporté en commission à notre proposition, en cohérence avec les idées qu'il défend.
Les collusions entre le groupe Dem et le groupe RN, ce n'est pas nouveau !
Sourires sur quelques bancs du groupe RN.
Je déplore, au contraire, les positions obtuses de certains, qui rejettent aujourd'hui ce qu'ils préconisaient eux-mêmes hier – nous aurons l'occasion d'en reparler. Nous voilà aujourd'hui en séance, nous avons une seconde chance d'avancer ensemble. Il y va, aussi, de l'image de notre assemblée.
Pour finir, je voudrais entrer un peu plus dans le détail du dispositif. D'abord, nous prévoyons que les visites puissent s'effectuer à tout moment et sans préavis.
Il nous semble évident que seul un contrôle inopiné permet de voir comment les choses fonctionnent vraiment dans un établissement. Nous voulons que les parlementaires découvrent la véritable situation, et non pas celle que l'on voudrait leur montrer. Ce dispositif efficace s'applique aux établissements psychiatriques. Il est tout à fait logique de le décliner dans les établissements de santé.
Les établissements psychiatriques sont des lieux de privation de liberté, pas les Ehpad !
Je comprends le souhait d'instaurer un délai de courtoisie mais le risque est trop grand que la réalité soit dissimulée. Sans doute ne repeint-on pas une salle de repas en quelques jours mais, en revanche, on a le temps de faire revenir des éducateurs en repos ou de cacher quelques enfants pour améliorer fictivement le taux d'encadrement.
Nous souhaitions également, dans l'idéal, que les élus puissent être accompagnés d'un ou plusieurs journalistes titulaires de la carte de presse, comme cela est également possible pour les lieux de privation de liberté depuis 2015.
Ce serait à nos yeux un progrès démocratique que la presse puisse rendre compte, en toute transparence, des dysfonctionnements de ces établissements. Toutefois, je vous l'ai dit, il ne s'agit pas, avec cette proposition de loi, de faire de la politique politicienne. Je suis prête à supprimer cette faculté si cela devait permettre de sauver le cœur du dispositif de la proposition de loi qu'est le droit de visite des parlementaires.
Ainsi, nous vous présentons une proposition de loi consensuelle, de progrès, qui répond à la préoccupation de nombre de nos concitoyens. Croyez bien qu'ils l'attendent. J'espère donc qu'elle recueillera votre aval aussi largement qu'elle le mérite.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.
Ça commence bien !
Gardons à l'esprit deux faits marquants de l'année écoulée. Le premier est la publication par le journaliste Victor Castanet de l'enquête intitulée Les Fossoyeurs, laquelle a provoqué une gigantesque onde de choc dans le secteur du grand âge et plus largement dans la société française. Elle a été suivie d'une réponse forte des pouvoirs publics, à l'initiative de la ministre Brigitte Bourguignon et de l'Assemblée nationale, en particulier de sa commission des affaires sociales.
Le second est la publication de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, présentée par le secrétaire d'État Adrien Taquet, et qui a fait l'objet d'un consensus large entre les groupes à l'Assemblée nationale, puis entre cette chambre et le Sénat. Cette loi comporte de très nombreuses avancées en faveur des enfants protégés par l'aide sociale à l'enfance, notamment en leur offrant une meilleure protection contre les violences. En outre, désormais, une définition unanimement acceptée de la notion de maltraitance est inscrite dans la loi.
Vous proposez ici de discuter de vos propres prérogatives. Le Gouvernement ne va donc pas prendre formellement position. Je souhaite cependant apporter un avis circonstancié, nourri des réalités du terrain et des actions menées.
La première question que je me pose à la lecture de l'article unique est : « quelle image les députés du Rassemblement national ont-ils du travail mené par les professionnels des établissements visés ? »
Protestations sur les bancs du groupe RN.
En effet, la conséquence directe de votre proposition est de frapper ce travail de suspicion, remettant ainsi en question, d'une certaine façon, l'engagement, la détermination sans faille…
…dont fait preuve l'immense majorité d'entre eux afin de garantir aux publics fragiles et vulnérables dont ils prennent soin un accompagnement de qualité, bienveillant, bien-traitant.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je ne doute pas de votre bonne intention, mais il s'agit d'une fausse bonne idée qui contribuerait, in fine, à stigmatiser les professionnels …
Protestations sur les bancs du groupe RN
…et à jeter l'opprobre sur des secteurs qui ne sont certes pas épargnés par les dérives, mais qui font l'objet de contrôles réels et utiles.
On sent dans votre discours une vraie défiance vis-à-vis des structures concernées.
Cette défiance, vous la suscitez vous-mêmes en vous payant à peu de frais une solution de facilité, un faux-semblant dont vous taisez, volontairement ou non, les effets délétères.
Je m'interroge aussi sur le regard que vous portez sur l'action des autorités de contrôle, et plus largement celle des pouvoirs publics.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Le Gouvernement a-t-il, une seule fois, nié ou minimisé l'existence de maltraitances et de dérives dans les établissements dont nous parlons aujourd'hui ? Non.
Le Gouvernement a-t-il, une seule fois, renoncé à ses responsabilités pour faire cesser ces situations et pour garantir la pleine sécurité et le bien-être des personnes accueillies ? Non.
Le Gouvernement a-t-il, une seule fois, suspendu son dialogue avec ces professionnels formés, dévoués, dont je connais trop bien l'importance ? Non. Bien au contraire.
Dans les Ehpad comme dans les structures de l'ASE, des contrôles sont réalisés pour vérifier que les établissements remplissent leurs missions dans les meilleures conditions souhaitables.
Tout d'abord, à la suite de à l'affaire Orpea, je rappelle que le Gouvernement a annoncé et commencé à déployer, avec les départements, un plan visant à contrôler, d'ici à deux ans, 7 500 Ehpad. À ce titre, au printemps 2022, 400 inspections-contrôles physiques ont été réalisées dans le cadre de l'opération « coup de poing » ciblée sur les Ehpad gérés par Orpea ou ceux jugés à risque. Depuis le mois de février 2022, 1 400 contrôles ont été effectués, allant de l'examen de pièces comptables et réglementaires à des missions sur place. La mise à jour par les inspecteurs de situations passibles d'un traitement pénal a conduit à saisir sept fois le procureur de la République
Par ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a renforcé les mesures administratives que les équipes d'inspection peuvent prendre, en cas de défaillance constatée. Je remercie les parlementaires qui ont défendu des amendements en ce sens. La loi prévoit également des mesures fortes, visant à mieux encadrer et surveiller les pratiques des groupes gestionnaires d'Ehpad. En outre, les moyens destinés aux contrôles ont également été augmentés. En plus des 500 personnes compétentes qui exerçaient déjà des missions de contrôle dans les ARS, 120 postes ont été créés pour étoffer les équipes d'inspection.
Dans le secteur de la protection de l'enfance également, de nombreux outils de contrôle existent. Depuis 2020, les préfets doivent s'assurer annuellement que les présidents de conseils départementaux, premiers compétents pour contrôler les établissements auxquels ils délivrent des autorisations, leur transmettent leurs plans de contrôle. Or nous observons que 80 % de ces plans prévoient des visites inopinées sur site.
Dès sa prise de fonction, Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance, s'est engagée à renforcer les contrôles dans les établissements. Des opérations de contrôle ont été conduites avec les moyens de l'État dans plusieurs territoires et une circulaire a été adressée aux préfets pour réaffirmer l'engagement de l'État.
Le renforcement des opérations de contrôle vient compléter les dispositifs existants. Ainsi, l'Igas – Inspection générale des affaires sociales – mène annuellement une inspection approfondie d'un ou deux départements, tandis que les chambres régionales des comptes sont régulièrement amenées à contrôler la mise en œuvre de la politique de protection de l'enfance.
Le Défenseur des droits est régulièrement sollicité et transmet des alertes aux services de l'État, pour qu'ils apportent des solutions. Dans ce cadre-là aussi, les moyens ont été renforcés. La loi du 7 février 2022 instaure des contrôles de probité obligatoires et élargit le champ des contrôles visant les professionnels, les bénévoles intervenant dans les structures et les membres de la famille d'accueil résidant au domicile. La loi de finances pour 2023 prévoit par ailleurs de renforcer les moyens humains. Les effectifs des services sociaux déconcentrés ont été augmentés de 31 ETPT – équivalents temps plein travaillé ; les équipes territoriales de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) augmenteront d'une vingtaine d'ETPT. Ces effectifs sont appelés à augmenter de nouveau, dans des proportions similaires, au cours des prochaines années.
Je le dis sans ambiguïté : c'est sur ces équipes, sur l'ensemble des professionnels dédiés aux contrôles, que nous comptons pour lutter toujours mieux contre les maltraitances. C'est d'autant plus vrai que le droit de visite dont nous débattons ne permettrait absolument pas de repérer ces dernières.
Il faut bien méconnaître la réalité du terrain pour penser le contraire.
Jamais je ne contesterai aux parlementaires la moindre parcelle de leur rôle. Voter la loi ; contrôler l'action du Gouvernement ; représenter vos circonscriptions : chacun ici mesure l'importance cruciale, pour une démocratie saine, de votre action plurielle. Mais pensez-vous qu'un droit de visite inconditionnel dans les établissements sociaux et médico-sociaux résoudrait les difficultés que nous connaissons tous ?
Cela vous surprendra peut-être, mais je pense même que cette mesure pourrait se révéler contre-productive. La visite inopinée d'un parlementaire permettrait-elle, par exemple, d'aider une dame âgée à qui un professionnel peu scrupuleux – malheureusement il y en a – a volé une partie de son argent ? Qu'iriez-vous vérifier ? À qui iriez-vous parler ?
Murmures sur les bancs du groupe RN.
Quelle enquête mèneriez-vous ? La visite inopinée d'un parlementaire permettrait-elle d'apprécier une situation de négligence,…
…qui s'installe dans la durée et ne peut être constatée à un instant T, si ce n'est par des professionnels qualifiés, habilités à échanger avec les personnes concernées ?
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Iriez-vous vérifier si la douche donnée ce matin-là à telle résidente était chaude ou froide ?
Iriez-vous vérifier si, pour le petit-déjeuner, le lait n'a pas été mélangé avec de l'eau ?
La visite inopinée d'un parlementaire permettrait-elle de dévoiler des cas de violences sexuelles, comme il en existe entre professionnels et résidents, ou entre résidents ?
Pensez-vous qu'une telle agression aurait lieu justement quand vous êtes là, ou que grâce à la première question posée à une personne assise pour déjeuner, vous pourriez recueillir un témoignage ?
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
En réalité, je crains que cette prérogative ne vous conduise à passer à côté des vraies alertes.
Pire, je crains qu'elle puisse apparaître comme une caution en faveur de certains établissements visités, y compris ceux connaissant de vrais dysfonctionnements, qu'une visite de parlementaire, même inopinée, ne saurait révéler.
Mesdames et messieurs les députés, je ne vois pas ce qu'apporterait la mesure dont nous débattons.
Mme Béatrice Roullaud proteste.
Je vois en revanche quels effets notre action produit. Ils sont le résultat d'une structuration de notre réponse, et de la formation des agents qui la mettent en œuvre.
M. Jocelyn Dessigny et Mme Caroline Parmentier s'exclament.
Oui, contrôler des structures qui accueillent des publics vulnérables est un métier à part entière. Pour être efficaces, ces contrôles nécessitent certains prérequis, dont les parlementaires et journalistes ne disposent pas.
Sourires sur les bancs du groupe RN.
Ils doivent notamment s'appuyer sur des compétences permettant d'analyser des documents ou des situations à partir d'expériences comparables, d'après un référentiel de normes opposables.
C'est pourquoi, dans le domaine du grand âge, le Gouvernement a construit une offre de formation sur mesure à l'intention des ARS, en renforçant les ressources internes de l'École des hautes études en santé publique (EHESP). L'objectif est de former 600 agents d'ici à la fin du premier semestre 2023. De la même façon, dans le secteur de la protection de l'enfance, des formations communes, relatives aux enjeux spécifiques du contrôle des établissements, ont été élaborées pour les personnels. Elles permettront de former plus de 300 agents de l'État et des départements.
Outre l'inefficacité de la mesure proposée, je dois souligner ses potentiels effets négatifs. Nous parlons de publics vulnérables, pour certains protégés. À l'inverse des lieux de privation de liberté, il n'est, dans les structures évoquées, pas question d'exercer le moindre contrôle sur les personnes. Dans les Ehpad, je suis tout autant attaché au respect des libertés et droits des résidents qu'à la qualité de l'accompagnement. Le droit à la vie privée en fait partie ; il ne les empêche d'ailleurs pas, s'ils le souhaitent, d'accueillir élus et journalistes, y compris dans leurs chambres.
Les établissements de protection de l'enfance accueillent des enfants placés sur décision administrative ou judiciaire pour être protégés ; je sais que la secrétaire d'État Charlotte Caubel est tout aussi attentive à garantir l'intimité et le respect de la vie privée des enfants.
Les parlementaires peuvent déjà visiter ces établissements, sous réserve d'une simple précaution administrative : prévenir la direction et le conseil départemental. Une telle condition ne me semble pas exorbitante.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Elle nous garde de toute tentation de récupération politique.
Par ailleurs, l'instauration d'un droit de visite inconditionnel des parlementaires ne répond en rien, je dis bien en rien, aux attentes des collectifs de familles, avec lesquels j'échange très régulièrement.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
Je connais leurs demandes : ils veulent que les pouvoirs publics fassent respecter les règles existantes dans l'écosystème ; que les autorités de contrôle soient au rendez-vous ; surtout, que l'on écoute et entende mieux les personnes.
En conclusion, mesdames et messieurs les députés ,…
« Ah ! » sur les bancs du groupe RN
…je souhaite partager avec vous une conviction profonde : dans la lutte contre la maltraitance, nous devons dépasser l'urgence permanente et nous inscrire dans une logique d'appréhension structurelle des enjeux. Il nous faut notamment améliorer les circuits d'alerte et les dispositifs de réponse. Pour y parvenir, le ministre de la justice, le ministre de l'intérieur, la ministre déléguée chargée des personnes handicapées, la secrétaire d'État chargée de l'enfance et moi avons récemment saisi l'Igas, l'Inspection générale de l'administration (IGA) et l'Inspection générale de la justice (IGJ).
Nous devons évidemment continuer à libérer la parole, et surtout faire en sorte qu'elle parvienne aux bonnes oreilles. C'est l'objet de la plateforme de recueil des plaintes et réclamations, ouverte au grand public et aux familles, qui sera installée dans les prochaines semaines.
C'est également l'objet de la mise en débat de toutes les données relatives aux maltraitances : j'ai confié à la Conférence nationale de santé le soin de définir les modalités de l'organisation de rendez-vous annuels de transparence. En complément, une proposition de loi a été récemment déposée par les députés de la majorité présidentielle – j'en salue les auteurs, et je les remercie. Elle vise notamment à instaurer une nouvelle gouvernance territoriale pour réagir aux alertes de maltraitance envers les majeurs vulnérables. Ce dispositif complétera les outils existants et garantira la cohérence des mesures prises contre la maltraitance. Je ne peux qu'applaudir cette initiative.
Pour ma part, j'aurai l'occasion d'annoncer très prochainement le lancement d'une stratégie de lutte contre les maltraitances, en lien avec de nombreux ministères, dont ceux de l'intérieur et de la justice. Cette action résolue, concertée, ramènera la sécurité, la qualité et le bien-être dans toutes les structures du grand âge et de la protection de l'enfance ; elle restaurera la confiance dans des secteurs auxquels nous devons épargner le soupçon permanent que certains s'emploient à répandre.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.
Jamais nous n'aurions pensé qu'un texte qui devrait faire l'unanimité pourrait ne pas être adopté. Jamais nous n'aurions pensé que vous feriez passer après tout le reste – et surtout après vos postures politiciennes – la question des maltraitances commises sur les enfants et les personnes âgées. Toujours, le Rassemblement national défendra haut et fort la protection de l'enfance. Toujours, le Rassemblement national souhaitera endiguer les maltraitances dont sont victimes nos aînés.
Déjà, je vois poindre sur vos bancs l'argument de l'atteinte portée à la dignité des personnes vivant en établissement social et médico-social, afin de réprouver la présente proposition de loi. Pourtant, permettre aux députés et aux sénateurs de donner l'alarme sur la situation dans ces établissements, c'est faire le choix d'une vie meilleure pour nos compatriotes fragiles et vulnérables. Avec ce texte, inscrit à l'ordre du jour de notre niche parlementaire, cette journée consacrée aux propositions d'un groupe politique, nous formons le vœu d'un État responsable dévoué au service des Français.
Chacun a sans doute vu – j'invite ceux qui ne l'auraient pas fait à le regarder – le documentaire Familles d'accueil, hôtels sociaux : le nouveau scandale des enfants placés, de Jean-Charles Doria. Ce documentaire, diffusé dans « Zone interdite » sur M6, nous a alertés sur les résultats extrêmement préoccupants d'une enquête menée au sein d'établissements habilités au titre de l'ASE.
Il suffit de citer quelques exemples pour dévoiler l'ampleur du problème : l'examen insuffisant du dossier d'une fausse famille d'accueil, sans vérification de l'identité ou du casier judiciaire ; la détresse des enfants hébergés dans des hôtels sociaux ; la présence de points de deal dans les foyers de l'enfance ; la facilité avec laquelle des jeunes filles placées deviennent les proies de proxénètes.
Ces exemples ne peuvent pas nous laisser indifférents. Les mentalités doivent évoluer. Un devoir moral nous incombe à l'égard de nos enfants, de nos aînés et des professionnels travaillant en Ehpad et dans les foyers de l'ASE ; bien entendu, il faut le rappeler sans déconsidérer les efforts des conseils départementaux en la matière.
Aussi, dans le cadre de l'exercice des missions de contrôle qui leur incombent, les parlementaires doivent-ils naturellement être déclarés compétents pour visiter les établissements sociaux et médico-sociaux.
Les missions des Ehpad sont intimement liées au droit à la dignité humaine, censé caractériser la société développée dans laquelle nous vivons. Nos aînés, en raison de leur fragilité physique et mentale, ont droit au maintien et à l'amélioration de leur autonomie. Ils ne devraient pas souffrir de la solitude ni de l'isolement, après avoir consacré leur vie à leurs proches et après avoir fait don de leur personne. Ils ne devraient pas non plus subir d'actes malveillants, qui les laissent sans nourriture, sans hygiène, abandonnés à leur sort, à cause de leur vulnérabilité physique et psychologique.
Après le scandale Orpea, les signalements de maltraitance en Ehpad ont fortement augmenté. La loi du silence est rompue. Durant le premier trimestre 2022, le numéro d'appel national qui recense les brutalités commises envers les personnes âgées a connu une hausse de 40 % des signalements. Les Français nous attendent au tournant. L'adoption de cette proposition de loi est donc nécessaire et répond à des attentes décuplées depuis les récentes révélations.
Quant aux foyers de l'ASE, leurs missions sont intimement liées au bien-être de l'enfant. Il ne saurait en être autrement. Les enfants et adolescents confiés à l'aide sociale doivent bénéficier d'une aide matérielle significative, prioritaire et dispensée sans exception. Cette aide doit notamment se traduire par l'instauration de projets éducatifs et psychologiques qui visent à protéger leur intégrité, ainsi qu'à prévenir d'éventuels actes malveillants. Ces enfants et adolescents, comme tous les autres enfants et adolescents, ont droit à une stabilité affective et sociale, qui leur permettra d'espérer et d'envisager avec sérénité leur intégration dans la société.
Lors de l'examen du texte en commission des affaires sociales, nous avons entendu une objection – M. le ministre vient de la reprendre – qui n'a pas lieu d'être. Les personnels des Ehpad et des foyers de l'ASE effectuent avec courage un travail formidable. Jamais leur implication au service des Français ne saurait être mise en doute. L'altruisme et l'empathie dont ils font preuve, alors que leur travail est épuisant et très souvent mal rémunéré, imposent le plus grand respect.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Les dérives que nous évoquions précédemment sont notamment le fait du sous-effectif, et se produisent au détriment de toutes les personnes qui exercent quotidiennement leur travail avec passion.
Le Rassemblement national vous invite à ne pas voter pour les amendements de suppression déposés par certains groupes politiques et dont l'adoption empêcherait tout débat. Nous pourrons alors partager nos idées et nos convictions respectives, afin que chacun puisse faire un choix politique mesuré et responsable dans l'intérêt du pays. À cet égard, l'amendement rédigé par le groupe Démocrate est le bienvenu : il ouvre le débat et permet d'engager une réflexion approfondie sur le sujet. Les groupes politiques qui composent l'Assemblée nationale peuvent avoir des divergences ; mais lorsqu'il s'agit de protéger les Français, il est de notre devoir d'accélérer le travail législatif.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Mes chers collègues, ayons le courage de nous mettre d'accord pour étendre aux établissements sociaux et médico-sociaux le droit de visite des parlementaires nationaux et européens élus en France. Faisons-le ensemble !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Voici une proposition de loi qui étend aux centres sociaux et médico-sociaux le droit de visite parlementaire, droit dont le Rassemblement national lui-même n'a pas jugé utile de faire usage lors de la visite de la prison de Fresnes organisée fin 2022 par la commission des lois.
Mais ne doutons pas qu'il en fera bientôt copieusement usage dans les centres de rétention administrative pour migrants, afin d'identifier les meilleures façons d'organiser le retour en Afrique des réfugiés.
La loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes autorise députés et sénateurs à visiter les lieux de rétention. Bien que nantis de ce droit de visite, seuls 21 % des quelque 1 000 parlementaires français – soit un sur cinq – ont visité un établissement pénitentiaire ou psychiatrique.
Le 25 janvier 2022, les députés du groupe Socialistes et apparentés ont demandé que les parlementaires puissent disposer d'un droit de visite à l'improviste dans les Ehpad. Cette demande faisait suite à la mise en lumière de la maltraitance institutionnelle dans les Ehpad privés, d'abord en 2018 dans le documentaire audiovisuel Maisons de retraite : derrière la façade, puis en janvier 2022 dans le livre Les Fossoyeurs dénonçant la spéculation sur l'or gris – entendez par là nos anciens.
De nombreux rapports alertent depuis des années l'opinion sur la mauvaise gestion des Ehpad privés et les mauvais traitements qui y sont pratiqués. En effet, les effectifs des agents de l'ARS responsables du contrôle de ces établissements ont chuté de 26 % en six ans ; seuls 17 établissements sur 700 ont été contrôlés en 2019 en Île-de-France. Quant à l'inspection du travail, chargée des salariés, elle est réduite à la portion congrue ; des postes y sont supprimés chaque année. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 a acté que les Ehpad ne seront dotés que de 3 000 aides-soignants et infirmiers supplémentaires, un chiffre éloigné des 20 000 recrutements demandés en urgence par les directeurs d'Ehpad et par la NUPES. Enfin, il n'y a toujours pas de loi « grand âge » pour adapter la société au vieillissement de la population.
Quant à l'ASE, sa situation est particulièrement critique, puisqu'on y constate de graves dysfonctionnements structurels : agressions sexuelles, violences et travailleurs sociaux en sous-effectif. L'encadrement et les professionnels des structures sociales et médico-sociales témoignent partout de situations récurrentes et pérennes de sous-effectif et de sous-qualification.
Le champ de cette proposition de loi inclut les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie, les foyers de jeunes travailleurs, les établissements de dépistage, les centres d'accueil pour demandeurs d'asile et les services de protection des majeurs dans le cadre de la sauvegarde de justice, de la curatelle ou de la tutelle. Un droit de visite des parlementaires étendu à ces lieux ne changerait rien. Les députés ne pourraient que constater ce que l'on sait déjà de la situation dans les Ehpad, à l'ASE ou dans le secteur du handicap ; tout a déjà été dit à ce sujet, notamment dans le rapport d'information de Caroline Fiat et Monique Iborra sur les Ehpad.
