Si les scandales connus en Ehpad ont bénéficié d'une réaction de votre part – que je juge pour ma part trop insignifiante –, ceux qui ont éclaté dans les établissements relevant de l'ASE ne semblent pas trouver une grande résonance. Heureusement, d'anciens enfants placés sont là pour rappeler, avec un énorme courage, qu'ils existent. Je cite : « J'ai été violée tous les jours par trois adolescents de quinze ans. […] Potentiellement, cela allait être ça, ma vie. […] Je me sentais crade, je me sentais sale, je me sentais dégoûtante. […] Je voulais disparaître. » Je vous épargne les mots plus crus de Charlie, placée en foyer de l'enfance jusqu'à ses 18 ans. Nous aimerions entendre leurs paroles plus facilement et plus directement et tel était l'enjeu de la proposition de loi. En effet, pour ces personnes parfois maltraitées psychiquement et dans leur corps, le témoignage est l'unique moyen de soulager temporairement des souffrances que l'on peut imaginer.
Je me réfère à la pensée d'Auguste Blanqui selon laquelle « les malheureux n'ont que la patrie ». Ces victimes, bien souvent seules, éloignées de leur famille, attendent de nous, et de l'État, une oreille attentive à même de pallier leur isolement. Il faut être d'une mauvaise foi mortifère, comme vous l'êtes tous aujourd'hui dans cet hémicycle, pour ne pas reconnaître que la loi du plus fort s'applique bien souvent dans ces établissements.
Certains d'entre vous s'apprêtent à voter en faveur des amendements de suppression de l'article unique. Une chose est sûre : en refusant d'adopter ce texte, vous perdez à tout jamais le droit de vous indigner.