Le secteur social et médico-social est désormais peu attractif, voire répulsif ; le turnover y est massif. Le nombre de candidats au concours d'aide-soignant a baissé de 25 % en cinq ans, les rémunérations dans le secteur sont durablement indignes et les formations restent cloisonnées. Ces conditions dissuadent d'exercer ces métiers si mal rémunérés. À ce jour, 64 000 postes de travailleurs sociaux généraux sont vacants et les larrons qui fantasment sur un report de l'âge de départ à la retraite n'y changeront rien : à 65 ans, les soignants dans les Ehpad finiront par être plus âgés que les résidents dont ils s'occupent !
Il faut prendre des mesures concrètes et structurelles pour améliorer la situation.
Les solutions existent ; elles se situent à l'exact opposé de celles proposées par tous ceux qui, bien qu'ayant le pouvoir, n'ont rien pu prévoir. Nous présentons les principales et les plus urgentes : l'interdiction des Ehpad privés à but lucratif ;
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
la suppression des mécanismes de défiscalisation de l'investissement locatif en Ehpad ; l'instauration d'un ratio décent entre patients et soignants ;
Mêmes mouvements
le recrutement massif de personnel et la revalorisation salariale ; l'injection de la prime Ségur dans les salaires de tous les personnels du secteur ; la création de 10 000 places d'accueil en Ehpad par an pendant cinq ans.
Mêmes mouvements.
De la même manière, pour les centres sociaux et médico-sociaux, en lieu et place d'un droit de visite réglementé qui ne changerait ni la condition des professionnels ni celle des résidents, nous proposons de revaloriser les salaires des professionnels, d'embaucher massivement le personnel nécessaire à leur bon fonctionnement et de centraliser ces structures au niveau de l'État.
Mêmes mouvements.
La proposition de loi du groupe Rassemblement national étendant le droit de visite des parlementaires est une totale hypocrisie quand on sait qu'il a proposé ce matin même des mesures d'exemption de cotisations sociales qui accentueraient le dépouillement des moyens des secteurs de la santé et du grand âge. Assez de tartufferie !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe RN.
Cette proposition de loi du groupe Rassemblement national entend étendre aux établissements sociaux et médico-sociaux le droit de visite des parlementaires et des parlementaires européens élus en France. Elle s'inscrit dans un contexte de scandales sanitaires dans les Ehpad – comme ceux d'Orpea – et dans les centres de l'ASE. Ces scandales sont inadmissibles et nous devons réagir. Nous sommes tous soucieux du respect de la dignité des personnes vulnérables accueillies dans ces établissements, de la bienveillance et de la bientraitance qu'elles sont légitimement en droit d'attendre. Nous sommes également tous conscients que les personnels de ces établissements travaillent durement, avec professionnalisme et humanisme dans l'immense majorité des cas. Nous connaissons aussi les conditions de travail très difficiles des professionnels, liées au manque d'attractivité des métiers et aux nombreux postes vacants. Toutefois, ces métiers sont essentiels au bon fonctionnement des établissements.
Ce contexte délétère peut très vite induire des formes de maltraitance. La commission des affaires sociales est parfaitement saisie de cette problématique : quatre missions flash sur les Ehpad ont été lancées en février 2022. Un important travail a été mené durant la précédente législature et des préconisations ont été faites dans de nombreux rapports, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Nous attendons désormais les projets de loi traitant globalement l'ensemble des problèmes de l'autonomie et du grand âge.
La proposition de loi fait référence à la loi du 15 juin 2000, qui permet aux députés de visiter des centres pénitentiaires, et à la loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse, qui élargit le droit de visite des parlementaires aux centres éducatifs fermés et les autorise à être accompagnés de journalistes. Il s'agit là de lieux de privation de liberté, ce que ne sont pas les établissements sociaux et médico-sociaux.
Le présent texte ne peut donc s'inscrire dans la continuité de ces deux lois. Nous devons veiller à ne pas stigmatiser les établissements sociaux et médico-sociaux ; ce sont avant tout des lieux de vie et nous devons respecter la liberté et les droits des résidents, notamment leur vie privée. Les établissements sociaux et médico-sociaux ne sont pas non plus comparables aux établissements pénitentiaires en ce qu'ils sont gérés par les départements. Les élus auxquels revient donc le droit, ou le devoir, de visiter ces établissements sont moins les députés et les parlementaires européens que les élus départementaux et les services de contrôle des ARS et des départements. L'action sociale relève bien des compétences de ces derniers.
Un consensus existe autour de la défaillance de l'évaluation et du contrôle des établissements sociaux et médico-sociaux. Le scandale Orpea a montré à quel point ces agissements s'inscrivaient dans un système ; pour les démasquer, des compétences tout à fait spécifiques sont donc nécessaires. Nous pouvons douter du bien-fondé de ce texte, qui se présente comme la solution face aux dérives constatées.
Il est trompeur de penser que le droit de visite des parlementaires permettrait de démasquer ces agissements. Les contrôles doivent être effectués par des personnes habilitées et formées. Le recrutement de personnels disposant des compétences spécifiques pour effectuer les contrôles est d'ailleurs un problème pour les ARS et les départements.
En tant que parlementaires, nous nous rendons régulièrement dans les Ehpad et les centres médico-sociaux de nos circonscriptions. Comme la plupart des élus, nous y sommes toujours bien accueillis. Ces rencontres offrent justement la possibilité d'échanger avec les directeurs et les personnels au sujet de leurs problèmes et de leurs besoins. La présente proposition de loi prévoit la possibilité d'effectuer ces visites avec des journalistes ; cela me paraît peu opportun. Nous avons le sentiment qu'il s'agit d'une proposition de loi un peu sensationnaliste…
…qui ressemble davantage à un coup de communication qu'à un véritable travail de fond pour résoudre les problèmes.
Pour le groupe Les Républicains, d'autres moyens existent pour mieux contrôler le fonctionnement et les agissements des établissements. Nous sommes soucieux que ces contrôles soient effectués régulièrement et rigoureusement, et que des sanctions soient prononcées s'il y a lieu. Toutefois, il ne nous semble pas que le droit de visite des parlementaires contribuerait efficacement à éviter de mauvais traitements. En revanche, des mesures visant à renforcer l'attractivité de ces métiers, pour pallier la vacance de 200 000 postes dans ces établissements, représenteraient une avancée certaine pour assurer une prise en charge satisfaisante des personnes accueillies. Nous voterons donc contre cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Compte tenu des récents scandales dans certains établissements sociaux et médico-sociaux, il semble pour le moins qu'un niveau de contrôle supplémentaire soit nécessaire. Nous l'avons tous dit l'an dernier lors de la sortie du livre d'enquête sur le sujet, Les Fossoyeurs. Dans les semaines suivant la révélation de ce scandale, le groupe Démocrate avait fait de nombreuses propositions en ce sens.
La proposition de loi que nous examinons fait écho à cette affaire. Elle reprend des amendements déjà déposés et défendus, tendant à permettre aux parlementaires de visiter des établissements sociaux et médico-sociaux, qui avaient été rejetés. De manière très opportuniste, le groupe Rassemblement national présente aujourd'hui un texte calqué sur ces initiatives.
Toutefois, nous nous en tiendrons au fond du dispositif proposé. À première vue, pourquoi, en tant que parlementaire, s'opposer à une extension de nos prérogatives ?
Pour beaucoup, il pourrait sembler légitime de soutenir ce droit de visite.
Au-delà de l'activité législative, les contrôles – au pluriel – constituent une autre mission essentielle des députés. En cela, la proposition reprise par le groupe Rassemblement national pourrait sembler vertueuse et de bon sens.
Mais dans les faits, elle s'éloigne de la posture d'exigence et de responsabilité que nous défendons. Notre objectif doit être de protéger les publics fragiles et non de les exposer à des visites surprises de parlementaires accompagnés de journalistes.
Ces établissements accueillent des personnes vulnérables, dont le discernement peut être absent ou incomplet. Dans le cas des Ehpad se pose en outre la question du respect de l'intimité des résidents, leurs chambres étant assimilées à des domiciles privés.
Tout parlementaires que nous sommes, nous ne saurions avoir accès aux espaces privés sans le consentement éclairé de la personne, ou l'aval d'un tiers de confiance. En outre, que faites-vous de l'accès aux dossiers médicaux des patients ? Il n'y a pas une ligne dans votre texte sur ce point.
Nous devons nous assurer d'agir de manière efficace, dans le respect de la dignité humaine et du secret médical. C'est pourquoi l'organisation d'un droit de visite au sein de ces structures nécessite un travail beaucoup plus approfondi – au moins de sécurisation juridique.
Mais, face aux situations ou aux soupçons de mauvais traitements, il est indispensable que les administrations de tutelle et le législateur réagissent. C'est ce que nous avons fait dans le secteur de la dépendance, comme pour la protection de l'enfance. Le ministre l'a rappelé, 1 400 contrôles ont été diligentés en 2022. L'objectif est très clair : il faut que des équipes formées, et en nombre suffisant, réalisent ces contrôles.
Votre texte, insuffisamment travaillé, n'est pas abouti. Pourquoi ne pas s'inspirer du dispositif adopté au début des années 2000 pour les établissements psychiatriques ? Vingt ans plus tard, la procédure fonctionne toujours, dans le respect des résidents ou des malades. Elle permet un contrôle parlementaire, tout à fait légitime puisqu'il s'agit de protéger nos concitoyens.
Personne, ici, ne nie ou ne sous-estime la nécessité d'apporter des réponses fortes aux maltraitances dans le secteur social et médico-social – qui ne saurait être réduit à cela, nous en conviendrons tous. Mais les réponses ne peuvent intervenir dans l'urgence et par opportunité politique. Loin des coups d'éclat, le groupe Démocrate soutient une logique de traitement structurel des enjeux auxquels font face les Ehpad et les foyers des services de la protection de l'enfance. Eu égard aux failles de la proposition de loi du Rassemblement national, et aux réponses à apporter à ces établissements, notre groupe ne votera pas ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La présente proposition de loi vise à étendre le droit de visite des parlementaires, accompagnés de journalistes, aux établissements sociaux et médico-sociaux. L'accompagnement des jeunes en difficulté, des personnes en situation de handicap ou des aînés dépendants est un sujet éminemment noble et politique – il s'agit de garantir la dignité humaine jusqu'à la fin de la vie.
Les maltraitances révélées par le scandale du leader européen des maisons de retraite Orpea sont des alertes inquiétantes. Face à cette situation, nous devons absolument agir politiquement et prendre des mesures de protection et d'accompagnement complémentaires, afin de garantir une qualité irréprochable de gestion et d'action dans ces établissements.
Mais le texte que vous proposez présente au moins deux défauts majeurs, qui expliquent que nous voterons contre lui. En premier lieu, il est idéologiquement inspiré du droit français de visite parlementaire dans les lieux de privation de liberté, notamment les prisons, que vous souhaitez « étendre » – c'est le terme que vous employez. Comment pouvez-vous assimiler les établissements sociaux et médico-sociaux, recevant des personnes vulnérables, aux lieux de privation de liberté ? C'est une atteinte à la qualification de ces lieux, car, bien au contraire, de tels établissements accompagnent, traitent et améliorent les conditions de vie des personnes accueillies.
C'est aussi une atteinte aux personnes hébergées et accompagnées, personnes dignes et respectables qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté ou à cause d'un accident de la vie, se retrouvent dans l'obligation d'être suivies du fait de leur vulnérabilité ou de leur fragilité.
En outre, c'est une atteinte au personnel – administratif, soignant, paramédical, etc. – qui, au quotidien, gère, encadre et accompagne, souvent avec peu de moyens, ces personnes fragiles.
Enfin, c'est une atteinte aux autorités publiques qui agréent ces établissements, notamment en leur fournissant des moyens dans le cadre de leurs politiques publiques.
Votre texte présente un deuxième défaut majeur : le droit de visite que vous proposez est assorti d'une obligation, celle de visiter en binôme. Vous autorisez la venue de personnes privées, et non agréées, dans des lieux d'hébergement de personnes vulnérables. Cela pose un problème éthique et moral : comment imaginer que des personnes privées entrent dans l'intimité de personnes fragiles, avec ce que cela comporte comme risque de publicité dangereuse, de déformation des réalités et, tout simplement, d'atteinte à la liberté des personnes visitées – d'autant que vous ne proposez aucun moyen de contrôle pour éviter les dérives.
La présence d'un tiers privé est une atteinte à l'intimité et à la vie privée de ces personnes, c'est un risque d'atteinte au secret médical, un risque d'atteinte aux familles et aux personnes hébergées ; c'est aussi un risque d'instrumentalisation et de manipulation du fonctionnement des établissements, donc celui de générer de nouvelles dérives. Comment pourrions-nous accepter d'inscrire dans la loi l'obligation de visite de ces établissements par des tiers privés – agréés de fait ? Il s'agit d'un choix discriminatoire, sans parler du discrédit que vous jetez sur les professionnels représentant l'autorité publique en charge du contrôle.
Est-ce à dire qu'il ne faut pas agir ? Bien sûr que non ! Il est nécessaire de renforcer les contrôles, comme les actions de prévention. Mais ce n'est pas ce que vous faites dans ce texte. Il faut augmenter les moyens des établissements et simplifier la chaîne d'action et de réponse – alerte, contrôle, coercition, sanction – afin de garantir la protection des personnes fragiles, mais aussi une gestion rigoureuse des établissements, de meilleures conditions de travail pour les personnels et des conditions de vie dignes et humaines.
Pour éviter les dérives de ces établissements et des scandales comme celui d'Orpea, il faut renforcer les moyens, très insuffisants, alloués aux ARS et aux départements qui disposent des compétences nécessaires pour contrôler l'activité des établissements sociaux et médico-sociaux.
Mon groupe votera contre votre proposition de loi. C'est un vote pour le respect de la dignité, un vote d'humanité, un vote de valeurs et de responsabilité.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La proposition de loi du Rassemblement national instaure un droit de visite sans préavis dans les établissements sociaux et médico-sociaux et vise en particulier les Ehpad et les foyers de l'ASE. Le groupe Horizons et apparentés réaffirme son engagement dans la lutte contre les dérives décrites dans les médias au cours des dernières années – notamment à l'occasion de l'affaire Orpea. Il a d'ailleurs formulé des propositions lors des débats sur le PLFSS pour 2023 afin que la Cour des comptes puisse mieux contrôler les Ehpad.
Les récents scandales ont également révélé les difficultés importantes liées aux moyens humains. Grâce aux mesures prises dans le PLFSS pour 2023, les Ehpad bénéficieront de 3 000 aides-soignants et infirmiers supplémentaires dès cette année, et 50 000 postes devront être créés d'ici à 2027. Vous le constatez, l'intérêt supérieur des personnes âgées est notre priorité.
En outre, l'objectif de la proposition de loi est en partie atteint puisque les parlementaires ont déjà un droit d'accès à ces établissements sur simple information du gestionnaire et du département responsable. Le droit de visite ne peut leur être refusé et ils peuvent donc venir à la rencontre des personnels et des résidents.
Le parallèle, évident, établi par le Rassemblement national avec les prisons n'est pas opportun. Les publics concernés ne sont pas comparables – il s'agit ici de personnes vulnérables – et le personnel accompagnant la personne âgée dans un Ehpad, très proche des résidents, n'a ni les mêmes tâches ni les mêmes fonctions que celui des prisons.
C'est aussi pour cette raison que la présence de journalistes, que vous proposez désormais à titre expérimental dans un de vos amendements, est en décalage avec le premier objectif qui doit rester la protection, le respect et la dignité des personnes mineures et majeures. Ceux-ci ne peuvent être pleinement garantis par votre proposition, qui va à l'encontre de la protection de la vie privée.
Au sein des Ehpad, il est toujours possible d'entrer en relation avec les membres des conseils de vie sociale, instances élues par les résidents et les familles d'un établissement médico-social, afin d'entendre les résidents, les familles, les salariés des établissements qui s'expriment en toute sincérité.
Vous l'avez dit, madame Lavalette, nous sommes attendus dans les établissements. Dans ma circonscription, je vais à leur rencontre et toutes les personnes, y compris les résidents, s'expriment librement sur leurs difficultés ou leur ressenti. C'est une solution bien moins intrusive et bien plus respectueuse des personnes que votre proposition de loi, aux termes de laquelle des personnes hébergées verraient arriver des députés et journalistes à leur domicile, sur leur lieu de vie sans y avoir consenti.
Il y a d'autres moyens que ceux que vous proposez pour lutter contre les dérives révélées. Il faut travailler avec les départements qui gèrent les établissements, continuer à renforcer les moyens humains – comme nous le faisons – et, sûrement, intégrer les élus au sein des conseils d'établissements privés, afin de mieux rendre compte de la façon dont les résidents sont traités, comme nous le faisons déjà au sein des établissements publics. Cette mesure simple répondrait au risque d'opacité que vous dénoncez, madame Lavalette. Le sujet, important, mérite des réponses de fond – ce sont celles apportées par la majorité présidentielle au cours des dernières années –, et non des solutions démagogiques. Le groupe Horizons et apparentés votera contre cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et RE.
J'interviens au nom de mon collègue Sébastien Peytavie. Cette proposition de loi envisage d'étendre le droit de visite des parlementaires aux établissements sociaux et médico-sociaux. Elle prétend répondre aux défaillances et maltraitances gravissimes qui ont encore lieu dans certains établissements – Ehpad ou structures de l'aide sociale à l'enfance. Dans certains établissements, des personnes âgées ont été gravement maltraitées et leurs soins rationnés, dans une pure logique de profit. Dans certains établissements, des enfants placés sont morts alors qu'ils dormaient dans des hôtels miteux, sans supervision adulte.
L'abandon des enfants placés par le Gouvernement est un scandale d'État et je rappelle qu'un quart des personnes sans domicile fixe sont d'anciens enfants placés. Le constat est simple : l'État a totalement délaissé notre système de soins et l'action sociale en faveur des personnes les plus vulnérables alors que nous devrions les protéger coûte que coûte, qu'elles soient mineures, en situation de handicap, dépendantes ou parce qu'elles ont fui leur pays. Si de telles horreurs ont lieu, c'est en raison du déficit scandaleux de contrôle de ces structures et parce que l'action sociale manque cruellement de moyens. Les rapports alarmants de l'Inspection générale des affaires sociales et les alertes des associations s'accumulent depuis bien trop longtemps…
Les abus, la maltraitance, les défaillances, nous les connaissons. Et les solutions, nous les connaissons aussi. Ce sont bien les pouvoirs publics qui choisissent de regarder ailleurs, à moins qu'un coup de projecteur ne mette en lumière des aberrations déjà connues.
Certes, il s'agit de lieux où l'action publique s'exerce et il convient de les contrôler avec fermeté, mais ce sont aussi des domiciles où, en tant que parlementaires, nous ne pouvons faire irruption à des fins de contrôle. Seule la privation de liberté fonde le droit de visite parlementaire des lieux pénitentiaires ; c'est parce qu'il y a privation de liberté que nous devons contrôler le respect des droits des personnes détenues.
Les établissements sociaux et médico-sociaux ne sont pas des lieux de privation de liberté. Ce sont avant tout des lieux de soins, des lieux de vie et des domiciles – certes différents des autres, mais des domiciles malgré tout. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on parle d'abord de maisons de retraite, avant de parler d'Ehpad.
Le groupe écologiste rappelle que, non, tous les moyens ne sont pas bons pour s'attaquer à ces défaillances. Le Rassemblement national motive à deux reprises le dépôt de sa proposition de loi par la préservation de la dignité humaine, mais de quelle dignité parle-t-il lorsqu'il réclame le droit de s'introduire dans l'intimité de personnes vulnérables ?
De quelle dignité parle-t-il lorsqu'il s'assoit sur le consentement de ces personnes, dont des mineurs, à des visites inopinées ? Cette proposition de loi n'est rien d'autre qu'une violation supplémentaire de leur dignité, ce que le groupe écologiste n'approuvera jamais.
Il serait absurde de proposer que les élus aient le droit de s'introduire dans les logements pour lutter contre les violences conjugales. Il serait également absurde de proposer qu'ils puissent entrer par surprise dans une maternité pour y constater des violences gynécologiques. Il est encore plus absurde de proposer qu'ils puissent s'introduire, par exemple, dans la chambre d'enfants en situation de handicap, à n'importe quelle heure de la journée ou de la nuit, pour relever d'éventuelles défaillances des instituts médico-éducatifs.
Mes chers collègues, nous affirmons que l'urgence absolue, c'est l'arrêt immédiat des violences, des humiliations et des défaillances qui ont encore massivement cours dans certains établissements médico-sociaux.
Cet enjeu est beaucoup trop grave pour qu'on le traite en se limitant à des visites parlementaires. Laissez-moi vous dire, chers collègues, que vous manquez cruellement d'ambition !
Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités. Avant de donner un droit de visite aux parlementaires, donnons d'abord des moyens à l'action sociale et aux instances qualifiées pour qu'elles puissent exercer pleinement leur mission de contrôle des établissements médico-sociaux.
Le groupe Écologiste s'oppose donc formellement à cette proposition extrêmement intrusive du Rassemblement national et rappelle que la lutte contre les maltraitances institutionnelles ne peut se faire au détriment de la préservation de l'intimité des personnes hébergées. Il y va du respect de l'État de droit, de la protection du consentement de nos concitoyens et concitoyennes et, en définitive, de la préservation de la dignité humaine.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et du groupe GDR – NUPES.
Cette proposition de loi du Rassemblement national vise à étendre le droit de visite des parlementaires aux établissements sociaux et médico-sociaux. Le groupe GDR, composé de députés ultramarins et de députés communistes, est bien entendu très attentif aux modalités de fonctionnement de ces établissements ainsi qu'aux conditions de vie de leurs résidents. Des situations de maltraitance, de soins insuffisants, d'hébergement indigne existent ; elles nous révoltent et nous appellent à agir.
Donner aux parlementaires que nous sommes un droit de visite dans ces établissements nous permettra-t-il d'agir plus efficacement contre ces dérives ? Nous ne le croyons pas. Nous pensons mêmes que, si nous nous engagions dans cette voie, nous nous éloignerions dangereusement de notre rôle de parlementaires et nous manquerions les véritables problèmes.
Nous jouissons, il est vrai, d'un droit de visite dans les lieux de privation de liberté, sans préavis et avec la possibilité d'être accompagnés par la presse. Mais, à la différence des établissements de l'ASE et des Ehpad, ces lieux sont radicalement isolés, coupés du monde extérieur. C'est la raison pour laquelle nous avons le droit, et même le devoir, de les visiter. Les établissements sociaux et médico-sociaux ne sont pas des lieux de privation de liberté ; ils ne peuvent donc pas être mis sur le même plan. Or, cette proposition de loi risque de créer cet amalgame malheureux pour tous ceux qui sont pris en charge dans ces établissements et ceux qui y travaillent.
De surcroît, penser que donner aux parlementaires un tel droit de visite permettrait de lutter efficacement contre les dérives observées est, au mieux, un leurre, au pire, malhonnête.
Car nous connaissons les raisons de ces dérives. Pour y remédier, il n'est pas besoin d'un droit de visite supplémentaire : les multiples rapports publiés après chaque scandale montrent qu'elles ont pour cause un manque de moyens humains et financiers dans le champ de l'action sanitaire et sociale. Il n'est pas non plus besoin d'étendre notre droit de visite pour nous permettre, par exemple, d'aller à la rencontre des professionnels, qui témoignent de la dégradation de leurs conditions de travail liée à ce manque de moyens et de ses conséquences sur la qualité de l'accompagnement et de la prise en charge.
La mainmise de certains grands groupes privés comme Orpea sur ces établissements accentue les dérives, en faisant passer la rentabilité et le gain avant l'exigence d'accompagnement et de soin des plus vulnérables.
Quant au contrôle des établissements sociaux et médico-sociaux, il souffre également d'un manque de moyens criant. La mission de l'Igas chargée d'enquêter à la suite du scandale Orpea a indiqué qu'au sein des ARS, seulement 230 équivalents temps plein (ETP) étaient chargés de contrôler l'ensemble du champ sanitaire et médico-social. C'est bien évidemment dérisoire au regard des besoins, et c'est le résultat des choix budgétaires austéritaires faits par les gouvernements successifs.
Face à ces constats bien connus, notre rôle de parlementaires n'est pas de chercher à nous substituer aux services d'inspection et de contrôle des établissements médicaux et médico-sociaux en exerçant un droit de visite supplémentaire. Il est, bien différemment, de rappeler sans faillir à l'État sa responsabilité en la matière. Notre devoir de parlementaires est d'exiger du Gouvernement qu'il donne enfin au champ sanitaire et social les moyens humains et financiers dont il a besoin.
Pour ces différentes raisons, nous voterons contre ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES.
Assurer la dignité des plus vulnérables, nos aînés et les mineurs accueillis par l'aide sociale à l'enfance : voilà un devoir sur lequel nous devons être intransigeants. Parce que, tous, nous nous sommes émus du scandale Orpea, qui nous a indignés, nous avons réclamé davantage de contrôles par les agences régionales de santé et les conseils départementaux.
De la même manière, les témoignages concernant certains établissements de l'ASE ont provoqué une prise de conscience largement partagée. Là encore, nous avons collectivement adopté des mesures visant à renforcer le contrôle des structures de protection de l'enfance, mesures qui concernent également les assistants familiaux. Il revient à présent au Gouvernement de veiller à la bonne application de ces différents dispositifs et de se donner les moyens d'y parvenir. En la matière, il y a certainement encore beaucoup à faire.
Le groupe LIOT insiste toutefois sur un point important : les scandales révélés ne sont heureusement pas le reflet de ce qui se passe dans la majorité de nos Ehpad et structures pour enfants. Ne remettons pas en cause le travail et le dévouement des personnels de ces établissements,…
…qui exercent dans des conditions souvent difficiles, ni la volonté et l'engagement des conseils départementaux. Cependant, nous le savons, les conditions dans lesquelles travaillent ces professionnels se sont dégradées ces dernières années. C'est pourquoi le recrutement et la formation de personnels qualifiés et mieux rémunérés doivent être la priorité.
S'agissant des contrôles, nous étendons continuellement les missions des ARS sans nous assurer qu'elles disposent des effectifs suffisants pour les remplir. Or, en dix ans, les effectifs des inspecteurs de l'action sanitaire et sociale ont diminué de près de 30 %. Dès lors, comment voulez-vous qu'elles parviennent à garantir l'effectivité des contrôles ? Le rôle des parlementaires – mais aussi et surtout du Gouvernement – est de nous assurer que les autorités de contrôle peuvent effectuer correctement leur travail.
Le droit de visite des parlementaires a été une avancée importante : il a permis de mettre en lumière certains dysfonctionnements de notre politique carcérale, par exemple. Mais il doit être centré sur les lieux de privation de liberté. Du reste, rien n'empêche un parlementaire de visiter un établissement social ou médico-social ; nous le faisons. Cependant, nous devons d'abord nous saisir pleinement de notre pouvoir de contrôle des lieux de privation de liberté. Ce droit doit encore être conforté.
Concernant les établissements sociaux et médico-sociaux, les dérives constatées lors du scandale Orpea étaient avant tout financières. C'est en particulier la recherche d'économies à tout rompre, jusqu'au contingentement des produits d'hygiène les plus élémentaires, qui a placé les résidents dans des situations indignes. Un parlementaire aurait-il pu, lors d'une visite, identifier de telles dérives ? Il est permis d'en douter. N'oublions pas toutefois que s'il est informé d'éventuelles situations de maltraitance, il peut et doit faire un signalement au procureur de la République.
Enfin, la présente proposition de loi concerne l'ensemble des établissements sociaux et médico-sociaux, et non pas seulement les Ehpad et les foyers de l'aide sociale à l'enfance. Elle englobe donc non seulement les structures accueillant des adultes handicapés mais aussi les foyers de jeunes travailleurs ; cela paraît disproportionné. Qui plus est, les Ehpad et les foyers sont des lieux de vie ; ils sont le domicile des personnes qui y vivent. Dans certains cas, les enfants accueillis sont même en danger. Leur vie privée doit être préservée.
Autant d'arguments supplémentaires pour remettre en question la pertinence d'un droit de visite inconditionnel des parlementaires, notamment en présence de journalistes.
Mme Nicole Dubré-Chirat applaudit.
Pour toutes ces raisons, le groupe LIOT ne soutiendra pas cette proposition de loi.
Avant tout, je souhaite saluer le dévouement quotidien et l'abnégation des professionnels exerçant dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Le texte que nous examinons vise à étendre le droit de visite des parlementaires et des parlementaires européens élus en France à ces établissements. Comme en commission, le groupe RE s'y opposera.
Nous sommes évidemment d'accord sur la nécessité de renforcer et de garantir le contrôle de ces établissements, mais la proposition de loi établit un parallèle dangereux. En effet, elle vise à étendre le droit de visite des parlementaires dans les lieux de privation de liberté, prévu par le code de procédure pénale. Ce faisant, elle établit une comparaison regrettable entre les établissements sociaux et médico-sociaux et les lieux de privation de liberté.
Faut-il rappeler que, pour beaucoup de nos concitoyens, ces établissements sont leurs lieux de vie ? Il s'agit généralement de publics vulnérables : personnes âgées, en perte d'autonomie, ou enfants protégés.
Comment justifier que nous autres parlementaires puissions détenir un droit spécifique qui nous permette d'entrer dans leur intimité ? À cet égard, les formules : « à tout moment », « sans préavis », « accompagné de journalistes » me font craindre une atteinte importante à la vie privée de ces personnes vulnérables, qui – j'insiste – sont dans leur lieu de vie.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Par ailleurs, sommes-nous les plus compétents pour contrôler ce type d'établissement ? Je rappelle qu'en tant que parlementaires, nous avons déjà la possibilité de visiter ces structures, en respectant des règles strictes qui garantissent l'intimité et le respect de la vie privée des résidents des Ehpad ou des enfants confiés à l'ASE. En 2018, j'ai pu, en tant que parlementaire en mission, visiter de nombreuses structures départementales, en accord avec le conseil départemental et les équipes présentes ; je n'ai rencontré aucun obstacle. Du reste, dans mon département et ma circonscription, je continue d'effectuer ces visites,…
…que ce soit dans des structures publiques, départementales ou privées.
Nous avons évidemment été choqués par les révélations à l'origine du scandale dit Orpea ou par les différents documentaires sur les établissements de l'ASE. Mais ce texte jette un discrédit général sur tous ces établissements, a fortiori sur les professionnels dont les métiers, déjà en tension, souffrent d'une faible attractivité.
Le Gouvernement et la majorité ont souhaité garantir le contrôle de ces établissements par des équipes formées, en nombre suffisant. Ainsi, pour le secteur du grand âge, un plan de contrôle des 7 500 Ehpad a été élaboré. Par ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 comporte des mesures fortes pour mieux encadrer et surveiller les pratiques des groupes gestionnaires d'Ehpad.
Au sein de la loi relative à la protection des enfants, dite loi Taquet, le champ de contrôle pour les professionnels et les bénévoles a été élargi. Enfin la loi de finances pour 2023 prévoit un renforcement des moyens humains et financiers pour ces contrôles, avec la création de trente et un ETP pour les services déconcentrés sociaux et d'une vingtaine d'ETP pour les équipes de la protection judiciaire de la jeunesse.
Aussi, le groupe Renaissance s'oppose à cette proposition de loi et il a déposé, comme en commission, un amendement de suppression de son article unique.
Mes chers collègues, il est dix-sept heures, et je crois que je peux déclarer ouverte la journée de la mauvaise foi, en vous décernant la palme !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je vous remercie néanmoins pour vos arguments, auxquels je vais essayer de répondre de façon exhaustive.
Lorsque vous faites le parallèle avec les lieux de privation de liberté, c'est que vous ne m'avez vraisemblablement pas écoutée.
Je vous ai pourtant bien expliqué que si nous nous inspirions de ce qui était possible pour ces derniers, nous faisions bien évidemment la distinction, même si je vous rappelle, encore une fois, que le droit de visite des parlementaires ne se limite pas aux prisons – lesquelles nous ont été ouvertes grâce à l'initiative d'un député, qui siège encore parmi nous aujourd'hui – et qu'il a été étendu aux hôpitaux psychiatriques en 2013, au terme de débats agités. Pourtant, il semblerait aberrant aujourd'hui de remettre ce droit en cause.
Je maintiens que les résidents des établissements dont nous parlons, que ce soit les Ehpad ou les centres de l'ASE, se trouvent dans une situation de vulnérabilité et de dépendance qui fait d'eux, non pas des détenus, évidemment, mais des pensionnaires particuliers – tout le monde, je pense, en conviendra.
J'ajouterai que la loi est aussi faite pour évoluer, et je vous renvoie, là encore, aux débats qui ont accompagné la loi sur le droit de visite dans les lieux de privation de liberté, débats qui ne s'étaient pas déroulés – certains, ici, s'en souviennent sûrement – dans le plus grand calme.
À vous entendre, rien ne serait plus simple que ces visites. Permettez-moi de m'en étonner, puisque, Mme Perrine Goulet, membre de votre majorité, faisait état en 2019 des difficultés rencontrées par la mission parlementaire pour accéder aux foyers de l'aide sociale à l'enfance.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Elle signalait, dans son rapport, l'absence de toute culture de contrôle dans les établissements de protection de l'enfance – on rêve ! Si les visites dans ces établissements, notamment dans les établissements de l'ASE, étaient si faciles, les associations n'auraient pas le sentiment de se heurter à une forme d'opacité et au manque d'intérêt des parlementaires. L'association Parents et enfants en détresse, que j'ai auditionnée – en présence de votre collaborateur, madame Peyron – fait état de familles qui ne se sentent pas entendues par les autorités, alors qu'elles sont les premières à constater et à signaler des dérives, parfois extrêmement graves. Donc il ne faut pas minimiser la difficulté pour ces associations de se faire entendre et, non, ça n'est pas si facile d'aller visiter les centres de l'ASE.
À nos collègues qui s'inquiètent que nous portions atteinte à l'intimité des résidents, je demande de faire preuve de bon sens, de vous faire confiance. Les parlementaires auront évidemment la décence de respecter la dignité des résidents, comme ils respectent déjà celle des détenus. Est-ce que quelqu'un dans cette assemblée a souvenir du moindre reportage montrant des députés qui arriveraient comme des cow-boys avec quinze journalistes dans une prison ? Ça n'existe pas, aucun groupe parlementaire ne se livrerait à ce type d'exercice totalement contre-productif, qui aurait le résultat inverse de ce que nous visons avec cette proposition de loi.
Vous me parlez de vie privée et d'intimité : ces deux notions fondamentales font évidemment partie de ce que nous souhaitons contrôler lors de nos visites. Respecter l'intimité et la vie privée des résidents en Ehpad ou en centres sociaux, c'est leur permettre de recevoir leur famille à l'abri des regards, en toutes circonstances ; c'est aussi permettre aux parents d'enfants placés…
C'est aussi ne pas les obliger à se retrouver avec un député RN dans leur chambre !
C'est décidément la journée de la mauvaise foi et des blagues de la NUPES, sur un sujet qui ne s'y prête pas vraiment.
Respecter l'intimité et la vie privée, c'est également ne pas séparer les fratries lors des placements en foyer ou en familles d'accueil. On sait pourtant que ce n'est toujours pas le cas et que des fratries sont encore séparées alors même que le contexte familial ne le commande pas.
Un peu d'honnêteté intellectuelle, donc. Il est certain qu'aucun parlementaire n'aurait l'idée de contrevenir à l'intimité des résidents. En revanche, il pourrait justement, à l'occasion de ces visites, s'assurer qu'elle est bien respectée. J'ajoute, pour ceux qui me parlent de violation de domicile que, lorsqu'une personne âgée entre en Ehpad, elle n'a quand même pas l'impression d'arriver dans sa deuxième maison !
Au contraire, non seulement elle ne sera plus jamais chez elle, mais elle est souvent partie dans des circonstances difficiles, même si on s'efforce de recréer autour d'elle une atmosphère qui évoque un chez-soi. Et c'est à nous de vérifier que tout soit fait pour que ces lieux de vie soient le plus agréables possible.
Il en va de même avec les enfants placés qui, pour certains, n'ont jamais eu de domicile familial et qui, pour d'autres, n'ont jamais connu de domicile stable. Je vous rappelle que nous parlons ici d'enfants arrachés à leur famille. Quand bien même il s'agit d'une famille toxique, cela reste un arrachement, et l'État a, en la matière, une obligation de résultat. Dans les endroits où l'on s'occupe d'eux, ce doit être mieux qu'à la maison, or il suffit malheureusement de regarder les reportages de M. Doria pour comprendre que ce n'est pas toujours le cas ; arrêtons de nous cacher derrière notre petit doigt.
Pour finir, chers collègues du groupe Écolo – NUPES, votre opposition à ce texte de loi, sous prétexte qu'elle ne respecterait pas la vie privée m'étonne. Il semble que cette proposition, dont le groupe socialiste revendique la paternité – ou la maternité, pour être en phase avec votre wokisme
Rires sur les bancs du groupe RN
–, ne fasse pas consensus au sein de la NUPES. Mais peut-être, un jour, arriverez-vous à faire de votre coalition une coalition d'idées,…
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Quant à la crainte de donner une mauvaise image de ces établissements, notre proposition de loi n'a évidemment pas vocation à jeter un discrédit sur les établissements visés. C'est tout l'inverse. Nous cherchons au contraire à mettre au jour les problèmes auxquels sont confrontées, dans l'exercice de leur métier, des personnes, qui – et, cela fera consensus – exercent leur profession avec passion. Or la recherche de la rentabilité financière, les horaires éreintants, les remplacements de dernière minute, le turnover massif et le manque de temps sont autant de charges qui pèsent sur les personnels privés de reconnaissance. C'est pour cela qu'ils sont très demandeurs de ces visites, qui permettraient de les mettre en lumière. Ils n'attendent qu'une chose, que les parlementaires se saisissent de leur quotidien dédié au don de soi et à l'aide des autres, ce qui mérite bien que nous les aidions à notre tour.
Nous sommes bien conscients que ce texte ne résoudra pas tout, qu'il n'est pas l'alpha et l'oméga de la bienveillance et de la bientraitance en Ehpad et en centre médico-social, mais il a au moins pour ambition de permettre des remontées d'informations concrètes, grâce auxquelles les choses pourront changer. La commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance alertait déjà, en mars 2021, sur la maltraitance institutionnelle qui peut trouver son origine dans « une organisation conduisant à des situations de sous-effectif ou de sous-qualification récurrentes et pérennes ».
Nous pensons donc, au groupe Rassemblement national, que ce droit de visite permettrait de faire la lumière sur ces situations.
Visiter un établissement permet de s'adresser au directeur et au personnel, et de vérifier que la rentabilité financière n'incite pas la direction à recourir à des contrats précaires.
Nous savons tous que les contrôles pâtissent d'un manque de moyens. Vous semblez penser que les ARS ou les conseils départementaux disposent de personnels suffisants pour les conduire ; ce n'est pas vrai : nous avons visité des Ehpad qui ne sont jamais contrôlés ! C'est d'ailleurs ce que confirment les rapports de l'Inspection générale des finances ou de l'Igas, qui soulignent combien il est difficile de visiter ces établissements.
Je vous saurai gré d'avoir un peu de bonne foi sur un sujet aussi lourd.
Applaudissements nourris sur les bancs du groupe RN.
J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.
Je vais avoir du mal à énumérer l'intégralité des arguments de mauvaise foi que j'ai pu entendre,…
…mais l'un d'entre eux au moins mérite qu'on y revienne : vous ne pouvez pas laisser penser que le fait de prévenir de son arrivée dans un Ehpad, lorsque celui-ci est mal tenu, ne change rien à la situation ; c'est faux, et vous le savez très bien.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Au cours de ma carrière politique, il m'est arrivé de visiter des commissariats où j'avais annoncé ma venue : ça sentait parfois la peinture ! Donc, stop ! Vous savez pertinemment que le fait d'arriver sans prévenir est le seul moyen de vérifier s'il y a des problèmes de malpropreté ou de maltraitance dans un Ehpad ou dans un lieu qui a vocation à accueillir des enfants, qu'ils soient sans famille, qu'ils aient été délaissés par celle-ci ou qu'elle soit toxique.
Vous nous reprochez de faire le parallèle entre les Ehpad ou les centres de l'ASE et les lieux de privation de liberté ; c'est faux. Le seul parallèle que nous faisons concerne la vulnérabilité de ceux qui sont dans ces institutions, et qui sont souvent coupés de leur famille. Les personnes âgées en Ehpad à qui il reste de la famille ont des gens pour s'occuper d'elles, mais ceux qui n'ont plus de famille n'ont personne d'autre que nous. C'est ça, la réalité !
Mêmes mouvements.
Permettez-moi de vous citer les beaux propos d'un vieux parlementaire, qui siégea sous trois républiques successives : « Le député est la relation de ceux qui n'en ont pas. » Il s'appelait Édouard Frédéric-Dupont. Oui, nous sommes la relation de ceux qui n'en ont pas et, si ces gens ne peuvent pas compter sur nous, bien souvent ils ne pourront compter sur personne.
Il est évident que le fait de pouvoir se présenter à l'improviste pour visiter un Ehpad ou un de ces établissements qui ont vocation à accueillir des enfants en difficulté mettra les établissements en question sous pression. Et ne me parlez pas de contrôles : un hebdomadaire explique aujourd'hui que, dans 80 % des cas, les vérifications sont menées sur pièces. Or, que disent ceux qui en sont chargés ? Que la maltraitance ne se repère pas sur le papier. Nous proposons de la vérifier en pratique et en personne. Je pensais que tout le monde serait d'accord avec ça.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Les travaux que j'ai effectués avec Alain Ramadier et plusieurs collègues ici présents ont été cités à plusieurs reprises. J'aimerais les resituer parce qu'ils ne concernaient pas du tout le sujet d'aujourd'hui.
À l'époque, il ne s'agissait pas d'aller contrôler les établissements, mais nous avions constaté que les députés rencontraient parfois, dans certains départements, des difficultés d'accès à ces établissements. En d'autres termes, les élus départementaux nous empêchaient de contrôler l'action du Gouvernement, alors que notre objectif n'était pas du tout celui-là.
Nous voulions juste pouvoir rentrer là où les départements ne voulaient pas qu'on entre. Mais pas pour contrôler ; en aucun cas. Notre perspective était très différente, il s'agissait de visiter ces établissements pour rencontrer les gens, échanger avec eux et voir comment les choses se passaient.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
C'est très différent du contrôle, et je vous prie de me laisser terminer. Depuis que ce rapport a été remis, en juillet 2019, je puis vous dire, en tant que rapporteure de la mission "Solidarité, insertion, égalité des chance" s, que la situation a progressé. Avec le ministre Jean-Christophe Combe et la secrétaire d'État Charlotte Caubel, le budget que nous avons voté est doté de ressources devant permettre à des gens formés, compétents et dont c'est le métier d'aller contrôler ces établissements.
Mais le budget vient d'être adopté ! D'ailleurs, le ministre a rappelé tout à l'heure qu'il comportait les crédits pour ces personnels supplémentaires.
Enfin, concernant l'amendement n° 5 , que j'ai déposé tout à l'heure, il avait été déposé par notre groupe sur le projet de loi relatif à la protection des enfants. Dans ce cadre, il avait, en février dernier, été accepté par le Gouvernement mais rejeté par les sénateurs lors de la commission mixte paritaire, car ces derniers étaient opposés à cette manière de faire. Je doute qu'ils aient changé d'avis aujourd'hui et je pense, madame Lavalette, que vous ne pourrez pas aller jusqu'au bout.
Je voudrais revenir sur les propos de Mme Le Pen qui prétend que lorsqu'on annonce sa visite dans un établissement, un certain nombre de choses nous sont dissimulées. Je pense que vous n'êtes pas sur le terrain et que vous n'avez jamais travaillé avec des directeurs d'Ehpad.
Vives protestations sur les bancs du groupe RN. – M. Bruno Studer applaudit.
Personnellement, le bien vieillir est un enjeu que j'ai pris à bras-le-corps. J'ai rencontré tous les directeurs d'Ehpad et de résidences autonomie de ma circonscription mais je veille aussi à prendre rendez-vous avec les membres d'une instance que vous semblez ignorer, le conseil de la vie sociale (CVS), qui rassemble au sein des établissements des représentants de la direction et du personnel ainsi que des familles. Dans cette enceinte, les difficultés sont librement exprimées, sans langue de bois. C'est à partir des informations que nous recueillons qu'il nous faut travailler, dans un état d'esprit constructif et loin de toute démagogie.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Cette proposition de loi surfe sur le scandale Orpea. Les mauvaises pratiques dans certains établissements nous ont tous choqués. La nécessité de lutter contre les dérives ne saurait toutefois justifier qu'on mette au ban toute une profession ou qu'on porte atteinte aux libertés d'un public vulnérable. Le texte du Rassemblement national transpose aux établissements sociaux et médico-sociaux les modalités du droit de visite parlementaire sans préavis qui prévaut pour les lieux de privation de liberté. Or un établissement social ou médico-social n'est pas un lieu de privation de liberté. Faire une telle confusion est grave. Dans l'immense majorité des cas, ce sont les pensionnaires eux-mêmes qui font le choix avec leurs familles de résider dans des établissements d'hébergement pour personnes dépendantes.
Jeter la suspicion, voire le discrédit, sur toute une profession est inacceptable. Les métiers du social et du médico-social sont aussi difficiles qu'utiles. Cette proposition de loi détériore la confiance entre le parlementaire et les établissements de son territoire. On reconnaît bien ici la tendance du Rassemblement national à instiller le soupçon, à cliver les Français, voire à porter atteinte aux libertés.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Se rendre sans préavis dans les établissements sociaux et médico-sociaux, qui plus est avec des journalistes, serait contraire aux engagements internationaux de la France. Rappelons ici les termes de l'article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'homme : « Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance ». Pour ces raisons, la suppression de l'article unique de la proposition de loi est incontournable.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je suis saisie de plusieurs amendements de suppression, n° 1, 2, 4 et 6.
La parole est à M. Johnny Hajjar, pour soutenir l'amendement n° 1 .
Les établissements sociaux et médico-sociaux ne sont pas par extension des lieux de privation de liberté. Former, comme vous le proposez, un binôme entre députés et tiers privés, notamment des journalistes, comporte un double risque : risque d'une remise en cause du respect de la vie privée des personnes et des familles, risque d'instrumentalisation, de stigmatisation et de manipulations. Si de telles dérives se produisent, les dégâts occasionnés seront irréparables. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article.
Cet amendement de suppression vise à rejeter la proposition de loi. Mme la rapporteure, depuis que la commission s'est réunie, a beau tenter d'arranger les choses en proposant de retirer du texte certaines dispositions comme la présence des journalistes lors des visites, nous voyons bien que ce droit de visite n'a d'autre but que de faire intrusion dans la vie privée des personnes.
Il s'agit à nouveau d'un amendement de notre collègue Sébastien Peytavie. Nous sommes et demeurons intransigeants face à l'urgence absolue de mettre fin aux maltraitances gravissimes dans le secteur social et médico-social. Toutefois, nous tenons à rappeler que tous les moyens ne sont pas bons pour s'attaquer à ces défaillances. Le droit de visite des parlementaires dans les prisons se justifie par le fait que celles-ci sont des lieux de privation de liberté ; or tel n'est pas le cas des établissements sociaux et médico-sociaux, lesquels sont avant tout des lieux de soins et des domiciles.
Pour les personnes qui y résident – les personnes âgées, les personnes en situation de handicap ou les enfants –, ces lieux constituent un véritable foyer ; or tout domicile est sacré. Il est impératif qu'un contrôle de l'action sociale s'exerce sur ces structures, mais nous n'avons pas le droit de faire intrusion dans ces domiciles quand bon nous semble pour faire état d'éventuelles défaillances. Nous sommes donc fondamentalement opposés à la possibilité que vous voulez donner aux parlementaires de s'introduire à tout moment sans préavis et accompagnés de journalistes dans les lieux de vie de personnes, dont certaines sont mineures. Ce droit de visite inopinée serait une atteinte à leur vie privée, à leur libre consentement et à leur dignité. Le groupe Écologiste – NUPES ne saurait soutenir une telle proposition.
Non, la fin ne justifie pas les moyens. La nécessaire protection des plus vulnérables de notre société doit passer par le renforcement des autorités de contrôle existantes et compétentes pour exercer une telle mission, ce qui suppose d'augmenter massivement les moyens dédiés à l'action sociale et à notre système de soins.
Monsieur Hajjar, je tiens à vous répondre. En commission, les membres du groupe Socialistes et apparentés ont affirmé que nous nous étions livrés à un honteux « copier-coller ». En gros, vous refusez de voter notre proposition parce que nous avons eu la même idée que vous et, comme en commission, je dirai que c'est le niveau zéro de la politique ! Les personnes hébergées dans les Ehpad et les centres médico-sociaux apprécieront ce sectarisme, ce dogmatisme dont vous êtes l'incarnation. Vous savez très bien que nous avons tous la même source d'inspiration, qui est l'article 719 du code de procédure pénale.
Personne n'a la propriété intellectuelle de cette idée. Nous n'avons rien inventé.
Simplement, nous voulons remettre à l'ordre du jour cette proposition de loi qui nous paraît aussi importante que consensuelle. Rappelons que la proposition de loi de Mme Pires Beaune avait été cosignée par un député de La France insoumise, deux députés La République en marche, deux députés UDI et indépendants, trois députés non-inscrits, quatre députés Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, six députés Les Républicains et sept députés du groupe Libertés et territoires. Elle ne pouvait être plus transpartisane.
Je m'étonne aussi du revirement du groupe Démocrates qui s'était déclaré favorable à notre proposition de loi en commission. Il doit avoir du mal à résister aux pressions.
C'est précisément parce que le texte nous paraissait consensuel que nous l'avons inscrit dans notre niche car nous ne sommes pas guidés par la politique politicienne. Seul nous anime l'intérêt des Français, des résidents d'Ehpad, des enfants et des adolescents des centres médico-sociaux.
Pour faire avancer les choses, il est important de ne pas voter ces amendements de suppression. Nous en appelons à votre responsabilité de parlementaires. Dois-je vous rappeler que vous passez votre vie à nous appeler à agir « en responsabilité » en vue d'une « coconstruction » ? Ces deux cases, nous les cochons ici. Nous avons même accepté de déposer un amendement pour revenir sur la présence des journalistes. Nous ne pouvons guère faire plus dans la mesure où une proposition de loi analogue a été cosignée par de multiples groupes lors de la législature précédente. Votre attitude est d'un ridicule affligeant !
Voter des propositions qui n'émanent pas forcément de ses propres rangs, c'est aussi faire preuve de responsabilité.
Le dogmatisme semble toutefois encore prégnant. Certaines idées ne sont pas l'apanage d'un seul et je dois dire que je rigole un peu en vous voyant vous opposer à notre texte, chers amis socialistes.
Vos collègues sénateurs ne se sont pas gênés pour reprendre des textes déposés par d'autres groupes. C'est la preuve que votre indignation est à géométrie variable.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Sur les amendements de suppression n° 1, 2, 4 et 6, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?
Je crois avoir avancé tous les arguments que le Gouvernement voulait porter à votre connaissance lors de la présentation du texte. Vous savez donc pourquoi nous émettons un avis favorable.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente.
La proposition du groupe Démocrate ne concernait que les établissements de l'ASE. Il y a des aspects dans votre texte qui ne vont pas, puisqu'il élargit le droit de visite à davantage d'établissements sociaux et médico-sociaux, tels que ceux liés au handicap ou encore les centres d'accueil pour demandeurs d'asile.
Depuis, une délégation aux droits des enfants dont vous êtes membre a été créée au sein de notre assemblée. Je vous suggère donc de retirer votre texte, au profit d'un travail mené par la délégation, en collaboration avec le Sénat et les départements, afin de réintroduire de la confiance et de nous permettre de visiter ces établissements plus facilement, sans forcément le faire en mode contrôle.
Vous avez évoqué la position de notre groupe : les collègues qui se sont exprimés en commission des affaires sociales l'ont fait à titre personnel, mais notre position est bien de voter les amendements de suppression de l'article unique.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.
Je m'exprime non seulement en tant que parlementaire mais également en tant que fils d'un homme placé en Ehpad et je suis particulièrement reconnaissant aux personnels qui s'occupent de lui, sachant les conditions difficiles dans lesquelles ils travaillent dans ce type d'établissements.
J'ai été saisi et interloqué par la tonalité de nos échanges. Lorsque nous parlons de ce sujet, c'est de la démagogie ; lorsque c'est vous qui le faites, c'est de l'humanisme ! Or nous partageons autant que vous cet humanisme.
Pour en revenir sur le fond de la proposition de loi, si des journalistes de chaînes publiques, notamment, avaient dû prendre rendez-vous dans des Ehpad pour écrire leur article ou les contrôler, pensez-vous qu'ils auraient mis en lumière ce que nous avons découvert concernant Orpea ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Pensez-vous qu'ils auraient mis en lumière les images diffusées sur France Télévisions ?
Mêmes mouvements.
Si nous avions dû compter sur les médecins chargés de contrôler ces établissements, médecins dont le nombre a été divisé par deux ces dernières années, pensez-vous que nous aurions pu nous apercevoir de tout cela ? Évidemment non. Si nous avions dû compter sur la présence d'un médecin coordonnateur dans chaque Ehpad, – présence qui n'est pas assurée aujourd'hui et que Marine Le Pen propose de garantir –, pensez-vous que nous aurions découvert ces dysfonctionnements ? Évidemment non.
Je suis stupéfait de la mauvaise foi qui anime ces débats : s'il y avait bien une proposition de loi qui n'était pas idéologisée, c'est bien celle-ci.
Franchement, à entendre certains, je pense immédiatement à Saint-Simon : « Il était tombé enfin à un tel point d'abjection qu'on avait honte de l'insulter. »
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Chère Perrine Goulet, nous avons montré à quel point nous étions constructifs : nous avons déposé deux amendements de repli, le premier acceptant le principe d'une expérimentation – il a ensuite été retiré – et le deuxième visant à supprimer la présence des journalistes. Comptez sur nous pour travailler, comme nous le faisons déjà avec mes collègues, à la délégation aux droits des enfants. Toutefois, vous comprendrez que nous ne retirions pas la présente proposition de loi.
Dans la mesure où il m'apparaît nécessaire de vous ramener à votre humanité la plus fondamentale, permettez-moi de vous lire quelques témoignages : « Ce jour-là, ma grand-mère avait été retrouvée par terre, inconsciente, dans les toilettes du rez-de-chaussée, le visage tuméfié de sang et la protection hygiénique abaissée. Cette image sera gravée dans les mémoires de sa famille à tout jamais. » C'est ce qu'a déclaré le petit-fils de Denise, 93 ans, violée au sein même de sa maison de retraite.
Croyez-vous vraiment que vous irez dans les établissements au moment où survient un problème ?
Comment Fabrice aurait-il pu imaginer que sa grand-mère finirait ses jours de la pire des manières, dans un établissement du type de ceux dont nous parlons aujourd'hui ? Pourtant, vous vous apprêtez à rejeter un droit de visite qui nous aurait permis de vérifier leur fonctionnement et leurs dysfonctionnements ?
Si les scandales connus en Ehpad ont bénéficié d'une réaction de votre part – que je juge pour ma part trop insignifiante –, ceux qui ont éclaté dans les établissements relevant de l'ASE ne semblent pas trouver une grande résonance. Heureusement, d'anciens enfants placés sont là pour rappeler, avec un énorme courage, qu'ils existent. Je cite : « J'ai été violée tous les jours par trois adolescents de quinze ans. […] Potentiellement, cela allait être ça, ma vie. […] Je me sentais crade, je me sentais sale, je me sentais dégoûtante. […] Je voulais disparaître. » Je vous épargne les mots plus crus de Charlie, placée en foyer de l'enfance jusqu'à ses 18 ans. Nous aimerions entendre leurs paroles plus facilement et plus directement et tel était l'enjeu de la proposition de loi. En effet, pour ces personnes parfois maltraitées psychiquement et dans leur corps, le témoignage est l'unique moyen de soulager temporairement des souffrances que l'on peut imaginer.
Je me réfère à la pensée d'Auguste Blanqui selon laquelle « les malheureux n'ont que la patrie ». Ces victimes, bien souvent seules, éloignées de leur famille, attendent de nous, et de l'État, une oreille attentive à même de pallier leur isolement. Il faut être d'une mauvaise foi mortifère, comme vous l'êtes tous aujourd'hui dans cet hémicycle, pour ne pas reconnaître que la loi du plus fort s'applique bien souvent dans ces établissements.
Certains d'entre vous s'apprêtent à voter en faveur des amendements de suppression de l'article unique. Une chose est sûre : en refusant d'adopter ce texte, vous perdez à tout jamais le droit de vous indigner.
Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent vivement. – Exclamations sur les bancs du groupe RE.
La parole est à Mme Michèle Peyron, suppléant Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales.
Notre collègue Perrine Goulet, présidente de la délégation aux droits des enfants, a formulé une proposition. Nous avons fait ainsi un énorme pas ,
Sourires sur plusieurs bancs du groupe RN
mais vous vous en tenez à un refus. Vous avez utilisé à notre égard divers adjectifs que je ne répéterai pas. Nous vous suggérions de retirer votre proposition de loi ; vous ne le faites pas : nous en prenons acte.
Je rappelle la position de la commission : votez les amendements de suppression de l'article unique.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 193
Nombre de suffrages exprimés 190
Majorité absolue 96
Pour l'adoption 100
Contre 90
L'article unique ayant été supprimé, la proposition de loi est rejetée.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.
La parole est à M. Roger Chudeau, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
La commission des affaires culturelles et de l'éducation s'est réunie le mercredi 14 décembre pour examiner la proposition de loi visant à instaurer le port obligatoire d'une tenue uniforme d'établissement pour les écoliers et les collégiens de l'enseignement public. Après deux heures de débat, elle a rejeté le texte.
Ce vote de rejet a réuni, pour l'essentiel, des voix de la NUPES et du groupe Renaissance. En revanche, les membres des groupes RN et LR de la commission ont voté pour l'adoption de la proposition de loi.
Il serait inutile et oiseux de commenter longuement ce vote de rejet, tant la collusion des libéraux et des libertaires est évidente, dans l'hémicycle, depuis le début de la législature.
M. Benjamin Lucas sourit.
Ce qui les réunit est simple : la détestation de ce qu'ils appellent « l'ancien monde », qui est en réalité notre civilisation, notre culture et notre identité même.
On pourrait donc penser que tout débat sur cette proposition de loi est vain dans l'hémicycle, mais je ne le crois pas : je ne renonce pas à défendre un texte qui va dans le sens du bien commun, et qui contribuera, à sa modeste mesure, à redresser la barre du navire sans cap, sans pilote et sans boussole qu'est devenu notre système éducatif. Je veux croire que les appartenances partisanes peuvent être transcendées lorsque l'intérêt général commande.
Pour aborder l'examen de cette proposition de loi, je voudrais vous convier à prendre un peu de recul, afin de la replacer dans son contexte. La III
L'obligation scolaire s'est imposée malgré la famille, contre la famille. Le devoir d'éducation de la famille, codifié de longue date, a été comme supplanté par l'impératif d'instruction – il suffit de se reporter aux débats qui ont accompagné l'adoption des lois scolaires pour s'en persuader. Pensons aussi aux maisons de l'égalité saint-simoniennes, qui entendaient interner les enfants de 5 à 12 ans pour les arracher aux influences familiales.
L'obligation scolaire a également été instituée contre l'Église catholique, puisqu'elle fut immédiatement laïque : les cours de religion furent remplacés par des cours d'instruction morale et civique, et les maîtres d'école devaient être des laïcs.
Rappelons enfin que Jules Ferry considérait que si l'instituteur allemand avait apporté la victoire à la Prusse en 1871, « l'instituteur de la République préparera la revanche ».
L'école de la République se définit donc, dès l'origine, comme imperméable aux origines familiales et sociales, imperméable à toute religion, patriotique et civique, c'est-à-dire française. Il s'agit en réalité, à travers cette révolution scolaire, d'une révolution morale et d'un projet de création d'un monde nouveau.
Ce rappel historique remet en perspective les principes fondateurs et le projet de l'école de la République : il s'agit « d'instituer » – d'où le beau titre « d'instituteur », qu'il faudrait d'ailleurs rétablir –…
…un citoyen de la République française capable d'exercer son libre arbitre et de donner du sens à sa liberté dans une société démocratique.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Quand il entre dans une salle de classe, l'enfant entre dans un espace proprement politique, au sens premier du terme. Dans ce temple du savoir, où ne sont transmises que des vérités scientifiques, et les éléments constitutifs de notre histoire et du génie propre de notre civilisation, l'enfant est progressivement élevé – là aussi, au sens premier – par ses maîtres et par son propre travail, à la dignité de citoyen français.
Ce projet et cette ambition ont été respectés durant près d'un siècle. Les Compagnons de l'Université nouvelle de Charles Péguy, le Conseil national de la Résistance (CNR), le plan Langevin-Wallon et son idéal d'égalité des chances, la massification de l'enseignement secondaire – avec la scolarisation jusqu'à 16 ans instituée en 1959, durant les Trente Glorieuses –, ont poursuivi l'œuvre des pères fondateurs et produit une nation capable de surmonter d'immenses épreuves, et de se hisser au niveau des puissances du monde.
Mais comme à ses origines, l'école est aujourd'hui menacée par des forces centrifuges qui fragilisent le projet républicain initial, et qui mettent en péril, après des décennies de déconstruction, l'ensemble de l'édifice scolaire, et donc l'avenir de la nation.
Attardons-nous un instant sur la nature de ces forces centrifuges qui menacent notre école – et à travers elle, notre cohésion sociale et nationale. J'en identifie deux, apparemment divergentes mais réellement unies pour détruire le modèle républicain. La première est la marchandisation généralisée des échanges entre les humains. L'omniprésence d'une vision du monde centrée sur l'individu, considéré comme l'alpha et l'oméga, consommateur roi au sein d'un marché mondialisé, produit des effets délétères sur les comportements individuels. Les enfants passent en moyenne deux heures par jour sur TikTok, qui compte deux milliards d'abonnés, et dont les algorithmes sont destinés à développer le narcissisme des utilisateurs. Les élèves sont une pâte bien malléable pour les géants de l'internet – les Gafam – et pour tous les vecteurs de l'individualisme, de l'égocentrisme et du narcissisme.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Les professeurs témoignent régulièrement des difficultés de concentration des élèves, ainsi que des tensions et des rivalités à propos de questions vestimentaires ou liées au style de vie. S'y ajoutent des harcèlements, et parfois de la violence. L'éparpillement mental et moral des élèves est tel, qu'il devient difficile de faire la classe et d'enseigner.
À l'inverse, comme en réaction au confusionnisme généralisé, une idéologie politico-religieuse prend pied peu à peu jusqu'au sein de l'institution scolaire. Dans les « territoires perdus de la République » et les « territoires conquis de l'islamisme », précisément documentés par Bernard Rougier, l'islamisme radical étend son emprise dans des centaines d'établissements.
Cette idéologie est de nature intrinsèquement totalitaire. La montée de l'islamisme dans nos établissements scolaires n'est pas un fantasme : elle est décrite par les personnels de l'éducation, par l'institution scolaire elle-même, par les organes de sécurité intérieure – dans des notes récentes –, mais aussi par le Président de la République, comme il l'a fait dans son discours sur le séparatisme aux Mureaux.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
L'école est une citadelle assiégée que menacent les chevaux de Troie des forces de la déconstruction et de la décomposition sociale de notre pays.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
Nous avons le devoir de réagir sans plus attendre. Bien sûr, la présente proposition de loi ne prétend pas être la panacée, ni la solution aux innombrables maux dont souffre notre système éducatif.
Les débats de mardi dernier ont d'ailleurs clairement montré que l'école avait besoin d'une réforme systémique agissant sur de nombreux leviers : horaires, programmes, cursus, formation initiale des maîtres, organisation, pilotage, évaluation… Nous faisons ici un premier acte de résistance, symbolique, peut-être – mais qui peut nier la force du symbole quand tout vacille ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
La tenue uniforme d'établissement, ou « tenue vestimentaire réglementée », comme on l'appelle finement à la Martinique, fait de nos enfants, soumis au tourbillon et au vertige d'innombrables sollicitations, des élèves de l'enseignement public, institution d'éducation nationale.
Telle est, chers collègues, la portée de la proposition de loi que je soumets, avec l'ensemble du groupe Rassemblement national, à votre examen. Il s'agit d'une première pierre contribuant à la reconstruction de l'édifice de l'école publique.
Ce texte est tout simple ; sa portée, cependant, devrait être inversement proportionnelle à sa concision. Son article unique vise à instaurer une tenue uniforme d'établissement, obligatoire pour tous les écoliers et tous les collégiens de l'enseignement public. Il s'agirait d'une obligation légale, étant entendu que chaque conseil d'école et chaque conseil d'administration de collège arrêterait lui-même la coupe, la couleur et l'aspect de la tenue d'établissement : une tenue d'été, une tenue d'hiver et une tenue de sport. Le port de cette tenue uniforme serait obligatoire – uniquement durant le temps scolaire évidemment. La loi entrerait en application à la prochaine rentrée, ce qui permettra aux écoles, aux collèges et aux familles de prendre leurs dispositions d'ici à septembre.
Le signal qu'envoie cette proposition de loi est clair. Il est de nature symbolique, et s'incarne dans une déclinaison pratique : l'école de la République ne connaît que des élèves ; les distinctions sociales, de fortune ou de culture que manifestent les tenues civiles, comme autant de marqueurs sociaux et culturels, sont effacées symboliquement et pratiquement, puisqu'elles font place à une tenue aux couleurs de l'établissement. Lorsqu'un enfant franchit le seuil de son école, il change de statut : il devient un élève, et il en revêt la tenue. Cette tenue, partout où elle est déjà portée – à la Martinique par 98 % des collégiens et des lycéens, ainsi que dans certains établissements publics de la métropole –, est un motif de fierté pour les élèves, car elle les identifie à l'institution qui leur enseigne, qui les éduque et qui les fait grandir.
Finies, les rivalités, les guéguerres de marques de vêtements ou de chaussures ; finis, les petits rackets ; finies aussi, les tentatives d'imposer des tenues de facture religieuse dans les collèges publics. L'école redevient, visuellement et symboliquement, le sanctuaire républicain du savoir, du travail scolaire, de la construction de l'intelligence et de l'autonomie de l'élève qu'elle doit être. Jean Zay n'écrivait-il pas, dans sa circulaire du 31 décembre 1936 :…
…« Les écoles doivent rester l'asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas » ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous citez Jean Zay, quelle indécence ! Vous êtes les héritiers de ses assassins !
Les Républicains ont déjà défendu sept propositions de loi, et nous avons même eu le renfort inattendu et bienvenu de Mme Macron. Nous pouvons dépasser nos clivages partisans pour voter ce texte.
Mmes et MM. les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Où est le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ?
Je tiens tout d'abord à excuser le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, M. Pap Ndiaye, qui fait au plus vite pour nous rejoindre et débattre de cette proposition de loi.
Permettez-moi d'avoir une pensée émue pour Lucas, élève du collège Louis-Armand, à Golbey, ainsi que pour sa famille et pour ses proches. Victime de harcèlement, il s'est donné la mort à 13 ans. Aucun enfant ne devrait trouver comme issue ultime le suicide. Aucun enfant ne devrait subir de harcèlement à l'école, ni de discrimination d'aucune sorte.
Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent.
Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse l'a clairement dit : nous ne céderons rien sur notre détermination à empêcher ces maux sous toutes leurs formes.
L'article unique de la proposition de loi vise à instituer, dans les écoles et les collèges publics, le port d'une tenue uniforme aux couleurs de l'établissement. Permettre à chaque élève d'aller au bout de ses potentialités et de devenir un citoyen libre, éclairé, doté des mêmes droits et devoirs que ses concitoyens, quelle que soit son origine sociale ou territoriale : telle est la mission fondamentale de l'école républicaine.
La liberté, l'égalité et la fraternité sont le fondement de notre contrat social. Or l'égalité n'équivaut pas à l'effacement de toutes les différences ; elle est précisément articulée avec la liberté et avec la fraternité.
Nous devons donc trouver un point d'équilibre, pour permettre à tout enfant de la République de grandir à l'école et par l'école, à l'abri de tout prosélytisme, mais aussi avec la conscience de la singularité de chaque individu.
Selon les circonstances, le port d'une tenue uniforme peut contribuer à atteindre cet objectif, parce qu'il permet de fédérer autour d'une école et de limiter les comparaisons entre élèves, potentiellement préjudiciables. Mais soyons clairs : l'introduction générale et absolue du port d'une tenue uniforme ne saurait suffire à tenir notre promesse.
Murmures sur les bancs du groupe RN.
C'est bien l'ensemble des dispositifs pédagogiques et éducatifs qui concourent à la transmission des valeurs de la République et à l'instauration d'un climat scolaire favorable aux apprentissages qu'il faut travailler – je suis certain que vous en conviendrez, monsieur le rapporteur, en tant qu'inspecteur général de l'éducation nationale.
Le respect des valeurs de la République ne saurait se réduire au port d'un uniforme. Certes, imposer ce dernier permettrait d'effacer temporairement certains comportements ; mais en vérité, le Gouvernement ne cherche pas à masquer les difficultés : nous devons faire comprendre aux élèves que le respect de ces valeurs est la condition de leur égale liberté. Adapter sa tenue, son langage et son attitude au contexte scolaire, fait aussi partie des attentes de l'école républicaine. Il s'agit de comprendre et de s'approprier les règles régissant les comportements individuels et collectifs, de reconnaître le pluralisme des opinions, des convictions et des modes de vie, et de construire du lien social. L'école vise notamment à aider les élèves à devenir des citoyens responsables et libres, à se forger un sens critique et à adopter un comportement réfléchi.
Ne minorons pas non plus les multiples possibilités de détournement des uniformes, notamment par le port d'accessoires vestimentaires pouvant faire réapparaître des signes distinctifs.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
N'ouvrons pas une course à la distinction ou au contournement : soyons intransigeants sur le respect des valeurs de la République, au premier rang desquelles la laïcité. Apprenons à nos élèves ce qui les unit et permettons à ceux qui les forment de décider ensemble, en fonction du contexte, de l'éventuel port d'un uniforme.
Enfin, vous le savez, les effets escomptés du port de l'uniforme ou d'une tenue commune ne sont pas systématiquement bénéfiques. Ainsi, une étude menée aux États-Unis sur un échantillon de plus de 6 000 élèves en âge scolaire a mené à des conclusions contre-intuitives : dans l'ensemble, les uniformes scolaires n'ont eu aucun effet sur le comportement des élèves.
L'état actuel du droit repose précisément sur l'existence d'un consensus à l'initiative du chef d'établissement et constitue à cet égard un bon équilibre.
En effet, la décision de rendre obligatoire une tenue uniforme relève du règlement intérieur de l'école ou de l'établissement scolaire. Celui-ci est adopté par leurs instances associant l'ensemble de la communauté éducative. Une telle décision peut être positive dans certains contextes, mais ne saurait devenir une règle universelle et verticale. Dans les écoles primaires, le port d'une tenue vestimentaire uniforme relève d'une décision collégiale du conseil d'école auquel participent les représentants de la commune, de l'école et des parents d'élèves. Au collège et au lycée, conformément à la loi, il appartient au conseil d'administration de l'établissement de définir dans le règlement intérieur d'éventuelles règles vestimentaires.
Vous arguez de la nécessité de votre proposition de loi en prenant pour exemple les établissements d'outre-mer.
Mais c'est précisément grâce à cette procédure déjà prévue par le code de l'éducation que la tenue commune a pu être instaurée dans ces départements.
C'est pourquoi le Gouvernement considère que cette proposition de loi n'est pas nécessaire.
Les établissements disposent déjà de la possibilité d'instaurer l'uniforme.
Faisons-leur confiance pour se saisir de tous les outils permettant la réussite de leurs élèves.
Enfin, il s'agit évidemment d'un débat de société qui intéresse les Français, mais je tiens à vous mettre en garde contre les solutions magiques. Ce qu'attendent urgemment les professeurs, c'est que leur place dans la société soit restaurée et leur profession respectée. Ce qu'attendent les élèves, c'est que nous employions tous les moyens pour favoriser leur réussite scolaire et leur émancipation. En la matière, l'engagement du Gouvernement et, spécifiquement, du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, Pap Ndiaye, est plein et entier. Ce dernier nous rejoindra dans quelques minutes.
« Ah ! » sur les bancs des groupes RN et LFI – NUPES.
Vous l'aurez compris, pour toutes les raisons énoncées, le Gouvernement est défavorable à votre proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, monsieur le ministre qu'on attend, mes chers collègues, « J'ai porté l'uniforme comme élève : quinze ans de jupette bleu marine, pull bleu marine. » Bleu Marine, déjà ! « Et je l'ai bien vécu. Cela gomme les différences, on gagne du temps – c'est chronophage de choisir comment s'habiller le matin –, on gagne de l'argent par rapport aux marques. Donc je suis pour le port de l'uniforme à l'école, mais avec une tenue simple et pas tristoune. »
Sourires sur plusieurs bancs.
Comme l'a très justement rappelé Mme Macron – pour une fois, la lumière vient de l'Élysée – dans un entretien paru dans Le Parisien, le port d'une tenue uniforme dans les écoles est une proposition de bon sens. Cette idée d'actualité défendue par notre collègue Roger Chudeau a des racines profondes. En effet, souhaitant élever la jeunesse française, Napoléon a instauré en 1802 le port de l'uniforme obligatoire dans les lycées, faisant de nos établissements scolaires un modèle pour le monde.
1802, c'était bien avant la pandémie de wokisme ! Aujourd'hui, une tenue uniforme est portée dans de nombreux établissements français : dans les collèges et lycées de la Défense, bien sûr, mais également dans des centres interprofessionnels de formation d'apprentis (CIFA) réputés comme celui d'Auxerre, dans mon département, qui a ainsi développé l'excellence disciplinaire et citoyenne. En 2003, Xavier Darcos, ancien ministre de l'éducation nationale, relançait le débat sur la tenue scolaire et suggérait déjà son retour dans nos établissements, notamment pour supprimer les différences visibles de niveau social et de fortune.
Par manque de courage politique, cette proposition n'a jamais abouti. En 2020, un sondage de la société BVA révélait que 63 % des Français – toutes sensibilités politiques confondues, chers collègues de gauche
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
…étaient favorables au retour de l'uniforme sur le temps scolaire dans nos établissements publics.
Le premier argument avancé est quasiment toujours le même : lutter contre les inégalités sociales. En refusant de soutenir cette proposition de loi, la NUPES refuse une nouvelle fois de défendre les plus modestes.
Vous vous faites les défenseurs de la lutte des marques et même de la lutte dans les classes !
Mme Sophie Taillé-Polian s'exclame.
Car oui, l'existence de marqueurs sociaux qui distinguent les élèves entre eux et révèlent par conséquent les différences financières entre leurs parents contrarie une ambition républicaine fondamentale abandonnée par la gauche depuis bien longtemps : l'égalité des chances !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'égalité des chances, c'est au casino ; à l'école, c'est l'égalité des droits !
Dans la vie scolaire, les tenues vestimentaires provoquent souvent jalousies et rivalités et peuvent conduire à des tensions, voire à des violences ou à du harcèlement. Oui, le port d'une tenue uniforme aux couleurs de l'établissement permet de faire cesser cette course aux marques coûteuses, génératrice de tensions, de divisions et d'inégalités sociales. Cette mesure fait d'ailleurs ses preuves en dehors de l'Hexagone, comme en Martinique où l'uniforme a été instauré dans tous les collèges et lycées…
…et ce au nom de l'égalité entre les élèves. Mais il s'agit aussi, en promouvant le port d'une tenue uniforme, de lutter contre le communautarisme islamiste.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Mais les faits sont là. La multiplication inquiétante dans les établissements publics de tenues à caractère religieux, notamment de ces robes islamiques appelées abayas, légitime la question de l'instauration d'une tenue obligatoire à l'école et au collège, où chaque jour la république laïque recule. En la matière, les remontées de terrain nous permettent de dresser un bilan désastreux de l'état des établissements publics. Au cours du seul mois de novembre 2022, 353 atteintes à la laïcité ont été signalées, dont 40 % étaient constituées par le port de vêtements ou de signes religieux. Au premier trimestre, pas moins de 1 400 signalements ont été recensés. Malheureusement, ces chiffres catastrophiques ne semblent pas perturber outre mesure M. Pap Ndiaye.
Lorsqu'on demande si l'abaya est un signe religieux ostensible, il choisit de répondre par la stratégie du contournement et de la lâcheté en refusant de condamner l'entrisme de l'idéologie islamiste dans nos écoles. Les professeurs, qui vivent cette situation au quotidien, savent de toute évidence qu'ils n'ont plus rien à attendre d'un ministre qui, non content de faire l'apologie du wokisme ,…
« Ah ! » sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES
…défend des concepts antirépublicains comme l'indigénisme ou le racialisme.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe RE.
La réalité, c'est que les professeurs et les équipes pédagogiques ont le sentiment d'être abandonnés par le Gouvernement et par leur hiérarchie et ne savent plus comment réagir face aux provocations communautaristes.
Soyons clairs, ce sujet est caractérisé en France par un flou législatif et par la passivité des pouvoirs publics. Certains l'ont bien compris et s'en servent pour introduire à l'école des tenues religieuses jugées « confuses », mais clairement islamistes.
Mme Caroline Parmentier applaudit.
Malgré le refus catégorique du ministre Pap Ndiaye de soutenir cette loi, il semblerait que la question divise jusque dans les rangs de la majorité – n'est-ce pas, monsieur Maillard ?
Je rappelle notamment que sept députés de la majorité ont souhaité déposer en novembre dernier une proposition de loi pour favoriser le port d'une tenue scolaire commune au nom de l'égalité et de la lutte contre le harcèlement scolaire. Cette excellente initiative – que nous avons, nous, le courage d'inscrire à l'ordre du jour de notre niche parlementaire – avait d'ailleurs été soutenue par d'autres membres du Gouvernement comme la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté, Sonia Backès, et la secrétaire d'État chargée de la jeunesse, Sarah El Haïry. Depuis, malgré les interpellations nombreuses de la part de professeurs en détresse, le nombre de signalements pour atteinte à la laïcité n'a pas diminué. Monsieur le ministre délégué, combien de violations de nos principes vous faudra-t-il pour réagir ? Combien de voiles islamiques, d'abayas, de qamis, vous faudra-t-il pour que vous vous donniez enfin les moyens de réarmer notre école républicaine et laïque ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Utiliser un terme guerrier en parlant de l'école, il faut le faire ! C'est hallucinant !
Le prosélytisme n'est pas seulement interdit ; il doit être combattu. En ce sens, l'instauration d'une tenue uniforme dans nos écoles et nos collèges permettrait d'envoyer un message ferme et clair : le fondamentalisme islamiste n'a pas et n'aura jamais sa place dans l'école de la République !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Dans de nombreux pays, l'uniforme a également permis de développer et de maintenir un sentiment d'appartenance à son établissement et à la communauté des élèves. Au Royaume-Uni, 80 % des élèves du primaire et 98 % des élèves du secondaire le portent. Respect envers l'établissement, sens du collectif, cohésion du groupe : les effets vertueux découlant de l'adoption d'un code vestimentaire sont nombreux. Rassembler est précisément le maître mot de cette proposition de loi.
Pour ceux qui invoqueraient l'argument économique comme bouclier contre le retour de l'uniforme, un raisonnement simple nous permet d'affirmer que l'achat d'une seule et même tenue pour le temps scolaire remplace au moins cinq tenues vestimentaires qui sont déjà à la charge des parents. Aux Antilles, où, comme je l'ai rappelé, la tenue vestimentaire réglementée est largement répandue, le coût moyen d'un t-shirt uniforme est de 8 euros, ou de 10 euros quand il est floqué aux couleurs de l'établissement.
M. Benjamin Lucas s'exclame.
Cette somme est bien inférieure à celle qu'il faut débourser pour l'achat d'un t-shirt de marque, puisqu'il faut compter 40 euros en moyenne pour exhiber les trois bandes ou la petite virgule. La tenue aux couleurs de l'établissement scolaire est sans nul doute une solution économique et écologique, ce qui, j'en suis sûr, devrait convaincre les plus verts d'entre nous !
En présentant ce texte, nous vous proposons simplement d'abolir les privilèges des marques dans les établissements. Nous vous proposons de lutter contre les discriminations sociales, les séparatismes vestimentaires et l'exclusion. En le votant, nous pouvons faire rempart à l'islamisme
« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI – NUPES
Oui, chers collègues, la tenue uniforme ne fait aucune différence entre les élèves ; elle les unit dans une seule et même famille éducative. Elle signifie qu'au-delà de leur couleur de peau, de leur religion ou de leur origine, ils sont des élèves français.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Mêmes mouvements.
Les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) vivent dans la précarité. Mais pour le Rassemblement national, la priorité, c'est l'uniforme.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Sa proposition de loi visant à rendre obligatoire le port de l'uniforme est d'abord une atteinte fondamentale au principe de gratuité scolaire. En effet, en conditionnant l'accès à l'école à l'achat d'un uniforme, le Rassemblement national rendrait payant le droit à l'éducation.
Mêmes mouvements. – Protestations sur les bancs du groupe RN.
Pour justifier cette profonde régression, il objecte que les familles assument nécessairement des dépenses d'habillement. Fine observation ! Mais ignore-t-il qu'elles le font librement, sans obligation d'acheter un type précis de vêtement ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
En Martinique, où l'uniforme n'est pas obligatoire, mais où il est imposé dans un tiers des écoles, collèges et lycées, le prix des polos ou des t-shirts portant le blason de l'établissement varie entre 10 et 20 euros. C'est cinq à dix fois plus cher que le prix des mêmes habits chez Kiabi.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Adoptée, cette proposition de loi aggraverait donc les difficultés financières des plus modestes au moment de la rentrée, lorsque les dépenses sont multipliées et le budget des familles particulièrement serré.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Ce texte anti-pauvres vise à mettre en scène la hiérarchie entre établissements populaires et huppés. En proposant l'instauration d'un uniforme d'établissement différent d'une école à une autre, il promeut une logique de marque,…
…de distinction, de concurrence, renvoyant au modèle d'école-marché qu'Emmanuel Macron s'efforce de développer depuis près de six ans.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.
Ça n'est donc pas un hasard si la nouvelle ministre de l'éducation, Mme Macron ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES
s'est hier déclarée favorable au port de l'uniforme à l'école, forte probablement de son expérience d'enseignante en lycée privé confessionnel, qui culmina dans l'un des plus hauts lieux de la reproduction des privilégiés, le lycée Saint-Louis de Gonzague, situé dans le 16
Mêmes mouvements.
Protestations sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Mais, je tiens à le dire, elle n'a aucune légitimité démocratique pour s'immiscer dans le débat parlementaire par un coup de communication articulé avec l'agenda du RN.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Collègues, vous qui êtes les soutiens du Gouvernement dans une démocratie, la séparation des pouvoirs est un principe fondamental. C'est à l'Assemblée de décider, non à l'Élysée de tout imposer.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Revenons aux rédacteurs de ce texte. Dans l'exposé des motifs de leur proposition de loi, les députés du Rassemblement national déplorent « l'existence […] de marqueurs sociaux qui distinguent les élèves et révèlent les différences de niveau de fortune de leurs parents ». C'est Tartuffe à l'Assemblée : « Couvrez ces différences que je ne saurais voir » supplient les députés du groupe RN après avoir voté en cadence contre le Smic à 1 600 euros, contre le gel des loyers, contre le rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également. – Protestations sur les bancs du groupe RN.
La proposition du Rassemblement national n'a donc aucune finalité sociale. Son véritable objet est ailleurs. Fidèle à sa tradition raciste, sexiste et xénophobe, son texte vise les jeunes femmes, les musulmans, qui sont trop ou trop peu, en tout cas qui sont toujours mal habillés à ses yeux.
Mêmes mouvements.
L'avatar français du parti de la police du vêtement disserte ainsi sur le « caractère » des habits. Ignorant des avertissements d'Aristide Briand quant aux effets de « l'ingéniosité combinée des prêtres et des tailleurs », il propose la création de milliers de comités Théodule destinés à fixer le « tissu, la coupe, la couleur » des vêtements. Parti de la stigmatisation des origines et des différences, le Rassemblement national est un danger pour l'unité de notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Benjamin Lucas et Mme Soumya Bourouaha applaudissent également. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Sa proposition de loi l'illustre tristement, qui vise à « abolir […] les distinctions culturelles » dans les établissements scolaires. L'extrême droite ne propose pas seulement des uniformes à l'école : elle rêve d'une société uniformisée.
Pour nous, l'école publique, celle qui accueille tous les élèves et donc toutes les différences, est le creuset de la République,…
…un lieu d'émancipation au sein duquel chacune et chacun se construit en être singulier pour exercer sa citoyenneté en toute liberté.
Les députés du groupe RN décomptent le temps restant à l'orateur : « Cinq, quatre, trois, deux, un… zéro ! »
Voilà ce qui nous oppose essentiellement au projet de l'extrême droite. Voilà pourquoi nous voterons contre sa proposition.
Les députés du groupe LFI – NUPES ainsi que M. Benjamin Lucas se lèvent et applaudissent.
Chers collègues, je veux bien que le sujet soit débattu avec force, mais la force n'est pas le bruit. Merci de respecter les orateurs ; cela vaut pour tous.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
L'école est un lieu sacré de notre République, un lieu de transmission et de sociabilisation. Or un cadre est nécessaire pour y maintenir l'ordre, l'autorité, mais aussi la confiance.
En effet, pour être épanouis à l'école, nos enfants et nos jeunes ont besoin d'avoir confiance. Confiance en notre système scolaire, en leur établissement et leurs encadrants, mais aussi et surtout en eux-mêmes et en leurs camarades.
Pourtant, depuis plusieurs années, nous constatons une réelle perte de confiance en l'école. Elle est due à une politique hasardeuse au sein de l'éducation nationale, à un enchaînement de réformes incompréhensible pour les enseignants, les élèves et leurs parents.
L'égalité, le respect et le collectif ont été amochés depuis quelque temps. C'est notamment le cas en ce qui concerne le port des signes et des tenues ostentatoires.
Nous pouvons éviter ces déviances ; le port d'une tenue uniforme peut y contribuer. Au sein du groupe Les Républicains, nous y sommes favorables depuis longtemps : nous avons toujours défendu cette idée d'une tenue unique pour plus d'égalité.
Dès 2018, j'ai moi-même défendu une proposition de loi visant à instaurer une tenue uniforme dans les établissements scolaires ; plusieurs de mes collègues ont suivi ce mouvement en déposant récemment encore des propositions similaires.
Comme divers orateurs l'ont dit, instaurer une tenue unique possède plusieurs bénéfices, à commencer par l'effacement des inégalités sociales. Elle permet de mettre tous les élèves sur un pied d'égalité, sans distinction de marque, de style, ou de moyens financiers. Au sein des établissements scolaires, lorsque nous étions élèves, il nous était plus facile d'identifier les moyens des uns et des autres que leur appartenance à telle ou telle religion ou communauté. Or ce sont ces inégalités qu'il nous faut réussir à gommer dès l'école. Le port d'une tenue uniforme permettrait réellement une meilleure intégration des élèves qui n'auraient plus à se définir en fonction des vêtements qu'ils portent et des signes ostentatoires véhiculés, que ceux-ci soient religieux ou non.
Au-delà des problèmes importants du port ostentatoire de signes religieux, instaurer l'uniforme combat aussi le règne de l'apparence. Les jeunes, à l'ère des réseaux sociaux, se libèrent alors de la pression du regard des autres et se consacrent plus facilement à leur apprentissage.
L'uniforme instaure une rigueur et impose, sans recours à la force, les préceptes de l'éducation scolaire. Il permet à l'élève d'être conditionné pour le travail, les devoirs, la discipline, la hiérarchie et la réussite.
Non seulement il renforce le sentiment d'égalité, mais c'est un outil pédagogique essentiel qui crée une atmosphère de travail et de discipline propre à l'école.
L'uniforme permet également de valoriser l'image de l'établissement et de créer un sentiment d'appartenance. Porter un uniforme permet à l'élève d'identifier son lieu de scolarisation comme un lieu à part dans lequel il peut s'impliquer et s'engager.
L'uniforme crée également une communauté unique, propre à l'établissement.
Il garantit l'unité et crée, en quelque sorte, une nouvelle famille pour les élèves. À l'image de ce qui se passe au sein des associations sportives où l'équipe a la volonté de défendre le maillot, la fierté d'appartenir à une communauté scolaire galvanisera les jeunes.
Enfin, la tenue uniforme renforcera la sécurité des établissements. Nous faisons face à des menaces de plus en plus réelles au sein de nos établissements : agressions, harcèlement, intrusions… Les dangers sont importants à proximité de nos écoles. La surveillance ne peut être optimale, car le nombre de personnes fréquentant ces lieux est trop grand : élèves, enseignants, agents du personnel, direction. Il est donc bien souvent trop difficile de contrôler les allées et venues de chacun. Ce problème est particulièrement présent dans les lycées où les entrées ne sont tout simplement pas contrôlées. Le port d'une tenue uniforme permettrait d'identifier plus facilement les intrus.
Vous l'aurez compris, si ce texte nous est présenté avant tout pour défendre le principe de laïcité à l'école, les raisons de soutenir cette mesure vont bien au-delà. Nous l'avons constaté dans de nombreux pays à travers le monde, le port d'uniforme apporte égalité, appartenance et esprit d'équipe.
Certains établissements dans notre pays, en métropole comme en outre-mer, ont déjà adopté l'uniforme. L'opinion publique y est de plus en plus favorable, au-delà des clivages politiques et des classes sociales.
Il nous faut donc aller enfin sur ce terrain, en donnant toute la liberté aux établissements d'en définir les modalités, sans oublier d'inclure les élèves dans cette décision.
Ils sont le premier public concerné et doivent pleinement accepter cette évolution, en la considérant comme une chance et non comme une contrainte.
Ensemble, de manière transpartisane, nous pouvons enfin favoriser le retour de l'ordre, d'une véritable sécurité, du respect de la laïcité et de l'égalité à l'école. C'est pourquoi le groupe Les Républicains votera pour cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.
Je commencerai par vous remercier, monsieur le rapporteur, de nous donner l'occasion de débattre au sein de cette assemblée de l'uniforme à l'école, car ce sujet revient depuis de nombreuses années dans le débat public sans que les représentants de la nation aient jusqu'ici pu en débattre officiellement.
Derrière l'apparente facilité de l'uniforme se cache finalement une proposition dont il est difficile d'appréhender les enjeux et les conséquences. Une certitude semble cependant s'être dégagée lors de nos débats en commission malgré l'acharnement de certains : l'uniforme n'est pas la réponse miracle aux problèmes que peut rencontrer notre école en matière d'égalité, de cohésion ou de bien-être.
La question de l'égalité se pose d'abord du fait d'un choix que vous avez opéré délibérément : votre proposition fait porter le coût de cette mesure sur les familles.
Alors que votre parti se présente en défenseur du pouvoir d'achat et des plus fragiles, je suis certaine que ces derniers apprécieront votre volonté de leur imposer des dépenses supplémentaires.
Protestations sur les bancs du groupe RN.
L'intéressante expérimentation menée à Provins rappelle qu'il est nécessaire non seulement de fournir des vêtements à faible coût, mais aussi de garantir qu'ils soient de bonne qualité. De plus, nous pouvons légitimement nous interroger sur la possibilité de fournir des uniformes à un bon rapport qualité-prix qui soient fabriqués en France, car je n'imagine pas que votre groupe demande autre chose qu'une fabrication nationale.
À peine a-t-on abordé ce sujet que les questions sont déjà nombreuses, même avant de nous demander si un enfant portant l'uniforme possède autant de vêtements de ville que les autres. Mais alors que vous souhaitez imposer l'uniforme dans toutes les écoles publiques de France, on peut s'interroger également sur l'utilité de cette mesure pour le bien-être des enfants.
Si, en apparence, l'uniforme semble à même de gommer les inégalités basées sur l'allure ou les vêtements, il n'existe aucun consensus établissant la réelle efficacité d'une telle mesure sur les résultats scolaires, sur le comportement, ou sur le sentiment d'appartenance à l'école. C'est cette incertitude quant aux résultats qui fait que les pays dans lesquels des enfants portent l'uniforme n'ont bien souvent pas inscrit cette obligation dans la loi.
De plus, alors que certains évoquent des bénéfices de l'uniforme pour lutter contre le harcèlement scolaire, les travaux d'Erwan Balanant, rapporteur de la loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire, démontrent plutôt qu'une telle mesure viendrait mettre en lumière les quelques éléments de distinction portés par les élèves.
Là encore, les questions demeurent et ce qui est présenté comme une solution à tous les maux serait finalement plutôt un enjeu local, qui doit être examiné par chaque établissement, pour que les personnes proches du terrain puissent décider de la meilleure solution pour les élèves. Or c'est déjà ce que permet la loi.
Votre choix est donc intéressant, car derrière cette fausse révolution vestimentaire, vous cachez finalement votre manque de volonté pour renforcer notre école là où notre majorité a agi depuis plus de cinq ans pour la remettre sur les rails :…
Murmures sur les bancs du groupe RN.
…priorité accordée aux savoirs fondamentaux, limite de vingt-quatre élèves par classe en primaire, dédoublement des classes et prime pour les enseignants en zone prioritaire, ou plus récemment revalorisation salariale qui assure que l'on n'embauche plus un professeur en le payant moins de 2 000 euros nets d'impôt.
Les chantiers sont encore nombreux pour renforcer cette belle institution qui forme notre jeunesse, notamment pour accroître la mixité sociale. Vous me permettrez de m'interroger aussi dans cette perspective sur l'utilité de la généralisation de cette mesure car nos amis britanniques, qui ont généralisé l'uniforme depuis bien longtemps, ne sauraient être des exemples en matière de mixité et d'égalité.
Cela nous invite à relativiser l'utilité d'une telle mesure imposée depuis Paris qui engage également la question de l'acceptation par les parents et les élèves, l'expérience de Provins ayant apporté une nouvelle preuve du fait qu'il est plus facile d'acquiescer à une mesure que de l'appliquer.
Vous l'aurez compris, pour le groupe Démocrate, votre proposition est hâtive, mal préparée, et elle démontre votre volonté de cliver la population française plutôt que celle de trouver des solutions efficaces pour l'école.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.
« Le progrès naît de la diversité des cultures et de l'affirmation des personnalités » explique Pierre Joliot, grand professeur biologiste et petit-fils de Pierre et Marie Curie. Cette proposition de loi qui vise à imposer un uniforme aux couleurs de l'établissement irait à l'encontre du progrès, aussi nous y opposons-nous. Nous sommes résolument contre l'objectif de cette proposition de loi qui vise, selon ses auteurs, à empêcher les élèves de porter des vêtements qui soient des marqueurs sociaux ou des signes religieux. Notre combat, à nous, c'est la lutte contre les discriminations, pas contre les distinctions.
Cette proposition s'ajoute à une longue liste de propositions qui depuis plusieurs années constituent des marronniers, c'est-à-dire des articles de circonstance publiés traditionnellement à certaines dates. Elle est sous-tendue par l'idée qu'on pourrait revenir à une sorte de modèle de l'école républicaine évoqué dans l'exposé des motifs.
Comme toujours, l'instrumentalisation de l'histoire sert moins à parler du passé qu'à justifier un discours présent et à inventer des racines qui ne sont pas réelles.
Le port de l'uniforme à l'école n'est pas une tradition française : même le port de la blouse n'a jamais été obligatoire. Nous sommes contre l'idée d'un uniforme aux couleurs de l'établissement, comme dans les écoles privées américaines, car cela ne correspond pas au modèle de l'école républicaine française.
Le port d'un uniforme fut un marqueur social pour distinguer certaines écoles élitistes, qui cherchaient l'entre-soi et refusaient la mixité sociale. Il est ainsi devenu un signe distinctif de haut statut social. La blouse, elle-même répandue mais non obligatoire, n'était qu'un instrument pour protéger les élèves et leurs vêtements des aléas de la vie quotidienne. Or, le temps est désormais loin où l'on changeait de vêtements seulement une fois par semaine, ou d'une semaine sur l'autre. Alors, si le passé ne justifie pas cette uniformisation, celle-ci répondrait-elle à une demande présente ?
Les quelques études menées à l'étranger sur les effets du port de l'uniforme montrent que celui-ci n'engendre pas de sentiment d'appartenance à une école, fut-elle républicaine. Selon la principale étude menée aux États-Unis et qui tendait à connaître les arguments des partisans de l'uniforme scolaire, celui-ci favoriserait une meilleure assiduité et un sens de la communauté renforcé, limitant donc intimidations et bagarres. Une telle argumentation est déjà plus sophistiquée que celle présentée dans l'exposé des motifs de la proposition de loi.
En réalité, le port de l'uniforme aurait plutôt tendance à induire un relâchement du lien à l'école : la mode et l'individualisation des vêtements sont une façon pour les élèves de s'exprimer…
…et représentent à ce titre une partie importante de l'expérience scolaire.
Empêchés de montrer leur individualité, les élèves pourraient ne pas se sentir autant à leur place dans l'école qui les regroupe. Or, nous le savons, c'est le bien-être, et non l'uniformité, qui est un facteur favorable à la réussite.
Les fondateurs de l'école républicaine l'avaient d'ailleurs bien compris : Ferdinand Buisson, qui fut l'un des maîtres d'œuvre de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, considérait qu'à l'école publique, c'est l'enseignement moral qui devait compter, puisque celui-ci « porte la claire notion du devoir, des idées de justice et de bonté, l'habitude de la réflexion, la culture de la conscience, l'amour du travail, le sentiment des droits de l'homme et de la dignité humaine. »
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Il concluait en précisant : « Cette morale, non seulement est bonne, non seulement est saine, mais elle est suffisante. »
J'ajouterais : l'enseignement n'a pas besoin d'uniforme. Plutôt que de nous intéresser à l'accessoire, occupons-nous du principal.
Il faut penser aux besoins des élèves, et donc donner priorité au nécessaire développement des compétences sociocomportementales. Il faut davantage personnaliser la pédagogie, mais aussi développer le travail coopératif. En outre, il est nécessaire d'évaluer l'évaluation, pour lui donner un sens nouveau. L'école, enfin, doit être porteuse de santé pour tous les jeunes. Il est donc indispensable de lutter contre les inégalités de classe et de genre que produit encore le système.
Finalement, en prétendant qu'elle traite du fond alors même qu'elle ne s'attache qu'à l'apparence,…
…les auteurs de la proposition de loi ne tendent qu'à nous distraire de l'essentiel.
Mme Ségolène Amiot applaudit.
Le groupe Socialistes et apparentés votera donc contre ce texte qui occulte l'essentiel du débat de fond et ne lutte en rien contre les inégalités à l'école.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui n'est pas une nouveauté : chaque année depuis deux décennies, la question du port de l'uniforme ou d'une tenue scolaire obligatoire à l'école et au collège ressurgit, tant au Parlement que dans la sphère médiatique.
Contrairement aux propos de certains, la tenue uniforme n'a jamais été imposée en France. Seule la blouse fut obligatoire jusqu'en 1968, mais davantage pour préserver des taches d'encre que pour obtenir une uniformité vestimentaire dans les classes. L'arrivée des pointes Bic a, par la suite, rendu le port de la blouse inutile.
Aujourd'hui, ce n'est pas l'idée de tenue scolaire qui est défendue dans la proposition de loi, mais bien l'obligation pour toutes les écoles et tous les collèges d'adopter, du jour au lendemain, une tenue par établissement.
Or, il est déjà possible pour les directeurs d'établissement de choisir de doter l'école ou le collègue qu'ils dirigent d'une tenue scolaire. Certains ont d'ailleurs déjà pris cette décision : des exemples, dont la presse s'est fait largement l'écho, existent dans les territoires d'outre-mer – en Martinique, notamment –, mais également en métropole – à Provins, en Seine-et-Marne.
Les membres du groupe Horizons et apparentés défendent avant tout la notion de liberté de choix des directeurs d'établissement, qui existe déjà, même si elle n'est peut-être pas assez connue : peut-être faudrait-il donc mener des actions pour mettre en avant ces expériences et le ressenti des élèves, des parents et des enseignants concernés. Nous ne sommes pas non plus opposés à des initiatives locales, qui seraient prises en concertation avec les familles, les enseignants et les collectivités. L'expérimentation est possible.
Si l'instauration d'une tenue scolaire dans un établissement contribue à diminuer les distinctions sociales et culturelles – nous ne le contestons pas –, elle ne les enraye pas pour autant, comme certains s'accordent à le dire. En effet, d'autres éléments et accessoires, comme les baskets, les portables, les sacs, sont aussi des marqueurs sociaux très forts – plus forts encore peut-être que les vêtements – et restent donc des moyens de gommer les effets tant attendus de l'uniforme. La tenue scolaire obligatoire n'effacera pas non plus comme par enchantement les tenues dites religieuses : elle n'entraînera, mécaniquement, que la création d'écoles hors contrat, et donc hors contrôle, sans régler le sujet.
Votre proposition de loi soulève également d'autres questions.
Tout d'abord, le coût de la mesure est estimé à 3 milliards d'euros par an. Qui va payer ? Les parents ? En cette période d'inflation, on ne peut pas leur infliger une dépense supplémentaire. Les collectivités ? Dans un contexte de tension budgétaire, il leur est impossible d'assumer de telles dépenses. La prime de rentrée scolaire, alors, devrait-elle être utilisée pour l'achat d'uniformes ?
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, vous avez déposé des amendements tendant à demander 5 millions d'euros supplémentaires de budget pour financer cette mesure. Est-ce sérieusement votre principale proposition pour l'éducation nationale ? Si la proposition de loi dont nous débattons est votre mesure phare pour régler les problèmes actuels de l'enseignement, de deux choses l'une : soit c'est quelque peu réducteur, soit vous êtes magiciens ! Des mesures efficaces ont déjà été prises, comme les dispositifs Vacances apprenantes et Devoirs faits, le dédoublement des classes de CP et CE1 en zone d'éducation prioritaire et le renforcement des enseignements fondamentaux.
Ensuite, vous avez évoqué le rôle fédérateur de l'uniforme. Or, le sentiment d'appartenance et l'importance de fédérer passent par des projets pédagogiques. En effet, un projet de solidarité, par exemple, fédérera davantage une classe ou un établissement qu'un uniforme – pour ceux qui ne le sauraient pas, je rappelle que l'uniforme n'est pas un outil pédagogique.
Pour être de véritables moteurs de la réussite scolaire de leurs élèves, les professeurs doivent être davantage acteurs, et leurs initiatives davantage reconnues. Leur implication est un enjeu essentiel de réforme.
Par ailleurs, vous avez abordé le problème des intrusions dans les établissements et le rôle de l'uniforme pour enrayer ces phénomènes. Mais, à ma connaissance, un uniforme se vole ou s'emprunte : le tour est joué ! Cela ne résoudra donc pas le problème.
Enfin, l'objectif de votre proposition ne saurait être uniquement l'abolition des distinctions sociales et culturelles : en effet, les propositions pour l'enseignement en France doivent avant tout viser l'amélioration du cadre d'apprentissage pour tous les élèves.
En résumé, votre proposition de loi, qui tend à contraindre l'ensemble des écoles et collèges à adopter l'uniforme sans qu'un réel débat n'ait lieu à chaque niveau, n'est pas aboutie, et le groupe Horizons et apparentés votera donc contre son adoption.
Votre texte ne résoudra absolument pas les problèmes de l'école républicaine, dont l'objectif est d'instruire et de former les citoyens de demain – des citoyens heureux. L'émancipation de nos jeunes doit plus que jamais être au centre de nos préoccupations et l'éducation nationale le cœur battant de la nation.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe RE.
Personne n'est dupe de ce qui se cache derrière la proposition de loi du Rassemblement national d'imposer l'uniforme à l'école :…
…les faux-semblants sur une égalité de façade ne sont là que pour habiller votre haine de la différence – religieuse ou « ethnique », aux termes de l'exposé des motifs.
« Oh ! » sur les bancs du groupe RN. – M. Benjamin Lucas applaudit.
Votre proposition de loi ne tend pas à améliorer l'école ni la vie des jeunes : plutôt que de vous attaquer frontalement aux problèmes, vous cherchez à ne plus les voir. Pour cela, l'uniforme est votre solution prête à porter.
En réalité, ce texte n'est que le moyen de vous en prendre à un public identifié : les enfants de confession musulmane, qui vous dérangent. Loin d'apaiser le débat et d'unir les Français dans leur diversité, vous voulez faire des écoliers et collégiens les otages de votre guerre des identités !
Mme Sandra Regol applaudit.
Laissez les jeunes et les enfants tranquilles.
Depuis le rapport Debré de 2002, il est de notoriété commune que c'est par l'apprentissage assumé et dépassionné de l'histoire des religions et des cultures qu'on lève les incompréhensions entre élèves et parents. C'est en s'éduquant à être d'accord sur le fait qu'on n'est pas d'accord qu'on apprend à vivre ensemble, et à assurer un équilibre entre l'affirmation de soi et le respect de l'autre.
Parlons égalité sociale. Qui, ici, croit que le seul fait de porter un vêtement unique et obligatoire permettrait de lutter contre les béantes inégalités sociales dans notre pays ?
Si les différences de milieux sociaux ne s'expriment pas à travers les vêtements, elles le feront par d'autres biais, comme les chaussures ou le smartphone.
M. Maxime Minot s'exclame.
Plutôt que d'essayer de masquer les inégalités sociales, de les camoufler sous un uniforme, attaquons-nous à les réduire vraiment à néant ! Or vos propositions au sujet de l'ISF ou de la fiscalité du patrimoine, par exemple, montrent bien qu'en réalité, vous êtes pour le statu quo en matière d'inégalités sociales.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Par conséquent, arrêtez de chercher à les camoufler, et essayons plutôt de les annihiler.
Mais vous allez plus loin encore, en demandant à chaque établissement de créer son propre uniforme – à ses couleurs, esprit d'équipe oblige ! Or, cela rendra les inégalités sociales encore plus visibles : en effet, on pourra lire sur la veste de chaque enfant s'il étudie dans une belle école du centre-ville ou dans une école de quartier prioritaire. Belle avancée !
Vous montrez avec cette proposition que vous soutenez la politique du Gouvernement, qui crée une concurrence entre les écoles au mépris de l'égalité républicaine entre tous les établissements.
Vous prétendez que l'uniforme permettrait de lutter contre le harcèlement scolaire. Des études ont montré que c'était faux. D'ailleurs, si tel était réellement votre objectif, vous auriez écrit une proposition de loi visant à aider les professeurs, dont 60 % estiment ne pas être formés à recueillir la parole, à repérer les cas de harcèlement et à les résoudre. L'uniforme n'empêchera ni l'homophobie, ni la grossophobie, ni le validisme, de faire les ravages qu'ils font aujourd'hui dans nos établissements scolaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Alors laissez aux jeunes la possibilité d'exprimer leur individualité et leur créativité, comme ils le réclament. Leur avez-vous seulement demandé leur avis ?
Depuis des années, les projets et propositions de loi qui déterminent leur avenir se succèdent, mais elles se passent toujours de l'avis des premiers intéressés.
L'uniforme obligatoire ne parle pas aux jeunes : il ne s'adresse qu'aux obsédés de l'islam que vous êtes. Vous estimez que la jeunesse ne fait pas suffisamment corps avec la République, mais tout ça, c'est dans votre tête ! La réalité, c'est que ces dernières années, les jeunes ont été abandonnés par le pouvoir. Qu'il s'agisse de l'uniforme proposé par le RN ou du service national universel (SNU) prôné par le Gouvernement, ce sont uniquement des mesures d'apparat pour masquer votre mépris partagé de notre jeunesse :…
…les jeunes, eux, n'en veulent pas !
Depuis des années, les mesures se succèdent : Parcoursup, refus de permettre à tous les titulaires d'une licence qui le souhaitent de poursuivre leurs études, files d'attente aux banques alimentaires, refus d'élargir le RSA aux moins de 25 ans renforçant la précarité étudiante, affaiblissement de l'éducation populaire et des colonies de vacances, dévoiement du service civique, transformé en Smic jeune, et bientôt, réforme du lycée professionnel, où les jeunes des milieux populaires seront moins bien formés et contraints de faire plus de stages sans garde-fou !
Nous rejetons ce texte en déplorant que ses auteurs fassent l'impasse sur une véritable réflexion au sujet du manque de moyens dédiés à l'accompagnement des familles pour assurer réellement la gratuité de l'école, et ne demandent aucune augmentation des moyens. Aujourd'hui, un jeune Français sur six pense que la Terre est plate, un sur quatre doute de la théorie de l'évolution : plus d'enseignants et moins d'élèves par classe, voilà ce dont nous avons besoin !
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
L'instauration de l'uniforme à l'école est devenue, ces dernières années, une marotte…
…pour toute une partie de la sphère politique. Ceux dont je parle dissimulent leur absence de projet pour l'école en donnant des coups de menton, en faisant de l'autorité à peu de frais, le tout sous couvert de lutte contre les inégalités sociales et la discrimination par l'argent. Souvent, les mêmes présentent d'ailleurs un projet politique profondément inégalitaire, désignant comme adversaire, sinon comme ennemi, celui qui possède moins qu'eux – le migrant ou le chômeur. Quel paradoxe que d'entendre la droite la plus réactionnaire,…
…celle qui fonde son idéologie sur les inégalités, la compagne de route du capitalisme ,
Mmes Ségolène Amiot et Elsa Faucillon applaudissent, ainsi que M. Jean-François Coulomme
donner des leçons d'humanisme et d'égalité ! Je l'affirme dès à présent : la question n'est pas de prendre parti pour ou contre cette mesure en apparence anodine, mais de savoir quelle conception de l'individu et de l'école amène le Rassemblement national à la proposer.
Sourires.
Rappelons tout d'abord que Mme Le Pen et son parti proposaient naguère de mettre fin, pour les enfants étrangers, à la gratuité de l'école.
Je cite : « Je considère que la solidarité nationale doit s'exprimer à l'égard des Français. » Et à l'intention des étrangers : « Si vous venez dans notre pays, ne vous attendez pas à ce que vous soyez pris en charge, à être soignés, à ce que vos enfants soient éduqués gratuitement, maintenant c'est terminé, c'est la fin de la récréation ! » Tous ces propos ont été tenus en 2016 par Mme Le Pen !
Voilà donc un premier tri opéré entre les enfants – heureusement tous habillés de la même façon. Un second tri écarterait les élèves des classes populaires, ceux qui réussissent moins bien à l'école. Ce n'est pas qu'ils ne soient pas faits pour elle, comme nous l'entendons trop souvent : c'est qu'elle ne parvient pas à estomper les inégalités sociales. Au lieu de prévoir des moyens supplémentaires ou des innovations pédagogiques, le Rassemblement national entend supprimer le collège pour tous et mettre ces enfants au travail dès 14 ans. Telle est votre perspective pour l'école : vous ne souhaitez pas la réformer de manière à assurer la réussite de tous, mais en évacuer dès leur plus jeune âge ceux qui s'ennuieraient, qui perdraient leur temps, à qui il conviendrait mieux d'apprendre un métier…
…et qui, bien entendu, sont généralement des enfants des classes populaires. C'est là une différence majeure entre nous : vous proposez moins d'école, nous en préconisons plus. Nous ne partageons pas davantage votre vision apocalyptique d'une éducation nationale en proie au pédagogisme, au laxisme, au communautarisme :…
Ce n'est pas une vision, mais le résultat de votre politique !
…nous la réfutons comme trop sombre, sans nier l'existence de difficultés. Quant à votre opposition irrationnelle à l'enseignement dès le primaire d'une langue étrangère ou, pire encore, à l'éducation sexuelle, je vous épargne en ne m'y attardant pas.
Si l'on considère le fond du problème, il est certes nécessaire de lutter contre le culte de l'apparence et de la consommation ; reste que, l'uniforme imposé, les origines des élèves se révéleraient par des accessoires, des bijoux, ou seulement par leur capacité à appréhender et assimiler les attentes du système scolaire, car notre école est celle de la reproduction sociale. Lors de l'examen du texte en commission, M. le rapporteur a été outré que je mette en doute la pertinence de la méritocratie au sein d'un système éducatif aussi inégalitaire. Or, je le dis et le redis : parmi les élèves entrés au collège en 2007, 4 % des enfants de cadres n'avaient obtenu dix ans plus tard aucun diplôme de l'enseignement secondaire, contre 19 % des enfants d'ouvriers non qualifiés et 38 % des enfants de parents sans emploi !
Dans la foulée, monsieur le rapporteur, vous avez osé nous citer le rapport Langevin-Wallon, du nom des deux grands scientifiques communistes qui élaborèrent après guerre le projet d'une école ouverte à tous, combattant les déterminismes, formant les citoyens. À l'issue de la seconde guerre mondiale, je le répète, tandis que les communistes contribuaient à ce plan, où étaient donc les futurs fondateurs de votre parti ?
Quels étaient leurs projets pour le pays, pour l'école, pour les enfants ? Alors, s'il vous plaît, ne mentionnez plus Paul Langevin ni Henri Wallon : si vous aviez compris leur propos, votre place ne serait pas à l'extrême droite de l'hémicycle.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
L'école de la République, je crois pouvoir affirmer sans trop m'avancer que nous y sommes tous attachés ici – une école laïque, ouverte à tous, garante de la transmission des savoirs, qui forme les citoyens éclairés de demain. Le sujet offre bien des aspects et, en vue d'améliorer la politique scolaire, les angles d'attaque ne manquent pas : je citerai pêle-mêle le niveau des élèves, le recrutement des professeurs, la rémunération des personnels enseignants et non enseignants, l'inclusion des enfants handicapés, les inégalités, ou encore l'absence de mixité scolaire.
Cependant, nous ne parlerons aujourd'hui de rien de tout cela, le Rassemblement national ayant préféré s'attacher à un symbole qu'il juge essentiel : l'uniforme. Cette hiérarchie des priorités, notre groupe ne la partage pas ; les arguments avancés par le rapporteur ne nous ont pas davantage convaincus que les références aux propos de Mme Macron. Assurément, il convient que l'école soit par excellence le lieu où l'enfant se voit garantir une protection contre toute forme de discrimination, de moquerie ou de harcèlement, l'école laïque devant en outre le mettre à l'abri des influences politiques, économiques ou religieuses. Ce sont là des conditions indispensables afin que l'institution accomplisse sa mission d'éducation, de sociabilisation, d'émancipation, d'épanouissement de chaque élève. Pour la même raison, l'école doit être le lieu de l'égalité, quels que soient le genre ou l'origine sociale et culturelle des enfants ; en ce sens, la neutralité doit demeurer la règle, l'interdiction, depuis 2004, du port à l'école de signes religieux ostentatoires s'inscrivant dans cette perspective.
Notre groupe est très attaché aux valeurs de laïcité et de liberté ; or, si nous voulons qu'elles soient respectées, il nous faut surtout nous assurer qu'elles ont été comprises, ce qui implique d'améliorer l'information, la communication et surtout la pédagogie en la matière. Tel est le rôle de l'école. Pour autant, nous ne sommes ni aveugles, ni naïfs concernant les atteintes à la laïcité signalées ces dernières années, notamment le port de tenues religieuses ou supposées telles. Ce sont là des phénomènes auxquels il importe de réagir, car ils mettent à l'épreuve la capacité de l'institution à établir un dialogue avec les élèves et leur famille, mais les mécanismes dont ils révèlent l'existence sont bien plus profonds et complexes, exigeant une réflexion qui dépasse le cadre scolaire. Ces considérations amènent forcément à se poser la question du port de l'uniforme, mesure dont aucune étude n'a démontré à ce jour l'efficacité.
L'imposer dans tous les établissements résoudrait-il les défaillances que je viens d'évoquer ? Le risque serait de masquer les conséquences sans s'attaquer aux causes. Notons également que rien n'interdit à un établissement d'instaurer le port d'une tenue réglementaire ; or ni les familles, ni la communauté éducative ne semblent le réclamer.
Plus prosaïquement, la mise en œuvre d'une telle obligation représenterait un défi logistique supplémentaire pour les académies, les établissements, les parents. C'est pourquoi notre groupe souhaiterait plutôt un vrai débat au sujet de la laïcité, de l'égalité réelle à l'école et des moyens nécessaires pour atteindre cette dernière, c'est-à-dire pour rompre les cycles de reproduction sociale.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Afin de pouvoir forger leur personnalité et leur esprit critique, il importe que les élèves soient accueillis dans un environnement bienveillant qui garantisse leur émancipation, leur construction en tant qu'individus au sein d'un collectif. Notre école n'est pas là pour produire des élèves, des citoyens, uniformisés, mais pour les aider à élaborer leur singularité dans le respect de l'autre ; ce qui constitue une nation n'est pas le fait d'être identiques, mais, au-delà des différences, le désir de vivre ensemble. Pour toutes ces raisons, notre groupe ne soutiendra pas la proposition de loi.
Comme il est séduisant d'imaginer que l'uniforme ferait disparaître, comme d'un coup de baguette magique ,
Protestations sur quelques bancs du groupe RN
tous les maux réels ou supposés de l'école : atteintes à la laïcité, harcèlement, violence, inégalités sociales, concentration des élèves, difficultés en matière de réussite scolaire, et j'en passe !
Oublions la pédagogie, les taux d'encadrement, la rémunération des enseignants ; faisons fi du dédoublement des classes de CP et CE1 dans les réseaux d'éducation prioritaire (REP) et les réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP+), du dispositif Devoirs faits ou encore de l'opération Vacances apprenantes. Abandonnons les réponses concrètes, efficaces, apportées par cette majorité. La solution, c'est le tissu !
Du moins est-ce ce que suggère ce texte qui, en admettant que l'on consente à croire un tel propos, n'en soulève pas moins plusieurs problèmes. Tout d'abord, le port de l'uniforme scolaire n'est généralisé nulle part, même lorsque la tradition est fortement implantée : aux États-Unis par exemple, seuls 22 % des établissements publics l'imposent, et un tiers en Martinique. Ensuite, il serait payé par les familles ; dans ce cas, quid des amendements que vous aviez déposés dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances et qui prévoyaient 5 millions d'euros pour financer ces tenues ? Souhaitez-vous qu'elles soient gratuites, payantes ? On peine à s'y retrouver. Enfin, vous affirmez vouloir faire de l'école un sanctuaire, reconnaissable à ses contraintes vestimentaires. Y croyez-vous réellement, alors même que le Rassemblement national soutient de manière inconditionnelle la scolarisation au sein de la famille, à la maison ?
Mme Clara Chassaniol applaudit.
Le temple républicain et son uniforme ne seraient donc manifestement pas destinés à tout le monde. Surtout, cette proposition de loi s'appuie sur une certaine pensée magique, sur des intuitions, sur des croyances, et non sur des études ou des constats reproductibles. Par exemple, l'uniforme éliminerait les marqueurs sociaux et par conséquent le harcèlement. Connaissez-vous les jeunes, chers collègues ? Sous-estimez-vous à ce point leur capacité à détourner les règles, inventer de nouveaux signes distinctifs ?
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Supprimerez-vous également les bijoux, montres, chaussures, sacs à dos ou trousses de marque, les téléphones portables ? Dès lors, ne faut-il pas plutôt faire le pari de l'éducation, encourager la tolérance ,
Exclamation sur plusieurs bancs du groupe RN
l'acceptation des particularités de l'autre et ses différences ? C'est en attaquant les problèmes à la racine, non en tentant de les dissimuler, que nous ferons reculer les inégalités et le harcèlement : là réside tout le sens du programme Phare de lutte contre le harcèlement à l'école ou du délit de harcèlement scolaire. Concernant ces sujets, la majorité n'a pas attendu de régler la question du costume : elle avance !
L'uniforme améliorerait les résultats scolaires : c'est faux, toutes les études le prouvent. L'uniforme renforcerait le sentiment d'appartenance à l'établissement : soyons honnêtes, il ne renforcera rien si l'enfant étudie dans un établissement dénué de mixité sociale et qui cumule les difficultés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
En revanche, évitons de créer de nouvelles distinctions, de nouvelles fractures, à l'extérieur de l'école, en rendant l'appartenance scolaire facilement reconnaissable ! Loin d'homogénéiser les élèves, comme vous le supposez, l'uniforme deviendrait alors un facteur de discrimination entre jeunes d'écoles différentes, de quartiers différents.
L'uniforme constituerait le remède aux atteintes à la laïcité, dont on a recensé, au mois de novembre, un cas pour 87 000 élèves : avouez donc que l'argument est faible, s'agissant d'imposer la généralisation d'une tenue. Surtout, celle-ci ne jetterait-elle pas un voile pudique, si j'ose dire, sur un phénomène que la formation des personnels doit nous permettre de percevoir, et la gradation des sanctions de combattre, au lieu qu'il prospère en silence ? L'uniforme, c'est la stratégie consistant à faire le ménage en glissant la poussière sous le tapis !
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Quant à l'argument selon lequel l'uniforme constituerait la pierre angulaire du renforcement de la discipline et de l'esprit patriotique, je préfère répondre avec Ernest Renan que c'est le destin commun qui crée la nation, pas un vêtement totalement étranger à notre tradition, à notre histoire !
L'habit, qui n'a jamais fait le moine, ne fera pas davantage l'élève attentif et studieux. Je serais tenté d'ajouter avec un brin de taquinerie que si le costume-cravate rendait calme et discipliné celui qui le porte, nous le saurions mieux que personne.
Néanmoins, soyons justes : il semble que l'uniforme influe sur l'assiduité des élèves, qui, en l'espace d'une année scolaire, assisteraient à une demi-journée ou une journée de cours de plus, ou encore évite des tensions, le matin, lorsque parents et enfants ne sont pas d'accord au sujet de la tenue choisie par ces derniers – j'ai le sentiment personnel que ce conflit, somme toute, reste assez gérable et ne nécessite pas d'immixtion urgente de la loi. Bien sûr, le débat concernant le port de l'uniforme a lieu d'être : il existe d'ailleurs au sein du groupe Renaissance. Mais il doit reposer sur un travail sérieux, sur des études
« Réalisées par McKinsey ! » sur plusieurs bancs du groupe RN
universitaires, évaluant par exemple les conséquences de cette pratique sur l'épanouissement de la personnalité des adolescents, sur leur construction de soi – et non, comme cette proposition de loi, sur une seule audition.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Frédéric Petit applaudit également.
L'école, notre école, est une institution de la République. Le vêtement qu'on y porte n'est pas anodin. Il dit, il peut dire quelque chose de l'attachement de l'élève à la communauté scolaire, de son souci de faire corps avec les autres, de la neutralité propice – je dirais même indispensable – à l'apprentissage des savoirs et des valeurs qui font de nous des citoyens. Aujourd'hui, il existe un uniforme dans nos cours de récréation. Un uniforme qui saute aux yeux. Un uniforme qui s'appelle la mode – la tyrannie de la mode. Un uniforme qui est inaccessible à certains de nos enfants, aux plus pauvres, à ceux dont les familles ont tant de mal à payer les factures et parfois même les repas à la cantine.
Il faut augmenter les salaires au lieu de faire des cadeaux aux patrons !
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Eh oui : alors que l'école devrait gommer ou, du moins, tenter de gommer les différences sociales et les écarts de richesse, elle les laisse prospérer !
Les exclamations se poursuivent.
La différence entre riches et pauvres saute aux yeux. Les uns portent les chaussures, les blousons et les jeans au goût du jour, qui coûtent cher, alors que les autres doivent se contenter du discount, quand ce n'est pas des habits du grand frère ou de la grande sœur.
C'est pour lutter contre ces discriminations que je suis favorable à l'uniforme à l'école. Et si ce mot ne vous plaît pas, chers collègues, s'il vous paraît ringard ou marqué d'une couleur idéologique qui vous déplaît, choisissez-en un autre. Qui a voyagé dans le monde sait que l'uniforme est présent dans une pléiade de pays : au Royaume-Uni, en Australie, au Canada, en Corée du Sud, au Liban, au Mexique, à Singapour, à Taïwan, au Viêt Nam pour n'en citer que quelques-uns. Et que je sache, il ne s'agit pas de dictatures d'extrême droite !
L'uniforme a une autre vertu : il est le meilleur rempart contre le prosélytisme religieux, le meilleur ami de la laïcité. L'école en a bien besoin quand on connaît les atteintes à la laïcité dans nos établissements scolaires. Les signalements pour le port de tenues religieuses comme les abayas et les qamis sont en hausse constante. Au total, 904 signalements ont été recensés au deuxième trimestre 2022. Le port de signes et de tenues religieux représentait plus de la moitié – 54 % exactement – des signalements en septembre 2022.
Face à ce phénomène, les directeurs d'établissements scolaires ou les professeurs sont parfois désarmés. Il est difficile d'affirmer à coup sûr que telle robe longue a, ou non, une connotation religieuse. Il s'ensuit des polémiques à n'en plus finir, des contestations à répétition. L'uniforme est une réponse. Il n'est pas sujet à interprétation. Il ne réglerait pas la question de la montée de l'islamisme radical dans nos écoles mais il nous aiderait à le circonscrire, à le combattre, et ce n'est pas rien.
Vous me direz que l'école affronte d'autres difficultés, d'autres maux dont l'uniforme en débat aujourd'hui ne viendra pas à bout. Et vous avez raison. Je ne citerai qu'un seul chiffre : selon le ministère de l'éducation nationale, 700 000 enfants sur 12 millions sont victimes de harcèlement chaque année. J'ai évidemment une pensée émue et attristée pour Lucas, 13 ans, qui a subi ce harcèlement et s'est donné la mort. Peut-être le sentiment d'appartenance à une communauté que procure le port d'un même vêtement pourrait-il insuffler un esprit de camaraderie. Ce serait un début de réponse à l'ensauvagement – pour reprendre le mot d'un ancien ministre de l'éducation nationale – qui détruit insidieusement tout notre système éducatif.
Vous l'avez compris, je n'ai pas la naïveté de penser et de prétendre que la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui répondra à tous les maux qui frappent notre école. C'est une évidence. Je ne le dis pas, et personne ici ne le dit. Elle est juste un bon début. Elle part d'un bon diagnostic : la nécessité de lutter contre les inégalités sociales, d'empêcher que nos enfants ne soient les victimes du prosélytisme de certains et de mettre un frein au consumérisme qui gangrène nos sociétés.
J'ai lu avec attention le compte rendu des travaux de la commission – avec tristesse, mais sans surprise. Une fois de plus, l'opposition à ce texte de nombre de mes collègues n'était motivée que par une simple raison : il est porté par le Rassemblement national.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe RN.
Aux yeux de certains c'est un péché capital, si j'ose dire ! Cette attitude est d'autant plus regrettable quand on sait que 63 % des Français sont favorables au port de l'uniforme à l'école.
Depuis hier, nous savons que même la première dame y est favorable ! Mais qu'importe ce que pensent les Français, qu'importent nos enfants, on préfère encore une fois la politique partisane, la politique politicienne, l'aveuglement sectaire !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Et si pour une fois on oubliait de qui provient tel ou tel texte pour se poser la seule question qui vaille : est-ce utile à notre pays et, en l'occurrence, est-ce utile à nos enfants ? Je vous le concède, ce serait une véritable révolution dans cet hémicycle. On a encore le droit de rêver !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je voudrais tout d'abord remercier Maxime Minot et Emmanuelle Ménard pour leur appui et pour leur soutien à cette proposition de loi. Vous avez raison, chère madame Ménard, la tenue uniforme d'établissement a pour but premier de lutter contre les discriminations sociales et la dictature de la mode. Je voudrais que vous compreniez bien, collègues, que nos enfants sont soumis à un véritable rouleau compresseur, par l'intermédiaire de TikTok notamment et des réseaux sociaux en général.
Ils sont pris dans un vertige, un tourbillon qui, d'une certaine manière, leur fait perdre complètement toute distance par rapport à eux-mêmes. Vous voulez qu'ils s'expriment, mais qu'ils expriment quoi ? Leur préférence pour telle marque ou pour telle autre ? C'est complètement dérisoire !
Ils sont là non pour exprimer quelque chose mais pour apprendre quelque chose.
Vives protestations sur les bancs du groupe RN.
Brouhaha sur divers bancs. – M. Benjamin Lucas s'exclame.
Tout ce qui est excessif est insignifiant, mon cher collègue. Je ne relève même pas.
Mes chers collègues, je vous demande de respecter les interventions des orateurs. M. le rapporteur a la parole. Si vous souhaitez vous exprimer, demandez-moi la parole lors de la discussion des amendements et je vous la donnerai éventuellement. Le brouhaha et le bruit qui règnent dans l'hémicycle sont très désagréables. Je vous remercie de bien vouloir en finir avec les invectives.
Merci, madame la présidente. La dictature de la mode par réseaux sociaux interposés ronge, abîme, détruit, empêche l'acte d'enseignement. Elle empêche l'élève de se concentrer sur ce qu'il doit apprendre. La tenue uniforme d'établissement n'est pas une oppression, c'est une libération. Elle est aussi une novation puisqu'elle n'a jamais existé jusqu'à maintenant dans l'histoire de la République. Si elle est innovante, c'est parce que la situation que connaît le système éducatif est tout à fait nouvelle : jamais notre école n'a été abîmée comme aujourd'hui, rongée de l'intérieur par une force invisible que les enfants ont collée à l'oreille ou aux yeux en permanence. Je suis donc tout à fait d'accord avec Mme Ménard ; vous avez soulevé un très bon argument, ma chère collègue.
J'en viens aux propos de M. Minot. Je pense comme lui que la tenue uniforme d'établissement augmente la confiance des élèves en eux-mêmes et qu'elle les libère du rôle de l'apparence.
Elle est également un élément de sécurité, comme me l'a indiqué le proviseur du lycée Schœlcher que j'ai auditionné en visioconférence. Il m'a ainsi expliqué que l'uniforme permettait désormais de faire un tri immédiat entre les élèves de l'établissement et les individus qui souhaitent s'introduire dans l'établissement et commettre des actes de violence : ceux-ci sont immédiatement repérés.
C'est un argument que, je crois, vous pouvez entendre chers collègues. Je pense aussi, comme mon collègue Minot, que l'uniforme est un élément de la construction d'une communauté scolaire. La communauté éducative, qui figure dans les textes de la République, se constitue également par le port d'une tenue uniforme d'établissement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN. – M. Maxime Minot applaudit également.
J'en viens aux arguments qui ont été soulevés par ceux qui s'opposent à la proposition de loi, et commencerai par répondre à M. le ministre délégué. Excusez-moi, je cherche mes notes…
Monsieur le ministre délégué, vous avez commencé votre propos en expliquant que cette proposition de loi se voudrait une sorte de baguette magique, comme l'a dit M. Marion, qui réglerait tous les problèmes de l'école. J'ai dit exactement l'inverse ! Je vous ai dit qu'elle ne serait pas la panacée mais un début de résistance, une première pierre dans l'édifice de la reconstruction de notre école républicaine. S'il vous plaît, ne déformez pas mes propos. Quant aux signes distinctifs, vous parlez des chaussures et des sacs : le niveau du débat baisse, lorsque l'on en arrive là. C'est ridicule !
La proposition de loi permettra à un conseil d'administration de définir librement la nature de la tenue uniforme de l'établissement. Ce peut être une tenue simple – un t-shirt ou sweat-shirt – ou complète, incluant un pantalon, voire des chaussures.
Le choix de la tenue en elle-même relève d'une décision de l'établissement, et non de la loi. En tout cas, cette question n'est pas un argument recevable pour rejeter l'idée même d'une tenue uniforme d'établissement. Vous affirmez ensuite qu'il est déjà possible pour un établissement d'imposer une telle tenue. Eh bien justement ! Si cela est déjà possible et que cela marche très bien, comme c'est le cas en Martinique, généralisons ce qui marche ! Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre délégué, je réfute cet argument – soulevé par plusieurs groupes politiques – sur le fond. Le fait de rendre la tenue uniforme obligatoire est un acte d'autorité. Nous voulons non étendre un droit, mais établir un devoir.
Nous pensons en effet que, l'éducation étant nationale, l'État a le devoir de la protéger et de protéger les élèves.
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Louis Boyard s'exclame.
Quant à la gratuité, l'un des orateurs – je ne sais plus lequel – a cité un chiffre extravagant, estimant que cette mesure coûterait 3 milliards d'euros. N'importe quoi ! Je n'ai jamais vu arriver à l'école un enfant tout nu. Il me semble que les enfants sont habillés par leurs parents, n'est-ce pas ? Cela étant établi, il me semble que si ces derniers achètent une tenue uniforme d'établissement à 8 euros, comme c'est le cas en Martinique, plutôt qu'un t-shirt Adidas ou de je ne sais quelle autre marque à 40 euros, cela ne représentera pas un coût supplémentaire pour eux, mais une économie !
Nous soulageons les finances des parents, notamment de ceux qui ont les plus grandes difficultés.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Pour les parents nécessiteux ou rencontrant des difficultés pour boucler les fins de mois, il existe un fonds social collégien qui est encore très largement doté. M. le ministre délégué ne me contredira pas : des dizaines de millions d'euros dorment dans les fonds de réserve. Cet argent est parfaitement utilisable pour aider les familles qui en auraient besoin.
On pourrait plutôt l'utiliser pour lutter contre l'homophobie et les discriminations.
Pour les élèves du premier degré, les centres communaux d'action sociale peuvent également apporter cette aide. Ce n'est pas une nouveauté, c'est très banal. Il n'y a aucune raison pour que la tenue soit payée par l'État ou par les collectivités territoriales. Les gens habillent déjà leurs enfants ; ils les habilleront avec une tenue choisie par leur établissement, tout simplement.
J'en viens aux exemples étrangers. La proposition de loi ne contient aucune référence à un quelconque exemple étranger. Ce qui se passe dans les pays anglo-saxons regarde les pays anglo-saxons ; l'école de la République en France a des problèmes spécifiques qu'elle réglera à sa manière, avec l'État et la représentation nationale, c'est-à-dire en s'efforçant de redresser la barre. Encore une fois, ce texte n'est pas la panacée mais c'est un premier pas vers le redressement de l'école de la République, qui en a grand besoin.
Quant à la méritocratie, enfin, je ne vois vraiment pas ce qu'elle vient faire dans ce débat, madame Bourouaha. Je m'étonne beaucoup qu'étant de gauche, vous soyez si remontée contre la méritocratie républicaine. Ce sujet n'a rien à voir avec la proposition de loi mais puisque vous en avez parlé, je me permettrai de vous répondre. C'est la gauche qui a détruit la méritocratie républicaine, et je peux le prouver facilement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Eh oui, avec Mme Fioraso ! Une bourse de 1 800 euros pour les bacheliers ayant obtenu une mention très bien !
M. Boris Vallaud s'exclame.
N'en faites pas une affaire personnelle, monsieur Vallaud ! M. Blanquer n'a d'ailleurs pas rétabli ces internats puisqu'ils sont désormais qualifiés d'internats de réussite, un mot bateau !
Vous ne voulez pas que je prononce les noms sacrés de Langevin et Wallon.
« Non ! » sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Sourires.
Vous êtes une véritable petite police politique, vous êtes des tchékistes à la petite semaine !
Rires de M. Roger Chudeau. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
C'est cela votre vraie nature : vous êtes des petits flics de… Enfin, peu importe !
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Vous êtes des flics de la pensée !
Paul Langevin et Henri Wallon ont voulu une école juste, ils ont voulu établir l'égalité des chances.
Depuis 1981, à chaque fois que vous avez été au pouvoir, vous avez détruit les instruments de cette égalité. C'est vous qui avez paupérisé le corps enseignant ,
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES
vous le savez pertinemment : en 1980, les enseignants gagnaient 2,6 fois le SMIC ; ils sont payés 1,6 SMIC aujourd'hui. Où étiez-vous ?
Mêmes mouvements.
Monsieur le rapporteur, merci de ne pas interpeller vos collègues et de vous adresser à la présidence.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de loi, dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.
Mon propos vaudra pour la défense de notre amendement de suppression n° 2 .
Mme Macron nous a parlé hier de sa propre expérience. À peu près au moment où elle était affublée d'un uniforme, le général De Gaulle tenait ces propos, qu'à l'écoute de nos débats je trouve très inspirants : « Il est tout à fait naturel qu'on ressente la nostalgie de ce qui était l'empire, comme on peut regretter la douceur des lampes à huile, la splendeur de la marine à voile, le charme du temps des équipages. Mais quoi ? Il n'y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités ! »
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN
de votre nostalgie d'une école d'autrefois fantasmée, l'école d'aujourd'hui a besoin de mixité, de justice sociale, d'égalité des droits – l'égalité des chances étant un concept de casino.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La République, chers collègues, ne s'apprend pas dans les casernes du SNU ou sous les uniformes.
Elle s'éprouve quand sa devise devient concrète dans la vie de chacun de ses enfants.
Mêmes mouvements.
L'appartenance à la communauté nationale naît de l'effectivité des droits, elle ne se fabrique pas en faisant des établissements scolaires des clubs de football ou un remake de Hunger Games.
Mêmes mouvements.
Je ne rajouterai rien aux propos très clairs du rapporteur sur les raisons qui ont motivé un texte qui semble recueillir l'assentiment de la majorité des Français, consciente des difficultés auxquelles se trouve confrontée l'école. Encore une fois, si le port d'une tenue uniforme n'a pas vocation à régler tous les problèmes, il vise à résoudre deux difficultés que les parents connaissent bien : la compétition des marques…
…ainsi que la pression exercée par les islamistes – pression que chacun constate, ministre compris – qui veulent une différenciation religieuse au sein même de l'école.
Je ne comprends pas l'argument selon lequel le port de l'uniforme ne changera rien, n'apportera rien.
Si certaines professions s'exercent en portant un uniforme, c'est bien qu'il sert à quelque chose !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je pense aux avocats – j'ai moi-même porté la robe – et aux magistrats. Si je puis me permettre, l'uniforme crée la fonction.
On dit que sous la robe, il n'y a ni sexe ni âge. Cela devrait vous faire plaisir, vous qui parlez en permanence de sexe !
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Nous voulons que, grâce au port de la tenue uniforme à l'école, la catégorie sociale, la fortune ou la religion disparaissent, qu'il n'y ait que des élèves.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Pourquoi sommes-nous là ? Peu importe d'où viennent les idées et les propositions de loi ; seul l'intérêt général doit primer.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
À titre personnel, je n'ai jamais eu aucun problème à voter une proposition de loi d'où qu'elle vienne, de l'extrême gauche ou de l'extrême droite. Je n'ai jamais eu aucun souci avec ça. Aujourd'hui vous êtes plusieurs à stigmatiser ce texte en raison de ses signataires. J'ai moi-même déposé une proposition de loi presque identique en 2018.
Elle allait plus loin car l'obligation concernait aussi les lycéens – j'ai déposé un amendement en ce sens, mais nous n'aurons sans doute pas l'occasion de l'examiner. Vous avez tous rencontré, je crois, des jeunes victimes de harcèlement scolaire, une situation inacceptable à laquelle le port de l'uniforme peut apporter une solution.
Je sais que des députés de la majorité sont favorables à cette mesure. Beaucoup avouent qu'ils auraient peut-être soutenu un texte déposé par un autre groupe.
Certains sont venus me dire que si cette proposition de loi avait été la mienne, ils l'auraient votée.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
N'oubliez pas, chers collègues, que c'est l'intérêt général qui doit primer !
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.
Le port obligatoire de l'uniforme est un serpent de mer, présenté comme un remède miracle contre les maux qui frappent l'école – harcèlement scolaire, atteintes à la laïcité, discriminations, dénigrement de l'autorité. Pourtant, aucune étude n'a pu établir que le port de l'uniforme améliorait le comportement des élèves, relevait le niveau scolaire ou favorisait un sentiment d'appartenance. L'uniforme serait le symbole d'un État qui impose par l'autorité, là où l'adhésion doit provenir de l'éducation, de la responsabilité des élèves et de leurs parents.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
En réalité, l'uniforme à l'école n'a jamais fait partie de notre tradition républicaine. Le principe de liberté de choix de la tenue vestimentaire s'applique sans discontinuer depuis la loi Ferry de 1882. Rien ne justifie de graver dans le marbre de la loi une pratique qui trouve sa source dans le monde anglo-saxon et que certains établissements – primaires, collèges, lycées – ou certains territoires, comme en outre-mer, peuvent librement choisir d'adopter dans les strictes limites imposées par le législateur. Elle doit être fondée sur des motifs d'hygiène ou de sécurité ; elle doit être proportionnée et assurer l'égalité de toutes et tous.
Quant à la laïcité, la loi de 2004 est limpide ; nous apportons tout notre soutien aux équipes éducatives pour la faire respecter. L'école est le creuset de notre République. Il convient de ne pas nous éloigner de ce qui fonde le vivre-ensemble …
Exclamations sur les bancs du groupe RN
… dans un pays où les différences existent, mais où les valeurs républicaines rassemblent. Notre promesse d'émancipation nous impose de rejeter l'article unique.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Sur les amendements de suppression n° 1, 2, 3, 6, 27 et 28, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les amendements identiques n° 1 de M. Inaki Echaniz et 2 de M. Jean-Claude Raux sont défendus.
La parole est à M. Louis Boyard ,
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN
J'ai un message de la part de la jeunesse : « Laissez-nous tranquilles ! »
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Vous n'avez pas autre chose à faire ? Récemment, dans la salle d'une classe de primaire de Limeil-Brévannes, il faisait 10 degrés.
L'Assemblée nationale s'occupe de voter l'obligation du port de l'uniforme à l'école alors que les salles de classe sont gelées : comment pensez-vous que cela serait pris ? À Villeneuve-Saint-Georges, il manque du papier toilette dans les écoles mais votre priorité est d'imposer l'uniforme ; des familles ont du mal à nourrir leurs gosses mais vous voulez leur faire payer des tenues. À Villeneuve-le-Roi, comme partout ailleurs, il manque des enseignants et les élèves sont entassés dans des classes mais vous pensez que ce serait mieux s'ils portaient les mêmes vêtements.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
L'uniforme ne met pas fin aux inégalités. Pour vous, il vaut mieux cacher dessous ces 3 millions d'enfants qui vivent sous le seuil de pauvreté – tant que cela dissimule la nature antisociale de votre projet politique.
Il serait inexact de dire que cette proposition est rétrograde, puisqu'une telle obligation n'a jamais existé en France.
Elle ressemble seulement à votre conception de ce que devrait être la jeunesse : une jeunesse contrôlée, uniformisée, interdite d'exister par elle-même, sans références culturelles propres. Musulmane, elle n'a pas le droit d'avoir de religion ; opposée à vous, elle n'a pas le droit d'avoir d'opinion.
Vous avez trouvé en Brigitte Macron un étrange soutien.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Peut-être a-t-elle passé trop de temps à discuter avec votre ami Gérald Darmanin ?
Arrêtez la police du vêtement ! Laissez les jeunes filles s'habiller comme elles veulent ! Remballez votre obsession de mesurer la longueur de leurs jupes ou de leurs shorts ! Rendez les élèves fiers de leur établissement, non en raison d'un faux sentiment d'identité, exacerbé par des uniformes, mais grâce à un enseignement de qualité et à des activités extrascolaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Foutez la paix à la jeunesse ! Elle connaît trop de difficultés pour subir en plus la bêtise du Rassemblement national.
Mêmes mouvements. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Non, rendre obligatoire le port de l'uniforme n'est pas la solution magique. L'éducation nationale et ses personnels méritent mieux que cela.
Cette mesure figurait dans le programme de la candidate du Rassemblement nationale à la présidentielle. L'idée est de gommer non pas les inégalités mais les différences propres à chaque élève.
Que vous le vouliez ou non, l'école est un lieu de mixité, de mélange, de partage et d'enrichissement collectif. C'est un lieu de socialisation où chaque élève, dans sa diversité, apprend à se construire comme individu, mais aussi comme citoyen au sein d'une société.
Sous couvert de lutte contre les inégalités et le harcèlement à l'école, le RN veut en réalité imposer une vision paternaliste autoritaire et oppressive de l'école, que nous ne soutiendrons jamais.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Lutter contre les inégalités scolaires, ce n'est pas les dissimuler sous une tenue commune, c'est mettre en œuvre des mesures de fond pertinentes pour attaquer les inégalités à la racine. C'est ce que cette majorité fait depuis cinq ans.
Vous supposez qu'un uniforme serait un moyen de lutter contre le harcèlement à l'école. En tant qu'enseignante, principale de collège et députée, j'ai hélas été confrontée à des situations de harcèlement ; jamais elles n'avaient de lien avec les vêtements que portaient les victimes !
Je vous ai souvent entendus critiquer des mesures, selon vous trop verticales et déconnectées des territoires. Aujourd'hui, vous proposez de rendre obligatoire une mesure qu'il est déjà possible d'appliquer. Imposer, contraindre, telle est votre méthode ! Pour ma part, je crois au dialogue, à la concertation, à la gouvernance au plus près des territoires et des citoyens.
Le code de l'éducation autorise les établissements scolaires à imposer une tenue, une obligation de mise dans les outre-mer.
Elle doit répondre à une préoccupation locale et s'inscrire dans un projet pédagogique porté par une communauté éducative.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Les amendements identiques n° 27 de Mme Sophie Mette et 28 de Mme Soumya Bourouaha sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements de suppression ?
Je vais prendre le temps, madame la présidente, de réfuter les arguments les uns après les autres.
Nous respectons parfaitement les différences culturelles, mais nous souhaitons tout simplement qu'elles restent à la porte de l'école. En réduisant les élèves à leur appartenance, vous faites preuve d'une sorte d'obsession identitaire.
Pour notre part, nous avons une autre obsession, celle de la communauté éducative et de la communauté nationale. Nous préférons que les élèves laissent leur identité individuelle à la porte de l'établissement pour entrer dans le temple de l'école de la République. Cela nous différencie clairement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
D'une certaine manière, un peu comme dans la publicité de McDonald's, vous dites aux élèves : « Venez comme vous êtes ! » Pour ce qui nous concerne, nous leur disons : « Venez et devenez quelqu'un par l'instruction et par l'éducation. »
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Dans l'exposé sommaire de votre amendement, monsieur Echaniz, vous soutenez également que la proposition de loi prendrait comme modèle les écoles privées américaines. J'en ai parlé tout à l'heure, cette affirmation est totalement ridicule : cela n'a aucun rapport.
En réalité, si quelqu'un ici s'inspire des États-Unis, c'est bien vous, qui incarnez le wokisme.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Si ! Le wokisme nous vient des États-Unis et vous en êtes les parfaits représentants et la parfaite incarnation. Je souhaiterais d'ailleurs citer Christophe Guilluy qui, dans son ouvrage Les Dépossédés, qui vient d'être publié, écrit que le wokisme n'est rien sans le marché, sans le capital – ce qui explique votre alliance avec le macronisme, dernier avatar du capitalisme mondialisé anglo-saxon. Vous êtes bien ensemble !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Rires sur quelques bancs du groupe RN
Je vous le dis franchement, collègues de la NUPES, vous êtes les idiots utiles du capitalisme.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Insinuer que la tenue uniforme d'établissement instituerait une concurrence entre les établissements et serait de nature à provoquer des bagarres est également très étrange. Auriez-vous honte de porter la tenue uniforme d'un établissement de REP+ ? Franchement ?
Je ne sais plus qui l'a dit, mais c'est ce que j'ai entendu tout à l'heure. Considérez-vous réellement qu'il serait stigmatisant de porter l'uniforme d'une école publique située en REP ? Si tel est le cas, j'ai honte pour vous.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je reviens un instant sur vos propos relatifs à l'appartenance et au marquage culturel : l'objet du texte n'est pas de cacher quoi que ce soit, mais d'ignorer les marqueurs et les appartenances communautaires que vous défendez tant. Que vous le vouliez ou non, l'école de la République est historiquement et par construction une école assimilationniste. Aussi le reproche d'uniformisation de la jeunesse est-il totalement ridicule, étant donné que les tenues uniformes seraient choisies par les établissements. Il n'y aurait pas d'uniforme national, ni d'uniforme militaire, mais une tenue d'établissement. Celle-ci pourrait être rose bonbon que cela n'aurait aucune importance, pourvu que l'établissement l'ait choisie.
Sourires.
Par ailleurs, il y a un sophisme auquel il faut tordre le cou une bonne fois pour toutes. Vous dites, monsieur le ministre délégué, tout comme Mme Rilhac dans l'exposé sommaire de son amendement, que l'instauration d'un uniforme n'a besoin de faire l'objet d'aucune obligation légale, qu'une telle mesure n'est pas nécessaire, qu'il convient de respecter le choix des établissements, qu'imposer un uniforme est déjà possible, bref que la proposition de loi ne sert à rien.
Il s'agit bien d'un sophisme chimiquement pur ! Les problèmes qui affectent gravement et profondément notre école sont de nature anthropologique. Quel homme voulons-nous au XX
Un consommateur mondialisé, ou un citoyen de la République française ?
J'ajoute que les problèmes dont souffre l'école sont également de nature civilisationnelle. Voulons-nous une école laïque ou une école communautariste ?
Devant ces questions fondamentales, le groupe Renaissance et le ministère de l'éducation nationale…
…adoptent une position parfaitement libérale. Vous affirmez que les 43 904 écoles publiques et que les 5 303 collèges publics doivent affronter individuellement ces questions fondamentales et décider seuls de l'adoption, ou non, d'une tenue uniforme d'établissement. J'estime pour ma part que, ce faisant, vous niez à la fois la gravité de la situation et le devoir qu'a l'État – ou la représentation nationale –, surtout dans la mesure où l'éducation est nationale, de prendre par la loi les mesures de protection de l'école qui s'imposent. Il y a là entre nous une différence idéologique fondamentale et manifeste. Vous êtes des libéraux, vous laissez faire, vous laissez aller, vous laissez pourrir, et nous voyons où l'école en est rendue. Quant à nous, nous voulons redresser la barre.
L'exemple martiniquais, qui a été souvent cité, montre que l'adoption de ce qu'ils appellent une tenue vestimentaire réglementée est plébiscitée, celle-ci ayant même été demandée par les collégiens pour éviter le marquage social. Notre proposition de loi ne vise donc pas à autoriser une pratique jusque-là interdite mais, au contraire, à généraliser un dispositif qui a fait ses preuves.
La liberté de choix continuerait d'exister. Je le reconnais volontiers, ce texte est en partie libéral : l'établissement ou l'école pourrait choisir la coupe ou encore la couleur de la tenue uniforme. Ces questions sont d'ailleurs du ressort des conseils d'école ou d'administration, lesquels, contrairement à ce qui a été dit, par M. Echaniz peut-être, ne sont pas des comités Théodule.
Il n'a rien dit, M. Echaniz : un cosignataire de son amendement a seulement indiqué que ce dernier était défendu !
Peu importe, l'un d'entre vous l'a dit. Manifestement, vous ne connaissez pas très bien l'organisation de l'école publique !
Vous ne connaissez pas les conseils d'administration des collèges, pas plus que vous ne connaissez les conseils d'école. Ce sont pourtant eux qui prennent les décisions. Je vous prie de lire les textes réglementaires et de ne plus parler de comités Théodule : c'est parfaitement déplacé.
« Ah ! » sur les bancs du groupe RE.
Ah, vous êtes contents !
Vous avez fait, madame Bourouaha, une caricature du programme de Marine Le Pen.
Ça recommence : elle s'est contentée de dire « défendu » à l'appel de son amendement !
Elle n'a peut-être rien dit, mais je réponds à l'exposé sommaire de son amendement de suppression.
Je réponds en effet à sa non-intervention. Je constate d'ailleurs que vous ne prenez même pas la peine de prendre la parole, pas plus que le ministre, qui est tout bonnement absent, ce qui en dit long.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
J'ai bien compris que vous allez rejeter cette proposition de loi par l'alliance classique de la carpe et du lapin, c'est-à-dire de Renaissance et de la NUPES, mais peu importe.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Vous devriez avoir honte. En tout cas, moi je n'aurai pas honte d'avoir défendu cette proposition de loi.
Le Rassemblement national et moi-même avons décrit un problème. L'école est en danger de mort et vous vous en prenez au messager. Tout cela me fait penser à l'aphorisme de Lao Tseu, que vous connaissez aussi peut-être : Quand le sage montre la lune, l'idiot regarde le doigt.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je comprends donc, monsieur le rapporteur, que votre avis, à titre personnel, est défavorable sur ces amendements identiques.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Favorable.
Si le ministre de l'éducation nationale est en retard, c'est peut-être parce qu'il doit récupérer ses enfants à l'École alsacienne ?
Rires sur les bancs du groupe RN.
Quelqu'un pourrait-il d'ailleurs me confirmer que cette école n'a pas imposé un uniforme ?
Le port de l'uniforme à l'école, qui traduit un choix de société, est devenu une nécessité. Il favorise un brassage social, mais aussi culturel. Il conforte aussi le sentiment d'appartenance à un établissement et la fierté d'en porter ses couleurs. Pourquoi ce qui serait tellement bien, tellement enthousiasmant pour les compétitions sportives comme la Coupe du monde de football, ce qui favoriserait l'esprit de corps et de solidarité, l'adhésion à un ensemble, ne fonctionnerait pas pour l'école ?
Rappelons que le ministre de l'éducation nationale a refusé de prendre position sur l'abaya. Il a laissé les professeurs se débrouiller seuls alors qu'ils sont soumis à d'intenses pressions sur ces questions. En l'occurrence, ce n'est pas un sujet sensible : c'est un sujet dangereux.
L'école publique doit être un lieu sanctuarisé où le communautarisme n'a pas sa place. Notre enjeu est la défense et la promotion de l'idéal républicain. Cet idéal universaliste consiste à assurer une instruction laïque qui permette d'être Français, non en fonction d'une origine ou d'un déterminisme, mais d'un héritage et d'un état d'esprit. L'uniforme y contribuerait grandement et Brigitte Macron elle-même est d'accord avec cela. Elle y voit aussi le moyen de gommer les différences et d'enrayer en partie le fléau du harcèlement scolaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 201
Nombre de suffrages exprimés 196
Majorité absolue 99
Pour l'adoption 105
Contre 91
La parole est à Mme Louise Morel, pour soutenir l'amendement n° 24 portant article additionnel après l'article unique.
Il vise à rendre obligatoire le port d'une tenue de sport réglementaire pour tous les élèves, mais uniquement durant les cours d'éducation physique et sportive (EPS).
Il n'est nul besoin de le démontrer, les activités physiques et sportives sont bénéfiques pour la santé des élèves, participant de leur développement physique, cognitif et social. Pourtant, l'EPS, discipline obligatoire durant toute la scolarité, peut être mal perçue par les élèves, notamment à l'adolescence. Les cours de sport peuvent devenir de véritables catalyseurs d'angoisses et de discriminations, aussi bien pour les filles que pour les garçons, dont la tenue est l'un des vecteurs.
Ainsi, le port d'une tenue réglementaire adaptée à la pratique sportive et identique pour tous permettrait, par sa neutralité, d'atténuer les distinctions sociales, culturelles et sexuelles durant ces cours, et favoriserait également la mixité.
J'ajoute que, l'article unique ayant été rejeté, l'adoption de cet amendement permettrait de mener une expérimentation grandeur nature de l'uniforme dans les écoles. Nous sommes tous fiers de porter les maillots de nos équipes favorites – celui des Bleus récemment –, soyons fiers de porter celui de nos écoles.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et HOR.
Chère collègue, vous êtes vraiment très aimable d'essayer de sauver la proposition de loi, mais je ne saurais me résoudre à l'instauration d'une tenue uniforme d'établissement que pour une seule matière. Je le répète, c'est très aimable de votre part et je vous remercie de cet amendement, mais je lui donne un avis défavorable.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Défavorable.
Pour ma part, j'aurais plutôt soutenu cet amendement, mais nous nous rangerons bien sûr derrière notre brillant rapporteur.
Cela étant, quelle lâcheté, quelle mauvaise foi faut-il pour ne pas voter une telle disposition ! Quelle somme de mensonges faut-il pour justifier l'injustifiable !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Que faut-il comme contradictions pour étouffer sa conscience, quand on sait combien nos professeurs, les personnels de l'éducation nationale, les proviseurs, les principaux, ont besoin de notre soutien face à l'invasion du capitalisme le plus sauvage – celui des marques – et face à l'invasion du communautarisme islamiste.
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Quand on sait combien ils ont besoin de notre aide, quelle tristesse de ne pas la leur apporter !
Le problème, chers collègues de la NUPES, chers collègues d'extrême gauche, c'est qu'à force de vouloir faire table rase, tabula rasa, et de vouloir effacer vos propres racines en plus de celles de la France, vous oubliez d'où vient l'idée d'uniforme républicain. Cela devrait pourtant vous plaire, étant donné qu'elle vient des Jacobins, ces gens qui occupaient vos bancs par le passé.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe RE.
Ah, je vois que M. Léaument réagit !
Quelle était l'idée des révolutionnaires ? Permettez-moi de citer cette belle phrase de l'un d'eux selon lequel l'égalité de toutes les conditions réclame impérieusement le dernier triomphe de l'uniforme. Comment pouvez-vous aujourd'hui combattre cette idéologie, cette idée ?
C'était l'une de leurs rares idées brillantes et si nous l'avions suivie, nous aurions peut-être encore à porter autre chose dans cet hémicycle que nos vestes, nos cravates, nos tenues actuelles – ce qui nous aurait d'ailleurs évité bien des incidents esthétiques sur les bancs de la NUPES !
Applaudissements et rires sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 24 n'est pas adopté.
L'article unique et l'amendement portant article additionnel après l'article unique ayant été respectivement supprimé et rejeté, la proposition de loi dans son ensemble est elle-même rejetée.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à dix-neuf heures cinquante.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi M. Bruno Bilde et plusieurs de ses collègues visant à revivifier la représentation politique (n° 555 rectifié).
La parole est à M. Bruno Bilde, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
« Le mode de scrutin fait le pouvoir, c'est-à-dire qu'il fait la démocratie, ou la tue. » Voilà ce qu'écrivait, en 1947, Michel Debré, le père de la V
Contrairement à de nombreuses réformes en la matière, il n'est pas nécessaire, pour modifier le mode de scrutin aux élections législatives, de passer par une réforme de la Constitution ou par une loi organique. Comme l'écrivait le doyen Georges Vedel, « la réforme du système électoral peut se faire par la loi ordinaire même si cette réforme aurait plus de conséquences […] et une signification plus étendue que la révision de bien des articles de la Constitution ».
Notre proposition de loi vise à mettre en place un scrutin proportionnel de liste au niveau départemental pour les élections législatives. Cette idée, le Rassemblement national la défend depuis longtemps ,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN
comme d'autres formations. Sous la précédente législature, le MODEM et la France insoumise avaient d'ailleurs déposé des propositions de loi en ce sens. Un peu plus loin dans le temps, cette proposition était la quarante-septième des cent une propositions du candidat François Mitterrand. Plus récemment, le président Macron, après avoir soutenu l'intégration d'une dose de proportionnelle, s'est dit favorable à un système de proportionnelle intégrale.
Il s'agissait de l'un des rares points d'accord entre les deux candidats présents au second tour de l'élection présidentielle. Je regrette d'avoir observé en commission que tous les groupes avaient changé d'avis sous prétexte que la proposition venait du Rassemblement national. Quel sectarisme !
La V
En Europe, le mode de scrutin français constitue également une exception. Hormis le Royaume-Uni, qui a adopté le scrutin uninominal à un tour, tous les pays européens appliquent un mode de scrutin proportionnel ou mixte dans le but de concilier du mieux possible la représentation fidèle de l'électorat et la capacité à gouverner efficacement. Force est de constater qu'en France, nous avons perdu les deux : le scrutin majoritaire affaiblit l'Assemblée, décourage les électeurs et ne permet pas une meilleure gestion du pays.
Le scrutin majoritaire conduit structurellement à la surreprésentation du parti arrivé en tête. En 2017, alors que Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon avaient recueilli, à eux deux, 41 % des suffrages au premier tour de l'élection présidentielle, ils n'avaient obtenu que 4 % des sièges à l'Assemblée nationale.
En 1993, le RPR avait obtenu 82 % des sièges avec seulement 40 % des voix.
La composition de l'Assemblée nationale peine ainsi à reproduire une image fidèle de l'expression de la voix du peuple. Le scrutin majoritaire porte atteinte au pluralisme et à notre démocratie représentative. Il aggrave le fait majoritaire alors même que la Constitution donne déjà au Gouvernement des moyens importants pour contraindre notre Assemblée même en l'absence d'une majorité absolue.
Cette situation nourrit l'abstention. Tous les chercheurs que nous avons auditionnés s'accordent sur le fait que les électeurs se démobilisent lorsqu'ils estiment que leur vote n'aura pas d'effet sur le résultat. Les électeurs de gauche se déplacent moins dans les circonscriptions de droite et inversement. Selon une étude récente, le mode de scrutin proportionnel aurait l'effet opposé et augmenterait la participation de 7,5 %, toutes choses restant égales par ailleurs. Nous sommes convaincus que la proportionnelle peut réduire l'abstention et contribuer à rapprocher les Français de la vie démocratique. Elle redonnerait une chance à chaque parti d'obtenir un siège dans chaque département et les électeurs verraient davantage un intérêt à se déplacer. Il s'agit selon nous d'une occasion d'engager un processus vertueux, qui donnerait à l'Assemblée plus de légitimité et de force face au Gouvernement.
Nous proposons un scrutin proportionnel de liste au niveau départemental car il s'agit d'un mode de scrutin lisible et équilibré qui répond aux différentes critiques. Elles sont bien connues et de deux ordres : d'une part, un manque de proximité au profit de ce qu'on pourrait appeler des apparatchiks et, d'autre part, un risque d'instabilité.
Concernant la proximité, le fait que chaque département constitue une circonscription répond à l'objection. Je rappelle que 73 % des sénateurs sont élus au scrutin proportionnel de liste au niveau départemental. Personne n'oserait ici, et certainement pas le groupe Les Républicains, remettre en cause leur attachement et leur connaissance des territoires.
En revanche, il me semble utile que les députés prennent un peu de hauteur pour regarder les problématiques à l'échelle d'un département et pas seulement à celle des actuelles circonscriptions.
Certains s'inquiètent que le scrutin de liste ne favorise des apparatchiks. Je rappellerais d'abord qu'il ne me semble pas que le scrutin majoritaire ait empêché des parachutages dans certaines circonscriptions. On peut très bien être élu au scrutin majoritaire sans jamais croiser un seul électeur, les élections de 2017 nous l'avaient déjà largement prouvé.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Ensuite, cette critique pourrait s'entendre si nous proposions une dose de proportionnelle avec une circonscription unique ou une proportionnelle intégrale au niveau national car il y aurait alors deux catégories de députés : ceux du terrain et ceux de Paris. En l'occurrence, il y aura, bien souvent, moins de cinq sièges à pourvoir puisque soixante-dix des cent sept départements ont moins de cinq députés.
J'ai entendu que les campagnes seraient délaissées au profit des zones urbaines. Le dire, c'est ignorer l'importance qu'aura chaque voix pour remporter un siège et l'intérêt des listes sera justement de permettre aux candidats des zones rurales d'être élus. Le scrutin de liste est susceptible de provoquer un renouvellement des élus, notamment en favorisant l'égalité entre les hommes et les femmes puisque les listes devront être paritaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Concernant la stabilité, il faut bien avoir à l'esprit que les institutions de la V
Il est urgent de prendre en compte le message que les Français nous envoient élection après élection, en se déplaçant moins et en attribuant leurs votes à de nouveaux partis. Ils ont souhaité dépasser le clivage droite-gauche et ils sont satisfaits – les enquêtes d'opinion le montrent – que le président Macron dispose d'une majorité relative au Parlement. Nous devons adapter notre mode de scrutin à cette nouvelle donne pour redonner du souffle à notre démocratie et, en premier lieu, à notre assemblée.
Chers collègues, de grâce, ne fuyez pas à nouveau un débat attendu par les Français et longtemps promis dans cet hémicycle. Ne nous dites pas, une fois encore, une fois de trop, que l'heure n'est pas aux grandes réformes institutionnelles, que la proportionnelle peut encore attendre. Tout cela, nous ne l'avons que trop entendu en 2012, puis en 2017, puis en 2022 ! Le président Macron, alors candidat à sa réélection, disait, le 13 avril 2022, qu'il était ouvert à une proportionnelle intégrale. Aujourd'hui, je mets au défi nos collègues de la majorité de bien vouloir honorer une promesse de leur président.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à revivifier la représentation politique.
Discussion de la proposition de loi modifiant le calcul de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et invitant le Gouvernement à une refonte de la fiscalité locale.
Discussion de la proposition de loi visant à instituer une présomption de légitime défense pour les membres des forces de l'ordre.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra